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Élection d’un juge suppléant à la Cour de justice de la République et prestation de serment

M. le président. Mes chers collègues, voici le résultat du scrutin pour l’élection d’un juge suppléant à la Cour de justice de la République :

Nombre de votants : 145
Nombre de suffrages exprimés : 109
Majorité absolue des suffrages exprimés : 55

M. Nicolas About a obtenu : 109 voix.

M. Nicolas About ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés, il est proclamé juge suppléant à la Cour de justice de la République.

M. Nicolas About, juge suppléant à la Cour de justice de la République, va être appelé à prêter, devant le Sénat, le serment prévu par l’article 2 de la loi organique du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République.

Je vais donner lecture de la formule du serment, telle qu’elle figure dans la loi organique. Je prie M. Nicolas About, juge suppléant, de bien vouloir se lever et de répondre, en levant la main droite, par les mots : « Je le jure ».

Voici la formule du serment : « Je jure et promets de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder le secret des délibérations et des votes, et de me conduire en tout comme un digne et loyal magistrat. »

(M. Nicolas About, juge suppléant, se lève et dit, en levant la main droite : « Je le jure. »)

M. le président. Acte est donné par le Sénat du serment qui vient d’être prêté devant lui. (Applaudissements.)

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Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi portant engagement national pour l'environnement
Discussion générale (suite)

Engagement national pour l’environnement

Suite de la discussion d’un projet de loi déclaré d’urgence

(Texte de la commission)

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi portant engagement national pour l’environnement, après déclaration d’urgence.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Élisabeth Lamure.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi portant engagement national pour l'environnement
Discussion générale (interruption de la discussion)

Mme Élisabeth Lamure. Monsieur le président, madame, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, après avoir adopté définitivement le projet de loi Grenelle I, c’est-à-dire accompli la première étape législative de la mise en œuvre de ce pari incroyable qu’est le Grenelle de l’environnement, nous allons maintenant examiner le projet de loi d’engagement national pour l’environnement, dit « Grenelle II », véritable boîte à outils conforme aux engagements du Grenelle.

Nous entrons véritablement dans la phase normative du processus, même s’il ne faut pas négliger les obligations que nous impose le premier texte de programmation. Ce dernier a un immense mérite : il nous a fait comprendre que les préoccupations environnementales sont aujourd’hui au centre de notre société, et donc au cœur de notre travail législatif. Le rôle du Parlement, en particulier du Sénat, est d’établir un constat de la situation, de fixer les grands objectifs et de définir les mesures concrètes et contraignantes de mise en œuvre, en accord avec le Gouvernement.

La crise économique et financière que le monde traverse nous a ouvert les yeux. Il est désormais nécessaire de construire un nouveau modèle économique, au sein duquel la protection de notre environnement tiendra une place fondamentale. Ce thème alimente d’ores et déjà les débats publics.

La prise de conscience est réelle et commence à produire des résultats concrets : le Grenelle de l’environnement en est un des plus remarquables. Grâce à lui, la France a pu se fixer des objectifs ambitieux. Elle a aujourd’hui une longueur d’avance, montrant la voie vers une économie « post carbone ».

C’est également une carte maîtresse pour notre pays et pour l’Europe dans les négociations internationales. En effet, l’Europe n’est plus l’auteur majeur de la dégradation de la nature : elle peut et doit montrer la voie dans la mise en œuvre de nouveaux modèles capables de transformer l’avenir. Je reste persuadée que c’est par le lancement de grands programmes de recherche et d’innovation pour l’environnement mondial que l’Europe pourra retrouver un second souffle. Nous devons être en avance et exemplaires.

Les dispositions du texte, particulièrement bien explicitées par nos rapporteurs, s’inscrivent, à notre avis, dans cette optique. Nous considérons qu’elles traduisent une bonne réaction, efficace, devant l’urgence de la situation. Pour nous, réagir efficacement ne signifie pas lancer des anathèmes contre la mondialisation, faucher des cultures expérimentales avec un art consommé du temps médiatique ou préconiser l’arrêt de toutes les centrales nucléaires, mais, au contraire, retourner au profit de la nature les deux grands instruments qui ont parfois contribué à la détruire : une science bien comprise, qui offre de multiples promesses, et une économie qui ne demande qu’à faire jouer ses lois en faveur de l’environnement.

