II. UNE INSTITUTION EN ÉTAT DE MARCHE

Confrontée à de graves dysfonctionnements lors de l'ouverture au public en novembre 1998 des espaces en rez-de-jardin réservés aux chercheurs, la Bibliothèque nationale de France a su, depuis, améliorer de manière significative le service rendu aux lecteurs.

A. LES DIFFICULTÉS DE L'OUVERTURE

1. Une ouverture retardée

Une inauguration qui ne coïncide pas avec l'ouverture au public de la bibliothèque

Dans une lettre adressée au Premier ministre, M. Michel Rocard, le 23 mars 1989, le président de la République avait précisé : " Je suis très attaché à ce que cette réalisation puisse être achevée, au moins pour la première tranche significative dans les cinq ans à venir. " . La date butoir de la fin du septennat était donc fixée pour l'achèvement des travaux.

Ce calendrier très serré n'a été respecté que pour le bâtiment lui-même, le président de la République n'a en effet inauguré en mars 1995 que des salles vides. Ce n'est que dix-huit mois plus tard que les salles réservées au grand public ouvrirent, le 17 décembre 1996, les espaces consacrés à la recherche n'étant inaugurés que le 9 octobre 1998.

Le calendrier très serré fixé par le président n'a pu être tenu qu'au prix d'un artifice consistant à considérer qu'une bibliothèque est définie par ses murs et non par ses collections.

Les retards constatés -qu'il convient toutefois de minimiser au regard des expériences étrangères- résultent de l'ampleur et de la complexité du projet scientifique mais également des difficultés rencontrées dans la mise en place du système informatique.

Un projet scientifique irréalisable dans le calendrier fixé

Outre les différentes vicissitudes qu'elle a connu et que nous avons retracées plus haut, la mise en oeuvre du programme scientifique s'est heurtée à l'impossibilité de mener à bien dans le délai imposé par le président de la République à la fois la construction d'un nouveau bâtiment et le déménagement des collections.

En effet, la vocation patrimoniale de la nouvelle bibliothèque se renforçant, le projet impliquait une véritable opération " tapis-volant " entre la rue de Richelieu et le site Tolbiac afin d'installer les collections d'imprimés et de périodiques dans le nouveau bâtiment. Or, cette opération, compte tenu de l'ampleur des collections, ne pouvait être menée à bien, pour le déménagement lui-même qu'une fois les nouveaux magasins équipés, en novembre 1995.

Ce transfert fut d'autant plus délicat à organiser que le déménagement impliquait un récolement complet des collections, dont la responsabilité fut légitimement confiée à la BN, qui devait par ailleurs continuer à assurer son propre fonctionnement. Le récolement décidé dès 1990, fut réalisé entre 1991 et 1994 et permit de prendre l'exacte mesure des collections dont le dernier recensement remontait à 1947 ! Enfin, il convient de rappeler que, durant le déménagement, la communication des ouvrages aux lecteurs ne fut pas ou quasiment pas interrompue, ce qui ajoutait encore à la difficulté de l'opération. Au regard de ces exigences, il convient de se féliciter des conditions parfaites dans lesquelles se déroulèrent ces opérations, auxquelles fut consacré un budget de 93 millions de francs, budget qui couvrait également le récolement.

Cependant, la phase préparatoire à ce transfert a incontestablement tardé à démarrer. En 1992, les collections devant être déménagées à Tolbiac n'étaient pas encore définies : une césure des imprimés et des périodiques à la date de 1870 était en discussion et la localisation des manuscrits était encore débattue. Ce n'est qu'au début de l'année 1992 que ces questions furent définitivement tranchées. Une fois l'ampleur du déménagement arrêtée, les mauvaises relations entre la BN et l'EPBF engendrèrent des difficultés de mise au point du phasage des opérations. Enfin, les incertitudes sur l'organisation interne de la bibliothèque (stockage, séparation des espaces grand public - chercheurs, répartition des salles de lecture) obérèrent également les espoirs d'accélérer le cours des choses.

A cela, s'ajoutèrent les retards pris dans la réalisation du programme ambitieux d'acquisitions pour constituer les collections en libre accès et compléter les collections dans des disciplines peu investies par la BN (sciences et techniques, droit et économie).

Au-delà des difficultés inhérentes à la mise en oeuvre du projet scientifique, le retard pris dans la réalisation de la nouvelle bibliothèque trouve son origine dans les conditions de réalisation du système informatique.

Les dérives du système informatique

Là encore, comme pour le bâtiment lui-même, l'ambition des objectifs initiaux conjugués à des défaillances de la maîtrise d'ouvrage comme de la maîtrise d'oeuvre expliquent les retards enregistrés dans les différents aspects du projet informatique qui, aujourd'hui encore, n'est pas achevé.

Les conséquences de tels dysfonctionnements ont été d'autant plus sensibles que la réalisation du système constituait une condition nécessaire pour permettre à la nouvelle bibliothèque d'ouvrir. En effet, l'ensemble des fonctions de la BNF, patrimoniales mais également administratives, devaient être gérées par ce système, qui constituait un des aspects les plus novateurs du projet mais aussi les plus audacieux comme l'ont souligné les différents audits réalisés à la demande de l'établissement ou de sa tutelle.

Le système informatique de la BNF

Un appel d'offres pour un marché de conception a été lancé en 1991. Ce marché visait à définir les besoins du système d'information et ses spécifications fonctionnelles. Ce marché fut remporté par un groupement mené par la société CAP-GEMINI, avec différents partenaires dont les sociétés Bull et Geac. Ce marché se déroula durant toute l'année 1992 et se termina au printemps 1993. Il aboutit à la définition d'un système informatique intégré comprenant un ensemble de 21 modules applicatifs couvrant toutes les fonctions ou processus dont l'informatisation était attendue.

