M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La taxe sur les tabacs est un gage de pure forme, d’autant que les cigares sont déjà très chers, comme chacun le sait : elle ne peut pas être sans limites ! (Rires.)

M. Michel Charasse. Exactement, monsieur le rapporteur général ! Et nous ne faisons rien pour remédier à la situation ! (Sourires.)

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Pardonnez-nous, monsieur le président, cette boutade… Mais redevenons sérieux !

La perte de ressources pour les collectivités territoriales d’outre-mer serait tout à fait préoccupante, et j’ajoute, in cauda venenum, que ce régime est très surveillé par la Commission européenne.

M. Michel Charasse. C’est sûr !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. En effet, comme chacun le sait, les îles des Antilles font partie de l’Union européenne, naturellement pour le plus grand bien de tous. L’exclusion de toute référence à la réglementation communautaire pour l’application d’un tel régime me semble de nature à le rendre irrecevable.

Pour l’ensemble de ces raisons, la commission des finances souhaite le retrait de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Je partage largement l’avis du rapporteur général : il a parfaitement raison de rappeler que l’octroi de mer est un élément essentiel des ressources des collectivités locales ultramarines.

En 2004, l’Union européenne a dans le même temps réformé et reconduit pour dix ans, jusqu’en 2014 donc, ce dispositif fiscal, qui, vous le savez, déroge largement aux principes généraux du droit communautaire.

Il est vrai que les états généraux de l’outre-mer ont mis en avant le caractère inflationniste de cet octroi de mer sur les prix. Les conclusions de leurs travaux présentées le 6 novembre dernier ont parfaitement identifié cette problématique. C’est la raison pour laquelle il a été décidé de lancer une réflexion, dans le cadre de la Commission nationale d’évaluation des politiques publiques de l’État en outre-mer, pour préparer une évolution de ce dispositif au cours de l’année 2010.

Monsieur le sénateur, votre préoccupation est largement prise en compte. Telle est la raison pour laquelle je vous demande de retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Antoinette, l’amendement n° II-303 est-il maintenu ?

M. Jean-Etienne Antoinette. Il convient de rectifier certaines choses.

Ma déclaration visait non pas à supprimer l’octroi de mer, mais à en revoir le mécanisme. Lorsque l’octroi de mer sera de nouveau débattu en 2014, il y aura, je l’espère, des personnes pour le défendre car, comme M. le secrétaire d’État l’a précisé, cette taxe joue un rôle important dans les recettes des collectivités locales.

Cependant, le fait que les entreprises paient une taxe à l’entrée du produit sur le territoire et que ce produit reste stocké se répercute à l’évidence sur le prix de vente. Par conséquent, il s’agit de revoir le mécanisme.

Monsieur le secrétaire d’État, je vais retirer mon amendement…

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !

M. Jean-Etienne Antoinette. … mais je tenais à poser ce problème aujourd’hui et nous trouverons, je l’espère, des solutions pour améliorer le mécanisme complexe de l’octroi de mer. Quoi qu’il en soit, il ne s’agit pas de supprimer cette recette.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Ce sera le résultat !

M. le président. L’amendement n° II-303 est retiré.

L'amendement n° II-304, présenté par MM. Antoinette, Patient, Gillot, S. Larcher, Lise et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 50, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - La deuxième phrase du 3° de l'article L. 5142-1 du code général de la propriété des personnes publiques est supprimée.

II. - Les conséquences financières résultant pour l'État de l'augmentation de la superficie des immeubles domaniaux pouvant faire l'objet d'une cession gratuite aux communes, sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Jean-Etienne Antoinette.

M. Jean-Etienne Antoinette. En Guyane, aux termes du code général de la propriété des personnes publiques, les immeubles domaniaux peuvent être concédés ou cédés à titre gratuit aux collectivités territoriales pour réaliser des logements sociaux, des équipements publics ou une réserve foncière. Mais, j’y insiste, cette cession est limitée à dix fois la surface agglomérée existante de la commune lors de la première demande.

