M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’est vrai !

M. André Gattolin. Tous les efforts budgétaires produits par notre gouvernement n’auront de sens en matière de reprise et d’adaptation de l’activité économique que si l’Union européenne se dote de réels moyens et de politiques coordonnées en matière de développement, de solidarité et d’innovation.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’est juste !

M. André Gattolin. Doubler la rigueur budgétaire à l’échelle nationale d’une véritable austérité à l’échelle de l’Union européenne serait véritablement suicidaire pour l’avenir de notre économie.

Le groupe écologiste du Sénat, comme cela a déjà été annoncé par son président, votera le projet de loi de finances en dépit de ses craintes et de ses regrets... En retour, nous attendons du Gouvernement qu’il sache entendre, bien mieux que lors de la discussion du projet de la loi de finances rectificative pour 2012 et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, les amendements bienveillants et constructifs que nous lui proposons. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Larcher. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Gérard Larcher. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, la France et l’Europe sont confrontées à une profonde modification économique et sociale. C’est, me semble-t-il, la crise d’un modèle de développement. Un cycle économique se termine, et il me paraît indispensable que nous nous mobilisions pour trouver les nouveaux chemins de la croissance et de l’emploi.

M. Jean-Pierre Caffet. On dirait du Hollande ! (Sourires.)

M. Gérard Larcher. En fait, les mots « croissance » et « emploi » se déclinent ensemble. L’expérience qui a été la mienne en tant que ministre du travail m’a démontré que, sans croissance, il n’y a pas de création d’emplois et, sans création d’emplois, il n’y a pas de résorption du chômage.

En ce sens, cette crise est un défi, un défi pour engager les changements et les réformes pour lever les handicaps qui, depuis longtemps, caractérisent notre pays : un chômage structurel élevé, un marché du travail dual, la désindustrialisation, l’aggravation du déficit de sa balance commerciale, la faiblesse des marges de ses entreprises, une compétitivité qui s’étiole au fil des années et, ne l’oublions pas, la souffrance sociale des citoyens les plus exposés à ces maux.

Dans cette perspective, une voie s’impose, qui est étroite et nécessite courage et détermination, c’est celle des réformes pour moderniser notre économie et nos relations sociales ; c’est aussi la voie de la consolidation budgétaire.

Le projet de loi de finances que nous présente aujourd’hui le Gouvernement, je le dis d’emblée, ne me paraît pas à la hauteur des enjeux. Il me semble difficile d’y voir clair dans la politique économique choisie pour notre pays, notamment après les annonces faites à la suite du rapport Gallois.

Quand la politique budgétaire est contrainte par un niveau élevé d’endettement public - près de 80 % du PIB -, quand la politique monétaire vise d’abord à rendre finançables les dettes souveraines tout en respectant l’objectif d’inflation, alors, la seule marge de manœuvre pour dépasser la crise, nourrir la croissance, notamment la croissance potentielle, me paraît clairement être celle des réformes structurelles.

Engager de telles réformes structurelles signifie deux actions, qu’il faut conduire en même temps.

D’une part, il est nécessaire de réduire notre déficit public en réduisant les dépenses publiques... Mais ce n’est que la trentième décision de votre pacte pour la croissance, alors qu’elle aurait dû figurer dans les premières !

D’autre part, il faut agir pour améliorer la compétitivité de nos entreprises. Vous vous y essayez, et c’est une avancée - Jean Arthuis le soulignait voilà quelques minutes -, mais vous ne nous convainquez pas encore. Il y a d’abord des hausses massives d’impôts, puis la promesse d’un crédit d’impôt pour les entreprises. Cette politique est un peu celle de la douche écossaise pour les entreprises, quelle que soit leur taille !

Depuis six mois, trop souvent pour des raisons idéologiques, me semble-t-il, vous avez déconstruit ce qui avait été fait – insuffisamment, le président de la commission des finances l’a dit ce matin – pour améliorer la compétitivité de notre économie, alors qu’il aurait fallu persévérer et amplifier.

Vous êtes revenu – peu l’ont évoqué – sur la réforme des retraites, alors qu’elle était indispensable à la viabilité sur le long terme de nos régimes sociaux et de notre dette publique. À ce titre, monsieur le ministre, il me semble qu’il serait judicieux d’activer le plus rapidement possible l’article 1er de la loi de 2010 portant réforme des retraites et de demander au Conseil d’orientation des retraites son analyse de l’équilibre financier de nos régimes, notamment à l’horizon 2020 et au-delà, et d’engager la réforme systémique telle que cela est prévu par la loi. Le Sénat a pris une part toute particulière dans cette réforme voulue par un certain nombre de partenaires sociaux.

Vous avez alourdi le coût du travail et, beaucoup l’ont dit, vous avez supprimé la « TVA compétitivité » et êtes revenus sur la baisse des charges sociales, alors que les autorités européennes et la Cour des comptes estimaient, comme nombre d’entre nous, qu’il s’agissait d’une mesure adaptée à notre pays.

Aujourd’hui, on voit bien que vous essayez de rattraper cette erreur par un mécanisme de crédit d’impôt qui sera complexe. Par expérience, nous savons que ces systèmes sont très lourds, moins efficaces et aussi coûteux qu’un système direct !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Exactement !

M. Gérard Larcher. Mais nous pouvons vous décerner un vrai satisfecit pour ne pas avoir tenu deux des engagements du candidat François Hollande !

Vous n’avez pas tenu l’engagement d’un ONDAM à 3 %. Vous êtes devenus plus raisonnables en le fixant à 2,7 % ; la Cour des comptes recommandait même 2,5 %. On sait que l’équilibre des comptes sociaux est fondamental dans l’équilibre global de nos finances publiques !

Vous n’avez pas plus tenu l’engagement d’une renégociation du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, le TSCG. Vous l’avez soumis à ratification, dans l’état où il avait été négocié par le précédent président de la République et le précédent gouvernement, sans aucune modification. Nous avons voté ce texte ; nous attendons maintenant que vous lui donniez un contenu probant.

De fait, vous avez utilisé les six premiers mois à déconstruire ce qui avait été réalisé et, aujourd’hui, vous tentez de colmater les brèches à coup de mortier fiscal en traçant peu de perspectives. Le projet de loi de finances pour 2013 en apporte la preuve.

Votre hypothèse de croissance pour 2013 suscite beaucoup d’interrogations. Au-delà du consensus des économistes que Jean Arthuis évoquait, la Commission européenne et le FMI n’y croient guère.

Vous construisez le volet « recettes » du budget sans anticiper les changements de comportement que vont entraîner chez des agents économiques les fortes augmentations d’impôts que vous décidez. Je ne suis pas certain que ces recettes seront présentes en raison précisément de ces changements.

M. Éric Doligé. Bien sûr !

M. Gérard Larcher. Rappelons que vous avez fait le choix de l’augmentation des impôts pour tous, entreprises et ménages, alors que plusieurs exemples, théoriques et historiques, prouvent que les consolidations budgétaires réussies passent d’abord par une baisse des dépenses publiques. Vous vous y essayez, mais de façon très modeste, trop modeste, et surtout ambiguë.

Monsieur le ministre, en hésitant sur le chemin à prendre en matière de compétitivité et de réforme de la protection sociale, il me semble que vous perdez un temps précieux pour notre pays, au risque de voir notre économie continuer à s’affaiblir et être distancée par nos partenaires européens. Un certain nombre d’entre eux ont engagé avec détermination des réformes structurelles d’ampleur ; je pense en particulier à l’Italie, où il n’a fallu que quelques mois à M. Monti pour agir en ce sens.

Monsieur le ministre, sur les travées du groupe auquel j’appartiens, nous sommes inquiets pour l’avenir économique de notre pays. Nous craignons que vous ne péchiez par excès d’optimisme en pensant que la crise serait derrière nous, comme l’a dit voilà peu le Président de la République.

En commençant par augmenter très fortement les impôts et en reportant les réformes structurelles, vous enfermez notre pays dans la spirale de la seule hausse fiscale. Or vous vous êtes vous-mêmes lié les mains. Parce que vous avez commencé par augmenter massivement les impôts, vous ne pouvez plus accompagner fiscalement une politique de compétitivité. Selon moi, il sera indispensable que, sans attendre 2014, vous nous proposiez ce qui est tout de même un ersatz de la « TVA compétitivité », afin que nous y voyions clair sur cette proposition de modification de la valeur ajoutée.

Vous ne vous attelez pas à une politique claire de baisse de la dépense publique. Vous allez être confronté à un calendrier difficile au printemps, quand il s’agira de démontrer à nos partenaires que nous tenons nos engagements, notamment en matière de résorption de nos déficits. Votre stratégie économique est peu compréhensible. Or la confiance dépend beaucoup de la clarté des objectifs d’un gouvernement.

Aujourd’hui, nous avons l’étrange impression qu’après la remise du rapport Gallois et les annonces du Gouvernement vous essayez de donner le change et de rattraper le temps perdu. Est-ce le temps de la nouvelle politique qu’évoquait ce matin le président Philippe Marini ?

Nous serions heureux que vous vous rendiez à la raison et que vous renouiez notamment avec un engagement de baisse des charges sociales pour les entreprises et une compétitivité qui soit plus largement retrouvée.

Un des points qui m’inquiètent le plus est la hausse de la fiscalité sur l’épargne financière et la limitation de la déductibilité des intérêts d’emprunt pour nos entreprises. C’est là un sujet majeur.

En fait, monsieur le ministre, votre budget est fiscalement dur, politiquement peu courageux,...

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Il est courageux !

M. Gérard Larcher. ... économiquement incertain. Finalement, ce n’est pas le changement, c’est l’évitement des vrais problèmes qui en est la marque : je ne le voterai donc pas ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’est un budget courageux !

M. le président. La parole est à Mme Michèle André.

Mme Michèle André. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le président de notre groupe, François Rebsamen, l’a dit tout à l’heure : nous voici saisis d’un budget d’équilibre social et d’équilibre économique. Ambitieux et volontaire, ce projet de loi de finances vise à mettre en œuvre les différentes priorités du Gouvernement et de la majorité parlementaire qui le soutient.

Il faut tenir compte non seulement du contexte pour assurer l’avenir, mais aussi des besoins pour pouvoir y répondre et des capacités contributives de chacun.

La situation dans laquelle se trouvent les comptes publics est connue : la dette a doublé en dix ans, menaçant tout à la fois notre crédibilité, notre compétitivité et notre capacité d’action.

Notre crédibilité politique au niveau européen est en effet menacée, car l’abandon du combat pour le redressement des comptes risque de marginaliser la parole de la France en Europe et dans le monde sur les sujets économiques. Il serait alors difficile d’obtenir des accords comparables au pacte de croissance, obtenu au sommet européen du 29 juin dernier, ou des avancées sur l’union bancaire. Nous verrons d’ailleurs combien le prochain week-end sera précieux à cet égard.

Mais notre compétitivité économique est également en jeu, car une hausse des taux d’intérêts pour la France non seulement augmenterait le coût de la dette pour l’État, mais aurait également des conséquences directes sur les taux payés par l’ensemble des entreprises françaises.

Enfin, notre capacité d’action est, elle aussi, menacée, car nous pourrions ne plus être maîtres de nos décisions faute de ressources financières. Or nous conservons notre ambition, et nous la porterons. Le changement ne sera en effet durable que si des mesures pour demain sont prises dès aujourd’hui. Pour cela, plusieurs combats seront menés de front, au travers d’actions conduites par l’État.

J’évoquerai en premier lieu l’emploi et l’éducation. Dès les premiers mois de son action, le Gouvernement s’est engagé à mettre en œuvre les promesses de notre candidat : faciliter l’emploi des jeunes grâce, en partie, aux emplois d’avenir…

M. Alain Fouché. Cela ne marche pas ! Tout cela est théorique !

Mme Michèle André. … et permettre aux salariés plus âgés de choisir librement entre la poursuite de leur carrière, en vertu du projet de loi que nous examinerons bientôt sur le contrat de génération, et un départ anticipé, en fonction de la durée et de la pénibilité de leur carrière.

Le présent projet de loi de finances renforce les capacités d’action de Pôle emploi, et son offre de services : près de 4 000 agents supplémentaires seront déployés entre la fin de l’année 2012 et 2014, pour être dirigés vers les demandeurs d’emploi qui en ont le plus besoin, et ils sont de plus en plus nombreux, comme nous le voyons tous.

Nous nous félicitons d’une telle mesure. Nous défendrons également un certain nombre d’amendements visant à renforcer les dispositifs existants, en particulier s’agissant du bénéfice de l’allocation transitoire de solidarité, dont se trouvent exclues des dizaines de milliers de personnes, ce qui les laisse dans une situation économique et sociale dramatique. Je sais le Gouvernement sensible à ce sujet, et nous en reparlerons.

Ce budget, c’est également le retour des deux priorités, trop négligées depuis des années, que sont la jeunesse et l’éducation.

Dès 2013, les étudiants pourront compter sur des bourses revalorisées, dont l’enveloppe globale a été augmentée de 154 millions d’euros. De nouveaux moyens seront apportés à l’École et à l’Université dans le cadre de la compétition internationale des savoirs : près de 9 000 emplois seront créés dans l’éducation nationale, et 1 000 postes supplémentaires dans les universités. Le Président de la République considère qu’il s’agit là des priorités de son mandat ; nous serons derrière lui et son gouvernement pour soutenir ces choix.

J’en viens, en second lieu, à la compétitivité. Le constat dressé dans le rapport Gallois sur l’économie française est alarmant, nous l’avons dit. On découvre le bilan de plusieurs années de difficultés.

François Rebsamen l’a rappelé tout à l’heure, le projet de loi de finances pour 2013 s’inscrit dans la recherche d’un soutien accru aux petites et moyennes entreprises. Une telle démarche se poursuivra dans les prochaines semaines avec l’examen du projet de loi portant création de la Banque publique d’investissement et des mesures souhaitées par le Gouvernement pour soutenir la compétitivité de l’économie française.

Certains de nos collègues nous diront que ces mesures auraient dû figurer dans le projet de loi de finances. Ils semblent oublier qu’un certain temps est nécessaire pour consulter et étudier les mécanismes fiscaux. Nous agissons avec méthode, et non avec précipitation. Convenons-en, cela nous change du gouvernement précédent !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’est vrai !

Mme Michèle André. Au-delà des chiffres bruts de la dette publique, il y a une réalité que nous combattons sans relâche depuis notre arrivée au pouvoir. Elle se trouve à nouveau au cœur du projet de loi de finances que nous nous apprêtons à examiner : je veux parler de l’« impôt sur la naissance » auquel nous a conduits le gouvernement précédent.

Le quinquennat de Nicolas Sarkozy avait commencé par l’instauration d’un bouclier fiscal à 50 %, et s’était terminé par un « détricotage » complet de l’ISF. Face à la dégradation financière des comptes du pays, deux principes nous différencient fondamentalement de nos prédécesseurs : la justice et la solidarité.

Oui, nous l’assumons, les Français seront sollicités, comme nous l’avions d’ailleurs dit dès le mois de juillet dernier, mais à raison de leur capacité à porter ces efforts. Renforcement de l’ISF, nouvelle tranche à 45 % de l’impôt sur le revenu : ces réformes ne toucheront pas les classes moyennes, et c’est l’honneur des plus aisés d’apporter leur pierre au redressement de la nation.

L’autre pan de cette politique, c’est la solidarité. La meilleure illustration en est peut-être l’allocation de rentrée scolaire : nous nous étions engagés à l’augmenter de 25 % ; nous l’avons fait. Près de 5 millions d’enfants en bénéficieront. Ils sont issus de familles modestes et pauvres, souvent monoparentales. Nous savons tous aujourd’hui combien la pauvreté des familles conduit, pour beaucoup d’enfants français, à la pauvreté extrême et à des difficultés durables. Nombre de nos collègues pointent du doigt la difficulté que nous avons à appréhender une telle situation, et c’est bien tout l’enjeu de cette mesure. Elle sera financée, car en remettant de la progressivité et de la justice dans l’imposition des ménages, nous ne nous contentons pas de rembourser l’ardoise laissée par ceux qui sont aujourd’hui dans l’opposition : nous construisons l’avenir.

Vous le voyez, mes chers collègues, le projet de loi de finances dont nous allons débattre, que nous défendrons avec la force de nos convictions, n’est pas seulement la traduction d’un effort sans précédent décidé pour redresser la situation financière calamiteuse dont nous avons hérité ; il porte des valeurs de justice et de solidarité. En demandant à l’ensemble des acteurs de ce pays d’y participer, et à ceux, ménages comme entreprises, qui sont en capacité de fournir cet effort, c’est l’avenir du pays que nous reprenons en main. Voilà ce dont nous allons débattre dans cette enceinte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion du présent projet de loi de finances se situe bien évidemment dans le prolongement des débats fondamentaux que nous avons eus depuis le début de la session.

Ce texte porte les stigmates de la loi autorisant la ratification du traité budgétaire européen, de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques et enfin de la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques elle- même. Il ne serait donc que la première manifestation de ces trois éléments essentiels des politiques publiques des années à venir.

Une telle approche, parfaitement concevable, amène d’ailleurs à adopter a priori une position sur le présent texte.

Résumons-nous : si l’on est contre le traité budgétaire, ce qui est notre position, contre la règle d’or issue de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, ce qui est également notre position, et que l’on a rejeté la loi de programmation, comme c’est encore notre cas, on peut en déduire, aussi logiquement que mécaniquement, qu’il n’y a pas à débattre du présent projet de loi de finances et qu’il faut se préparer à le rejeter.

Mais nous croyons pour notre part aux vertus du débat public et à celles de l’analyse concrète d’une situation concrète. Nous pensons que les débats parlementaires que nous allons mener permettront peut-être de dégager d’autres solutions à la grave crise des finances publiques que nous connaissons, quitte à dévier quelque peu de la trajectoire apparemment tracée par les textes précédemment cités.

Nous partageons évidemment le constat de la gravité de la situation. Dix années d’exercice du pouvoir par la droite ont conduit au doublement de la dette publique et à une dégradation généralisée de la situation économique et sociale.

Cette dégradation prend des caractères extrêmement variables, allant de l’insécurité grandissante dans certains quartiers dits « sensibles » au développement du chômage et de la précarité, en passant par l’échec scolaire et certains reculs de la vie associative. Mon amie et collègue Marie-France Beaufils vient de donner des chiffres en la matière.

Le développement des inégalités sociales est donc allé de pair avec une dégradation du lien social. Dix ans de pouvoir de droite ont conduit les Françaises et les Français à un recul de la citoyenneté, un recul de ce qui fait sens dans la communauté des habitants de notre pays.

Remédier à cette situation commande-t-il, comme on le fait dans le présent projet de loi de finances, de mettre en œuvre une sorte de « choc fiscal » marqué par un accroissement sensible du rendement de nos impôts et taxes en vue d’une réduction, en théorie, du déficit public, tout en menant parallèlement une politique d’austérité qui, sous bien des aspects, n’a rien à envier à ce qui se fait un peu partout en Europe ?

Dans les faits, la plupart des instances internationales reconnues distinguent clairement les situations.

L’Asie va continuer de connaître, dans les années à venir, une croissance relativement soutenue, même si le modèle chinois de développement économique donne quelques signes d’essoufflement ; les Grecs ou les Portugais l’échangeraient aisément contre l’actuelle austérité qui prévaut chez eux. Une croissance, même ralentie, à 7,5 % du PIB, qui n’en voudrait pas ?

Les États-Unis, désormais libérés des contingences de l’élection présidentielle et des incertitudes relatives à son résultat, semblent devoir connaître une certaine forme d’embellie, ce qui fait désormais d’eux le premier client de la Chine. Pour autant, le FMI estime que la croissance américaine atteindra 2,75 % en 2013.

Les pays d’Europe non membres de l’Union européenne ne sont pas nécessairement en mauvaise forme, la Russie tournant autour des 4 % de croissance, tandis que les autres pays émergents – Brésil, Argentine, notamment – connaissent des croissances du même ordre, tout juste ralenties par les conséquences des politiques d’austérité mises en œuvre en Europe.

Tous les pays européens, singulièrement ceux de la zone euro, présentent aujourd’hui une tendance récessive. Les prétendus plans de sauvetage de la Grèce, de l’Irlande, du Portugal, de l’Espagne ou de l’Italie, que nous n’avons pas soutenus, conduisent ces pays à la récession, à l’abaissement, à la perte de leurs capacités, voire à la ruine de leur économie.

Tout se passe aujourd’hui comme si l’austérité imposée aux uns, contre toute logique et sans autre résultat que l’accroissement de leurs difficultés, était exportée chez les autres et engendrait d’elle-même de nouvelles politiques d’austérité aussi stupides que néfastes.

Tout cela, pour quoi faire ? À quoi sert le TSCG ? À maintenir la parité de l’euro par rapport aux autres devises ? C’est un échec de ce point de vue : le dollar s’est apprécié par rapport à l’euro, et il faut aujourd’hui 1,30 dollar pour 1 euro ! Quant au franc suisse, il vaut aujourd’hui 83 centimes d’euro, alors qu’il cotait 68 centimes d’euro il y a dix ans…

L’euro, monnaie unique, cet outil « formidable », s’est dévalué, victime de l’austérité, et cela ne sert même pas aux économies de la zone euro – si l’on excepte l’économie allemande – pour gagner en efficacité dans le commerce international.

Toujours est-il que même l’Allemagne semble en situation de récession : la croissance au troisième trimestre n’y est pas meilleure qu’en France ; le niveau de chômage tend à croître, malgré les emplois à cinq euros de l’heure, voire moins, et les comptes publics n’y sont plus aussi florissants qu’avant.

À vouloir imposer une austérité sans borne à l’ensemble de l’Europe, voici donc Mme Merkel aux prises avec le carcan qu’elle a souhaité imposer aux autres, mettant en péril l’économie et la société de ce pays vieillissant et quelque peu inquiet de l’avenir qu’est devenue l’Allemagne fédérale.

Dès lors, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est grand temps que nous sortions de l’ornière dans laquelle la course exténuante au fameux 3 % de déficit risque d’entraîner notre pays, comme elle entraîne en ce moment l’Europe !

Vous avez raison, monsieur le ministre, de vouloir la justice fiscale, de traiter les revenus du capital comme ceux du travail – mais j’aurais des choses à dire sur ce point ! –, de considérer les plus-values comme des revenus « ordinaires » et de pourchasser l’optimisation fiscale des grands groupes, comme vous le faites, je dois le dire, dans une partie non négligeable du présent projet de loi de finances.

Mais, là où vous avez tort, nous semble-t-il, c’est de confronter l’aspiration à la justice fiscale, qui s’est largement traduite au printemps dernier dans le vote des Français, monsieur Rebsamen, et les fortes attentes de justice sociale à la réduction de la dépense publique, au gel de la rémunération des fonctionnaires, à la saignée pratiquée dans les crédits de la culture, aux artifices comptables des prélèvements autoritaires destinés à « boucher les trous », au retard apporté à certains projets et, en partie, à la soumission acceptée aux marchés financiers.

Tout à l’heure, monsieur Rebsamen, vous établissiez une distinction entre le groupe CRC et la droite. Je vous rejoins bien évidemment. En revanche, mon point de vue diverge du vôtre sur ce que souhaitent les Françaises et les Français. Quitte à caricaturer quelque peu votre propos, je ne crois pas que nos concitoyens accueillent presque avec joie la politique menée actuellement.

Mes chers collègues, rappelons-nous : l’ennemi, c’était la finance, disait-on du côté du Bourget au printemps. L’ennemi, ma foi, on semble s’en être accommodé, puisque la justice fiscale proclamée va surtout servir à payer la rente de 50 milliards d’euros – ou peu s’en faut – que les marchés exigent de la France au titre des intérêts de la dette publique !

M. Jean-Pierre Caffet. Il faut bien les payer !

M. Thierry Foucaud. Il faudra bien, mes chers collègues, que nous nous penchions sérieusement sur le rôle joué par les marchés financiers dans l’absence d’investissements industriels répondant aux nécessités de développement de la production et de l’emploi, de la croissance.

M. Serge Dassault. Vous avez raison !

M. Thierry Foucaud. Les pressions que le lobby bancaire fait peser sur le projet de loi relatif à la création de la banque publique d’investissement et sur le projet de loi de réforme bancaire ne peuvent manquer de nous inquiéter de ce point de vue.

Mais quand donc aura-t-on le courage politique de mettre en question le rôle d’une Banque centrale européenne qui protège si bien la parité de l’euro au point que celle-ci s’est affaissée au regard des grandes devises de la planète ?

Dans le cadre de cette discussion, nous, parlementaires du groupe CRC, avons déposé un certain nombre d’amendements dont la finalité générale est d’aller plus loin que ne le fait le projet de loi de finances voté par l’Assemblée nationale. Bien sûr, mes chers collègues, nous ne partons pas de rien : pour une part essentielle, ces amendements sont identiques à ceux que la majorité de gauche du Sénat, dans une belle unanimité, comme pour affirmer un manifeste, a votés l’an dernier, lors de la discussion de la loi de finances pour 2012.

Nous ne pouvons donc que reprendre le travail là où il a été laissé et là il nous avait menés.

Notre objectif est clair : créer les conditions de la croissance, faciliter l’investissement productif, rendre aux plus modestes et aux salariés du pouvoir d’achat, aller plus loin sur la voie de la justice sociale.

Sur le plan budgétaire, cela se traduirait par un accroissement des ressources de l’État sans doute plus élevé que celui qui est prévu par le texte initial. Cela signifie, bien évidemment, que nous sommes clairement partisans de briser le tabou du gel de la dépense publique et de définir, en fonction des priorités et de l’utilité sociale, une dépense publique nouvelle, utilisant ce surplus de recettes, donnant une impulsion spécifique à l’activité économique.

Le New deal, monsieur le ministre, ensemble d’outils de sortie de crise définis par Roosevelt et ses conseillers, n’a jamais été un plan d’austérité !

Nul doute que la France ne puisse sortir de la crise sans que soient menées des politiques publiques audacieuses et déterminées, sortant des schémas qui nous ont conduits à la croissance zéro d’aujourd’hui, du fait de la politique menée par la droite.

Et les 120 milliards d’euros du pacte de croissance européen ne suffiront pas à faire le compte, croyez-moi, pas plus que les 20 milliards d’euros du « pacte de compétitivité » ne seront plus efficaces que les 170 milliards d’euros de cadeaux fiscaux et sociaux déjà accordés aux entreprises pour relancer, prétendument, l’activité industrielle.

En conclusion, c’est en fonction de l’évolution du contenu de la première partie du projet de loi de finances que nous serons amenés à nous déterminer. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)