Sommaire

Présidence de M. Jean-Claude Carle

Secrétaires :

MM. Jacques Gillot, Gérard Le Cam.

1. Procès-verbal

2. Conférence des présidents

3. Financement de la sécurité sociale pour 2014. – Rejet d’un projet de loi en nouvelle lecture

Discussion générale : Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé ; M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales.

Mme Chantal Jouanno, MM. Dominique Watrin, Alain Bertrand, Mme Aline Archimbaud, MM. Alain Milon, Jacky Le Menn.

Clôture de la discussion générale.

Question préalable

Motion n° 1 de M. Dominique Watrin. – Mmes Laurence Cohen, Michelle Meunier, Yves Daudigny, rapporteur général ; Mme Marisol Touraine, ministre ; M. Jean-Noël Cardoux, Mme Aline Archimbaud, M. Alain Bertrand, Mme Muguette Dini, M. Dominique Watrin. – Adoption, par scrutin public, de la motion entraînant le rejet du projet de loi.

4. Renvoi pour avis unique

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel

5. Questions d'actualité au Gouvernement

répression du trafic d'espèces menacées

MM. Ronan Dantec, Manuel Valls, ministre de l'intérieur.

fiscalité

Mme Isabelle Pasquet, M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget.

baby-loup et la laïcité

MM. François Fortassin, Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement.

situation économique et fiscale

MM. Roger Karoutchi, Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget.

délai de prescription en matière d'agressions sexuelles

Mmes Muguette Dini, Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice.

plan local d’urbanisme intercommunal

M. Claude Bérit-Débat, Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement.

découpage cantonal

MM. Antoine Lefèvre, Manuel Valls, ministre de l'intérieur.

normes et statut de l’élu

M. Jean-Jacques Mirassou, Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation.

garantie universelle des loyers

M. Marc Laménie, Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement.

services publics locaux

M. Alain Fauconnier, Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation.

6. Prise d'effet de nominations à une commission mixte paritaire

7. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Claude Carle

vice-président

Secrétaires :

M. Jacques Gillot,

M. Gérard Le Cam.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Conférence des présidents

M. le président. Mes chers collègues, je vais vous donner lecture des conclusions de la conférence des présidents qui s’est réunie hier soir.

La conférence des présidents a tout d’abord pris acte, en application de l’article 6 bis du règlement, des demandes de création :

-  d’une commission d’enquête sur les modalités du montage juridique et financier et l’environnement du contrat retenu in fine pour la mise en œuvre de l’écotaxe poids lourds (demande du groupe socialiste et apparentés) ;

- et d’une mission d’information sur l’accès aux documents administratifs et aux données publiques (demande du groupe écologiste).

La conférence des présidents a par ailleurs établi comme suit l’ordre du jour des prochaines séances du Sénat :

Jeudi 28 novembre 2013

À 9 heures 30 :

1°) Nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 (n° 170, 2013-2014)

(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.)

À 15 heures :

2°) Questions d’actualité au Gouvernement

(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant onze heures.)

À 16 heures 15 :

3°) Suite éventuelle de l’ordre du jour du matin

SEMAINE SÉNATORIALE DE CONTRÔLE

Mardi 3 décembre 2013

Ordre du jour fixé par le Sénat :

À 14 heures 30 :

1°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité entre la République française et la Fédération de Russie relatif à la coopération dans le domaine de l’adoption (n° 114, 2013-2014) (demande du Gouvernement)

(Pour ce projet de loi, la conférence des présidents a décidé de recourir à la procédure simplifiée. Selon cette procédure, le projet de loi est directement mis aux voix par le président de séance. Toutefois, un groupe politique peut demander, au plus tard le vendredi 29 novembre, à dix-sept heures, que le projet de loi soit débattu en séance selon la procédure habituelle.)

2°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, transposant la directive 2013/1/UE du Conseil du 20 décembre 2012 modifiant la directive 93/109/CE en ce qui concerne certaines modalités de l’exercice du droit d’éligibilité aux élections au Parlement européen pour les citoyens de l’Union résidant dans un État membre dont ils ne sont pas ressortissants (texte de la commission, n° 138, 2013-2014) (demande du Gouvernement)

(La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 2 décembre, à dix-sept heures ;

- au lundi 2 décembre, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.

La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mardi 3 décembre, à neuf heures trente.)

À 21 heures 30 :

3°) Débat sur la sécurité sociale des étudiants (demande du groupe UMP)

(La conférence des présidents a :

- attribué un temps d’intervention de vingt minutes au groupe UMP ;

- fixé à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 2 décembre, à dix-sept heures.)

Mercredi 4 décembre 2013

À 15 heures :

Le groupe de travail sénatorial sur « Quelle France dans dix ans ? » présentera sa contribution au commissaire général à la stratégie et à la prospective, M. Pisani-Ferry. Cette réunion, qui se tiendra en salle Clemenceau, sera ouverte à tous les sénateurs et aux journalistes.

Ordre du jour fixé par le Sénat :

À 18 heures :

- Débat sur les perspectives d’évolution de l’aviation civile à l’horizon 2040 : préserver l’avance de la France et de l’Europe (demande de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques)

(La conférence des présidents a :

- attribué un temps d’intervention de vingt minutes à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques ;

- fixé à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mardi 3 décembre, à dix-sept heures.)

Jeudi 5 décembre 2013

À 9 heures 30 :

Ordre du jour fixé par le Sénat :

1°) Débat sur les conclusions de la commission d’enquête sur le rôle des banques et acteurs financiers dans l’évasion des ressources financières en ses conséquences fiscales et sur les équilibres économiques ainsi que sur l’efficacité du dispositif législatif, juridique et administratif destiné à la combattre (demande de la commission d’enquête)

(La conférence des présidents a :

- attribué un temps d’intervention de trente minutes à la commission d’enquête ;

- fixé à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mercredi 4 décembre, à dix-sept heures.)

De 15 heures à 15 heures 45 :

2°) Questions cribles thématiques sur l’accès à la justice et la justice de proximité

(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant onze heures.)

SEMAINE SÉNATORIALE

Lundi 9 décembre 2013

Ordre du jour fixé par le Sénat :

À 16 heures et le soir :

- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d’habilitation à prendre par ordonnances diverses mesures de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises (n° 28, 2013-2014) (demande du Gouvernement)

(La commission des lois se réunira pour le rapport le mercredi 4 décembre matin (délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 2 décembre, à douze heures).

La Conférence des Présidents a fixé :

- à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le vendredi 6 décembre, à dix-sept heures ;

- au lundi 9 décembre, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.

La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le lundi 9 décembre début d’après-midi.)

Mardi 10 décembre 2013

Ordre du jour fixé par le Sénat :

À 14 heures 30 et, éventuellement, le soir :

- Sous réserve de sa transmission, deuxième lecture du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale (A.N., n° 1473) (demande du Gouvernement)

(La commission des affaires étrangères se réunira pour le rapport le mercredi 4 décembre matin (délai limite pour le dépôt des amendements de commission : mardi 3 décembre, à dix-sept heures).

La conférence des présidents a fixé :

- à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 9 décembre, à dix-sept heures ;

- au lundi 9 décembre, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.

La commission des affaires étrangères se réunira pour examiner les amendements le mardi 10 décembre, à treize heures trente.)

Mercredi 11 décembre 2013

De 14 heures 30 à 18 heures 30 :

Ordre du jour réservé au groupe UDI-UC :

1°) Proposition de loi tendant à créer des sociétés d’économie mixte contrat, présentée par M. Jean-Léonce Dupont et les membres du groupe UDI-UC (n° 81, 2013-2014)

(La commission des lois se réunira pour le rapport le mercredi 4 décembre matin (délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 2 décembre, à douze heures).

La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mardi 10 décembre, à dix-sept heures ;

- au lundi 9 décembre, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.

La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mercredi 11 décembre matin.)

2°) Proposition de loi relative au financement du service public de l’assainissement par des fonds de concours, présentée par M. Daniel Dubois et plusieurs de ses collègues (n° 840, 2012 2013)

(La commission des finances se réunira pour le rapport le mardi 3 décembre matin (délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 2 décembre, à douze heures).

La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mardi 10 décembre, à dix-sept heures ;

- au lundi 9 décembre, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.

La commission des finances se réunira pour examiner les amendements le mercredi 11 décembre matin.)

En outre, à 14 heures 30 :

- Désignation des vingt et un membres de la commission d’enquête sur les modalités du montage juridique et financier et l’environnement du contrat retenu in fine pour la mise en œuvre de l’écotaxe poids lourds

- Désignation des trente-trois membres de la mission d’information sur l’accès aux documents administratifs et aux données publiques

(Les candidatures à cette commission d’enquête et à cette mission d’information devront être remises au secrétariat de la direction de la législation et du contrôle avant le mardi 10 décembre, à dix-sept heures.)

À 21 heures 30 :

Ordre du jour fixé par le Sénat :

3°) Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 19 et 20 décembre 2013

(La conférence des présidents a décidé d’attribuer, à la suite de l’intervention liminaire du Gouvernement de dix minutes, un temps d’intervention :

- de huit minutes à chaque groupe (cinq minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe) ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mardi 10 décembre, à dix-sept heures ;

- puis, de huit minutes à la commission des affaires étrangères, à la commission des finances et à la commission des affaires européennes.

À la suite de la réponse du Gouvernement, les sénateurs pourront, pendant une heure, prendre la parole (deux minutes maximum) dans le cadre d’un débat spontané et interactif comprenant la possibilité d’une réponse du Gouvernement ou de la commission des affaires européennes.)

Jeudi 12 décembre 2013

De 9 heures à 13 heures :

Ordre du jour réservé au groupe socialiste :

1°) Suite éventuelle du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d’habilitation à prendre par ordonnances diverses mesures de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises

2°) Proposition de loi visant à faciliter le stationnement des personnes en situation de handicap titulaires de la carte de stationnement prévue à l’article L. 241-3-2 du code de l’action sociale et des familles sur les places de stationnement adaptées lorsque l’accès est limité dans le temps, présentée par M. Didier Guillaume et les membres du groupe socialiste et apparentés (n° 8, 2013 2014)

(La commission des affaires sociales se réunira pour le rapport le mercredi 4 décembre matin (délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 2 décembre, à douze heures).

La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mercredi 11 décembre, à dix-sept heures ;

- au mardi 10 décembre, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.

La commission des affaires sociales se réunira pour examiner les amendements le mercredi 11 décembre matin.)

À 15 heures :

3°) Questions d’actualité au Gouvernement

(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant onze heures.)

De 16 heures 15 à 20 heures 15 :

Ordre du jour réservé au groupe UMP :

4°) Proposition de loi visant à renforcer les sanctions prévues dans le cadre de la mise en œuvre de la loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et l’habitat des gens du voyage, présentée par M. Pierre Hérisson et plusieurs de ses collègues (n° 818, 2012-2013)

(La commission des lois se réunira pour le rapport le mercredi 4 décembre matin (délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 2 décembre, à douze heures).

La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mercredi 11 décembre, à dix-sept heures ;

- au lundi 9 décembre, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.

La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mercredi 11 décembre matin.)

5°) Proposition de loi tendant à autoriser le vote par Internet pour les Français établis hors de France pour l’élection des représentants au Parlement européen, présentée par M. Robert del Picchia et plusieurs de ses collègues (n° 48, 2013-2014)

(La commission des lois se réunira pour le rapport le mercredi 4 décembre matin [délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 2 décembre, à douze heures].

La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mercredi 11 décembre, à dix-sept heures ;

- au lundi 9 décembre, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.

La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mercredi 11 décembre matin.)

À 22 heures 15 :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement (en application de l’article 48, alinéa 3, de la Constitution) :

6°) Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances rectificative pour 2013 (A.N., n° 1547)

(La commission des finances se réunira pour le rapport le mercredi 11 décembre matin.

La conférence des présidents a fixé :

- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mercredi 11 décembre, à dix-sept heures ;

- au jeudi 12 décembre, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.

La commission des finances se réunira pour examiner les amendements le vendredi 13 décembre, à huit heures trente, aux suspensions du matin et de l’après-midi.)

Vendredi 13 décembre 2013

à 9 heures 30, à 14 heures 30, le soir et, éventuellement, la nuit

Éventuellement, samedi 14 décembre 2013,

à 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir

Ordre du jour fixé par le Gouvernement (en application de l’article 48, alinéa 3, de la Constitution) :

- Suite du projet de loi de finances rectificative pour 2013

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

Lundi 16 décembre 2013

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 15 heures et le soir :

- Nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, garantissant l’avenir et la justice du système de retraites (n° 173, 2013-2014)

(La commission des affaires sociales se réunira pour le rapport le mercredi 4 décembre matin (délai limite pour le dépôt des amendements de commission : mardi 3 décembre, à douze heures).

La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le vendredi 13 décembre, à dix-sept heures ;

- au jeudi 12 décembre, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.

La commission des affaires sociales se réunira pour examiner les amendements le lundi 16 décembre, à quatorze heures.)

Mardi 17 décembre 2013

À 9 heures 30 :

1°) Questions orales

L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.

- n° 455 de M. Martial Bourquin transmise à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement

(Inquiétudes des maires quant à l’avenir de leurs compétences territoriales en matière de droit des sols)

- n° 471 de M. Jean Boyer à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement

(Pour une meilleure couverture en téléphonie mobile de tous les territoires)

- n° 521 de M. Hervé Maurey à M. le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

(Contraintes qui pèsent sur les zones de captage d’eau)

- n° 525 de Mme Catherine Procaccia à M. le ministre de l’intérieur

(Présentation à l’examen du permis de conduire)

- n° 541 de M. Roland Courteau à M. le ministre chargé des transports, de la mer et de la pêche

(Sécurité ferroviaire)

- n° 544 de M. Dominique Bailly à M. le ministre de l’économie et des finances

(Instauration d’une taxe européenne sur les transactions financières)

- n° 568 de M. Antoine Lefèvre à M. le ministre de l’éducation nationale

(Recrutement et rémunération des personnels en temps d’activité périscolaire)

- n° 577 de Mme Maryvonne Blondin à Mme la ministre chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion

(« Convention 66 »)

- n° 579 de M. Michel Magras à M. le ministre des outre-mer

(Indemnité d’installation des fonctionnaires à Saint-Barthélemy)

- n° 580 de M. Henri Tandonnet à M. le ministre chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation

(Transparence des frais de recouvrement de créance)

- n° 583 de M. Thierry Foucaud à M. le ministre chargé des transports, de la mer et de la pêche

(Réduction du réseau de distribution de la Société nationale des chemins de fer français)

- n° 587 de M. Yannick Vaugrenard à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice

(Adoption d’enfants originaires d’Haïti)

- n° 588 de M. Jean-Luc Fichet à M. le ministre chargé des transports, de la mer et de la pêche

(Transfert des ouvrages d’art vers les collectivités territoriales)

- n° 590 de M. Michel Billout à M. Premier ministre

(Situation des roms : en finir avec le nomadisme forcé)

- n° 592 de M. Jacques Mézard à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice

(Avenir de la maison d’arrêt d’Aurillac)

- n° 593 de M. Philippe Leroy transmise à M. le ministre chargé du budget

(Exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties en zone « Natura 2000 »)

- n° 600 de M. Gérard César à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice

(Reconstruction du centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan en Gironde)

- n° 603 de M. Jean-Vincent Placé à M. le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

(Risques d’exploitation et d’exploration des gaz de schiste dans le département de l’Essonne)

- n° 607 de M. Claude Bérit-Débat à M. le ministre de l’éducation nationale

(Pérennisation de l’apprentissage de l’occitan tout au long du cursus scolaire)

- n° 632 de M. Christian Cambon à M. le ministre chargé des transports, de la mer et de la pêche

(Extension de l'aéroport de Paris-Orly)

À 14 heures 30 et le soir :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

2°) Sous réserve de sa transmission, nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2014

(La commission des finances se réunira pour le rapport le mardi 17 décembre, à neuf heures.

La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant le lundi 16 décembre, à dix-sept heures ;

- à l’ouverture de la discussion générale, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.

La commission des finances se réunira pour examiner les amendements à l’issue de la discussion générale.)

Mercredi 18 décembre 2013

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 14 heures 30 et le soir :

1°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité instituant un partenariat en matière de coopération militaire entre la République française et la République du Sénégal (n° 700, 2012-2013)

2°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité de coopération en matière de défense entre la République française et la République de Djibouti (n° 697, 2012-2013)

3°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité instituant un partenariat de défense entre la République française et la République de Côte d’Ivoire (n° 703, 2012-2013)

(Pour ces trois projets de loi, la conférence des présidents a décidé de recourir à la procédure simplifiée. Selon cette procédure, les projets de loi sont directement mis aux voix par le président de séance. Toutefois, un groupe politique peut demander, au plus tard le lundi 16 décembre, à dix-sept heures, qu’un projet de loi soit débattu en séance selon la procédure habituelle.)

4°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2013 ou nouvelle lecture

(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mardi 17 décembre, à dix-sept heures.

En cas de nouvelle lecture :

- la commission des finances se réunira pour le rapport le mercredi 18 décembre matin ;

- la conférence des présidents a fixé à l’ouverture de la discussion générale, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.

La commission des finances se réunira pour examiner les amendements à l’issue de la discussion générale.)

Jeudi 19 décembre 2013

À 9 heures 30 et à 14 heures 30 :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

1°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles

(La conférence des présidents a fixé à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mercredi 18 décembre, à dix-sept heures.)

2°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances diverses mesures de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises

(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mercredi 18 décembre, à dix-sept heures.)

3°) Éventuellement, navettes diverses

Prochaine réunion de la conférence des présidents : mercredi 11 décembre 2013, à 19 heures.

Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances et à l’ordre du jour autre que celui qui résulte des inscriptions prioritaires du Gouvernement ?...

Ces propositions sont adoptées.

3

 
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014
Discussion générale (suite)

Financement de la sécurité sociale pour 2014

Rejet d’un projet de loi en nouvelle lecture

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014
Question préalable (début)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, de financement de la sécurité sociale pour 2014 (projet n° 170, rapport n° 171).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie de bien vouloir excuser Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget, qui a été retenu par d’autres obligations.

Mme Chantal Jouanno. Il en a assez du Sénat !

Mme Isabelle Debré. Visiblement !

Mme Marisol Touraine, ministre. À la suite de l’échec de la commission mixte paritaire, l’Assemblée nationale a procédé lundi dernier à la nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014.

Je ne m’étendrai pas ce matin sur les avancées de ce texte, notamment sur sa contribution à la mise en œuvre de la stratégie nationale de santé, que j’ai déjà eu l’occasion de vous présenter en première lecture.

J’insisterai plutôt sur les principales évolutions intervenues depuis lors sur le texte et sur la manière dont elles renforcent les orientations retenues par le Gouvernement.

Je souhaite, tout d’abord, revenir sur la trajectoire de redressement que traduit ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Ce texte s’inscrit dans un double objectif : maintenir un haut niveau de protection sociale pour les Français et poursuivre le redressement de nos comptes sociaux.

Nous avons affirmé cet objectif dès l’été 2012, puis dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, ce qui a permis d’enclencher le redressement des comptes sociaux.

Les choix exigeants qui ont été effectués permettront de ramener l’an prochain le déficit du régime général et du fonds de solidarité vieillesse en deçà de 13 milliards d’euros. Je vous rappelle que, à l’arrivée du gouvernement actuel aux responsabilités, le déficit s’élevait à 21 milliards d’euros.

Ces choix sont exigeants parce qu’ils impliquent des réformes de structure, parce qu’ils visent à renforcer l’équité de notre système de santé et parce que nous refusons que l’adaptation de ce dernier se fasse à la charge des assurés sociaux.

Notre pays traverse une période d’incertitudes. Il est donc indispensable, aujourd’hui plus que jamais, de consolider les piliers de notre protection sociale et de marquer le cap des choix que nous avons retenus.

C’est le sens des réformes structurelles qui ont été engagées par le Gouvernement : stratégie nationale de santé, politique familiale, avenir et justice du système des retraites.