Ce principe de limitation pose problème compte tenu, d’une part, de la taille réduite à l’origine des surfaces agglomérées et, d’autre part, de la dynamique urbaine des collectivités locales. J’ai rappelé tout à l’heure les chiffres de l’accroissement de la population.

Cet amendement vise donc à supprimer ce principe de limitation à dix fois la superficie des parties agglomérées des communes dans les opérations de cession gratuite de foncier de l’État aux communes en vue de constituer des réserves foncières.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement nous amène un peu de l’air et du parfum de la Guyane, et j’en remercie notre collègue Jean-Etienne Antoinette. En effet, de ce côté-ci de l’Atlantique, quand on lit que cet amendement vise à supprimer la règle limitant la superficie des terrains appartenant à l’État susceptibles d’être cédés gratuitement aux communes de Guyane à dix fois la superficie des parties agglomérées, cela paraît considérable. Mais à l’échelle de la Guyane, qui compte peu de communes pour un très grand territoire, cela se comprend. C’est donc une spécificité de ce département.

Cette disposition est utile. Le conseil interministériel de l’outre-mer a proposé la mise à disposition à titre gratuit de terrains appartenant à l’État qui seraient utilisés pour la construction de logements sociaux.

Quant à la limitation de la superficie des terrains, faut-il ou non maintenir ce plafond ? Sur ce point, la commission s’en remet totalement au Gouvernement.

M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Il s’agit d’une question très intéressante. Le Gouvernement ne méconnaît absolument pas les enjeux de la pression démographique qui s’exerce en Guyane et il n’ignore rien des difficultés que rencontrent les communes pour développer leur politique d’aménagement foncier.

La capacité actuelle de constitution gratuite de réserve foncière en Guyane, même s’il y a une spécificité guyanaise, est déjà exorbitante du droit commun, puisque ce plafond est de dix fois le foncier initial.

Ce traitement particulier ne peut s’envisager qu’à partir d’une limitation. Le problème est de savoir laquelle. Celle qui est actuellement en vigueur, à savoir dix fois la superficie des parties agglomérées de la commune, paraît justifiée. Elle permet en particulier à l’État d’arbitrer localement entre les différentes utilisations de la ressource foncière dans le cadre de sa nouvelle politique immobilière.

Monsieur le sénateur, votre question est pertinente, mais le plafond nous semble déjà très élevé. Telle est la raison pour laquelle je vous demande de retirer votre amendement.

M. le président. Monsieur Antoinette, l’amendement n° II-304 est-il maintenu ?

M. Jean-Etienne Antoinette. Je tiens à apporter quelques précisions pour éclairer notre assemblée.

Le territoire de la Guyane s’étend sur plus de 83 000 kilomètres carrés et appartient à plus de 90 % à l’État. J’ajoute que cette limitation à dix fois la superficie des parties agglomérées s’applique à la date de la première cession gratuite.

La Guyane connaît à l’évidence un développement urbain considérable avec un habitat spontané. Il importe donc de contrôler les territoires concernés. Voilà pourquoi nous demandons que ce seuil soit révisé.

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

M. Michel Charasse. Ayant eu dans le passé l’occasion de m’intéresser à la Guyane, je comprends la démarche de notre collègue Jean-Etienne Antoinette. Il précise d’ailleurs lui-même dans l’exposé des motifs de son amendement que la règle des dix fois peut, dans certains cas, mais pas dans tous les cas, soulever des difficultés.

Or, dans la mesure où cette règle figure dans le code général de la propriété des personnes publiques, elle s’applique uniformément à toutes les collectivités. J’ai connu des situations où l’État aurait volontiers cédé des terrains supplémentaires, mais ce principe de dix fois s’appliquait et on ne pouvait pas aller au-delà, au moins gratuitement.

