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NOMINATION DE MEMBRES

D'UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le président. Je rappelle que les commissions des lois, des affaires culturelles et des affaires économiques ont proposé des candidatures pour un organisme extraparlementaire.

La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.

En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame MM. Ambroise Dupont, Raymond Courrière et Jean-Paul Alduy membres titulaires, et MM. Marcel Vidal, Jean-René Lecerf et Joseph Kerguéris membres suppléants du conseil d'administration du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres.

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ACCUEIL ET PROTECTION DE L'ENFANCE

Adoption d'un projet de loi en deuxième lecture

 
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'accueil et à la protection de l'enfance
Art. 1er A

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi (n° 97, 2003-2004), modifié par l'Assemblée nationale, relatif à l'accueil et à la protection de l'enfance. [Rapport n° 106 (2003-2004).]

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, après l'adoption par le Sénat et l'Assemblée nationale du dispositif relatif à la garde des jeunes enfants voilà quelques semaines, nous allons débattre une nouvelle fois de l'accueil et de la protection de l'enfance.

Tout a été dit ou presque sur ce sujet au cours de nos débats en première lecture, c'est pourquoi mon propos sera synthétique.

Assurer la protection de l'enfance, c'est tout d'abord permettre son accueil dans de bonnes conditions. C'est l'objet de l'article 1er, qui vise à accroître l'offre de garde à destination des familles tout en améliorant la situation des assistantes maternelles.

La réforme du statut des assistantes maternelles est un chantier complexe, que le Gouvernement mène depuis un an. Le texte du projet de loi est actuellement soumis au Conseil d'Etat, et nous aurons l'occasion d'en débattre au prochain semestre.

Assurer la protection de l'enfance, c'est aussi garantir le droit effectif à l'éducation de notre jeunesse. L'obligation scolaire a été introduite dans la législation républicaine française par la loi du 28 mars 1882. Le devoir des parents et de l'Etat est d'en assurer la stricte application. Le dispositif présenté répond à cette exigence.

Assurer la protection de l'enfance, c'est enfin et surtout repérer la maltraitance, afin de mieux traiter et de mieux prévenir.

La création de l'Observatoire national de l'enfance en danger suscite déjà la mobilisation de tous les acteurs du secteur. C'est un maillon essentiel, qui manquait à notre pays dans le domaine de la protection de l'enfance.

Que serait la protection de l'enfance sans l'action au quotidien, sur le terrain, du milieu associatif ?

A cet égard, nous savons tous combien il est important, dans de nombreuses situations, de pouvoir s'appuyer sur lui. Par conséquent, renforcer les conditions de constitution de partie civile des associations dans le cadre des procédures pénales impliquant des mineurs victimes était l'un des objectifs de ce texte. Le Sénat a su trouver une rédaction alliant sagesse et liberté, et je me félicite que l'Assemblée nationale ait adopté l'article en question dans les mêmes termes.

Par ailleurs, avant une réforme globale, l'expérimentation d'un nouveau mode de financement des mesures de protection juridique des majeurs sera rendue possible.

Je salue en outre les améliorations apportées au projet de loi sur l'initiative des sénateurs, en particulier par Mme Marie-Claude Beaudeau s'agissant du signalement par les médecins des enfants maltraités, et par M. Michel Mercier s'agissant de la dispense d'obligation alimentaire pour les enfants confiés durant leur minorité à l'aide sociale à l'enfance.

Le Gouvernement présentera pour sa part trois amendements. Le premier vise à supprimer l'article 6 bis, dont l'objet est déjà satisfait par la loi pour la sécurité intérieure le deuxième, à l'article 8 bis, est de nature rédactionnelle ; le troisième tend à reporter du 1er janvier 2004 au 1er mai 2004 l'obligation faite aux propriétaires de locations saisonnières dotées de piscines de sécuriser ces dernières.

Je me réjouis que la commission des affaires sociales du Sénat ait adopté conforme le texte de l'Assemblée nationale. Je remercie son président et, tout particulièrement, son rapporteur pour la qualité de leurs travaux et leur contribution très importante à la préparation de ce texte. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà deux mois, le Sénat adoptait en première lecture le projet de loi relatif à l'accueil et à la protection de l'enfance, qui nous revient aujourd'hui de l'Assemblée nationale.

