PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

Art. 70
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2004
Art. additionnels après l'art. 71

Article 71

Les collectivités territoriales et leurs établissements publics informent l'Etat avant toute opération affectant le compte du Trésor. Les seuils et les conditions de mise en oeuvre de cette obligation d'information préalable sont fixés par décret en Conseil d'Etat.

M. le président. La parole est à M. Paul Loridant, sur l'article.

M. Paul Loridant. Depuis la publication de la circulaire du 22 février 1989, prise sous le double timbre du ministère de l'intérieur et du ministère des finances et relative aux concours financiers à court terme offerts aux collectivités locales et à leurs établissements publics, les collectivités locales ont été autorisées à gérer de manière fine leur trésorerie.

Cette faculté de gestion au jour le jour est apparue nécessaire dans le contexte du dispositif, spécifiquement français, de dépôt au Trésor et, par ailleurs, de non-rémunération des dépôts, laquelle reste la règle en dépit des aménagements mineurs introduits par l'article 70 du projet de loi de finances. J'ajoute que la loi organique relative aux lois de finances a maintenu cette règle.

Toutes les collectivités étant endettées, le seul moyen pour elles de gérer leur trésorerie réside dans leur faculté d'ajustement quotidien des flux, qui ne peut être exercée qu'au vu des informations transmises le matin même par l'Etat - c'est-à-dire, en clair, le percepteur et le comptable public -, qui sont contenues dans l'avis de règlement faisant apparaître les débits et les crédits de la journée et dont la collectivité ne peut, au mieux, avoir connaissance qu'en milieu de matinée.

Or cet article 71 vise à inscrire dans la loi un système d'information préalable à J - 1, sur les mouvements de trésorerie, dont on dit qu'ils devraient être supérieurs à 1 million d'euros et qui affectent le compte au Trésor des collectivités locales.

Monsieur le ministre, cette disposition compromet le maintien permanent de la trésorerie dite « trésorerie zéro » que pratiquent de plus en plus un certain nombre de collectivités locales, notamment celles qui ont une certaine dimension : les grandes communes, les départements et les régions.

Imposer dorénavant une décision avancée au jour précédent reviendrait à empêcher les collectivités locales de gérer correctement leur trésorerie, alors qu'elles le font sans difficultés depuis une quinzaine d'années. De surcroît, elles encourraient un risque non négligeable de rupture de trésorerie, mettant, par exemple, le comptable dans l'obligation de différer d'une journée la paie du personnel, et ce dans la mesure où les débits connus le matin même dans la sacoche de la trésorerie générale ne pourraient plus être immédiatement couverts par une recette, comme ils le sont sans difficulté aujourd'hui. Il est en effet possible, aujourd'hui, de faire appel à un crédit de trésorerie.

De plus, ce qui figure dans l'exposé des motifs de l'article 71 ne prend pas en compte certains éléments.

D'abord, selon ledit exposé des motifs, « en vertu de l'article 101 du traité instituant l'Union européenne, la Banque de France ne peut accorder d'avance à des organismes publics ». Ce risque n'est pas avéré, car le compte au Trésor de l'Etat est la somme consolidée de l'ensemble des comptes au Trésor de ses correspondants - collectivités locales et sociétés HLM - et, chacun de ces comptes devant juridiquement rester positif, leur somme l'est évidemment aussi.

L'exposé des motifs explique ensuite que « une telle immobilisation de fonds prive l'Etat d'une partie des recettes tirées chaque année du placement à court terme de la trésorerie disponible sur le compte au Trésor ». Or la situation dans laquelle se trouve l'Etat depuis 1989 reproduit exactement le mode de gestion dont s'accommode chaque banque de la place, qui traite, en temps réel, les opérations de gestion de trésorerie sollicitées le matin même par ses clients et qui n'a aucune difficulté à placer ou à emprunter le solde sur le marché monétaire.

Autrement dit, l'Agence France Trésor est dans l'incapacité de placer et de lever des fonds chaque jour sur le marché monétaire. On ne voit pas pourquoi elle serait moins performante que la salle des marchés de la BNP, du Crédit Lyonnais ou de n'importe quelle autre banque.

Autre argument évoqué par l'exposé des motifs de l'article 71 : « Un solde négatif du compte au Trésor en fin de journée place la France en contradiction avec les dispositions du traité instituant la Communauté européenne ». Comme je l'ai indiqué, le solde ne peut être négatif et il est nécessaire de rappeler ici que la sphère publique, au sens des directives communautaires, comprend l'Etat et l'ensemble de ses correspondants publics, parmi lesquels les collectivités territoriales.

En définitive, un système amenant les collectivités territoriales à communiquer leurs flux de trésorerie, créditeurs ou débiteurs, le jour même avant dix heures constitue une solution satisfaisante, ...

M. Yves Fréville. Très bien !

M. Paul Loridant. ... pour permettre aux collectivités de gérer leur encaisse, tout en procurant à l'Etat une souplesse de gestion plus importante que celle dont disposent les banques, lesquelles laissent leurs clients intervenir sur ce plan jusqu'à midi.

En résumé, monsieur le ministre, nous ne comprenons pas comment l'Agence France Trésor serait moins performante que n'importe quelle salle de marché des banques de la place de Paris.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° II-129 est présenté par MM. Miquel, Massion, Moreigne, Sergent, Demerliat, Charasse, Lise, Haut, Marc, Angels, Auban et les membres du groupe socialiste et rattachée.

L'amendement n° II-153 rectifié est présenté par MM. Alduy, Billard, Valade, Adnot, Vasselle et Poirier.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Supprimer cet article. »

La parole est à M. Claude Haut, pour défendre l'amendement n° II-129.

M. Claude Haut. Il s'agit certes, comme vous l'avez dit tout à l'heure, monsieur le ministre, d'un amendement très technique, mais l'enjeu est très important pour les collectivités locales.

Avant d'en venir au fond, je voudrais préciser que l'article 71 est indûment placé dans la partie du projet de loi de finances intitulée « Mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances », car il n'y a absolument aucun rapport avec ladite loi organique...

M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous ne m'avez pas écouté, mon cher collègue !

