M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Monsieur le sénateur, s’il demande aux entreprises un effort fiscal important, le projet de loi de finances pour 2013 épargne les PME et les entreprises de taille intermédiaire.

En effet, dans ce texte, aucune mesure ne concerne les PME. Ainsi, le dispositif des jeunes entreprises innovantes est maintenu, de même que l’ISF-PME et le mécanisme de réduction d’impôt sur le revenu « Madelin ». En outre, s’agissant de la réforme de la déductibilité des charges financières visant à inciter les entreprises à moins s’endetter et à utiliser davantage leurs profits et leurs fonds propres pour investir, une franchise de 3 millions d’euros est prévue au bénéfice des PME. Par ailleurs, la réduction de six à cinq ans de la période prise en compte pour le report en avant des déficits concerne certes toutes les entreprises, mais les PME bénéficieront d’une franchise de 1 million d’euros. Bref, dans ce projet de loi de finances, tout est fait pour épargner les PME et les ETI.

Deux éléments complémentaires s’ajoutent à ces mesures de protection.

Tout d’abord, un budget de 300 millions d’euros supplémentaires est alloué au crédit d’impôt recherche. Il est réservé, précisément, aux PME, avec la création d’un crédit d’impôt innovation. On sait que les PME souhaitaient particulièrement la mise en place d’une telle mesure.

Ensuite, les élus locaux seront associés aux décisions de la Banque publique d’investissement. Nous savons tous l’attention qu’ils portent au tissu industriel constitué par les PME sur leur territoire.

Tant les mesures de protection que les dispositions nouvelles décidées par le Gouvernement me semblent donc aller dans le sens que vous souhaitez, monsieur le sénateur. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour la réplique.

M. Jacques Mézard. Monsieur le ministre, nous vous avons entendu avec intérêt confirmer que les PME ne subiront pas d’aggravation de leur situation fiscale et économique, comme nous le souhaitons. Mais il s’agit d’aller au-delà, et c’est ce que vous proposez avec l’allocation de 300 millions d’euros supplémentaires au crédit d’impôt recherche et la création du crédit d’impôt innovation. C’est là une mesure fondamentale pour les PME.

Cela étant, nous qui sommes sur le terrain – le cumul des mandats permet en effet d’avoir une approche à la fois nationale et locale ! (Sourires.) –, nous constatons que nos PME ont des besoins considérables en termes de moyens de trésorerie. Les dernières années ont été extrêmement difficiles à cet égard, et il y a une réelle urgence sur ce plan.

Nous prenons donc acte de votre réponse, qui va dans le sens que nous souhaitons, mais je crois qu’il faut faire plus et plus vite ! (Applaudissements sur les travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet.

M. François-Noël Buffet. Monsieur le ministre, mes propos seront sans doute un peu moins consensuels que ceux que l’on vient d’entendre…

En période de crise et de croissance atone, il n’y a que deux leviers à actionner pour réduire le déficit public : augmenter les recettes, bien sûr, mais surtout diminuer les dépenses.

Tous les rapports non partisans, ceux de la Cour des comptes, de la Commission européenne ou de l’Inspection générale des finances, expliquent avec une grande clarté que l’effort doit porter essentiellement sur la dépense publique, à hauteur de 50 % au minimum.

Pourtant, vous faites le choix, pour 2012 et 2013, de stabiliser la dépense publique à 56,3% du PIB et de ne commencer les efforts d’économies qu’en 2014, comme s’il n’y avait pas urgence. Je note d’ailleurs que c’est à cette échéance seulement qu’entrera en vigueur l’augmentation de TVA que vous venez de décider.

Dans le même temps, vous faites exploser la charge des prélèvements obligatoires à concurrence de pratiquement un point et demi de PIB, soit 30 milliards d’euros d’impôts supplémentaires qui ne pèsent pas seulement sur les grandes fortunes ou les grandes entreprises, mais affectent aussi très fortement les classes moyennes et les PME.

Monsieur le ministre, il s’agit d’un matraquage fiscal, toute la presse le souligne, qui résulte directement de la faiblesse de l’effort consenti sur la dépense. Il va engendrer des effets récessifs : baisse du pouvoir d’achat, et donc de la consommation, fragilisation des entreprises et recul des investissements.