Lors de son examen, la commission des affaires sociales avait estimé qu'il s'agissait d'un texte d'appel, présentant des avancées utiles, mais qui annonçait des réformes plus ambitieuses.

Nous avions alors déposé plusieurs amendements permettant de compléter et d'améliorer les dispositifs prévus dans les trois volets du présent projet de loi, à savoir la protection de l'enfant, l'assouplissement des conditions d'accueil des jeunes enfants par les assistantes maternelles et la mise en place de l'expérimentation d'un nouveau mode de financement des tutelles pour les majeurs protégés.

L'Assemblée nationale, qui a examiné à son tour en première lecture, le 2 décembre dernier, ce projet de loi a adopté conformes la plupart des dispositions telles que nous les avions modifiées. Elle a, par ailleurs, précisé certaines d'entre elles et en a ajouté de nouvelles, tout en respectant l'esprit général du texte.

L'objet principal du présent projet de loi a trait à la protection de l'enfant dans différents cas de figure où il peut se trouver en situation de danger : la maltraitance, l'exploitation au travail et les carences éducatives ayant pour conséquence un absentéisme scolaire régulier.

Le problème de l'enfance en danger est d'une appréhension difficile, en raison de l'absence de données complètes et officielles. Si l'on s'en tient aux statistiques connues pour 2002, on dénombre 86 000 signalements, dont 20 % concernent des enfants maltraités.

Cela étant, il ne s'agit que de données partielles, et cette méconnaissance du phénomène nuit à la mise en oeuvre d'une politique ciblée de lutte contre la maltraitance des mineurs.

L'information reste lacunaire, d'abord parce que chaque administration ou service utilise ses propres indicateurs et traite les données selon des modes non harmonisés, mais aussi parce que de nombreux enfants subissent des violences qui ne sont pas signalées. Or, pour prévenir les récidives de maltraitance, il faut se donner les moyens d'assurer une surveillance épidémiologique rigoureuse de la maltraitance et d'évaluer l'efficacité des mesures mises en oeuvre.

Ce texte prévoit de confier cette mission générale à un observatoire de l'enfance en danger : l'Assemblée nationale a retenu la dénomination que nous avions choisie.

Les deux assemblées ont, chacune à leur tour, précisé ses missions, en vue d'en faire un outil performant et adapté.

La seconde grande innovation du texte consistait à accorder aux associations le droit de se constituer partie civile dans les procès engagés contre les auteurs présumés d'actes de maltraitance sur mineur. Au-delà de cette formule somme toute classique, il était envisagé de leur permettre de déclencher elles-mêmes l'action publique.

La commission des affaires sociales avait alors voulu faire preuve de la plus grande prudence, pour ne pas ouvrir le recours à cette procédure dérogatoire du droit commun de manière inconsidérée. Le Sénat avait donc adopté le mécanisme suivant : si l'action n'a pas été mise en mouvement par le ministère public ou la partie lésée, l'association ne pourra agir de son propre fait que pour les infractions relatives au tourisme sexuel et aux images pédo-pornographiques. De surcroît, l'action de l'association ne sera recevable que si celle-ci est dûment inscrite auprès du ministère de la justice. Cela a été décidé en parfait accord avec les associations.

L'Assemblée nationale n'a pas modifié ce dispositif, et nous ne pouvons que nous en réjouir.

Concernant le travail illégal des mineurs, le projet de loi prévoit de renforcer les sanctions à l'encontre des employeurs illégaux d'enfants. Animé du même souci, le Sénat a harmonisé le quantum des sanctions pénales applicables aux différents types d'infractions envisageables, et l'Assemblée nationale nous a suivis sur ce point.

Le troisième volet du projet de loi relatif à la protection de l'enfance concerne l'assiduité scolaire, qui s'impose aux enfants scolarisés comme à leurs parents ou tuteurs.

Le phénomène de l'absentéisme scolaire atteint aujourd'hui des proportions inquiétantes : au cours de l'année scolaire 2001-2002, 81 700 signalements ont été dénombrés sur une population totale de sept millions d'élèves, donnant lieu à environ 9 000 suspensions d'allocations familiales, puisque telle est la sanction applicable. Il faut d'ailleurs aussi noter que la notion d'absentéisme scolaire est un indicateur en matière de violences. En effet, ce n'est pas parce que l'enfant ou le jeune est absent qu'il ne subit pas lui-même des violences qui peuvent être familiales, voire qui ont été subies pendant le temps scolaire : je pense aussi aux absentéismes à la suite de rackets.