Le progrès n’est pas un risque : il reste possible et souhaitable. Ne cédons pas aux sirènes médiatiques des adversaires du progrès et de la croissance qui nous promettent, dans un grand élan millénariste, la fin de l’âge d’or et le début de la pénurie et de la décadence. La science et l’économie, pour peu que nous les orientions vers des choix positifs, sont les meilleures alliées de la protection de l’environnement. Celle-ci n’est pas une course perdue d’avance, et le Grenelle de l’environnement, particulièrement dans son volet normatif, illustre cette prise de conscience.

Il reste beaucoup à faire, presque tout à vrai dire ! Lorsque l’on examine le travail remarquable de la commission de l’économie, dont je félicite au passage les rapporteurs, on mesure le chemin à accomplir et les changements que le Grenelle II implique pour notre vie quotidienne.

Il reste beaucoup à faire, et pourtant le temps presse. La science et l’économie, utilisées intelligemment, peuvent nous apporter une contribution décisive, mais il faut sans aucun doute une volonté politique forte pour freiner la consommation des ressources et l’amplification de l’effet de serre, mettre en place une stratégie énergétique privilégiant les énergies nouvelles – ainsi, à mon sens, que le nucléaire –, protéger les ressources en eau, les forêts et la biodiversité et, enfin, lutter contre la prolifération des déchets et les pollutions de toutes sortes.

Tel est le programme du Grenelle de l’environnement, qui vise à répondre à ces défis et constitue un plan de relance avant l’heure, la croissance de demain dépendant en grande partie de sa réussite. Il s’agit d’un projet de loi très important, parce qu’il procède d’une approche d’ensemble, prenant en compte tous les secteurs à la fois – bâtiment, transports, urbanisme, agriculture, traitement des déchets –, selon une véritable stratégie de développement durable.

Toutefois, cette stratégie, pour être gagnante et socialement acceptée, ne doit pas désigner des boucs émissaires ou dresser un camp contre un autre. L’ensemble des collègues de mon groupe, madame, messieurs les secrétaires d’État, attachent une grande importance à ce point. En particulier, le Grenelle de l’environnement doit absolument éviter d’opposer le monde rural au monde urbain, la campagne à la ville. Nous sommes nombreux à avoir ressenti chez nos concitoyens des territoires ruraux une crainte, pour ne pas dire un rejet d’un processus pourtant nécessaire.

En effet, outre que certains d’entre eux ont le sentiment d’être montrés du doigt – je veux parler du monde agricole et para-agricole –, ils craignent de se voir imposer des contraintes très fortes, dont ils ne comprennent pas la finalité. Ils n’entendent pas jouer, une fois de plus, le rôle de victimes consentantes.

Souvenons-nous de la légitime inquiétude exprimée lors de la discussion du Grenelle I par les hydro-électriciens, qui pensaient que la mise en place de la trame bleue allait « effacer », pour reprendre le terme qui figurait dans le projet de loi et que nous avons supprimé, les « obstacles » à la migration des poissons, c’est-à-dire leurs barrages. L’émoi était très fort dans le monde rural, et nous l’avons entendu.

En ce qui concerne le Grenelle II, je sais que des inquiétudes existent en matière de gestion de la ressource en eau : essayons de les dissiper.

Les épisodes de ce genre doivent être évités autant que possible, car ils accréditent l’idée malsaine que la protection de l’environnement se décide à partir de la ville et au profit du monde urbain, sans tenir compte de la réalité des territoires ruraux ni de leur développement. Le souvenir de Natura 2000 reste encore vif ! Nous ne devons pas négliger cet aspect des choses, qui nous impose de pratiquer une pédagogie de chaque instant.

Vous savez, madame, messieurs les secrétaires d’État, que cette assemblée est la chambre d’écho et le réceptacle des doléances venues de nos territoires. Ce caractère exige que nous envisagions les deux principaux enjeux du Grenelle de l’environnement avec un certain pragmatisme, mais aussi avec subtilité.

Le premier enjeu réside dans la territorialisation du Grenelle de l’environnement, afin que chaque objectif, chaque engagement soit repris par les acteurs locaux. Cela exige de suivre une méthode : il s’agit de mobiliser les acteurs locaux à travers des démarches innovantes. Dans cette perspective, les plans climat-énergie territoriaux ou les plans départementaux d’élimination des déchets constituent deux instruments importants, dont le projet de loi renforcera la mise en œuvre. La planification sera également améliorée avec, en particulier, la réforme des SCOT, celle des PLU et la création des schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie. J’ajoute que le texte comporte de nombreuses mesures concrètes, relatives notamment aux transports urbains et à la rénovation énergétique dans le secteur du bâtiment. Il s’agit là d’excellents outils, qui doivent être mis en œuvre avec beaucoup de pédagogie, d’autant que la réforme des collectivités territoriales va suivre, ouvrant, comme toute réforme, une période de questionnements.