Le Parlement a souhaité adapter certaines des mesures présentées par le Gouvernement. C’est ainsi que des modifications ont été apportées aux recettes de la sécurité sociale : introduction d’une fiscalité sur les boissons énergisantes, fiscalité des contrats de complémentaire santé, affectation d’une part de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA, à des dépenses dès l’année 2014 en direction des personnes en perte d’autonomie, notamment. Le Gouvernement a souhaité poursuivre dans cette voie.

La première modification, présentée dès le premier examen du texte par le Sénat, porte sur la mesure relative au calcul des prélèvements sociaux sur les produits de placement exonérés d’impôt sur le revenu et assujettis en sortie. Cette mesure a fait l’objet de débats, et le Gouvernement vous a proposé un amendement permettant de l’aménager.

Par ailleurs, face aux difficultés spécifiques auxquelles sont confrontés les artisans et commerçants, le Gouvernement a proposé un amendement permettant de lisser les hausses de cotisations retraite pour ces professionnels. Cette disposition ne remet pas en cause le déplafonnement partiel des cotisations retraite, qui est une mesure d’équité légitime ; mais il s’agit de l’accompagner.

À l’aune de ces évolutions, l’équilibre financier global du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 sera préservé. Ces aménagements ne dégraderont pas le déficit de la sécurité sociale.

Le budget de la sécurité sociale pour 2014 bénéficiera, en compensation, de la bonne maîtrise de la dépense résultant de la politique mise en œuvre par le Gouvernement, notamment de la très bonne tenue de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM, en 2013, au-delà même de ce que je vous avais annoncé puisque les dépenses seront inférieures non de 500 millions, mais de 650 millions d’euros à l’objectif fixé.

Au terme de ces diverses modifications, le solde 2014 de la sécurité sociale restera au niveau fixé par le projet de loi initial, soit 12,8 milliards d’euros pour le régime général et le fonds de solidarité vieillesse, en amélioration de 3,4 milliards par rapport à 2013.

Ce projet de loi, au-delà des équilibres financiers, engage des orientations en matière d’assurance maladie.

Il s’agit, d’abord – j’ai eu l’occasion de l’exprimer longuement – de poursuivre le combat pour l’accès aux soins.

L’assurance maladie, je le redis fermement ici, est et doit rester le pilier fondamental de la prise en charge des dépenses de santé. Cela impose aussi une régulation de l’offre des complémentaires santé si nous ne voulons pas que s’accroisse le déséquilibre observé depuis 2004 en faveur d’une prise en charge par les complémentaires santé.

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Très bien !

Mme Marisol Touraine, ministre. Une différenciation plus forte du taux de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance, la TSCA, entre les contrats dits « solidaires et responsables » et les autres le permettra. En particulier, la réduction du reste à charge pour les bénéficiaires de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, ou ACS, doit être une priorité. Cela se traduira par diverses mesures inscrites dans ce projet de loi : mettre en place des appels d’offres pour mieux identifier les contrats d’aide à la complémentaire santé, peser sur les prix de ces contrats, permettre une meilleure prise en charge des bénéficiaires de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, notamment pour ce qui concerne les frais d’optique.

Par ailleurs, l’Assemblée nationale a souhaité compléter les dispositions initialement prévues par ce texte en facilitant le recours à l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé et en prévoyant le renouvellement automatique du droit à l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé pour les bénéficiaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, anciennement appelée « minimum vieillesse ».

Le Gouvernement a également présenté en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale un amendement visant à revaloriser de 50 euros l’ACS, pour les bénéficiaires de plus de soixante ans. Cette aide, qui est aujourd’hui de 500 euros par an, passera donc à 550 euros. C’est une mesure particulièrement importante pour une population dont les cotisations aux complémentaires sont élevées – les cotisations augmentent en effet avec l’âge dans la mesure où les frais engagés pour la santé progressent avec l’âge – et dont le recours aux soins est important. Dans un contexte contraint, nous avons souhaité adresser un signal à cette population dont le pouvoir d’achat connaît souvent des difficultés. Nous avons aussi voulu faciliter l’accès aux soins de cette population dont le revenu, je le rappelle, est compris entre 770 et 967 euros par mois.

Ces dispositions contribuent à renforcer notre soutien au pouvoir d’achat des retraités les plus modestes. C’est aussi le sens de la double revalorisation de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, l’ASPA, qui interviendra l’année prochaine, le 1er avril d’abord, le 1er octobre ensuite. C’est une mesure importante puisque, désormais, aucune pension ne sera inférieure à 800 euros dans notre pays.

Ces dispositions seront complétées par une action spécifique en faveur des plus vulnérables, notamment ceux qui sont confrontés à des situations de handicap ou de perte d’autonomie.

Le Gouvernement a ainsi présenté, voilà quelques mois, un plan permettant de renforcer la prise en charge de l’autisme, et les premières dispositions prévues pour 2014 seront intégralement couvertes par le présent projet de loi de financement.

Nous mettrons également en œuvre les engagements au titre du plan Alzheimer. Avec Michèle Delaunay, nous porterons dès l’an prochain un projet de loi d’orientation et de programmation visant à adapter notre société au vieillissement de la population. La concertation sera lancée demain par le Premier ministre, et la concertation avec l’ensemble des acteurs concernés, au premier rang desquels figurent les conseils généraux, s’engagera dès la semaine prochaine.

C’est dans ce contexte que le Gouvernement a soutenu le souhait exprimé par les parlementaires de mettre en œuvre dès 2014 un soutien aux personnes âgées. Les 100 millions d’euros issus de la CASA permettront, dès l’année prochaine, de renforcer la politique en faveur des personnes âgées. Ce montant sera affecté, pour 30 millions d’euros, au soutien des services d’aide à domicile. Il permettra également de financer un plan d’aide à l’investissement en faveur des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, et d’appuyer plus fortement la rénovation des foyers logement. Ce plan d’aide vient évidemment en complément de celui qui était d’ores et déjà prévu par la Caisse nationale de solidarité pour‎ l'autonomie, la CNSA.

Mesdames, messieurs les sénateurs, avec ce PLFSS, nous poursuivons le redressement de nos comptes et la transformation de notre modèle social. Ce texte s’inscrit pleinement dans notre volonté de garantir la solidarité en direction de l’ensemble de nos concitoyens et de permettre que, à travers les choix que nous portons, se retrouve le chemin du progrès. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 14 novembre dernier, le Sénat a rejeté la troisième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, puis l’ensemble du texte.

Pour la deuxième année consécutive, un Sénat de gauche rejette donc un projet de loi de financement préparé et présenté par un gouvernement de gauche, laissant à nos collègues députés le soin de disposer librement des amendements votés dans cette enceinte et de façonner un texte essentiel pour l’avenir du pays.

Il y avait pourtant, dans ce PLFSS, des mesures susceptibles de répondre aux attentes de la coalition pour le moins disparate qui compose aujourd’hui l’opposition sénatoriale.

On pouvait espérer, par exemple, qu’une partie de cet hémicycle soutienne – ou au moins salue – les résultats obtenus par le Gouvernement en matière de gestion des comptes sociaux.

Je pense bien entendu ici aux 2,4 milliards d’euros d’efforts réalisés en 2013 en matière de dépenses de santé qui se sont notamment traduits par le respect de l’ONDAM pour la quatrième année consécutive.

Je pense surtout à la réduction des déficits entrant dans le champ du PLFSS constatée depuis l’arrivée de la nouvelle équipe gouvernementale aux responsabilités. En deux ans, le déficit des régimes obligatoires a été réduit de plus de 5 milliards d’euros ! Le déficit du régime général a, quant à lui, diminué de près de 4 milliards d’euros !

Mes chers collègues, ce n’est sans doute pas assez, mais ce n’est pas rien ! Surtout lorsque l’on connaît la difficulté d’inverser l’évolution tendancielle des comptes sociaux en période de crise économique et de ralentissement prononcé de la progression de la masse salariale !

On pouvait également envisager qu’une autre partie de cet hémicycle se satisfasse des mesures de justice et d’équité présentées par le Gouvernement dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Je pense ici à la refonte des prélèvements sociaux applicables aux produits de placement, à l’alignement progressif des modalités de calcul des cotisations vieillesse des artisans et des commerçants sur celles des salariés du régime général, ou encore aux dispositions garantissant le financement des petites retraites agricoles.

Certains de ces dispositifs ont d’ailleurs été largement amendés afin de tenir compte des réactions qu’ils ont pu susciter et d’assurer, sans perdre de vue leur objectif initial, leur application dans les mois à venir.

Là encore, nous sommes tombés dans une surenchère difficilement compréhensible, aboutissant à supprimer systématiquement des dispositions qu’en d’autres temps certains d’entre vous, dans cet hémicycle, appelaient de leurs vœux au titre de l’équité entre nos concitoyens, de la justice entre les catégories de contribuables ou, plus simplement, de la simplification de dispositifs fiscaux dont la complexité grandissante est devenue un véritable frein au consentement à l’impôt.

Mes chers collègues, si le Sénat se trouve une nouvelle fois dans l’impasse concernant ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, il s’illustre par ailleurs cette année – c’est assez nouveau – par ses contradictions.

Certains reprochent au Gouvernement de ne pas aller assez loin dans la réduction des déficits, mais soutiennent pourtant l’adoption d’amendements qui, en première lecture, ont dégradé les soldes de la sécurité sociale de plus de un milliard d’euros.

Les autres dénoncent et contestent sans relâche depuis deux mois une diminution de l’ONDAM alors que les dépenses d’assurance maladie augmenteront de 4 milliards d’euros en 2014 ! Il faudra faire preuve de beaucoup de pédagogie pour expliquer cette équation à nos concitoyens…

Mes chers collègues, en d’autres termes, les postures que chacun d’entre nous se plaît à prendre depuis un certain temps dans cet hémicycle ont un coût. Elles emportent des conséquences qu’il nous appartient de bien mesurer.

En rejetant un texte dont nous n’avons pas pu discuter l’intégralité des articles, nous condamnons une fois de plus le Sénat au silence et à l’impuissance. (Mme Isabelle Debré s’exclame.)

En refusant collectivement de peser sur le texte, de l’amender, de l’améliorer, en décidant de nous priver de ce qui constitue habituellement l’expertise du Sénat, nous acceptons de laisser l’Assemblée nationale décider librement du contenu d’un PLFSS sur lequel aucun d’entre nous n’aura pu laisser la moindre marque.

En reconduisant aujourd’hui nos votes sur la troisième partie puis sur l’ensemble du texte, en rendant ce que l’an dernier déjà j’appelais une « copie blanche », nous refusons sciemment d’alimenter le débat démocratique et faisons le jeu des extrêmes en nourrissant la défiance de certains de nos concitoyens à l’égard d’un travail parlementaire considéré comme inutile et superflu.

En tant que rapporteur général de la commission des affaires sociales, je suis certes déçu par la tournure de la discussion sur un projet de loi qui constitue pourtant le point cardinal de l’année sociale.

Je reste persuadé qu’il était envisageable de faire autrement et de nous accorder – une fois n’est pas coutume – sur la possibilité de débattre d’une quatrième partie contenant les prémices de la politique du Gouvernement en matière de politique de santé, de vieillesse ou de famille.

Mme Isabelle Debré. Sur l’article 8, on a progressé !

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. En tant qu’élu de la République, je suis surtout meurtri – comme bon nombre d’entre vous, j’en suis certain – par la vision d’une institution reléguée au rang de spectateur du processus démocratique, incapable de faire passer, lorsque c’est nécessaire, l’intérêt général avant des intérêts partisans.

Il y a quasiment un an jour pour jour, je vous faisais part, à cette tribune, de ma confiance dans le débat qui allait s’ouvrir sur la nouvelle lecture du PLFSS. Il me semblait encore possible de sauver in extremis un texte finalement rejeté. Un an plus tard, malheureusement, je n’ai plus aucune illusion sur le sort qui sera réservé à ce PLFSS à l’issue de nos discussions.

Il appartiendra désormais à chacun de prendre ses responsabilités, dans l’intérêt du Sénat, de la protection sociale et de nos concitoyens, comme je prends les miennes en soutenant sans réserve l’adoption de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale dans la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno.

Mme Chantal Jouanno. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il nous est donc à nouveau permis de nous exprimer sur ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Naturellement, nous essaierons obstinément – j’y insiste – de faire passer nos messages, monsieur le rapporteur général. Naturellement, vous nous expliquerez que ce projet est parfait…

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Non, personne n’a parlé de perfection !

Mme Chantal Jouanno. … et que la faute est celle de vos prédécesseurs. Naturellement, nous serons témoins d’une étrange et pathétique inversion des discours entre la majorité d’hier et celle d’aujourd’hui.

Mais nous ne pouvons pas nous résoudre à cette mascarade et à cette absence de dialogue avec les différents groupes du Sénat et, comme vous, monsieur le rapporteur général, je n’ai aucune illusion sur l’issue des débats de ce jour.

J’en viens maintenant au fond.

Premièrement, nous considérons que ce PLFSS est dangereux par l’exaspération qu’il va créer. Ce sont 4 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires pour nos compatriotes. La réduction de déficit dont vous vous targuez est uniquement liée à cette augmentation des prélèvements, car les dépenses ne font que ralentir face au tendanciel, mais ne baissent pas.

Deuxièmement, ce ne sont pas les riches qui paient, mais tout le monde.

Je peux citer l’exemple de la taxation des produits d’épargne. Certes, vous avez en partie reculé, mais cette taxe demeure inique envers les petits épargnants. Nous proposerons donc sa suppression. Fondamentalement, nous pensons que le défaut d’épargne publique n’a pas à être compensé par un prélèvement sur l’épargne privée. Cette dernière doit retourner à l’économie privée, non à la dépense publique.

Un deuxième exemple de la taxation des plus modestes est la nouvelle augmentation des cotisations des indépendants, artisans, commerçants et exploitants agricoles. Peut-on considérer qu’ils sont riches ? La moyenne annuelle de leurs revenus est de 32 000 euros.

À l’inverse, nous considérons que ces professionnels n’ont pas à être traités comme des salariés, parce que leurs vies sont différentes. Ils sont l’incarnation de l’effort, du travail, et la vertu des petits et des entrepreneurs ne doit pas payer le prix des errances publiques.

Troisièmement, l’épineuse question de l’organisation du système social est encore esquivée.

Ce PLFSS, comme le précédent, augmente les recettes de transfert et la fiscalisation d’une partie de la dépense sociale. Ce n’est pas fondamentalement anormal, à l’exception du nouveau bidouillage de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA. Pour le reste, par exemple les 3 milliards d’euros de recettes de transfert de la TVA, cela ne nous choque pas, puisque nous sommes plutôt favorables à la prise en charge des dépenses sociales par la solidarité nationale. C’est vrai pour les dépenses concernant la famille, pour la plupart des dépenses de santé, ou encore pour la dépendance.

Pour autant, il faudrait aller au bout de cette logique, et donc ne pas se contenter d’une simple hausse de la TVA. Sur ce point, nous sommes en désaccord. Vous nous objectez qu’après tout le précédent gouvernement a augmenté la TVA ; certes, mais il l’a fait en compensation d’une baisse des charges sociales : vous oubliez toujours la seconde partie de la phrase ! Il faudrait donc aller jusqu’au bout en recréant une TVA sociale conséquente. Il faudrait aussi remettre en question le paritarisme et, très logiquement, discuter dans un seul et même texte du PLF et du PLFSS.

Quatrièmement, ce PLFSS ne prévoit aucune réforme visant à engager une véritable politique de prévention – il n’y a d’ailleurs aucune politique de prévention à l’heure actuelle.

Faut-il rappeler que les principales dépenses de l’assurance maladie – une étude très intéressante de la CNAM vient d’ailleurs d’être publiée à ce sujet – sont la santé mentale, le diabète et les maladies cardio-vasculaires ? Ces maladies pourraient être amplement réduites par une véritable politique de prévention. Vous nous renverrez probablement à la loi de santé publique, l’Arlésienne qui était déjà annoncée pour janvier 2013. Et oserais-je malicieusement rappeler que, dans le PLF, la prévention est le poste sacrifié du budget de la santé ?

Mais ces propositions, vous les avez toutes hautement ignorées. Vous n’avez pas écouté Gérard Roche sur les parcours de soins, vous n’avez pas écouté Muguette Dini sur les emplois à domicile.

Et je ne reviendrai pas sur cet épisode méprisable, et en réalité très méprisant, du vote bloqué en première lecture. C’est une caricature.

Mme Isabelle Debré. Ça c’est vrai !

Mme Chantal Jouanno. Monsieur Daudigny, j’ai bien entendu votre discours, et je tiens à vous dire que vos problèmes avec votre majorité ne sont pas les nôtres. (Mme Isabelle Debré acquiesce.) Vous n’avez pas à nous faire porter la responsabilité de vos propres difficultés politiques. (Mmes Isabelle Debré et Colette Giudicelli applaudissent.) En revanche, le danger démocratique que constituent ces procédures, ces débats, cette caricature amenant nos concitoyens à rejeter en bloc les politiques, est bien notre problème.

Vous voici donc dans une impasse. Vous allez piétiner une nouvelle fois le Sénat et le principe même du débat parlementaire. En effet, alors que la dépense sociale représente l’essentiel de la dépense publique, nous avons eu quelque douze heures trente pour préparer cette deuxième lecture, et vous n’avez rien changé au présent texte, dans une forme d’obstination hautaine et sourde. Nous ne changerons donc pas nos votes et rejetterons ce texte. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, présenter en sept minutes la position du groupe communiste républicain et citoyen sur ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 tiendrait véritablement de la gageure si celui-ci n’avait fait l’objet d’une première lecture.

La tâche n’est pas simple dans la mesure où, en plus de la complexité inhérente à une loi de financement, l’examen en première lecture a été – c’est le moins que l’on puisse dire – bousculé par l’utilisation, à l’issue de nos débats, d’une seconde délibération, couplée au vote bloqué.

Cette procédure brutale a eu notamment pour effet de supprimer les amendements adoptés par la Haute Assemblée. Même les amendements issus de votre majorité n’ont pas échappé à ce couperet : je pense à ceux du rapporteur, comme à ceux des sénatrices et sénateurs du groupe écologiste qui avait notamment obtenu l’adoption d’un amendement sur la taxation des retraites chapeaux dont nous sommes les premiers rédacteurs.

Le signal que vous envoyez à tous les parlementaires est clair : il n’y a qu’une ligne, qu’une voie, celle qui a été décidée par le Gouvernement. Vous voulez en réalité ignorer le Sénat plutôt que tirer les enseignements d’une réalité politique pourtant évidente : vous n’avez pas de majorité au Sénat pour imposer une politique d’austérité, et c’est d’ailleurs de plus en plus vrai aussi à l’Assemblée nationale.

C’est bien de cela qu’il s’agit, et c’est le grief principal que nous formulons, sur le fond, à l’encontre de ce PLFSS pour 2014.

L’essentiel des recettes nouvelles sont issues de mesures que nous estimons injustes et que nous contestons, comme la CASA, taxe sur les retraités imposée l’année dernière, et une nouvelle fois détournée de son objet, ou encore la taxe sur les contrats d’assurance vie. Vous n’avez pas hésité non plus à augmenter les cotisations sociales des salariés, alors que la hausse de la part patronale sera, elle, immédiatement compensée par une baisse équivalente des cotisations employeurs versées à la branche famille. Il est donc faux d’affirmer que les employeurs sont également mis à contribution pour le financement de la réforme des retraites et des besoins de la sécurité sociale.

Les mesures d’économies sont également des plus injustes. Le gel des pensions enlèvera 800 millions d’euros aux retraités. Les établissements publics de santé, dont certains connaissent des difficultés financières importantes, se voient encore imposer des mesures d’économies, au point que ce PLFSS s’apparente à une véritable diète. Comment feront-ils face à l’augmentation des dépenses contraintes, et ce alors même que la campagne tarifaire de 2013 les a déjà placés dans une situation économique des plus complexes ? J’attire d’ailleurs votre attention, madame la ministre, sur la demande apparemment légitime de la Fédération hospitalière de France de pouvoir accéder au fonds de solidarité mis en œuvre pour faire face aux emprunts toxiques.