Ce dispositif, injuste et inefficace, a été rarement appliqué, pour ne pas pénaliser les familles. C'est pourquoi le Gouvernement a proposé de le supprimer, en contrepartie de la mise en oeuvre d'un plan d'action gouvernementale en faveur de l'assiduité scolaire et de la responsabilité des familles.

Ce plan prévoit notamment de porter l'amende applicable, en cas de non-respect de l'obligation scolaire, à 750 euros. Je dois vous dire, monsieur le ministre, que ce point n'a pas convaincu l'ensemble des commissaires, et nous avons été amenés à faire preuve d'une certaine pédagogie. Pour nous, ces amendes sont véritablement l'ultime recours lorsque rien n'a été possible, quand aucune action de médiation n'a abouti. En développant ce langage et en insistant sur cette notion de rapport entre les parents et l'éducation, on comprend mieux ; mais, s'agissant du non-respect de l'obligation scolaire, il faut comprendre qu'il y a une amende de 750 euros à la clé.

Toutefois, d'aucuns s'interrogent : comment peut-on espérer recouvrer une amende d'un tel montant de la part de familles souvent peu solvables ? Est-il logique de remplacer une sanction financière par une autre, tout aussi pénalisante ? C'est la question qui nous a été posée.

Certains de nos collègues ont souhaité que d'autres voies soient explorées, comme les travaux d'utilité collective, voire la suspension du permis de conduire, du permis de chasse des parents,... que sais-je encore ? Vous le voyez, l'imagination est grande s'agissant des sanctions qui pourraient être appliquées.

Peut-être nous ferez-vous part, monsieur le ministre, de vos réactions. Néanmoins, votre projet de loi doit faire l'objet d'une mise en oeuvre pédagogique. Bien sûr, nous vous y aiderons et nous essaierons d'en relayer le contenu.

La deuxième priorité du projet de loi porte sur les conditions d'accueil des jeunes enfants par les assistantes maternelles.

L'agrément actuel des assistantes maternelles n'autorise la garde que de trois enfants, quelle que soit la durée quotidienne ou hebdomadaire de l'accueil.

C'est la raison pour laquelle le projet de loi prévoit l'augmentation des capacités d'accueil des assistantes maternelles à trois enfants gardés simultanément, ce qui autorisera l'accueil à temps partiel d'un nombre plus important d'enfants.

La commission des affaires sociales avait souhaité fixer un plafond maximal de six enfants accueillis par une même assistante maternelle et prévoir des dérogations pour l'accueil global de fratries en garde périscolaire. L'Assemblée nationale a préféré revenir au texte initial, dans le souci de ne pas envoyer un signal négatif aux assistantes maternelles à l'heure où la réforme de leur statut est en cours de négociation.

Nous avons compris, monsieur le ministre, que vous aviez besoin de négocier. Mais nous sommes, comme vous, les garants de la qualité de cette forme de garde. Nous participons, les uns et les autres, aux commissions départementales chargées de surveiller, voire de retirer - ce qui n'est pas rare - les agréments de certaines assistantes maternelles. C'est une profession très digne, mais où s'impose aussi la notion de veille et de vigilance, car, comme dans toute famille, il existe un risque de dérapage. C'est pourquoi il faut être particulièrement vigilant dans ce domaine. Nous y reviendrons, comme vous l'avez dit, à l'occasion des débats sur la réforme du statut des assistantes maternelles.

La troisième priorité de ce projet de loi concerne la réforme du financement du dispositif de protection juridique des majeurs, actuellement peu adapté à la réalité des situations.

Le projet de loi autorise le Gouvernement à expérimenter, pendant deux ans, un mode de financement des associations tutélaires par dotation globale, dispositif que nous avions assorti d'une exigence de bilan, conformément à la Constitution, ce que l'Assemblée nationale a confirmé.