M. Claude Haut. ... puisque celle-ci prévoit seulement qu'une loi de finances détermine les dérogations à l'obligation de dépôt de fonds au Trésor, ce que fait l'article 70, mais non l'article 71.

En effet, aucun article de la LOLF n'a jamais prévu la restriction imposée par l'article 71, qui porte sur l'utilisation même du compte et non sur la nature des fonds qui y sont déposés.

Les dispositions de l'article 71 n'ont donc aucun caractère obligatoire au regard de la LOLF. Dès lors, elles peuvent être supprimées sans que cela soulève la moindre difficulté juridique.

J'en viens maintenant au fond.

Selon les dispositions proposées par l'article 71, « les collectivités territoriales et leurs établissements publics informent l'Etat avant toute opération affectant le compte du Trésor ». Cette obligation s'appliquerait aux mouvements d'un montant unitaire supérieur à 1 million d'euros. Pour y satisfaire, les collectivités territoriales devraient informer l'Etat au plus tard le jour ouvré qui précède la date souhaitée pour le règlement de l'opération, et avant seize heures trente.

Si elles étaient adoptées, les dispositions de l'article 71 limiteraient sensiblement la capacité des collectivités territoriales à mettre en oeuvre des gestions de « trésorerie zéro ». En conséquence, elles restreindraient fortement les économies réalisées par les collectivités territoriales qui optimisent le montant de leur avoir sur leur compte.

En effet, l'obligation d'informer les services de l'Etat « avant toute opération affectant le compte du Trésor » rendrait impossible l'établissement d'un plan de trésorerie quotidien. Dès lors, les encaissements imprévisibles et importants des collectivités territoriales seraient bloqués sans affectation sur le compte du Trésor. Par ailleurs, les appels et les remboursements sur les lignes de trésorerie accordées par les banques seraient limités à 1 million d'euros.

Monsieur le rapporteur général, voici ce qu'on peut lire dans votre rapport à propos de l'article 71 : « Si cette mesure est susceptible d'engendrer un gain de trésorerie pour l'Etat, celui-ci trouvera son exacte contrepartie chez les collectivités territoriales qui se sont lancées dans la gestion active de leur trésorerie, pour l'essentiel les plus importantes.

« Il résulte donc des dispositions du présent article un transfert de trésorerie de la part de certaines collectivités territoriales au profit de l'Etat.

« La disposition ne va pas sans inconvénients pour ces collectivités territoriales. Le seul moyen pour elles de gérer leur trésorerie réside dans les facultés d'ajustement quotidien des flux, lesquelles ne peuvent se faire qu'au vu des informations transmises le matin même par l'Etat, à savoir l'avis de règlement positionnant les débits et les crédits de la journée, contenu dans la sacoche de la trésorerie générale, et dont la collectivité n'a la connaissance que vers huit heures trente - neuf heures ».

Par ailleurs, vous évaluez, dans ce même rapport, le coût de ce dispostif pour les collectivités territoriales à un montant compris entre 9 millions et 15 millions d'euros.

Je ne comprends pas pourquoi, après un tel réquisitoire, vous ne nous proposez pas la suppression de l'article 71, qui, comme vous le soulignez, ne permet aucune économie pour les finances publiques prises dans leur ensemble, mais seulement un transfert d'écnomies des collectivités territoriales vers l'Etat.

Alors que l'utilisation du crédit immédiat sur les chèques émis par les banques dans le cadre de l'établissement d'une ligne de trésorerie était contestable, la gestion en « trésorerie zéro », que l'article 71 propose de restreindre, ne prête pas le flanc à votre critique.

Cette gestion est légale et légitime, compte tenu de l'obligation de dépôt de fonds au Trésor sans rémunération.

Par ailleurs, avec l'article 71, en dépit d'une trésorerie devenue suffisante, le règlement des dépenses en attente de trésorie serait également reporté de vingt-quatre heures, au détriment des créanciers des collectivités territoriales, et notamment des entreprises. Cette mesure irait donc clairement à l'encontre des orientations définies par l'Etat qui incitent les ordonnateurs locaux et les comptables publics à régler le plus rapidement possible les créanciers et, particulièrement, à s'engager sur un délai global de règlement.

Cet article bafoue tous les principes de la décentralisation et occasionne un coût financier pour les collectivités territoriales, qui sont déjà contraintes de déposer leur fonds au Trésor public sans aucune rémunération.

La position du groupe socialiste est claire : s'il estime légitime que l'Etat cherche à faire des économies de gestion, il considère comme inadmissible que ces dernières soient réalisées au détriment des collectivités territoriales. J'invite donc le Sénat à supprimer l'article 71. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour défendre l'amendement n° II-153 rectifié.

M. Philippe Adnot. A la lecture de l'article 71, j'ai pensé, comme M. Paul Loridant, qu'il serait de nature à restreindre la capacité des collectivités à gérer finement leur trésorerie et à diminuer la souplesse dont elles bénéficient à l'heure actuelle. Depuis, j'ai analysé la façon de procéder de ma propre collectivité. Nous prévenons le payeur d'une opération de débit la veille à seize heures. Nous sommes bien en trésorerie zéro sans que cela nous pose problème.

Avant de prendre la décision de maintenir ou de retirer cet amendement, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous me donniez quelques éclaircissements : l'objet de l'article 71 est-il bien uniquement d'informer l'Etat, sans incidences financières pour les collectivités ? S'agit-il bien pour la collectivité de prévenir vos services lorsqu'elle envisage telle ou telle opération afin que vous puissiez prendre vos dispositions pour vous organiser ? Si la mesure n'implique pas de pertes financières pour les collectivités locales, nous pourrons nous entendre.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. M. Adnot me facilite la tâche. Il a posé les questions que je voulais aborder à partir de ces deux amendements.

L'article 71, qui établit une obligation d'information, semble être de bon sens du point de vue de l'Agence France Trésor qui l'a inspiré. Cela étant, les collectivités locales ont pu exprimer une certaine inquiétude qui trouve aujourd'hui sa traduction dans ces deux amendements. Sans doute M. le ministre pourra-t-il nous rassurer sur ce point et conduire ainsi les auteurs de ces amendements à en envisager le retrait.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je ferai d'abord une observation : pendant trop longtemps peut-être, le Trésor a toléré des pratiques qui étaient un manquement à une déontologie avouable. Je me demande s'il n'y a pas maintenant une tentation d'introduire des contraintes qui pourraient se révéler excessives. Naturellement, si la mesure consiste à rappeler un simple devoir d'information, elle est de bon sens.