Quant aux établissements médicaux sociaux, ils sont sans doute mieux traités que les acteurs du système sanitaire, mais ils devront également faire face à des mesures d’austérité avec un ONDAM en baisse de 1 % par rapport à celui qui était fixé dans le PLFSS pour 2013. Et cela sans parler des 600 millions d’euros de la CASA qui manqueront cette année encore aux actions médico-sociales, alors que les urgences sont pourtant criantes dans ce domaine.

Ce PLFSS pour 2014 est marqué du sceau de la continuité quand il faudrait au contraire rompre avec des mesures ayant démontré leur inefficacité et même leur pouvoir de nuisance. Disant cela, je pense aux exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires, dites « exonérations Fillon », que vous maintenez. Ces dernières, contrairement à ce que la droite prétend et à ce que vous semblez croire, ne réduisent pas le coût du travail, mais augmentent massivement les dividendes que s’octroient les actionnaires. Ces exonérations de cotisations sociales agissent comme des trappes à bas salaires qui, au final, font entrer moins d’argent dans les caisses de la sécurité sociale.

Pis, vous créez de nouvelles exonérations. Ainsi, vous accordez plusieurs milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales aux employeurs qui mettraient en œuvre les clauses de recommandations. À rebours de l’esprit qui animait le Conseil national de la Résistance, vous faites le choix de privilégier les organismes complémentaires au détriment de la sécurité sociale. Vous contribuez ainsi, comme la droite hier, à l’inversion des fondements de notre pacte social en faisant primer le complémentaire sur l’essentiel, ce que nous ne pouvons accepter.

Pour toutes ces raisons, le groupe CRC ne peut voter en faveur des recettes prévues dans ce PLFSS pour 2014.

Ce vote nous est d’autant plus impossible que nous avons formulé des propositions concrètes et solidaires de financement, que vous n’avez eu de cesse d’écarter en première lecture, comme d’ailleurs l’année dernière.

C’est le cas de la modulation de cotisations sociales en fonction de la politique salariale des entreprises.

C’est le cas de la taxation des revenus financiers ou de la suppression progressive des exonérations de cotisations sociales.

C’est également le cas de certaines mesures que vous aviez vous-mêmes déposées ou soutenues quand vous étiez dans l’opposition, comme l’amélioration du dispositif fiscal sur les retraites chapeaux ou les mesures de réduction des exonérations aux employeurs qui ne respectent pas l’égalité salariale.

En un mot, vous vous êtes volontairement privés de recettes précieuses, au moment même où les besoins en général, et les besoins de santé en particulier, augmentent. Vous avez ainsi pris vos responsabilités.

Votre obstination à poursuivre dans la même voie sans écouter, votre refus d’associer le Sénat au redressement de notre système de protection sociale, en refusant le débat sur certaines propositions, nous contraindra donc, si notre motion n’est pas adoptée, à ne présenter que des amendements de suppression sur certains articles et à ne prendre part à aucun vote, excepté les votes sur les articles et sur l’ensemble du projet de loi.

Au final, comme en première lecture, nous voterons contre la partie recettes de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Alain Bertrand.

M. Alain Bertrand. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis l’examen par le Sénat et le vote bloqué demandé par le Gouvernement voilà deux semaines, le présent texte a finalement assez peu changé. Certains des amendements adoptés par le Sénat avaient pourtant fait l’objet d’un large consensus au sein de cet hémicycle.

Je ne reviendrai pas sur le recours au vote bloqué. Sur ce sujet, le président de notre groupe, M. Jacques Mézard, a parfaitement exprimé la position du RDSE lors de la première lecture.

Dans le texte tel qu’il nous revient de l’Assemblée nationale, nous regrettons le maintien de la clause de désignation prévue à l’article 12 ter. Cette disposition, censurée par le Conseil constitutionnel, et qui revient sous la forme d’un amendement, ne nous semble pas bonne.

De la même façon, vous avez choisi de reconduire l’affectation du produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie au fonds de solidarité vieillesse. Cette contribution, instituée par le PLFSS pour 2013, devait pourtant alimenter la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, pour financer la future réforme de la dépendance. De surcroît, l’année dernière, vous nous aviez assurés, madame la ministre, que cette contribution serait effectivement affectée, après 2013, à la prise en charge des personnes âgées en perte d’autonomie.

Certes, les députés ont restitué à la CNSA 100 millions d’euros, dont une partie devrait servir à financer les actions destinées à la restructuration des services d’aide et d’accompagnement à domicile. On ne peut toutefois se satisfaire de ces timides avancées, alors que le produit de la CASA devrait rapporter près de 640 millions d’euros.

Enfin, nous ne pouvons que regretter l’absence de réforme structurelle, que vous appeliez pourtant de vos vœux, le 23 septembre dernier, lors de la présentation de la feuille de route de la stratégie nationale de santé. Nous considérons donc que ces mesures d’ajustement sont insuffisantes.

En revanche, nous sommes satisfaits de la nouvelle rédaction de l’article 8, qui recentre le dispositif prévu sur les seuls gains issus des contrats d’assurance vie multisupports exonérés de l’impôt sur le revenu.

Nous saluons également les mesures relatives à la contraception des mineures. En nouvelle lecture, l’Assemblée nationale a en effet adopté un amendement visant à garantir l’anonymat de ces jeunes filles. C’est une bonne chose.

S’agissant du sevrage tabagique, notre collègue Robert Tropeano, en première lecture, avait proposé un remboursement intégral. Vous avez été à l’écoute de cette proposition, madame la ministre, et nous vous en remercions.

M. Roland Courteau. C’est bien de le faire remarquer !

M. Alain Bertrand. Votre réponse va dans le sens de nos attentes.

Enfin, nous nous félicitons d’un amendement que vous avez fait adopter à l’Assemblée nationale en nouvelle lecture. Il s’agit de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé pour les personnes âgées de plus de soixante ans, complémentaire que vous portez de 500 à 550 euros, soit une augmentation de 10 %. Nous savons bien que les tarifs des complémentaires ont tendance à augmenter avec l’âge. Ce petit coup de pouce est donc une excellente chose, puisqu’il devrait compenser ce phénomène.

Concernant justement les retraités modestes, le Premier ministre s’est très récemment engagé à revaloriser en 2014 le minimum vieillesse à deux reprises, le 1er avril et le 1er octobre. C’est là aussi une très bonne mesure. Néanmoins, le report de la revalorisation des retraites touchera de plein fouet, par effet de seuil, les personnes dont le niveau des pensions se situe juste au-dessus du minimum vieillesse. Sur ce point aussi, madame la ministre, il faudra faire un effort, car la précarité des retraités est une réalité que nous ne pouvons ignorer.

Selon un rapport de l’OCDE, l’Organisation de coopération et de développement économiques, publié voilà deux jours, les futures générations de retraités pourraient subir une recrudescence du taux de pauvreté. Mais nous aurons l’occasion de revenir sur ce point lors de la nouvelle lecture du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites.

Madame la ministre, mes chers collègues, dans ces conditions, le groupe du RDSE, dans sa grande majorité, ne s’opposera pas à l’adoption de cette ultime version du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014. En revanche, il votera à l’unanimité contre l’adoption de la motion tendant à opposer la question préalable.

Mes chers collègues, nous voulons, nous aussi, sauver la sécurité sociale et le système de santé publique à la française. Nous estimons que c'est en soutenant les bonnes initiatives prises par le Gouvernement, puisqu’il y en a, que nous pourrons y parvenir, même si – c'est le jeu de la démocratie ! –nous sommes critiques sur certains points, qui ne correspondent pas à ce que nous aurions souhaité. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe écologiste, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud.

Mme Aline Archimbaud. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, après le rejet par le Sénat, en première lecture, de la partie « recettes » de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale et après une commission mixte paritaire infructueuse, nous voici à nouveau réunis, en nouvelle lecture, pour discuter des finances de notre système de protection sociale.

Comme nous l’avions signalé en première lecture, ce PLFSS contient de nombreux objectifs généraux, que nous soutenons, et plusieurs mesures concrètes qui représentent des avancées, qu’elles concernent l’offre de soins de premier recours, la promotion des génériques, le recours à l’expérimentation pour tester de nouvelles méthodes innovantes ou encore l’élargissement de l’expérience concernant les nouveaux modes de rémunération.

Par ailleurs, nous avons suivi avec la plus grande attention les débats qui ont eu lieu à l’Assemblée nationale, où nos collègues ont eu la chance de pouvoir examiner les quatre parties du texte, et donc de discuter des dépenses.

Notre groupe se félicite notamment du fait que l’Assemblée nationale ait remanié l’article 15 bis sur les boissons énergisantes, afin de se prémunir contre une nouvelle censure du Conseil constitutionnel, et qu’elle ait renforcé le dispositif prévu à l’article 44 au sujet de la dispense d’avance de frais, hors ticket modérateur, pour les consultations et examens biologiques préalables à la prescription de la contraception destinée aux mineures d’au moins quinze ans, en garantissant notamment l’anonymat des jeunes filles qui y auront recours.

J’ai également une pensée pour les bénéficiaires de l’ACS, l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, âgés de plus de soixante ans, qui sont souvent condamnés, malgré les aides annexes mises en places par certains centres communaux d’action sociale ou caisses primaires d’assurance maladie, à payer un lourd reste à charge sur leur complémentaire santé.

Un amendement du Gouvernement adopté par l’Assemblée nationale permettra de revaloriser leur aide de 50 euros. Ce geste sera très utile pour les personnes concernées.

Cependant, cette mesure ne peut être qu’une toute première étape. À l’heure actuelle, en effet, 70 % des personnes qui pourraient recevoir l’ACS n’en bénéficient pas, car elles n’y recourent pas ou ne parviennent pas à aller au bout des démarches pour l’obtenir. Cette situation est préoccupante.

Aussi ne pouvons-nous pas nous satisfaire de cette simple augmentation et faudra-t-il, de manière urgente, réfléchir à une simplification de l’accès à cette aide.

Notre groupe a déposé plusieurs amendements en ce sens, qui tendent notamment à instituer une automaticité réelle entre le bénéfice de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, l’ASPA, ou de l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH, et l’obtention de l’ACS, sans aucune démarche supplémentaire pour le bénéficiaire. Nous le savons, de la sorte, nous irions dans le sens d’une amélioration de la santé publique, du désengorgement des CPAM et d’un allégement de la charge de travail de leurs personnels.

Mais puisque le temps ne me permet pas de développer davantage ces points, je voudrais exprimer notre lourde déception.

Lourde déception que des amendements adoptés en première lecture au Sénat sur les retraites chapeaux, les clauses de désignation, le covoiturage ou encore les données sociales des entreprises n’aient pu être retenus du fait du déroulement de la procédure.

Lourde déception que le Gouvernement, en première lecture, n’ait émis d’avis favorable sur aucun de nos cinquante amendements.

Lourde déception que certains amendements fondamentaux pour la santé publique de nos citoyens n’aient bénéficié parfois que des douze voix écologistes, alors qu’ils portaient sur des sujets aussi importants que le diesel, l’huile de palme, l’aspartame ou encore le mercure dentaire, et que certains avaient été adoptés l’an dernier par le Sénat. Mes chers collègues, quand ces scandales sanitaires éclateront, on ne pourra pas dire qu’on ne savait pas !

Lourde déception que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 n’engage toujours pas des changements plus importants. La prévention, qu’elle soit sanitaire ou sociale, c’est du bon sens. Personne ne vous dira qu’il y est opposé ! Pourtant, PLFSS après PLFSS, force est de constater que c’est toujours pour l’année prochaine !

Mme Aline Archimbaud. Quand passerons-nous aux actes ? Dans un débat budgétaire, cela signifie faire des arbitrages différents. Ce n’est pas en continuant à fermer les yeux sur les dangers de certains produits, comme les perturbateurs endocriniens, les particules fines, les OGM, le mercure dentaire, les ondes électromagnétiques, la radioactivité, l’amiante ou encore certains médicaments, que nous y parviendrons.

Lourde déception, enfin, qu’aussi peu des propositions contenues dans le rapport que j’ai remis au Premier ministre fin septembre dernier soient reprises, et ce malgré l’ouverture d’esprit dont vous avez fait preuve, monsieur le rapporteur général.

Ce rapport fait des propositions qui sont à notre portée immédiate, pour mettre en œuvre des simplifications administratives drastiques et urgentes concernant des millions de nos concitoyens et permettant d’améliorer l’accès à des droits, comme la couverture maladie universelle complémentaire, l’aide médicale d’État et l’ACS. D’autres sont relatives au tiers payant, à la limitation des dépassements d’honoraires et, plus généralement, à la diminution des inégalités d’accès à la santé.

Madame la ministre, vous me répondrez certes qu’une grande loi de santé publique est en cours de préparation. Nous l’attendons, mais nous ne comprenons pas pourquoi des mesures urgentes ne sont pas dès à présent mises en œuvre. Je le redis, de telles mesures sont à notre portée et elles sont très attendues, notamment par de nombreux professionnels de la santé et du travail social, comme nous avons pu le constater tout long des 240 auditions que nous avons menées.

Les écologistes veulent eux aussi réduire les déficits sociaux. Nous estimons, nous aussi, que c'est une nécessité absolue. On le sait, le renoncement aux soins lié aux inégalités d’accès à ces soins et la faiblesse de la politique de prévention coûtent à l’assurance maladie des sommes colossales. Pourquoi n’en tirons-nous pas les conclusions qui s’imposent dans les arbitrages financiers ? (Applaudissements sur certaines travées du RDSE. – M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Alain Milon. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Mme Chantal Jouanno applaudit également.)

M. Alain Milon. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, pour cette nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale, je vous épargnerai de longs discours, même si certains de mes propos risquent d’être redondants avec ceux que j’ai prononcés lors de la première lecture. Il n’est toutefois pas inutile de répéter pour finir, un jour peut-être, par être entendu…

Le texte que nous examinons ce matin est, en effet, la copie quasi conforme de celui que nous avons rejeté voilà quelques jours. Je regrette que les amendements adoptés par le Sénat sur l’initiative de M. le rapporteur général n’aient même pas été retenus. Je pense notamment, à cet égard, à la baisse du taux de la cotisation versée par les établissements hospitaliers au titre du financement du fonds pour l’emploi hospitalier.

Seul l’article 8 a été modifié substantiellement, comme notre assemblée l’avait demandé. En effet, sous la pression des associations d’épargnants, le Gouvernement propose que la suppression des taux historiques s’applique aux seuls contrats d’assurance vie multisupports. Alors que le Premier ministre vient d’annoncer une remise à plat de la fiscalité, il n’est à notre avis pas cohérent de taxer les ménages à hauteur de 400 millions d’euros sur ce seul produit d’épargne.

À l’occasion de cette nouvelle lecture, je souhaite revenir sur certaines mesures qui n’ont malheureusement pas été modifiées.

Il s’agit notamment, à l’article 9, du mode de financement des mesures de revalorisation des retraites agricoles, que vous faites peser uniquement sur les agriculteurs, contrairement à la promesse du Président de la République de le faire porter par la solidarité nationale.

Il en est de même de l’élargissement de l’assiette des prélèvements sociaux qui s’applique aux exploitants agricoles et du déplafonnement de l’assiette des cotisations d’assurance vieillesse de base des artisans et commerçants affiliés au RSI, le régime social des indépendants, même si la hausse est lissée sur deux années. Ces mesures participent de la même logique : toujours plus de prélèvements.

En outre, en instaurant une troisième tranche dans l’assiette de la contribution sur le chiffre d’affaires due par les grossistes-répartiteurs – c’est l’article 12 bis –, vous risquez de compromettre l’approvisionnement des pharmacies d’officine et de mettre en péril un pan entier de la distribution des produits de santé en les concentrant entre les mains de ces professionnels.

S’agissant de l’article 12 ter qui introduit de façon détournée l’équivalent des « clauses de désignation », vous vous entêtez et passez outre les décisions du Conseil constitutionnel.

En effet, le Conseil a rappelé par deux décisions des 13 juin et 18 octobre 2013 que « les clauses de désignation portent à la liberté d’entreprendre et à la liberté contractuelle une atteinte disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi de mutualisation des risques ».

Cette clause de recommandation se transformera d’autant plus en désignation que le choix d’un autre organisme assureur sera fiscalement sanctionné. Je rappelle que le forfait social passera de 8 % à 20 % pour les entreprises de plus de dix salariés.

Nous sommes donc toujours convaincus que cette mesure porte atteinte à la liberté contractuelle.

Par ailleurs, pour la deuxième année consécutive, vous prévoyez de reverser le produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA, au Fonds de solidarité vieillesse. Nous considérons qu’il s’agit d’un détournement pur et simple des fonds dédiés à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA.

Comble du comble, le texte voté mardi dernier par les députés consacre seulement 30 millions d’euros sur les 100 millions envisagés au financement d’actions consacrées à l’aide et l’accompagnement à domicile.

Ce détournement de plus de un milliard d’euros depuis 2013 nous fait douter de la volonté du Gouvernement de mener à bien une réforme à la hauteur des enjeux démographiques et financiers liés au vieillissement de la population.

Quant à l’article 22 relatif aux modalités de recouvrement des cotisations au régime social des indépendants, il n’apportera guère de remèdes aux problèmes rencontrés par les petites entreprises et les professions indépendantes. L’important est d’entreprendre rapidement une réforme de fond du RSI, dont le fonctionnement a été qualifié par la Cour des comptes de « catastrophe industrielle ». C’est pourquoi nous nous félicitons que la MECCS, la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale du Sénat, ait retenu notre proposition d’y travailler dans les prochains mois, en désignant comme corapporteurs Jean-Noël Cardoux et Jean-Pierre Godefroy.

J’en viens aux mesures relatives aux dépenses.

Nous sommes évidemment favorables à l’amélioration de l’accès à l’ACS, mais la méthode que vous utilisez pose, là encore, des problèmes. Comment l’appel d’offres sera-t-il mené et qui décidera des contrats qui seront choisis ? En créant des « contrats dédiés à l’ACS », puisque les bénéficiaires seront obligés d’y recourir, vous complexifiez le système et vous risquez de stigmatiser ces populations, ce qui ne réglera pas le problème du non-recours de nombre de bénéficiaires potentiels à cette aide.

En outre, déterminer un plafond au-delà duquel les organismes complémentaires ne doivent pas assurer la prise en charge, c’est prendre le risque de créer un prix de référence pour tous les produits. Pourtant, les équipements d’optique et dentaires sont, nous le savons tous, des produits de santé qui répondent aux besoins individuels de chaque assuré. Ils sont, par essence, tous différents.

Fixer un tel plafond compromettra l’accès des assurés à l’innovation et à la qualité. Or les enjeux économiques et l’impact social d’une mauvaise vision ou d’une mauvaise dentition sont importants.

Pourquoi n’avez-vous pas choisi de mettre en œuvre la labellisation qui avait été prévue par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 ?

S’agissant des mesures concernant l’hôpital, je veux revenir sur la tarification hospitalière qui, j’en suis convaincu, doit être repensée. Néanmoins, s’attaquer à ce problème, comme vous le faites, par la mise en œuvre de tarifs dégressifs de remboursement en fonction du nombre d’actes réalisés est, je l’ai déjà dit, une fausse bonne idée. Elle constitue une nouvelle régulation par les volumes qui risque, dans les faits, de fortement pénaliser les établissements choisis par les patients pour la qualité de leurs médecins et de leurs plateaux techniques. Au final, les patients seront les premières victimes puisqu’ils verront leurs interventions repoussées, voire déprogrammées, pour éviter que l’établissement ne dépasse son volume d’actes.

J’en viens à la création d’un collège des financeurs chargé d’évaluer les modèles économiques des coopérations soumises par les professionnels de santé dans le cadre de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite loi HPST.