Les spécifications produites constituaient la base d'un marché de réalisation dont l'appel d'offres fut lancé au début 1994. Ce marché fut remporté fin 1994 par un groupement mené par la société CAP-GEMINI, et comprenant les sociétés IBM et ATA.

La réalisation du système d'information et de ses 21 modules était échelonnée sur trois versions successives et complémentaires :

• V1 : modules nécessaires à l'ouverture au public de la bibliothèque (recherche catalogue, communication de documents, accès réseau CDRoms et documents numérisés, bornes d'informations) et à la gestion administrative (bureautique, gestion des ressources humaines et paie) ;

• V2 : modules nécessaires au circuit des entrées de documents (acquisitions, dépôt légal, catalogage) et leur traitement (conservation, reproduction) ;

• V3 : fonctions complémentaires pour ces modules (gestion de caractères non latins, interfaces avec un système comptable,...).

La réalisation comprenait aussi les opérations de migration des données à partir des systèmes existants avant l'ouverture de la V1, les migrations complémentaires durant la phase transitoire V1/V2 et toutes les actions d'accompagnement et formation nécessaires à la mise en place du système.

Le marché était découpé en deux tranches : une tranche ferme, suivie d'une tranche conditionnelle. La tranche ferme comprenait la reprise des spécifications générales fonctionnelles, la rédaction des spécifications détaillées de la V1, les études d'architecture et techniques et la réalisation d'un prototype dit V0 de faisabilité du catalogue et de dimensionnement de l'infrastructure technique générale. La tranche conditionnelle comprenait les rédactions des spécifications détaillées des chaînes applicatives V2 et V3 et les travaux de programmation et d'intégration des V1, V2 et V3.

Les travaux de la tranche ferme ont commencé début janvier 1995 et se sont achevés début 1996. Cette tranche ferme fut marquée par des retards et difficultés, principalement autour des études d'architecture, des spécifications détaillées de la V1 et surtout de la réalisation du prototype V0.

L'appel d'offres pour un marché d'équipement a été lancé à l'automne 1995. Ce marché avait pour objectif la fourniture de toute l'infrastructure matérielle et logicielle nécessaire au fonctionnement du système, avec comme cahier des charges les études techniques et de dimensionnement issues du marché de réalisation. Les soumissionnaires devaient aussi effectuer un portage du prototype V0 sur les matériels proposés pour démontrer la bonne adéquation de leurs offres aux exigences techniques du système. La procédure utilisée fut celle d'un appel d'offres sur performances. Le marché fut remporté en 1996 par un groupement mené par Bull, et comprenant différents fournisseurs comme Zenith, Sequent, Fore Systèmes, Oracle et Microsoft.

La tranche conditionnelle du marché de réalisation et le marché d'équipement démarrèrent mi-septembre 1996.

Le planning prévoyait une mise en oeuvre de la V1 pour l'ouverture de la bibliothèque du rez-de-jardin en octobre 1988, suivie des mises en oeuvre des versions V2 et V3 respectivement fin 1998 et début 1999.

Le verdict de l'inspection des finances et de l'inspection générale de l'administration du ministère de la culture 13 ( * ) en 1996, confirmé en 1998 par la Cour des comptes, sur la conduite du projet est sans appel :

" Les retards pris et prévisibles dans la mise en oeuvre des marchés de réalisation et d'équipement des systèmes d'information rendent peu probable que soit respectée la date d'ouverture prévisionnelle de la BNF en septembre 1997.

" Ces retards sont le résultat d'un processus cumulatif, engagé dès 1990, qui traduit au cours de la période récente un dysfonctionnement dans les relations entre le maître d'ouvrage et le maître d'oeuvre du marché de réalisation.

" Ils se conjuguent avec un coût global et injustifié de réalisation du système.

" La responsabilité incombe sans doute largement au maître d'oeuvre, dont les défaillances incontestables ont été mises en lumière par un rapport d'audit, conduit par la société Ernst and Young en décembre 1995. Mais la conduite du projet par la maîtrise d'ouvrage manifeste elle aussi quelques insuffisances, auxquelles il conviendrait de remédier rapidement.

" La direction générale de l'établissement est en effet apparue assez peu impliquée directement dans la gestion du projet, en dépit de son importance stratégique. ".

Selon le schéma directeur opérationnel du système d'information achevé à la fin de l'année 1991, la phase de conception devait s'étaler de janvier à septembre 1992 pour permettre d'entamer la réalisation en juillet 1993 et d'effectuer la recette du système en avril 1995.

Or, faute de pouvoir tenir ces délais, à la mi-1993, c'est-à-dire à la fin de la phase de conception, l'ouverture a été repoussée en 1996. Ces échéances furent à nouveau modifiées à deux reprises pour tenir compte du délai nécessaire à la réalisation du système puis de l'exceptionnelle durée de passation du marché de réalisation.

Les difficultés rencontrées doivent toutefois être appréciées au regard des exigences fixés par les concepteurs du projet, exigences dont la légitimité a été discutée par les experts successifs qui l'ont évaluée. Là encore, il est opportun de se demander si on n'aurait pas pu faire la même chose pour moins cher.

La complexité de réalisation du système informatique tient en effet à la multiplicité des fonctions qu'il gère mais également dans leur interdépendance. En effet, la mise au point comme le fonctionnement d'un logiciel qui fait dépendre 21 sous-systèmes d'une fonction centrale (la confection, la consultation et la mise à jour du catalogue) apparaissent particulièrement lourds.

Il semble que ce projet ait été également considéré comme démesuré par les entreprises du secteur informatique comme l'attestent les difficultés rencontrées par l'établissement dans le déroulement de l'appel d'offres lancé pour le marché de réalisation. M. Jean Favier, président de la Bibliothèque nationale de France de 1994 à 1997, a indiqué lors de son audition par la mission d'information que les résultats de l'appel d'offres qui se réduisaient à deux réponses en tout et pour tout, obligeaient l'établissement à choisir entre une offre qui, si elle rentrait dans l'enveloppe budgétaire, apportait des réponses techniques lacunaires et une seconde, excellente mais trop coûteuse, un compromis s'étant alors imposé grâce à une offre conjointe des deux entreprises soumissionnaires.