Je poserai ensuite la question suivante au ministre : le décret ne pourrait-il prévoir, comme conséquence du non-respect du délai d'information, un décalage des dates de valeur ?

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Alain Lambert, ministre délégué. M. Philippe Adnot nous a aidés à dissiper des soupçons qui n'ont rien à voir avec la réalité de l'article 71. Il ne s'agit là, je le soulignerai autant de fois qu'il le faudra, que d'une information préalable.

Je me tourne vers M. Paul Loridant, qui est un spécialiste de ces sujets, pour lui dire que la limite à la comparaison qu'il a établie entre l'Etat et une banque réside dans le fait que la banque peut être, elle, à découvert, ce qui n'est pas le cas de l'Etat. C'est d'ailleurs pourquoi l'Etat souhaite pouvoir bénéficier d'une information préalable.

Il n'y a aucune arrière-pensée dans cette disposition car, comme cela a été dit à propos de la trésorerie zéro, c'est ce que pratiquent les bons gestionnaires. Il s'agit donc simplement de prévoir une information préalable de l'Etat dès lors que ce dernier ne peut pas être à découvert. Tel est le sens de l'article 71. N'y voyez aucune malice.

S'agissant de la question du président Jean Arthuis, la seule conséquence que l'on peut retrouver, c'est le décalage de douze heures dans l'exécution de l'opération et ce, pour des raisons qu'il comprend très bien.

Permettez-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, d'insister sur ce point. A dire vrai, je n'avais pas imaginé que cet article susciterait autant de questions, car une information préalable est déjà largement diffusée par ceux qui oeuvrent en cette matière.

Les services de l'Etat ont mis en place un dispositif d'annonce pour les dépenses égales ou supérieures à 1 million d'euros, dispositif géré par les comptables du Trésor en accord avec les collectivités locales, et qui donne satisfaction aux différentes parties. Force est de constater qu'il ne s'oppose en aucune façon à l'élaboration d'un plan de trésorerie quotidien par les collectivités.

L'annonce préalable des mouvements en débit affectant le compte du Trésor est également parfaitement compatible avec un règlement à bonne date de leurs créanciers par les collectivités. En général, ces opérations d'un montant supérieur à 1 million d'euros sont connues de l'ordonnateur et du comptable la veille avant quinze heures trente, ce qui permet d'en informer le trésorier de l'Etat, comme c'est le cas aujourd'hui.

Les modalités d'information qui seront prévues par le décret en Conseil d'Etat sont également compatibles avec l'objectif de gestion de trésorerie. Elles seront très souples, j'en prends l'engagement devant vous, et le seuil d'annonce sera maintenu à son niveau actuel, c'est-à-dire pour les sommes supérieures ou égales à 1 million d'euros.

En cas de défaut d'information, l'Etat se réserve seulement la possibilité de reporter l'exécution de l'opération. Cette décision, dont la collectivité serait bien entendu informée, ne serait prise que dans les cas extrêmes où l'opération en question mettrait en cause le respect par la France de ses engagements européens, en particulier des dispositions du traité qui interdisent les avances de la banque centrale à l'Etat.

En pratique, le report ne serait décidé que dans le cas d'un mouvement financier de grande ampleur non annoncé en fin de journée, alors que le trésorier de l'Etat ne peut plus emprunter sur les marchés. Ces circonstances sont tout à fait exceptionnelles.

Sur le fond, cette information préalable est destinée à favoriser une gestion optimale de la trésorerie de l'Etat, ce qui répond aux propos de M. Paul Loridant. En améliorant la prévisibilité des mouvements financiers, l'Etat peut mieux calibrer ses emprunts et ses placements sur le marché et économiser par là même les deniers publics.

Je souligne que les recettes au titre de la trésorerie de l'Etat représentent, dans le budget pour 2004, plus de 300 millions d'euros.

Je propose donc à leurs auteurs de bien vouloir retirer ces amendements, faute de quoi j'émettrai un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Yves Fréville, pour explication de vote.

M. Yves Fréville. Je suis tout à fait opposé à ces deux amendements. Je veux livrer un témoignage : en tant que rapporteur spécial de la commission des finances, pour les charges communes, j'ai eu souvent l'occasion de me rendre à l'Agence France Trésor pour constater la manière dont était validée la trésorerie de l'Etat en fin de journée. Je souligne que, entre l'Etat et les collectivités locales, il existe un compte commun qui ne peut pas être en déficit.

Le Gouvernement souhaite une chose très simple, très bien exprimée par M. Adnot tout à l'heure, à savoir que l'Agence France Trésor soit informée des mouvements de fonds, tant par les administrations qui n'étaient pas soumises à cette obligation pendant très longtemps, que par les autres correspondants du Trésor, c'est-à-dire les collectivités locales. Je n'y vois aucun mal.

Si cette information ne lui parvient pas, l'Agence France Trésor a l'obligation de conserver un matelas de sécurité, lequel représente un coût pour l'Etat, pour la collectivité nationale tout entière, pour les contribuables.

Cette disposition vise donc à permettre une optimisation de la gestion de la collectivité nationale dans son ensemble pas simplement de l'Etat.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le ministre, vos déclarations apportent quelques apaisements aux collectivités locales inquiètes à la lecture de l'article 71. Chacun souscrit au principe de l'information du Trésor lorsque les mouvements de trésorerie concernent des montants supérieurs à un certain chiffre, en raison du compte commun entre l'Etat et les collectivités locales.

Je reste inquiet cependant car vous avez dit, à la fin de votre intervention, que si l'information ne lui est pas communiquée, l'Agence France Trésor pourra ne pas réaliser l'opération, ce qui risque de mettre en difficulté les collectivités locales.

Mon second motif d'inquiétude a trait au renvoi à un décret en Conseil d'Etat pour la fixation des seuils et des conditions de mise en oeuvre de la disposition. En effet, le Conseil d'Etat n'est pas par nature et par essence favorable au développement des libertés locales ; quelques-uns de ses membres sont encore très attachés aux principes jacobins qui régnaient dans ce pays voilà cinquante ans.