La fracture territoriale doit être sinon effacée, du moins réduite. À ce titre, le Grenelle de l’environnement est un formidable outil d’aménagement du territoire, rural et urbain. Il serait dommage que cette démarche ne fonctionne pas, par manque de communication ou de dialogue. Le Sénat a donc un rôle important à jouer, et il sera vigilant.

Le second enjeu de ce projet de loi consiste en la mise en place des instruments ayant pour finalité d’accélérer la mutation environnementale des acteurs économiques. Il s’agit de généraliser les démarches environnementales innovantes à tous les secteurs : bâtiment, transports, production d’électricité et de chaleur, agriculture, ainsi que l’ensemble des activités productives. Les implications sont les mêmes que pour le premier enjeu : il est nécessaire de bien communiquer, notamment en matière de coûts induits, de concurrence, d’accompagnement et de lisibilité à long terme, afin que les acteurs concernés ne se sentent pas seuls à porter un fardeau très lourd et puissent clairement anticiper l’avenir.

Ainsi, si nous soutenons la mise en place de la taxe carbone, telle qu’annoncée par le Président de la République, nous croyons très utile de se reporter aux recommandations du rapport de notre collègue Fabienne Keller sur la fiscalité environnementale, qui met particulièrement l’accent sur la nécessité, pour les pouvoirs publics, de bâtir un consensus durable,…

Mme Nicole Bricq. C’est mal parti !

Mme Élisabeth Lamure. … grâce notamment à une bonne information sur les gains économiques et environnementaux d’une telle mesure, mais aussi et surtout à la visibilité des contreparties qui accompagnent son instauration. Je pense en particulier, à cet égard, aux entreprises qui connaissent la crise. C’est le prix à payer pour une bonne acceptation sociale de la fiscalité écologique.

Par ailleurs, nous estimons que cette taxe doit s’accompagner de deux éléments indispensables : une réflexion plus large sur l’architecture de nos prélèvements obligatoires et un accord à l’échelon européen, afin de poursuivre le mouvement en évitant les distorsions de traitement d’un pays à l’autre.

Madame, messieurs les secrétaires d’État, nous ne changerons pas notre modèle dans l’impopularité et dans l’incompréhension. Nous réussirons par le consensus, dans la transparence et l’équité, en préservant la compétitivité de notre modèle économique de développement, en répartissant les charges et en accompagnant les mutations. C’est à ce prix que nous pourrons éviter les deux écueils majeurs que sont la fracture territoriale et le rejet social et économique.

Le Grenelle II apporte une grande partie des outils nécessaires à l’accomplissement de cet effort qui nous est imposé par l’urgence de la situation écologique et par la forte demande de l’opinion publique. La mobilisation est réelle, la volonté politique aussi. Nous devons infléchir les logiques économiques avec pragmatisme en évitant les utopies qui font peur, tenir un discours réaliste et responsable, notamment en matière fiscale, et accompagner la transition vers la croissance verte. C’est le grand programme politique des années à venir, et nous n’avons pas d’autre choix que de l’accomplir, car l’inaction serait terrible.

Là se situe le grand plan de relance et d’avenir pour notre pays et pour l’Europe. La crise actuelle est à cet égard une opportunité. Sachons la saisir en associant à la démarche l’ensemble de nos territoires et de nos concitoyens. Le succès est à ce prix. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux.

Mme Odette Herviaux. Monsieur le président, mesdames, monsieur les secrétaires d’État, mes chers collègues, ce projet de loi portant engagement national pour l’environnement était très attendu, mais la traduction opérationnelle des orientations nées de la démarche participative du Grenelle de l’environnement est finalement assez éloignée des ambitions affichées par le Gouvernement lors de la discussion du Grenelle I.

Les rapporteurs ont déclaré que ce texte n’était « qu’un élément inscrit dans un ensemble normatif plus vaste », mais après un budget pour 2009 vert pâle et un plan de relance dans des tons pastel, les voyants de la croissance durable virent actuellement au rouge, et il n’est pas du tout certain que le projet présidentiel de taxe carbone permette d’y remédier.

