Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avant de revenir sur les interrogations et les doutes de M. le rapporteur, dont je salue l’honnêteté intellectuelle et l’intégrité de la réflexion, je tiens à répondre à M. Mercier.

Jusqu’à maintenant – pardon de vous le faire remarquer, monsieur le sénateur –, les débats avaient une haute tenue. Pour certains, à vous entendre, tels gouvernements feraient des choses horribles et tels autres apporteraient la lumière. Sachez que, ni par distraction ni même en faisant des efforts, je ne pourrais avoir une pensée binaire ; je ne sais tout simplement pas raisonner ainsi.

J’ai rappelé que la nécessité de réformer la carte judiciaire avait été reconnue par tous et que des propositions avaient été avancées par le milieu judiciaire lui-même, en particulier par des chefs de cour, mais qu’elles n’avaient pas été prises en compte. J’ai rappelé également quelles avaient été les conclusions du rapporteur public du Conseil d’État. Je n’ai donc porté aucun jugement de valeur ; je me suis borné à souligner des faits.

M. Michel Mercier. C’est aussi ce que j’ai fait !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’ai rappelé enfin que, ayant eu le sentiment, en tant que parlementaire, qu’il était nécessaire d’apporter très rapidement des corrections à cette réforme, et ayant entrepris d’y travailler, j’avais vu les personnels de la justice me demander de ne plus toucher à la carte et choisi de les exaucer.

Je n’ai donc intenté nul procès à l’ancien gouvernement.

Je ne vous ai jamais accusé, monsieur Mercier, de ne pas avoir ouvert de juridictions. Et pour cause : j’étais présente à l’inauguration de la cour d’appel de Cayenne !

M. Jean-Claude Luche. Merci, monsieur Mercier !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’étais d’autant plus heureuse, ce jour-là, que je me battais depuis quinze ans pour l’obtenir.

M. Michel Mercier. Quinze ans plus tôt, je n’étais pas ministre !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous avez affirmé que, vous, n’en aviez pas créé pour des amis politiques. Rien qu’une demi-phrase, mais profondément polémique.

Trêve d’allusions : parlons-nous franchement ! Vous avez à l’esprit, je suppose, le rétablissement du tribunal de grande instance de Tulle.

M. Michel Mercier. C’est moi qui ai commencé à le rétablir !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vraiment, monsieur Mercier ? Dans ce cas, quel est le sens du reproche que vous nous adressez ? Si vous aviez envisagé de rétablir ce tribunal, c’est bien qu’il était justifié de le faire ! N’accusez donc pas celle qui en a eu le temps d’avoir agi en faveur d’un ami politique. Au reste, ce n’est pas un ami politique, c’est le Président de la République ; je pense que, au Sénat, on sait respecter la fonction présidentielle et les institutions.

À la vérité, le tribunal de grande instance de Tulle était la juridiction dont le rétablissement était le plus justifié. Songez que Tulle était, sur l’ensemble du territoire hexagonal et des outre-mer, le seul chef-lieu qui ait perdu son tribunal de grande instance lors de la réforme de la carte judiciaire menée en 2008,…

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … malgré la présence dans cette ville d’une maison d’arrêt, d’un conseil général et d’un service pénitentiaire d’insertion et de probation, et en dépit d’une activité supérieure à celle du tribunal de grande instance de Brive-la-Gaillarde, tant en matière pénale qu’en matière civile !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Il n’est pas nécessaire de se mettre en colère !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avec cela, monsieur Mercier, vous avez l’audace de prétendre que ce rétablissement, qui n’est pas le seul auquel j’aie procédé, aurait été motivé par des amitiés politiques !

M. Michel Mercier. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’ai donc eu tort de le comprendre ainsi, mais je crois que d’autres l’ont compris de même.

M. Jean-Pierre Sueur. Nous l’avons tous compris ainsi !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Non pas, monsieur Sueur !

M. Michel Mercier. J’ai dit que vous n’aviez pas été la seule à rétablir des juridictions !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Mercier, le compte rendu de la séance fera autorité. Voilà, en tout cas, la vérité rétablie !

En ce qui concerne les greffes, vous savez mieux que quiconque qu’il y a une différence entre les conséquences résultant, par exemple, du transfert d’une juridiction, qui sont ponctuelles et localisées, et un dispositif de mutualisation générale.