Enfin, deux autres mesures sont venus enrichir ce texte au cours des débats parlementaires : d'une part, la simplification de la procédure d'exonération de la dette alimentaire pour les enfants maltraités par leurs parents et, d'autre part, sur l'initiative du Gouvernement, le renforcement de la protection du médecin face au risque de violation du secret professionnel lors du signalement d'un acte de maltraitance.

Comme je l'ai dit en commençant mon propos, l'Assemblée nationale n'a pas modifié l'équilibre général du projet de loi. C'est pourquoi, dans le souci de permettre une entrée en vigueur rapide du texte, notre commission était disposée à l'adopter sans modification pour mettre fin à la navette parlementaire.

Toutefois, certaines nécessités, que nous sommes d'ailleurs tout à fait prêts à comprendre, sont apparues. Le Gouvernement a ainsi souhaité apporter au texte plusieurs modifications. Notre commission n'a pas voulu revenir, à son tour, sur les dispositions du projet de loi, même si elle considère que certaines d'entre elles seront à revoir ultérieurement.

C'est donc avec satisfaction que nous voyons revenir ce texte, qui a été justement complété par l'Assemblée nationale. Le Sénat a été écouté et, sans faire d'autosatisfaction, nous pensons avoir utilement contribué à votre oeuvre, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe socialiste, 21 minutes ;

Groupe de l'Union centriste, 10 minutes.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Michèle San Vicente.

Mme Michèle San Vicente. Monsieur le ministre, lors de la première lecture de votre projet de loi au Sénat, Jean-Louis Lorrain avait estimé « qu'il semblait nécessaire de fixer un plafond maximal d'enfants pouvant être accueillis et qu'il convenait de préserver la relation privilégiée entre l'enfant et l'assistante maternelle ».

Un amendement de la commission des affaires sociales prévoyait que le nombre de mineurs ne pouvait être supérieur à six, et ce dans la limite de trois mineurs accueillis simultanément.

L'Assemblée nationale est revenue à la rédaction initiale du projet de loi, au prétexte de réintroduire plus de souplesse et de pragmatisme pour ne pas envoyer de « signal négatif » aux assistantes maternelles. Or celles-ci attendent d'abord un véritable statut.

La rédaction du Sénat, monsieur le ministre, était pourtant excellente, car elle permettait d'éviter les abus et le surnombre selon l'interprétation que les départements auraient pu faire de la loi.

Mes questions restent donc les mêmes. Quels seront les critères en matière de capacité d'accueil ? Qu'en sera-t-il des moyens de suivi et de contrôle ? Quelles formations supplémentaires seront prévues ?

La modulation de l'AFEAMA, l'aide à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée, avait pour objet de favoriser le recours aux assistantes maternelles par des familles aux revenus modestes et elle était financièrement très intéressante jusqu'à ce que l'enfant ait atteint l'âge de six ans.

L'allocation unique devrait, elle aussi, amplifier la demande. En êtes-vous si certain, monsieur le ministre ?

Un rapport récent de l'ODAS, l'Observatoire national de l'action sociale, mentionne que l'inactivité des parents - en particulier des mères, monsieur Lorrain - joue un rôle important dans les problèmes de scolarisation et de sociabilité de l'enfant. La PAJE, la prestation d'accueil du jeune enfant, n'encourage-t-elle pas les femmes à abandonner leur emploi, surtout s'il est précaire, pour rester chez elles ?

La prochaine conférence de la famille aura pour thème l'adolescence. L'un des groupes de travail devra réfléchir aux dispositifs qui permettraient de répondre aux difficulés familiales ou scolaires.

Est-ce à dire, monsieur le ministre, que le débat n'est pas clos ? Si tel est le cas, nous nous en réjouissons.

Nous réaffirmons aujourd'hui que la scolarisation précoce dès l'âge de deux ans entre dans les principes éducatifs et nous soutenons qu'elle est un formidable vecteur de sociabilité. Elle permet de détecter plus rapidement les enfants en danger et elle est en cela en parfaite synergie avec les conclusions de la défenseure des enfants, dont le rapport indique clairement que « notre société peine à prendre en charge les enfants maltraités, à les aider, à les soutenir et, plus simplement, à les recenser ».

L'Observatoire national de l'enfance en danger peut remplir cette mission, nous objecterez-vous, monsieur le ministre. Peut-être ! Mais les différences sociologiques et culturelles sont parfois si grandes entre territoires que l'échelon pertinent pour prévenir la maltraitance est celui des établissements scolaires et des conseils généraux.