Dans un contexte de profonde et nécessaire mutation de notre économie, ce projet de loi constitue donc une réponse qui va dans le bon sens, mais qui reste trop étriquée et insuffisante. Il faut croire que le « pragmatisme » revendiqué par le Gouvernement s’apparente davantage à un minimalisme environnemental qu’à une volonté de concrétiser efficacement des principes écologiquement protecteurs.

En ce qui concerne le titre IV, relatif à la biodiversité, des avancées ont été obtenues, notamment grâce à nos propositions.

Par exemple, les dispositions visant à encadrer la vente et la distribution des produits phytopharmaceutiques devront être adoptées dans un délai de deux ans au maximum après promulgation de la présente loi, afin d’éviter tout retard dans la délivrance des agréments et des certificats. Nous avons également demandé un suivi des volumes utilisés en France et l’établissement d’un rapport annuel de l’Observatoire des résidus de pesticides sur l’état des pratiques agricoles fondé sur l’indicateur de nombre de doses unitaires utilisées, l’indicateur NODU.

En matière d’agriculture biologique, pour laquelle, rappelons-le, les objectifs fixés sont très élevés, nous avons voulu rendre prioritaire, lors d’aménagements fonciers, l’attribution de superficies globales équivalentes de terrains certifiés aux exploitants concernés. Par ailleurs, un rapport public sur le développement de l’agriculture biologique et le suivi de l’approvisionnement de la restauration collective en produits bio sera remis au Parlement.

S’agissant de la trame verte et bleue, nous avons entendu rendre obligatoire la compatibilité entre les documents de planification et projets relevant de l’échelon national et les orientations nationales pour la préservation et la restauration des continuités écologiques.

Nous avons enfin insisté pour que la stratégie nationale pour la mer vise un « bon état écologique » des milieux marins, comme le prescrit la directive-cadre européenne du 17 juin 2008.

Ainsi, conformément aux engagements qu’ils avaient pris devant les Français dès le lancement du Grenelle de l’environnement, les sénateurs socialistes ont souhaité être une force de proposition, garante de l’esprit de cette démarche. Cependant, nous nous sommes parfois heurtés à certaines inerties, voire à des conservatismes, qui ont entravé un approfondissement et un enrichissement du texte du Gouvernement en commission. Je pense notamment à certains amendements qui tendaient à supprimer l’objectif d’amélioration de la qualité et de la diversité des paysages, au prétexte qu’il ne s’agit pas d’un objectif crédible, ou bien encore la référence aux zones tampons en bordure des cours d’eau, alors même qu’il s’agit déjà d’un critère d’écoconditionnalité des aides publiques.

Il nous reste donc, mes chers collègues, comme beaucoup l’ont déjà dit, un important travail à accomplir en séance.

Toujours en ce qui concerne les produits phytopharmaceutiques, nous avons tenté d’agir suivant deux impératifs qu’il nous semble impossible de séparer : la préservation de l’environnement et la protection de la santé. L’enjeu est d’importance car, ainsi que les rapporteurs l’ont justement noté, notre pays est celui qui recourt le plus à la chimie du végétal.

Conformément à l’axe 7 du plan « Écophyto 2018 », qui vise à réduire et à sécuriser l’usage de ces produits en zones non agricoles, nous avons voulu, par nos amendements, limiter l’utilisation des produits phytopharmaceutiques dans des zones particulières fréquentées par le grand public et les groupes vulnérables. L’adoption de cette mesure, qui nous semblait de bon sens, a été refusée.

Afin de faire baisser rapidement et durablement l’usage des produits phytopharmaceutiques, nous souhaitions inscrire dans la loi l’engagement des distributeurs de dissocier la rémunération de leurs conseillers des volumes vendus. Cette proposition a été rejetée.

S’agissant de l’aide à apporter aux premiers acteurs exposés et concernés par cette mutation des pratiques culturales, à savoir les agriculteurs, il nous est apparu essentiel de développer fortement la formation continue et le contrôle du matériel destiné à l’application des pesticides. Cela a été refusé. Pourtant, les rapporteurs ont écrit qu’« il faut veiller à un pilotage réaliste de la transition vers une croissance plus verte, de manière à atténuer certains inconvénients »…

Notre second grand sujet de déception concerne la certification des exploitations, qui est pourtant un thème important, tant pour les agriculteurs que pour les consommateurs. En cohérence avec les principes du développement durable, cette certification devrait avant tout correspondre à une gestion intégrée des facteurs de production, et non se limiter au respect des seuls critères d’écoconditionnalité ou d’économies d’énergie.