En résumé, nous souscrivons à l'obligation d'information. Il paraît normal de prévenir le Trésor la veille du versement d'une annuité d'emprunt, de salaires, ou du règlement de gros marchés.

En revanche, nous considérons que l'article 71 ne vous permet pas de prendre des sanctions et qu'il conviendrait de modifier votre approche du problème. Il vous donne la possibilité de fixer des seuils et des conditions de mise en oeuvre.

Monsieur le ministre, au cours de la réunion du Comité des finances locales ce matin, des fonctionnaires extrêmement diligents nous ont présenté le projet de décret d'application de ce projet de loi. Nous leur avons fait observer qu'il s'agissait, aussi bien pour l'article 70 que pour l'article 71, de textes qui n'étaient pas encore votés !

Vous aviez dit que le décret d'application de l'article 71 serait très souple. Or, à la lecture du projet de décret, mon impression est inverse. Je souhaite donc la remise sur le chantier de ce projet de décret afin de l'assouplir.

Pour conclure, je répète que le souci d'informer le Trésor des opérations importantes à venir me paraît tout à fait normal s'agissant des relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales et j'indique que je suis contre les deux amendements n°s II-129 et II-153 rectifié.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Paul Loridant, pour explication de vote.

M. Paul Loridant. Je ne suis pas mécontent du débat que nous avons sur cet article 71.

Monsieur le ministre, j'ai entendu vos explications, qui ont un côté rassurant. Néanmoins, je voudrais vous poser quelques questions afin de m'assurer que nous sommes bien sur la même longueur d'ondes, comme l'ont fait mes collègues MM. Adnot, Fréville et Fourcade.

Vous nous dites qu'il s'agit d'une mesure de simplification. Je ne suis pas persuadé que le fait d'obliger les services financiers des grandes collectivités, - car la disposition concerne essentiellement les collectivités d'une certaine taille - à informer systématiquement à l'avance leurs comptables peut-être constitue une mesure de simplification, même si c'est une mesure de bonne gestion.

Par ailleurs, monsieur le ministre, permettez-moi de vous dire que lors du règlement d'un marché important, ou tout simplement d'un arbitrage rendu au sein de la trésorerie sur une banque ou sur un index, les décisions sont prises le matin même, en fonction par exemple de l'évolution des index.

Si vous nous dites que ces opérations sont possibles dans le cadre d'une démarche normale d'information même si un événement oblige à changer d'index sur la ligne de trésorerie, je veux bien croire qu'il s'agit finalement d'une mesure de bonne gestion.

Monsieur le ministre, tout comme monsieur Fréville, je vous sais soucieux de la bonne gestion de la trésorerie de l'Etat et je rends hommage à mon tour à l'Agence France Trésor. Néanmoins, étant chargé en partie de la gestion du compte d'avance aux collectivités locales, je veux m'assurer que tout cela ne se fera pas au détriment des collectivités locales. Si vous nous en donnez l'assurance, je suis prêt à vous suivre.

M. le président. La parole est à M. Claude Haut, pour explication de vote.

M. Claude Haut. Monsieur le ministre, nous souscrivons tout à fait à la nécessité de l'information préalable dont vous parliez tout à l'heure.

En revanche, monsieur le rapporteur général, s'agissant du coût de ce dispositif à la charge des collectivités territoriales, vous l'avez vous-même évalué dans votre rapport à un montant situé entre 9 millions et 15 millions d'euros. Ainsi, le coût possible pour l'Etat, en cas de retard d'information, se transformera en un coût certain pour les collectivités locales.

Je suis donc particulièrement inquiet sur ce point et l'intervention de M. Fourcade ne m'a pas rassuré.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Alain Lambert, ministre délégué. J'interviens pour permettre à M. Paul Loridant de voter pour la disposition proposée par le Gouvernement.

Comme M. Jean-Pierre Fourcade l'a souligné avec raison, il n'y a pas de régime de sanctions. L'hypothèse que j'ai évoquée est tout simplement le risque de voir le compte de l'Etat en déficit.

M. Jean-Pierre Fourcade. Tout à fait !

M. Alain Lambert, ministre délégué. Or cela n'est jamais arrivé dans l'histoire. (M. Jean-Pierre Fourcade opine.) Si cela se produisait, il n'y aurait, non pas une sanction, mais simplement un décalage de douze heures dans l'exécution.

Telles sont les raisons de cette demande d'information préalable. Je pense donc que ces peurs inutiles sont désormais apaisées. Mes explications doivent permettre à leurs auteurs de retirer les amendements. A défaut, je souhaite que le Sénat les rejettent.

M. le président. Monsieur Adnot, l'amendement n° II-153 rectifié est-il maintenu ?

M. Philippe Adnot. Non, monsieur le président, je le retire, compte tenu des explications que j'aie eues et du fait qu'il n'y a pas de risques pour les collectivités locales.

M. Yves Fréville. Très bien !

M. le président. L'amendement n° II-153 rectifié est retiré.

Monsieur Miquel, l'amendement n° II-129 est-il maintenu ?

M. Gérard Miquel. Oui, monsieur le président, je le maintiens.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-129.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 71.

(L'article 71 est adopté.)

Articles additionnels après l'article 71

Art. 71
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2004
Art. 71 bis

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° II-130, présenté par MM. Dauge, Miquel, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Haut, Lise, Marc, Massion, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :

« Après l'article 71, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« I. - Avant la dernière phrase du b ter de l'article 31 du code général des impôts, il est inséré une phrase ainsi rédigée : "Il en est également de même des travaux de réaffectation à l'habitation de tout ou partie d'un immeuble antérieurement affecté à un autre usage et originellement destiné à l'habitation, dont la conservation est conforme au plan de sauvegarde et de mise en valeur ou à la déclaration d'utilité publique des travaux de restauration."

« II. - Dans la première phrase du deuxième alinéa du 3° du I de l'article 156 du code général des impôts, après les mots : "locaux d'habitation", sont insérés les mots : "ou destinés originellement à l'habitation et réaffectés à cet usage".