Mes chers collègues, même si on supprime cette règle, le propriétaire, jusqu’à nouvel ordre, reste l’État. Il est propriétaire de la domanialité qui relève de sa compétence et de son appréciation et il fait ce qu’il veut. Et dans le texte actuel, malgré ce principe des dix fois, l’État peut parfois – et il le fait – dire non. Ce n’est donc pas une obligation.

Mais si demain l’État est saisi de demandes dans lesquelles les dix fois sont dépassées, ou si elles n’existent plus parce que M. Antoinette aura fait supprimer la règle, il gardera la maîtrise de son foncier : il pourra refuser ou accepter de céder gratuitement ou de louer.

Monsieur le secrétaire d’État, je pense que l’on peut sans inconvénient supprimer cette règle des dix fois puisque, de toute façon, le propriétaire – l’État – reste maître de son foncier. Et si dans certains cas la règle des dix fois est vraiment gênante et si elle n’existe plus, l’État pourra accepter ou refuser, sans être tenu par un principe qui, comme l’a très bien dit M. Antoinette à la fin de l’exposé des motifs de son amendement, peut, dans certaines situations, s’avérer préjudiciable.

C’est pourquoi je soutiens l’amendement de M. Antoinette, car il ne fait perdre à l’État ni sa propriété ni son pouvoir de la gérer comme il l’entend.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Frécon, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Frécon. Je ne comprends pas la position frileuse du Gouvernement dans cette affaire, et ce pour deux raisons.

La première vient d’être développée par notre collègue Michel Charasse : il s’agit, de toute façon, de propriétés de l’État. Même si on supprime cette règle des dix fois, c’est l’État qui demeure maître de vendre ou pas.

M. Michel Charasse. Absolument !

M. Jean-Claude Frécon. Je ne comprends pas l’intérêt d’une restriction de principe, qui peut s’avérer inadaptée dans certains cas, dès lors que l’État reste maître de sa décision.

M. Michel Charasse. Bien sûr !

M. Jean-Claude Frécon. La seconde raison pour laquelle je ne comprends pas le blocage du Gouvernement, c’est que cette règle des dix fois existe déjà depuis de très nombreuses années.

Or on nous a dit que ces dix fois se cumulaient au cours des années. Cela signifie que, dans les zones où cette règle a déjà été utilisée, il n’y a plus aucune possibilité de construire des logements locatifs. Dans certains endroits, cette limite a effectivement été atteinte et la situation est donc bloquée.

Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite que le Gouvernement puisse étudier de nouveau la question, car c’est incontestablement le développement de la Guyane qui est en cause. Dans ce département français soumis à une forte augmentation de population, il est nécessaire de construire de nouveaux logements pour ne pas laisser les gens dehors !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. J’entends bien les arguments de notre collègue Jean-Claude Frécon, mais on a déjà un rapport de dix entre la commune agglomérée et les possibilités de cession : dix fois la taille de l’agglomération, cela ferait beaucoup de logements sociaux.

M. Jean-Claude Frécon. Les dix fois ont déjà pu être utilisées !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Oui, mais ce sont des cessions gratuites.

Ensuite, il appartient au préfet de Guyane d’apprécier la situation – pourquoi avons-nous des préfets si c’est pour n’exercer aucune responsabilité ? – et de trouver un équilibre, en cédant des terrains supplémentaires pour une somme modeste.

Par ailleurs, quelle est la valeur vénale de ces terrains ? Il faudrait aussi le savoir, du point de vue patrimonial, pour la commune et pour l’État. La gratuité est-elle réellement la bonne solution ? La valeur vénale n’est sans doute pas très élevée. Donc, si l’on cède à la valeur vénale ou à 50 % de celle-ci, la dépense restera faible, surtout si c’est pour construire des logements.