M. Jean-Louis Carrère. Si c’est le Figaro qui le dit…

M. François-Noël Buffet. Tous les leviers de croissance seront donc touchés, ce qui risque de compromettre le retour à 3 % de déficit en 2013.

Ma question, monsieur le ministre, est simple : sachant qu’en 2014 il sera peut-être déjà trop tard, quelle logique économique sous-tend le choix du Gouvernement de ne pas diminuer la dépense publique dès maintenant ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Monsieur le sénateur, votre intervention est incontestablement moins consensuelle que la précédente, mais je ne suis pas sûr qu’elle soit pour autant plus pertinente ; je vais m’efforcer de vous le montrer.

Entre 2002 et 2007, la dépense publique a augmenté en moyenne de 2,7 % par an, sans doute avec votre approbation, puisque vous étiez alors dans la majorité. Entre 2007 et 2012, son augmentation moyenne a été de 1,3 %. Dans la programmation des finances publiques que nous soumettons au Parlement, le Gouvernement propose une évolution moyenne de la dépense publique de 0,7 % – ce sera en fait plus probablement 0,6 % – par année. Nous faisons donc beaucoup mieux que vous n’avez fait entre 2002 et 2007 ou entre 2007 et 2012, comme en attestent ces éléments d’appréciation.

Vous faites également erreur quand vous indiquez que nous attendrions 2014 pour maîtriser la dépense publique. Non, monsieur le sénateur, nous soumettrons dès l’année prochaine l’État à la norme du « zéro valeur », hors naturellement le champ des pensions et celui du service de la dette. Selon un ministre que vous souteniez naguère, c’est là probablement une des politiques les plus dures que l’État ait jamais eu à mettre en place. Une telle appréciation de sa part devrait vous conduire à ne pas condamner ceux qui s’attachent aujourd'hui à mettre en œuvre cette norme, mais probablement de façon plus juste et équilibrée entre les différentes administrations.

Cela étant, il est vrai que dès lors qu’il s’agit de maîtriser la dépense publique, l’État seul ne peut y pourvoir : il faut également fournir un effort au titre de la dépense sociale. Ainsi, fixer à 2,7 % l’objectif national des dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM, permettra une économie en tendance de 2,5 milliards d’euros.

Il conviendra également de demander aux collectivités locales de contribuer à l’effort : puisque vous êtes très soucieux de l’évolution de la dépense publique, je ne doute pas que le Gouvernement pourra alors compter sur votre soutien ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet, pour la réplique.

M. François-Noël Buffet. Monsieur le ministre, sur ce dernier point je ne crois pas avoir de leçons à recevoir. Alors que la région Rhône-Alpes n’a pas hésité à augmenter considérablement ses impôts, le président de la communauté urbaine de Lyon rechigne beaucoup à être solidaire de l’État : je vous renvoie à ses récentes déclarations.

Par ailleurs, tous vos calculs sont fondés sur une prévision de croissance pour l’année prochaine qui ne se vérifiera pas. Nous ne pourrons donc pas ramener notre déficit à 3 % du PIB. Sur ce point, vos premières décisions visent non pas à réduire la dépense publique, mais plutôt à la conforter par le recrutement pérenne de nouveaux fonctionnaires.

Monsieur le ministre, nous avons des points de vue différents. Vos choix ne sont pas les nôtres. La gauche a toujours eu la même position : on augmente la dépense publique, au mieux on la stabilise, mais en tout cas on alourdit les impôts ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye.

M. Vincent Delahaye. La tentation de la gauche est, la plupart du temps, de résoudre les tensions budgétaires par l’impôt plutôt que par la réduction des dépenses. Il faut bien dire, monsieur le ministre, qu’avec le projet de budget pour 2013, vous confortez ce préjugé.

Sur 30 milliards d’euros à trouver en 2013 pour ramener notre déficit budgétaire à 3 % du PIB, 20 le seront par le biais d’impôts nouveaux et 10 seulement par une prétendue réduction des dépenses publiques. C’est là un mauvais message que porte votre premier budget.

Quant aux crédits du budget général, hors service de la dette et pensions, leur montant reste inchangé par rapport à l’an dernier, soit 278 milliards d’euros. Ainsi donc, pour vous, ne pas dépenser plus, c’est déjà économiser…

Pour moi, réduire les dépenses, c’est dépenser moins, comme vous le proposez d’ailleurs aux collectivités locales. C’est donc avoir le courage d’engager de vraies réformes structurelles, des réformes qui remettront profondément en question les missions de l’État, si l’on ne veut pas rester les champions d’Europe des dépenses publiques.