La réponse à la première situation existe déjà : c’est la circulaire de localisation des emplois, la CLE. Le transfert entraîne évidemment des affectations différentes. Je rappelle, au demeurant, que c’est le garde des sceaux qui procède aux affectations, après avis de la commission administrative paritaire.

La position adoptée par la commission fait fi des dispositions du code de l’organisation judiciaire comme des dispositions réglementaires applicables en la matière.

Monsieur le rapporteur, vous regrettez que la procédure accélérée ait été engagée.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. À juste raison !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous regrettons tous la procédure accélérée chaque fois qu’elle est mise en œuvre. Dans le même temps, nous regrettons tous la lenteur et la longueur de la navette parlementaire ! Ainsi, vous avez déploré tout à la fois l’engagement de la procédure accélérée et le fait qu’un texte qui a été débattu au Sénat n’ait jamais été inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.

Le problème n’est pas simplement de savoir si le Gouvernement a eu raison ou tort de recourir à la procédure accélérée. Une réflexion est nécessaire sur le fonctionnement des assemblées. Songez, mesdames, messieurs les sénateurs, que la durée moyenne d’examen d’un texte de loi, hors procédure accélérée, est pratiquement d’une trentaine de mois !

M. Charles Revet. Cela dépend des gouvernements !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Dans une démocratie, légifère-t-on bien lorsque l’on met près de deux ans et demi pour adopter un texte de loi ?

M. Roland Courteau. Certainement pas !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je pense que nous devons réfléchir à cette situation.

Monsieur le rapporteur, vous qui êtes un sénateur aguerri et qui avez été le rapporteur de plusieurs textes importants, vous savez bien que, en cas d’engagement de la procédure accélérée, une méthode de travail est adoptée avec profit, une méthode qui, d’ailleurs, fait honneur à l’intelligence parlementaire : pour que la qualité du travail soit préservée, les rapporteurs des deux assemblées se rencontrent lors de séances de travail auxquelles la Chancellerie s’associe chaque fois qu’ils le désirent et au niveau qu’ils jugent utile – le plus souvent au niveau de l’administration et du cabinet, parfois du cabinet seul – et auxquelles participent aussi, dans certains cas, les responsables des groupes politiques pour le texte en discussion. Vous n’avez donc pas lieu de craindre que votre proposition ne disparaisse complètement.

Je vous répète, monsieur le rapporteur, quelque respect que je vous porte, que le dispositif adopté par la commission contrevient à des dispositions en vigueur et que son maintien risquerait de mettre à mal l’organisation des juridictions. En particulier, vous proposez d’attribuer le pouvoir d’affectation au seul président de la juridiction. Il n’est pas anodin que le deuxième chef de juridiction n’y soit pas associé, non plus que le directeur des greffes et les chefs de cour. Ce sont pourtant ces derniers qui négocient la CLE avec la direction des services judiciaires et donc discutent avec elle des besoins en effectifs et des vœux d’affectation. Lourde de conséquences serait leur exclusion de la décision !

Voilà pourquoi je me permets de vous demander une nouvelle fois avec insistance de renoncer à votre position, dans l’intérêt de la bonne organisation et du bon fonctionnement de nos juridictions et du traitement le plus respectueux, le moins douloureux possible, des personnels de greffe. Je le réaffirme publiquement devant vous, la Chancellerie se tiendra à vos côtés, si vous le souhaitez, pour des séances de travail avec vos collègues de l’Assemblée nationale, afin d’approfondir une question qui, je le rappelle, est en cohérence avec ce qui était prévu dans votre rapport, à cette réserve que les étapes suivantes ne sont pas encore envisagées.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Madame la garde des sceaux, permettez-moi de vous dire que je ne vous comprends pas. Vous voulez que nous légiférions vite et, dans le même temps, vous réclamez de pouvoir agir lentement. Cela a été le cas pour les tribunaux du contentieux social. C’est aussi le cas pour, disons-le, cette petite disposition.

Je rends hommage à la passion avec laquelle vous défendez la position du Gouvernement, mais il faut ramener les choses à leur juste proportion. L’article 13 bis vise seulement, dans l’intérêt d’une meilleure administration de la justice, à autoriser le président du tribunal de grande instance à affecter les fonctionnaires des greffes à une autre juridiction située dans la même ville. Voilà le contenu exact d’un article que la commission des lois a adopté sur la proposition de son rapporteur. Ce n’est tout de même pas une révolution !