En outre, je serais surpris que tous les terrains soient destinés à la construction de logements. Si tel était le cas, je m’inquiéterais pour le développement durable. Au moment de la conférence de Copenhague, faire disparaître en Guyane des pans entiers de forêt primaire pour développer les agglomérations, ce n’est pas mieux que ce que l’on reproche à nos amis brésiliens…

Il convient de faire un peu attention : la limite de dix fois est raisonnable et elle n’empêche certainement pas des accords pragmatiques, de bonne foi, et de bonnes relations sur le plan local tenant compte des besoins des communes. Mais il ne saurait être question d’accorder la gratuité sans limite.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-304.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles additionnels après l'article 50 (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances  pour 2010
Discussion générale

6

Mise au point au sujet d'un vote

M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia.

M. Robert del Picchia. Monsieur le président, hier après-midi, lors du scrutin public n° 97 sur les amendements identiques nos II-105, II-172 rectifié quater et II-261 à l’article 45 bis, MM. Joël Billard, Alain Fouché et André Villiers n’ont pas pris part au vote à cause d’une erreur matérielle, alors qu’ils souhaitaient voter pour.

M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue.

7

Articles additionnels après l'article 50 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances  pour 2010
Articles non rattachés

Loi de finances pour 2010

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances  pour 2010
Article 50 bis (Nouveau)
Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances  pour 2010
Article 50 bis (Nouveau)

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2010, adopté par l'Assemblée nationale.

Articles non rattachés (suite)

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances  pour 2010
Article 50 ter (Nouveau) (début)

Article 50 bis (nouveau)

I. – Le 2° du II de l’article 1609 sexdecies du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Lorsque le redevable exploite plusieurs réseaux de communications électroniques et a conclu à cette fin avec des collectivités territoriales des conventions d’exploitation distinctes, la taxe est assise sur le produit des abonnements et autres sommes précités, dans le cadre de chacune de ces conventions. »

II. – La perte de recettes pour le Centre national de la cinématographie est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L'amendement n° II-167 est présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances.

L'amendement n° II-110 rectifié est présenté par MM. Ralite et Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° II-171 est présenté par M. Lagauche, au nom de la commission de la culture.

L'amendement n° II-297 est présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l’amendement n° II-167.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je m’empresse de dire que cet amendement est identique à celui de la commission de la culture, ainsi qu’à celui de Mme Bricq et des membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés et à celui de M. Ralite et des membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche.

Certes, cette conjonction peut a priori sembler quelque peu surprenante, mais nous souhaitons tous supprimer l’article 50 bis pour rétablir l’égalité de traitement dans le calcul de la taxe sur les services de télévision entre les distributeurs de services de télévision par ADSL ou satellite, d’une part, et par réseau câblé, d’autre part.

L’article 50 bis tend à introduire un régime dérogatoire permettant aux opérateurs de réseaux câblés de fractionner l’assiette de la taxe sur les services de télévision, dite taxe COSIP, la taxe alimentant le compte de soutien à l’industrie des programmes audiovisuels, due au Centre national de la cinématographie, après que celui-ci a été supprimé en mars dernier par le Sénat, lors de l’adoption de la loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

Or, selon nous, l’article 50 bis n’est pas conforme au droit communautaire et prive le Centre national de la cinématographie de recettes de l’ordre de 6 millions d’euros.

Les modalités de calcul dérogatoires de cette taxe, en faveur des opérateurs de réseaux câblés introduisent une distorsion de concurrence entre les distributeurs de services de télévision. D’une part, le distributeur qui opère par ADSL ou par satellite acquitte la taxe sur l’intégralité des encaissements des abonnements perçus au niveau national. D’autre part, le distributeur qui exploite un réseau câblé règle la taxe sur le montant des recettes d’abonnement encaissé au niveau de chaque réseau câblé.

Ce mode de calcul est doublement – et anormalement ! – favorable aux câblo-opérateurs.

