Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Éric Doligé, rapporteur. Nous avons écouté avec intérêt Mme la ministre. Avec ce sous-amendement, Georges Patient place le Gouvernement dans une situation délicate. Il y a un quiproquo : « 4818 papier hygiénique » équivaut à la nomenclature 4818 10.

Comme l’a souligné Mme la ministre, ne prenons pas le risque de relancer le débat, alors que nous ne connaissons pas la position des signataires de l’accord. L’examen de ce texte par l’Assemblée nationale sera l’occasion de trouver une solution.

La commission est favorable à l’idée d’une présidence tournante, de même que le Gouvernement. Nous pourrions donc nous en tenir à cette disposition.

Monsieur Patient, il serait par conséquent préférable que vous rectifiiez votre sous-amendement pour que nous ne nous prononcions que sur le III. Dans le cas contraire, nous ne pourrions voter ce sous-amendement, car le Gouvernement ne lèvera pas le gage, ce qui pose un véritable problème financier.

Mme la présidente. La parole est à M. Georges Patient.

M. Georges Patient. Je ne suis pas le seul signataire de ce sous-amendement. Qui plus est, je représente la population et les élus guyanais. Des dispositions précises ont été prises sur une liste de vingt-trois produits. Nous sommes parvenus à un consensus et tout le monde a reconnu que la Guyane souffrait d’une distorsion de concurrence et de déséquilibres. De vingt-trois produits, nous sommes passés à huit. Aujourd’hui, il est question de passer à sept !

Certes se pose le problème du gage et je ne veux pas porter la responsabilité d’un échec. Pour autant, je rappelle que l’accord prévoit que la région Guyane fera tout son possible pour mettre fin aux actions en justice évoquées par ce projet de loi, mais les représentants de la Guyane n’ont accepté cette disposition que sur la base d’un relevé de conclusions énumérant la liste des produits retenus.

Une réunion aura lieu très prochainement et j’espère que, à cette occasion, tout rentrera dans l’ordre. Pour l’instant, la menace continue de peser.

Par conséquent, pour que nous parvenions à un compromis, je me rallie à la proposition du rapporteur et rectifie mon sous-amendement pour n’en conserver que la mesure relative à la présidence tournante.

Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un sous-amendement n° 35 rectifié bis, présenté par MM. Patient, S. Larcher, J. Gillot et Karam, et ainsi libellé :

Amendement n° 10

Alinéa 11

Rédiger ainsi cet alinéa :

« La présidence de la commission est assurée à tour de rôle par le président du conseil régional de Guadeloupe ou son représentant ou le président de l’assemblée de Guyane ou son représentant ou le président du conseil exécutif de l’assemblée de Martinique ou son représentant.

Quel est l’avis de la commission sur ce sous-amendement rectifié ?

M. Éric Doligé, rapporteur. Favorable !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme George Pau-Langevin, ministre. Favorable !

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 35 rectifié bis.

(Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 10, modifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l'article 6 est ainsi rédigé.

Article 6
Dossier législatif : projet de loi modifiant la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l'octroi de mer
Articles additionnels après l'article 6 (interruption de la discussion)

Articles additionnels après l'article 6

Mme la présidente. Les amendements nos 28, 30 et 31 ne sont pas soutenus.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures vingt-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

Articles additionnels après l'article 6 (début)
Dossier législatif : projet de loi modifiant la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l'octroi de mer
Article 7

9

Questions cribles thématiques

la forêt française

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur la forêt française

Je rappelle que l’auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée d’une minute au maximum peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe.

Je rappelle également que ce débat est retransmis en direct sur France 3 et sur Public Sénat.

La parole est à M. Alain Houpert, pour le groupe UMP.

M. Alain Houpert. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la forêt est obscure et j’espère que nos interventions laisseront filtrer quelques de rais de lumière.

Si Yannick Botrel et moi-même avons présenté, le mois dernier, au nom de la commission des finances, un rapport intitulé Faire de la filière forêt-bois un atout pour la France, c’est parce que notre pays n’est pas la puissance forestière qu’il pourrait être.

Notre travail, appuyé sur une enquête de la Cour des Comptes, a permis de démontrer que la politique forestière est aujourd’hui sans stratégie, sans pilote et sans résultats. Les cinq ministères qui mettent en œuvre un ou plusieurs volets de cette politique adoptent, chacun dans leur coin, une vision des enjeux qui leur est propre.