Ajouter au système déjà complexe prévu par la loi une étape supplémentaire risquerait de décourager les professionnels, alors que leur premier objectif est de soigner. Ils risqueraient de ne parvenir à se mettre en adéquation avec leurs obligations administratives que grâce à l’appui des agences régionales de santé.

Ce collège des financeurs ne doit pas devenir un nouveau verrou bloquant les initiatives de terrain.

À ce titre, nous regrettons que vous n’ayez pas repris la proposition que ma collègue Catherine Génisson et moi-même vous avions soumise, visant à limiter le rôle de ce collège à la mise en place de modèles médico-économiques que les professionnels auraient pu reprendre dans l’élaboration de leurs projets.

Enfin, je veux brièvement revenir sur une mesure concernant le médicament : la promotion des médicaments biologiques similaires, à travers l’autorisation de la « substitution » en initiation de traitement par le pharmacien. Ce dispositif soulevant de nombreux problèmes, il nous semble indispensable d’attendre les conclusions du groupe de travail sur les biosimilaires mis en place dans le cadre du Conseil stratégique des industries de santé.

En conclusion, j’ose le dire, madame la ministre, votre projet de loi de financement de la sécurité sociale n’est pas à la hauteur des enjeux. Il consiste presque uniquement à assommer de nouveaux prélèvements les retraités, les agriculteurs, les indépendants, les familles, et j’en oublie sans doute ! En procédant de la sorte, non seulement vous compromettez l’avenir de notre pays, mais vous n’avez même pas la garantie de susciter des recettes supplémentaires.

Monsieur le rapporteur général, si aucune des propositions majeures formulées par le Sénat n’a été retenue, ce serait en raison d’une « coalition disparate », avez-vous dit.

À chacun sa façon de défendre les options qu’il préconise pour ce projet de loi de financement de la sécurité sociale !

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. À chacun d’assumer ses responsabilités !

M. Alain Milon. Il se trouve que notre groupe arrive à la même conclusion que d’autres, mais quelle honte y aurait-il à cela ?

Vous avez également regretté que le Sénat soit tenu au silence. Je ne suis pas d’accord : parce que les Françaises et les Français apprécient les élus qui réfléchissent et qui proposent davantage que les élus suivistes, ils sauront, sur ce texte, préférer l’attitude du Sénat à celle de l’Assemblée nationale ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)

Mme Michelle Meunier. Ce n’est pas sûr !

M. le président. La parole est à M. Jacky Le Menn.

M. Jacky Le Menn. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, pour filer la métaphore de notre collègue Alain Milon, je vais tenter de ne pas vous « assommer » par une intervention trop longue !

Par le jeu de la navette parlementaire, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 fait à nouveau escale au Sénat, sans que le climat semble avoir changé depuis la première lecture.

Cette deuxième lecture du PLFSS aurait dû permettre une confirmation et un approfondissement du texte en examen. Hélas ! il n’en sera pas ainsi, car seuls nos collègues de l’Assemblée nationale auront pu contribuer à son amélioration. En effet, devant notre Haute Assemblée, la discussion a été écourtée en première lecture, stoppée même par le rejet de la partie relative aux recettes, nous empêchant d’échanger sur le volet relatif aux dépenses, la quatrième partie. C’est particulièrement regrettable, et on le regrette sur toutes les travées de cet hémicycle. J’ai néanmoins tout lieu de craindre qu’il en sera de même aujourd’hui.

Comme je l’ai fait lors de la réunion de la commission des affaires sociales mardi dernier, je tiens aujourd'hui à rappeler un certain nombre de points, avant que cette triste page de l’histoire, au Sénat, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 ne soit définitivement tournée.

Ces points sont autant de vérités, si ce n’est d’évidences, que nos collègues de l’opposition, mais aussi d’une fraction de la majorité sénatoriale, se refusent à entendre, les uns, parce qu’ils ont la mémoire courte ou sélective, ou par positionnement tactique – « puisque nous sommes dans l’opposition, opposons-nous » –, la mauvaise foi leur servant la plupart du temps de viatique; les autres, victimes d’un illusionnisme utopique qui les égare inexorablement dans une idéologie désespérée et désespérante du « toujours plus », souvent enveloppée dans une posture de type « plus à gauche que moi, tu meurs ».

Mme Laurence Cohen. Au moins, nous, nous sommes à gauche !

M. Dominique Watrin. Oui, au moins, nous sommes à gauche !

M. Jacky Le Menn. Je reprendrai succinctement quelques-uns de ces points.

Premièrement, on n’appréhende un budget qu’en examinant la globalité des recettes et des dépenses. Son appréciation ou son rejet, lequel peut être tout à fait légitime et même s’imposer, ne trouve de cohérence qu’à l’issue d’une analyse complète, et non au milieu du gué. C’est pourtant ce qui s’est passé, au Sénat, pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale, cette année comme l’année dernière.

Deuxièmement, le contexte économique dans lequel ce budget social s’inscrit ne peut être ignoré, pas plus que ne peut être occultée la politique économique et sociale d’ensemble qui le sous-tend.

À cet égard, démarquons les paramètres dans lesquels le présent PLFSS trouve sa place.

Tout d’abord, réaffirmons avec force que le contexte est celui d’une économie en voie de redressement, mais encore marquée par les conséquences de la crise, laquelle n’est bien évidemment pas terminée.

La stratégie de retour à l’équilibre repose sur un effort renouvelé de maîtrise des dépenses sociales, porté par des réformes d’ampleur concernant l’ensemble des branches de la sécurité sociale, dans un souci de modération de la pression fiscale et sociale pesant sur les entreprises et les ménages. En l’occurrence, le texte contient bien des réformes, et des réformes de structure, n’en déplaise à ceux qui ne les ont pas encore repérées. Que ces derniers se rassurent, nous continuerons à les aider à y voir plus clair…

Ainsi, la réforme de la branche famille et celle des retraites posent les bases d’une trajectoire crédible de retour à l’équilibre.

Pour ce qui est de la branche famille, les mesures affectant ses comptes visent à recentrer les prestations sur les publics les plus fragiles, dans un objectif de justice, mes chers collègues. Par exemple, le complément familial sera progressivement majoré de 50 % pour les familles nombreuses vivant sous le seuil de pauvreté, une première majoration intervenant à compter du 1er avril 2014. N’est-ce pas une mesure de gauche, chers collègues du groupe CRC ?

S’agissant de la réforme des retraites, qui nous a longuement occupés il y a quelques semaines,…

Mme Catherine Procaccia. Pas si longuement !

M. Jacky Le Menn. … nous rappelons avec détermination qu’elle vise à assurer l’équilibre des régimes de retraite de base à l’horizon 2020 et à maintenir cet équilibre à l’horizon 2040, conformément aux recommandations de la Commission pour l’avenir des retraites.

Pour sauvegarder un système de retraite que de nombreux pays nous envient, les mesures assurant l’équilibre d’ici à 2020 doivent concerner les actifs, les employeurs et les retraités. Ces mesures visent à faire face au défi que constitue, à long terme, l’allongement de l’espérance de vie, lequel, vous en conviendrez, mes chers collègues, est une bonne nouvelle pour nos concitoyens, en proposant une évolution progressive de la durée d’assurance pour l’obtention d’une retraite à taux plein. Nous devons tirer les conséquences de cette réforme sur le plan budgétaire et, en l’occurrence, dans le PLFSS.

En ce qui concerne l’assurance maladie, qui, comme le rappelait voilà quelques instants Mme la ministre, doit rester le pilier du financement de la prise en charge des soins de nos concitoyens, Mme Touraine ainsi que le ministre chargé du budget ont longuement insisté, en première lecture comme aujourd’hui, sur la nécessité de concentrer sur cette branche le maximum des efforts consentis pour redresser les comptes en 2014. Notre rapporteur général, Yves Daudigny, que je remercie à nouveau du remarquable travail qu’il a conduit, avec ses collaborateurs de la commission des affaires sociales, a relayé cette nécessité.

Cette nécessité est de l’ordre de l’évidence, et je ne comprends toujours pas pourquoi on continue à la nier sur certaines travées. En effet, la branche famille est la plus déficitaire. Ses comptes se sont fortement dégradés, avec un déficit qui devrait avoisiner, cette année, les 7,7 milliards d’euros, soit 57 % du déficit du régime général, contre 44 % en 2012. La réponse face à cette situation dangereuse doit être courageuse. C’est cette voie du courage politique que le Gouvernement a choisi de suivre, et nous l’approuvons.

La difficulté de l’exercice, que l’on ne peut nier, oblige à un effort important de maîtrise des dépenses de santé sans que soient pour autant sacrifiés les crédits affectés, en équité, mes chers collègues, par le biais de l’ONDAM, au financement des besoins de nos concitoyens en matière de santé ou de soins et sur le plan médicosocial. Comment certains peuvent-ils sans mauvaise foi énoncer autant d’incongruités – j’en ai encore entendu avant-hier en commission des affaires sociales – sur le taux de progression de cet ONDAM ? Ce dernier évolue bien au-delà du taux d’augmentation du PIB, et sa progression de 2,4 % dans le présent PLFSS permettra plus de 4 milliards d’euros de dépenses de santé supplémentaires.

Nonobstant cette évolution positive de l’ONDAM, la maîtrise des dépenses de santé sera poursuivie, comme l’ont expliqué, tour à tour, Mme la ministre et notre rapporteur général, notamment en première lecture. Cette maîtrise s’accompagne du déploiement de la stratégie nationale de santé, qui doit permettre d’améliorer l’organisation des soins et de renforcer son efficience, et fait largement consensus parmi les acteurs du monde de la santé.

Parmi les mesures mettant en œuvre cet objectif de meilleure maîtrise des dépenses de santé, je relève notamment, dans ce budget, le développement de la chirurgie ambulatoire et des actes de télémédecine ; le développement de nouveaux modes de tarification adaptés à une approche reposant sur le parcours de soins, mesures concernant en particulier, cette année, la radiothérapie et l’insuffisance rénale chronique ; la pose des premiers jalons d’une évolution en profondeur de la tarification à l’activité, reprenant de nombreuses préconisations issues des travaux conduits, en 2013, par la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale du Sénat ; enfin, un certain nombre de mesures spécifiques favorisant une meilleure organisation des soins de proximité et qui ne peuvent, à ce titre, vous avoir échappé, mes chers collègues.

L’an prochain, le Sénat sera amené à examiner un grand projet de loi de santé publique, qui comportera évidemment, madame Jouanno, un important volet relatif à la prévention, dans le prolongement du développement de la stratégie nationale de santé. Nous examinerons les implications budgétaires de ce texte dans les prochains projets de loi de financement de la sécurité sociale.

Mes chers collègues, nous maintenons, avec le présent PLFSS, le cap fixé depuis le début de la législature, celui de la sauvegarde financière et de la reconstruction de notre protection sociale.

Cependant, nous faisons aussi la démonstration que les contraintes qui s’imposent à nous n’entraînent, de notre part, ni renoncement ni immobilisme.

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Très bien !

M. Jacky Le Menn. Ce PLFSS est juste. Ce PLFSS est responsable. Ce PLFSS est sincère.

Mme Catherine Procaccia. Y croyez-vous vraiment ?

M. Jacky Le Menn. C’est pourquoi, madame la ministre, nous vous apportons notre soutien déterminé.

Ce texte correspond à nos valeurs et à nos principes, à savoir le redressement dans la justice ainsi que la préservation et, même, le renforcement de notre modèle social, auquel tous nos concitoyens, qui souhaitent un haut niveau de protection sociale, sont très attachés.

C’est donc avec conviction et sans état d’âme que notre groupe votera, en nouvelle lecture, ce projet de loi, tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Alain Bertrand. Très bien !

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.

Question préalable

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014
Question préalable (fin)

M. le président. Je suis saisi, par M. Watrin, Mmes Cohen et David, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d'une motion n° 1.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, de financement de la sécurité sociale pour 2014 (n° 170, 2013-2014).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour la motion.

Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avec l’ensemble des membres du groupe communiste, républicain et citoyen, nous avons pris une décision importante. Nous l’avons prise à contrecœur, mais il s’agit pour nous de témoigner de la gravité de la situation.

Pour la première fois depuis l’élection de François Hollande à la présidence de la République, nous sommes en effet contraints de soutenir une motion tendant à opposer la question préalable sur un texte aussi important qu’un projet de loi de financement de la sécurité sociale. Nous y sommes contraints tant par le contenu du texte que par le contexte.

Comment ne pas nous souvenir qu’en première lecture, après trois jours de débats, le Gouvernement a, par votre voix, madame la ministre, fait le choix de recourir à deux procédures lourdes de conséquences : le vote bloqué et une demande de seconde délibération générale, réécrivant l’ensemble du projet de loi, pour en revenir au texte que vous aviez imaginé ?

Cette décision, mes chers collègues, n’est pas anodine, ni pour notre assemblée ni pour la démocratie.

Madame la ministre, c’est un très mauvais signal que vous avez envoyé – en tordant, en quelque sorte, le cadre constitutionnel – afin que votre gouvernement ne soit pas confronté à la même situation qu’avec les retraites, quand le groupe socialiste a été contraint de voter contre un projet de loi qui, même réécrit, apparaissait comme vôtre.

Certes, la seconde délibération est prévue par l’article 43, alinéa 4, de notre règlement. Il n’en demeure pas moins que son utilisation, aussi large, pour récrire l’ensemble d’un projet de loi, est choquante. Elle est même violente : en la couplant au vote bloqué, vous niez tout à fait le travail et la réalité du Sénat.

Pour justifier le recours à ces deux procédés, vous avez affirmé, madame la ministre, qu’en agissant de la sorte, vous vouliez éviter – ce sont vos propres termes – « un vote qui ne traduisait pas la réalité de cet hémicycle ».

Mais de quelle réalité s’agit-il, si ce n’est que, au Sénat, vous ne disposez pas d’une majorité pour faire aboutir des projets de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale qui s’inscrivent – et nous le déplorons – dans la continuité de l'action du gouvernement précédent ?

La « réalité de cet hémicycle », c’est celle-là !

Ce que vous avez voulu, en fait, c’est permettre au groupe socialiste de voter pour le projet de loi, quitte à méconnaître au passage le travail de la Haute Assemblée et à supprimer les amendements adoptés sur l’initiative de notre rapporteur général – nous ne les avons pas nécessairement soutenus, mais leur adoption témoignait d’une certaine forme d’accord et de consensus au Sénat.

Cette réalité-là, vous avez également fait le choix de l’ignorer, au point que notre rapporteur général, je le constate, n’a déposé aucun amendement à l’occasion de cette nouvelle lecture. N’est-ce pas indirectement un constat d’échec, les travaux du Sénat n’étant pas reconnus dans les faits ?

Face à cette façon de mener le débat parlementaire, mon inquiétude est grande. En réalité, le Sénat n’est pris en considération que lorsqu’il apporte un soutien indéfectible à la politique du Gouvernement. Ce n’est vraiment pas notre conception de la politique !

Madame la ministre, si je voulais être provocatrice, je dirais que ce processus s’apparente à un vote de confiance, ne laissant pas d’autres choix aux parlementaires que d’être derrière vous, ou contre vous. Et si je dis « parlementaires » et non « sénateurs », c’est à dessein, puisque vous avez eu recours au même procédé à l’occasion de l’examen par les députés du projet de loi portant réforme des retraites – à ceci près qu’à l’Assemblée nationale vous avez, à vous seuls, la majorité absolue. C’est donc contre votre propre camp que vous l’avez utilisé… Et pour cause ! Une partie des députés socialistes sont hostiles à l’article 4 de la loi sur les retraites, qui prévoit le gel des pensions des retraités pendant six mois. Il aura fallu, pour les convaincre de voter le texte final, que vous vous engagiez, au cours de la nouvelle lecture du PLFSS, à revaloriser au 1er avril et au 1er octobre les retraites les plus basses.

Cette annonce nous conduit d’ailleurs à vous interroger sur la manière dont vous entendez financer cette mesure nouvelle. Bien qu’elle soit intervenue durant la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, elle n’a fait l’objet d’aucun amendement tendant à rectifier les dépenses. Pourtant, cette revalorisation devrait entraîner une moindre réduction des dépenses. Nous ne sommes pas opposés à cette mesure, mais le principe de sincérité budgétaire nous conduit à vous demander comment vous allez équilibrer les comptes.

Tout cela m’amène, après être intervenue sur la forme, à considérer le fond, les deux étant étroitement liés, puisque ce sont bien vos options politiques qui vous privent de majorité et vous conduisent à recourir à de tels procédés.

Dans le même temps que vous annonciez la revalorisation des pensions pour les bénéficiaires de l’ASPA, l’allocation de solidarité aux personnes âgées, vous décidiez aussi un « coup de pouce » de 50 euros destiné à permettre aux retraités de souscrire une assurance complémentaire.

Disons-le clairement, dans le contexte actuel, cette mesure est positive, tant le nombre de retraités non couverts par un contrat d'assurance santé complémentaire est important. Les plus modestes renoncent à ces contrats, qu’ils jugent trop onéreux ou que, tout simplement, ils ne peuvent plus financer.

Or l’augmentation de cette l’aide pour l’acquisition d’une assurance complémentaire santé, dite ACS, est financée par le fonds CMU-C, qui n’est lui-même abondé que par les organismes mutualistes ; c’est-à-dire que l’État ne le finance plus. Au final, les seuls à contribuer sont les mutualistes, donc, les salariés ! (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)

En décortiquant le dispositif, on s’aperçoit que, derrière une mesure juste de prime abord, s’organise en réalité une solidarité entre ceux qui, bien que modestes, peuvent s’offrir une mutuelle et ceux qui ne le peuvent pas.

Les revenus des capitaux dédiés à la spéculation, les rentes financières et immobilières sont, encore une fois, épargnés.

À peine Jean-Marc Ayrault a-t-il annoncé une réforme fiscale et Pierre Moscovici un gel des impôts que vous les faites en quelque sorte mentir. En effet, aujourd’hui plus qu’hier, vous faites jouer aux mutuelles et aux assurances santé complémentaires une mission de percepteurs qui n’est pas la leur. En effet, pour financer le renforcement de l’ACS, plutôt que d’instaurer un financement dédié, vous mettez à contribution les mutuelles. Or ces dernières n’auront pas d’autres choix que d’augmenter leurs tarifs. Elles devront également le faire pour supporter la ponction de 150 millions d’euros que vous leur imposez au titre du financement des nouveaux modes de rémunération.

Qui plus est, vous avez renoncé à revenir sur le doublement de la taxe que la droite avait imposé sur les contrats responsables. Non seulement cette taxe est maintenue – alors qu’en 2011 il se trouvait au Sénat une majorité pour la supprimer –, mais vous avez fait le choix, au titre de l’équité, d’augmenter la taxe sur les contrats non responsables.

Autrement dit, votre conception de la justice sociale, c’est que, pour rendre une taxe injuste plus acceptable, vous augmentez une autre taxe ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Michelle Meunier. Vous exagérez !

Mme Laurence Cohen. Toujours sur ce sujet important du rôle et de la place des organismes complémentaires, nous contestons aussi – comme nous l’avons fait dans l’Accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 – les clauses de désignation, rebaptisées « clauses de recommandation ».

Sous prétexte de réduire le reste à charge supporté par nos concitoyens, vous incitez fiscalement les employeurs à souscrire des contrats d’assurance complémentaire pour leurs salariés et à opter pour ceux qui sont recommandés par la branche.

Nous n’y serions pas opposés, si un tel mécanisme ne s’accompagnait pas d’importantes exonérations de cotisations sociales, de l’ordre de 2,5 milliards d’euros. Au final, sous prétexte de développer l’étage complémentaire de notre sécurité sociale, vous appauvrissez volontairement le seul bien commun à tous les salariés : la sécurité sociale obligatoire…

Et, lorsque les employeurs ne jouent pas le jeu, ils ne perdent pas pour autant le bénéfice des exonérations de cotisations sociales, puisqu’ils ne seront finalement soumis qu’au forfait social. Les employeurs qui jouent le jeu, comme ceux qui ne le jouent pas, peuvent toujours compter sur vous pour pouvoir contourner les règles relatives au financement de notre système de sécurité sociale !