Premièrement, la franchise s’applique, dans le cadre de chaque réseau câblé, pour chacune des conventions signées avec les différentes collectivités territoriales, alors qu’elle ne s’applique qu’une seule fois dans le cas d’un distributeur par ADSL ou par satellite.

Deuxièmement, un effet de seuil atténue considérablement l’application des taux progressifs les plus élevés. Le premier taux est de 0,5 % pour la fraction supérieure à 10 millions d’euros, tandis que le dernier est de 4,5 % pour la fraction supérieure à 530 millions d’euros. Je rappelle que le montant des abonnements encaissés dans le cadre d’un réseau atteint rarement les paliers les plus élevés.

Troisièmement, je le répète, le fractionnement de l’assiette conduit à une perte annuelle de recettes pour le Centre national de la cinématographie estimée à plus de 6 millions d’euros.

Quatrièmement, cette inégalité de traitement devant les charges publiques pour des activités identiques est contraire au droit communautaire et est donc susceptible d’être qualifiée d’aide d’État déguisée.

Cinquièmement, elle méconnaît également le respect du principe de la neutralité technologique, formulé dès 2001 par le droit communautaire.

L’ensemble des directives appelées « paquet Télécom », transposées dans la loi du 9 juillet 2004, a garanti un cadre juridique harmonisé et non discriminatoire à l’ensemble des réseaux de communications électroniques, et ce quelles que soient les technologies empruntées. Celles-ci imposent des obligations similaires à l’ensemble des opérateurs, y compris aux réseaux câblés. Or, seuls les opérateurs de réseaux câblés sont susceptibles d’être concernés par cette dérogation.

En outre, il convient de souligner que 98 % du marché des câblo-opérateurs est détenu par une seule société.

Sixièmement, enfin, l’argument tendant à faire valoir que le réseau câblé serait confronté à une situation différente de celle de ses concurrents, car assujetti à des charges plus lourdes, me paraît assez contestable.

Le déploiement ville par ville, mis en avant par Numericable, ne lui est pas propre. Tous les opérateurs ADSL soumis à la taxe, qu’il s’agisse d’Orange, de Free, d’Alice, de SFR, de Neuf Cegetel, de Télé 2 ou même de Darty, se déploient également ville par ville, en créant leur propre réseau. Pour autant, le montant de la taxe qu’ils acquittent est bel et bien calculé à partir du chiffre d’affaires national.

L’offre de programmes de Numericable est composée au niveau national, et non dans le cadre de chaque réseau. Il a donc une activité identique à celle des autres distributeurs.

La conclusion de conventions avec les collectivités ne constitue pas uniquement une source d’obligations. Elle permet également aux collectivités de participer financièrement à la rénovation des réseaux de Numericable pour assurer le passage à la fibre optique. C’est un vecteur de financement public.

Enfin, si l’aide accordée se justifiait en 2007 en raison des difficultés financières de ce secteur, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Le chiffre d’affaires de Numericable sur la télévision s’élevait en 2008 à 609 millions d’euros, en progression de 5,3 %. C’est une société très confirmée, ce dont on ne peut naturellement que se réjouir.

En conclusion, tous les distributeurs de services de télévision doivent être taxés selon la même logique – sans prévoir de niche fiscale ! –, et indépendamment de la technologie utilisée, ADSL, satellite ou réseau câblé.

Telles sont les raisons qui ont motivé l’amendement n° II-167.

M. le président. La parole est à M. Jack Ralite, pour présenter l'amendement n° II-110 rectifié.

M. Jack Ralite. Cet amendement vise à supprimer l’article 50 bis introduit tardivement par l’Assemblée nationale dans le cadre du projet de loi de finances pour 2010.

Cet article permet au câblo-opérateur Numericable de bénéficier d’un régime qui lui est favorable en matière d’assujettissement à la taxe alimentant le compte de soutien à l’industrie de programmes audiovisuels, le COSIP, lequel favorise le financement de la création audiovisuelle et cinématographique.

