M. Jean Arthuis. Pourquoi ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Je ne suis ni pour les « mini-jobs » ni pour la précarité et je sais qu’il nous faut respecter notre modèle social. Cependant, des réformes ambitieuses, à la française, pour la compétitivité, doivent être poursuivies, et c’est ce que nous faisons.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !

M. Pierre Moscovici, ministre. Le deuxième volet sur lequel nous travaillons pour soutenir l’offre productive, c’est le soutien à la création d’entreprises et à l’entreprenariat. En effet, les créations d’entreprises aujourd’hui, ce sont les emplois de demain.

Ce soutien passe, dans le projet de loi de finances pour 2014, par une réforme de l’imposition des plus-values mobilières. Nous rééquilibrons ce dispositif, pour le rendre simple, lisible et pérenne, plus incitatif aussi.

Le projet de loi de finances comporte enfin plusieurs mesures de soutien à l’investissement et à l’innovation – c’est notre troisième volet. Il porte ainsi la réforme du plan d’épargne en actions, le PEA, et la création d’un PEA spécialement tourné vers les petites et moyennes entreprises. Celui-ci favorisera le financement en fonds propres de l’entreprise et garantira aux petites et moyennes entreprises, ainsi qu’aux entreprises de taille intermédiaire, les ETI, un accès plus aisé à l’épargne des particuliers.

Concrètement, le plafond du PEA sera relevé de 132 000 euros à 150 000 euros. Celui du PEA-PME, qui concernera les actions ou autres titres donnant accès au capital des PME et des entreprises de taille intermédiaire, et également les parts de fonds communs de placement sous certaines conditions, sera fixé à 75 000 euros.

Les PME innovantes seront dynamisées par la réforme du statut de jeune entreprise innovante. Tout cela s’inscrit dans un vaste mouvement de réforme du financement de l’économie, destiné à mieux orienter l’épargne abondante des ménages, vers l’investissement des entreprises, c’est-à-dire vers l’économie réelle. C’est également ce que nous ferons dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, à travers la réforme de l’assurance vie.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le budget qui est soumis à votre examen prend le parti de faire du levier de l’investissement et de la compétitivité des entreprises, le moteur de la croissance de demain. Ce n’est pas exclusif d’une démarche déterminée pour ramener à l’emploi ceux qui en sont les plus éloignés, au contraire. Il est logique que notre politique structurelle s’accompagne d’un soutien conjoncturel lorsque l’économie se redresse mais continue de manquer de demande privée.

Je l’ai dit en de nombreuses occasions, comme Michel Sapin, mon collègue ministre du travail et de l’emploi : nous n’avons pas l’emploi aidé honteux. C’est conforme à nos principes dans une période économique qui reste difficile.

Le projet de loi de finances pour 2014 déploie donc avec vigueur nos politiques volontaristes en faveur de l’emploi. Il finance la création d’ici à la fin de l’année 2014 de 150 000 emplois d’avenir, qui concernent les jeunes de 16 à 25 ans, la montée en charge des contrats de génération, la consolidation de 340 000 contrats aidés non marchands et la création d’un nouveau contingent de 2 000 postes chez Pôle emploi, après les 2 000 de 2013, car nous avons besoin d’un service public de l’emploi disponible, efficace et qui accompagne le combat pour l’emploi.

En effet, le redémarrage de l’emploi est la condition essentielle pour redresser le pouvoir d’achat. Sur ce point, un facteur non négligeable joue positivement, et je vous invite à le prendre en considération, c’est celui de la baisse de l’inflation. Il faut d’ailleurs veiller à ce que cette évolution ne tourne pas à la déflation. C’est le sens des mesures prises par la Banque centrale européenne, qui a abaissé son taux de refinancement de 0,25 point la semaine dernière.