Ma première question, madame la secrétaire d’État, est issue de ce constat : quand et selon quelles modalités allez-vous construire un lieu de concertation et de décision interministérielle pour cette filière ? Il s’agit d’une urgence impérative pour la construction d’un pilotage stratégique de la filière, première de nos recommandations.

Par ailleurs, la France a fait le choix d’un modèle économique de pays en développement. Cette politique se reflète dans les graves déséquilibres entre l’exportation de bois brut et l’importation de produits transformés. C’est cette situation qui conduit à un déficit commercial de la filière de 6 milliards d’euros par an, soit 10 % du déficit total de la balance commerciale de notre pays. Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour rétablir l’équilibre économique de la filière ? Quel regard porte-t-il sur les sept recommandations que Yannick Botrel et moi-même avons formulées dans notre rapport ?

Je souhaite plus particulièrement, madame la secrétaire d’État, que vous nous indiquiez vos réactions sur trois de nos sept préconisations : rapprocher les interprofessions et autres organisations professionnelles ;…

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Alain Houpert. … tourner l’Office national des forêts, l’ONF, vers une logique de performance et de résultats ; réorienter les aides à l’aval, en stabilisant les soutiens au bois-énergie et en soutenant davantage le bois d’œuvre, tout particulièrement le secteur de l’ameublement made in France.

En bref, comment entendez-vous faire enfin de la filière forêt-bois un atout pour la France ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Carole Delga, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d’abord vous demander de bien vouloir excuser l’absence de Stéphane Le Foll, lequel aurait volontiers répondu à vos questions s’il n’avait dû se rendre au G20 agricole, qui se tient à Istanbul cet après-midi et demain.

Je souhaite, au nom du Gouvernement, saluer la qualité des travaux de la Cour des comptes et souligner l’intérêt de disposer, par le biais du rapport évoqué, d’une vision d’ensemble des soutiens financiers apportés à la filière bois.

Je souhaite également rappeler que le rapport porte sur la période 2006-2013 et que la Cour constate d'ores et déjà des avancées dans la politique menée par le Gouvernement depuis 2012.

S’agissant de la gouvernance de la filière forêt-bois, la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, promulguée le 13 octobre 2014, a été l’occasion de rénover les structures de gouvernance autour du Conseil supérieur de la forêt, des produits forestiers et de la transformation du bois. Ce conseil dispose en effet de compétences couvrant l’ensemble des fonctions sociales, économiques et environnementales de la forêt et des produits forestiers. En outre, il réunit l’ensemble des acteurs impliqués, publics et privés.

La loi précitée prévoir également qu’une stratégie de filière sera définie au plan national au travers du programme national de la forêt et du bois. Ce dernier est en cours d’élaboration avec l’ensemble des acteurs.

Ces travaux reprennent en particulier l’ensemble des orientations adoptées le 16 décembre dernier dans le contrat de filière, au sein du comité stratégique de filière adossé au Conseil national de l’industrie.

Le contrat de filière se caractérise par son interministérialité – ce qui est indispensable, comme vous l’avez rappelé, monsieur Houpert –, alors même que la Cour des comptes souligne souvent le manque de travail interministériel dans les politiques de la forêt et du bois menées ces dernières années. Ce contrat a ainsi été signé par la ministre chargée de l’écologie et de l’énergie, le ministre chargé de la forêt, le ministre chargé de l’industrie et la ministre chargée du logement.

M. le président. Veuillez conclure, madame la secrétaire d’État.

Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Cette stratégie nationale à dix ans sera ensuite déclinée en région.

Concernant vos sept propositions, sachez que Stéphane Le Foll et ses collaborateurs n’hésiteront pas à les examiner et à vous apporter des éléments de réponse sur chaque point évoqué.

M. le président. La parole est à M. Alain Houpert, pour la réplique.

M. Alain Houpert. Merci de votre réponse, madame la secrétaire d’État.

Nous pensons qu’un choc de simplification est nécessaire en matière de gouvernance. Par ailleurs, nous souhaitons que le contrat de filière permette de mettre en place davantage d’aides en aval, pour des produits bois made in France. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Alain Bertrand, pour le groupe du RDSE.

