M. Jackie Pierre. Il n’a pas du tout dit ça !

M. Alain Anziani. La parité est un principe constitutionnel, un objectif vers lequel nous devons tendre. Nous pouvons donc nous réjouir que le nouveau mode de scrutin nous permette d’assurer enfin la parité dans les conseils généraux.

Je conclurai par deux remarques.

La première porte sur le département. Voulons-nous que cette collectivité ait un avenir ? Oui ! Il faut donc moderniser le département, car, si nous ne le faisons pas, son poids deviendra de plus en plus faible dans ce pays.

M. Henri de Raincourt. Là, vous êtes en train de le tuer !

M. Alain Anziani. Ma seconde remarque concerne le Sénat. À quoi sert notre Haute Assemblée ? C’est à vous de donner la réponse, chers collègues. Si, ce soir ou demain, vous montrez une nouvelle fois que le travail du Sénat ne sert à rien, vous soulèverez une question institutionnelle de grande ampleur. J’en appelle à votre sagesse : je vous demande de bien réfléchir. Faites en sorte que le Sénat puisse peser dans les débats d’aujourd'hui et de demain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Kaltenbach, pour explication de vote. (Marques d’impatience sur les travées de l’UMP).

M. Philippe Kaltenbach. Le mode de scrutin que prévoit l’article 2 est bon. C’est une création, il est vrai, puisqu’il n’existe nulle part ailleurs.

M. Gérard Longuet. Vous devriez vous méfier, c’était déjà le cas des 35 heures ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Kaltenbach. Cependant, c’est un mode de scrutin ingénieux, qui répond au besoin de proximité et à la nécessité de la parité.

J’ai entendu de nombreuses critiques sur ce mode de scrutin. J’ai aussi entendu dix propositions alternatives. Or, sur ce sujet comme sur beaucoup d’autres, le trop-plein de solutions de rechange prouve qu’aucune ne s’impose. Il faut donc se rallier au mode de scrutin prévu par l’article 2. En effet, il prend en compte les contraintes qui ont été mises en évidence au cours de notre débat : la proximité et la parité, comme je l’ai déjà souligné, mais aussi l’égalité devant le suffrage.

Quels sont les reproches adressés à ce mode de scrutin ? Il diminuerait la proximité des élus avec leurs électeurs, car les cantons ruraux comporteraient plus d’habitants qu’auparavant. C’est vrai, mais allons-nous continuer à vivre avec des cantons de 1 000 ou 1 500 habitants ?

M. Henri de Raincourt. Pourquoi est-ce que cela vous dérange ?

M. Philippe Kaltenbach. Parce que c’est contraire au principe constitutionnel d’égalité devant le suffrage, cher collègue. Il est anormal qu’il y ait un tel écart démographique entre les différents cantons d’un même département. Certains conseillers généraux sont élus avec 1 000 voix, d’autres avec 40 000 voix. C’est évidemment inacceptable.

M. Gérard Longuet. Nous sommes d'accord.

M. Philippe Kaltenbach. Le fait que les cantons soient plus grands ne nuira pas à la proximité des élus avec leurs électeurs, d’autant que chaque canton élira désormais deux conseillers généraux, qui pourront tout à fait travailler main dans la main pour défendre les intérêts de leur canton et de leur département. Le mode de scrutin prévu par l’article 2 apporte donc la bonne réponse à la question de la proximité. Les cantons seront certes un peu plus grands, mais le système sera plus juste et, surtout, je le répète, il y aura deux élus dans chaque canton.

En ce qui concerne la parité, tout a été dit. Ce sera une véritable révolution : il y aura demain autant de femmes que d’hommes dans les conseils généraux. Je crois que nous pouvons être fiers de cette avancée démocratique, qui va dans le sens de l’égalité entre les hommes et les femmes. Comme l’a justement remarqué Bruno Sido, ce changement sera irréversible. C’est tant mieux, car c’est le sens de l’Histoire. On ne pourra pas revenir en arrière.

Le principe d’égalité devant le suffrage rendait lui aussi le redécoupage indispensable. Vous aviez prévu de l’effectuer dans le cadre de la création du conseiller territorial ; nous allons y procéder à l'occasion de ce projet de loi.