Une ouverture au public réalisée dans des conditions périlleuses au regard de l'état du système informatique.

L'ouverture du haut-de-jardin, n'a pas posé de problèmes majeurs dans la mesure où, s'agissant de salles de consultation de collections en libre accès, elles nécessitaient un moindre équipement informatique. On relèvera toutefois que le retard pris dans la réalisation du marché informatique a contraint la BNF à implanter un système d'accès au catalogue des 150 000 volumes présentés, système transitoire car indépendant des applications alors en cours de réalisation, dont le coût s'est ajouté aux frais engagés pour la réalisation du système informatique principal.

En revanche, l'ouverture des salles du rez-de-jardin a été réalisée dans des conditions plus délicates.

En effet, compte tenu des retards pris dans la réalisation du marché de réalisation, la décision a été prise d'ouvrir la bibliothèque du rez-de-jardin avec une version incomplète de la V1, qualifiée selon les termes du marché de " solution d'attente ". Cette situation provisoire était regrettable d'autant plus qu'au cours de sa mise en oeuvre le projet informatique avait d'ores et déjà subi d'importantes modifications destinées à réduire ses fonctionnalités, modifications imposées au nom de l'efficacité mais qui ne se sont pas traduites par une réduction du coût d'ensemble.

L'option retenue était d'autant plus hasardeuse que le fonctionnement de ces espaces est entièrement tributaire du système informatique, qu'il s'agisse de la réservation des places, de la consultation des catalogues ou encore de la communication des ouvrages.

2. Les dysfonctionnements de la nouvelle bibliothèque

L'ouverture du rez-de-jardin, le 9 octobre 1998, a révélé les limites du projet et de ses conditions de réalisation.

Les dysfonctionnements du système informatique, de l'aveu de tous prévisibles, se doublèrent d'un mouvement de mécontentement du personnel qui surprit par sa vigueur une administration qui avait cru un peu vite à la solidité de la nouvelle institution.

Des dysfonctionnements qui compromettent la mission même de la nouvelle bibliothèque...

Dès la mise en service des salles du rez-de-jardin, de nombreuses pannes informatiques entraînèrent de graves perturbations dans la commande et la communication des ouvrages, imposant aux chercheurs comme aux personnels des conditions de travail éprouvantes, et conduisant l'administration à suspendre à certaines heures la consultation.

Le système informatique s'est avéré incapable de remplir les missions qui lui était assignées, faute d'avoir été testé dans les règles de l'art .

Les retards pris dans sa réalisation, comme les délais imposés pour l'ouverture du rez-de-jardin, n'ont laissé à la BNF et au maître d'oeuvre qu'un mois pour tester le système, au lieu des six mois prévus initialement. Le système a donc été mis à la disposition du public sans que la " recette " du système ait pu être effectuée, c'est-à-dire sans que son bon fonctionnement ait été attesté par le maître d'oeuvre. A l'issue des ultimes tests réalisés avant l'ouverture au public, le système informatique n'atteignait pas plus de 33 % de l'objectif contractuel.

L'ouverture des salles de recherche apparaissait donc comme un pari risqué imposé par le souci de l'autorité de tutelle de tenir les délais, quitte à avancer à marche forcée.

Cette précipitation conjuguée aux retards pris dans sa réalisation explique donc les défaillances d'un système, qui pourtant lors des premiers jours d'ouverture ne fut guère sollicité, le public étant somme toute peu nombreux et les capacités du serveur ayant été bridées dans un souci de prudence.

Interrogés sur ce point par la mission, les responsables de la BNF comme ses personnels ont estimé que ces difficultés étaient prévisibles.

M. Jean Favier a déclaré : " Nous ne pouvions faire des simulations. Le public n'aurait pas accepté de jouer les cobayes, et le personnel ne pouvait figurer le public puisqu'il connaissait le système ". Cependant, en dépit de ces obstacles, force est de reconnaître que les tests techniques qui précèdent la mise en service de tout système informatique n'ont pas été effectués, faute de temps il est vrai.

Il apparaît également que le personnel ne disposait pas d'une bonne connaissance du système. Si des sessions de formation ont été organisées par la direction de la bibliothèque, des représentants des personnels ont indiqué à la mission qu'elles se déroulaient sur des écrans factices, compte tenu des retards pris dans la réalisation du système informatique...

... et se doublent d'un mouvement de contestation

Les défaillances du système information ont cristallisé le mécontentement des personnels, exaspérés par ailleurs par les conditions de travail imposées par le bâtiment et par un climat social en réalité très dégradé.

Le rapport de l'inspecteur des bibliothèques Albert Poirot établi dans le cadre de la mission qui lui a été confiée par la ministre de la culture et de la communication à la suite du mouvement de grève, décrit très justement ce processus cumulatif : " Soudainement confronté à des difficultés inattendues, peu au fait des processus relatifs à une situation informatique dégradée, le personnel a réagi avec courage pour aider des lecteurs par ailleurs perdus dans un cadre nouveau. Puis la colère s'est installée, redonnant vigueur à des revendications sur les jours d'ouverture ou le régime des vacataires. Les conditions de travail et les défauts du bâtiment ont donné de nouveaux arguments aux grévistes ; s'est alors ajouté un fort ressentiment contre la direction de la Bibliothèque nationale de France, accusée d'impéritie et d'autoritarisme ".

Cette situation, qui semble avoir été sous-estimée par la direction de l'établissement, explique le mouvement de grève de l'automne 1998 qui obligea à fermer la bibliothèque pendant près d'une vingtaine de jours et contraignit l'autorité de tutelle à modifier très sensiblement les modalités de fonctionnement de l'établissement.