Mais continuons d’affiner notre analyse : sur ces 278 milliards d’euros, 75 correspondent à des prélèvements de recettes au bénéfice de l’Union européenne et des collectivités locales et 4 à des taxes affectées ; reste donc une véritable marge de manœuvre d’environ 200 milliards d’euros.

Monsieur le ministre, puisque vous nous dites depuis plusieurs mois que l’effort sur les dépenses est à venir, puisque le candidat Hollande, parmi tant de promesses, a fait celle de stabiliser les effectifs de la fonction publique d’État et ceux de ses opérateurs, puisque les dépenses de personnel, d’environ 100 milliards d’euros, augmentent mécaniquement chaque année de 2 % du fait de l’incidence du glissement vieillesse-technicité et des mesures catégorielles, puisque vous vous glorifiez cette année d’une bonne maîtrise de ces dépenses alors que la stabilité de la masse salariale en 2013 résultera, pour l’essentiel, de l’effet en année pleine des suppressions de postes votées lors de l’élaboration de la loi de finance initiale de 2012, auxquelles vous vous étiez fortement opposé, pouvez-vous nous expliquer comment vous comptez accroître dans les prochaines années votre effort sur les dépenses tout en maintenant les effectifs constants ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Monsieur le sénateur, je voudrais d’abord rappeler ce que je crois être des éléments factuels difficilement contestables concernant les hausses d’impôts.

L’effort demandé par le Gouvernement porte, en année pleine et pour 2013, sur un montant d’un peu moins de 25 milliards d’euros d’impôts, ce qui est beaucoup, je vous l’accorde.

Mais l’importance de ce chiffre doit être rapportée à l’ampleur des impôts nouveaux décidés par le précédent gouvernement et que vous aviez peut-être votés : le plan Fillon I représentait un effort de 11 milliards d’euros, assorti de 1 milliard d’euros d’économies ; le plan Fillon II prévoyait 8 milliards d’euros d’impôts nouveaux, sans économies supplémentaires ; si l’on ajoute à cela les mesures nouvelles de fiscalité adoptées en lois de finances par la majorité précédente, le total des impôts nouveaux s’élève, pour les deux dernières années du gouvernement Fillon, à près de 30 milliards d’euros, soit davantage que ce que nous avons fait. Il me semble donc que l’idée reçue selon laquelle la gauche augmente les impôts tandis que la droite les diminue doit être révisée…

Chacun a pris sa part dans le nécessaire effort de redressement de nos finances publiques, lequel passe aussi, hélas, par une augmentation de la fiscalité. Mais celle-ci ne peut être le seul levier : le croire n’est pas plus raisonnable que s’imaginer que l’on pourrait se contenter de réduire la dépense.

C’est pourquoi nous avons maintenu la norme du « zéro valeur », tandis que la stabilité des effectifs de l’État sur l’ensemble de la mandature sera assurée. Ainsi, le projet de loi de finances pour 2013 prévoit la suppression de 2 317 postes dans l’appareil d’État et de 1 303 postes au sein des opérateurs, hors Pôle emploi et l’université. Nous compensons donc bien dès l’année prochaine les créations de postes auxquelles vous avez fait référence par des suppressions de postes, de sorte que, sur la durée de la mandature, il y aura une stabilité du nombre des agents de l’État.

Comment maintenir, dans ces conditions, la masse salariale ? Nous le ferons grâce à des mécanismes bien connus : l’« effet noria » – les agents partant à la retraite sont remplacés par des jeunes, moins avancés dans la carrière et donc moins bien rémunérés – et les mesures catégorielles. Nous divisons par deux les avantages catégoriels par rapport à la situation que nous avons trouvée à notre arrivée.

Ces éléments donnent, me semble-t-il, quelque crédit à cette affirmation que je réitère : les dépenses de l’État respecteront la norme du « zéro valeur ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour la réplique.

