4. La norme de progression des dépenses fixée a priori n'est respectée qu'au prix d'économies forfaitaires

Votre commission rappelle que l'objectif du gouvernement pour la loi de finances de 1999 consistait à afficher une progression des dépenses de 1 point en volume.

a) Un affichage politique non respecté : la fixation d'un objectif de progression des dépenses

Cet engagement n'a pas été tenu, la Cour des comptes, dans son rapport préliminaire sur l'exécution des lois de finances pour 1999, ayant précisé que " les dépenses de l'Etat ont progressé sensiblement en 1999 ", les charges nettes du budget général augmentant de 3,3 % en valeur et de 2,8 % en volume. Elle conclut à ce titre que : " c'est beaucoup plus que ce qui était prévu (+ 1 % en volume) " .

b) Un procédé dissimulé et nié : la réalisation d'économies forfaitaires

Le gouvernement dément procéder à des économies forfaitaires

La secrétaire d'Etat au budget, Mme Florence Parly, lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 2000, a commenté ainsi la position de votre commission consistant à refuser une augmentation de dépenses de 10 milliards de francs et à lui préférer un redéploiement de crédits : " je m'interroge simplement sur la réalité des économies et des redéploiements que vous proposez. Ces économies me semblent à la fois forfaitaires et aveugles et, par conséquent, quelque peu artificielles ".

Elle appuyait également son analyse des amendements présentés par votre commission par des doutes sur la façon dont ils étaient libellés, estimant que " la condition minimale pour qu'un amendement soit considéré comme une réduction réelle est qu'il comporte explicitement, dans son exposé des motifs, les mentions indispensables à une telle imputation. Il devra donc préciser à quel chapitre il s'applique, et s'il concerne plusieurs chapitres, préciser la ventilation chiffrée de la réduction entre les chapitres en cause ".

En dépit des affirmations du gouvernement, l'ensemble des notes que le directeur du budget adresse au ministre dans le cadre de la prévision d'exécution mentionne l'existence d'un abattement statistique traditionnel comme moyen de réaliser des économies.

• La note du 1 er juillet 1997 précitée, dressant le bilan des facteurs de dérapage affectant la prévision d'exécution du budget de 1997, indique ainsi que le " montant spontané des dérives doit faire l'objet d'un abattement forfaitaire " . Elle comporte également un développement fort intéressant relatif à la manière de réaliser, en pratique, un tel abattement : " si l'on considère pouvoir prévoir la dépense de chaque chapitre budgétaire avec une marge d'incertitude de x % à la hausse comme à la baisse, la prévision individuelle fournie pour chaque chapitre budgétaire se trouve plutôt vers le haut de la fourchette, alors que la dépense finale est statistiquement exécutée pour son niveau moyen. L'agrégation brute des prévisions au niveau le plus fin conduirait donc à une surestimation de la masse globale des charges budgétaires de x %. Ainsi, compte tenu du volume des dépenses du budget général, une erreur systématique de 1 % par chapitre, entraîne une surestimation de ces charges de plus de 15 milliards de francs 34( * ) ".

• La note du 7 avril 1999 est également particulièrement instructive. Elle indique quant à elle : " les moindres dépenses identifiées se montent à 19,2 milliards de francs, auxquels 15 milliards de francs d'abattement statistique doivent être ajoutés ".

Cette note comporte une annexe spécifiquement destinée à expliciter le principe et le mécanisme de l'abattement statistique. Votre commission souhaite reproduire l'intégralité de cette annexe particulièrement éclairante.

L'abattement statistique selon la direction du budget

La prévision d'exécution consiste à anticiper, au niveau de chaque chapitre, ce que sera la dépense comptablement imputée en fin d'exercice. Pour cela, plusieurs catégories d'information sont exploitées : l'évolution des crédits disponibles (sans toutefois y corréler systématiquement la prévision de dépense), les exécutions des années antérieures (tenant compte de l'évolution de la nomenclature) et l'exécution mensuelle en cours.

Cette méthodologie s'applique analytiquement à environ 600 lignes de dépenses. Elle permet de prévoir finement les conditions d'exécution du budget de l'Etat, mais a pour défaut de surestimer légèrement le montant du déficit car celui-ci est influencé par plusieurs phénomènes :

- les gestionnaires et les prévisionnistes ont, malgré eux, une tendance naturelle à corréler leur prévision (ou les révisions de leur prévision) au montant ou aux variations des crédits disponibles, reports compris. Cet aspect comportemental induit nécessairement une surestimation de la dépense, car les crédits n'en constituent qu'une borne supérieure ;

- la dispersion de la nomenclature budgétaire et le poids croissant de la dépense déconcentrée ne permettent pas de développer une approche analytique sur l'ensemble des dépenses ;

- la masse totale du budget sur laquelle porte le risque d'exécution est supérieure aux seules dépenses du budget général : recettes et dépenses des comptes spéciaux, recouvrements de fonds de concours, recettes fiscales et non fiscales. Certaines de ces recettes sont, en outre, plus difficiles à maîtriser que les dépenses : ainsi, la " plus-value " inattendue est souvent plus probable que la dépense inattendue.

Ce biais est avant tout empirique et ne peut, de par sa nature même, être ventilé au chapitre. Un abattement forfaitaire est donc introduit dans la prévision, pour tenir compte de ce biais global, qui s'applique à la fois aux dépenses, aux recettes et à la charge nette des comptes spéciaux. La pratique récente est de choisir, lors de la première prévision d'exécution, un niveau de 15 milliards de francs. Cet ordre de grandeur est validé par les études rétrospectives qui ont pu être menées ; il décroît au fil des prévisions, au fur et à mesure que sont intégrées des informations nouvelles et que les conditions objectives d'exécution sont mieux connues.

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