« III. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement n° II-159 rectifié, présenté par M. Alduy, est ainsi libellé :

« Après l'article 71, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« I. - Avant la dernière phrase du b ter de l'article 31 du code général des impôts, il est inséré une phrase ainsi rédigée : "Il en est également de même des travaux de réaffectation à l'habitation de tout ou partie d'un immeuble antérieurement affecté à un autre usage et originellement destiné à l'habitation, dont la conservation est conforme au plan de sauvegarde et de mise en valeur ou à la déclaration d'utilité publique des travaux de restauration."

« II. - Dans la première phrase du deuxième alinéa du 3° du I de l'article 156 du code général des impôts, après les mots : "locaux d'habitation", sont insérés les mots : "ou destinés originellement à l'habitation et réaffectés à cet usage".

« III. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application des I et II ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Gérard Miquel, pour défendre l'amendement n° II-130.

M. Gérard Miquel. Une des difficultés rencontrées dans les villes d'art et d'histoire et dans les villes à secteur sauvegardé réside dans l'impossibilité d'appliquer l'avantage fiscal dans le cas de changement d'usage des immeubles.

En effet, souvent, des immeubles conçus à l'origine pour être des immeubles de logement peuvent avoir perdu temporairement cette affectation. Cela les empêche définitivement d'être restaurés en tant qu'immeubles de logements, en bénéficiant d'une aide fiscale. Cette disposition est un frein à la reconquête des centres anciens par les logements.

La loi Malraux vise la restauration des centres historiques dégradés des villes. Or, la restauration de ces immeubles n'offre pas, sans le levier fiscal, de rentabilité suffisante, compte tenu des contraintes de restauration imposées par cette même loi.

Bien que l'avantage fiscal institué par l'article 3 de la loi de finances pour 1977 soit la principale incitation des particuliers à engager des travaux de restauration d'immeubles situés en secteur sauvegardé, on constate qu'un certain nombre d'immeubles dégradés restent systématiquement à l'écart de toute restauration. Il s'agit principalement d'immeubles manifestement destinés originellement à l'habitation, mais transformés et utilisés pour des usages autres, tels que des commerces ou des bureaux.

Cette situation vient de ce que l'avantage fiscal, dit « loi Malraux », est réservé aux immeubles d'habitation qui n'ont pas perdu cet usage, étant entendu que les travaux visés par cette loi ont pour objet exclusif la livraison de logements. Mais cette limitation n'a aucune justification patrimoniale, architecturale ou urbanistique.

Ainsi, l'article 31 du code général des impôts prévoit que les travaux effectués sur des immeubles à usage d'habitation, et ayant pour objet de transformer en logement des combles, des greniers, ou des parties communes, constituent des dépenses déductibles.

De la même façon, la jurisprudence admet la déductibilité des travaux effectués sur un immeuble quand celui-ci est, par sa conception, son aménagement et ses équipements, destiné à l'habitation, et que son occupation temporaire pour un autre usage n'est pas de nature, à elle seule, à lui ôter cette destination, en l'absence de travaux modifiant sa conception, son aménagement ou ses équipements.

Il s'agit donc de rendre le dispositif existant plus cohérent, en permettant son application aux cas que je viens d'évoquer et, pour ce faire, nous demandons que l'on complète les articles 31 et 156 du code général des impôts.

M. le président. L'amendement n° II-159 rectifié n'est pas soutenu.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° II-130 ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. L'amendement n° II-130 concerne l'application des dispositions de la loi Malraux aux immeubles transformés en habitation. C'est un sujet auquel la commission des finances s'intéresse.

Toutefois, en l'état du droit, elle se demande s'il est possible de satisfaire les auteurs de cet amendement par une instruction administrative, comme le ministre s'y était engagé, ou s'il est effectivement nécessaire d'introduire une nouvelle disposition dans la loi.

Nous ne sommes pas certains que la rédaction de cet amendement soit, à ce stade, la meilleure possible, qu'elle ait atteint le degré de perfection permettant, sous l'oeil de Portalis, d'inscrire ces dispositions dans notre législation.

Donc, monsieur le ministre, la commission souhaiterait entendre votre avis. Elle manifeste son intérêt pour cette initiative, mais elle craint que celle-ci ne puisse immédiatement prospérer.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Alain Lambert, ministre délégué. Les propriétaires bailleurs peuvent déjà déduire de leurs revenus fonciers les dépenses qui sont réalisées en vue de la relocation à usage d'habitation de locaux ayant fait l'objet d'une occupation temporaire pour un autre usage. Je ne peux que vous confirmer cette interprétation, qui intéresse naturellement l'ensemble des propriétaires bailleurs.

Cela étant, je comprends, au travers de l'amendement qui a été présenté tout à l'heure par Gérard Miquel, que vous désirez aller au-delà du ralliement de l'administration à la jurisprudence « Flor-Florentin », pour répondre à un besoin spécifique des centres-villes dégradés où certains propriétaires bénéficient du « dispositif Malraux ».

Vous souhaitez que les travaux de transformation effectués sur un immeuble affecté à l'origine à l'habitation, et qui ont modifié sa conception, son aménagement ou ses équipements, soient admis en déduction du revenu global de ces propriétaires bailleurs.

Je vous rappelle que le « dispositif Malraux » est déjà très avantageux dans la mesure où il permet l'imputation du déficit foncier sur le revenu global, et ce sans limitation de montant. Cela étant, je conçois que la remise sur le marché de tels immeubles - je suis moi-même un élu d'une ville moyenne, donc j'en connais l'enjeu - puisse légitimer, dans le cadre du dispositif Malraux, l'application de mesures dérogatoires.

Aussi, monsieur le rapporteur général, je suis prêt à examiner la question qui vient d'être soulevée pour savoir si cela doit prendre la forme d'une instruction administrative ou d'une disposition législative, donnant une base juridique plus solide. En tout cas, je prends l'engagement de le faire dans les plus brefs délais afin que la préoccupation qui vient d'être exprimée puisse être satisfaite.

Néanmoins, comme vous l'avez dit il y a un instant, la rédaction de cet amendement n'est pas parfaite. Nous sommes favorables à l'objectif, mais, sur la méthode, je vous propose que nous nous mettions au travail tous ensemble afin de trouver rapidement une solution.