Le Gouvernement se plaint de la lenteur du travail parlementaire. L’existence du Sénat vous gêne-t-elle ? Pourtant, vous avez pu constater avec la loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne, qui a été adoptée cet été, le risque que vous preniez à vouloir légiférer trop vite : la censure du Conseil constitutionnel a touché plus d’une dizaine d’articles, considérant qu’ils ne présentaient aucun lien avec l’objet du texte. C’est à juste titre que le Conseil constitutionnel ne l’a pas admis !

La question n’est pas de légiférer vite, mais de légiférer bien ! Pour cela, il faut laisser à la navette parlementaire le temps nécessaire pour que le « tamis » des délibérations des deux assemblées permette d’éviter les erreurs. Si nous avions eu une véritable navette parlementaire sur cette disposition, je suis convaincu que nous aurions pu l’améliorer. C’est faute d’une vraie navette que nous sommes obligés, nous aussi, d’introduire dans le texte que nous sommes chargés d’adopter des dispositions qui nous paraissent utiles et qui permettent de rehausser l’ambition de votre propre réforme. En changeant l’intitulé de ce texte, nous avons d’ailleurs voulu souligner que cette ambition nous paraissait insuffisante.

Madame la garde des sceaux, nous cherchons non pas à vous rallier à notre point de vue, mais à vous faire admettre, en ramenant cette disposition à sa juste proportion, que nous pouvons l’adopter. Il ne s’agit en effet que d’une modeste étape vers une meilleure gestion de nos tribunaux, au travers de la mutualisation limitée – à l’intérieur d’une même ville, je le répète – des moyens humains des différents greffes de juridictions qui se situent dans le périmètre du tribunal de grande instance. Je me permets à mon tour d’insister sans véhémence, croyez-le bien, non seulement pour que notre assemblée puisse adopter cette disposition, mais aussi pour que vous puissiez vous-même l’accepter.

Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Pardon de prolonger les débats, mais les enjeux sont essentiels.

Je vous entends dire, monsieur le président de la commission, que je défends le Gouvernement.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. C’est tout à fait normal !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Oui, c’est ce qu’il me semble.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Je ne vous en ai d’ailleurs pas fait grief !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le sujet qui nous intéresse n’est pas le Gouvernement, mais le traitement que l’on entend réserver aux personnels de justice.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. On ne les force pas à déménager !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais cela peut tout à fait advenir.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Mais non !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. La disposition que vous défendez s’applique à une ville, et non à un petit territoire rural que l’on peut traverser d’un bout à l’autre en dix minutes de marche.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Et alors ? La prolongation du temps de trajet ou la réorganisation d’un quotidien modifié par l’impossibilité de rentrer chez soi le midi entraînera des bouleversements qui seront loin d’être matériellement et financièrement indolores pour les personnels, notamment les fonctionnaires de catégorie C. L’article 13 bis n’est donc pas sans conséquence !

Monsieur le président de la commission, je ne m’autorise pas à considérer qu’adopter une disposition qui est contraire à l’organisation actuelle des tribunaux est une petite affaire. Vous accordez au président du tribunal de grande instance le pouvoir de mutualiser les greffes de toutes les juridictions de son ressort,…

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Exactement !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … c’est-à-dire du tribunal d’instance, du conseil des prud’hommes et du tribunal de grande instance. Vous lui octroyez donc, et à lui seul, ce pouvoir sans considération pour la responsabilité qui incombe au procureur en tant que chef d’établissement, sans considération non plus pour celle du directeur des greffes ou des chefs de cour. C’est de tout de même de cela qu’il s’agit !

Je ne porte pas de jugement de valeur. Je dis juste que, lorsque vous venez nous dire que la procédure accélérée nous oblige à aller trop vite et qu’il faudrait disposer d’un peu de temps, s’agissant des juridictions sociales, vous allez vous-même très vite. En effet, vous rédigez un article 8, qui compte pratiquement une dizaine de pages, visant à résoudre dans le moindre détail – il vaut mieux cela d’ailleurs, car c’est très bien pour la loi – le problème des juridictions sociales.