Nous approuvons les dispositions du titre IV permettant aux associations de protection de l'enfance de se porter partie civile, ainsi que celles du titre VI dispensant de l'obligation alimentaire les enfants maltraités par leurs parents. En revanche, nous émettons toujours de sérieuses réserves quant aux dispositions relatives à l'expérimentation de dotations globales dans les organismes tutélaires.

La protection de l'enfance mérite, il est vrai, un consensus. Peut-être le trouverons-nous lors de l'examen de vos prochains projets de loi.

Compte tenu des annulations de crédits affectant la PJJ, la protection judiciaire de la jeunesse, nos réserves présentées en première lecture sont malheureusement toujours d'actualité.

Aussi, nous nous abstiendrons.

M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix.

M. Philippe Nogrix. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me félicite que nous examinions en deuxième lecture un texte qui répond à des préoccupations touchant beaucoup de familles et qui protège ses membres les plus fragiles bien souvent les enfants - en apportant des solutions adaptées aux problèmes posés.

Monsieur le ministre, je tiens tout d'abord à souligner la méthode qui vous a conduit à la rédaction de ce texte, qui est l'expression d'un réel travail de concertation et d'écoute. Ce texte vise non seulement à mieux protéger les enfants, mais aussi à faire en sorte qu'ils connaissent les meilleurs conditions d'accueil, de sociabilité et d'éducation dès leur plus jeune âge.

Le projet de loi, de ce point de vue, couvre en grande partie les domaines dans lesquels il était urgent d'agir : la protection de l'enfant, l'assouplissement des conditions d'accueil des jeunes enfants par les assistantes maternelles et l'expérimentation d'un nouveau mode de financement des tutelles pour les majeurs protégés.

Je ne m'exprimerai pas sur la réforme du statut des assistantes maternelles ni sur l'absentéisme scolaire, deux sujets très importants traités par ce texte, car les mesures proposées nous semblent aller dans le bon sens.

En tant que président du SNATEM, le service national d'accueil téléphonique pour l'enfance maltraitée, plus connu sous le nom de « 119, Allô ! Enfance maltraitée », je tiens à saluer plus particulièrement la création d'un observatoire national de l'enfance maltraitée comme mesure centrale du projet de loi.

Il semblait en effet nécessaire, comme nous le rappelle, hélas ! souvent l'actualité médiatique, de mieux coordonner les différents services d'information sur l'enfance maltraitée afin de mieux prévenir les situations à risques et d'anticiper des drames traumatisants pour tous.

Actuellement, il y a, dans ce domaine, une multiplicité d'intervenants et une très grande hétérogénéité des sources statistiques. Notre dispositif français de protection de l'enfance constitue pourtant le premier poste de dépenses d'aide sociale des départements, auquel il convient d'ajouter les crédits d'Etat consacrés à la protection judiciaire de la jeunesse et au fonctionnement des tribunaux pour enfants. Cela fait beaucoup d'argent, qu'il faut dépenser à bon escient.

Des pistes alternatives sont encore à découvrir et à mettre en oeuvre. Les travaux de l'Observatoire devront répondre à ce souci majeur.

La réforme va permettre de quantifier le phénomène avec une plus grande exactitude et d'apporter des solutions plus rapides et plus efficaces. Les chiffres dont nous disposons révèlent non seulement l'ampleur du phénomène, mais également la difficulté que nous avons à l'appréhender dans sa diversité.

Les propositions du présent projet de loi correspondent pleinement aux attentes exprimées par le SNATEM et par l'ensemble des acteurs des secteurs associatif et institutionnel.

Par ailleurs, le texte examiné aujourd'hui tend à renforcer la protection de l'enfance face au danger du travail clandestin et des carences éducatives qui peuvent en résulter. Le texte prévoit, en outre, un renforcement des sanctions à l'encontre des employeurs profitant de cette main-d'oeuvre docile et bon marché. Il fallait absolument agir dans ce domaine.

