M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Hyest. Madame la garde des sceaux, vous avez évoqué les articles 2-1 et suivants – ils sont toujours plus nombreux, au fil des années ! – du code de procédure pénale.

Dans la plupart des cas, il s’agit de défendre les intérêts matériels et moraux d’une catégorie : anciens combattants, victimes de racisme ou de discriminations… À ce propos, on trouve toujours de nouvelles catégories de victimes. Pour ce qui me concerne, j’ai toujours été extrêmement réservé sur ce développement. Je prendrai pour seul exemple une grande association de protection de l’enfance ayant joué un rôle très important dans un procès d’assises du Nord de la France à l’issue tristement célèbre…

Il existe des cas limites où une association ne peut pas se porter partie civile que lorsque l’action publique a été déclenchée.

Mais, dans le cas de la fraude fiscale, la victime, c’est la société ! Où va-t-on si l’action publique ne permet plus de défendre les intérêts de la société ? Il y a là un détournement progressif du droit.

Au demeurant, si l’on cite des exemples, il faut le faire avec précision ! À mes yeux, on n’a déjà que trop multiplié les associations qui peuvent engager l’action publique.

M. Patrice Gélard. Exactement !

M. Jean-Jacques Hyest. Nous le savons très bien, dans certains cas, ce que cherchent les associations, c’est l’indemnisation. Et certaines sont très douées pour cela !

Franchement, l’article 1er me paraît complètement superflu. Donnons des moyens d’investigation aux services de l’État au lieu de dire que les associations vont s’occuper de tout ! La société doit pouvoir défendre ses intérêts. Or, procureur de la République financier ou pas, c’est encore le parquet qui est en mesure d’assurer cette mission.

C’est la raison pour laquelle j’estime que l’on ne doit pas ajouter un peu plus à cette myriade d’associations, dont le rôle n’est pas toujours complètement innocent.

M. Philippe Marini. Très bien !

M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour explication de vote.

M. François Zocchetto. S’il était voté par le Sénat, l’article 1er améliorerait-il le fonctionnement de la justice et permettrait-il de mieux lutter contre la fraude fiscale ? Vous me permettrez d’en douter, mes chers collègues ! Au contraire, un tel dispositif augmenterait la confusion dans l’esprit de nos concitoyens sur le fonctionnement de la justice, alors que la situation en la matière a besoin d’être clarifiée.

En réalité, l’article 1er vise à satisfaire certaines associations et, accessoirement, à leur apporter des ressources à l’occasion de procès qui seraient engagés. Certains reposeraient peut-être sur des bases sérieuses, mais beaucoup n’auraient pas de fondement solide.

En matière de lutte contre la fraude fiscale, nous sommes très attachés au bon fonctionnement des institutions existantes, les services fiscaux, d’un côté, et le ministère public, de l’autre.

Qui doit engager l’action publique en matière pénale en droit français ? Le ministère public ! Certes, depuis plusieurs années, nous sommes cernés par des associations qui prétendent représenter l’intérêt public ou l’intérêt collectif, une dérive que nous combattons au Sénat.

M. Philippe Marini. Très bien !

M. François Zocchetto. Certes, lorsqu’une victime clairement identifiée a subi un dommage, il est légitime qu’elle se constitue partie civile. Mais, lorsqu’il s’agit d’un dommage collectif, c’est au procureur de la République d’engager l’action.

Voter un tel article reviendrait à émettre des doutes quant aux capacités des procureurs à engager l’action publique. Madame la garde des sceaux, cela nous semble pour le moins paradoxal de votre part !

M. Philippe Marini. Très bien !

M. François Zocchetto. Pour ce qui nous concerne, nous faisons confiance aux services fiscaux et au ministère public pour engager l’action. Si vous estimez qu’ils ne font pas correctement leur travail, donnez-leur les moyens de fonctionner !

M. Philippe Marini. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.

M. Éric Bocquet. Nous en revenons à un débat que nous avons déjà eu en première lecture sur le sujet.

Pour ma part, je trouve certains des propos tenus sur cet article 1er – on a parlé de « privatisation de la justice », de « confusion », de « dérive », de« déviance »… – quelque peu excessifs. Pour leurs auteurs, les associations ne devraient pas être mises en situation d’ester en justice en matière de corruption.