Je vous invite donc à retirer votre amendement. Cela m'éviterait d'avoir à émettre un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Miquel, l'amendement n° II-130 est-il maintenu ?

M. Gérard Miquel. Compte tenu des explications que M. le ministre nous a données et de son engagement de trouver rapidement une solution à ce problème, je retire cet amendement.

M. le président. L'amendement n° II-130 est retiré.

M. Dominique Braye. Votre confiance est bien placée ! (Sourires.)

M. Jean-Louis Carrère. Nous n'avons pas la même appréciation !

M. le président. L'amendement n° II-183, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Après l'article 71, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« I. - Le cinquième alinéa (1° quater) du II de l'article 156 du code général des impôts est rétabli dans la rédaction suivante :

« 1° quater Des primes d'assurance afférentes aux objets ou mobiliers classés ainsi qu'aux immeubles mentionnés au 1° ter. »

« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Pour répondre à la demande d'associations représentatives du secteur des monuments historiques, il est prévu, par cet amendement, de modifier le code général des impôts en vue de permettre aux propriétaires de déduire de leur revenu global les primes d'assurance concernant les immeubles protégés ainsi que les ensembles mobiliers correspondants.

Cette disposition favoriserait la préservation du patrimoine monumental. Connaissant le rôle que jouent les propriétaires privés en tant qu'auxiliaires de l'Etat en matière de préservation de ce patrimoine et compte tenu de la nécessité de les encourager, la commission a considéré qu'il était utile de prendre cette initiative, qui va en outre permettre au Gouvernement de s'exprimer sur cette question.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Alain Lambert, ministre délégué. Nous travaillons actuellement sur ce sujet, en liaison d'ailleurs avec le ministre de la culture, auprès de qui j'ai pris l'engagement de régler le problème par une instruction administrative, afin d'éviter que, dans certains cas, il soit possible de déduire des charges foncières en l'absence de revenus fonciers.

Monsieur le rapporteur général, je pense que, pour des raisons de méthode, il convient d'en rester au travail qui est en cours. Je vous promets, comme je l'ai fait il y a un instant, que, si nous parvenions à la conclusion qu'un support législatif est nécessaire, je reviendrais vers vous.

En l'état actuel des choses, je crois que l'adoption de cet amendement compromettrait le travail en cours.

M. le président. Monsieur Marini, l'amendement n° II-183 est-il maintenu ?

M. Philippe Marini. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° II-183 est retiré.

L'amendement n° II-110, présenté par M. Gaillard, est ainsi libellé :

« I. - Le III de l'article 219 bis du code général des impôts est ainsi rédigé :

« III. - Les fondations reconnues d'utilité publique sont exonérées d'impôt sur les sociétés pour les revenus mentionnés au I. »

« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'exonération d'impôt sur les sociétés pour les fondations reconnues d'utilité publique sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Yann Gaillard.

M. Yann Gaillard. Cet amendement tend à prévoir l'exonération totale d'impôt des revenus issus de la dotation des fondations reconnues d'utilité publique pour compenser le préjudice subi par ces fondations du fait de la suppression de l'avoir fiscal.

Je n'ai pas l'intention de rouvrir l'immense débat que nous avons eu hier au sujet de l'article 66. A titre purement historique, je rappellerai que, lors de l'examen de la loi relative au mécénat, la commission des finances avait déjà proposé que soient totalement exonérés les revenus de la dotation mais qu'il lui avait fallu se contenter d'une simple augmentation des réductions d'impôt, puisque, de 15 000 euros, nous étions passés à 30 000 euros à l'instigation du Gouvernement, puis à 40 000 euros à l'instigation de l'Assemblée nationale et à 50 000 euros à l'instigation du Sénat.

Malgré tout, nous n'étions pas tout à fait satisfaits et, à l'occasion des contacts que nous avions eus avec l'administration fiscale, il nous avait été indiqué que cette question serait revue au moment de la réforme de l'avoir fiscal. Or ce ne fut pas le cas en ce qui concerne précisément les fondations.

Le rapport de la commission des finances souligne, par exemple, que les fondations étant, de toutes les personnes morales, celles qui avaient conservé le taux d'avoir fiscal le plus élevé - c'était d'ailleurs un avantage qu'on leur reconnaissait -, la perte était pour elles plus importante. Ainsi, une fondation qui disposerait d'un million d'euros tirés d'un portefeuille d'actions lui servant à financer les tâches d'intérêt collectif, perdrait les 500 000 euros qu'elle aurait pu attendre de l'avoir fiscal, d'où l'idée de revenir à notre suggestion initiale en compensant cette perte par l'exonération des revenus de la dotation.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Si l'avoir fiscal doit disparaître - ce qui est probable - les fondations reconnues d'utilité publique, Yann Gaillard l'a rappelé opportunément comme Jean Chérioux, hier soir, vont se trouver pénalisées. Ce serait d'autant plus paradoxal qu'il y a seulement un an, sur l'initiative de sa commission des finances, le Sénat a rétabli le bénéfice de cet avoir fiscal ! Il faut donc trouver des mesures compensatoires.

A cet égard, le Sénat fera, j'en suis sûr, confiance au Gouvernement mais Yann Gaillard, dont on connaît l'imagination, avait déjà réfléchi à cette issue probable. C'est pourquoi il a déposé cet amendement n° II-110 qui préconise une exonération d'impôt sur les sociétés, considérant que cette exonération devrait être proportionnelle à la perte subie par ailleurs. Bien entendu, c'est un jugement global, les situations au cas par cas pouvant être différentes.

Indépendamment, monsieur le ministre, des débats que nous avons eus hier soir et sur lesquels je ne vais pas revenir à ce stade de la discussion, il est important que vous nous disiez si vous pensez pouvoir trouver une formule pour corriger les effets négatifs de la suspension de l'avoir fiscal sur les fondations et organismes reconnus d'utilité publique qui vivent des revenus de dotations dans lesquelles la part des investissements en actions peut être importante.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Alain Lambert, ministre délégué. Au nom du Gouvernement, je prends l'engagement - et je le tiendrai - de travailler avec vous et avec les représentants des fondations à une mesure ciblée permettant de compenser la suppression de cet avantage fiscal.