Le protocole d'accord signé le 6 novembre 1998 fixait les conditions dans lesquelles reprenait le travail dans les deux espaces ouverts au public mais comportait également des engagements de la direction et du ministère de la culture sur des dossiers intéressant le statut et la rémunération des agents.

S'agissant des questions liées à la gestion du personnel, la tutelle s'engageait à examiner le statut des magasiniers afin de veiller à une plus grande prise en compte de la spécificité des tâches confiées aux agents affectés à la BNF mais aussi à apporter des solutions à la situation des vacataires dans un souci de réduction de la précarité.

Pour ce qui concerne les modalités de fonctionnement de la bibliothèque, il fut décidé de fermer le rez-de-jardin le lundi jusqu'au 31 janvier 1999.

Cette décision, qui consistait à fermer pendant deux jours consécutifs, le dimanche et le lundi, le rez-de-jardin, et donc à réduire significativement le service rendu aux lecteurs, fut présentée comme un moyen de procéder à une vaste consultation du personnel 14 ( * ) mais également de permettre la montée en charge du service informatique. La fermeture du lundi apparaissait alors comme une mesure provisoire puisqu'il était envisagé de rouvrir progressivement le rez-de-jardin le lundi à partir du 1 er février 1999, une enquête devant par ailleurs être conduite auprès des usagers afin d'examiner si les horaires d'ouverture et les services actuels répondaient à leurs attentes.

Des modalités prudentes de réouverture des salles réservées aux chercheurs étaient arrêtées : il était instauré un système de commande des ouvrages en différé (c'est-à-dire de la veille pour le lendemain et non plus le jour-même), ce qui là encore marquait un très net recul par rapport aux services offerts par la BN.

Si ces décisions ne correspondaient pas aux ambitions initiales du projet, elles permirent à l'établissement de se remettre en marche et de procéder aux ajustements nécessaires pour garantir un fonctionnement minimal dans un contexte social apaisé.

Comme l'a souligné devant la mission l'inspecteur général des bibliothèques, M. Albert Poirot, la BNF à l'automne 1998 était un " établissement en panne ". A cet égard, l'organisation d'une consultation du personnel qui, à l'ouverture de la bibliothèque, avait eu le sentiment de ne pas avoir été entendu ni pris en compte, apparaissait comme un préalable nécessaire à une amélioration du fonctionnement de la BNF.

B. DES AMÉLIORATIONS SIGNIFICATIVES APPORTÉES AU FONCTIONNEMENT DE LA BNF

Le rapport de l'inspecteur général Albert Poirot qui eut pour principal mérite de renouer ou de créer le dialogue entre la direction de l'établissement et les personnels fut suivi en mars 1999 d'une lettre adressée par la ministre de la culture et de la communication au président de l'établissement, M. Jean-Pierre Angremy, comportant l'annonce de plusieurs mesures.

Force est de constater que l'ensemble de ces mesures consistait surtout dans la commande de nouvelles études ou de nouveaux rapports (programmation des travaux, réflexion sur les horaires d'ouverture, programme d'évaluations thématiques proposé par la direction du livre et de la lecture) ou dans l'expression en termes très généraux de souhaits concernant la nouvelle dynamique à donner à la politique du personnel, l'amélioration des conditions d'accueil du public ou encore le développement des services à distance.

Il revenait donc à l'établissement de compter sur ses propres forces pour remplir les missions qui lui avaient été attribuées.

A cet égard, les membres de la mission souhaitent rendre un hommage appuyé aux efforts considérables accomplis en ce sens par la direction de l'établissement et ses personnels, dont la détermination et la compétence ont permis d'apporter de significatives améliorations au fonctionnement de la BNF.

1. Un meilleur service rendu aux lecteurs

Les progrès enregistrés dans la communication des ouvrages

Ces progrès ont pu être obtenus grâce à une amélioration des performances du système informatique mais aussi grâce à une forte mobilisation du personnel.

Le système informatique, s'il reste pour une grande part encore à réaliser, a vu sa disponibilité globale très nettement améliorée.

Au regard des différents critères dont dispose la BNF pour apprécier le fonctionnement de l'informatique, la situation apparaît aujourd'hui très encourageante. Les incidents informatiques sont en effet en très forte diminution.

Le taux de disponibilité du système, qui rapporte le nombre d'heures de pannes au nombre d'heures de fonctionnement atteint désormais quasiment 100 %. Les difficultés rencontrées par les personnels et les lecteurs dans l'utilisation quotidienne du système sont en voie de réduction comme en témoigne l'analyse des appels reçus par le bureau d'assistance centralisée, qui permet de cerner à la fois leur ampleur et leur fréquence. Par ailleurs, les enquêtes réalisées auprès du public font état d'une progression des indices de satisfaction. Cette évolution a pu être confirmée par les propos tenus par plusieurs des personnalités entendues par la mission. Ainsi, M. Thierry Jaccaud, représentant des lecteurs au conseil d'administration de la BNF, rappelant la situation déplorable de l'ouverture, a souligné la qualité des services rendus désormais par le système informatique et a confirmé le sentiment général des lecteurs qu' " aujourd'hui ça marche ". De même, le lecteur averti, s'il en est, qu'est M. Emmanuel Le Roy Ladurie a reconnu que l'informatisation du catalogue constituait un progrès décisif pour la recherche et a admis qu'au prix d'une période d'apprentissage relativement brève, le système était aisément utilisable.

Les ajustements du système ont été réalisés essentiellement par les équipes du service informatique de la BNF. En effet, le marché de réalisation du système confié à la société Cap-Gemini a été résilié en juillet 1999.

L'amélioration des fonctionnalités a été réalisée progressivement par la mise en oeuvre de nouvelles versions des logiciels, successivement en mars, juin et septembre 1999. Une nouvelle version a été installée en février dernier, une autre le sera en juillet 2000

Les résultats les plus manifestes de cette montée en puissance du système informatique concernent les procédures de réservation de place et de communication des ouvrages.