À propos du conseiller territorial, je remarque qu’il a été bien peu défendu sur les bancs de la droite. J’ai le sentiment, chers collègues de l’opposition, que l’indignation que suscite en vous sa suppression n’a d’égale que votre satisfaction de voir cet élu hybride sortir définitivement du paysage…

À présent que nous savons que le nouveau mode de scrutin sera adopté, pas nécessairement au Sénat, certes, mais en tout cas à l’Assemblée nationale, le véritable enjeu est d’améliorer les dispositions qui l’encadrent, afin que les problématiques rencontrées par les élus locaux soient bien prises en compte.

J’ai été complètement rassuré par les déclarations de M. le ministre. Un amendement du groupe socialiste défendra l’idée d’un tunnel plus large – plus ou moins 30 % –, ce qui permettrait de répondre avec plus de souplesse aux contraintes du redécoupage. L’article 23, tel qu’il a été modifié, prévoit déjà ce tunnel, mais à titre exceptionnel ; en le rendant systématique, nous aurons la possibilité d’effectuer un redécoupage plus souple, qui corresponde mieux aux réalités territoriales. Ce sera une excellente chose.

Je voudrais également rassurer les élus du groupe écologiste. Ils ont trouvé avec les socialistes des partenaires qui les respectent. Mes chers collègues, vous n’avez pas été brimés lors des dernières élections sénatoriales et législatives. (Rires et exclamations sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. Michel Savin. Marchandage !

M. Philippe Dallier. Ratatouille politicienne !

M. Jackie Pierre. C’est un scandale !

M. Michel Mercier. En somme, s’ils ne sont pas sages, les écologistes n’auront plus rien… Attention, chers collègues !

M. Philippe Kaltenbach. Il n’y a aucune raison qu’il en aille différemment lors des élections cantonales. Les socialistes ont toujours rassemblé leur camp, n’en déplaise à la droite.

En conclusion, l’enjeu est de savoir quel rôle doit jouer le Sénat. L’article 2 peut être repoussé par la Haute Assemblée, certes, mais réfléchissons au sens qu’aurait un nouveau rejet de l’ensemble du projet de loi. Voulez-vous que l’Assemblée nationale fasse seule la loi ? C’est cette question qui est aujourd'hui posée.

M. Jean-Claude Gaudin. Laissez-nous décider !

M. Philippe Kaltenbach. Je crois que le Sénat doit prendre toute sa place. Il faut qu’un texte sorte de nos débats, même s’il n’est pas parfait. Il faut que nous soyons en mesure de défendre en commission mixte paritaire les points qui font l’objet d’un accord, comme le tunnel de plus ou moins 30 % ou le seuil de qualification pour le second tour.

C'est pourquoi j’espère que la sagesse l’emportera et que, malgré le rejet probable de l’article 2, nous pourrons trouver un accord sur l’ensemble du projet de loi, afin de réaliser des avancées dans le sens de l’intérêt général et de la défense des territoires que nous représentons.

M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.

M. Daniel Dubois. Le précédent gouvernement avait fait un choix : il avait décidé de créer un nouvel élu, le conseiller territorial. Le texte prévoyait également la possibilité pour les départements de fusionner avec leur région, après un référendum dans chacun des départements concernés. En créant un élu siégeant à la fois dans les conseils généraux et les conseils régionaux, ce texte ouvrait donc la voie à une réorganisation des collectivités de proximité à moyen terme.

Pour votre part, vous annoncez très officiellement que vous voulez conserver les départements. Vous l’annoncez, mais vous ne pensez pas ce que vous dites. Vous faites preuve de ce que j’appellerai une hypocrisie d’État !

M. Jean-Jacques Mirassou. Beau concept ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Daniel Dubois. En effet, les collectivités départementales, vous le savez, sont confrontées à un triple défi, opérationnel, financier et de gouvernance.

S’agissant du défi opérationnel, lorsque l’on examine l’acte III de la décentralisation, on se rend compte que tout va aux régions et rien aux départements.