Yann Gaillard regrettait que nous ne l'ayons pas prévu dans le présent « véhicule » législatif. Vous savez à quel point la charge de travail est lourde à cette période de l'année, mais je suis à votre disposition pour que nous puissions y travailler dès les premières semaines de janvier.

Vous n'avez aucune inquiétude à avoir, puisque, de toute manière, ce dispositif ne s'appliquera qu'à compter de 2006. Il n'y a donc pas péril en la demeure, nous aurons résolu ce problème bien avant cette date. Je réitère cet engagement devant vous. Il sera tenu. Les mots que j'utilise sont sans ambiguïté : il s'agit de compenser la suppression de cet avantage fiscal.

M. le président. Monsieur Gaillard, l'amendement est-il maintenu ?

M. Yann Gaillard. Je ne peux pas ne pas le retirer puisque tout le monde retire ses amendements en ce moment ! (Sourires.) Cela montre à quel point vous avez l'oreille du Sénat.

Monsieur le ministre, vous avez fait trois déclarations importantes. Premièrement, vous reconnaissez qu'il existe un problème. Deuxièmement, vous nous dites que nous sommes tranquilles pour deux ans, si bien que nous avons le temps d'y travailler, mais mieux vaut se mettre à la tâche tout de suite. Troisièmement, vous vous engagez à trouver une solution.

Votre passé proche témoigne pour vous puisque vous êtes l'homme qui, avec beaucoup d'intelligence et de générosité, a réglé le problème des donations temporaires d'usufruit pour certaines fondations très importantes. Je vous crois donc sur parole. De toute façon, je vous croirais même si j'étais trompé, mais je ne le serai pas ! (Sourires.)

Je retire donc cet amendement.

M. le président. L'amendement n° II-110 est retiré.

L'amendement n° II-140 rectifié, présenté par MM. Dubrule et du Luart, est ainsi libellé :

« Après l'article 71, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Le IV de l'article 164 de l'ordonnance n° 58-1374 du 30 décembre 1958 portant loi de finances pour 1959 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour l'exercice des missions mentionnées au sixième alinéa ci-dessus, les présidents, les rapporteurs généraux et les rapporteurs spéciaux des commissions en charge des affaires budgétaires peuvent se faire assister, sous leur autorité et sous leur contrôle, par des agents des assemblées du Parlement ainsi que par tout organisme ou personne indépendante et qualifiée dans le domaine du contrôle et de l'évaluation, figurant sur une liste établie par le bureau de la commission des finances de chaque assemblée. Les personnes ainsi habilitées à participer à ces missions sont astreintes au secret. Elles ont accès aux mêmes documents et informations que les membres du Parlement auxquelles elles réfèrent et sous l'autorité desquels elles effectuent leurs missions. »

Le sous-amendement II-189, présenté par M. Vasselle, est ainsi libellé :

« I. - Dans la première phrase du second alinéa de cet amendement, après les mots : "les rapporteurs généraux", insérer les mots : "des commissions des finances et des affaires sociales".

« II. - Dans ce même alinéa, après les mots : "affaires budgétaires", insérer les mots : "et de la sécurité sociale". »

La parole est à M. Paul Dubrule, pour défendre l'amendement n° II-140 rectifié.

M. Paul Dubrule. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mise en oeuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, la LOLF, qui apportera plus de souplesse dans la gestion du budget de l'Etat, doit s'accompagner d'un renforcement de l'efficacité du contrôle du Parlement.

Dans la période difficile que traverse notre pays, l'exemple de la rigueur et de l'efficacité doit venir de l'Etat et du Parlement afin de répondre tant aux enjeux économiques auxquels nous sommes confrontés qu'aux exigences légitimes de nos concitoyens.

Après avoir voté la loi de sécurité financière en faveur d'une meilleure gouvernance au sein des entreprises, les Français ne comprendraient pas que l'Etat s'affranchisse des règles de saine transparence qu'il a lui-même initiées dans le secteur marchand.

Il est donc fondamental que les ressources de l'Etat soient utilisées avec efficacité mais aussi que les parlementaires soient en mesure de remplir convenablement leur mission - constitutionnelle - de contrôle et ainsi de répondre aux attentes des Français qui les ont élus.

Là où la Cour des comptes dispose de plus de trois cents personnes pour effectuer ses contrôles, les rapporteurs spéciaux partagent avec l'ensemble de la commission des finances de l'Assemblée nationale seulement vingt-trois administrateurs qui ont, en outre, bien d'autres tâches que d'enquêter sur la dépense publique. Et le Sénat n'est pas mieux servi.

Ces restrictions ont pour effet pratique de rendre très difficile l'exercice des missions de contrôle dévolues aux parlementaires.

Pour les contrôles sur place, ceux-ci ne peuvent s'entourer des compétences de spécialistes hautement qualifiés recrutés par contrat ou procurés par les meilleurs organismes des professions de l'audit.

Ainsi, pour exercer leurs contrôles et faute de moyens, les rapporteurs spéciaux dépendent-ils des éléments que veulent bien leur transmettre les administrations ; ce sont les contrôlés qui, de fait, sélectionnent les informations données aux contrôleurs sans que ceux-ci disposent, en propre, de moyens d'audit indépendants.

Par comparaison, nombre de parlements étrangers se sont dotés de moyens bien plus puissants. C'est dans cette voie qu'il faut résolument nous engager. Mais la création d'un organisme tel que le National audit office, rattaché au Parlement anglais, mettra plusieurs années à franchir toutes les étapes constitutionnelles, car elle dépend d'une loi organique.

Notre pays ne peut attendre cette lointaine échéance. Dès à présent, il est nécessaire que le Parlement marque clairement sa volonté d'aller de l'avant.

Il convient donc de faciliter, en le précisant dans les textes, l'exercice des missions des rapporteurs spéciaux en leur permettant de se faire assister dans leurs tâches, sous leur autorité et sous leur contrôle, par des experts extérieurs, entérinant ainsi les initiatives adoptées cette année par certains d'entre nous qui ont choisi une méthode qu'ils qualifient eux-mêmes d'« originale » et qui consiste à associer des cabinets d'expertise privés à l'évaluation budgétaire annuelle.

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour défendre le sous-amendement n° II-189.