La communication en direct des ouvrages, abandonnée dès l'ouverture en raison des difficultés qu'elle engendrait, a repris progressivement. Après trois vagues de tests successifs réalisés au cours du premier semestre 1999, il a été possible d'accroître la charge et la durée des plages de communication. Le 22 juin 1999, a été rétablie une " fenêtre " de communication directe de 10 heures à 15 heures, du mardi au vendredi. Cette amélioration notable, permettant aux lecteurs de planifier leurs demandes en utilisant les deux modes de communication à la fois, s'est traduite par un accroissement très net des consultations.

Répondant au souhait exprimé par l'autorité de tutelle d'étendre la communication, un effort a été engagé pour tenter d'augmenter, sans toutefois, dépasser les possibilités du système, le nombre de volumes commandés : celui-ci a été par paliers successifs, porté de 5 à 8, puis 10. Par ailleurs, les horaires de communication directe sont passés de 9 heures à 17 heures du mardi au vendredi et de 13 à 16 heures le samedi 15 ( * ) .

Le délai moyen de communication des ouvrages a été ramené à environ 45 minutes, délai comparable à celui constaté dans les bibliothèques étrangères de même dimension.

La procédure de réservation de places, indispensable pour que les documents demandés puissent parvenir au lecteur, qui a tant perturbé l'ouverture du rez-de-jardin, s'est elle aussi considérablement améliorée, même si le système comporte encore quelques rigidités. Parmi les progrès, on notera que, depuis le mois de mai dernier, elle peut s'opérer à distance sur Internet, tout comme la réservation de documents rendue possible sur ce média dès l'automne 1998.

Le fonctionnement du catalogue a été très sensiblement amélioré même si certains modes de recherche envisagés initialement ne sont pas encore disponibles.

L'existence d'un catalogue informatisé constitue, comme l'a souligné M. Emmanuel Le Roy Ladurie devant la mission, un des progrès majeurs rendus possibles par le projet de la construction d'une nouvelle bibliothèque. Le déménagement des collections de Richelieu sur un site modernisé a en effet permis de poursuivre à un rythme accéléré l'informatisation engagée par l'ancienne BN.

Ce travail de rétroconversion 16 ( * ) , qui constitue l'élément clé de modernisation de la mission patrimoniale confiée à la BNF, a permis d'ouvrir de manière considérable l'accès au patrimoine bibliographique national . A ce titre, il constitue une incontestable réussite, bien qu'il soit encore inachevé.

En effet, il convient de rappeler qu'en 1988, la BN ne disposait pas d'un catalogue unique de ses livres imprimés et de ses périodiques. Son catalogue informatisé BN-Opale, mis à la disposition du public en février 1988, ne recevait que les ouvrages postérieurs à 1980, avant qu'une première campagne d'informatisation rétrospective ne permette de disposer, à partir de 1990, de notices informatiques pour les ouvrages entrés à la BN entre 1970 et 1979. Pour les ouvrages antérieurs à 1970, les lecteurs devaient recourir à 5 catalogues imprimés et 24 fichiers manuels.

Le catalogue BN Opale-Plus qui, à terme, a vocation à couvrir l'ensemble des collections de la BNF, a été réalisé grâce à un travail considérable de rétroconversion portant sur les fichiers et les catalogues imprimés de la BN des origines à 1969 pour les livres et des origines à 1960 pour les périodiques. A cet ensemble, ont été ajoutées les notices de la base BN-Opale recensant les livres et les périodiques entrés depuis ces dates. A l'heure actuelle, il permet de consulter 7 millions de notices décrivant 8 millions de documents (livres et périodiques) conservés à la BNF et permet d'accéder à près de 850.000 notices d'autorité. Ce catalogue est accessible depuis l'ensemble des postes de consultation des sites Tolbiac et Richelieu mais également, depuis mai 1999, sur Internet. On rappellera que si BN-Opaline (documents spécialisés) n'est pas accessible sur Internet, le catalogue des documents en libre accès de la BNF l'est depuis 1997 pour ceux du haut-de-jardin, et 1998 pour ceux du rez-de-jardin.

Il importe également de relever les résultats positifs de la politique de numérisation .

Cette politique, élément indispensable pour permettre à la BNF de fonctionner en réseau et d'être consultable à distance, porte enfin ses premiers fruits. Les retards accumulés en ce domaine ont été, en effet, considérables. Ce n'est qu'en octobre 1997, soit neuf ans après que le projet a été lancé, que les lecteurs ont pu accéder aux collections numérisées. Cependant, il convient de souligner le succès tout à fait considérable rencontré par cette initiative. A l'origine accessibles sur les postes de consultation de la BNF, les collections numérisées sont désormais consultables sur Internet depuis le début de l'année par le biais du serveur Gallica 2000 de la BNF, qui par l'importance des ressources qu'ils offrent (49 900 ouvrages, et 45 000 images fixes), permet à la BNF d'être en ce domaine dans le peloton de tête des grandes bibliothèques numériques.

Certes, l'idée de bibliothèque numérisée n'est plus aujourd'hui celle qui prévalait lors du lancement du projet, qui, on le rappellera, devait essentiellement permettre aux lecteurs de la BNF d'avoir accès à un volume important de documents numérisés sur des postes de travail offrant de nouvelles techniques d'analyse des textes. En effet, aujourd'hui, la priorité a été donnée à l'accès en ligne, ce qui suppose que tous les fonds numérisés -en particulier ceux non libres de droit- ne soient pas accessibles par ce biais. Par ailleurs, le mode de numérisation (mode image au lieu du mode texte) retenu pour des raisons budgétaires, se traduit par une réduction des potentialités d'exploitation scientifique des textes.