Je tiens aussi à rappeler que protéger les enfants, c'est également mieux défendre les victimes d'agression. Désormais, les associations pourront se porter partie civile contre les auteurs présumés d'actes de maltraitance. C'est un grand pas qu'il fallait aussi faire. Je me réjouis que l'Assemblée nationale, comme vous, monsieur le ministre, n'ait pas souhaité modifier la rédaction de l'article 2-3 du code de procédure pénale, qui encadre strictement la procédure dérogatoire prévue. Les associations ne pourront agir que dans le cas d'infractions concernant le tourisme sexuel et les diffusions d'images pédo-pornographiques.

Enfin, nous rejoignons M. Lorrain quand il considère que ce texte sera un texte d'appel. Si nous estimons que la méthode retenue par le Gouvernement est louable dans la mesure où il propose des premières mesures directement opérationnelles, nous resterons toutefois très vigilants quant à la mise en oeuvre de réformes de plus grande ampleur, notamment celle du statut des assistantes maternelles, programmée pour 2004, et celle des tutelles, prévue en 2005.

Je tiens enfin à féliciter M. Jean-Louis Lorrain pour son excellent travail, et à vous dire que nous voterons votre texte, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées de l' Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme en première lecture, mon intervention portera essentiellement sur le thème de la maltraitance de l'enfant.

La journée mondiale de l'enfance du 20 novembre dernier nous a rappelé, si besoin était, la situation alarmante dans notre pays et nous rappelle la nécessité d'agir et de légiférer rapidement et efficacement.

En première lecture, nous avions accueilli plutôt favorablement un projet de loi relatif à la protection de l'enfance, mais nous regrettions que les mesures proposées soient insuffisantes pour résoudre les problèmes posés.

Nous pensons toujours, monsieur le ministre, que vous auriez dû aller plus loin et que la maltraitance aurait dû faire l'objet d'un projet de loi traitant de la globalité du problème, et non, comme c'est le cas ici, être intégrée dans un texte sur l'enfance, qui nécessitera des ajustements et des mesures complémentaires.

L'Assemblée nationale a apporté quelques modifications allant dans le bon sens, comme la dispense de l'obligation alimentaire pour les enfants qui, après signalement de l'aide sociale à l'enfance, ont été retirés de leur milieu familial durant trente-six mois, ainsi que pour les enfants faisant l'objet d'un retrait judiciaire de leur milieu familial.

Nous avons aussi beaucoup apprécié l'adoption de l'amendement tendant à faire figurer les violences psychiques à côté des violences sexuelles, ainsi que de l'amendement visant à protéger les médecins en cas de signalement. Mais d'autres améliorations auraient pu être apportées, notamment en ce qui concerne l'écoute des enfants.

Je souhaite tout d'abord revenir sur la question de l'imprescriptibilité de l'inceste et des crimes sexuels sur enfants. Vous le savez, c'est une revendication de longue date des associations que nous aurions aimé voir figurer dans le texte.

Actuellement, la situation est telle qu'un enfant devenu majeur qui désire porter plainte se trouve face à un mur, sans écoute ni soutien. S'il parvient à franchir les obstacles, il se heurte à la prescription. La législation actuelle est bel et bien inadaptée, d'autant plus que, souvent, la mémoire des faits revient à l'occasion d'un événement de vie important, qui n'est pas lié à l'âge.

L'idée de la création d'un Observatoire national de l'enfance en danger est intéressante, car nous ne disposons actuellement d'aucun chiffre fiable. Mais nous attendons de voir comment sera utilisé cet outil.

Il est grand temps de placer l'enfant au coeur du système. Un enfant maltraité doit tout reconstruire autour de lui. C'est pourquoi il doit bénéficier d'un suivi adapté et, surtout, être écouté. Nous regrettons qu'à l'Assemblée nationale vous ayez rejeté la possibilité que tout mineur puisse être entendu ou, à défaut, bénéficier d'une expertise médicale ou pédopsychiatrique dont le juge puisse prendre connaissance, car cette expertise est parfois le seul moyen de savoir ce que l'enfant peut avoir à dire.

Trop souvent, la parole et les désirs de l'enfant sont ignorés, ce qui n'est pas une bonne chose. L'enfant doit en outre, pouvoir bénéficier d'une réelle protection et ne plus être confronté à son bourreau. Il faut donc que le parent protecteur puisse avoir la garde exclusive de l'enfant.

Lors du précédent examen de ce texte, je vous avais interrogé sur différents points sur lesquels je regrette de ne pas avoir reçu de réponse.