M. Alain Vasselle. Ce sous-amendement a été déposé en présumant que le président du Sénat, le rapporteur général et le Gouvernement ne seraient pas insensibles à l'amendement de M. Dubrule. Dans l'hypothèse où cet amendement connaîtrait un sort favorable, il serait souhaitable de préciser que la commission des finances et la commission des affaires sociales bénéficieront des moyens nécessaires à l'exercice de leur mission de contrôle, à moins, monsieur le président, que les questeurs et vous-même ne trouviez la possibilité de renforcer les moyens humains et financiers de ces deux commissions, ce qui éviterait de faire appel à des experts privés pour procéder à des audits.

Monsieur le président, vous détenez la solution. Nous sommes tout ouïe pour savoir quel sort il faut réserver à cet amendement.

M. le président. Si je détiens la solution, en revanche, les moyens ne m'appartiennent pas.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je voudrais tout d'abord citer un propos récent du président du Sénat, M. Christian Poncelet, lorsqu'il s'est exprimé au sujet du bilan de la session parlementaire de l'année 2001 : « (...) le Sénat a développé, au cours des dernières années, sa mission de contrôleur, qui est en train de devenir sa seconde nature ». Depuis lors, nous avons poursuivi dans cette voie. Mes chers collègues, les actions de contrôle se sont considérablement développées. Nous n'avons pas à rougir de notre activité en ce domaine, en particulier - mais pas uniquement -, au sein de la commission des finances.

Nous pouvons, certes, profiter de la présente circonstance pour prier M. le président du Sénat et MM. les questeurs de nous accorder un peu plus d'administrateurs. Il est en effet assez rare que le rapporteur général puisse réclamer des moyens pendant la discussion budgétaire, ce sera peut-être la seule occasion. Nous disposons d'une équipe formée de fonctionnaires parlementaires. Elle s'est renforcée ces dernières années et devrait encore être renforcée pour donner toute la crédibilité nécessaire au suivi du budget, à l'audit qui est, la plupart du temps, un audit d'organisation. Nous ne sommes pas là pour faire du travail d'expertise comptable, de commissariat aux comptes, pour vérifier l'imputation exacte des sommes dans l'énorme machinerie de l'Etat. Nous sommes là pour tâcher de nous faire une opinion sur le rapport coût-efficacité des actions publiques et sur la bonne organisation de la machinerie de l'Etat.

Cela étant dit, nous disposons également de moyens budgétaires pour commander des études et des prestations à l'extérieur. La commission des finances a déjà utilisé cette possibilité, sous le contrôle strict du rapporteur spécial, le cas échéant du rapporteur général, et en tout état de cause sous le contrôle du président de la commission des finances.

Je peux citer une enquête menée par M. Aymeri de Montesquiou au sein des services du ministère de l'intérieur avec l'aide d'un intervenant du secteur privé. Je peux citer aussi bien des études que j'ai moi-même conduites à l'aide des travaux d'équipes macro-économiques ou micro-économiques sur des thèmes définis par la commission des finances. Ces initiatives ne peuvent que se multiplier.

Dans ce contexte, l'amendement de notre collègue Paul Dubrule constitue une initiative intéressante. Il a le mérite de mettre l'accent sur la question pratique d'une meilleure organisation de nos contrôles et d'une meilleure utilisation de nos moyens. Cet amendement pose de bonnes questions. Il est vrai que, lorsqu'un rapporteur spécial est chargé d'une mission au cours de laquelle il doit se faire communiquer des pièces par une administration, il n'est pas seul. Il est assisté par des collaborateurs, par un ou plusieurs fonctionnaires parlementaires qui travaillent avec lui, sous son autorité.

En règle générale, mes chers collègues, dans le droit défini par la loi organique et dans la pratique, ces fonctionnaires parlementaires ont toute latitude pour travailler correctement et pour mettre en oeuvre les directives du parlementaire qui définit l'objectif et les moyens, et auquel ils doivent naturellement rendre compte.

La commission des finances, dans le souci de multiplier ses contrôles, de les rendre encore plus effectifs et de diversifier les moyens, pourrait se doter d'un règlement de contrôle. Nous pourrions convier nos collègues à élaborer précisément un tel règlement qui définirait les conditions du recours à des prestataires extérieurs, qu'il s'agisse des règles de prévention des conflits d'intérêts auxquelles ces derniers doivent satisfaire ou des conditions de sélection de leurs offres.

Nous ne sommes pas persuadés de l'opportunité d'une liste préalable qui réserve les prestations à quelques professionnels. Nous pensons qu'il vaut mieux, pour chaque cas particulier, rechercher les personnes les plus compétentes par un véritable appel d'offres dans le cadre d'un cahier des charges.

Le règlement de contrôle serait un document opposable au tiers, transparent, diffusé, qui préciserait ainsi notre méthode de travail. Il permettrait de mieux encadrer nos relations avec les cabinets extérieurs auxquels nous pourrions avoir recours et de mieux préciser encore les tâches susceptibles d'être dévolues à nos collaborateurs fonctionnaires parlementaires.

Monsieur Dubrule, la question est donc importante. Elle a été beaucoup débattue à l'Assemblée nationale et je viens de vous faire une réponse développée. Sous le bénéfice de cette réponse, compte tenu du règlement de contrôle que nous élaborerons au sein de la commission des finances, votre amendement sera satisfait. Pour des raisons juridiques, il me paraît difficile de l'adopter.

M. le président. Monsieur le rapporteur général, vos références et vos lectures sont excellentes !

Monsieur Dubrule, l'amendement n° II-140 rectifié est-il maintenu ?

M. Paul Dubrule. Je vous remercie d'avoir dit, monsieur le rapporteur général, que nous avions posé les bonnes questions. Vous m'avez, par ailleurs, assez rassuré, dans la mesure où vous proposez la mise en place d'un règlement de contrôle. Vous avez indiqué également que l'expertise, durant cette année, s'était renforcée.

Il me semble légitime de retirer cet amendement puisque nous disposons d'une année pour vérifier si tout se passe bien. Si tel n'était pas tout à fait le cas, nous le déposerions de nouveau l'année prochaine, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2005.

M. le président. L'amendement n° II-140 rectifié est retiré et, en conséquence, le sous-amendement n° II-189 n'a plus d'objet.