Cette obstination est incompréhensible, car la preuve est faite que tous les cadeaux accordés aux grandes entreprises n’ont aucune conséquence positive et ne font qu’encourager le MEDEF à en demander toujours davantage. Pourtant, vous pourriez enfin vous saisir de nos amendements que, dans un passé qui n’est pas si lointain, nous votions ensemble…

Je le dis avec d’autant plus de passion que les salariés, eux, auront moins de chance, puisque les contributions patronales à ces mutuelles seront désormais réintégrées dans le revenu net imposable. Demain, certains salariés pourraient donc devenir imposables, comme tant d’autres le sont devenus – de même que des retraités – en raison du maintien du gel du barème de l’impôt sur le revenu.

En première lecture, mon collègue Dominique Watrin et moi-même étions intervenus pour dénoncer un ONDAM insuffisant, en baisse importante par rapport à celui qui avait été arrêté l’année dernière. Nous vous avions dit combien cet ONDAM allait peser lourd sur les établissements publics de santé, qui sont confrontés à des difficultés financières majeures – nous en sommes tous témoins quand nous visitons nos hôpitaux, en Île-de-France ou ailleurs.

Vous ne nous avez pas écoutés, et le projet de loi qui nous est soumis en nouvelle lecture aggrave encore la prévision, puisque l’ONDAM affiche désormais une baisse de 150 millions d’euros.

Devant la commission, notre rapporteur général a présenté cette baisse comme étant la preuve d’une politique de gestion rigoureuse des dépenses d’assurances maladie.

De politique rigoureuse à politique de rigueur, il n’y a qu’un pas, que vous avez malheureusement franchi, et ce aussi bien pour l’année prochaine que pour cette année. En effet, la campagne tarifaire que vous avez menée cette année a été plus rude que celles des années précédentes, y compris si l’on pense au gel des MIGAC, les missions d’intérêt général et à l’aide à la contractualisation. Encore une fois, sachez-le, nous le déplorons très vivement.

D’autant que – faut-il le rappeler ? – les établissements privés commerciaux sont éligibles au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, ce que n’a d’ailleurs pas manqué de dénoncer la Fédération hospitalière de France.

Je m'associe totalement au courrier qu’a récemment adressé Éliane Assassi à la FHF. Ma collègue y défend l'idée que les établissements publics de santé puissent bénéficier, comme les collectivités locales, du fonds de compensation pour les emprunts toxiques, ce que Dominique Watrin a rappelé dans son propos liminaire. Malgré les demandes formulées par leurs directeurs, ces établissements publics demeurent exclus de ce dispositif, ce qui nous choque : beaucoup d’hôpitaux ont été contraints de souscrire de tels emprunts pour investir, dans la mesure où l’État s’est progressivement retiré.

Voilà, mes chers collègues, pourquoi nous vous invitons à adopter cette motion tendant à opposer la question préalable.

Monsieur Daudigny, malgré tout le respect que j’ai pour les travaux que vous pouvez conduire en tant que rapporteur général, n’inversez pas les responsabilités ! Le Gouvernement s'est obstiné – par votre intermédiaire, madame la ministre – à ne pas nous entendre, et parfois même à ne pas nous répondre ! Bien des questions, posées en première lecture, sont en effet restées sans réponse. Cette attitude nous donne l’impression, au fond, de ne pas être respectés dans la diversité de nos votes.

C’est pourquoi nous pensons qu’il serait vain d'entamer ce débat. Au final, il était clair que vous ne souhaitiez pas en tenir compte… (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées de l’UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, contre la motion.

Mme Michelle Meunier. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous pouvons, bien sûr, regretter le rejet, par le Sénat, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, le 14 novembre dernier. Notre assemblée n’a pas su, en effet, reconnaître et encourager les efforts du Gouvernement pour défendre notre modèle social et apporter des réponses adaptées au contexte et aux besoins des Françaises et des Français.

Après le passage du texte à l’Assemblée nationale et les améliorations qui en découlent, c’est maintenant au Sénat de prendre ses responsabilités.

Les auteurs de cette question préalable estiment, quant à eux, que les conditions ne seraient pas réunies pour que le Sénat délibère à nouveau, et souhaitent donc que les travaux de notre assemblée s’arrêtent là. Encore une fois, ce serait, à mon sens, un bien mauvais signal – un de trop, peut-être – à envoyer à nos concitoyennes et à nos concitoyens.

Les auteurs de la motion considèrent, surtout, que ce texte n’est pas assez ambitieux et qu’il s’inscrit dans la continuité des politiques menées par le précédent gouvernement. Alors, parlons-en du précédent gouvernement – ou, plutôt, « des » précédents gouvernements !

De 2002 à 2012, la droite a accumulé 160 milliards d’euros de déficits pour ce qui concerne la sécurité sociale.

Le projet de financement de la sécurité sociale pour 2014, quant à lui, poursuit et amplifie la stratégie de redressement des comptes sociaux : le déficit du régime général devrait repasser sous la barre des 10 milliards d’euros l’an prochain, alors qu’il s'élevait à 17,4 milliards en 2011. Ce n’est pas rien !

Parallèlement, le Gouvernement a engagé des réformes d’ampleur pour moderniser notre protection sociale et encourager la croissance et l’emploi. À ce titre, le PLFSS permet notamment de traduire des mesures annoncées en juin dernier pour assurer la pérennité de la branche famille et rendre la politique familiale plus juste.

Mais c’est plus particulièrement sur la branche maladie – la branche la plus en difficulté, avec un déficit qui devrait avoisiner 7,7 milliards d'euros cette année – que les efforts se sont concentrés. L’objectif, ambitieux, est une croissance des dépenses de 2,4 % en 2014. Il faut le saluer !

Plus largement, ces efforts s’accompagnent du déploiement de la stratégie nationale de santé, lancée en septembre dernier par Mme la ministre.

La démarche adoptée par le Gouvernement est cohérente, organisée et progressive. Elle s’inscrit sur la voie d’une amélioration durable du système de protection sociale des Françaises et des Français.

Mais ce n’est pas tout. Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, loin de s’arrêter aux mesures d’économie, porte en lui des avancées justes, solidaires et significatives.

Citons-en quelques-unes : le renforcement des soins de premiers secours, plus accessibles et plus efficaces ; le sevrage tabagique pour les fumeurs de vingt à vingt-cinq ans, désormais trois fois mieux remboursé par la sécurité sociale et complété par la mise en place d’un programme d’accompagnement ; le tiers payant pour les mineures souhaitant la prescription d’un contraceptif par un médecin ; de meilleures conditions d’accès à la CMU-C et à une assurance complémentaire pour les personnes les plus fragiles ; l’augmentation du complément familial pour les familles nombreuses vivant sous le seuil de pauvreté, parallèlement à l’augmentation de l’allocation de soutien familial de 25 % à l’horizon de 2018.

Concernant la branche famille, comment ne pas dire un mot de la convention d’objectifs et de gestion que la Caisse nationale des allocations familiales a signée récemment et qui traduit la volonté du Gouvernement de développer les modes d'accueil de la petite enfance ? Près de 275 000 nouvelles places sont prévues, dans ce cadre, pour répondre aux besoins des familles et soutenir la parentalité.

Au-delà de ces mesures inscrites par le Gouvernement dans ce PLFSS, l’Assemblée nationale vient, sur quelques points, d'apporter des précisions et des enrichissements non négligeables.

J’en citerai trois.

L’article 8, consacré à la fiscalité applicable aux produits de placement, a été profondément remanié, conformément aux annonces du Premier ministre et aux amendements présentés au Sénat.

L’article 15 a été modifié pour « flécher » une partie du produit de la CASA affecté à la CNSA vers le financement de la restructuration des services d’aide et d’accompagnement à domicile.

L’article 59, prévoyant le gel en 2014, du montant de l’allocation de logement familiale, l’ALF, a également été amendé pour maintenir la revalorisation l’année prochaine, en la reportant au 1er octobre. Il s’agit d’un bon compromis.

C’est maintenant au Sénat de prendre ses responsabilités en poursuivant l’étude de ce texte. Pour cela, mes chers collègues, je vous invite à refuser l’alliance de la carpe et du lapin (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.), qui réunirait autour de cette motion des groupes dont les membres soit considèrent que le texte va trop loin, soit, au contraire, ne le jugent pas assez ambitieux. Cette alliance des contraires n’est ni compréhensible ni cohérente politiquement.

Mme Chantal Jouanno. Assumez vos responsabilités !

M. Jacky Le Menn. Il y a Le Loup et l’agneau, aussi, et, cela se termine mal…

Mme Michelle Meunier. Si les auteurs de la question préalable déplorent le recours à une seconde délibération et au vote bloqué en première lecture, nous regrettons pour notre part le « détricotage » quasi systématique qui a pu s’opérer, amendement après amendement, par cette alliance de circonstance plutôt fâcheuse, ôtant au projet de loi de financement de la sécurité sociale sa cohérence d’ensemble.

À qui la faute, mes chers collègues ?

Vouloir le « respect du Sénat et de son rôle dans le parcours de l’élaboration de la loi » est bien légitime, mais cela doit nous amener à poursuivre nos discussions et nos travaux sur ce PLFSS. Je vous invite, dès lors, à refuser l’impuissance et le silence pour notre assemblée en rejetant la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Alain Bertrand applaudit également.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, personne ne sera surpris que j’exprime à titre personnel mon opposition à l’adoption de cette motion.

Sur le fond, le texte qui nous est ce matin transmis par l’Assemblée nationale est équilibré.

Pour ce qui est des recettes, le Gouvernement a su entendre les mécontentements et modifier, sans revenir sur ses objectifs initiaux, les articles qui posaient difficulté. Je pense en particulier à l’article 8, concernant la fiscalité des produits de placement, et à l’article 10, relatif au déplafonnement des cotisations d’assurance vieillesse des artisans et des commerçants.

Pour ce qui est des dépenses, bien que nous n’ayons pas eu l’occasion d’en discuter en séance, à la suite notamment du vote défavorable du groupe CRC sur la troisième partie, ce projet de loi met en œuvre les principaux axes de la politique du Gouvernement, qu’il s’agisse de santé – en déclinant, cela a été souligné, la stratégie nationale de santé –, de vieillesse – après l’adoption du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites – ou encore de politique familiale.

Sur la forme, permettez-moi d’exprimer mon étonnement sur le fait que le groupe CRC reproche au Gouvernement l’utilisation d’une seconde délibération à la fin de la discussion de la troisième partie. Je rappelle en effet que, compte tenu des votes de chacun des groupes, cette partie aurait, quoi qu’il en soit, été rejetée, conduisant de facto au rejet de l’ensemble du texte et par conséquent à la transmission à l’Assemblée nationale d’une « page blanche » conduisant celle-ci a examiné ce projet de loi de financement dans la rédaction qu’elle avait adoptée en première lecture.

Cette seconde délibération, tout le monde l’assume, a donc simplement permis de clarifier la position des différents groupes au regard de la politique menée par le Gouvernement. Il s’agit d’un usage tout à fait spécifique de la procédure parlementaire, qui ne me paraît pas contraire aux droits du Parlement.

M. Jacques Chiron. Très bien !

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je note enfin, pour le regretter, qu’au nom de la défense des droits du Parlement il est déposé sur ce texte une question préalable dont l’adoption nous empêcherait, nous, parlementaires, d’en examiner le contenu en séance…

En dépit de ces éléments, madame la ministre, mes chers collègues, je souligne que la majorité de la commission des affaires sociales du Sénat a donné un avis favorable à l’adoption de cette motion tendant à opposer la question préalable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Sans revenir sur le débat, tronqué, que nous avons eu au Sénat en première lecture, mais qui est allé à son terme à l’Assemblée nationale, je ne peux pas vous laisser dire, madame Cohen, que je n’ai pas répondu à vos interrogations ou à vos interpellations.

Le débat a eu lieu. La vérité, c’est que nous n’avons pas la même manière d’aborder les politiques sociales et l’avenir de notre protection sociale. La vérité, c’est que le Gouvernement se refuse à appliquer une politique qui se contente de nouveaux prélèvements – quand ils étaient nécessaires, ils ont bien été décidés -, sans engager des réformes de fond. Retraite, politique familiale, assurance maladie, c’est à ces transformations de fond que le Gouvernement s’est attelé.

J’admets que nous ayons un débat sur le fond. Ce débat, je l’ai mené au Sénat et à l’Assemblée nationale, mais aussi en dehors des hémicycles du Parlement, et nous l’avons dans le pays. Je ne puis donc pas vous laisser me reprocher, sur la forme, un quelconque refus du débat.

En revanche, j’assume, oui, la volonté du Gouvernement de proposer une politique visant à répondre de façon responsable aux exigences financières, mais dans un cadre de solidarité et de justice. C’est que nous ne pouvons soutenir des objectifs en matière sociale que si nous faisons en sorte, dans le même temps, de rétablir l’équilibre de nos comptes sociaux.

La question n’est pas de savoir si nous devons ou non rétablir l’équilibre des comptes sociaux, dans un contexte qui rend ce rétablissement difficile, étant entendu qu’il est plus simple d’affecter aux politiques sociales des ressources lorsque celles-ci augmentent, en période de croissance. La question est bien plutôt de savoir si pouvons-nous accepter que les générations futures non seulement paient, mais assument, elles, la nécessité de répondre de manière plus appropriée aux besoins sociaux qui s’expriment dans le pays.

Aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes certes confrontés à une exigence financière, mais également à la nécessité d’adapter nos politiques sociales. Nous ne saurions faire comme si la seule stratégie devait être l’immobilisme et le déversement de ressources toujours plus importantes pour répondre à des besoins qui évoluent.

En matière de retraite, nous savons que les carrières professionnelles se diversifient et qu’il faut en tenir compte.

En matière d’assurance maladie, nous savons que le grand défi est celui de la proximité dans les parcours de soins et d’une hospitalisation maîtrisée.

En matière de politique familiale, nous savons que nous devons répondre aux besoins de conciliation entre vie professionnelle et vie familiale.

Un pacte social fort, pour être accepté, pour être vivant, pour être durable, doit s’atteler aux défis d’aujourd’hui et ne pas simplement reproduire les réponses apportées aux défis d’hier. À défaut, nous ne parviendrions pas à convaincre les Français que nous sommes en phase avec leurs préoccupations.

Je le dis clairement, je ne suis pas en accord avec votre démarche. Le débat de nouvelle lecture ne peut donc pas se poursuivre dans cet hémicycle, il n’est d’ailleurs pas allé très loin en première lecture, même si nous y avons passé plusieurs jours, le rejet de la partie concernant les recettes nous ayant privés de l’examen des politiques que nous portons, qu’il s’agisse de l’assurance vieillesse – même si nous en avons débattu dans le cadre du texte sur les retraites –, de la politique familiale ou de l’assurance maladie.

J’émets donc un avis défavorable sur la motion que vous présentez, mais il s’agit d’un avis de principe, le débat portant au fond sur la nature des politiques sociales et sur la conception de la protection sociale que nous voulons mettre en œuvre.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement revendique la protection sociale, mais une protection sociale modernisée ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Alain Bertrand applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.

M. Jean-Noël Cardoux. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, il se passe des choses étonnantes à la Haute Assemblée depuis quelque temps, le Gouvernement prenant l’habitude de réintroduire le texte de l’Assemblée nationale par voie d’amendement et de provoquer un vote bloqué : c’est ce que nous avons qualifié récemment de « démocratie d’entêtement » !

Hier soir, à l’occasion du débat sur le projet de loi de finances, certains intervenants ont pointé du doigt l’opposition, lui reprochant d’empêcher par son attitude l’examen du volet « dépenses » de ces deux textes fondamentaux. Mais à qui la faute ? À la carpe ou au lapin ? (Sourires.)

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Aux deux ! (Nouveaux sourires.)

M. Jean-Noël Cardoux. Est-ce la faute des parlementaires qui expriment leurs convictions à travers des choix politiques ou celle du Gouvernement, en mal d’une majorité issue d’une campagne électorale avec, comme seul dénominateur commun, l’opposition au président sortant ?

Nous en payons aujourd’hui les conséquences, avec l’attitude de mépris qui prévaut à l’égard du travail parlementaire. Voilà pourquoi le groupe UMP votera cette motion tendant à opposer la question préalable, en ne retenant toutefois que les deux premiers paragraphes de l’argumentaire du groupe CRC, auteur de l’initiative, groupe avec lequel, nul ne l’ignore, nos divergences de fond sont assez fréquentes.

Quant au nouveau texte qui nous est proposé, il traduit, une fois de plus, une modeste tentative de replâtrage de la part du Gouvernement – on ne sait plus trop s’il s’agit de tango ou de valse-hésitation ! – destinée à attirer un certain nombre de votes favorables.

Je n’énumérerai que quelques-unes de ces petites modifications, parfaitement présentées par notre collègue Alain Milon dans la discussion générale.

Le PEA et le PEL sont exclus de la taxation prévue à l’article 8 – le plus remanié –, mais pas les contrats d’assurance vie fondés sur des supports en actions, qui sont maintenus. Cette mesure est antiéconomique et contraire aux projets que va nous annoncer le Gouvernement.

À l’article 10, le lissage sur deux ans de la cotisation déplafonnée des professions indépendantes a été modifié, mais nous ne connaissons pas les conditions de son application, qui seront déterminées ultérieurement.

À l’article 15, qui modifie les modalités d’affectation du produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA, ce sont 30 millions d’euros qui ont été fléchés en faveur des services d’aide et d’accompagnement à domicile.

Autant de petites mesures qui justifient pleinement le terme de « replâtrage » que j’employai à l’instant. Mais il y a aussi ce sinistre article 12 ter sur la clause de « désignation », travestie en « recommandation », que le Gouvernement veut réintroduire contre l’avis du Conseil constitutionnel. Cet article est rejeté par tous les professionnels de l’assurance. J’ajoute, madame le ministre, que le président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, Jean-Jacques Urvoas, un éminent juriste, a émis les plus vives réserves quant à la constitutionnalité de cet article. Nous verrons bien ce qu’il en adviendra, in fine.

Finalement, donc, c’est tout et c’est bien peu ! Voilà pourquoi le groupe UMP maintient son opposition à ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Pour éviter que ne se reproduisent de telles situations, qui donnent une bien piètre image de l’action politique en général et de la Haute Assemblée en particulier, il faudrait que le Gouvernement accepte de fixer un cap lisible, susceptible de fédérer une majorité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour explication de vote.

Mme Aline Archimbaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe écologiste votera contre cette motion, et ce pour deux raisons.

Tout d’abord, nous ne pouvons cautionner le point de vue selon lequel ce projet de loi de financement de la sécurité sociale se situerait dans le simple prolongement de la politique du gouvernement précédent.

Ne soyons pas amnésiques : les PFLSS présentés par les gouvernements précédents ont accumulé, aggravé, accru les déficits des comptes sociaux et laissé exploser les inégalités sociales en général, singulièrement en matière d’accès aux soins et à la santé.

Je n’oublie pas non plus un certain nombre de discours stigmatisant les chômeurs et les précaires, et cette chasse à la fraude sociale des plus pauvres de nos concitoyens que les responsables gouvernementaux de l’époque nous présentaient comme la solution miracle pour réduire le déficit de l’assurance maladie ! Or les études récentes montrent que les solutions sont ailleurs.

Mais il est une seconde raison pour laquelle nous ne voterons pas ce texte, c’est le souci que nous avons de privilégier en toutes circonstances le débat démocratique.

Un tel débat est d’autant plus important qu’il se tient au sein d’une société traversant une crise économique, sociale, démocratique et morale très profonde, cette société qui est en proie à l’angoisse, aux crispations, aux corporatismes de toutes sortes et à la perte de repères et du sens de l’intérêt général. Alors que de dangereux extrémistes font fleurir çà et là les discours démagogues et populistes pour tenter de manipuler l’opinion publique, nous ne pouvons refuser que le débat ait lieu ici.