Dans ce projet de budget, de nombreuses mesures vont permettre de soutenir le pouvoir d’achat des ménages – en particulier des classes moyennes et des plus modestes. Je veux prendre le temps ici de revenir sur certaines de ses mesures, avant que Bernard Cazeneuve ne complète mes propos, avec sa maestria habituelle et sa connaissance du budget pour 2014.

Si je devais résumer notre action en faveur du pouvoir d’achat des Français dans ce budget, je dirais que celle-ci se joue sur quatre fronts à la fois.

J’ai déjà évoqué le front de l’emploi, qui est absolument capital.

Ensuite, nous agissons sur les dépenses contraintes, qui pèsent de plus en plus sur le pouvoir d’achat des Français, à commencer par le logement et l’énergie. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous renvoie ici à nos mesures sur l’encadrement des loyers dans les zones tendues ou sur le plafonnement des frais bancaires, voté par le Sénat dans le cadre de la loi de réforme bancaire. Je peux également citer les mesures sur l’encadrement des tarifs sociaux de l’électricité et du gaz, qui devraient bénéficier à 4 millions de foyers – c’est notre objectif – contre environ 1,3 million auparavant.

Le troisième front concerne la maîtrise des prélèvements obligatoires. C’est le refus d’une hausse généralisée d’impôts, au-delà de la réforme des taux de TVA déjà votée à la fin de l’année 2012. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Dallier. C’est réussi !

M. Pierre Moscovici, ministre. Vous devriez écouter, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, chaque mot compte !

Si nous n’étions pas revenus sur la hausse du taux de TVA de 19,6 % à 21,2 % que vous, membres de l’ancienne majorité, aviez votée, les ménages acquitteraient 12 milliards d’euros supplémentaires. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

Mme Chantal Jouanno. Cette mesure intervenait en échange de baisse de charges sociales !

M. Pierre Moscovici, ministre. Revendiquez-la puisque c’est cela votre politique. Dites-le haut et fort plutôt que de vous opposer à une mesure correctrice de vos propres turpitudes !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, n’exagérez pas : parler de turpitudes, c’est franchement excessif !

Mme Michèle André. Non, c’est factuel, monsieur Marini !

M. Pierre Moscovici, ministre. En parallèle, le barème de l’impôt sur le revenu sera réindexé sur le coût de la vie, après deux années de gel décidées par le précédent gouvernement, qui ont été profondément douloureuses pour beaucoup de Français.

Enfin, le quatrième front pour maintenir le pouvoir d’achat passe par une plus grande progressivité de l’impôt. Les inégalités ont progressé aux deux extrémités des niveaux de vie en 2010. En 2011, la fracture s’est aggravée : les niveaux de vie ont augmenté pour la moitié la plus aisée de la population et reculé pour la moitié la plus modeste. Il faut répondre à ce problème.

Comme disait le philosophe italien Norberto Bobbio, « l’étoile polaire de l’égalité » est le trait distinctif entre la droite et la gauche, j’en suis convaincu. C’est le critère qui résiste à l’usure du temps. C’est le sens des suppressions de plusieurs niches fiscales que nous avons proposées et sur lesquelles un premier débat a eu lieu lors de la discussion à l’Assemblée nationale.

C’est donc un projet de grande ampleur, que celui de l’évolution de notre fiscalité, auquel Bernard Cazeneuve et moi-même prendrons part et que nous piloterons dans nos domaines respectifs.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il s’agit plutôt d’une cacophonie fiscale !

M. Pierre Moscovici, ministre. Enfin, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi de finances est aussi et avant tout un outil pour préparer l’avenir. Cela se manifeste de plusieurs façons dans les textes financiers de l’automne.

Tout d’abord, le cap de l’équilibre budgétaire structurel en fin de mandat est maintenu, car le désendettement est une nécessité pour notre souveraineté.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il manque des recettes !