Dans une logique de clarification et de simplification pour les consommateurs et les producteurs, il est essentiel de ne pas mêler les facteurs de production, les matières premières, les productions animales ou végétales, ce qui reflèterait une profonde méconnaissance des filières agricoles et dévaloriserait un secteur qui a montré très souvent son sens de l’innovation et son dynamisme pour répondre au défi environnemental, après avoir relevé le défi productiviste.

C’est dans ce même esprit que nous avons voulu permettre l’adaptation des procédures de certification aux contraintes techniques et financières des petites exploitations et encadrer l’étiquetage. Là encore, nous serons amenés à redéposer nos amendements en séance publique.

Dans le domaine maritime, nous serons également très attentifs aux conséquences de la mise en place d’un éco-label pour les pêcheurs, dont le coût a été estimé par l’étude d’impact à 4 000 euros par an et par producteur. À cet égard, « l’association de producteurs d’une même pêcherie afin de pouvoir réaliser des économies d’échelle » reste une mesure insuffisante, d’autant que devront être ajoutés les frais liés à l’évaluation ou à la réévaluation de l’état des ressources par l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer, I’IFREMER.

En ce qui concerne l’établissement de la trame verte et bleue, afin d’éviter le reniement de l’ambition originellement affirmée en matière de mesures de protection, de valorisation, de réparation des milieux naturels, voire de compensation, le Gouvernement a proposé de remplacer le verbe « restaurer » par l’expression « remettre en bon état », en référence au « bon état écologique de l’eau ». On se souvient des longs débats passionnés que ce point a suscités en commission…

Pourtant, cette trame est bien censée devenir un « outil d’aménagement du territoire », qui plus est opposable aux projets d’infrastructures. Elle ne saurait donc se réduire à un « maillage écologique du territoire ». Il s’agit bien davantage d’une matrice de régénération écologique et de réorganisation territoriale et sociale, où les activités économiques, si elles intègrent des critères de durabilité, ne seront pas bannies.

Ce texte pose un autre problème majeur, évoqué par de nombreux collègues : celui des rapports entre les collectivités locales et l’État. La création des schémas régionaux de cohérence écologique, les SRCE, deuxième niveau de cadrage et de réalisation de la trame verte et bleue, est intéressante, mais elle suscite de nouvelles interrogations sur les véritables intentions de l’État en matière de décentralisation.

L’élaboration de ces schémas sera conduite conjointement par l’État et la région après avis des autres collectivités et personnes concernées. Le Gouvernement n’a ainsi pas souhaité retenir la proposition du comité opérationnel n° 11 de le confier à la seule région et de laisser à l’État un simple pouvoir de contrôle. En dernier ressort, après la délibération du conseil régional, c’est donc l’État, par l’intermédiaire du préfet de région, qui arrêtera le schéma.

Ce climat général de méfiance à l’égard des collectivités territoriales et cette recentralisation de plus en plus évidente dans tous les projets de loi présentés depuis 2007 ne laissent pas de nous inquiéter quant aux ambitions réelles du Gouvernement pour les prochaines réformes de l’organisation territoriale et de la fiscalité locale.

La gestion intégrée de la mer et du littoral fournit une autre illustration de cette tendance. La majorité sénatoriale a entériné un mode de prise de décision descendant, qui nie les capacités d’initiative et d’autonomie des collectivités sans omettre tout de même de faire de plus en plus appel à ces dernières pour financer les projets…

Nous avons réclamé en vain que les documents stratégiques de façade soient réalisés en véritable concertation avec les collectivités territoriales et intègrent leurs programmes lorsqu’elles sont déjà très impliquées dans des politiques de développement durable du littoral et de la mer. Nous ne remettons pas en cause la pertinence de l’approche nationale recommandée par l’Union européenne le 26 juin 2008, mais nous nous refusons à faire des collectivités de simples exécutantes des décisions de l’État, dotées d’une légitimité si faible que « le public sera consulté sur le projet avant son adoption par décret ».

L’étude d’impact indique également que « la planification stratégique menée en concertation avec les acteurs concernés apportera une plus grande sécurité juridique face aux décisions prises par l’État » : peut-être, mais les collectivités ne peuvent, pour autant, être mises à nouveau sous tutelle, comme elles le furent par le passé, avant l’adoption des lois de décentralisation. N’oublions pas que c’est souvent grâce à elles, à leurs réflexions, à leurs initiatives et à leurs actions que des propositions concrètes ont pu être élaborées lors des Grenelle de l’environnement et de la mer.