M. Vincent Delahaye. Monsieur le ministre, je n’avais pas voté les hausses d’impôts proposées l’an dernier, je ne voterai pas non plus celles que vous nous soumettrez cette année. Je pense que vous ne tiendrez pas vos promesses de retour à l’équilibre budgétaire à l’horizon 2017, pas seulement parce qu’elles sont fondées sur des prévisions de taux de croissance trop optimistes, mais aussi parce que vous aurez manqué de courage pour engager les réformes structurelles nécessaires.

M. Alain Richard. Quel sectarisme !

M. Vincent Delahaye. Réduire les dépenses publiques est impératif pour rendre l’État plus juste et plus efficace. Le technicien Mario Monti le fait très habilement en Italie ; il est surtout courageux, et rien n’empêche les femmes et les hommes politiques français de l’être également.

M. Jean-Vincent Placé. C’est un libéral !

M. Vincent Delahaye. Faudra-t-il que nous fassions nous aussi appel à un technicien – on parle beaucoup ces jours-ci de Louis Gallois ! – pour préparer courageusement l’avenir en réduisant notre dépense publique ? L’action du Gouvernement ne doit pas être uniquement guidée par l’envie – bien légitime ! – d’être confirmé lors des prochaines élections. La démocratie ne doit pas être un obstacle à la construction du futur. Soyez courageux, monsieur le ministre, coupez dans les dépenses, et vous aurez notre soutien ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. – Mlle Sophie Joissains applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Frécon.

M. Jean-Claude Frécon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, eu égard à la crise économique majeure que nous connaissons, nous entendons la nécessité de faire participer les collectivités territoriales au redressement des comptes publics. Il s’agit là d’une évolution qui s’impose à nous, compte tenu de la situation.

S’agissant des mesures proposées, à savoir le maintien, en 2013, puis la diminution, à hauteur de 750 millions d’euros par an, en 2014 et en 2015, des concours financiers versés par l’État aux collectivités territoriales, nous, sénateurs socialistes, tenons un discours de solidarité et de responsabilité.

Certains nous reprochent de prendre les territoires à la gorge. Mais, sans trop solliciter nos mémoires, il nous suffit, pour leur répondre, de rappeler les mesures annoncées par chaque camp, lors de la campagne présidentielle, pour faire apparaître une opposition d’objectifs et de méthodes.

La droite, je tiens à le rappeler, avait prévu une baisse de 2 milliards d’euros par an des concours financiers versés par l’État aux collectivités territoriales, et ce sur toute la durée de la mandature !

M. Jean-Claude Frécon. Cela s’appelle, en termes diplomatiques, un désengagement financier massif…

Un effort devra être consenti, c’est vrai, concernant les dotations aux collectivités locales, qui stagneront avant de diminuer quelque peu. Cela entraînera une baisse de nos investissements, qui se traduira naturellement par une activité moindre des PME, notamment dans le secteur du BTP. Cela engendrera également, bien sûr, une baisse des ressources des ménages, ainsi que l’amputation des programmes municipaux. En définitive, certains besoins essentiels des femmes et des hommes de nos territoires ne pourront être satisfaits. Toutefois, on l’a dit, cet effort est nécessaire.

Cela étant, le climat a changé : le dialogue prévaut désormais entre les collectivités territoriales et le Gouvernement. Les états généraux de la démocratie territoriale ont illustré cette volonté de transparence.

Monsieur le ministre, vous avez indiqué que vous comptiez associer les collectivités territoriales à la démarche de réduction des dépenses pour les années 2014 et 2015 : pourriez-vous nous donner des précisions sur ce point ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Monsieur le sénateur, lors de la présentation du projet de budget devant le Comité des finances locales, le CFL, j’ai en effet annoncé la volonté du Gouvernement d’associer les collectivités territoriales à l’effort de redressement national.

En 2013, l’enveloppe sous plafond attribuée aux collectivités progressera selon la même norme que celle qui s’applique à l’État, à savoir la norme du « zéro valeur ». Un effort supplémentaire de 750 millions d’euros par an pourrait être demandé en 2014 et en 2015 aux collectivités ; c’est en tout cas ce qui est inscrit dans le projet de loi de programmation des finances publiques.