M. Alain Bertrand. Nous le disons tous, de nombreux rapports le soulignent, la filière bois est une filière d’avenir. Cette ressource peut servir de levier de développement aux territoires ruraux et hyper-ruraux tant en termes de création d’emploi que de valeur ajoutée.

Très concrètement, je vais m’appuyer sur un sujet que je connais, celui de la forêt lozérienne, dont l’intérêt n’est pas que de recéler des cèpes, des bécasses et autres volatiles. (Sourires.)

En Lozère, la filière bois représente 2 000 emplois. Elle est plutôt bien structurée et permet, contrairement à ce qui se passe dans certains autres départements français, de transformer localement la majeure partie des coupes lozériennes.

Cependant, depuis des années, on constate que l’on pourrait mieux utiliser le bois. Les différentes données existantes montrent une évolution qualitative positive de la forêt lozérienne. Ainsi, à la fin des années quatre-vingt-dix, environ 8 % des bois vendus étaient destinés au chauffage, 76 % étaient affectés à la première transformation sans grande valeur ajoutée et 16 % seulement à la deuxième transformation, avec une meilleure valeur ajoutée et surtout de l’emploi à la clé.

Aujourd’hui, on estime que 20 % du bois vendu est destiné à cette deuxième transformation. D’ici à 2030, c’est-à-dire demain, environ 30 % des bois lozériens commercialisés devraient faire l’objet de cette deuxième transformation.

L’enjeu, vous l’aurez compris, est la transformation locale de ce bois-construction et l’adaptation de cette petite industrie à cette ressource plus favorable. Il s’agit d’une question majeure, sachant que la deuxième transformation représente dix fois plus d’emplois. Cela représente des dizaines, des centaines d’emplois supplémentaires dans chacun des départements hyper-ruraux et forestiers.

Toutefois, plusieurs problèmes se posent.

M. le président. Merci d’évoquer ces problèmes rapidement, monsieur Bertrand ! (Sourires.)

M. Alain Bertrand. Que fait-on maintenant que le Fonds national forestier n’existe plus ? Comme nous ne replantons pas, une baisse de la production de bois-construction est à craindre.

Madame la secrétaire d’État, quelles aides à destination des PME de la filière de deuxième transformation envisagez-vous ? Quelle est la stratégie du Gouvernement pour favoriser l’investissement forestier et préparer la création de milliers d’emplois dans nos petits départements forestiers ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et de l’UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Monsieur Bertrand, comme je l’indiquais voilà quelques instants, le contrat de filière, signé par quatre ministres, a permis de définir un cadre.

Au travers de ce contrat, nous proposons une large gamme d’actions : mise en place d’outils de pilotage et élaboration de la stratégie de la filière bois ; structuration du segment industriel et du tissu entrepreneurial ; promotion et développement des emplois de la filière bois ; compétitivité par l’innovation de nos entreprises ; marketing et design pour mieux vendre nos produits bois à l’export et en France ; adaptation de l’offre de première transformation aux besoins des marchés de la seconde transformation ; sécurité des approvisionnements en bois de la filière.

En matière de financements, vous rappelez que le « Fonds bois II », consacré aux investissements dans les outils de transformation, est en cours de constitution. La participation de Bpifrance est d’ores et déjà acquise à hauteur de 25 millions d’euros et la recherche de financements privés est en cours.

Quant à l’investissement forestier, la création du Fonds stratégique de la forêt et du bois, dont l’enveloppe devrait atteindre à terme 30 millions d’euros, va se combiner à l’extension du fonds chaleur à la mobilisation du bois-énergie – pour la première fois, 30 millions d’euros sont consacrés cette année à l’alimentation en bois de la production énergétique.

Nous avons également souhaité mettre en place un nouveau compte d’investissement forestier et d’assurance, qui permettra, à travers des mesures fiscales, de dynamiser la mobilisation et de soutenir la transformation du bois sur notre territoire, gage de création d’emplois dans les territoires ruraux et hyper-ruraux qui vous sont chers.

M. le président. La parole est à M. Alain Bertrand, pour la réplique.

M. Alain Bertrand. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, ainsi que M. le ministre de l’agriculture, de l’ensemble de ces précisions.