M. Pierre Moscovici, ministre. Ensuite, la compétitivité suppose de construire un État plus agile, meilleur stratège, en soutien de la compétitivité de notre économie. C’est pour cela qu’il faut moderniser l’action publique. Sur ce point, notre démarche est résolument différente de celle qui prévalait jusqu’à présent. Il s’agira non pas de procéder par coups de rabot, mais de mener une politique d’évaluation, qui doit accompagner de vraies modernisations et dégager de vraies économies – Bernard Cazeneuve et moi-même y tenons beaucoup. Nous avons besoin de cette agilité !

Préparer l’avenir, c’est aussi consolider notre modèle social, dont les déséquilibres financiers menacent la pérennité. C’est le sens des réformes de la politique familiale et des retraites de cet automne.

Enfin, le projet de budget consacre le lancement du nouveau programme d’investissements d’avenir, de 12 milliards d’euros, annoncé en juillet dernier par le Premier ministre. Plus de la moitié de ce programme sera consacrée à des investissements directs ou indirects pour la transition écologique. Ces derniers seront soigneusement choisis, avec pour objectif de renforcer la croissance potentielle de la France, ce qui passe bien sûr d’abord par l’innovation.

M. Gaëtan Gorce. Nous verrons le résultat dans quelques mois…

M. Pierre Moscovici, ministre. Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, les quelques remarques dont je souhaitais vous faire part. Avec Bernard Cazeneuve, nous avons conçu ce projet de loi de finances comme un levier pour le retour de la croissance en France.

M. Gaëtan Gorce. Il aura l’effet inverse !

M. Pierre Moscovici, ministre. Cette croissance s’affirmera par l’affermissement de la dynamique de l’investissement, donc par une action déterminée en faveur de la compétitivité des entreprises. Elle passe aussi par l’amélioration de la situation économique des Français. Ces deux objectifs, en réalité, se renforcent mutuellement. N’opposons pas ménages et entreprises, soutien à l’investissement et défense du pouvoir d’achat. Au contraire, ils se confortent !

Une bonne politique économique, soucieuse du redressement productif et financier de la France, doit encourager l’offre, et je l’assume.

M. Jean Arthuis. Très bien !

M. Pierre Moscovici, ministre. Elle doit aussi stimuler la demande et restaurer la confiance de tous les acteurs économiques dans la justice fiscale. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est mal parti !

M. Pierre Moscovici, ministre. Notre budget de l’an II, en quelque sorte, est tout entier irrigué par cette ambition : conforter la croissance par la confiance et la confiance par la croissance, afin de lutter contre le chômage. Nous tiendrons ce cap.

Pour ma part, j’ai la conviction que la France tient ce cap, et qu’il est bon. Je sais les atouts de notre économie. Je n’accepte pas les vociférations ou la représentation négative, systématiquement pessimiste, noire et sombre que certains en donnent.

Il se trouve que, dans mes fonctions, je suis souvent appelé à participer à des réunions internationales. Demain encore, ne vous en déplaise, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, je représenterai la France à une réunion de l’Eurogroupe, au cours de laquelle la Commission européenne et nos partenaires valideront notre stratégie budgétaire.

M. Vincent Delahaye. C’est de la diplomatie, pas de la finance !

M. Pierre Moscovici, ministre. Votre vision systématiquement pessimiste et négative est de nature à nourrir les inquiétudes réelles – nous ne les sous-estimons pas – des Français.

Notre tâche, la mienne, celle du ministre du budget, celle du Gouvernement, c’est non pas de dénigrer, comme vous le faites, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition (Protestations sur les travées de l'UMP.), mais de fortifier nos atouts, qui sont considérables, parce que la France est la cinquième économie du monde.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Quelle langue de bois !