Nous regrettons que, pour la deuxième année consécutive, l’une des deux chambres du Parlement soit mise en situation de ne pas pouvoir examiner un texte aussi important que celui qui concerne les dépenses de sécurité sociale, soit, mes chers collègues, un quart de notre PIB !

C’est à nouveau toute la question d’un début de réforme de la politique de santé, de la politique familiale et de la politique en direction des personnes âgées qui ne sera pas débattue dans cette assemblée. La confrontation démocratique des points de vue n’aura pas lieu !

Une telle situation - je sais qu’un certain nombre ici sont du même avis - doit nous amener à nous interroger sur notre rôle de sénateurs, sur l’utilité de l’énergie que nous dépensons à analyser les projets de loi et à préparer des amendements.

Pour ces deux raisons fondamentales, le groupe écologiste votera contre cette motion. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste – M. le rapporteur général applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Alain Bertrand, pour explication de vote.

M. Alain Bertrand. Je suis stupéfait que l’on mélange ainsi l’accessoire et le principal !

Le vote qui va intervenir est essentiel en ce qu’il constitue le marqueur entre une politique libérale de droite et une politique progressiste de gauche sur le social, la sécurité sociale et les stratégies de santé publique.

Que vont penser les Français ? En voyant que le Sénat, où la gauche – tout du moins, les forces progressistes – est censée disposer de la majorité, a voté contre la partie relative aux recettes du projet de loi de financement de la sécurité sociale, ils vont se dire que le texte présenté par Mme Marisol Touraine, sur l’initiative du Premier ministre Jean-Marc Ayrault et du Président de la République François Hollande, ne peut être que mauvais !

Or, dans le contexte tendu, de fort déficit public, dont nous avons hérité, le projet de loi présenté par Mme la ministre marque une volonté politique nettement différente de celle du gouvernement précédent.

Je me permets de vous rappeler qu’en 2002 M. Jospin et son gouvernement avaient laissé les comptes de la sécurité sociale à l’équilibre, mais qu’en 20012 ils accusaient un déficit d’environ 30 milliards d’euros !

Quelle était la caractéristique des politiques de santé publique des gouvernements précédents et de leurs coalitions majoritaires ? La volonté de privatiser toujours plus !!

M. Alain Bertrand. Cela signifiait moins de services publics, moins d’aménagement du territoire via les politiques de santé publique.

Ce que l’on nous propose ici est radicalement différent !

Or, parce qu’un groupe de la majorité, en l’occurrence, le groupe CRC, que je respecte totalement par ailleurs, trouve que nous n’allons pas assez loin, que cela pourrait être mieux, que telle ou telle autre mesure pourrait être prise, nous allons envoyer aux Français, par ce vote, un signal trompeur sur ce qu’est la nature réelle de la politique proposée par Mme la ministre.

Je tiens à rappeler que Jean-Marc Ayrault, François Hollande et Mme Touraine appartiennent, comme vous et nous, ainsi qu’une partie des républicains, au camp progressiste, tendu vers la mise en place d’une politique de santé publique qui respecte les exigences de solidarité et d’aménagement du territoire, ciment de la République française !

Il s’agit donc d’un mauvais coup porté non pas au Sénat, mais à la santé publique en France, sans considération pour les attentes de nos concitoyens, très attachés à tout ce qui se fait en matière de politique familiale, de soins, d’hôpitaux, y compris dans la ruralité.

Les Français attendent de bonnes décisions, et je crois que ce PLFSS va aussi loin que possible dans le contexte actuel. Il n’est que de constater les progrès réalisés à l’Assemblée nationale grâce à l’action de Mme la ministre. Dans ces conditions, dire aux Français que ce n’est pas un bon texte revient à les tromper !

L’ensemble des membres de mon groupe votera contre cette motion, radicalement contraire aux principes progressistes qui nous animent et au respect que nous devons aux citoyens français s’agissant de ce qui est le plus important : le service public, la santé publique ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste – M. le rapporteur général applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini, pour explication de vote.

Mme Muguette Dini. À l’instar de nos collègues des groupes CRC et UMP, nous pensons qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la discussion du PLFSS pour 2014, et ce pour des raisons tant de forme que de fond.

Sur la forme, comme l’a très bien expliqué ma collègue Chantal Jouanno, la manière dont le Gouvernement a traité le Sénat est difficilement acceptable : user d’une seconde délibération, associée au vote bloqué, pour nous faire voter en première lecture sur la troisième partie du projet de loi de financement est vraiment irrespectueux des travaux de notre assemblée.

Nous voici réunis pour une nouvelle lecture préparée dans des conditions de travail identiques à celles de la première, c’est-à-dire extrêmement rapides : à peine l’Assemblée nationale avait-elle revoté le texte que notre commission en était saisie dans un délai extrêmement court, qui se mesurait en heures. Il ne s’agit évidemment pas de conditions de travail sérieuses.

Sur le fond, à l’évidence, madame la ministre, vous ne disposerez jamais dans cette assemblée d’une majorité pour voter ce projet de loi de financement de la sécurité sociale auquel l’Assemblée nationale n’a apporté que des modifications mineures en nouvelle lecture.

Dans ces conditions, les mêmes causes produisant les mêmes effets, il n’y a vraiment aucune raison pour que le vote du Sénat évolue aujourd’hui.

Pour notre part, vous le savez, nous rejetons ce PLFSS en raison de son économie générale, très inquiétante pour l’avenir. Il ne garantit pas le retour à l’équilibre des comptes sociaux et son volet « recettes » comprend des mesures que nous ne pouvons accepter, les plus emblématiques étant peut-être le retour de la clause de désignation et la confiscation du produit de la CASA.

Par ailleurs, ce volet témoigne également d’une fiscalisation désordonnée et non assumée du financement de la sécurité sociale. En un mot, beaucoup de bricolage comptable et aucune réforme structurelle !

Il en va de même du volet « dépenses ». Ainsi, en matière de santé, par exemple, rien n’est fait pour combler les multiples trous qui jalonnent le parcours de soins.

De plus, nous nous inquiétons vivement de l’avenir de la politique familiale qui n’a cessé, depuis l’alternance, de faire l’objet d’atteintes réitérées.

Mais je ne serai pas plus longue.

En conclusion, puisque, sur la forme, l’avis du Sénat ne semble pas requis et que, sur le fond, jamais une majorité ne se dégagera dans cet hémicycle pour voter ce texte, il n’y a effectivement pas lieu de poursuivre la discussion. Nous voterons donc la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.

Mme Michelle Meunier. À l’instar du groupe du RDSE et du groupe écologiste, les sénateurs socialistes ne voteront pas cette motion tendant à opposer la question préalable.

Dans les moments difficiles, il faut faire preuve de courage politique et ce PLFSS, à nos yeux, va dans le bon sens, vers plus de justice sociale. Il est tout le contraire d’un immobilisme que nous ne pourrions accepter.

Je ne reviendrai pas longuement sur les valeurs qui sous-tendent l’élaboration de ce texte ni sur l’engagement pris en faveur de plus de justice et de progrès social pour les quatre branches de la sécurité sociale.

Je me bornerai à regretter l’image que renvoient certaines coalitions qui, se formant au gré des articles et des projets de loi, n’offrent à l’extérieur aucune lisibilité. J’ai parlé de l’alliance de la carpe et du lapin, et je maintiens cette comparaison, mais j’aurais pu tout aussi bien évoquer la fable Le Loup et l’agneau, si l’histoire ne finissait vraiment trop mal ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.

M. Dominique Watrin. Je pense que nous avons suffisamment expliqué le sens de cette motion tendant à opposer la question préalable.

Toutefois, je ne peux laisser passer certaines formules qui, j’en suis sûr, auront dépassé la pensée de leurs auteurs, sur certaines travées de gauche.

Ce n’est pas en parlant de « carpe » et de « lapin » ou en convoquant dans ce débat tout un bestiaire que l’on va régler ce problème de fond qui, effectivement, est posé au sein de la gauche, mais aussi dans tout le pays.

Je pense que cela mérite mieux que des formules à l’emporte-pièce qui ne font que nous égarer loin du vrai débat, que nous réclamons.

M. Alain Bertrand. Le débat, c’est vous qui le tuez !

Mme Annie David. Nous vous avons écouté ; écoutez donc à votre tour ce que nous avons à dire !

M. Dominique Watrin. Durant plus de quinze heures de débat, en première lecture, nous n’avons cessé de poser la question du financement. Oui, nous avons une divergence de fond sur le financement de notre protection sociale ! La gauche doit affronter cette question et, pour notre part, nous sommes prêts à le faire sur la base de valeurs de gauche !

La réalité, quelle est-elle ? Bruxelles, à travers les politiques ultralibérales qu’elle met en œuvre, est en train d’imposer des mesures d’austérité à tous les pays d’Europe. Lors de la campagne présidentielle, nous avons bien entendu le futur Président de la République s’engager à renégocier le pacte de stabilité européen,…

Mme Annie David. C’est vrai !

M. Dominique Watrin. … mais il ne l’a pas fait ! Désormais, c’est une politique d’austérité qui s’applique. Voilà la réalité, mes chers collègues ! Et sur qui pèsent les mesures décidées, sinon sur les classes moyennes et les couches populaires ? C’est ce que nous avons dénoncé, avec, je le crois, une certaine constance, au cours des nombreux débats que nous avons eus, que ce soit sur le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale, sur le projet de loi de finances, ou encore sur la réforme des retraites, dont on a bien vu qu’elle n’était ni juste ni équilibrée.

La réalité est peut-être dure à entendre, chers collègues, mais la politique de santé actuellement menée ampute le budget des hôpitaux de 600 millions d’euros, alors que les établissements sont déjà en grande difficulté.

Madame la ministre, c’est au nom des valeurs de gauche que nous vous reprochons de ne pas prendre l’argent là où il est. Car l’austérité ne vaut pas pour tous : les plus grandes fortunes ont vu leur revenu augmenter de 25 % !

M. Dominique Watrin. Cela, il ne faut pas l’oublier ! De la même manière, les dividendes versés ont augmenté de 5 %. Je pourrai donner d’autres exemples, qui témoignent de ce que la manne financière n’est pas du tout entamée par les mesures prises par le gouvernement actuel. Nous le regrettons, car, à notre sens, cela pose une question de fond.

J’indique, en outre, que ces mesures d’austérité tendent à réduire le pouvoir d’achat des Français, ce qui entraîne la baisse de la consommation et, partant, le ralentissement de l’activité économique, avec, comme conséquence logique que tout le monde constate, de moindres rentrées fiscales pour le budget de la Nation mais aussi de moindres cotisations, donc de moindres recettes pour la sécurité sociale.

C’est ce cercle vicieux que nous nous proposons de rompre. Et il serait pour le coup irresponsable de notre part, monsieur le rapporteur général, de ne pas poser ces questions et de vous laisser aller dans le mur ; les forces politiques de l’extrême droite n’attendent que cela !

Mes chers collègues, il n’y a pas, d’un côté, ceux qui sont responsables – au nom de quoi, d’ailleurs ? –, et, de l’autre, ceux qui ne le sont forcément pas.

C’est donc contraints et forcés que nous avons déposé et défendu cette motion tendant à opposer la question préalable. C’est un événement exceptionnel. C’est aussi une façon d’appeler la gauche à mener un débat de fond. Un débat sur les classes populaires, qui souffrent. Un débat pour imaginer un nouvel avenir, et inventer un destin meilleur, pour cette France que nous aimons tant ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que la commission a émis un avis favorable et le Gouvernement un avis défavorable.

J’indique que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 89 :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 346
Pour l’adoption 188
Contre 158

Le Sénat a adopté.

En conséquence, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 est rejeté.

Question préalable (début)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014
 

4

Renvoi pour avis unique

M. le président. J’informe le Sénat que la proposition de loi visant à renforcer les sanctions prévues dans le cadre de la mise en œuvre de la loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et l’habitat des gens du voyage (n° 818, 2012-2013), dont la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale est saisie au fond, est envoyée pour avis, à sa demande, à la commission des affaires économiques.

Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures, pour les questions d’actualité au Gouvernement.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures trente-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel

M. le président. La séance est reprise.

5

Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse.

répression du trafic d'espèces menacées

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.

Le Sommet de l’Élysée pour la paix et la sécurité en Afrique se tiendra la semaine prochaine. Je salue l’initiative du Président de la République d’organiser dans ce cadre un segment consacré à l’éléphant (Rires sur les travées de l’UMP.) et à la biodiversité africaine, le braconnage et le trafic d’ivoire ayant des liens clairement identifiés avec les enjeux de paix et de sécurité dans la région.

Selon le Programme des Nations unies pour l’environnement et Interpol, la criminalité contre la faune représente de 15 milliards à 20 milliards de dollars chaque année, ce qui en fait le quatrième plus important trafic illégal, derrière ceux de la drogue, des êtres humains et des armes.

Ce type de trafic existe évidemment aussi en Europe et en France. Selon le rapport de l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique, l’OCLAESP, en 2012, 1 084 infractions pour des atteintes aux espèces protégées ont été constatées, soit une augmentation de près de 50 % par rapport à 2011.

Au vu de la gravité et de l’urgence de la situation, la France se donne-t-elle les moyens d’agir ?

Le Sénat a adopté au mois de mai dernier, sur mon initiative, lors de la discussion de la loi du 16 juillet 2013 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine du développement durable, un amendement visant à faire reconnaître les infractions commises en bande organisée, au sens de l’article 132-71 du code pénal, pour permettre l’alignement de la qualification du trafic d’espèces protégées sur celle des trafics d’armes et de drogue.

Nous avons donc ouvert une voie vers un durcissement de notre action répressive contre les trafiquants. Mais les avancées doivent être confirmées, et nous observons aujourd’hui quatre difficultés majeures.

La première concerne la cohérence du dispositif législatif. La nouvelle qualification ne permet pas, par exemple, l’accès aux techniques spéciales d’enquête applicables à la lutte contre d’autres types de criminalité organisée.

La deuxième difficulté est relative aux moyens. L’OCLAESP s’est vu affecter quinze nouveaux agents, mais, compte tenu de la diversité des champs couverts par cet office, parmi lesquels les déchets, l’environnement et même le dopage, le nombre de fonctionnaires se consacrant à la défense de la biodiversité reste très faible.

La troisième difficulté a trait à la coordination des différents services – du ministère de l’intérieur, du ministère de l’écologie, des douanes –, sachant que l’on peut s’interroger sur les moyens de contrôle dont disposent les administrations décentralisées, dans un contexte global de fragilisation des moyens de la police environnementale en France que nous déplorons fortement.

Enfin, la coordination avec Interpol est un aspect important. Basé à Lyon, cet organisme se mobilise aujourd’hui sur ces enjeux.

Monsieur le ministre, devant une telle situation, quels moyens vous donnez-vous pour faire respecter la loi, en vous appuyant sur la qualification de trafic d’espèces protégées en bande organisée ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, comme vous le savez, je suis un grand spécialiste des espèces menacées… (Rires.)

Lutter contre les trafics que vous avez évoqués, c’est d’abord lutter contre les réseaux. C’est cette réalité que le nouvel article L. 415-6 du code de l’environnement, adopté sur votre initiative, nous permet de combattre.

Il est primordial de pouvoir réprimer de manière très dissuasive le trafic des espèces protégées, notamment lorsqu’il est commis en bande organisée. La sanction pénale peut désormais atteindre sept ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende et s’accompagner de la saisie des avoirs criminels. Mais il est exact que des marges de progrès existent encore, en particulier s’agissant des moyens d’enquête. Le Gouvernement en est pleinement conscient.

Le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, qui est en cours d’examen, prévoit des techniques spéciales d’enquête au profit des douaniers, des policiers et des gendarmes, afin de lutter aussi contre les trafics d’espèces menacées. Désormais, les forces de l’ordre et la douane pourront utiliser les mêmes méthodes de surveillance, d’infiltration, de sonorisation et de captation des données informatiques que pour lutter contre la délinquance et la criminalité organisées.

Je ne doute pas que vous-même et votre groupe soutiendrez le recours à ce type de techniques, utiles pour lutter contre la délinquance et respectueuses des libertés fondamentales.

Les enquêteurs de l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique du ministère de l’intérieur et les douaniers disposeront donc d’un arsenal juridique performant pour lutter contre la délinquance que l’on peut qualifier d’« environnementale ». Cela est d’autant plus important que l’OCLAESP bénéficie du soutien d’un réseau de 350 enquêteurs spécialisés de la gendarmerie, répartis sur l’ensemble du territoire métropolitain et ultramarin. Ils entretiennent des contacts riches et fréquents avec l’ensemble des administrations centrales et déconcentrées compétentes sur ces sujets. Nous avons d’ailleurs fait le choix de renforcer cet organisme en créant quinze postes supplémentaires.

Vous l’avez rappelé, ces trafics sont essentiellement transnationaux. Le travail de l’OCLAESP s’appuie donc sur le réseau diplomatique de nos quatre-vingts attachés de sécurité intérieure, et les liens noués avec Interpol sont importants.

Enfin, vous l’avez indiqué, une table ronde sur la lutte contre le braconnage d’éléphants et autres espèces protégées et contre le trafic d’ivoire se tiendra en marge du Sommet de l’Élysée pour la paix et la sécurité en Afrique, le 5 décembre prochain.

Comme vous le voyez, nous avons conscience du problème, et nous voulons avancer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UDI-UC.)

fiscalité

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Mme Isabelle Pasquet. Ma question s'adresse à M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Sur l’initiative de Jean-Marc Ayrault, des consultations viennent de débuter en vue d’une réforme de la fiscalité qui, aux premières nouvelles, concernera seulement les salariés, et non le capital. En d’autres termes, la question de la fiscalité appliquée aux entreprises et celle de la taxation des revenus financiers seraient éludées. Pourtant, il s’agit là d’un enjeu majeur pour notre pays et pour l’emploi.

Bénéficiant déjà de 120 milliards d’euros par an de niches fiscales et d’exonérations de cotisations sociales, dont l’effet sur l’emploi est des plus limités, certaines entreprises, notamment les plus grandes, les plus connues ou les plus luxueuses, sont devenues expertes en matière d’optimisation fiscale. D’autres, ainsi que certains grands patrons, vont jusqu’à franchir le Rubicon et organisent une véritable évasion fiscale en se soustrayant illégalement à l’impôt, pour accroître leur fortune personnelle ou celle de leurs actionnaires.

Ces pratiques antisociales et antirépublicaines sont lourdes de conséquences pour nos concitoyens. Elles privent l’État et la sécurité sociale de recettes pourtant très nécessaires. Pour vous donner un seul chiffre, le montant de la fraude fiscale et sociale s’élève à 180 milliards d’euros, dont au moins 50 milliards d’euros au seul titre de la TVA. Ce sont autant de recettes qui pourraient soutenir l’emploi ; au lieu de cela, on assiste à des licenciements boursiers ou à des fermetures de sites, dans l’industrie comme dans le commerce.

J’en donnerai deux exemples scandaleux, qui ont des répercussions dans mon département : Unilever a fermé quatre sites et supprimé 1 700 emplois en France depuis la création de l’USCC en Suisse ; Gary Klesch a coulé Kem One, anciennement Arkema – 1 300 emplois sont concernés –, en neuf mois, pour renflouer ses comptes à Jersey.

Monsieur le ministre, alors que les fermetures de sites et les plans de licenciements se multiplient et que vous expliquez aux salariés qu’ils doivent faire des efforts, qu’entendez-vous faire réellement, concrètement et en urgence pour mettre fin aux fléaux que constituent la fraude et l’évasion fiscales des plus riches et de certaines entreprises ? Pouvez-vous enfin porter à la connaissance de nos concitoyens la liste des évadés fiscaux ? (Exclamations sur certaines travées de l'UMP.) Vous devez cette transparence à notre peuple ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget. Madame la sénatrice, dans un État de droit, il n’est pas possible de communiquer la liste des évadés fiscaux.

M. Roger Karoutchi. Heureusement !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Le secret fiscal ne permet pas de diffuser de telles informations. En revanche, les rapporteurs généraux et les rapporteurs spéciaux des assemblées peuvent avoir accès à la totalité des éléments dont nous disposons en la matière.