Les mesures que nous allons arrêter ensemble, mes chers collègues, ne pourront réussir que si elles sont mises en œuvre au plus près des territoires, très vraisemblablement avec la participation financière, encore une fois, des collectivités ; nous prendrons la mesure de l’engagement financier du Gouvernement et des marges de manœuvre qu’il laissera aux collectivités lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2010. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. La loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, également appelée Grenelle I, déterminait les grandes orientations devant permettre, au cours des prochaines décennies, de mieux protéger notre environnement et de nous garantir une compétitivité durable.

Nous abordons aujourd’hui la seconde phase de ce processus, avec l’examen du projet de loi portant engagement national pour l’environnement, le Grenelle II, qui comporte des dispositions plus concrètes, dont certaines devraient être d’application immédiate.

Je crois pouvoir dire que la très large concertation qui a précédé le dépôt de ces deux textes, ainsi que les débats qu’ils ont suscités dans les médias et au sein de l’opinion, ont été très utiles, car ils ont contribué à faire prendre conscience à nos compatriotes de la nécessité de faire évoluer leurs habitudes de consommation et, de façon plus générale, leur comportement à l’égard de l’environnement. Pour l’heure, ils adhèrent très largement à la démarche engagée par le Gouvernement, même si, dans la torpeur de l’été, ils ont quelque peu sursauté en entendant cette curieuse cacophonie qui s’est instaurée au sujet de la taxe carbone ; j’y reviendrai tout à l’heure, car cela laisse peut-être présager des lendemains qui déchantent !

Compte tenu de l’ampleur des sujets abordés dans ce projet de loi, et en accord avec mes collègues du groupe de l’Union centriste, je bornerai mon intervention aux titres Ier et II, ayant trait à l’habitat et à l’urbanisme, d’une part, aux transports, d’autre part.

Je crois pouvoir dire que nous sommes tous ici conscients de la nécessité de renforcer l’efficacité énergétique des bâtiments, existants ou à construire.

À cet effet, le texte prévoit une obligation de réalisation de travaux d’amélioration de la performance énergétique des immeubles à usage tertiaire dans un délai de huit ans à compter du 1er  janvier 2012. Cette disposition représentera une contrainte lourde, et surtout coûteuse, notamment pour les collectivités territoriales, qui seront directement concernées.

Telle est la raison pour laquelle notre groupe a proposé que le bénéfice de l’éco-prêt à taux zéro soit étendu à l’ensemble des communes et des communautés de communes. Je remercie la commission d’avoir bien voulu accepter d’intégrer cet amendement au texte qui sera débattu en séance publique, car certaines rumeurs que j’ai pu entendre à ce sujet m’inquiètent. Nos collectivités locales ont pourtant d’importants besoins de financement pour faire face aux exigences qui leur sont imposées. Nous souhaiterions également qu’une enveloppe de prêts à taux privilégié puisse être accordée aux collectivités territoriales, notamment à celles d’entre elles qui souhaitent s’engager dans un ou plusieurs programmes de rénovation de leurs bâtiments en vue de réaliser des économies d’énergie, afin de les aider à faire face à ces dépenses. Puisqu’un tel dispositif est prévu pour les bailleurs sociaux, je ne vois pas pour quelle raison les collectivités territoriales en seraient exclues.

En ce qui concerne les copropriétés, le texte prévoit de rendre obligatoire la réalisation d’un diagnostic de performance énergétique, qui devra déboucher sur un contrat de performance énergétique. Cette disposition pose un problème, que les professionnels concernés n’ont pas manqué de soulever. En effet, le diagnostic de performance énergétique, le DPE, ne semble pas, contrairement à l’étude thermique, offrir toutes les garanties de fiabilité que l’on pourrait attendre. Dans ces conditions, pourquoi ne pas proposer une seule et unique méthode de mesure de la performance énergétique des immeubles, à savoir l’étude thermique, qui se substituerait au DPE ? Bien entendu, ce système de vérification devrait être mis en œuvre par un contrôleur indépendant : c’est ce que je proposerai par voie d’amendement.

Cette question du DPE me donne l’occasion de faire part au Gouvernement de l’exaspération croissante, et sans doute justifiée, de nos concitoyens à l’égard de la multiplication des contrôles et diagnostics qui doivent précéder la mise en vente, voire la mise en location, de biens immobiliers. Je ne sais si ces diagnostics sont d’une grande utilité, ou même d’une grande fiabilité, mais il est certain, en tout cas, qu’ils enrichissent les entreprises spécialisées et alourdissent le coût des transactions.