Cependant, les serveurs Gallica, comme la mise en ligne du catalogue BN-Opale Plus, permettent à la BNF de commencer à répondre aux objectifs fixés en 1988 en relevant l'enjeu technologique et le défi démocratique d'une bibliothèque accessible à distance et à tous.

Une mobilisation du personnel

Comme l'ont souligné devant la mission les représentants de l'administration de la BNF comme des utilisateurs, l'amélioration du fonctionnement du site Tolbiac doit beaucoup à la forte mobilisation du personnel.

Il apparaît, à l'issue de la période de rodage, que les missions des bibliothécaires n'ont pas été remises en cause par l'informatique, bien au contraire .

En effet, la disponibilité des personnels des salles de lecture permet de régler bon nombre des difficultés rencontrées par les lecteurs dans leurs recherches. A cet égard, les séances de " questions-réponses " organisées en rez-de-jardin pour donner aux lecteurs la possibilité d'interroger les responsables de la BNF permettent de créer les conditions d'un dialogue : les comptes rendus en sont largement distribués et le thème de certaines séances, fixé par les lecteurs eux-mêmes. Des ateliers d'initiation au maniement du catalogue informatisé ont été mis en place. Enfin, la revue destinée aux lecteurs, " Chroniques ", s'est enrichie de rubriques à usage pratique fort utiles pour le maniement des instruments de recherche bibliographique.

Cette disponibilité des personnels, appréciée par les lecteurs, à laquelle les personnels eux-mêmes sont au demeurant très attachés, a été rendue possible par la priorité accordée dans l'organisation du travail des différents départements à la présence en salles dans le souci de privilégier la mission de communication du patrimoine.

Ces améliorations se traduisent par une augmentation de la fréquentation.

Les améliorations apportées au fonctionnement du site Tolbiac ont permis de révéler au public les avantages offerts par le nouveau bâtiment.

Certes, les capacités du site Tolbiac ne sont pas à la hauteur des ambitions avancées lors du lancement du projet. Rappelons pour mémoire que le rapport annuel de l'EPBF pour l'année 1990 anticipait la création de 6 000 places ! En effet, les salles du haut-de-jardin offrent aux lecteurs 1 700 places de lecture ; les salles en rez-de-jardin, comptent théoriquement près de 1 900 places, dont 1 300 seulement sont réservables.

Cependant, ces chiffres témoignent du progrès que représente le nouveau site par rapport à la rue de Richelieu qui, hors les départements spécialisés, comptait seulement 444 places de lecture pour les collections des imprimés, 196 pour les périodiques et 78 en salle des catalogues.

Les files d'attente , traditionnelles à Richelieu, qui obligeaient les lecteurs à attendre deux heures, voire plus, pour une place, ont disparu à Tolbiac, pour le rez-de-jardin du moins.

Le confort des salles de lecture a été considérablement amélioré. Si le jardin imaginé par l'architecte Dominique Perrault constitue un handicap fonctionnel, il offre aux lecteurs un horizon à l'esthétique incontestable. Les salles sécrètent une atmosphère laborieuse et recueillie ; M. Emmanuel Le Roy Ladurie a reconnu qu'on y travaillait plus qu'à Richelieu !

Par ailleurs, les collections en libre accès offertes aux lecteurs sont sans commune mesure avec celles de Richelieu : 250 000 volumes en rez-de-jardin et 250 000 volumes en haut-de-jardin.

La configuration du bâtiment, comme les parcours d'accès, interdisant de fait de sortir des espaces de travail pour prendre une pause durant les heures de travail passées en salles de lecture, la mission ne peut que souligner les améliorations apportées aux " conditions de vie " mais aussi de travail des lecteurs . On se réjouira à cet égard des efforts accomplis pour faciliter l'accès des lecteurs aux salles, de la rénovation en août 1999 de la cafétéria qui offre enfin des services satisfaisants ou encore de l'amélioration de la signalétique jusqu'ici indigente.

De même, il conviendra de se féliciter des facilités offertes aux lecteurs du rez-de-jardin pour se déplacer entre les quatre départements grâce à un assouplissement des règles de consultation des collections en libre accès, ce qui semble de nature à faciliter les recherches interdisciplinaires.

Déserté à l'origine, le site Tolbiac est aujourd'hui menacé de saturation.

Cette situation, si elle présente des risques pour l'avenir, corrobore les résultats encourageants des enquêtes de satisfaction réalisées auprès du public.

Le nombre des entrées en salles a, depuis 1998, connu une forte progression retracée dans le tableau ci-après :

1998

1999

sur la base du 31/10/99

Haut-de-jardin Tolbiac

670.421

745.200

Rez-de-jardin Tolbiac

24.535

218.660

Richelieu, Arsenal, Opéra, Avignon

288.818

89.890

Ensemble

983.774

1.053.750

Évolution par rapport à 1998

+ 7,11 %

Le rez-de-jardin, qui a passé le cap des 900 lecteurs par jour à l'été 1999, a continué à progresser à l'automne, passant alors à une moyenne quotidienne de mille lecteurs et dépassant certains jours 1200 lecteurs. Par ailleurs, comme le relève M. Jean-Pierre Angremy, président de la BNF : " contrairement à ceux qui promettaient la désaffection massive des étrangers, on peut constater qu'ils représentent aujourd'hui plus du quart des lecteurs ". Ce public n'est pas le même que celui des salles de Richelieu. Plus jeune, il atteste de la capacité de la BNF à attirer de nouveaux publics, au sein du monde de la recherche. On notera que le public des salles des imprimés et des périodiques de Richelieu ne s'est pas reporté sur les salles des collections spécialisées mais s'est replié sur d'autres institutions.

En 1999, ont été établies près de 17 000 cartes annuelles de recherche, auxquelles il convient d'ajouter les 6 000 cartes " douze jours " et les 13 000 cartes " deux jours ", moins onéreuses, destinées à permettre des consultations plus occasionnelles.