Un vrai dispositif et une véritable stratégie ont bel et bien été mis en place. Je vous demanderai toutefois de faire en sorte que les préfets soient les chefs d’orchestre de cette stratégie dans les territoires, les interlocuteurs des investisseurs privés et publics. De cette manière, les entrepreneurs pourront s’adresser à une sorte de guichet unique à même de leur indiquer quelles sont les cordes dont notre arc dispose pour mettre enfin en valeur nos forêts et nos entreprises forestières, et ainsi créer de l’emploi.

Je suis satisfait de cette réponse, mais tâchons de progresser encore sur l’aspect fonctionnel, car nos entrepreneurs et propriétaires forestiers sont un peu perdus. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour le groupe écologiste.

M. Joël Labbé. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous nous retrouvons aujourd’hui pour cette session de questions cribles thématiques sur la forêt française.

Nous avons pris connaissance du rapport de nos collègues de la commission des finances intitulé Faire de la filière forêt-bois un atout pour la France.

Si le diagnostic qu’il pose est fort intéressant, je déplore que ce rapport aborde la problématique de la forêt française d’une manière essentiellement comptable. Il recommande notamment une recomposition de la forêt vers les résineux au regard de la demande.

Cette approche comptable de court terme doit être revue afin de prendre en compte les aspects non seulement économiques – ceux-ci, bien évidemment, ont aussi leur importance aux yeux des écologistes –, mais aussi écologiques, notamment la biodiversité et le stockage naturel du carbone.

On doit envisager d’innover en associant des essences à plus haute valeur ajoutée économique et en renforçant les aménités environnementales. Il est grand temps de repenser la forêt dans toute sa diversité, en tant que milieu vivant, et de remettre en cause les coupes à blanc systématiques, nuisibles pour les sols et leur structure et très émettrices de carbone. La qualité et la santé de nos forêts auraient tout à y gagner.

Une parcelle forestière gérée durablement permet au sol de jouer son rôle de puits de carbone, objectif affiché par la France, notamment son ministre de l’agriculture, en vue de la COP 21, la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques de Paris, au travers du projet de recherche international « 4 pour 1000 » : il s’agit de développer la recherche agronomique, afin d’améliorer les stocks de matière organique des sols de 4 pour 1000 par an. Une telle augmentation permettrait de compenser, à l’échelle mondiale, l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre de la planète. C’est dire si la forêt végétale et le sol de cette forêt ont un rôle essentiel à jouer.

Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous indiquer quelle est la position du Gouvernement en matière de gestion des forêts françaises, pour garantir une cohérence de l’exploitation et une amélioration des aménités environnementales en termes de biodiversité et de stockage du carbone dans les sols forestiers ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du RDSE et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Monsieur Labbé, je tiens à vous rassurer : dans le respect de nos engagements européens et internationaux, la gestion durable est le principe de base qui guide la politique forestière nationale.

La récente loi d’avenir a d’ailleurs rappelé ce principe en reconnaissant d’intérêt général la protection et la mise en valeur des bois et forêts, ainsi que le reboisement dans le cadre d’une gestion durable.

L’importance des aménités forestières, que ce soit en termes de biodiversité, de lutte contre le réchauffement climatique ou de fonctions récréatives, est régulièrement réaffirmée. Le programme national de la forêt et du bois, en cours d’élaboration, en sera la traduction concrète pour les dix prochaines années. Pour autant, il ne faut pas perdre de vue que, à ce jour, seules la production de bois et la chasse sont génératrices de recettes et permettent aux propriétaires publics ou privés d’entretenir leurs forêts et d’y investir.

La forêt n’a jamais cessé d’être pensée comme un milieu vivant. La coupe rase ou à blanc ne signifie pas forcément destruction de la biodiversité ou appauvrissement des sols. Il est question de mesure ; il est question de savoir bien gérer la forêt.

Pour ce qui concerne les enjeux climatiques, la forêt et l’agriculture seront au cœur des négociations de la prochaine COP 21, conformément à la volonté affirmée à plusieurs reprises par Stéphane Le Foll.

La forêt et les terres ont un rôle très important à jouer dans l’atteinte des objectifs ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre. La dynamisation de la sylviculture – visée partagée par France Nature Environnement – et l’agronomie peuvent fortement contribuer à l’atteinte de cet objectif.