Ce texte tend également à réformer en profondeur le droit de l’urbanisme et pose comme principe la limitation de la consommation de l’espace, la diminution des obligations de déplacement, la subordination de l’ouverture de nouvelles zones à l’urbanisation à leur desserte par les transports collectifs. Il prévoit la mise en œuvre d’un nouveau document d’urbanisme, la directive territoriale d’aménagement et de développement durable, la DTADD, qui s’imposera à tous les autres, SCOT ou PLU. Cela ne constitue pas véritablement une mesure de simplification administrative… En outre, que devient la responsabilité des communes ? Je remercie la commission d’avoir accepté l’une de nos propositions, prévoyant que les collectivités territoriales seront associées à l’élaboration de ces nouvelles directives. J’espère qu’elles seront écoutées et entendues.

Ce qui est valable pour l’élaboration des DTADD devrait également l’être pour leur modification ou leur révision : je proposerai par voie d’amendement que les collectivités ayant été associées à l’élaboration de ces documents soient également consultées en cas de modification ou de révision.

Par ailleurs, le « verdissement » et le renforcement des schémas de cohérence territoriale ne doivent pas faire oublier les besoins spécifiques du milieu rural.

Les communes rurales doivent pouvoir continuer à se développer, à construire des logements, des écoles et des équipements répondant aux besoins de leur population, sous peine de se désertifier. Dans ces conditions, il convient de ne pas leur appliquer les mêmes contraintes qu’aux communes urbaines – voire des contraintes plus lourdes, ce qui serait inacceptable.

Dans le même esprit, notre pays doit préserver coûte que coûte son activité agricole et agro-alimentaire.

Pour ce faire, il faut stabiliser à long terme les espaces agricoles – pour l’heure, ils fondent de quelque 60 000 hectares chaque année – par la mise en œuvre de procédures plus contraignantes pour la cession de terres agricoles, associant notamment les chambres d’agriculture : c’est ce que je proposerai par voie d’amendement. En outre, les objectifs du projet d’aménagement et de développement durable ne doivent pas être limités au développement économique ou touristique, mais doivent aussi prendre en compte le développement rural.

En règle plus générale – et je déborderai quelque peu du cadre que je m’étais imparti –, j’estime que la définition de la trame verte et de la trame bleue, qui devraient contribuer à la réalisation d’un maillage écologique du territoire reposant, en particulier, sur des corridors écologiques reliant des espaces préalablement identifiés comme importants pour la préservation de la biodiversité, ne devra en aucun cas faire obstacle au maintien, voire au développement, de notre activité agricole. Je m’inquiète de certaines rumeurs qui courent à ce propos. Les communes rurales, comme les autres, sont soumises aux exigences, notamment financières, des agences de l’eau. Il faudrait peut-être se tourner vers ces organismes pour travailler avec eux à la préservation de l’environnement sans empêcher les agriculteurs d’exercer leur métier.

En ce qui concerne le titre II, dédié aux transports, il comporte plusieurs mesures en faveur du développement des transports collectifs urbains et péri-urbains qui, globalement, nous donnent satisfaction.

Je souhaiterais néanmoins qu’il soit recouru à la notion d’auto-partage, afin que les communautés de communes et les communautés d’agglomération puissent mettre en place, si elles le souhaitent, des schémas locaux de développement de transport à la demande. Cela permettrait de tenir compte des besoins spécifiques des territoires à faible densité de population mal desservis par des lignes de transport public. Je présenterai un amendement à ce sujet.

Les dispositions relatives aux péages autoroutiers n’appellent pas de commentaire particulier.

En revanche, je voudrais à nouveau attirer l’attention du Sénat sur la question des biocarburants produits à partir de déchets, qui curieusement n’est pas abordée dans ce projet de loi, alors que le Grenelle I lui accordait une très grande place. Cela est tout de même étonnant, puisque des objectifs ambitieux ont été définis dans ce domaine.

Par deux fois, je suis intervenu à cette tribune afin que le Gouvernement applique dans les meilleurs délais la directive européenne relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables.

J’ai notamment demandé que les biocarburants produits à partir de déchets, par exemple de graisses animales, de résidus, de matières cellulosiques d’origine non alimentaire ou de matières ligno-cellulosiques, bénéficient d’une réduction de taxe générale sur les activités polluantes, ce qui permettrait de soutenir les investissements et les recherches déjà en cours, en particulier dans mon département.