Permettez-moi de répéter ce que Mme la garde des sceaux vient de rappeler : dans de nombreux cas, les associations loi 1901 ont le droit d’ester en justice et de se porter partie civile. Lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, il a été rappelé qu’il en est ainsi en matière de pédopornographie, de pédocriminalité, d’atteintes sexuelles commises par des Français contre des mineurs à l’étranger, de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, et même d’agissements contraires à la protection des animaux. Notre code de procédure pénale prévoit donc plusieurs situations où les associations peuvent déclencher l’action publique. Et chacun sait que le parquet a tout loisir de déclencher l’action publique quand il le souhaite.

Qu’est-ce qui pourrait justifier sur le fond que le droit des associations à soutenir les victimes de la pédophilie, de violences sexuelles, de discrimination raciale ou sexiste ne soit pas applicable aux affaires de corruption, alors même que cela peut fort bien être une forme de perversion du suffrage universel, dans les matières visées aux articles L. 106 à 109 du code électoral, sans parler des trafics d’influence et des affaires de blanchiment, qui sont irrecevables du point de vue civil ? Il s’agit, dans tous les cas, d’une rupture caractérisée du pacte républicain qui nous lie par l’impôt et le droit ! Il me semble d’ailleurs que l’actualité récente a montré qu’il y avait de quoi faire à cet égard.

Les dispositions de l’article 1er ne nous apparaissent donc absolument pas scandaleuses.

Du reste, je ne peux manquer de souligner qu’en votant cet article nous aurions simplement trois ans de retard ! En effet, le 9 novembre 2010, la Cour de cassation a donné droit d’ester en justice à l’association Transparency international France, dont le président est l’ancien directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, M. Daniel Lebègue, dans l’affaire dite « des biens mal acquis », visant un certain nombre de dictateurs des pays d’Afrique ayant détourné à leur profit et à celui de leur famille ou de leurs amis une part importante de l’exploitation des richesses de leur pays respectif.

Vous le voyez, la réalité dépasse d'ores et déjà les préventions et précautions que certains ici entendent mettre en œuvre !

De deux choses l’une : soit nous votons la suppression de l’article 1er, et nous préservons ainsi une sorte de tabou, quitte à encourager la corruption ; soit nous votons contre sa suppression, et nous permettrons une nouvelle avancée du droit.

M. Jacques Chiron. Très bien !

M. le président. La parole est à M. François Pillet, pour explication de vote.

M. François Pillet. Mes chers collègues, permettez-moi de revenir sur un débat clos, qui concerne la commission des infractions fiscales. Vous connaissez ma position.

La situation est quelque peu paradoxale. Le procureur de la République, censé être présent à toutes les audiences du tribunal de commerce, avec vue sur l’ensemble des contentieux devant les tribunaux, des affaires familiales aux affaires civiles, n’a pas la possibilité de déclencher seul une procédure pour fraude fiscale ; il doit passer par le double canal de l’administration fiscale, qui déclenche la saisine, et de la commission des infractions fiscales, qui saisira peut-être le parquet.

Par conséquent, si nous adoptons la proposition du Gouvernement, certaines associations auront plus de pouvoir que le procureur de la République dans certains domaines.

M. Nicolas Alfonsi. Qu’il crée son association ! (Sourires.)

M. Philippe Marini. L’association des parquets ! (Nouveaux sourires.)

M. François Pillet. Ce débat démontre en filigrane notre crainte de l’indépendance du parquet. Nous sommes en train d’écrire un texte qui, au moins dans son esprit, se contredit.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

M. Jacques Mézard. La pression médiatique est à la mode. Il nous faut la subir.

En l’occurrence, il s'agit vraiment d’un débat de principe. En l’état actuel du droit, le parquet a le pouvoir de déclencher l’action publique, tandis que les associations peuvent recourir à l’article 40 du code de procédure pénale.

M. Jacques Mézard. Madame la garde des sceaux, cet article résout toute difficulté. Je ne vois pas ce qui empêcherait une association de l’utiliser.