D’un côté, vous souhaitez que l’on renonce à la procédure accélérée pour pouvoir prendre le temps et, de l’autre, vous accélérez considérablement les choses en rédigeant à la virgule près toutes les dispositions relatives à un sujet aussi important que les juridictions sociales. Je pourrais moi aussi relever cette contradiction, mais je ne veux pas jouer à ce jeu : j’ai trop de respect pour le Parlement et pour les textes de loi.

S’il m’arrive souvent de prolonger les débats – à mon grand regret et très probablement encore davantage au vôtre –, c’est parce qu’il me semble qu’un tel respect doit prévaloir. En effet, une fois que ces textes ont été adoptés, ils s’imposent dans le quotidien de nos concitoyens. Nous, nous y échappons souvent et ne sommes pas toujours concernés par les effets qu’ils induisent.

C’est parce que je suis extrêmement soucieuse de l’exactitude, de la portée et des effets d’un texte de loi que je me permets d’insister sur ce point : ce n’est pas une petite affaire ! C’est l’affaire des personnels travaillant dans ces juridictions qui peuvent à tout moment être déplacés sans qu’aucun dialogue social ait été engagé, sans que l’on ait pris de dispositions en vue d’amortir les effets liés à ces mesures, et ce en totale contradiction avec l’organisation actuelle de nos juridictions.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 223.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 37 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l’adoption 155
Contre 186

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'article 13 bis.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 38 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l’adoption 187
Contre 155

Le Sénat a adopté.

Chapitre III

Simplifier la transmission des procès-verbaux en matière pénale

Article 13 bis (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de la justice du XXIème siècle
Article 14 (interruption de la discussion)

Article 14

L’article 19 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « certifiée conforme » sont supprimés ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Si les procès-verbaux ont fait l’objet d’une dématérialisation, le procureur de la République peut autoriser que ceux-ci ou leur copie lui soient transmis sous la forme d’un document numérique, le cas échéant par un moyen de communications électroniques. » – (Adopté.)

Article 14 (début)
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Discussion générale

9

Nomination d’un membre d’un organisme extraparlementaire

Mme la présidente. La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.

La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.

En conséquence, cette candidature est ratifiée, et je proclame M. Jean Bizet membre du Conseil supérieur de l’aviation civile.

M. Daniel Chasseing. Très bien !

10

Dépôt d'une proposition de résolution

Mme la présidente. Lors de sa réunion du 7 octobre dernier, la conférence des présidents a décidé l’inscription à l’ordre du jour de la séance du lundi 16 novembre 2015, à 16 heures 30, sous réserve de son dépôt et du respect du délai d’information préalable du Gouvernement, de la proposition de résolution visant à affirmer le rôle déterminant des territoires pour la réussite d’un accord mondial ambitieux sur le climat, présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution.

Cette proposition de résolution a été déposée aujourd’hui.

Elle a été aussitôt communiquée à M. le Premier ministre.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Claude Bérit-Débat.)

PRÉSIDENCE DE M. Claude Bérit-Débat

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

11

Article 14 (interruption de la discussion)
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Article 15

Justice du XXIe siècle

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. Nous reprenons la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIe siècle.

Nous poursuivons l’examen du texte de la commission..

Chapitre IV

Dispositions améliorant la répression de certaines infractions routières

Discussion générale
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Articles additionnels après l’article 15

Article 15

I (Non modifié). – Le code de la route est ainsi modifié :

1° Au troisième alinéa de l’article L. 130-9, après la seconde occurrence du mot : « automatisé », sont insérés les mots : « ou, lorsqu’elles concernent des contraventions de la cinquième classe, effectuées par procès-verbal revêtu d’une signature numérique ou électronique » ;

2° Le I de l’article L. 221-2 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est remplacé par cinq alinéas ainsi rédigés :

« Le fait de conduire un véhicule sans être titulaire du permis de conduire correspondant à la catégorie du véhicule considéré est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende, lorsque :

« 1° Il a été constaté par procès-verbal que ce fait a déjà été commis au cours des cinq années précédentes ;

« 2° Le conducteur a été condamné, par une décision définitive, au cours des cinq années précédentes pour les délits d’homicide ou de blessures involontaires prévus aux articles 221-6-1, 222-19-1 ou 222-20-1 du code pénal ;

« 3° Il s’agit d’un transport de personnes ou de marchandises relevant des dispositions de la troisième partie législative du code des transports ;

« 4° Le conducteur a commis concomitamment une contravention de la cinquième classe ou un délit prévu par le présent code en matière de respect des vitesses maximales autorisées. » ;

b) (nouveau) Au dernier alinéa, la référence : « deuxième alinéa » est remplacée par la référence : « sixième alinéa » ;

3° Le I de l’article L. 324-2 est ainsi modifié :

a) Au début, sont ajoutés les mots : « Lorsqu’il a été constaté par procès-verbal que ce fait a déjà été commis au cours des cinq années précédentes, » ;

b) Après les mots : « puni de », sont insérés les mots : « deux mois d’emprisonnement et ».