Le secret fiscal n’est pas un outil de dissimulation : c’est l’assurance que, dans le cadre d’une procédure contradictoire, chacun pourra faire valoir ses droits.

Vous insistez sur la nécessité de lutter avec force contre la fraude fiscale. Le Gouvernement a repris, dans les dispositions qu’il fait adopter depuis de nombreux mois, une grande partie des propositions formulées par un sénateur de votre groupe, M. Éric Bocquet.

Ce sont ainsi près de soixante mesures de lutte contre la fraude fiscale des entreprises et l’optimisation fiscale qui ont été arrêtées par le Gouvernement depuis dix-huit mois. Elles visent en particulier à éviter la déduction des intérêts en France et le transfert des bénéfices à l’étranger ou à rendre obligatoire la transmission de la comptabilité analytique. Je citerai également l’inversion de la charge de la preuve en cas de transfert de bénéfices, le dispositif législatif présenté par Christiane Taubira et moi-même tendant à durcir considérablement les sanctions pénales à l’encontre des entreprises qui fraudent. Pour 2014, nous attendons 2 milliards d’euros de recettes au titre de la lutte contre la fraude fiscale. Ce serait un montant très important au regard des chiffres constatés les années précédentes.

Mme Annie David. Pour quel résultat sur l’emploi ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. D’ailleurs, la circulaire prise au moins de juin a conduit plus de 6 000 contribuables français à déposer des dossiers auprès de l’administration fiscale en vue de régulariser leur situation. C’est davantage qu’au cours des trois dernières années réunies, ce qui donne à penser que nous pourrions dépasser notre objectif de recettes au titre de la lutte contre la fraude fiscale.

Nous sommes déterminés à lutter contre les fraudeurs et à compléter notre arsenal législatif et juridique en la matière. Jamais un gouvernement n’a lutté aussi résolument contre la fraude fiscale ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

baby-loup et la laïcité

M. le président. La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.

Hier, la cour d’appel de Paris a confirmé la légalité du licenciement d’une salariée de la crèche associative Baby-Loup, au motif que celle-ci refusait d’ôter son voile islamique sur son lieu de travail, en dépit du règlement intérieur de la crèche et des avertissements de sa direction. L’affaire paraît simple. Pourtant, elle ne l’est pas, à cause de l’imbroglio judiciaire.

Elle a débuté dès 2008 et a donné lieu à plusieurs renversements de jurisprudence. Hier encore, l’avocat de la plaignante a annoncé son intention de poursuivre le parcours judiciaire, y compris devant les juridictions européennes. Ce marathon judiciaire est absurde. Si la réponse juridique est si complexe, c’est parce que la loi n’est pas claire. Et si la loi n’est pas claire, il incombe au législateur de la préciser, dans le respect du principe de laïcité.

Pour des femmes et des hommes attachés à la République et à ses valeurs d’émancipation, comme le sont les radicaux et comme doivent l’être tous les vrais républicains, défendre la laïcité est un devoir ; plus encore, c’est un honneur ! Ne laissons pas des imposteurs s’en emparer et la détourner pour s’attaquer aux fondements de la République.

Avec mes collègues du RDSE, et sur l’initiative de Françoise Laborde, nous avons déposé une proposition de loi, qui a été adoptée en 2012 par le Sénat, avec le soutien notamment du groupe socialiste. Ce texte institue le cadre nécessaire à l’obligation de neutralité religieuse dans les crèches. Comment contester que le principe de laïcité y a, comme dans toutes les écoles et dans toutes les entreprises publiques, toute sa place ?

Monsieur le ministre, il est temps d’agir ! Il faut une loi qui tranche très clairement cette question. Ne laissons plus aux seuls juges le soin d’apporter des réponses variables et circonstancielles. Il faut sortir de ce qui ressemble à une stratégie d’attente et de fuite ! Il ne faut plus sous-estimer les mécanismes de remise en cause de la laïcité dans certains territoires de notre République. Le courage et l’esprit de responsabilité nous commandent d’agir.

Ma question est simple : le Gouvernement va-t-il accepter de confier au Parlement la charge de protéger la laïcité et d’apporter une solution législative à une question qui ne doit plus se poser, ni à Chanteloup-les-Vignes ni ailleurs ? Pourquoi ne pas permettre à notre proposition de loi, déjà adoptée par le Sénat, d’être examinée au plus vite par les députés ? À moins que vous ne préfériez, monsieur le ministre, présenter un projet de loi ? En tout état de cause, il faut élaborer sans tarder une loi de la République sur ce sujet : c’est la seule réponse qui vaille ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et de l’UDI-UC, ainsi que sur certaines travées de l’UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

M. Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. La cour d’appel de Paris, dans son arrêt d’hier, a en effet considéré que le licenciement de la salariée de la crèche Baby-Loup était régulier, celle-ci n’ayant pas respecté l’obligation de neutralité imposée par le règlement intérieur de l’entreprise, règlement que la cour d’appel a jugé suffisamment précis et dont les restrictions lui sont apparues justifiées par la nature de la tâche confiée et proportionnées au but recherché, sans porter atteinte à la liberté religieuse et sans être discriminatoires.

La cour d’appel de renvoi a donc pris une décision différente de celle qui avait été rendue par la Cour de cassation le 19 mars 2013. Vous comprendrez qu’il n’appartient pas, à ce stade, au Gouvernement de commenter une décision de justice, d’autant qu’un nouveau pourvoi en cassation est possible et pourrait aboutir à un arrêt d’assemblée plénière.

Cette difficulté d’interprétation du droit est l’un des éléments qui avaient justifié, pour le Gouvernement, la saisine dès le mois d’avril dernier de l’Observatoire de la laïcité par le Président de la République. Au terme d’une réflexion approfondie et après avoir mené une concertation élargie, l’Observatoire de la laïcité a remis un avis très étayé, qui conclut à ce que le droit actuel permet de répondre aux interrogations posées par les acteurs de la petite enfance, qu’ils relèvent du domaine public ou du secteur privé. Selon cet avis, une nouvelle loi n’est pas nécessaire.

MM. René Garrec et Charles Revet. C’est vrai !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Il revient maintenant naturellement au Gouvernement d’arrêter sa position. Conformément à sa volonté initiale et conforté par cet avis, le Gouvernement va poursuivre sa réflexion dans un esprit d’apaisement, de responsabilité, avec le souci constant du respect des valeurs de la République.

Il nous revient de retrouver les chemins du rassemblement des énergies et de l’apaisement des tensions. Le Premier ministre indiquera, le moment venu, les initiatives que le Gouvernement entend prendre pour encadrer le fait religieux dans les structures qui assurent une mission d’accueil des enfants. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

situation économique et fiscale

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Roger Karoutchi. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget.

Hier, le Sénat a rejeté le projet de budget. Ce matin, il a confirmé son rejet du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014. Selon nous, il y a trop d’impôts, trop de taxes, pas assez de baisse de la dépense publique. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Entre le « ras-le-bol » fiscal relevé par M. Moscovici et la pause fiscale souhaitée par le Président de la République, vous avez fait trop d’annonces, de promesses, alors que les Français, à la lecture de leur avis d’imposition, ne voient ni pause fiscale ni réduction de l’impôt. Quant à l’engagement du Premier ministre d’engager une réforme fiscale, c’est évidemment un leurre.

M. Roland Courteau. Qu’en savez-vous ?

M. Roger Karoutchi. En réalité, sans baisse massive des dépenses publiques, il ne peut pas y avoir de diminution de l’impôt. On peut ainsi, durant tout le quinquennat, promettre beaucoup et ne pas tenir grand-chose…

Choc du verbe et promesses prévalent également en matière de chômage. Voilà quelques mois, le Président de la République annonçait l’inversion de la courbe du chômage, mais on continue de détruire des emplois, notamment industriels, de manière massive, les plans sociaux se multiplient, les délocalisations se poursuivent,…

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cela n’a pas commencé il y a deux ans !

M. Roger Karoutchi. … les investisseurs nationaux et étrangers n’y croient pas et n’investissent pas chez nous ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Le Président de la République, ce matin, ne semblait plus tout à fait d’accord avec lui-même, c’est le moins que l’on puisse dire ! Il a affirmé qu’il y aurait une inversion de la courbe du chômage « un jour », le problème étant de savoir quel jour… (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Roland Courteau. Vous ne manquez pas d’air, avec votre bilan !

M. Roger Karoutchi. En réalité, c’est toujours pareil : le choc du verbe d’un côté, la réalité concrète, immédiate, de l’autre.

Monsieur le ministre, manifestement, la boîte à outils a disparu ou elle a été enterrée dans le jardin ; manifestement, il n’y a plus de solution miracle ; manifestement, la situation de la France continue d’être pire que celle de ses voisins. Eux se redressent. Nous, nous sommes en berne, pour l’investissement, pour l’emploi, pour la fiscalité !

Je n’aurai pas la cruauté, monsieur le ministre, de demander, comme certains députés socialistes l’ont fait hier encore, quand nous allons changer de gouvernement. (Sourires sur les travées de l'UMP.) Pour nous, ce n’est pas une question d’hommes, c’est une question d’orientations, de ligne politique. Monsieur le ministre, quand ce gouvernement va-t-il décider de changer de cap pour redonner confiance aux Français ? Vous devez écouter l’exaspération de nos concitoyens et prendre conscience que la France ne peut pas continuer comme cela ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget. Monsieur le sénateur Karoutchi, je vous remercie de vos propos tout en nuances (Sourires sur les travées du groupe socialiste.), parfaitement équilibrés, absolument pas partisans, frappés au coin de la plus pure bonne foi.

Vous évoquez trois sujets : la fiscalité, la dépense et l’emploi.

En ce qui concerne la dépense, vous considérez qu’elle est insuffisamment maîtrisée aujourd'hui.

M. Roger Karoutchi. C’est la réalité !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je vous rappellerai quelques chiffres, car eux seuls sont à même de nous mettre d’accord.

Sous le gouvernement auquel vous avez participé,…

M. Alain Gournac. C’est reparti !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. … la dépense publique a fortement augmenté. (Protestations sur les travées de l'UMP.) En pourcentage, elle s’est accrue, entre 2002 et 2012, de plus de 2 % par an en moyenne.

M. Alain Gournac. C’est vous qui tenez les manettes, maintenant !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Le projet de budget que vous avez rejeté hier prévoit une diminution de 1,5 milliard d’euros des dépenses de l’État, dans le cadre d’un effort d’économie de 15 milliards d’euros.

M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas assez !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Ce n’est pas assez, dites-vous, monsieur Karoutchi ? Voilà qui est intéressant à entendre : 15 milliards d’euros en un an, ce n’est pas assez, mais lorsque le gouvernement que vous souteniez proposait 10 milliards d’euros d’économies en trois ans, c’était beaucoup ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) J’ai du mal à comprendre cette logique ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Christian Cointat. Vous ne savez pas compter !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. En ce qui concerne les impôts, monsieur Karoutchi, ils ont augmenté de 20 milliards en 2011, de 20 milliards en 2012,…

M. Roger Karoutchi. C’était déjà vous !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. … de 20 milliards en 2013.

M. Roger Karoutchi. C’était encore vous !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Quand le gouvernement auquel vous apparteniez a augmenté les impôts, il a pris un certain nombre de mesures, telles que la désindexation du barème de l’impôt sur le revenu ou la suppression de la demi-part des veuves, qui ont considérablement accru les inégalités.

Pour notre part, nous réindexons le barème de l’impôt sur le revenu, nous augmentons le revenu fiscal de référence, nous mettons en place une décote et nous créons les conditions d’une augmentation de la pression fiscale de 1 milliard d’euros si l’on neutralise l’effet de la lutte contre la fraude fiscale, soit vingt fois moins que le dernier budget préparé par Mme Pécresse ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) Voilà la réalité !

En ce qui concerne l’emploi, durant le précédent quinquennat, 750 000 emplois industriels ont été détruits.

M. Francis Delattre. Moins 130 000 depuis le début de l'année !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je vous confirme que l’objectif d’inverser la courbe du chômage à la fin de l’année est bien maintenu (M. Roger Karoutchi s’exclame.) et que nous faisons de la lutte contre le chômage, pour l’emploi, la croissance et le redressement de notre appareil productif la priorité du quinquennat ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

délai de prescription en matière d'agressions sexuelles

M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini.

Mme Muguette Dini. Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice. Elle concerne la prescription des violences sexuelles, agressions et viols.

Le 25 novembre dernier, au cours de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, le Gouvernement a lancé une campagne pour permettre la libération de la parole des victimes. En revanche, il n’y a aucune avancée pour une autre forme de violence à la fois différente et proche, la violence sexuelle.

Celle-ci, en effet, s’exerce le plus souvent sur des enfants, filles ou garçons, majoritairement dans le cadre familial ou proche, à une période de la vie où la victime est dans l’incapacité presque totale de la dénoncer. Une femme sur quatre, un homme sur six sont victimes de violences sexuelles au cours de leur vie. Cela concerne des milliers d’enfants chaque jour.

Les victimes enfouissent ce souvenir, qui ressort quelquefois de longues années plus tard sous forme de maladies auto-immunes ou de troubles psychologiques très violents. La présidente de l’association Stop aux violences sexuelles, le docteur Violaine Guérin, nous dit que la violence sexuelle réalise le meurtre de l’âme et affecte négativement la vie des êtres humains qui en sont victimes. C’est un véritable crime contre l’humain et l’humanité.

Certaines victimes vont présenter une amnésie traumatique. C’est le cas, par exemple, de Cécile, une femme de 41 ans, violée à l’âge de 5 ans par son cousin. Malgré l’expiration d’un délai légal de prescription, cette victime a tenu à porter plainte. Devant la Cour de cassation, le 6 novembre dernier, son avocat a souligné la différence de traitement entre les victimes de violences sexuelles et les victimes d’abus de biens sociaux, ces dernières bénéficiant d’une prescription courant à partir du moment où les faits sont révélés. Notre législation considère donc que ce meurtre psychologique est moins important que les abus qui portent sur les biens matériels.

Quand allez-vous nous soumettre, madame la ministre, un projet de loi pour que la prescription des violences sexuelles soit traitée a minima comme celle des abus de biens sociaux ? Pourquoi ne pas envisager une imprescriptibilité ? Compte tenu du fait qu’une agression sexuelle ou un viol causent des dégâts psychologiques identiques, peut-on espérer qu’ils ne constituent plus qu’un seul crime, celui de violences sexuelles ? (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice, vous évoquez un sujet profondément douloureux. Je connais votre implication et celle de nombre de vos collègues dans ce dossier, ainsi que la constance de votre engagement.

Nous devons trouver une solution satisfaisante et durable. La campagne de sensibilisation que le Gouvernement a engagée et les dispositions pratiques que nous avons prises pour faciliter le dépôt des plaintes concernent aussi ces victimes. Il est important que nous créions les conditions pour que la victime parle le plus tôt possible.

Vous évoquez le rapprochement du régime de prescription de celui d’un délit financier, l’abus de biens sociaux. Celui-ci, par nature, repose sur la dissimulation : il est donc logique que le délai de prescription coure à compter de la révélation du délit.

En ce qui concerne les agressions sexuelles, qui relèvent des délits, le délai de prescription est effectivement de trois ans à compter de la date où les faits ont été commis. En ce qui concerne les mineurs, le délai de prescription est de dix ans, et de vingt ans pour les faits plus graves, notamment les viols. Il court à compter du jour où la victime atteint l’âge de la majorité.

Vous proposez d’instaurer une imprescriptibilité. Les faits sont incontestablement graves. Cependant, ils ne peuvent être comparés ni à un génocide ni à un crime contre l’humanité, si dramatiques que soient les traumatismes et les violences subis par les victimes. Nous ne pouvons pas non plus confondre le régime des mineurs et celui des majeurs, les mineurs n’étant pas en état de porter plainte au moment où sont commises ces agressions.

Enfin, vous proposez d’instituer un crime unique. Cela irait à l’encontre du principe de proportionnalité qui sous-tend notre droit.

Néanmoins, je suis d’accord avec vous sur le fait que le régime des prescriptions est complexe, quelque peu touffu, et qu’il peut parfois donner l’apparence de comporter des contradictions. C’est pourquoi le Gouvernement a déjà commencé à travailler sur la modification des règles de prescription. J’ai déjà eu l’occasion d’évoquer ce sujet ici même, à propos de trois textes différents. Nous avançons, et je peux vous assurer que nous attachons une attention particulière aux agressions sexuelles, à ces actes absolument intolérables commis contre des enfants, filles ou garçons, contre des femmes. Nous devons aussi faire reculer l’acceptabilité sociale de ces crimes. (Applaudissements.)

plan local d'urbanisme intercommunal

M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat.

M. Claude Bérit-Débat. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'égalité des territoires et du logement.

Madame la ministre, le Congrès des maires vient de s’achever. Il a permis de mesurer à quel point les maires sont légitimement préoccupés par le transfert des communes aux intercommunalités de la compétence en matière d’urbanisme. Le Premier ministre lui-même mesure toute l’importance de cette question. Il a rappelé aux maires son attachement à la solution de compromis élaborée par le Sénat lors de l’examen en première lecture du projet de loi ALUR pour l’accès au logement et un urbanisme rénové.

L’obligation d’élaborer un plan local d’urbanisme à l’échelon intercommunal était perçue par les élus, notamment ceux des petites communes, comme une forme de dépossession d’une de leurs compétences régaliennes. Conscient de cette situation, le Sénat a pleinement exercé son rôle de représentant des collectivités locales en redonnant le pouvoir de décision aux maires. Il a ainsi adopté à une large majorité une position de compromis visant à permettre à un quart des communes membres d’un établissement public de coopération intercommunale, représentant au moins 10 % de la population, de s’opposer au transfert de cette compétence à l’échelon intercommunal.

Cette solution est à l’évidence équilibrée. J’irai même plus loin, en disant que ce compromis est finalement une avancée par rapport à l’état du droit existant, comme l’a souligné l’Association des maires ruraux de France. En effet, n’oublions pas que la loi Grenelle adoptée sous la précédente majorité avait autorisé le transfert de la compétence « urbanisme » à l’EPCI par un vote à la majorité qualifiée des communes membres de ce dernier.

La solution d’équilibre adoptée par le Sénat revient sur cette logique, puisqu’elle introduit une minorité de blocage au profit des plus petites communes. Madame la ministre, convaincue vous-même du bien-fondé de ce compromis, vous l’avez soutenu et vous vous êtes engagée en séance publique à ne pas y revenir en deuxième lecture.

M. Claude Bérit-Débat. Je vous en remercie infiniment.

Les maires attendent des garanties sur ce sujet extrêmement important pour eux. Un compromis existe aujourd’hui : pouvez-vous nous assurer qu’il sera préservé ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Simon Sutour. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement.

Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement. Monsieur le sénateur, vous avez rappelé l’un des éléments importants du volet urbanisme du projet de loi ALUR : l’instauration de plans locaux d’urbanisme intercommunaux, les PLUI, qui était envisagée de longue date. C’est un sujet important. Il s’agit de permettre aux élus d’exercer pleinement une compétence que beaucoup d’entre eux n’assurent pas aujourd'hui, puisque près de 40 % des communes relèvent du règlement national d’urbanisme. Le Gouvernement souhaite apporter un appui, y compris financier, aux intercommunalités qui décideront de se doter d’un PLUI.

Monsieur le sénateur, je tiens à saluer le rôle important que vous avez joué en tant que rapporteur du projet de loi. Le sujet a suscité chez les maires des inquiétudes qui, si elles m’ont parfois paru un peu excessives, n’en étaient pas moins parfaitement légitimes. Le Sénat a adopté le dispositif que vous avez rappelé : le PLUI sera la règle, mais les élus ne souhaitant pas, pour des raisons qui leur appartiennent, le transfert à l’échelon intercommunal de la compétence en matière d’urbanisme pourront s’y opposer.