Le haut-de-jardin, dont la fréquentation à large majorité étudiante, connaît des variations saisonnières fortes, compte pour sa part environ 3 000 lecteurs par jour.

2. Un effort de modernisation de la gestion de l'établissement

Cet effort, dont la nécessité a été soulignée avec vigueur par le rapport de M. Albert Poirot, s'est manifesté essentiellement au travers, d'une part de l'attention apportée aux méthodes d'administration et, d'autre part, des mesures prises pour remédier à la situation préoccupante des vacataires.

Une attention apportée aux méthodes d'administration

L'organisation administrative de la BNF entre 1994 et 1997 se caractérisait par une grande complexité puisqu'elle ne comptait pas moins de neuf directions. Cette configuration pour un établissement où coexistaient des effectifs très importants, ne partageant pas la même culture, et où l'héritage de Richelieu favorisait un certain isolationnisme des différents départements, ne facilitait pas à l'évidence la conduite d'ensemble d'un projet qui, par son ampleur, aurait dû mobiliser l'énergie de tous.

La réforme de l'organigramme est certainement intervenue à un moment mal choisi puisqu'elle a coïncidé avec la préparation de l'ouverture des salles réservées aux chercheurs : le principe de la réduction de départements a été entériné le 8 juillet 1998 et la liste des départements, arrêtée le 14 octobre 1998. Cependant, elle présente l'avantage d'avoir réduit les complications engendrées par la multiplicité des directions et créé les conditions d'une administration plus efficace. Il semble qu'aujourd'hui elle donne globalement satisfaction -du moins dans les principes qui la fondent.

Le rapport Poirot avait mis en lumière la dégradation du climat social de l'établissement, ce qui, pour une institution dont le bon fonctionnement repose pour une large part sur la mobilisation et l'efficacité du personnel, ne peut qu'inquiéter. Une cause de ce malaise résidait dans la fracture -dont l'importance avait été sous-évaluée lors de l'ouverture- entre l'administration et les agents. L'inspecteur général relevait : " Les méthodes de gouvernement de la BNF sont contestées. On évoque tour à tour une centralisation excessive, la lenteur des réponses, l'autoritarisme, un goût prononcé pour des contrôles tatillons, un manque de délégation, une propension au secret, une censure de l'information. Les réunions entre équipes de directions différentes ont du mal à se tenir, quand bien même l'avis des supérieurs hiérarchiques est dûment sollicité ".

Un effort s'imposait donc pour créer les conditions d'une plus grande cohésion même s'il est incontestable que, dans l'accomplissement de sa mission, l'administration se heurte au gigantisme de l'établissement, gigantisme qu'elle a encore beaucoup de mal à maîtriser .

Les auditions des représentants du personnel par la mission n'ont pu que confirmer cette analyse.

La mise en place de moyens d'information du personnel et d'instances de dialogues -celles qui existent aujourd'hui font plus figure de lieux d'affrontement que de concertation- est apparue à votre rapporteur comme une nécessité.

La volonté de l'établissement de progresser en ce domaine et le mouvement général d'informatisation a permis des avancées.

L'ensemble des agents ont désormais accès à des moyens de communication performants. La mise en place d'un intranet devrait favoriser une circulation de l'information plus rapide et plus efficace, et remédier en partie à l'éclatement géographique des services imposés par la configuration des bâtiments. Le journal interne de la BNF a été modifié afin de mieux tenir compte de la vie des agents. Une séance mensuelle d'information par thème réunit les agents et l'encadrement. L'information sur les réunions de service, jusque là très insuffisante, a été améliorée grâce à la diffusion régulière de comptes-rendus.

Au plan matériel, les agents qui ne disposent pas d'un bureau se sont vus attribuer un casier pour leur courrier, une ligne téléphonique ainsi qu'un accès à l'intranet.

Si ces progrès ne peuvent à eux seuls suffire à apaiser durablement le climat social, ils constituent autant de progrès appréciables susceptibles de renforcer l'unité administrative de l'établissement.

vers une maîtrise progressive de la gestion du personnel

Sans remettre en cause la portée de ces mesures, votre rapporteur souligne que l'amélioration du climat social au sein de la BNF et la construction d'une véritable cohésion du personnel autour des objectifs de service public passent essentiellement par la nature des solutions apportées aux difficultés qu'il rencontre : précarité de la situation des vacataires, diversité des statuts, conditions de travail pénibles, faible niveau de certaines rémunérations.

A ce titre, on ne pourra que se féliciter des premiers pas accomplis pour améliorer les conditions d'emplois des contractuels, qui représentent près de 45 % du total des effectifs de la BNF.

S'agissant des personnels contractuels payés sur crédits de vacation, les solutions apportées s'inscrivent dans les mesures de portée générale arrêtées par la ministre de la culture et de la communication en 1999 à la suite de la grève des agents du ministère de la culture.

Une circulaire du 15 octobre 1999 du ministère de la culture a, en effet, rappelé les règles relatives aux recours à des agents non titulaires pour occuper des emplois dans les services de l'Etat et dans les établissements publics.

Rappel des règles régissant l'emploi des agents non titulaires de l'Etat
et de ses établissements publics.

Des agents non titulaires peuvent être recrutés pour répondre à un besoin permanent à temps complet :

- soit lorsqu'il n'existe pas de corps de fonctionnaires susceptibles d'assurer les fonctions correspondantes,

- soit pour les emplois de catégorie A lorsque la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient.

Les agents ainsi recrutés sont engagés sur des contrats d'une durée maximale d'un an renouvelable par reconduction expresse. Leur recrutement ne peut intervenir que dans les limites des emplois inscrits au budget de l'Etat ou celui des établissements publics.

Des agents non titulaires peuvent également être recrutés :

- soit pour répondre à un besoin permanent mais à temps incomplet,

- soit pour exercer des fonctions correspondant à un besoin occasionnel ou saisonnier à condition que la couverture de ce besoin ne puisse être assurée par un agent titulaire.