II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

(Supprimé)

2° Le 1° de l’article 230-6 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après le mot : « classe », sont insérés les mots : « , y compris celles pouvant donner lieu à la procédure de l’amende forfaitaire, » ;

b) Il est ajouté un c ainsi rédigé :

« c) Une violation du code de la route lorsque la loi prévoit que ces faits sont susceptibles de constituer un délit si la personne a commis les mêmes faits au cours des cinq années précédentes ; »

(Supprimé)

4° L’article 529-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour les contraventions de la cinquième classe, le montant de l’amende forfaitaire est de 500 € et le montant de l’amende forfaitaire majorée de 750 €. » ;

5° L’article 529-7 est ainsi modifié :

a) (Supprimé)

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Le montant de l’amende forfaitaire minorée pour les contraventions de la cinquième classe est de 400 €. » ;

6° Après le sixième alinéa de l’article 529-10, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque l’avis d’amende forfaitaire concerne les contraventions de conduite sans permis ou de conduite sans assurance prévues au code de la route, la requête en exonération prévue à l’article 529-2 du présent code ou la réclamation prévue à l’article 530 n’est recevable que si elle est adressée, selon les modalités prévues au premier alinéa du présent article, en étant accompagnée du document mentionné au 2°. »

III (Non modifié). – Au début du premier alinéa de l’article L. 211-27 du code des assurances, sont ajoutés les mots : « Les amendes forfaitaires et ».

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 66 rectifié ter est présenté par MM. Grand, Savary, Laufoaulu, Joyandet et Revet, Mme Imbert, M. D. Laurent, Mmes Duchêne, Gruny et Deromedi, MM. Charon, Mandelli, Reichardt, G. Bailly, Chaize, Lefèvre, Houpert, Pierre, Danesi, Masclet et Mouiller et Mme Troendlé.

L'amendement n° 220 est présenté par le Gouvernement.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. - Supprimer cet article.

II. - En conséquence, chapitre IV du titre III

Supprimer cette division et son intitulé.

La parole est à Mme Pascale Gruny, pour présenter l’amendement n° 66 rectifié ter.

Mme Pascale Gruny. L’article 15 contient des dispositions censées améliorer la répression de certaines infractions routières.

Il prévoit de transformer en contraventions de la cinquième classe les délits de défaut de permis de conduire et de défaut d’assurance qui seront forfaitisées, lorsque ces faits seront constatés pour la première fois, et sauf dans certaines circonstances.

Ainsi, les automobilistes dits « primodélinquants » ne passeraient plus devant le tribunal pour ces délits particulièrement graves, alors que la France a connu, en 2014, sa première hausse de la mortalité sur les routes depuis 2002.

Or le défaut d’assurance et, surtout, le défaut de permis de conduire sont des infractions particulièrement graves. Nous nous réjouissons tous chaque fois que l’on enregistre une baisse du nombre des accidents, mais cette tendance reste toujours fragile. Par conséquent, adopter cet article et contraventionnaliser ainsi certains délits routiers, ce serait envoyer un mauvais message. Au contraire, il faut être très dur avec les délinquants de la route qui non seulement se mettent eux-mêmes en danger, mais mettent également les autres usagers en danger.

C’est pourquoi nous proposons de supprimer cet article.

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, pour présenter l’amendement n° 220.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Le Gouvernement propose également de supprimer l’article 15 du projet de loi, conformément à un engagement que j’ai pris publiquement voilà plusieurs semaines.

Initialement, dans le cadre de la réorganisation des contentieux et afin également de permettre aux magistrats et aux greffiers de se concentrer sur leurs missions juridictionnelles, nous avions envisagé de contraventionnaliser les délits de défaut de permis de conduire et de défaut d’assurance, lorsque ces faits sont constatés la première fois et sauf dans certaines circonstances, délits qui, dans 88 % des cas, font l’objet non pas d’une audience correctionnelle, mais d’une ordonnance pénale donnant lieu à une amende.