Une première fois, il m’a été répondu que cette directive n’avait pas été encore totalement approuvée ; une seconde fois, durant l’examen du Grenelle I, vous m’avez dit, monsieur le secrétaire d’État chargé des transports, que la disposition précitée serait mieux à sa place dans le Grenelle II. L’heure de vérité approche : j’ai redéposé le même amendement et j’espère que, cette fois-ci, il connaîtra un sort plus heureux !

Je conclurai en faisant part de ma vive préoccupation quant au coût qu’entraînera l’application des différentes mesures contenues dans ce texte pour les collectivités territoriales, mais aussi pour les entreprises et les particuliers.

L’affaire de la taxe carbone me paraît, à cet égard, particulièrement emblématique.

L’idée d’instaurer une contribution climat-énergie n’est pas tout à fait nouvelle, mais le chiffrage qui a été présenté par la commission d’experts présidée par Michel Rocard l’est davantage. En effet, suivant le principe défendu par certains milieux écologistes – « plus l’énergie sera chère, moins on en consommera » –, cette taxe carbone s’appliquera à toutes les énergies fossiles, qu’il s’agisse du charbon, du gaz ou du pétrole. M. Rocard avait d’ailleurs également retenu, à titre personnel, l’électricité.

Cette commission a proposé que le coût de la tonne de CO2 émise soit fixé à 32 euros en 2010, pour atteindre 100 euros en 2030. En 2010, cela aurait représenté près de 8 centimes par litre d’essence et une augmentation du prix du gaz de 15 %. La facture aurait ainsi pu atteindre 300 euros par an pour un peu plus de la moitié des ménages, soit un produit – excusez du peu ! – de plus de 8 milliards d’euros.

Le Président de la République a arbitré en faveur d’un montant plus raisonnable, à savoir 17 euros la tonne de CO2. Cependant, est-il véritablement opportun de créer une telle éco-taxe ? Cela aurait tout son sens si l’on avait le sentiment que les prix des énergies fossiles devraient se stabiliser sur le long terme au niveau actuel, qui est plutôt bas : dans ce cas, une incitation à un comportement plus éco-responsable par le biais du prix pourrait être utile.

Toutefois, nous savons bien, hélas, que les prix de l’énergie ne manqueront pas de repartir à la hausse au moindre signe de reprise durable de l’économie. D’ailleurs, en quelques mois, le prix du baril de pétrole a déjà augmenté de 20 %, et il ne serait pas étonnant qu’il avoisine à nouveau les 100 dollars dans un an ou dans dix-huit mois : rappelons qu’il a déjà frôlé les 150 dollars. Lorsque le litre d’essence coûtera 1,50 euro, le litre de fioul 1 euro, lorsque les prix du gaz et de l’électricité auront augmenté respectivement de 30 % et de 20 %, nos concitoyens ne manqueront pas d’être incités à modérer leur consommation d’énergie… Je ne vois pas véritablement l’intérêt d’ajouter, en plus, une éco-taxe dont le produit sera d’ailleurs, nous dit-on, redistribué sous la forme d’une réduction de l’impôt sur le revenu. Bref, à quoi bon mettre en place une tuyauterie aussi compliquée alors que, tout naturellement, les prix de l’énergie vont repartir à la hausse ?

J’ajoute que, si cette éco-taxe doit voir le jour, il ne faudra en aucun cas qu’elle soit appliquée de manière indifférenciée. En effet, cette taxe n’aurait pas les mêmes conséquences pour une famille résidant à Paris et utilisant essentiellement les transports collectifs que pour une famille résidant dans mon département et quotidiennement obligée d’utiliser un, voire deux véhicules, pour tous ses déplacements. Comme l’a fort bien écrit un grand quotidien du matin, un Parisien sans voiture qui se chauffe à l’électricité ne paiera rien et, mieux encore, recevra un crédit d’impôt, alors qu’un provincial qui consomme 2 000 litres de fioul et trois pleins d’essence par mois paiera 178 euros par an d’éco-taxe et ne recevra que 56 euros à titre de compensation !

Si nous voulons que le Grenelle de l’environnement soit véritablement accepté par les Français, il faut que les efforts, notamment financiers, qui découleront de sa mise en œuvre soient équitablement répartis : si tel n’était pas le cas, nos compatriotes seraient pour longtemps brouillés avec l’écologie, ce qui est le contraire de ce que nous recherchons ! (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)