C’est à cette fin que Stéphane Le Foll a engagé le programme de recherche international « 4 pour 1 000 », qui se fonde sur le constat suivant : une augmentation de quatre millièmes de la teneur en matière organique des sols permettrait de compenser les émissions annuelles mondiales de CO2. Enfin, le programme national de la forêt et du bois devra trouver un équilibre entre une nécessaire valorisation économique de notre patrimoine forestier, très largement sous-exploité, puisque 20 % à 30 % seulement de la production annuelle sont prélevés, et la préservation de la biodiversité et des autres fonctions environnementales de nos forêts, comme l’épuration de l’eau.

Nous serons donc mobilisés et attentifs, pour une gestion durable de l’ensemble de nos forêts.

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour la réplique.

M. Joël Labbé. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de vos éclaircissements, nécessaires lorsque la forêt devient trop étouffante. (Sourires.)

De nombreux aspects n’ont pas été abordés concernant les enjeux liés à l’arbre et la forêt : la préservation et l’entretien de la haie bocagère, qui joue un rôle essentiel, le développement de l’agroforesterie et, enfin, un domaine essentiel, qui fait la grande richesse de notre patrimoine forestier et dont on parle trop peu, les forêts primaires équatoriales.

En conclusion, n’oublions pas que la gestion forestière est du domaine du temps long. Que la forêt vivante puisse dans son profond silence et l’immensité de son mystère nous réapprendre ce que sont patience et longueur de temps… (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur les travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron, pour le groupe socialiste.

Mme Françoise Cartron. Votée à la rentrée 2014, la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt a rénové la gouvernance de notre politique forestière.

Que le secteur forestier soit enfin reconnu pour ce qu’il est, à savoir une composante économique et sociale essentielle à l’équilibre des territoires : telle était l’ambition affichée.

Plusieurs rapports ayant dressé un bilan très mitigé de la filière bois en France, le Gouvernement n’a pas attendu pour agir.

Afin de renforcer la compétitivité de la filière, le plan national d’action pour l’avenir des industries du bois viendra définir un cadre stratégique pour la filière sur le long terme.

Madame la secrétaire d’État, ce plan national, qui sera finalisé prochainement avec une déclinaison régionale, doit redynamiser l’exploitation forestière de la forêt privée, en encourageant la contractualisation, afin, notamment, de sécuriser les approvisionnements de l’industrie du sciage. C’est une avancée reconnue.

Nous nous félicitons également de la signature par quatre ministres, le 16 décembre dernier, du contrat de filière bois, qui a permis de réunir autour d’une même table l’ensemble des grands acteurs de la filière, pour pouvoir mettre en œuvre une véritable stratégie à long terme.

Hier, sur le salon des élus locaux d’Aquitaine, auquel vous avez participé, monsieur le président, j’ai été interrogée sur la problématique des petites et moyennes scieries, dont la survie est aujourd’hui remise en cause, tout particulièrement en Gironde et dans les Landes.

Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous réaffirmer la détermination du Gouvernement à soutenir les scieurs locaux, dont les capacités financières sont limitées, notamment par rapport aux groupes papetiers internationaux ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Le secteur de la première transformation du bois connaît les mêmes évolutions que l’agriculture avec une baisse continue du nombre de scieries et une tendance à la concentration, avec la création de grosses unités, surtout pour ce qui concerne les résineux. Depuis trente ans, la scierie française a ainsi perdu chaque année une centaine d’unités, soit près de 3 500, en particulier en feuillus, qui représentent pourtant la majorité de notre peuplement forestier.

Les raisons le plus souvent évoquées de cette concentration par les professionnels sont l’absence de repreneurs, les problèmes de succession, le manque de rentabilité et les contraintes administratives et normatives.

Les scieries artisanales, qui produisent seulement 7 % du volume des sciages, restent majoritaires, avec 60 % des installations. Quant aux scieries industrielles, elles représentent 18 % des installations, mais 77% du volume des sciages.

Nos plus grosses scieries résineuses restent toutefois dans la moyenne des unités allemandes ou autrichiennes. En marge des grands courants d’affaires, le secteur artisanal des petites et moyennes scieries tire son épingle du jeu en s’employant dans le sur-mesure demandé par les artisans, les négoces de ville, ou les particuliers, de plus en plus nombreux. Il faut s’atteler à maintenir cette dynamique.