Je vous avais interrogé notamment sur les possibilités offertes aux associations de se constituer partie civile lors de poursuites engagées contre les auteurs présumés de certaines infractions commises sur les mineurs. Cette possibilité en effet conduira à un accroissement du nombre de dossiers.

Donc à un surcroît de travail pour les tribunaux, qui sont déjà très sollicités. Avez-vous prévu de prendre les mesures nécessaires, en concertation avec le ministère de la justice, pour que les tribunaux puissent faire face.

Je vous avais aussi interrogé sur la place que vous entendez donner au monde associatif, qu'il s'agisse des grands réseaux ou des petites structures. Est-il dans vos intentions de réunir prochainement l'ensemble des acteurs intervenant dans la protection de l'enfance, en incluant notamment toutes les petites associations, afin de les recenser, les écouter, définir leur rôle, en adéquation avec leur expérience auprès des familles et, surtout, afin de leur donner les moyens de remplir au mieux leur rôle ?

Je vous avais encore interrogé sur les unités médico-judiciaires. Il est en effet difficile de concevoir que des associations d'aide à l'enfance maltraitée n'aient aucune relation avec leur conseil général. C'est malgré tout parfois le cas. Les unités médico-judiciaires sont des passerelles entre les services départementaux et les associations. Malheureusement, il n'y en a à l'heure actuelle que quinze en France alors qu'il en faudrait dans chaque département. Envisagez-vous d'augmenter le nombre de ces structures ?

Enfin, je vous avais interrogé sur les dispositifs existants. Je pense par exemple au « numéro vert ». Des dysfonctionnements m'ont été signalés par plusieurs associations, notamment lorsqu'il s'agit de traiter des situations d'urgences. Envisagez-vous de revoir ces dispositifs ?

Une politique efficace de protection de l'enfance doit être accompagnée de moyens significatifs, notamment de moyens humains. Mais beaucoup d'acteurs de terrain déplorent ce manque de personnel.

Nous pensons aussi qu'une telle politique doit être interministérielle, à l'image de la politique de la ville, car plusieurs ministères sont concernés : les affaires sociales, l'éducation nationale, la justice, la santé, la famille, mais aussi l'intérieur, surtout pour la lutte contre les réseaux pédophiles.

A ce propos, nous regrettons l'absence de mesures en faveur de la lutte contre cette forme de criminalité organisée. Des milliers d'images pornographiques mettant en scène des enfants circulent sur l'Internet, et chaque jour des nouveaux sites sont découverts.

Une réflexion doit aussi impérativement être menée en ce qui concerne l'utilisation de l'Internet par les enfants. Dans son dernier rapport, la défenseure des enfants nous donnait l'exemple du père de Stéphanie, onze ans, s'étonnant de la présence, à vingt et une heures, d'un bandeau publicitaire pornographique sur la page d'accueil du portail internet auquel était connectée sa fille. Cela traduit tout à fait l'insuffisance et l'inadaptation du dispositif actuel qui repose sur le bon vouloir des annonceurs et les compétences informatiques des parents. Cela confirme la nécessité d'une réglementation adaptée et d'une politique de soutien aux familles. Nous souhaitons connaître vos intentions à ce sujet.

Par ailleurs, quelle suite entendez-vous donner à la recommandation figurant dans ce même rapport visant à entreprendre une étude épidémiologique sur le recours aux châtiments corporels comme moyen d'éducation par les familles et à promouvoir une campagne d'information pour une éducation sans violence ni humiliation ? En effet, une tolérance coutumière fait que la loi française ne considère pas les châtiments corporels comme des violences physiques lorsqu'ils ne dépassent pas le niveau généralement accepté par la société. Mais où se situe ce niveau ?

Cette tolérance est aujourd'hui remise en question par un certain nombre d'associations et il est probable que la France risque de faire l'objet de condamnations sur ce point par des instances internationales.

Monsieur le ministre, nous ne pouvons que regretter de nouveau que les mesures sur l'accueil et la protection de l'enfance soient très insuffisantes. Malgré quelques avancées, elles ne répondent pas à la gravité des problèmes en matière de protection de l'enfance. C'est pourquoi nous nous abstiendrons sur ce projet de loi.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christian Jacob, ministre délégué. Je serai bref, puisque de nombreux éléments de réponse ont déjà été donnés.