Cela n’enlève rien à la nécessité du travail intercommunal sur ce sujet, dans le respect des élus locaux et de chaque commune dont témoignent tous les PLUI déjà élaborés. Nous avons intégré des dispositions garantissant qu’aucun maire, aucune commune ne pourra être contraint par l’élaboration d’un tel document.

Des engagements ont été pris à l’égard du Sénat. Le Gouvernement a soutenu l’amendement adopté sur votre initiative par la commission des affaires économiques afin de rassurer les maires qui craignent de se voir imposer un document par l’intercommunalité. J’insiste sur la volonté extrêmement constructive qui sous-tend l’instauration du PLUI. Comme je m’y suis déjà engagée à plusieurs reprises devant vous, je défendrai votre solution devant l’Assemblée nationale. J’espère que cette position, qui est partagée par le Premier ministre, sera maintenue. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe CRC.)

découpage cantonal

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Antoine Lefèvre. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.

Monsieur le ministre, l’édition d’hier du Monde soulignait l’étonnante unité transpartisane contre la mise en application de la loi relative à l’élection des conseillers départementaux, notamment contre l’institution du curieux tandem paritaire, ce nouvel élu à deux têtes sur un même territoire, mais surtout contre le redécoupage cantonal. En effet, force est de constater qu’un bon tiers des découpages proposés par les préfets recueillent des avis défavorables des assemblées départementales, même lorsqu’elles sont dominées par votre majorité. La Nièvre ne fait pas exception, non plus que mon département, l’Aisne, que je prendrai ici pour exemple.

Dans l’Aisne, seuls les parlementaires ont été informés par le préfet des grands principes de l’élaboration de la carte, le président du conseil général bénéficiant, semble-t-il, d’une écoute différenciée… Le projet de découpage n’a été communiqué à l’ensemble des élus qu’une petite semaine avant l’assemblée plénière. Il laisse pantois tous les maires.

Cette méthode ne peut qu’éveiller la méfiance des élus minoritaires. J’ai réalisé une projection à partir des résultats du dernier scrutin présidentiel dans ce département tenu par votre majorité, qui détient deux tiers des sièges au conseil général : vingt-huit sur quarante-deux. Que voit-on ? Avec le découpage actuel, votre majorité remporterait vingt-trois sièges, contre dix-neuf à l’opposition ; nous ferions donc presque jeu égal. Avec le découpage que vous proposez, il n’y aurait plus que vingt et un cantons, et votre majorité remporterait les trois quarts des sièges : quinze, contre six à l’opposition. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Alain Gournac. Tiens, c’est bizarre !

M. Antoine Lefèvre. Voilà un résultat bien troublant… Vous ne pouvez cacher les conséquences politiques de ce redécoupage, qui vise sans nul doute à vous assurer une majorité de sièges au conseil général et un contrôle sans partage du département.

Par ailleurs, la division par deux du nombre de cantons – leur superficie sera parfois multipliée par quatre – va de facto raréfier l’offre de services publics, en particulier dans les milieux ruraux. Vous annonciez la désertification certaine de nos territoires lorsque l’ancienne majorité proposait la création du conseiller territorial, mais, en divisant par deux le nombre de cantons, vous leur portez le coup de grâce ! Quelle jolie pirouette, monsieur le ministre !

M. David Assouline. Il y aura enfin des femmes élues !

M. Antoine Lefèvre. Les territoires ruraux seront non seulement sous-représentés, mais aussi sous-dotés.

L’ultime conséquence de votre redécoupage sera la disparition de nombreux chefs-lieux. Or le titre de bourg-centre rendait les communes concernées éligibles à la dotation de solidarité rurale, ce qui leur permettait d’assumer une partie des charges de centralité et d’aménagement du territoire, liées au maintien d’une agence postale, d’une perception, d’une caserne de sapeurs-pompiers, de collèges et d’autres équipements jouant un rôle économique et de service aux populations essentiel en zone rurale.

Même si vous avez récemment annoncé le maintien de l’éligibilité à la dotation de solidarité rurale de ces communes jusqu’en 2017, qu’en sera-t-il après cette date ? Monsieur le ministre, ma question est simple : si nous avons bien compris que vous aviez pleine conscience des avantages électoraux que devrait vous apporter le redécoupage cantonal, avez-vous aussi conscience de tous les effets négatifs qu’il aura sur la vie des territoires ? Si oui, quel cynisme ! Nous ne pouvons le croire… (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. Je voudrais d'abord réparer une omission. En répondant tout à l’heure à M. Dantec, j’ai oublié de préciser que c’était mon collègue Philippe Martin qui allait présider la table ronde sur les espèces menacées. (Rires.)

Un sénateur de l’UMP. C’est nous, les espèces menacées ?

M. Manuel Valls, ministre. Concernant la nouvelle carte cantonale, l’article du Monde auquel vous faisiez allusion, monsieur Lefèvre, évoquait une résistance non pas au mode de scrutin lui-même, mais à la mise en place de la parité. Le conseil général de l’Aisne compte aujourd'hui six femmes sur quarante-deux membres. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Alain Fauconnier. Peut mieux faire !

M. Manuel Valls, ministre. Est-ce acceptable ? Non. Demain, avec le scrutin binominal, elles seront vingt et une. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

MM. Ronan Dantec et Claude Dilain. Bravo !

M. Manuel Valls, ministre. La loi du 17 mai 2013 apporte des réponses que je crois concrètes. Elle instaure la parité dans les élections départementales. Elle vise également à faire en sorte que la voix de chacun de nos concitoyens ait la même valeur. Quel que soit le type de découpage, ces principes constitutionnels doivent s’appliquer.

Un travail est réalisé dans chaque département à partir de critères connus : ceux que le Conseil constitutionnel a définis dans sa jurisprudence et qu’il a rappelés après avoir été saisi par vos soins. Le premier principe, c’est la prise en compte de la démographie, pour garantir l’égalité du suffrage. Le remodelage s’appuie sur la carte des EPCI lorsque la configuration le permet. C’est nettement le cas dans le département de l’Aisne.

Les principes sont transparents. Ils sont connus de tous. Nous consultons effectivement les présidents de conseil général. Nous recevons également les parlementaires qui le demandent. À ce jour, cinquante-cinq projets de découpage ont été transmis aux conseils généraux, et trente-six votes sont déjà intervenus.

Le Conseil d'État examine ensuite chacune des propositions faites, au regard des principes inscrits dans la loi et dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Sur les trente-deux projets transmis au Conseil d'État, vingt-quatre ont déjà été approuvés à ce jour. Je peux ainsi vous indiquer que le Conseil d'État a validé le projet de décret relatif à la nouvelle carte cantonale de l’Aisne, se bornant à y apporter une modification marginale portant sur une seule commune, au titre du respect du critère démographique.

Vous le voyez, le remodelage de la carte cantonale se fait dans le strict respect de la loi et des principes fixés par le Conseil constitutionnel : la loi, rien que la loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

normes et statut de l'élu

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.

M. Jean-Jacques Mirassou. Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation.

Il y a bien longtemps que les élus locaux, et singulièrement les maires, se plaignent de l’inflation des normes et réglementations qui entravent trop souvent leur action. Il en résulte une perte d’efficacité qui pénalise nos territoires.

Cette préoccupation a été largement évoquée au cours des états généraux de la démocratie territoriale organisés par le Sénat en 2012. Les conclusions adoptées alors ont fait émerger une logique globale dont la mise en œuvre vient de monter en puissance avec l’annonce par le Premier ministre, lors de son intervention devant le Congrès des maires, de la nomination d’un médiateur des normes, qui du reste fait suite à la création du Conseil national d’évaluation des normes par la loi du 17 octobre 2013.

La mise en place de ce dispositif est, à l’évidence, la manière la plus efficace de répondre à une demande ancienne des élus locaux, en réalisant le choc de simplification promis par François Hollande.

M. Antoine Lefèvre. On demande à voir !

M. Jean-Jacques Mirassou. Le médiateur des normes aura pour responsabilité de dénouer les situations bloquées entre collectivités territoriales et administrations centrales. Dans un contexte où de telles situations tendent à se multiplier, il est important de définir le plus rapidement possible le dispositif.

Ma question sera simple, madame la ministre : dans quels délais et avec quels moyens le médiateur des normes pourra-t-il accomplir sa mission ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la décentralisation.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation. Monsieur le sénateur, vous avez rappelé le poids des normes dans notre pays et souligné le problème que représente leur inflation. Je ne citerai que deux chiffres : on dénombre 400 000 normes, qui induisent une charge financière de près de 1,2 milliard d'euros pour les collectivités territoriales au titre de la seule année 2012.

Le Président de la République a pris l’engagement que vous avez rappelé. Je voudrais saluer le travail accompli par la Haute Assemblée, qui a notamment adopté à l’unanimité, le 7 octobre dernier, la proposition de loi de Mme Gourault et de M. Sueur.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Le Conseil national d’évaluation des normes sera installé dans les meilleurs délais, dès que le décret d’application aura été publié.

Cela étant, deux mesures nouvelles ont été prises sans attendre.

D'une part, depuis le 2 avril 2013, sur décision du Premier ministre, toute création d’une norme doit s’accompagner de la suppression d’une autre. Cela fait partie des mesures de simplification annoncées par le Premier ministre, qui sont d’ores et déjà, je puis vous l’assurer, mises en œuvre.

D'autre part, le Premier ministre a annoncé le 19 novembre dernier, devant le Congrès des maires, sa décision de demander à votre ancien collègue Alain Lambert d’accepter la fonction de médiateur des normes. Il assurera une mission de médiation entre les collectivités locales et l’administration, pour faciliter le dialogue sur les décisions difficiles qui risqueraient d’imposer des contraintes techniques et financières aux collectivités.

Sachez que le décret de nomination d’Alain Lambert sera pris dans les semaines qui viennent. Il pourra s’appuyer, comme le Conseil national d’évaluation des normes, sur l’ensemble du dispositif de l’État pour accomplir sa mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

garantie universelle des loyers

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie.

M. Marc Laménie. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'égalité des territoires et du logement.

Après six mois d’attente, le rapport de l’Inspection générale des finances, l’IGF, sur la mise en place de la garantie universelle des loyers a enfin été dévoilé.

Malheureusement, ce document de travail, indispensable à un examen approfondi du projet de loi ALUR pour l’accès au logement et l’urbanisme rénové, a été rendu public non par le Gouvernement, mais par la presse.

Cependant, nous comprenons, à la lecture de ce rapport, pourquoi le Gouvernement n’a pas fait œuvre de transparence. En effet, il étrille la mesure phare du projet de loi. L’Inspection générale des finances, comme le Conseil d’analyse économique avant elle, émet les mêmes critiques à l’encontre de la garantie universelle des loyers que celles qui ont été formulées par notre groupe lors de l’examen du projet de loi.

De fait, pour financer votre dispositif, vous présentez deux solutions, mais aucune n’est la bonne.

La première solution est de mettre en place une taxe affectée, mais, comme le souligne l’IGF, elle présente un véritable risque d’inconstitutionnalité au regard du principe d’égalité devant l’impôt. La création de cette taxe affectée viendrait de surcroît s’ajouter à la trop longue liste des hausses d’impôts, dont le Gouvernement s’est fait une spécialité, comme l’a rappelé tout à l’heure notre collègue Roger Karoutchi.

La seconde solution est de financer cette garantie universelle des loyers par des fonds publics.

À cet égard, il convient de regarder la vérité en face.

D’abord, l’assiette des loyers à garantir représente 50 milliards d’euros. L’IGF a été claire : si le Gouvernement ne revoit pas sa copie, le taux d’impayés atteindra 4 %, et le coût du dispositif 1,5 milliard d’euros.

Ensuite, dernière preuve que le principe même de la garantie universelle des loyers n’est pas réaliste, l’IGF propose noir sur blanc, dans son rapport, d’exclure du champ de la garantie les locataires dont le taux d’effort est supérieur à 40 %.

Madame la ministre, si d’aventure vous vous risquiez à persévérer dans votre erreur, vous n’auriez que deux solutions : augmenter les impôts…

M. Marc Laménie. … ou accroître les dépenses de l’État. Laquelle allez-vous choisir ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement.

Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement. Le groupe de travail parlementaire sur la garantie universelle des loyers associe l’ensemble des familles politiques. Le dispositif repose sur un principe très simple, celui de la solidarité et de la mise en œuvre de nos valeurs républicaines, et vise trois objectifs.

Le premier objectif est la sécurisation des propriétaires, afin de lever un des freins à la mise en location d’une partie du parc privé.

Le deuxième objectif est l’accès au logement. Aujourd’hui, nous le savons, les jeunes, notamment, mais aussi toutes les personnes en situation de précarité, rencontrent d’extrêmes difficultés pour accéder au logement, en raison des garanties supplémentaires demandées par les propriétaires.

Enfin, le troisième objectif, à mon sens décisif, est la prévention des expulsions.

La garantie universelle des loyers est le résultat d’années de réflexion et de travaux préalables, menés par les différentes majorités. Elle fait suite au Loca-pass, au pass GRL et à la GRL, la garantie des risques locatifs, mise en place par mon prédécesseur Benoist Apparu, qui avait d’ailleurs lui-même reconnu que si ce dispositif, qui s’adressait plus particulièrement aux salariés précaires, était insuffisant, il faudrait l’élargir et l’universaliser, pour permettre de sécuriser le parcours résidentiel. C’est ce chantier que nous avons ouvert.

Monsieur le sénateur, vous avez fait une lecture partielle du rapport de l’IGF, dont le travail est intéressant, parce qu’il nous permet justement d’identifier un certain nombre de risques. Par ailleurs, son analyse objective montre que le procès en sorcellerie qui a été intenté à ce dispositif est infondé, l’envolée des prix annoncée par les uns et les autres ne correspondant à aucune réalité.

C’est bien sur un dispositif socle, robuste, qui concernera l’ensemble des locataires du parc privé, mais aussi l’ensemble des propriétaires, que nous travaillons.

Quant à son financement, j’ai déjà indiqué que, notamment pour les raisons que vous pointez, mais aussi pour d’autres, nous avions abandonné l’idée de la création d’une taxe, même partagée entre les propriétaires et les locataires. Nous travaillons à l’heure actuelle sur d’autres pistes de financement. À cet égard, il faut savoir que l’ensemble des aides publiques au logement représentent quelque 40 milliards d’euros. Il me semble que nous pourrions utilement travailler sur une réaffectation pertinente d’une partie de ces sommes.

Monsieur le sénateur, n’ayez donc aucune inquiétude sur la mise en œuvre de la garantie universelle des loyers. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)

services publics locaux

M. le président. La parole est à M. Alain Fauconnier.

M. Alain Fauconnier. Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation.

Le Congrès des maires de France vient de se terminer. Faisant écho aux préoccupations du Gouvernement, il avait pour thème : protéger, rassembler, construire ; construire, ou plutôt reconstruire, vu l’état du pays lorsque nous sommes arrivés aux affaires.

M. Alain Fauconnier. Contrairement à ce que nous promettaient les médias, l’accueil réservé au Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, qui fut maire durant trente-cinq ans, n’a rien eu à voir avec l’agitation ayant prévalu lorsque François Fillon s’était adressé aux maires en 2011.

M. Antoine Lefèvre. Quel succès !

M. Roger Karoutchi. C’est que nous sommes des gens corrects, ce qui n’est pas le cas de tout le monde !

M. Alain Fauconnier. Le Premier ministre, à cette occasion, a annoncé de nombreuses mesures confortant la place et le rôle éminents de la commune dans le redressement de notre pays et le maintien du lien social entre nos concitoyens en cette période de crise.

Vous-même, madame la ministre, avez dialogué, dans un climat attentif et respectueux, avec les maires, qui sont conscients des exigences du nécessaire redressement du pays et convaincus que la page de la stigmatisation des élus est à présent tournée.

Néanmoins, la reconfiguration des périmètres des cantons, inchangés depuis plus d’un siècle, a engendré un certain nombre de craintes, habilement orchestrées.

Aussi souhaiterais-je vous poser deux questions.

La première porte sur la dotation de solidarité rurale « bourg-centre ». Dans la mesure où, en milieu rural, les nouveaux cantons résulteront de la fusion de plusieurs anciens cantons, qu’adviendra-t-il de cette dotation dont bénéficiaient les chefs-lieux de canton actuels ?

La seconde question concerne les services publics. Je sais que vous partagez l’idée que les services publics de l’État sont l’un des principaux leviers permettant d’assurer l’égalité et la solidarité des territoires. La révision générale des politiques publiques a durement affecté les territoires, en réduisant ou en supprimant les services publics. Le maillage de ceux-ci sur la base des chefs-lieux de canton en a également pâti. Dans mon département, l’Aveyron, qui est aussi le vôtre, madame la ministre, les écoles rurales ont perdu plus de 120 postes d’enseignant, quatorze postes de gendarme ont été supprimés en dix ans au sein de la compagnie de gendarmerie de Saint-Affrique et les antennes locales de France 3 ont été regroupées, au détriment de leur mission de proximité.

Pouvez-vous, madame la ministre, nous confirmer que la reconfiguration des périmètres des cantons ne sera pas l’occasion d’une remise en cause de la présence des services publics dans nos territoires ruraux, comme ce fut le cas sous le précédent gouvernement ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la décentralisation.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation. Monsieur le sénateur et cher ami (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)… Nous sommes du même département, chacun le sait !

Si le Congrès des maires s’est déroulé dans un climat harmonieux, c’est probablement parce que le Premier ministre a tenu à apporter un certain nombre d’assurances et du réconfort à des élus dont certains s’étaient sentis peut-être mal aimés et délaissés.

En ce qui concerne le devenir de la dotation de solidarité rurale pour les bourgs-centres à la suite du redécoupage cantonal, la date qui sera prise en compte pour l’attribution de cette dotation est le 1er janvier 2016, pour effet en 2017. Par ailleurs, le Premier ministre s’est engagé à ce que les conditions d’attribution de la dotation de solidarité rurale ne soient pas modifiées, même après 2017.

En ce qui concerne les services publics – tous les services publics, et pas seulement ceux de l’État –, Mme Lebranchu, Mme Duflot et moi-même travaillons, dans le cadre de l’élaboration du projet de loi relatif à l’égalité des territoires et du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, à une meilleure répartition des services publics sur l’ensemble du territoire. D’ores et déjà, l’engagement a été pris de mettre en place 1 000 maisons de services publics dans les années qui viennent – aujourd’hui, il s’en crée à peu près 320 par an –, grâce à l’allocation d’un budget de 35 millions d’euros.

Par ailleurs, M. le ministre de l’intérieur a déjà annoncé la création de 500 emplois dans les services de police et de gendarmerie l’année prochaine.

Ce sont là, me semble-t-il, autant d’éléments de nature à vous rassurer…

M. Antoine Lefèvre. Pas complètement !

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. … sur la volonté du Gouvernement de servir l’équilibre du territoire. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

6

Prise d'effet de nominations à une commission mixte paritaire

M. le président. J’ai reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte commun sur le projet de loi de finances pour 2014.

En conséquence, les nominations intervenues lors de notre séance du 27 novembre prennent effet.

7

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 3 décembre 2013 :

À quatorze heures trente :

1. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité entre la République française et la Fédération de Russie relatif à la coopération dans le domaine de l’adoption (n° 114, 2013-2014) ;

Rapport de Mme Joëlle Garriaud-Maylam, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 176, 2013-2014) ;

Texte de la commission (n° 177, 2013-2014).

2. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, transposant la directive 2013/1/UE du Conseil du 20 décembre 2012 modifiant la directive 93/109/CE en ce qui concerne certaines modalités de l’exercice du droit d’éligibilité aux élections au Parlement européen pour les citoyens de l’Union résidant dans un État membre dont ils ne sont pas ressortissants (n° 118, 2013-2014) ;

Rapport de M. Jean Yves Leconte, fait au nom de la commission des lois (n° 137, 2013-2014) ;

Texte de la commission (n° 138, 2013-2014).

À vingt et une heures trente :

3. Débat sur la sécurité sociale des étudiants.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à seize heures.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART