Mme Esther Benbassa. Cet amendement a pour objet de permettre à tous les couples établis hors de France, dont l’un au moins des futurs époux est Français, de bénéficier de la faculté de se marier sur notre territoire.

Il tend à modifier la rédaction de l’article 171-9 du code civil pour inclure les dérogations introduites par l’Assemblée nationale lorsque les futurs époux, de même sexe, résident dans un État qui n’autorise pas ces unions et dans lequel les autorités consulaires françaises ne peuvent pas célébrer le mariage. Plus largement, il englobe le cas de tous les ressortissants français résidant à l’étranger qui souhaiteraient pouvoir se marier en France, où beaucoup disposent d’attaches familiales et amicales.

Tous les couples établis hors de France, franco-français, mixtes, composés de personnes de même sexe ou de sexe différent, pourront dès lors bénéficier de cette possibilité qui leur sera ouverte de se marier à l’étranger auprès des autorités consulaires françaises, lorsque cela est possible, ou sur le territoire français, auprès de leurs proches. Il s’agit d’une demande de nos compatriotes outre-frontières, qui conservent bien souvent de fortes attaches en France, et dont les familles et amis n’auraient pas nécessairement les moyens matériels de les rejoindre à l’étranger pour assister à la célébration de leur union.

Mme la présidente. L'amendement n° 105, présenté par M. Yung, Mme Lepage et M. Leconte, est ainsi libellé :

Alinéa 4, première phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Par dérogation aux articles 74 et 165, lorsque les futurs époux, dont l’un au moins a la nationalité française, ont leur résidence hors de France, le mariage peut être célébré publiquement par l’officier de l’état civil de la commune de naissance ou de dernière résidence de l’un des époux ou de la commune dans laquelle l’un des parents des époux a son domicile ou sa résidence établie dans les conditions prévues à l’article 74.

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement s’inscrit dans le même esprit que le précédent.

Il y a quelques instants, Mme la garde des sceaux et M. le rapporteur ont souligné l’apport de l’Assemblée nationale, qui a permis aux Français établis hors de France souhaitant se marier avec un futur conjoint de même sexe, et ne pouvant pas le faire dans leur pays de résidence, de venir s’unir en France.

Dès lors, nous souhaitons, via cet amendement, étendre cette possibilité aux Français de sexe différent qui souhaitent se marier. Faute de quoi, le présent texte créerait une discrimination entre différents types de couples. Il s’agit donc d’une question d’égalité, qui rejoint l’argumentation développée par M. le rapporteur sur l’amendement n° 85 rectifié bis.

À partir du moment où cette possibilité a été ouverte pour les couples homosexuels, nous souhaitons qu’elle soit également accordée aux couples hétérosexuels, qui peuvent effectivement se marier à l’étranger. Tel est l’objet du présent amendement.

Mme la présidente. L'amendement n° 282, présenté par M. Jean-Pierre Michel, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Alinéa 4, première phrase

1° Après les mots :

ont leur

insérer les mots :

domicile ou leur

2° Remplacer les mots :

des parents des époux

par les mots :

de leurs parents

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 282 et pour donner l’avis de la commission sur les amendements nos 88 rectifié bis, 124 rectifié quinquies, 133 rectifié et 105.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. L’amendement n° 282 est purement rédactionnel.

J’en viens à l’avis de la commission sur les autres amendements en discussion commune.

M. Gélard ayant échoué à faire supprimer tout l’article, il propose maintenant de le vider de sa substance en supprimant les alinéas 4 et 5. La commission des lois a bien entendu émis un avis défavorable sur l’amendement n° 88 rectifié bis, qui n’aborde pas vraiment le fond du sujet.

Les amendements nos 124 rectifié quinquies, 133 rectifié et 105 sont semblables sur le fond, même si leur rédaction n’est pas identique. De quoi s’agit-il ?

L’article 1er bis D, que M. Gélard voulait supprimer, offre la possibilité à des couples de personnes de même sexe constitués d’un Français et d’un étranger de venir se marier en France si l’homosexualité est criminalisée dans le pays où ils résident. Ces dispositions sont maintenues, puisque les amendements de suppression de cet article ont été rejetés.

Ces trois amendements visent à permettre à tous les couples mixtes franco-étrangers de célébrer leur mariage en France, même si rien ne les empêche de se marier dans le pays où ils sont établis. Or ils peuvent déjà le faire, monsieur Leconte. Selon le droit commun, si l’époux français a encore ses parents, ce qu’on lui souhaite, le couple peut se marier dans la commune de résidence ou du domicile du père ou de la mère. Cela fait quatre possibilités !

La commission des lois a jugé que les possibilités offertes par le projet de loi étaient suffisamment larges et qu’il n’était pas souhaitable de les étendre sans limite pour de simples raisons de convenance. Elle a donc émis un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement est lui aussi défavorable à l’amendement n° 88 rectifié bis.

Les amendements nos 124 rectifié quinquies, 133 rectifié et 105 ont le même objet : permettre aux couples hétérosexuels de bénéficier des dispositions applicables aux couples homosexuels. Je rappelle que ces dispositions ont été rendues nécessaires par le fait que, dans les pays où le mariage des couples homosexuels n’est pas admis par la loi, les représentations diplomatiques sont dans l’impossibilité de le célébrer.

Il sera donc loisible à ces couples de choisir de venir se marier en France. Les dispositions qui ont été maintenues dans le texte, malgré les amendements de l’opposition visant à les supprimer, ouvrent la possibilité à tous les couples de se marier dans la commune de résidence des parents, au choix exclusif des époux. Le choix offert aux couples hétérosexuels est donc plus large qu’auparavant, quand le code civil limitait le choix à la commune de résidence de l’un des époux.

Les couples hétérosexuels ne sont pas dans la même situation que les couples homosexuels. Pour ces derniers, si le mariage ne peut pas être célébré à l‘étranger, il y aurait rupture d’égalité entre Français vivant en France et Français résidant à l’étranger. Pour les couples hétérosexuels, le mariage peut être célébré dans nos représentations diplomatiques et ces couples pourront choisir de venir se marier en France, en bénéficiant désormais d’une plus grande souplesse de domiciliation.

Pour ces raisons, tout en en comprenant l’esprit dans lequel ils ont été proposés, le Gouvernement est défavorable à ces trois amendements. En revanche, il est favorable à l’amendement n° 282.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur l’amendement n° 88 rectifié bis.

M. Gérard Longuet. L’amendement n° 88 rectifié bis est très pertinent. Mais l’article 1er ayant été adopté, vous nous avez répondu, madame le garde des sceaux, que nous sommes coincés et que nous ne pouvons pas supprimer les alinéas visés.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je ne suis pas coincée : je suis cohérente !

M. Gérard Longuet. C’est précisément par cohérence avec leur ligne de conduite que ceux qui sont opposés au mariage homosexuel, dont je suis, voteront l’amendement du doyen Gélard.

Une autre raison devrait interpeller ceux de nos collègues qui sont favorables au mariage homosexuel. Malgré tout le respect que j’ai pour la commission des lois et pour l’excellent travail de M. le rapporteur, le projet de loi ne traite pas tous les problèmes rencontrés par nos compatriotes vivant dans des pays qui n’acceptent pas le mariage homosexuel. Je pense en particulier à des communautés dont la population n’est pas anecdotique.

Vous avez offert la possibilité de célébrer le mariage dans la dernière commune de résidence en métropole de l’époux ou dans la commune de résidence des parents. Vous affirmez que, avec quatre possibilités, on devrait bien trouver une commune de rattachement en France. Vous auriez raison s’il n’y avait pas, de part le monde, des pays qui accueillent de façon durable et quantitativement significative des populations qui restent françaises et attachées à la France.

Prenons l’exemple de Pondichéry, vieux comptoir français avec Yanaon, Chandernagor, Mahé, Karikal,…

M. Marc Daunis. C’est la leçon de géographie du soir !

M. Gérard Longuet. … où vit une importante communauté française qui n’est plus rattachée par parents, grands-parents ou arrière-grands-parents à une commune de résidence en métropole.

Ses habitants furent français avant les Lorrains, puisque Pondichéry était français sous Louis XIV alors qu’il a fallu attendre la mort de Stanislas, en 1766, pour que les Lorrains le deviennent. Voilà donc de vieux Français, qui restent Français de génération en génération, sans être rattachés à aucune commune de la métropole. Or vous allez les priver de la possibilité de se marier sans altérité, parce que vous n’avez pas prévu ce cas particulier.

Je n’ai peut-être pas bien compris, me direz-vous, ce qui est fort possible – avec le temps, l’usure, on finit par ne plus tout comprendre –, mais j’ai le sentiment que votre restriction est trop forte et méconnaît le droit des familles qui ont l’intention d’organiser un mariage homosexuel alors qu’elles sont coupées depuis plusieurs générations d’une résidence métropolitaine au sein de la République.

L’adoption de l’amendement du doyen Gélard ne serait pas une remise en cause en appel de l’article 1er. Cet article a été voté, dont acte ! Elle permettrait d’appeler l’attention du Gouvernement afin de susciter une solution qui pourrait advenir à la faveur de la navette.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Monsieur Longuet, le problème que vous soulevez est réglé : ces Français, y compris ceux de Pondichéry, pourront se marier dans la commune de leur choix.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. Je retiens de l’intervention de M. Longuet que l’on peut appartenir à la communauté nationale tout en résidant à l’étranger depuis des générations. Voilà pourquoi nous devons adopter l’un des trois amendements ouvrant la possibilité aux couples hétérosexuels de venir se marier en France. C’est une question d’égalité !

Certes, les couples hétérosexuels peuvent se marier au consulat, mais il paraît logique que le droit qui est offert aux couples homosexuels leur soit également ouvert. Il existe en effet beaucoup de Français établis à l’étranger depuis des générations. Pour eux, la référence aux parents n’est pas pertinente.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Marseille, pour explication de vote.

M. Hervé Marseille. Le projet de loi écarte, sous condition de résidence en France ou de nationalité française de l’autre époux, la loi de l’époux étranger en tant qu’elle fait obstacle au mariage entre personnes de même sexe. Cette exception déroge à la règle traditionnelle du droit international privé français en matière de mariage et sera donc privée d’effets lorsqu’une convention bilatérale comporte des dispositions contraires. Il aurait été meilleur, pour des raisons de sécurité juridique et d’intelligibilité de la loi, d’introduire explicitement cette réserve.

J’ajoute que l’ouverture des mariages entre personnes de même sexe aux étrangers risque de favoriser les mariages qualifiés de boiteux, car ils produiront des effets en France mais s’avéreront nuls selon la loi étrangère des époux.

Dans des hypothèses exceptionnelles, mais qui doivent être prises en considération, ces mariages peuvent même exposer certains des étrangers concernés à des sanctions pénales dans leur pays d’origine. Il serait donc bon d’informer les officiers de l’état civil afin que ceux-ci indiquent aux futurs mariés qu’ils sont susceptibles de se retrouver exposés à ces sanctions pénales dès lors qu’ils retourneront dans leur pays.

Il est important de prévoir des dispositions en ce sens. C’est la raison pour laquelle je ne voterai évidemment pas ce texte.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 88 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 124 rectifié quinquies.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 133 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 105.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 282.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er bis D, modifié.

(L'article 1er bis D est adopté.)

Organisation des travaux

Article 1er bis D
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Article 1er bis

Mme la présidente. La parole est à M. François Zocchetto.

M. François Zocchetto. Madame la présidente, je me fais l’interprète de nombre de nos collègues qui, à ce stade, s’interrogent sur le déroulement de nos travaux.

Il est une heure quarante-cinq. Le Sénat a commencé à examiner ce texte aujourd’hui à quatorze heures trente. Nous avons eu des échanges extrêmement riches et nous nous préparons à aborder un sujet majeur dans la mesure où l’article 1er bis concerne les dispositions relatives à la filiation adoptive.

De plus, je précise que la conférence des présidents n’avait pas prévu que le Sénat siège cette nuit. Dans ces conditions, je vous demande de lever la séance. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur cette demande ?

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. La commission est à toute heure à la disposition du Sénat, et elle est prête à avancer sur ce sujet important.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Franchement, je suis en pleine forme ! Nous pouvons donc passer la nuit ensemble. (Rires et applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste. –  Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Cela étant, il revient à la Haute Assemblée de décider souverainement l’heure à laquelle elle souhaite arrêter ses travaux. Le Gouvernement est à sa disposition et se soumettra à la décision qui sera prise.

Mme la présidente. La parole est à M. François Rebsamen.

M. François Rebsamen. J’ai bien entendu les propos de notre collègue François Zocchetto, mais on pourrait avancer encore un petit peu. Si vous en êtes d’accord, mes chers collègues, on pourrait arrêter nos travaux vers deux heures trente. (Oui ! sur les travées du groupe socialiste. –  Non ! sur les travées de l'UMP.)

Mme Cécile Cukierman. Trois heures !

M. François Rebsamen. J’essaie de trouver un compromis qui satisfasse tout le monde. Prenez cela comme une avancée, mes chers collègues de l’opposition !

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Troendle.

Mme Catherine Troendle. Je demande une suspension de séance pour réunir mon groupe, madame la présidente.

Mme la présidente. Je vous accorde cinq minutes.

J’indique qu’il reste 221 amendements à examiner.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à une heure cinquante, est reprise à une heure cinquante-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Qu’avez-vous décidé, madame la présidente ?

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous propose d’entendre les orateurs inscrits sur l’article 1er bis et d’examiner les amendements de suppression nos 174 rectifié ter et 210 rectifié avant de lever la séance. (Marques d’approbation sur certaines travées.)

M. Charles Revet. Nous entamons un article très important !

Mme Isabelle Debré. Ce n’est pas sérieux !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet.

M. Jean-Pierre Caffet. Madame la présidente, il m’avait semblé que la proposition que vous venez de formuler recueillait l’assentiment général.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Certains de nos collègues ne sont pas encore revenus de la réunion du groupe !

M. Jean-Pierre Caffet. J’ai eu l’impression que plusieurs de nos collègues de l’opposition étaient d’accord.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Tant que vous êtes entre vous, il n’y a pas de problème !

M. Jean-Pierre Caffet. Puis-je m’exprimer ?...

Pour ma part, j’adhère à la proposition de Mme la présidente. Nous pourrions ainsi lever la séance à deux heures trente.

M. Alain Bertrand. Très bien !

Mme la présidente. Mes chers collègues, j’appelle donc en discussion l’article 1er bis.

Chapitre Ier bis

DISPOSITIONS RELATIVES À LA FILIATION ADOPTIVE ET AU MAINTIEN DES LIENS AVEC L’ENFANT

Organisation des travaux
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Organisation des travaux

Article 1er bis

Après le 1° de l’article 345-1 du code civil, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :

« 1° bis Lorsque l’enfant a fait l’objet d’une adoption plénière par ce seul conjoint et n’a de filiation établie qu’à son égard ; ».

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l'article. (Plusieurs membres de l’UMP regagnent l’hémicycle.)

Mme Laurence Cohen. Je vois que nos collègues reviennent…

Sans nier l’attachement des couples homosexuels à pouvoir se présenter, comme tout autre couple, devant un maire pour se jurer amour, fidélité et assistance, il est évident que, bien plus que la question de l’union en elle-même, c’est celle de la filiation qui est aujourd’hui le grand enjeu du projet de loi que nous examinons. C’est en tout cas – on le remarque au travers des différentes interventions – le point sur lequel se sont cristallisées, et continuent de se cristalliser, les principales oppositions.

C’est bien l’idée que l’on se fait de la famille – je devrais d’ailleurs dire « des familles » – qui est mise ici en débat. Pour certains, la famille serait enfermée dans les carcans du mariage, alors que nous estimons, pour notre part, qu’elle les dépasse largement.

Quoi qu’il en soit, débattre du désir de fonder une famille dans le cadre du mariage ou en dehors est de notre responsabilité, car il est enfin temps de reconnaître le désir de parentalité de tous les couples.

Reconnaître ce désir revient non pas à assouvir une revendication égoïste d’un droit à l’enfant, mais à reconnaître simplement une volonté légitime de donner à un enfant des droits en matière de sécurité affective et matérielle.

Comme contre-argument, on nous invoque l’intérêt de l’enfant à être élevé par un homme et une femme. Mais nous vous rappelons que le droit actuel autorise les célibataires – cela a d’ailleurs été dit à plusieurs reprises –, qu’ils soient homosexuels ou hétérosexuels, à adopter un enfant. Dès lors, pourquoi ne pas le permettre aux couples homosexuels ? Il n’y a pas de droit à être élevé par un homme et une femme, sinon, de nombreuses familles monoparentales seraient hors la loi.

L’intérêt de l’enfant n’est que prétexte, car rien ne démontre qu’un enfant élevé par un couple homosexuel serait plus en souffrance qu’un autre. Les risques psychologiques et physiologiques invoqués ne sont, à mon sens, que des risques fantasmés.

Au contraire, c’est essentiellement l’intérêt de l’enfant qui guide le Gouvernement et les membres de la majorité. L’intérêt de cet enfant commande que celui-ci puisse bénéficier, comme les autres, de la protection de la loi. Or cette protection est fragilisée par le fait que l’un des deux parents n’a aucun lien juridique avec l’enfant qu’il élève avec son conjoint.

Le projet de loi ouvre deux possibilités, l’adoption de l’enfant du conjoint et l’adoption conjointe, qui permettront de remédier à cette situation. L’article 1er bis est donc tout à fait bienvenu.

Mme Cécile Cukierman. Très bien !

Organisation des travaux (suite)

Article 1er bis
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Article 1er bis (début)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Larcher.

M. Gérard Larcher. Je souhaite lancer un appel à la réflexion collective, en ce début de journée…

Avec l’examen de l’article 1er bis, nous abordons l’un des sujets majeurs du projet de loi, mais aussi de notre engagement : l’enfant. Cette question de l’enfant au travers de la famille est-il bien raisonnable de l’aborder à cette heure avancée, d’une manière tronçonnée, avec quelques prises de parole et la présentation de morceaux d’amendements, avant que la suite de la discussion ne soit renvoyée à cet après-midi ?

Je trouve qu’il serait plus raisonnable d’avoir un débat cohérent et construit.

M. Jean-Marc Todeschini. Comme sous la présidence Larcher ?

M. Gérard Larcher. Nous tous, quelle que soit notre position, ne donnons pas collectivement l’impression que nous traitons de la filiation et de l’enfant d’une manière qui ne serait ni approfondie ni respectueuse de la question majeure que nous sommes sur le point d’aborder.

Voilà pourquoi, madame la présidente, je vous demande solennellement que nous puissions interrompre nos travaux pour reprendre la discussion du projet de loi cet après-midi, dans les conditions de dignité et de sérénité qui conviennent à une question majeure. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

Mme Isabelle Debré. Très bien !

Mme la présidente. Monsieur Larcher, j’ai proposé au Sénat d’entendre les orateurs inscrits sur l’article 1er bis et d’examiner les amendements de suppression nos 174 rectifié ter et 210 rectifié avant de lever la séance. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

Je consulte le Sénat sur cette proposition.

(La proposition est adoptée.) – (Nouvelles protestations sur les travées de l’UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Debré.

Mme Isabelle Debré. J’observe que le nom de Mme Cohen ne figure pas sur la liste des orateurs inscrits sur l’article 1er bis.

Mme Cécile Cukierman. Elle s’est inscrite en séance !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Apprenez le règlement, madame Debré : pour une prise de parole, on peut s’inscrire à tout moment !

Mme Isabelle Debré. Il a été annoncé que la séance serait levée à deux heures trente, après les prises de parole sur l’article 1er bis. Or nous ne savons pas quel sera le nombre de prises de parole, et il est tout à fait possible que, à deux heures trente, tous les orateurs désireux d’intervenir n’aient pas eu le temps de s’exprimer. Autrement dit, nous risquons de devoir encore une fois scinder la discussion. Je trouve que cette méthode n’est ni sérieuse ni raisonnable lorsqu’on aborde une question aussi importante que celle des enfants.

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Nous assistons à des débats ubuesques.

Chers collègues de l’opposition, vous avez le droit d’user de tous les moyens prévus par le règlement du Sénat. Seulement, puisque vous parlez de respect et de débat sérieux, je vous rappelle que, depuis jeudi soir, nous connaissons le sujet de chaque article. On ne peut donc pas, comme vous l’avez déjà fait vendredi dernier, utiliser tout au long de la journée les procédés que notre règlement met à la disposition de chacun d’entre nous et, soudainement, dès que l’heure avance, demander le report de l’examen d’un article qui soulève des questions sérieuses.

J’ai le sentiment que, depuis jeudi, vous décidez de l’organisation de nos débats : quand vous en avez marre de trop intervenir, il faudrait qu’on s’arrête pour revenir le lendemain. (Protestations sur les travées de l'UMP.) Le problème, c’est que ce ne peut pas être le groupe UMP qui dicte le calendrier et la méthode de travail du Sénat ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, sur l'article.

M. Philippe Bas. Non, madame la présidente, je souhaite faire un rappel au règlement, très solennellement mais sans aucune agressivité.

Je constate d’abord que l’ordre du jour de nos travaux prévoyait une séance pour ce soir et non pour cette nuit.

M. Philippe Bas. Je constate ensuite qu’il est tôt ce mercredi matin et que nous abordons un sujet qui est aussi important que celui de l’article 1er.

M. Gérard Larcher. Bien sûr !

M. Philippe Bas. Je n’ai pas de doute sur le fait que, sur l’ensemble des travées, nos collègues ont à cœur que le débat se déroule dans de bonnes conditions. Dès lors, je ne vois pas comment nous allons faire si nous tronçonnons la discussion.

Si certains d’entre nous prennent maintenant la parole sur l’article 1er bis, quelques minutes avant la levée de la séance, les uns et les autres, parce que nous sommes humains, nous aurons oublié ce qui aura été dit lorsque nous reprendrons l’examen du projet de loi, de sorte que nous serons obligés de nous répéter. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Jean-Pierre Caffet. C’est indigne de vous !

Mme la présidente. Monsieur Bas, ce n’est pas un rappel au règlement !

M. Philippe Bas. Le temps que nous croyons gagner par des travaux nocturnes, nous le perdrons cet après-midi parce qu’il faudra tout recommencer.

Je suis de bonne volonté et, comme Mme la garde des sceaux, je suis tout à fait disponible et en forme ; je me sens jeune, comme vous tous…

M. Jean-Pierre Caffet. Eh bien, continuons !

M. Philippe Bas. Seulement, il y a un moment où le travail ne se fait pas dans de bonnes conditions. Or je souhaite que le débat se déroule dans de bonnes conditions.

Mme la présidente. Monsieur Bas, si vous ne voulez pas vous exprimer sur l’article 1er bis, je considérerai que vous renoncez à votre prise de parole… (M. Philippe Bas regagne sa place et croise les bras.)

La parole est à M. Gérard Larcher, sur l’article. (M. Gérard Larcher fait un signe de refus.)

La parole est à M. François Zocchetto, sur l’article.

M. François Zocchetto. Je suis moi aussi contraint de faire un rappel au règlement, car je n’imaginais pas que la discussion évoluerait de cette façon.

Mes chers collègues, vous avez bien compris qu’il n’est pas possible de poursuivre nos travaux à cette heure avancée compte tenu de l’importance de l’article 1er bis, qui a trait à l’adoption.

M. Gérard Larcher. Ce n’est évidemment pas raisonnable !

M. François Zocchetto. Procéder par un vote alors que les avis sont presque également partagés n’est pas une bonne méthode. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)

Pour que la conférence des présidents se réunisse, il faut que deux groupes le demandent. Dans les circonstances présentes, je demande, au nom du groupe UDI-UC, la réunion de la conférence des présidents.