Certes, cette annonce n’a pas particulièrement réjoui les élus locaux composant le Comité des finances locales, mais tous ont compris, me semble-t-il, que l’on ne pouvait demander à l’État de jouer sur sa marge de manœuvre et ses leviers d’action propres pour œuvrer seul au redressement du pays. Chacun doit faire un effort, et je crois que tous les élus responsables y sont très sensibles : si un parlementaire n’oublie pas qu’il est élu local, j’imagine que, inversement, un élu local n’oublie pas non plus qu’il est aussi, le cas échéant, un parlementaire. C’est l’intérêt du cumul des mandats ! (Sourires.)

M. Jacques Mézard. Tout à fait !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Cet effort devra être partagé de la façon la plus équitable possible.

Le président du Comité des finances locales, M. Laignel, a souhaité la création d’un groupe de travail au sein de cette instance, afin que nous déterminions ensemble les modalités de mise en œuvre de l’effort à consentir en 2014 et en 2015. C’est là, je crois, une bonne initiative.

Au-delà de cet effort, nous savons tous la nécessité, pour les collectivités locales bien sûr, mais aussi pour le pays en général, de maintenir l’investissement autant que faire se peut.

À cet égard, la création d’une nouvelle banque des collectivités locales, dont l’annonce devrait intervenir très prochainement, un accord ayant enfin été trouvé entre la Banque postale et la Caisse des dépôts et consignations, devrait satisfaire les élus locaux, qui connaissent, dans leur gestion quotidienne, de très grandes difficultés à la suite de la déconfiture de la banque Dexia, que nous aurions d’ailleurs peut-être pu anticiper davantage. On le sait, cette déconfiture fut marquée par la sortie de la Caisse des dépôts et consignations de la structure, la privatisation de celle-ci puis son exil à Bruxelles, sous l’égide de M. Pierre Richard et de M. Axel Miller avant qu’ils ne se retirent dans d’excellentes conditions, l’un ayant bénéficié d’une retraite chapeau, l’autre d’un golden parachute, en récompense, j’imagine, de la manière brillante dont ils ont géré cette banque ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Frécon, pour la réplique.

M. Jean-Claude Frécon. Je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir évoqué la question du financement de nos collectivités locales. En principe, la Banque postale devrait annoncer enfin, dans les tout prochains jours, qu’elle sera en mesure d’octroyer des prêts aux collectivités.

Je veux simplement redire que le climat dans lequel nous travaillons actuellement est bien différent de celui qui a prévalu au cours des dernières années : la suppression de la taxe professionnelle et la réforme territoriale, notamment, avaient créé une très mauvaise ambiance. Nous avons tourné la page et, avec vous, nous espérons bien ne jamais revenir en arrière ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Serge Dassault.

M. Serge Dassault. Monsieur le ministre, dans la situation financière critique où nous sommes – la croissance est loin d’être assurée et les prévisions de recettes budgétaires sont très optimistes –, vous augmentez les impôts pour financer des dépenses nouvelles qui ne sont pas nécessaires, à seule fin de satisfaire vos électeurs.

De plus, en augmentant les dépenses, vous alertez les agences de notation, qui vous ont placé sous haute surveillance, car vous faites le contraire de ce qu’il faudrait faire, c'est-à-dire baisser les dépenses et les impôts !

Une fois que notre note aura été dégradée et que les taux d’intérêt appliqués à notre dette auront augmenté, vous ne pourrez plus emprunter 160 milliards par an, sinon à des conditions exorbitantes : la France, à l’instar de la Grèce ou de l’Espagne, se trouvera alors en cessation de paiement. Le risque est énorme, et il n’est pas raisonnable de le courir.

La croissance sera faible, car elle dépend de la production et du niveau des exportations, ainsi que de l’euro, qui devrait être dévalué, car il est trop fort par rapport au dollar, ce qui réduit notre compétitivité.

Les 35 heures, que vous refusez d’abroger, vous coûtent, à cause des allégements de charges, 21 milliards d’euros par an, ce qui n’est tout de même pas rien !

M. Ronan Kerdraon. Vous avez eu le temps de les supprimer !

M. Jean-Vincent Placé. Vous avez eu dix ans pour le faire !

M. Serge Dassault. Cela grève nos coûts de production, car on ne travaille pas assez : c’est en France que l’on travaille le moins ! Il est d’ailleurs anormal que le rapport Gallois n’en tienne aucun compte.