Cette taxe, instaurée en 2007 par la loi relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, autorisait un traitement spécifique et privilégié des câblo-opérateurs qui se trouvaient alors dans une situation difficile. Ainsi, le calcul du montant de la taxe pour les câblo-opérateurs était effectué sur les recettes perçues réseau par réseau, c’est-à-dire ville par ville, avec un seuil en deçà duquel le fournisseur était exonéré de la taxe.

Ce système permettait largement de diminuer la contribution de Numericable à la taxe, son seul réseau câblé véritablement rentable étant situé dans la région parisienne. Quant aux autres opérateurs, ils versaient la taxe selon le chiffre d’affaires global, ce qui limitait évidemment les effets de seuil.

Depuis lors, la situation financière de l’entreprise Numericable s’est largement améliorée et ne justifie plus ce régime dérogatoire.

C’est pourquoi la loi du 5 mars 2009 a très justement rétabli une situation équilibrée, en prévoyant un régime de taxation unique pour tous les opérateurs. Rien ne justifie aujourd’hui que l’on revienne sur cette décision !

Contrairement à ce qu’avance l’exposé des motifs de l’amendement déposé à l’Assemblée nationale, la situation de Numericable n’est pas si défavorable !

Certes, le cadre contractuel des câblo-opérateurs avec les collectivités territoriales crée des obligations spécifiques avec des redevances diverses et des obligations administratives particulières qui doivent être mises en œuvre réseau par réseau, les distributeurs par satellite et par voie hertzienne terrestre bénéficiant, nous dit-on, d’un « simple système d’autorisation nationale ».

Néanmoins, ces redevances spécifiques n’existent quasiment plus et sont contrebalancées par des avantages propres au régime du câble. Je pense notamment à l’exclusivité de fait sur l’exploitation des réseaux câblés sans obligation d’ouverture du réseau et au financement par les collectivités de la rénovation des réseaux dans le cadre du programme de déploiement de la fibre optique, comme cela a été récemment le cas sur les réseaux de Sarreguemines où la collectivité a versé 3,3 millions d’euros, ainsi que sur les réseaux des départements du Rhône où elle a versé 4 millions d’euros.

Par ailleurs, les directives européennes de 2002 dites « paquet Télécom », transposées dans notre droit interne dans la loi du 9 juillet 2004, font de la neutralité technologique un principe de base du droit des communications électroniques qui ne permet pas de traiter un opérateur en fonction de la technologie de réseau développée.

Favoriser un opérateur au détriment des autres constitue tout simplement une entrave à la fameuse concurrence libre et non faussée, dans la mesure où rien ne justifie un traitement spécifique.

De plus, la réglementation actuelle instaurée par la loi de 2009 n’est ni injuste ni aveugle, puisqu’elle permet de procéder à une modulation du taux en fonction du chiffre d’affaires, afin de s’adapter aux situations particulières que peut rencontrer chacun des fournisseurs d’accès internet.

Au moment où le ministère de la culture et de la communication a confié à Patrick Zelnick une mission pour tenter de résoudre le problème de financement de la création audiovisuelle par le biais de nouvelles ressources, il serait particulièrement inopportun de priver le COSIP d’une somme évaluée par le CNC à plus de 5 millions d’euros, en exonérant quasiment Numericable de l’assujettissement à ladite taxe.

C’est pourquoi nous sommes pour la suppression de l’article 50 bis, qui est vraisemblablement l’œuvre d’un bon lobbyiste plutôt que celle d’un bon législateur !

M. Bernard Vera. Très bien !

M. le président. L’amendement n° II-171 est défendu.

La parole est à Mme Nicole Bricq, pour présenter l'amendement n° II-297.

Mme Nicole Bricq. Je n’allongerai pas le débat, cet amendement de suppression de l’article 50 bis déposé par le groupe socialiste reposant sur les mêmes motivations que celles qui ont été exposées par M. le rapporteur général et par notre collègue Jack Ralite.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?