Ces recrutements s'effectuent " sur crédits ", de tels besoins ne pouvant justifier la création d'un emploi budgétaire.

Ce texte a également précisé le cadre dans lequel il convenait de régler le cas des agents recrutés sur crédits pour répondre à un besoin permanent à temps complet, retenant la formule d'un contrat sur crédits de vacation annualisé reconductible chaque année, ainsi que celui des agents recrutés pour répondre à un besoin permanent à temps incomplet, recommandant la signature de contrats de trois ans renouvelables.

Au regard de ces règles, un effort de remise en ordre s'imposait à la BNF pour réduire la précarité des agents recrutés sur crédits de vacation qui sont actuellement au nombre de 540 et prévenir le développement de leur nombre.

Ces personnels employés à temps incomplet (120 heures au plus), occupent, pour certains d'entre eux, des emplois permanents non pourvus notamment dans les métiers administratifs et techniques, pour d'autres, complètent les effectifs de magasiniers et de bibliothécaires adjoints, notamment en soirée et en week-end pendant lesquels le règlement intérieur de la BNF limite les effectifs statutaires disponibles.

Diverses mesures ont été engagées depuis juin 1999 pour remédier à la précarité de leurs conditions d'emploi : application de règles plus strictes concernant le recrutement, programme de transformation progressif des crédits en emplois de fonctionnaires pour les fonctions permanentes correspondant à des postes non pourvus. Les mesures de transformation de crédits en emplois décidées sur le budget du ministère de la culture essentiellement destinées dans un premier temps aux musées, n'ont bénéficié que pour une faible part à la BNF : les effets des concours de titularisation devraient donc s'amplifier à partir de 2001, notamment s'ils s'étendent aux filières magasinage, ouvrière et technique. Par ailleurs, devrait être proposé à ces agents, qui, pour l'heure, ne sont liés à l'établissement que par une décision unilatérale de vacation, un contrat de droit public correspondant aux caractéristiques retenus par la circulaire du ministre de la culture, ce qui représenterait une avancée significative.

Au-delà de ces mesures de clarification bienvenues, mais encore partielles, l'établissement public est également confronté à des difficultés plus spécifiques, héritées du passé et des établissements publics auxquels elle s'est substituée, au rang desquelles figure l'épineuse question des contractuels recrutés par l'EPBF et par la BN lors de la phase de préparation du projet.

Il convient de rappeler que l'EPBF puis la BNF elle-même ont été inscrits par décret sur une liste leur permettant de déroger à la règle selon laquelle les emplois permanents de l'Etat sont occupés par des fonctionnaires. Au titre de cette dérogation limitée dans le temps, jusqu'à la mise en service des équipements, ont été recrutés des agents pour accomplir des missions de construction des bâtiments, d'aménagement et de constitution des collections. Depuis l'ouverture du site en octobre 1998, ces agents, aujourd'hui au nombre de 247, titulaires de contrats à durée indéterminée ou de contrats à durée déterminée de trois ans renouvelables, se trouvent dans une situation juridique fragile dans la mesure où la durée de leur contrat ne devait pas dépasser la durée de la dérogation dont ont bénéficié successivement l'EPBF et la BNF.

Par ailleurs, au cours des années 1990 et 1991, la BN a recruté quelque 300 agents contractuels pour mener à bien sur le site Richelieu des opérations, rendues nécessaires par l'ouverture des nouvelles installations du site Tolbiac (inventaire et transfert des collections, rattrapage de catalogue, conversions rétrospectives mais également accomplissement de certaines tâches administratives...). Ces agents, désormais au nombre d'une soixantaine, qualifiés de " contractuels chantiers " ont bénéficié de contrats de trois mois puis de six mois et enfin d'un an à partir de 1994, date de la fusion entre l'EPBF et la BN.

Depuis lors, leurs contrats sont renouvelés chaque année par avenants. Cette pratique qui a permis de manière contestable sur le plan juridique de substituer la BNF à la BN et à l'EPBF, a interdit toute évolution de leur situation en termes d'avancement comme de stabilité de l'emploi alors qu'ils effectuent désormais des tâches équivalentes à celles des titulaires : tâches de magasinage, gestion des bases de données, services aux lecteurs.

La BNF, en concertation avec l'autorité de tutelle, s'est attachée à régler la situation de ces deux catégories de personnels qui participent à la vie de l'établissement dans des conditions d'emploi très précaires. Le projet de loi de modernisation sociale (AN, n° 2415) comporte un article 22 qui, par dérogation au statut général des fonctionnaires de l'Etat, permet de fournir une base juridique au maintien des contrats de ces agents et de les intégrer dans les cadres normaux de gestion des personnels contractuels de l'établissement.

Au-delà de cette mesure de clarification des règles de la gestion des personnels, indispensable au regard de l'équité, votre mission a pu constater les efforts accomplis pour commencer à améliorer les conditions de travail des personnels , en particulier des magasiniers. Depuis la fin de la grève, des études ont été entreprises pour améliorer les arrières banques de salles, les modalités d'accréditation des membres du personnel qui doivent circuler dans les magasins ne relevant pas de leur service, le chauffage des locaux ou encore le suivi de la climatisation.

Les aménagements engagés à ce titre constituent autant de preuves de la volonté de l'établissement de prendre en compte les revendications de ses personnels.

* 13 Rapport d'enquête sur les coûts de fonctionnement de la bibliothèque nationale de France établi par Mme Véronique Hespel, inspecteur général des finances, et M. Christian Pattyn, inspecteur général de l'administration, janvier 1996.

* 14 Cette consultation fut organisée dans le cadre de neuf groupes de travail -dont la synthèse devait être effectuée par un inspecteur général des bibliothèques.

* 15 Le samedi, la communication directe est limitée à 5 volumes.

* 16 La rétroconversion désigne l'informatisation des fichiers manuels tenus sous la forme papier.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page