En relevant l’ISF et la taxation des plus-values, vous découragez les créateurs d’entreprise et les investisseurs, qui préfèrent partir plutôt que perdre leur patrimoine. Ils investissent dorénavant en Grande-Bretagne ou en Belgique, ce qui accroît le chômage en France.

M. Jean-Louis Carrère. Parlez-nous de vos avions !

M. Serge Dassault. Pour réduire les dépenses, il faut commencer par ne pas les augmenter ! Vouloir couvrir les dépenses nouvelles en accroissant les impôts est une lourde erreur, qui ne peut que concourir à aggraver le chômage.

Il aurait été tellement plus facile de ne pas embaucher 60 000 nouveaux fonctionnaires, que vous devrez payer pendant soixante ans, retraite comprise, de ne pas relever le SMIC, de ne pas augmenter l’allocation de rentrée scolaire, de ne pas revenir à la retraite à 60 ans, de ne pas créer des emplois d’avenir non marchands qui ne serviront à rien, bref de ne pas distribuer tous ces cadeaux…

M. Ronan Kerdraon. Ce ne sont pas des cadeaux aux riches !

M. Serge Dassault. Vous maintenez des dépenses fiscales liées aux aides à l’emploi à hauteur de 10 milliards d’euros et vous octroyez 3 milliards d’euros d’exonérations ciblées.

M. Guy Fischer. Vous vivez de l’argent public !

M. Serge Dassault. L’urgence absolue est d’éviter une dégradation de notre notation et une augmentation des taux d’intérêt appliqués à notre dette souveraine. Il faut tout faire, dans un esprit de solidarité nationale, pour que cela n’arrive pas.

M. Éric Bocquet. La question !

M. Serge Dassault. Surtout, il faut atteindre l’objectif de 3 % de déficit en 2013.

Monsieur le ministre, avez-vous conscience du risque que nous courons ? Renoncerez-vous un jour à vos mesures idéologiques, comme les 35 heures et l’ISF,…

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Jean-Louis Carrère. C’est long !

M. Serge Dassault. … pour en adopter d’autres, plus réalistes, qui seules permettraient le redressement de la France, dans une perspective d’union nationale si nécessaire ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Monsieur le sénateur, il est évidemment toujours plus difficile de répondre à un reproche que de le formuler ! Je vais néanmoins essayer de le faire de la manière la plus précise possible.

Nous sommes, comme vous, extrêmement sensibles au risque d’augmentation des taux d’intérêt de la dette de notre pays ; nous faisons d’ailleurs tout pour l’écarter, avec un certain succès pour l’instant, les taux d’intérêt auxquels notre pays emprunte n’ayant jamais été aussi bas.

Par ailleurs, vous craignez une dégradation de la note de la France. Je me permets de vous rappeler qu’une telle dégradation s’est produite dans le passé : elle fut le fait d’une seule agence de notation et intervint sous un gouvernement précédent, auquel vous n’avez pas dû manquer, à l’époque, d’adresser de vifs reproches, tels que ceux que vous m’adressez aujourd'hui…

Si nous bénéficions à l’heure actuelle de taux d’intérêt bas, cela tient à deux raisons essentielles.

D’une part, les investisseurs ne peuvent, dans la zone euro, se tourner que vers deux pays suffisamment sûrs : l’Allemagne et la France. Nous bénéficions d’un avantage comparatif par rapport à d’autres pays de la zone euro.

D’autre part, la crédibilité de nos politiques budgétaires et financières est reconnue par le FMI lui-même, comme en témoigne une déclaration récente. Je comprends qu’il soit un peu difficile, pour des parlementaires de l’opposition, de nous accorder le même crédit qu’un organisme international, peut-être plus enclin à l’objectivité, mais telle est la réalité…

Concernant les critiques que vous avez pu formuler sur les 35 heures, permettez-moi de vous rappeler, monsieur le sénateur, que c’est en 2007, donc sous l’empire d’une majorité à laquelle vous apparteniez, que ce dispositif a été généralisé à toutes les entreprises, c'est-à-dire à celles de moins de vingt salariés, pour la simple raison que votre politique des heures supplémentaires entrait en jeu à partir de la trente-cinquième heure travaillée.

À cet égard, il est d’ailleurs assez paradoxal de défendre à la fois le recours aux heures supplémentaires et la suppression des 35 heures : si vous voulez des heures supplémentaires, il faut les 35 heures !