Le maintien d’un tissu de scieries de toutes dimensions est essentiel pour la continuité de l’activité dans nos territoires ruraux et l’économie de l’ensemble de la filière. Deux leviers peuvent être activés pour améliorer la compétitivité de ces installations : la réduction des charges sociales et la contractualisation. Le chantier de l’allégement des charges sociales et fiscales dans le secteur de la forêt et des industries du bois est largement engagé avec le pacte de responsabilité et de solidarité, et l’effort se poursuivra en 2016 et 2017 pour être porté à 598 millions d’euros en 2017, dont 219 millions d’euros de crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.

La contractualisation entre les propriétaires forestiers publics et privés et les entreprises de transformation doit permettre de réduire les temps de prospection, de sécuriser les approvisionnements et de limiter les variations de prix. C’est l’une des actions promues par le comité stratégique de la filière bois, avec l’intervention d’un médiateur.

Oui, le Gouvernement est mobilisé pour que les scieries artisanales puissent continuer à exister et à se développer de nouveau après avoir connu des années difficiles. C’est une nécessité pour nos massifs forestiers, nos territoires et l’ensemble de l’économie de proximité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron, pour la réplique.

Mme Françoise Cartron. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de cet encouragement aux scieries artisanales, qui sont indispensables à notre territoire.

Aujourd'hui, avec la fin de l’exploitation des bois de tempête, les industriels papetiers recourent pour leur approvisionnement à des rondins bruts ou des billons de sciage, ce qui vient déstabiliser l’approvisionnement des petites scieries.

De plus, le déséquilibre annoncé entre ressource et demande a entraîné une hausse du prix du bois qui affecte directement les industriels de la filière et pénalise les scieries, dont les capacités financières sont limitées par rapport à celles des groupes papetiers internationaux.

Oui, ces petites scieries ont besoin d’un soutien. C’est une priorité. Je remercie le Gouvernement de l’attention qu’il pourra porter à ce secteur économique, qui joue un rôle extrêmement important dans nos territoires ruraux.

M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, pour le groupe communiste, républicain et citoyen.

M. Michel Le Scouarnec. Depuis plusieurs années, notre forêt fait l’objet d’une spéculation, sans que personne ne semble appréhender réellement la mesure des dégâts occasionnés.

En effet, la forêt est devenue une valeur refuge, qui suscite beaucoup d’appétit de la part des investisseurs privés, lesquels n’ont que peu de considération pour l’écosystème forestier, pourtant fragile. Cela touche en particulier les massifs de résineux. Ainsi, en les couvrant en monoculture avec des essences comme le Douglas, dont la rentabilité est forte, le risque d’une baisse systématique de l’âge d’exploitabilité des forêts et d’une atteinte à la biodiversité est avéré.

Pourtant, notre forêt représente un atout majeur pour notre pays avec la mise en œuvre de la transition énergétique. Il ne faut pas omettre non plus la potentialité de ressources supplémentaires pour les exploitants agricoles. En effet, la transformation du bois peut être largement valorisée au travers de la construction, des chaufferies bois ou des plaquettes. Tout cela contribue à l’aménagement du territoire, à la beauté des paysages et à l’amélioration de la qualité de vie.

De plus, les élus ne peuvent faire face aux opérations d’acquisition menées par des fonds d’investissement qui contournent la législation, notamment le droit de préférence mis en place pour lutter contre le morcellement de la forêt privée. Car le plafond de 4 hectares ne s’applique que sur la totalité de la superficie de toutes les parcelles vendues. Ainsi, si l’ensemble fait plus de 4 hectares, le droit de préférence ne s’applique pas.

Notre forêt a besoin de maîtrise pour toutes ses composantes : de la production à la diversité des essences, en passant par les coûts. Elle est une richesse nationale qui ne doit pas être accaparée par les grands groupes nationaux, voire internationaux, ou par des pays tels que la Chine, qui fait le commerce des grumes de bois.

Il est dommage que l’État se désengage de la gestion forestière en imposant à l’ONF des contraintes financières disproportionnées et des missions éloignées de sa vocation première. C’est pourquoi je vous demande, madame la secrétaire d’État, quelles mesures vous comptez prendre pour protéger la multifonctionnalité de la forêt française dans son ensemble. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. –M. Jean-Louis Carrère applaudit également.)