M. Pierre Moscovici, ministre. Ne vous en déplaise, c’est le sens et l’ambition du projet de loi de finances que nous vous présentons. Nous comptons fortement sur le soutien de la majorité pour tenir ce cap et approuver cette politique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. André Reichardt. C’est purement de la méthode Coué !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ça ne sert à rien, un ministre de l’économie qui parle ainsi !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Le ministre de l’économie est celui de la parole…

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Au moins, un ministre du budget, on sait à quoi ça sert ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, par souci de complémentarité avec l’intervention de Pierre Moscovici, j’insisterai sur quelques aspects du projet de loi de finances pour 2014, afin que nous puissions, dans les heures et les jours qui viennent, étudier au fond l’ensemble des questions que vous pouvez légitimement vous poser au sujet de nos orientations budgétaires. Je forme le vœu que nous ayons un débat à la fois apaisé, approfondi et de qualité.

Je voudrais commencer par remercier très chaleureusement le président de la commission des finances, Philippe Marini, et le rapporteur général de la commission des finances, François Marc, de la qualité du travail qu’ils ont accompli dans la préparation de nos débats.

Il est important, pour Pierre Moscovici et moi-même, de venir devant les commissions parlementaires aussi souvent qu’elles le souhaitent, afin de rendre compte de la manière dont nous concevons et exécutons les lois de finances, dans un contexte de redressement des comptes publics. Ce travail préparatoire est important. Il contribue amplement à l’amendement de nos textes et à la qualité de nos débats. Je voudrais rendre hommage à tous les sénateurs et à toutes les sénatrices qui ont travaillé à la préparation de nos débats.

Je voudrais également profiter de cet échange pour rendre un hommage appuyé aux fonctionnaires de Bercy. Ils ont le sens de l’État et du service public.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est pour cela que vous les renvoyez ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Ils sont engagés à nos côtés dans le redressement des comptes publics. Il est injuste de les critiquer en les présentant comme les membres d’une technocratie très éloignée des préoccupations de nos compatriotes.

Les fonctionnaires de Bercy contribuent à l’élaboration de la décision politique. Si la décision n’est pas bonne – cela peut arriver, car nul n’est à l’abri de commettre des erreurs –, il faut en imputer la responsabilité non aux fonctionnaires, mais au ministre.

M. Jean Arthuis. C’est vrai !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Les ministres sont là pour protéger leur administration. Celle-ci n’est pas comptable de toutes les difficultés, de tous les maux auxquels un pays peut être confronté.

Ce principe est consubstantiel à la République. Les fonctionnaires appliquent les orientations que le pouvoir politique souhaite faire prévaloir. Ils le font en tout temps avec beaucoup de loyauté, de compétence et de sens des responsabilités. Au moment où nous abordons les questions budgétaires, qui sont des questions sérieuses, il est important de rendre à ces fonctionnaires l’hommage qui leur est dû. Je veux dire très clairement que nous travaillons en confiance avec nos collaborateurs de Bercy et je veux saluer la qualité de leur travail, leur ardeur à la tâche et leur profond sens de l’État.

Je voudrais également profiter de ce débat pour insister sur quelques points, en donnant des chiffres, parce que, finalement, la seule chose qui vaut en matière budgétaire, c’est la réalité des chiffres.

Je voudrais tout d'abord insister sur l’évolution des déficits et le redressement de nos comptes.

Je voudrais ensuite souligner l’effort d’économies en dépenses que représente ce budget.

Je voudrais également insister sur les mesures que ce budget contient pour le redressement de notre économie et l’amélioration du pouvoir d'achat de nos compatriotes ; il s’agit d’une question importante, dans laquelle j’inclus celle de l’emploi.

Je voudrais enfin insister sur quelques questions qui nous tiennent à cœur, à Pierre Moscovici et à moi-même, et sur lesquelles nous sommes mobilisés ; en témoignent ce projet de loi de finances, mais également le projet de loi de finances rectificative et le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière. Je veux parler de l’action résolue que nous avons engagée ensemble pour lutter contre la fraude fiscale et récupérer ainsi les recettes qu’auraient dû verser ceux qui ont décidé de ne pas payer leurs impôts. En effet, chaque euro récupéré sur ceux qui fraudent est un euro de moins prélevé sur ceux qui, depuis longtemps, s’acquittent de leurs devoirs de citoyens.

Commençons par les déficits. Examinons la séquence des chiffres, puisque ce sont ces derniers qui indiquent la trajectoire. Le reste, c’est le tohu-bohu, le vacarme qui peut parfois occuper tout l’espace public sans que la bonne foi soit nécessairement convoquée. Pour ma part, je m’en tiens à la réalité des chiffres.

Lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, le déficit nominal était de 5,3 % du produit intérieur brut. En 2012, il s’est établi à 4,8 %. Il est vrai que nous nous étions fixé un objectif de 4,5 %, mais tous ceux qui, au sein de la commission des finances, ont examiné de près les raisons de ce décalage savent qu’il s’explique essentiellement par la nécessité de prendre en compte la situation de la banque Dexia et d’intégrer des crédits de paiement qui n’avaient pas été alloués à l’Union européenne depuis novembre 2010, afin d’éviter que cette dernière ne se trouve dans l’impossibilité d’honorer ses engagements au titre des perspectives financières 2007-2013.

Si l’on ôte ces deux éléments extérieurs, nous sommes très près de l’objectif que nous nous étions fixé. Pour 2013, notre objectif est de ramener le déficit à 4,1 % ; je reviendrai tout à l'heure sur l’évolution des recettes et la manière dont nous tenons la dépense. Enfin, le projet de loi de finances pour 2014 prévoit un déficit de 3,6 %.

En dépit de ce qu’il m’arrive souvent d’entendre dire, ces chiffres sont incontestables. On les trouve dans les rapports que vous avez pu étudier. Les déficits ne dérapent pas !

Depuis que nous sommes en situation de responsabilité, nous menons une stratégie continue de réduction des déficits. Non seulement cette dernière, qui donne un sens à la trajectoire des finances publiques, est en cours, mais, en outre, nous avons réussi à atteindre cet objectif en faisant des efforts structurels que la Commission européenne comme le Haut Conseil des finances publiques saluent.

Je veux donner les chiffres précis : 1,3 % en 2012, 1,7 % en 2013 et 1 % en 2014. Si la Commission européenne, dans le cadre du semestre européen et du programme de stabilité au sein duquel s’inscrivent nos engagements, reconnaît que la trajectoire est tenue, c’est parce qu’elle sait que les chiffres d’efforts structurels que je viens de vous donner correspondent à ce que nous faisons et nous permettront d’atteindre les engagements que nous avons pris. Il est important que notre crédibilité soit préservée et réaffirmée à tout moment.

Si nous voulons retrouver le chemin de la croissance, il faut que nous accomplissions cet effort d’assainissement de nos comptes publics. De la même manière, nous n’avons aucune chance d’atteindre l’objectif d’assainissement de nos comptes publics si nous ne mettons pas tout en œuvre pour retrouver le chemin de la croissance.

Notre effort de réduction des déficits publics se traduit également par la maîtrise des comptes sociaux. Je rappelle que, en 2010, alors même que le taux de croissance était légèrement supérieur à 1,5 %, le déficit des comptes sociaux – celui du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse, le FSV – s’est dégradé d’environ 4,5 milliards d'euros, pour atteindre 28 milliards d'euros. En 2011, le déficit était encore de 20,8 milliards d'euros.

Si nous n’avions rien fait lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, si nous n’avions pas présenté de projet de loi de finances rectificative pour 2012, le déficit aurait sans doute dépassé 25 milliards d'euros. Grâce aux dispositions que nous avons prises, il s’est établi à 17,5 milliards d'euros en 2012. En 2013, il sera de 16,2 milliards d'euros, et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 prévoit qu’il sera de 12,8 milliards d'euros l’an prochain.

Nous sommes donc dans une séquence très affirmée de diminution des déficits des comptes sociaux. En l’espace de dix-huit mois, nous aurons réduit ces déficits de 8 milliards d'euros. Si nous maintenons cette tendance, le déficit du régime général et du FSV s’établira à 4 milliards d'euros en 2017. En cinq ans, nous aurons ainsi divisé par plus de cinq le déficit des comptes sociaux.

Voilà les chiffres. On peut ensuite débattre à l’infini, mais ils parlent d’eux-mêmes. Je veux dire au Sénat et, à travers lui, aux Français, que les efforts accomplis, dont il faut reconnaître qu’ils ont parfois été lourds, aboutissent à la réduction des déficits nominaux et des déficits des comptes sociaux, qui s’étaient envolés de manière significative au cours des dernières années. Certes, il y a eu la crise, mais le déficit structurel avait lui aussi augmenté entre 2008 et 2011. La crise n’était donc pas le seul élément d’augmentation des déficits et de dégradation de nos comptes. Les rapports du Haut Conseil des finances publiques en témoignent.

Le deuxième sujet sur lequel je voudrais insister, c’est la dépense. Ma conviction profonde est qu’il n’est pas possible – j’insiste sur ce point – de préserver nos services publics et notre modèle social, qui sont le patrimoine de ceux qui n’en ont pas, sans maîtriser la dépense publique.

Le ministère du budget n’est pas le ministère du prélèvement par l’impôt du patrimoine de ceux qui en ont un ; il est, et il doit être avant tout, a fortiori dans un contexte de crise, le ministère de la préservation du patrimoine de ceux qui n’en ont pas, c'est-à-dire des services publics et de la protection sociale.

Si nous sommes attachés aux services publics et à la protection sociale – au modèle social français, qui est souvent évoqué par le Premier ministre –, notre devoir est de faire en sorte que la mauvaise dépense publique ne chasse pas la bonne, et même qu’il ne reste que la bonne, c'est-à-dire que chaque euro dépensé soit un euro utile. C’est le moyen de préserver le modèle social français et les services publics à la française, qui, je le répète, sont le patrimoine des Français les plus modestes et les plus exposés au tumulte de la crise.

La volonté qu’a le Gouvernement de réduire les déficits ne traduit pas une orientation « austéritaire », comme certains se plaisent à la qualifier, qui serait suivie au détriment des services publics ou de la protection sociale. Non ! Si nous voulons que la mauvaise dépense publique ne chasse pas la bonne, c’est en raison de notre attachement viscéral au modèle social français. Nous avons en effet la conviction qu’il n’est pas possible d’assurer la soutenabilité de ce modèle si nous ne maîtrisons pas la dépense publique.

Nous devons réaliser des économies. Ces économies, nous les faisons avec discernement. Nous économisons 9 milliards d'euros sur l’État et 6 milliards d'euros sur la sphère sociale.

Les 9 milliards d'euros d’économies sur l’État absorbent le rythme tendanciel d’augmentation de la dépense publique, soit environ 7,5 milliards d'euros. Cela signifie que les dépenses de l’État diminuent de 1,5 milliard d'euros.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. En changeant la norme !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Nous économisons également 6 milliards d'euros sur la protection sociale.

Ces économies sont mesurées avec les mêmes instruments qui servaient à mesurer les efforts des précédents gouvernements. Nous n’avons pas changé les instruments de mesure.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Si, vous avez changé la norme !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Les instruments de mesure sont les mêmes qu’auparavant. En effet, il n’y a aucune raison pour que les efforts de ce gouvernement ne soient pas jugés d’après les mêmes critères que ceux des gouvernements précédents. La Cour des comptes et la Commission européenne ont, à cet égard, défini des critères qui s’appliquent au gouvernement actuel comme ils s’appliquaient au précédent.

Du reste, dans un récent rapport, la Commission a confirmé que les efforts que nous accomplissons au titre des réductions de dépenses représentent bien 0,7 % du PIB : elle souligne ainsi que ce sont de véritables économies. Je le répète, elle nous évalue comme elle a évalué les précédents gouvernements.

Ce constat étant établi, comment se répartissent ces économies ? Où sont-elles réalisées ? J’en dirai un mot.

Parmi les 9 milliards d’euros d’économies réalisées par l’État, 2,6 milliards d’euros sont assumés par les dépenses de fonctionnement des ministères, grâce, notamment, à la maîtrise de l’évolution des rémunérations des fonctionnaires. Il faut rendre hommage à l’effort que ces derniers consentent pour contribuer au redressement de nos comptes publics. Le gel du point d’indice est un effort qui leur est demandé, il ne faut pas le contester.

Les fonctionnaires sont parfois stigmatisés, voire mis en cause parce qu’ils coûteraient trop cher, parce qu’ils seraient, en tant que tels, à l’origine de dépenses que nous ne serions pas en mesure de maîtriser. C’est faux ! Ils contribuent à l’effort général.

Au-delà du gel du point d’indice, je songe à la division par deux des mesures catégorielles, ou encore à l’évolution des effectifs de la fonction publique. Contrairement à ce que l’on peut entendre ici ou là, le nombre de postes n’augmente pas de manière non maîtrisée, il diminue ! La baisse représente 1 373 fonctionnaires cette année par rapport à l’an passé. Elle résulte non pas de coups de rabot désorganisant des services tout entiers, mais d’une véritable modernisation de l’administration. Ce travail permet de dégager des effectifs là où nous menons des efforts de numérisation et de dématérialisation.

À ce titre, je citerai l’exemple de deux ministères.

Le ministère de la justice s’attelle à la modification de ses circuits comptables et à la mise en place d’une plateforme judiciaire d’entraide. Ces éléments concourent à l’effort général de modernisation. Sans que la justice soit en aucun cas affectée dans sa capacité à remplir ses missions de service public, 45 millions d’euros seront ainsi économisés.

De même, à Bercy, ce sont la télédéclaration ou encore la numérisation de l’activité du ministère qui permettent de dégager plus de 120 millions d’euros d’économies.

Après les ministères, j’en viens aux collectivités territoriales et aux opérateurs de l’État, qui permettent de réaliser 3,3 milliards d’euros d’économies. Les opérateurs ont vu leur budget augmenter de 15 % au cours du précédent quinquennat. Leurs dépenses de personnel, en particulier, ont bondi de 6 %. Pour notre part, grâce à un effort de rationalisation, de regroupement et de mutualisation, nous réduisons leurs effectifs. En outre, dans le budget qui vous est présenté aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs, leurs dépenses générales diminuent de 4 %. D’aucuns se demandent où sont les économies. J’en donne là le détail.

Dans le cadre de la MAP, la modernisation de l’action publique, nous allons poursuivre ce travail de rationalisation de l’action des opérateurs de l’État. Par ailleurs, nous réalisons un effort considérable de maîtrise des taxes affectées dont ces acteurs bénéficient. Je songe notamment aux décisions que nous avons prises au sujet des organismes consulaires ou des agences de l’eau. Nonobstant les débats qu’elle a pu susciter, la maîtrise des taxes affectées représente 300 millions d’euros d’économies.

Enfin, nous rationalisons également notre politique d’intervention : ce sont encore 3 milliards d’euros sur des sujets très divers, qu’il s’agisse de la remise en cause d’un certain nombre de grands projets mal maîtrisés au titre des investissements ou dont le fonctionnement indu se serait révélé coûteux pour l’État, de la redéfinition de notre relation avec le stade de France, qui suscitera une économie de près de 16 millions d’euros, ou encore de la remise à plat du financement de l’Agence de financement des infrastructures de transport, l’AFIT. Dans ce domaine, aucune dépense annoncée ne doit rester sans financement. A contrario, nous devons garantir une véritable déclinaison pluriannuelle du financement des infrastructures de transports.