La moyenne des amendes qui ont été prononcées sur l’ensemble du territoire varie entre 250 euros et 450 euros – nous avons toutefois trouvé le cas d’une amende de 108 euros et celui d’une amende de 1000 euros.

Le délai moyen de traitement de ces délits, quant à lui, varie de sept à quatorze mois, pour un taux de recouvrement faible.

Voilà pourquoi nous avions décidé de transformer le défaut de permis ou d’assurance, lorsque ces faits sont constatés la première fois, en une contravention de la cinquième classe assujettie à la procédure de l’amende forfaitaire. Ces infractions auraient été constatées par procès-verbal électronique et punies d’une amende forfaitaire de 500 euros.

En revanche, en cas de récidive, le délit demeurait et la peine encourue passait de un an à trois ans de prison et l’amende encourue de 3 750 euros à 35 000 euros, ce qui a fait l’objet de discussions au Conseil d’État.

Je précise que la mesure que nous proposions n’était pas nouvelle, puisque, entre 1985 à 2004, pendant une vingtaine d’années donc, ces deux infractions étaient de nature contraventionnelle.

Nous avons étudié les chiffres de la sécurité routière – notre préoccupation première – au cours de cette période et nous n’avons observé aucune augmentation de la mortalité. Au contraire, les chiffres ont connu une tendance à la baisse en raison de la politique très volontariste menée dans ce pays pour faire reculer l’insécurité routière.

En conclusion, quel que soit le régime de sanction – délit ou contravention pour la première infraction –, on n’a observé aucun facteur d’aggravation de l’insécurité routière.

Nous avons étudié la situation dans d’autres pays de l’Union européenne – Royaume-Uni, Pays-Bas, Danemark, Suède –, pays dans lesquels ces infractions sont de type contraventionnel. Ceux-ci obtiennent des résultats sensiblement meilleurs que les nôtres en matière de sécurité routière.

Nous avons évidemment eu le souci de rendre efficace la sanction du défaut de permis et du défaut d’assurance, mais aussi de dégager du temps pour la surveillance et la prévention. Les chiffres de l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière l’attestent : l’efficacité en matière de sécurité routière tient surtout aux actions qui sont menées dans ces deux domaines.

Des travaux parlementaires émanant tant de l’Assemblée nationale que du Sénat ont montré que cette contraventionnalisation rendait la sanction plus efficace.

Il se trouve que cette proposition du Gouvernement a suscité un émoi, que nous comprenons sans difficulté. Nous-mêmes avons fait montre d’une grande prudence au cours de ce travail préparatoire qui s’est étalé sur sept à huit mois et qui a notamment impliqué le délégué interministériel à la sécurité routière. En effet, parce que nous savons la dimension psychologique de cette infraction, nous avons veillé à ce que la réponse pénale qui doit y être apportée soit à la fois cohérente avec la politique menée par le Gouvernement en la matière et acceptable socialement en ne heurtant pas la sensibilité de la société.

J’ai moi-même reçu les représentants des associations de victimes, avec lesquelles nous travaillons régulièrement. D’une façon générale, au terme des deux heures de réunion, ils ont reconnu que le système que nous proposions était plus efficace et bien conçu. Néanmoins, ils ont souligné que, tel qu’il avait été présenté à la fin du mois de juillet par les médias, il donnait à penser que les deux délits concernés feraient l’objet d’une sanction moindre du fait de leur contraventionnalisation ; la mesure semblait plus clémente. Une seule association s’est déclarée favorable au maintien de ce mécanisme.

Tenant compte de l’émoi de ces associations, j’ai donc pris l’engagement de vous soumettre un amendement de suppression de ladite disposition, tout en leur réaffirmant avec honnêteté qu’une telle mesure me paraît plus efficace, car elle permettrait aux forces de police et de gendarmerie de se rendre disponibles pour exercer des missions de surveillance et de prévention. Et je réitère mon propos devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs.

En la matière, il est important que la société comprenne qu’il n’y a aucune baisse ni d’exigence ni de vigilance ; elle doit déceler dans la sanction de telles infractions un souci d’efficacité. Tel ne semblant pas être le cas, au nom du Gouvernement, je vous présente donc cet amendement de suppression.