Si l’on s’attache à la fiscalité et aux recettes des départements, le constat est le même : pas grand-chose pour les départements, et encore moins, d’ailleurs, pour les départements ruraux. Finalement, cette collectivité ne se voit pas offrir de solution.

Nous nous trouvons face à une véritable hypocrisie. La proximité, c’est terminé, alors qu’elle était au cœur de la collectivité départementale. Par ailleurs, un déséquilibre majeur apparaît avec ce système d’élection, puisque les territoires ruraux, qui avaient un vrai besoin de conseil général, vont se trouver désavantagés par rapport à la ville.

Enfin, concernant la gouvernance, on sait très bien que ce duo, qui sera, lors de la campagne, tout à fait rassemblé, se transformera en duel sitôt l’élection acquise. Finalement, la collectivité départementale, que vous dites vouloir soutenir et sauvegarder, va mourir à petit feu à cause de votre action. Or nous y sommes attachés, particulièrement dans les territoires ruraux.

Telles sont les raisons pour lesquelles je voterai contre l’article 2. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour explication de vote.

M. Joël Guerriau. Monsieur le ministre, je veux simplement vous dire combien j’approuve le travail qui peut être fait pour aller vers plus de parité, en tout cas pour créer une égalité entre les femmes et les hommes. Le sujet me paraît essentiel et cette démarche est nécessaire pour la République.

Toutefois, je me mets à la place de nos concitoyens, lesquels considèrent que nous, représentants politiques, sommes relativement nombreux. Or, avec ce texte, nous allons leur donner l’image non pas d’une simplification, mais d’une complexification. En quelque sorte, nous allons leur donner l’impression d’avoir œuvré pour notre petite boutique interne.

Au sein d’une intercommunalité coexisteront deux conseillers départementaux, des conseillers communautaires, des adjoints aux maires, des conseillers municipaux, le sénateur, le député, etc. À mon sens, cela ne donne pas une très bonne image de la politique.

Nous devons vraiment nous demander comment faire évoluer les choses en répondant davantage à l’aspiration de nos concitoyens, qui, je pense, ne se retrouveront pas dans un tel dispositif. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.

Mme Catherine Procaccia. Je suis conseiller général, élue au scrutin majoritaire, et je dois dire que je tiens à ce mode de scrutin, car il est celui qui donne l’onction des citoyens, celui grâce auquel les femmes, en particulier, sont pleinement reconnues. En effet, avec ce système, elles sont choisies sur leur nom propre et ne sont pas accusées d’avoir été élues sur une liste. Je suis donc satisfaite que ce mode de scrutin demeure.

En revanche, je suis contre le binôme, non pas parce qu’il est constitué d’un homme et d’une femme, mais parce qu’il va mettre fin à la diversité politique dans les départements.

C’est très simple : comment voulez-vous que des non-inscrits ou des indépendants qui représentent aujourd’hui un seul canton puissent dorénavant se présenter en binôme sur un grand canton de 40 000 ou 50 000 habitants. C’est impossible !

Mme Cécile Cukierman. Il y a bien des sénateurs non inscrits !

Mme Catherine Procaccia. Comment voulez-vous, dans un département comme le mien – ou comme le nôtre, monsieur Favier, puisque vous le présidez –, que là où il y avait un socialiste au milieu de trois cantons communistes ou un UMP au milieu de trois cantons socialistes, la diversité politique puisse perdurer ? Avec deux élus sur des cantons plus grands, ce sera absolument impossible. Nous sommes en train de tuer cette diversité politique. Tel est d'ailleurs, à mon avis, l’objectif recherché, sous le prétexte de la parité.

De plus, il faut savoir que, d’après certains de nos collègues, ce sont les sections socialistes qui font remonter les premiers découpages de notre département… (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Marc Todeschini. N’importe quoi !

Mme Catherine Procaccia. … et qu’elles ont fait en sorte que leurs ennemis politiques, c’est-à-dire l’UMP et le parti communiste, perdent des cantons dans notre département.

M. Jean-Claude Lenoir. C’est vrai !

Mme Catherine Procaccia. Comment voulez-vous que l’on puisse s’y fier ?

M. Jean-Marc Todeschini. Marleix était orfèvre en la matière !

Mme Catherine Procaccia. Par conviction, je voterai donc contre cet article, d’autant que l’on nous menace de faire trancher cette question par l’Assemblée nationale. En effet, les députés, en 2006 et 2007, ont bien voté le principe du remplaçant de sexe opposé aux élections cantonales, mais ils ont refusé d’appliquer à eux-mêmes cette forme de parité. Donc, pour l’instant, hormis le Président de la République, seuls les députés peuvent être élus avec un suppléant du même sexe.

Pour ma part, je n’ai pas confiance et je voterai contre cet article. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.

M. Michel Mercier. Monsieur Karoutchi, essayez donc de devenir conseiller général, vous verrez comme c’est difficile ! (Sourires.)

Il y a très longtemps que je suis conseiller général…

M. Michel Mercier. … et je suis très attaché à ce mandat. Cependant, j’ai bien conscience du caractère un peu décalé de ce que je vais dire maintenant.

Je regrette que nous commencions par une loi électorale, sans nous être au préalable posé les questions suivantes : que faisons-nous du département et comment organisons-nous le territoire de la République demain ?

Cette institution peut être l’objet de critiques, et je l’accepte parfaitement. Néanmoins, nous avions peut-être l’occasion de nous poser la question dans le bon sens. J’ai été très triste, ce matin, d’entendre opposer le rural et l’urbain. Cela ne tient pas debout.

Je siège dans un conseil général que l’on présente communément comme urbain, mais qui est aussi rural, et je crois que les conseillers généraux élus dans la métropole, à Lyon, se font très bien connaître. Voilà quelques années, avec M. Chevènement, nous avons redécoupé Lyon et tout se passe très bien. Chacun est élu dans un quartier historique, et cela fonctionne.

Toutefois, là n’est pas le problème. La bonne question à se poser est : le département, dans la France d’aujourd’hui, telle qu’elle a évolué, est-il encore utile et nécessaire ? (Mme Hélène Lipietz s’exclame.)

Si l’on ne se pose pas cette question, l’on peut difficilement se prononcer sur le système électoral.

Dans certains territoires, le département est absolument indispensable, parce qu’il est l’échelon de la mutualisation. Les autres collectivités à l’échelon inférieur sont trop faibles, pas assez riches, pas assez puissantes en hommes et en femmes. Il faut donc organiser le territoire en mutualisant les moyens. Le département est là pour ça !

Toutefois, il y a aussi les grandes agglomérations, pour lesquelles l’absence de département ne serait pas catastrophique.

On pourrait donc imaginer des organisations différentes, car il n’y a aucune nécessité d’avoir une uniformité sur tout le territoire de la République. Aujourd’hui, on peut tenir compte des diversités. Telle est peut-être la voie à suivre.

La loi électorale que nous sommes en train de discuter présente des inconvénients et des avantages. Comme pour tout texte de ce type, ceux qui la font voter seront battus à l’élection d’après.

Je ne vais pas reprocher au Gouvernement de faire une loi pour gagner les élections, car il peut parfaitement les perdre. Cela arrivera ou pas, car ce résultat dépendra aussi de notre capacité à être convaincants. Les citoyens choisissent les bons, écartent les mauvais et ils ont toujours raison. C’est la République ; il n’y a rien à ajouter !

À mon sens, on aurait pu imaginer une autre loi électorale, qui n’opposerait pas les ruraux et les urbains et qui affirmerait la nécessité du département sur tel type de territoire, tout en préservant la proximité. En restant sur des grands principes généraux, on obtient parfois un résultat contraire à celui qui est recherché.

Avec le système du binôme électoral, vous tentez de résoudre deux problèmes différents : la parité et la proximité. Vous résolvez bien, du moins en apparence, le premier, mais, en refusant de modifier le nombre d’élus, vous éloignez les conseillers généraux des électeurs.

Dans un département comme le mien, si rien n’est modifié, il y aura 75 000 habitants par canton en moyenne. Dans d’autres territoires, pour trouver une telle population – c’est le cas du nord-ouest de mon département –, il faudra faire 80 kilomètres.

Je reconnais, avec M. Patriat, que, grâce aux voitures électriques de demain, à condition qu’on construise quelques barrages, le conseiller général pourra aller d’un coin à l’autre du département. (Sourires.) Toutefois, plus sérieusement, je puis vous dire que ce système ne marchera pas, car les citoyens ne connaîtront plus leurs élus.

À mon sens, nous aurions tous été bien inspirés d’être un peu plus modestes et de nous demander, avant de voter une loi électorale, ce que nous devions faire du département demain. Faut-il le maintenir ? Dans l’affirmative, sa forme doit-elle être la même partout ?

Cette précipitation à déterminer un mode de scrutin me chiffonne un peu, d’autant que, à bien examiner la loi sur l’acte III de la décentralisation à venir,…

M. Michel Mercier. … il apparaît que la compétence première, qui deviendra presque unique, du département, ce seront les affaires sociales. Or, en la matière, il faudra bien traiter les gens de la même façon partout.

Une personne handicapée, qu’elle habite dans l’Ariège ou à Paris, a besoin des mêmes droits, des mêmes moyens de vivre avec son handicap, fournis par la République.

En somme, le département sera de moins en moins une collectivité territoriale et de plus en plus une institution chargée d’assurer un certain nombre de prestations sociales. Un tel constat devrait vraiment nous faire réfléchir sur le rôle du département. Je regrette que tel ne soit pas le cas et que nous soyons amenés à nous prononcer sur une loi électorale avant de nous poser les vraies questions de fond. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Mirassou. Au moment de nous déterminer, nous devons nous demander si le pluralisme, la parité et la proximité sont compatibles. Apparemment, la réponse est négative, puisque ceux qui préconisaient le pluralisme au travers du scrutin proportionnel s’éloignaient, de fait, de la proximité.

Toutefois, au bout du compte, l’article 2 tend à mettre en place un moyen terme qui, de notre point de vue, est non seulement acceptable, mais souhaitable. En effet, il introduit la parité, en maintenant avec force le principe de proximité.

Nos collègues de l’UMP, pessimistes, qui annoncent à l’avance le dysfonctionnement du binôme, font peu de cas du fait qu’il sera désigné par le biais du suffrage universel. Par définition, il y aura donc une forme de contractualisation entre le binôme, les objectifs visés et les électeurs du territoire concerné. (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Claude Gaudin. Chez les socialistes, cela va être difficile !

M. Jean-Jacques Mirassou. Vous avez également intenté un procès à cet article 2 et, de manière plus générale, à ce projet de loi, en l’accusant de tendre à faire disparaître les cantons ruraux, ou du moins à les affaiblir singulièrement.

Chers collègues de l’opposition, dois-je vous rappeler que, en dix ans, à coups de RGPP, en supprimant une palanquée de brigades de gendarmerie, de bureaux de poste, de tribunaux, et j’en passe, vous avez sérieusement entrepris ce que, maintenant, vous condamnez par anticipation ? (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Claude Lenoir. Ce n’est rien par rapport à ce qui nous attend !

M. Jean-Jacques Mirassou. Au moment où nous parlons, le constat est patent ! C’est votre bilan, notamment en matière de tribunaux.

M. Jean-Claude Gaudin. Vous nous incitez à voter contre !

M. Jean-Jacques Mirassou. Tournons-nous plutôt vers l’avenir, avec un département garant de la proximité – je suis d'accord avec cette définition – et de la solidarité, non seulement entre les institutions elles-mêmes, mais également entre les habitants.

Pour reprendre ce qui a été excellemment dit par François Patriat tout à l’heure, il n’y a pas les habitants du rural et ceux des cages d’escalier ! Notre ambition est de faire en sorte que, en modernisant l’institution du département, nous puissions concilier les intérêts des uns et des autres.

Cet article et, plus largement, ce projet de loi présentant de l’ambition, ainsi qu’une vision d’avenir, le groupe socialiste non seulement le votera avec force et conviction, mais vous incite, chers collègues de l’opposition, à revoir votre position. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. J’ai voté avec enthousiasme l’amendement n° 49 rectifié, tel qu’il a été soutenu par la commission, parce qu’il me conforte dans l’idée que l’on ne peut pas voter l’article 2 et que le scrutin binominal est absurde.

La raison en est simple : avec cet amendement, vous allez territorialiser chaque élu en lui attribuant une section. Or quelle sera la situation de l’élu issu d’une section au sein de laquelle il aura été notoirement minoritaire au vu de l’addition des résultats des différents bureaux de vote, alors que son adversaire sera majoritaire mais aura été malheureusement battu que parce que son co-candidat – son conjoint, en quelque sorte – l’aura desservi dans l’autre section ? Ce système est parfaitement absurde !

Les dispositions de l’amendement n° 49 rectifié, que vous avez soutenues avec tranquillité et sérénité et que j’ai votées, présentent donc un immense mérite : prouver que vous créez des élus qui ne seront pas représentatifs des territoires qu’ils sont censés représenter. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Delebarre, rapporteur. Je souhaite intervenir pour rétablir un point d’histoire, monsieur le président.

La question des sections a été longuement débattue au sein de la commission des lois, et je rappellerai aux membres de cette dernière que j’étais défavorable, en ma qualité de rapporteur, aux amendements créant des sections.

M. Gérard Longuet. Vous aviez raison !

M. Jean-Claude Lenoir. Le Sénat y est également hostile !

M. Michel Delebarre, rapporteur. Malheureusement, je ne suis que rapporteur et, puisque la commission a voté ces amendements, je ne puis que rendre compte de l’avis émis par la commission.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Manuel Valls, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, il n’y a pas de suspense sur le vote qui va intervenir : l’article 2 sera rejeté. Sur ce point, la messe est dite. J’ai dit à plusieurs reprises hier, et je le répète aujourd’hui, que cette discussion nous offrait l’occasion d’un rendez-vous. Or nous allons manquer ce rendez-vous, une nouvelle fois.

M. Jean-Claude Gaudin. À qui la faute ?

M. Manuel Valls, ministre. Pourtant, malgré les propos que vient de tenir M. Longuet, j’ai le sentiment que la cause du scrutin binominal a avancé, pour plusieurs raisons.

Premièrement, ce mode de scrutin binominal va s’appliquer, puisque l’Assemblée nationale le votera. Chacun intègre déjà cet élément dans son raisonnement.

Deuxièmement – et il ne s’agit pas d’un argument juridique ou même politique, mais d’un constat –, il n’y a pas de solution de substitution à ce mode de scrutin. Je ne porte pas ce jugement dans l’absolu, mais compte tenu du déroulement des débats : il n’existe pas de majorité, ni à l’Assemblée nationale ni au Sénat, en faveur d’un scrutin de liste ; il n’existe pas non plus de majorité en faveur d’un scrutin mixte qui oppose territoires urbains et ruraux.

M. Jean-Claude Gaudin. Qui distingue, pas qui oppose !

M. Manuel Valls, ministre. Certes, monsieur Gaudin, mais du point de vue de la conception de la représentation politique, cela revient à opposer les territoires ruraux aux territoires urbains, comme l’a montré François Patriat.

Très honnêtement, je peux comprendre que l’on parle de proximité dans le cas de cantons de mille habitants. Néanmoins, je le répète en tant qu’élu d’un territoire urbain, les deux conseillers généraux d’Évry, dont l’un est sénateur et l’autre maire de la ville, sont bien connus de la population. Quand quelqu’un travaille et se fait élire sur des enjeux de proximité, il est forcément connu, surtout quand on pense aux compétences du conseil général !

Enfin, il ne peut y avoir de majorité pour le statu quo. En effet, soit celui-ci n’existe pas, parce que la réforme du conseiller territorial a été adoptée, soit les règles constitutionnelles empêchent d’y revenir.

À l’évidence, il n’existe pas encore de majorité au Sénat pour le scrutin binominal et vous allez vous en remettre, d’une certaine manière, à l’Assemblée nationale pour trancher définitivement cette question,…

M. Jean-Claude Gaudin. Pas tout de suite !

M. Manuel Valls, ministre. … même si je n’oublie pas qu’il y aura encore des débats au Sénat après la réunion de la commission mixte paritaire.

M. Manuel Valls, ministre. C’est la raison pour laquelle j’ai dit que la cause du scrutin binominal progressait, monsieur Gaudin.

Hier, je vous ai présenté des propositions – insuffisantes, selon certains, qui m’ont reproché tout à l’heure de n’avoir pas fait de réelle ouverture, mais il n’était pas question de dénaturer le texte du Gouvernement ! Ces propositions demeurent, et elles demeureront, naturellement.

Philippe Kaltenbach les a rappelées, et je l’en remercie. Il s’agit, tout d’abord, d’élargir de 20 % à 30 % le tunnel, c’est-à-dire l’écart entre la population d’un canton et la moyenne départementale, avec les risques constitutionnels que cela comporte. Nous nous appuierons notamment sur le travail du Sénat et de l’Assemblée nationale pour définir les critères qui présideront au découpage des cantons.

Tous les éléments que nous avons progressivement rassemblés en écoutant les élus qui représentent ces territoires montrent que l’on peut mettre en œuvre ce nouveau tunnel, dont vous allez discuter à l’article 23. Nous aurons donc l’occasion d’avancer progressivement sur ce point, même si l’article 2 n’est pas adopté.

J’ai également pris au nom du Gouvernement un engagement, plus difficile à tenir pour des raisons politiques, sur le seuil de voix requis pour se maintenir au second tour, à savoir 12,5 % des inscrits.

En ce qui concerne le redécoupage des cantons, il sera général, c’est vrai. Néanmoins, deux garanties existent déjà : l’avis de chaque conseil général sera recueilli et l’avis du Conseil d’État sera sollicité sur les décrets concernant chaque département. Je me suis engagé ici-même à organiser un travail avec les présidents de conseil général et les grands élus pour faire en sorte que ce découpage respecte l’intérêt général.

Un découpage électoral est toujours un exercice extrêmement difficile, nous le savons bien. On pourra toujours nous intenter des procès d’intention, justifiés ou non, sur les conséquences de cette opération. Comme M. Mercier, je pense que cette question ne change pas la vie des électeurs. En revanche, il me paraît important que l’intérêt général, c’est-à-dire le maintien d’un lien de proximité et la mise en œuvre de la parité, soit pris en compte. Je ne sais pas quels seront les résultats des prochaines échéances électorales pour ces collectivités, mais en tout cas il y aura un changement sur ces points.

Le Conseil constitutionnel peut revenir sur ce type de décision. Dans sa décision de 2010 sur la loi créant le conseiller territorial, il a accepté la suppression d’un mode de scrutin régional proportionnel et paritaire au profit d’un mode de scrutin uniquement majoritaire et non paritaire. Il pourrait donc évoluer dans ce sens. Toutefois, il sera très difficile, politiquement, de revenir sur la parité ; c’est peut-être aussi ce que vous avez voulu dire, monsieur Sido.

Enfin, j’ai pris un dernier engagement, tenant compte du vote émis par le Sénat en première lecture, concernant le seuil de 1 000 habitants pour l’introduction de la représentation proportionnelle aux élections municipales.

Tous ces engagements demeurent. Nous verrons quel sera votre vote final, mais il est important, par rapport à l’Assemblée nationale, que le Sénat adopte un texte comportant un certain nombre de dispositions que je viens de rappeler et que la commission des lois a adoptées. En effet, si ces éléments ne figurent pas dans le nouveau texte soumis à l’Assemblée nationale, les positions du Sénat ne pourront, vous en conviendrez, être prises en compte.

Le débat avance donc, grâce à la particularité et à l’expérience du Sénat. Je considère que ce mode de scrutin est utile et juste et qu’il va s’imposer progressivement dans les mœurs. Il va s’imposer sur le plan politique, parce qu’il permet de conforter le département ; il permet également une représentation territoriale qui tienne compte à la fois de la population et des territoires, de la démographie et de la réalité de la diversité territoriale ; enfin, il permet le respect de la parité.

Comme l’a souligné l’un d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, ce mode de scrutin restera, j’en suis sûr, comme celui qui a changé en profondeur, voire révolutionné, la représentation politique locale. À l’heure du vote, je ne doute pas un seul instant que chacun d’entre vous n’ait en tête l’ensemble ces éléments. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)