Je crois que tout le monde partage votre objectif. Ce que nous contestons, c’est le fait que des associations, dont le travail est d'ailleurs de qualité très variable, puissent mettre en mouvement l’action publique. Il y va de l’intérêt général et du rôle de l’État ! Je dirais même que rien ne relève davantage du rôle de l’État que la mise en œuvre de l’action publique.

M. Jacques Mézard. On vient nous dire que l’État n’est pas capable de faire son travail. En prévoyant de leur donner le pouvoir d’ester en justice, l’article 1er confie à un certain nombre d’associations, celles qui auront été jugées compétentes et à qui aura été délivré un agrément, le soin de pallier la carence de l’État. Inutile de vous préciser les dérives qui risquent d’en découler ! Ce n’est pas raisonnable. Tout un chacun a d'ores et déjà la possibilité de saisir le parquet s’il est informé de l’existence d’un problème.

Notre collègue François Pillet, qui a lui aussi l’expérience des tribunaux et de la procédure, vient à juste titre de rappeler qu’il est quand même assez original d’obliger le parquet à subir l’obstacle de la commission des infractions fiscales – cette mesure peut se justifier, et elle a même constitué une amélioration en son temps – tout en permettant aux associations de déclencher l’action publique dans ce domaine.

Quoi que l’on en dise, je suis tout à fait convaincu que le vote de l’article 1er constituerait non pas d’une avancée, mais un recul démocratique.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Alfonsi, pour explication de vote.

M. Nicolas Alfonsi. Si je puis m’exprimer ainsi, nous nous trouvons face à un démembrement du pouvoir régalien.

La difficulté qui se pose à nous vient du fait que nous nous interrogeons en permanence sur le crédit que l’on peut accorder aux associations.

L’action de certaines associations, qui sont admirables, est exceptionnelle. Mais les critères de l'agrément et de la déclaration depuis au moins cinq ans à la date de la constitution de partie civile n’empêcheront pas les associations d'avoir un comportement obscur dans tel ou tel cas de figure.

Voilà, me semble-t-il, une dizaine d'années, quelqu’un avait écrit qu’il se trouvait des associations lucratives sans but.

M. Nicolas Alfonsi. On est donc en droit de s'interroger !

Si nous poursuivons les mêmes objectifs, la question se pose de savoir à quel niveau on doit positionner le curseur de l'action que l'on peut intenter en matière de fraude fiscale. Pour ma part, je n’ai pas la réponse. Mais ne prenez pas pour pain béni tout ce que disent les associations…

M. Philippe Marini. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, rapporteur.

M. Alain Anziani, rapporteur. À la lecture de l’objet de l’amendement n° 6, il me semble qu’il y a une confusion.

Revenons au projet de loi. L’article 1er ne fait pas mention de fraude fiscale. Il permet à toute association agréée déclarée depuis au moins cinq ans de se constituer partie civile dans quatre cas : manquement au devoir de probité, corruption et trafic d'influence, recel ou blanchiment, infractions réprimées aux articles L. 106 à L. 109 du code électoral, c'est-à-dire le délit d'influence illicite.

M. Jean-Jacques Hyest. Le trafic d'influence est cité…

M. Alain Anziani, rapporteur. Que précise l'objet de votre amendement, mon cher collègue ? « L’article 1er donne aux associations de lutte contre la corruption déclarées depuis au moins cinq ans et agréées, la possibilité de se constituer partie civile pour des faits de fraude fiscale. » Non, il ne permet pas cela !

M. Jean-Jacques Hyest. C'est une erreur.

M. Alain Anziani, rapporteur. Délimitons bien la question : le domaine en cause est celui non de la fraude fiscale, mais de la lutte contre la corruption.

Par ailleurs, certains d’entre vous, mes chers collègues, ont indiqué que nous devions nous méfier d'une privatisation de la justice, du démembrement de l'action publique. Mais je précise – et vous le savez mieux que moi – que l'action publique peut d'ores et déjà être exercée par des parties privées par le biais de la citation directe, de la constitution de partie civile, à condition, toutefois, d'être victimes.

M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui, il faut être victime…

M. Alain Anziani, rapporteur. Observez alors que notre débat se restreint : il n’est pas question de fraude fiscale et pas vraiment de démembrement. En réalité, il s’agit de savoir si nous étendons le dispositif qui existe déjà, y compris pour certaines associations, à d'autres associations.

En l’occurrence, l’extension qui vous est proposée concerne les associations qui portent le fer contre la corruption. Or, selon vous, elle ne serait pas possible. Ce qui est admis dans tous les cas rappelés tout à l'heure par Mme le garde des sceaux ne le serait pas en matière de lutte contre la corruption…

Pourquoi refusez-vous donc que des associations combattent, à égalité avec le procureur de la République, la corruption ? Décidément, je ne comprends pas votre opposition.

M. Michel Mercier. Si l’article n’a rien à voir avec la fraude fiscale, c'est un cavalier !

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Non, monsieur le sénateur !

En effet, dans le cadre de la lutte contre la fraude fiscale et la délinquance économique et financière, vous savez parfaitement que le parquet financier est compétent pour lutter contre les formes de manquement au devoir de probité constatées dans les corruptions diverses. En l’espèce, les associations pourront se constituer partie civile pour lutter contre les corruptions, contre le blanchiment, contre le recel… Ce n’est donc pas un cavalier.

J’ai bien noté les préoccupations qui sont exprimées et que je considère, a priori, de bonne foi.

Mais, monsieur Hyest, c’est l’erreur qui figue dans l’objet de votre amendement qui induit une analyse erronée.

M. Jean-Jacques Hyest. Il n’y a aucun malentendu ! Ce qui compte, c’est ce qui est dit en séance !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Les malentendus sont possibles… Mais cet amendement est un document tout à fait officiel, enregistré, et c'est bien lui qui donne lieu à notre débat !

M. Jean-Jacques Hyest. Vous me faites un procès !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Hyest, je vous respecte et ne vous fais nullement un procès !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Quoi que vous en pensiez, je vous affirme que non !

Lorsque nous préparons les débats, nous travaillons sur les documents qui nous sont remis, et le vôtre nous a été remis officiellement par les services du Sénat.

Cela étant, selon vous, les associations ne risquent rien. Mais vous savez bien que le code de procédure civile prévoit une sanction en cas d'action abusive et dilatoire !

M. Patrice Gélard. On peut toujours rêver…

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous le savez parfaitement !

Le ministère public pourrait tout faire et fort bien ? Soit ! Mais dans le même temps, si la loi prévoit qu’une démarche abusive doit être sanctionnée, comment comprendre le fait qu’un tel acte ne le soit pas ?

M. Philippe Marini. Si elle l'est, tant mieux, mais ce sera longtemps après…

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cela signifie que le ministère public ne fait pas tout, ni tout bien ! C'est contradictoire !

En l’occurrence, dans le domaine de la lutte contre la corruption, il s'agit de permettre à des associations de déclencher l'action publique si le ministère public ne l'a pas fait.

M. Philippe Marini. On l'a compris !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il ne s'agit pas d'accorder une exclusivité aux associations : si l'action publique est déclenchée par le ministère public, elles peuvent s’y associer, sans pour autant procéder au déclenchement de cette action. Quoi qu’il en soit, en cas d’abus, il y a sanction.

Par ailleurs, certains propos de M. Zocchetto sont assez révélateurs et je m'inscris en faux contre l'idée selon laquelle nous serions cernés par des associations. Rien ne justifie un pareil ressenti : pour l'instant, il n’y a qu’une poignée d'associations !

En outre, notre droit et nos institutions sont suffisamment solides pour que si, tout à coup, surgissait une floraison d'associations irresponsables, elles n’obtiennent pas l'agrément nécessaire et ne puissent pas déclencher l'action publique.

Vous rappeliez, monsieur Hyest, que c'est la société qui est victime. Dans un tel cas de figure; il revient effectivement au ministère public d'agir.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais, heureusement, dans notre démocratie, la société civile est représentée par des associations, lesquelles, si jamais le ministère public ne déclenchait pas l’action publique, pourront agir à sa place.

Selon vous, les infractions visées par le projet de loi sont bien différentes de celles qui justifient déjà l'intervention d'associations aux termes du code de procédure pénale. Je citerai, par exemple, le déclenchement de l'action publique contre les faits de racisme.

M. Jean-Jacques Hyest. Il y a des victimes !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Certes, mais le racisme défait aussi le lien social !

Je citerai aussi le déclenchement de l'action publique contre des crimes de guerre ou contre l'humanité, prévue par l'article 2-4 du code précité.

M. Jean-Jacques Hyest. Il y a aussi des victimes !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Elles ne sont surtout malheureusement plus là pour obtenir réparation…

Cela étant, c'est donc bien sur la base des principes généraux et en fonction de l'intérêt général que l'action peut être intentée.

En somme, nous n’introduisons rien de scandaleux, ni par rapport aux principes généraux, ni par rapport au droit actuel, ni par rapport aux conditions de déclenchement de l'action publique.

M. le président. La parole est à M. Philippe Marini, pour explication de vote.

M. Philippe Marini. J’avoue être surpris et choqué de l'insistance du Gouvernement pour défendre l’article 1er. Les arguments avancés par des collègues appartenant à différents groupes de notre assemblée montrent bien la raison de notre initiative : dans le cadre de nos institutions judicaires, nous estimons que la responsabilité de déclencher l'action publique revient au parquet et que c'est une dérive tout à fait dangereuse de laisser croire à l'opinion publique qu’il y aurait, au-delà de cette institution fondamentale au sein de l'organisation judiciaire, un deuxième parquet associatif !

Mme Cécile Cukierman. Ce n’est pas ce qui est dit !

M. Philippe Marini. Madame le garde des sceaux, il faut que vous acceptiez que certains sénateurs n’aient pas la même analyse ni les mêmes opinions que vous ! Vous devez respecter l'expression de ceux qui ne pensent pas comme vous !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Bien sûr !

M. Philippe Marini. Si nous souhaitons supprimer l’article 1er, c'est parce qu’il ne correspond pas à notre idée de la défense de l'action publique. Il est inutile de chercher des petites finesses dans la rédaction de tel ou tel exposé des motifs : nous faisons simplement une analyse tout à fait différente du rôle de nos institutions judiciaires. Je rappelle également que le Gouvernement que vous représentez n’a pas toujours exprimé le respect qu’il devait aux corps intermédiaires de la République, plus particulièrement à la Haute Assemblée ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Applaudissements sans conviction…

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 6 et 33 rectifié.

J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe UMP et, l'autre, du groupe du RDSE.

Je rappelle que la commission s’en remet à la sagesse du Sénat et que le Gouvernement émet un avis défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 11 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 345
Pour l’adoption 186
Contre 159

Le Sénat a adopté.

En conséquence, l’article 1er est supprimé.

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Chapitre II

Blanchiment et fraude fiscale

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Article 1er (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière
Article 3

Article 2 bis

(Supprimé)

M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Bocquet, Mmes Cukierman et Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rétablir l’article 2 bis dans la rédaction suivante :

À l'article 324-3 du code pénal, les mots : « jusqu'à la moitié de » sont remplacés par le mot : « à ».

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Cet amendement participe de notre logique de dissuasion à l’égard des diverses opérations de fraude. Il vise le blanchiment de sommes illégalement perçues.

L’article 324-3 du code pénal dispose : « Les peines d’amende mentionnées aux articles 324-1 et 324-2 peuvent être élevées jusqu’à la moitié de la valeur des biens ou des fonds sur lesquels ont porté les opérations de blanchiment. » Concrètement, le tribunal peut prononcer une peine d’amende de 375 000 euros ou de 750 000 euros, selon les cas de figure, dans les affaires de blanchiment ponctuel, avéré, régulier ou dissimulé.

Lors de la première lecture, un amendement identique a été adopté par le Sénat sans que le Gouvernement s’y oppose. Nous souhaitions signaler aux fraudeurs et aux « blanchisseurs » d’argent sale la fin de la mansuétude.

Compte tenu des difficultés que soulève l’article 2 bis, tel qu’il résulte des travaux de l’Assemblée nationale, difficultés évoquées par la commission des lois, nous vous proposons, par le biais de l’amendement n° 2, de réintroduire dans le projet de loi la disposition que nous avions adoptée en première lecture. De surcroît, cet amendement présente toutes les garanties de recevabilité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Anziani, rapporteur. Elle s’en remet à la sagesse du Sénat, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Par respect pour la commission, j’étais tentée de m’en remettre à la sagesse du Sénat, mais je suis prête à aller plus loin, parce que rien ne justifie qu’une partie du produit de l’infraction bénéficie à son auteur. Le Gouvernement émet donc un avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 2 bis est rétabli dans cette rédaction.

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Article 2 bis (supprimé)
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Article 3 bis A

Article 3

(Non modifié)

I. – L’article 1741 du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Les deux dernières phrases du premier alinéa sont supprimées ;

2° Après le premier alinéa, sont insérés six alinéas ainsi rédigés :

« Les peines sont portées à 2 000 000 € et sept ans d’emprisonnement lorsque les faits ont été commis en bande organisée ou réalisés ou facilités au moyen :

« 1° Soit de comptes ouverts ou de contrats souscrits auprès d’organismes établis à l’étranger ;

« 2° Soit de l’interposition de personnes physiques ou morales ou de tout organisme, fiducie ou institution comparable établis à l’étranger ;

« 3° Soit de l’usage d’une fausse identité ou de faux documents, au sens de l’article 441-1 du code pénal, ou de toute autre falsification ;

« 4° Soit d’une domiciliation fiscale fictive ou artificielle à l’étranger ;

« 5° Soit d’un acte fictif ou artificiel ou de l’interposition d’une entité fictive ou artificielle. » ;

3° Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La durée de la peine privative de liberté encourue par l’auteur ou le complice d’un des délits mentionnés au présent article est réduite de moitié si, ayant averti l’autorité administrative ou judiciaire, il a permis d’identifier les autres auteurs ou complices. »

II. – (Non modifié). – (Adopté.)

Article 3
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Article 3 bis B (Texte non modifié par la commission)

Article 3 bis A

(Non modifié)

Après l’article L. 10 B du livre des procédures fiscales, il est inséré un article L. 10 BA ainsi rédigé :

« Art. L. 10 BA. – I. – Avant ou après la délivrance du numéro individuel d’identification prévu à l’article 286 ter du code général des impôts, l’administration peut demander des informations complémentaires pour statuer sur l’attribution ou le maintien de cet identifiant ainsi que tout élément permettant de justifier de la réalisation ou de l’intention de réaliser des activités économiques prévues au cinquième alinéa de l’article 256 A du même code.

« II. – Les informations complémentaires demandées au I sont fournies dans un délai de trente jours à compter de la réception de la demande.

« III. – Lorsque l’administration demande des informations complémentaires, elle notifie à l’opérateur sa décision d’accepter, de rejeter ou d’invalider l’attribution du numéro individuel d’identification, dans un délai d’un mois à compter de la réception des informations demandées.

« IV. – Le numéro individuel d’identification n’est pas attribué ou est invalidé dans l’un des cas suivants :

« 1° Aucune réponse n’a été reçue dans le délai mentionné au II ;

« 2° Les conditions prévues à l’article 286 ter du code général des impôts ne sont pas remplies ;

« 3° De fausses données ont été communiquées afin d’obtenir une identification à la taxe sur la valeur ajoutée ;

« 4° Des modifications de données n’ont pas été communiquées. » – (Adopté.)

Article 3 bis A
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Article 3 ter

Article 3 bis B

(Non modifié)

L’article 1649 AB du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après le mot : « constitution », sont insérés les mots : « , le nom du constituant et des bénéficiaires » ;

2° Après le premier alinéa, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :

« Il est institué un registre public des trusts. Il recense nécessairement les trusts déclarés, le nom de l’administrateur, le nom du constituant, le nom des bénéficiaires et la date de constitution du trust.

« Ce registre est placé sous la responsabilité du ministre chargé de l’économie et des finances.

« Les modalités de consultation du registre sont précisées par décret en Conseil d’État.

« L’administrateur d’un trust défini à l’article 792-0 bis qui a son domicile fiscal en France est tenu d’en déclarer la constitution, la modification ou l’extinction, ainsi que le contenu de ses termes. » ;

3° Au début du deuxième alinéa, le mot : « Il » est remplacé par les mots : « L’administrateur d’un trust ».