Monsieur le rapporteur, je partage bien évidemment votre point de vue : les débats que nous avons eus nous serviront pour préparer le texte, très important, relatif à la réforme du statut des assistantes maternelles. Nombre de vos demandes seront satisfaites à ce moment-là.

Je vous remercie, tout comme la commission, de votre investissement sur ce dossier. Je relève d'ailleurs que l'Assemblée nationale a repris à l'identique la plupart des propositions du Sénat.

Madame San Vicente, sur la PAJE et les familles modestes, l'effort est beaucoup plus important que ce qui existait auparavant avec l'AFEAMA, puisque l'aide augmente de manière très importante.

Je vais prendre un exemple très concret, que j'avais déjà cité en première lecture : celui d'une famille dont le revenu mensuel serait équivalent au SMIC. Avec l'ancien système, si cette famille faisait garder son enfant par une assistante maternelle, le coût de la garde représentait à peu près 30 % de son revenu. Avec la PAJE, nous allons ramener ce coût à 10 % ou 12 %, c'est-à-dire au même niveau que si cette famille faisait garder son enfant dans une crèche. L'effort est donc extrêmement important en direction des familles qui ont les plus bas revenus.

S'agissant de l'incitation à quitter l'activité professionnelle, le Gouvernement s'est clairement prononcé pour la liberté de choix. Dans cette optique, nous sommes allés jusqu'à revaloriser le montant de la rémunération du congé parental en cas de maintien d'une activité à temps partiel. Cette mesure incite davantage que le dispositif précédent à conserver le lien avec le milieu professionnel. Dans ce cas, la prestation augmente de 15 %, ce qui répond à vos inquiétudes.

S'agissant de la prochaine conférence de la famille, dont le sujet sera l'adolescence, nous nous sommes sans doute mal compris. Les trois objectifs que j'ai définis pour cette conférence sont, premièrement, la santé au sens large, avec la prise en compte des conduites addictives et de la dépendance à l'égard des drogues, de l'alcool et du tabac, ainsi que l'hygiène de vie ; deuxièmement, l'engagement dans la vie professionnelle et associative ; troisièmement, l'ouverture par la culture, le sport et les voyages. C'est autour de ces trois axes que nous allons travailler.

Monsieur Nogrix, si nous réussissons à créer l'Observation national de l'enfance en danger, c'est à la lumière de l'action que nous avez menée en tant que président du SNATEM. Organisme parallèle au SNATEM, l'observatoire permettra d'avancer encore davantage en matière de signalement et d'identification des enfants maltraités et, donc, de disposer d'une prévention le mieux adaptée possible à la protection de l'enfance.

Je sais combien vous-même et vos équipes nous avez aidés dans la préparation de ce texte.

A cet égard, mieux protéger les prérogatives des associations, c'est mieux protéger les enfants, bien évidemment.

Madame Printz, vous avez notamment souligné la nécessité de travailler en interministériel. C'est ce que nous faisons. D'ailleurs, l'observatoire sera lui-même composé de représentants des différents ministères concernés, les ministères de l'intérieur, de la santé, de la justice et de la famille.

Par ailleurs, la consultation avec les éducateurs et les professionnels a été largement réalisée. Le 15 septembre dernier, avant de boucler la rédaction du texte, j'ai réuni à la Sorbonne plus de sept cent cinquante professionnels de la protection de l'enfance, ce qui nous a permis justement d'améliorer cette rédaction.

La campagne sur le respect et la protection de l'enfance, sous la forme d'un spot publicitaire diffusé sur les six chaînes de télévision, vient de s'achever. Avant de lancer la campagne contre les châtiments corporels, des études devront être menées.

Bien évidemment, le châtiment corporel ne peut en aucun cas être un mode éducatif. Il n'y aura pas de difficultés à obtenir l'unanimité sur ce point, sans même disposer d'études plus précises.

Cela étant, l'observatoire sera non seulement un lieu d'observation et d'identification, mais aussi un lieu de préparation à la prévention et il pourra mener un certain nombre d'études épidémiologiques sur les propositions soit des conseils généraux soit des représentants des différents ministères ou des associations.

Tels sont les quelques éléments de réponse que je souhaitais apporter à la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.