M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 98 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 232, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Les articles 77-2 et 77-3 sont ainsi rédigés :

« Art. 77-2. – I. – Toute personne contre laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction punie d’une peine privative de liberté et qui a fait l’objet d’un des actes prévus aux articles 56, 61-1, 62-2, 76 ou 706-141 à 706-158 peut, six mois après l’accomplissement du premier de ces actes, demander au procureur de la République, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par déclaration au greffe contre récépissé, de consulter le dossier de la procédure afin de faire ses observations.

« Dans le cas où une demande prévue au premier alinéa a été formée, le procureur de la République doit, lorsque l’enquête lui paraît terminée et s’il envisage de poursuivre la personne par citation directe ou selon la procédure prévue à l’article 390-1, aviser celle-ci ou son avocat de la mise à la disposition de son avocat ou d’elle-même si elle n’est pas assistée par un avocat d’une copie de la procédure et de la possibilité de formuler des observations dans un délai d’un mois, selon les formes mentionnées au premier alinéa du présent article. Lorsqu’elle a déposé plainte, la victime dispose des mêmes droits et en est avisée dans les mêmes conditions.

« Pendant ce délai d’un mois, le procureur de la République ne peut prendre aucune décision sur l’action publique, hors l’ouverture d’une information ou l’application de l’article 393.

« II. – À tout moment de la procédure, même en l’absence de demande prévue au premier alinéa du I, le procureur de la République peut communiquer tout ou partie de la procédure à la victime et à la personne suspectée pour recueillir leurs éventuelles observations ou celles de leur avocat.

« III. – Dans les cas mentionnés aux I et II, les observations de la personne ou de son avocat, qui sont versées au dossier de la procédure, peuvent notamment porter sur la régularité de la procédure, sur la qualification retenue, sur le caractère éventuellement insuffisant de l’enquête et sur les modalités d’engagement éventuel des poursuites ou le recours éventuel à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Elles peuvent comporter, le cas échéant, des demandes d’actes que la personne estime utiles à la manifestation de la vérité.

« Le procureur de la République apprécie les suites devant être apportées à ces observations. Il en informe les personnes concernées.

« IV. – Si, à la suite d’une demande formée en application du I du présent article par une personne déjà entendue en application des articles 61-1, 62-2 ou 76, l’enquête préliminaire se poursuit et doit donner lieu à une nouvelle audition de la personne en application de l’article 61-1, celle-ci est informée, au moins dix jours avant cette audition, qu’elle peut demander la consultation du dossier de la procédure par un avocat désigné par elle ou commis d’office à sa demande par le bâtonnier ou par elle-même si elle n’est pas assistée par un avocat. Le dossier est alors mis à disposition au plus tard cinq jours ouvrables avant l’audition de la personne. En l’absence d’une telle information et de mise à disposition du dossier, la personne peut demander le report de son audition. Le présent IV ne s’applique pas si la personne est à nouveau entendue dans le cadre d’une garde à vue sans avoir été préalablement convoquée ; dans ce cas, l’avocat de la personne ou, si elle n’est pas assistée par un avocat, la personne peut cependant consulter le dossier de la procédure dès le début de la garde à vue.

« Art. 77-3. – La demande mentionnée au premier alinéa du I de l’article 77-2 est faite au procureur de la République sous la direction duquel l’enquête est menée. À défaut, si cette information n’est pas connue de la personne, elle peut être adressée au procureur de la République du tribunal de grande instance dans le ressort duquel l’un des actes mentionnés au même article a été réalisé, qui la transmet sans délai au procureur de la République qui dirige l’enquête. » ;

2° À la fin de la deuxième phrase du quatrième alinéa de l’article 393, les mots : « et sur la nécessité de procéder à de nouveaux actes » sont remplacés par les mots : « , sur la nécessité de procéder à de nouveaux actes qu’il estime nécessaires à la manifestation de la vérité et sur les modalités d’engagement éventuel des poursuites ou le recours éventuel à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ».

II. – Les I et IV de l’article 77-2 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant du I du présent article, sont applicables aux personnes ayant fait l’objet d’un des actes prévus aux articles 56, 61-1, 62-2, 76 ou 706-141 à 706-158 du même code après la publication de la présente loi.

Cet amendement a été précédemment défendu par M. le garde des sceaux.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Mercier, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 232.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures dix, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

Article 24 (début)
Dossier législatif : projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale
Discussion générale

5

Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur France 3, Public Sénat et sur le site internet du Sénat.

Comme la dernière fois, au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat, particulièrement précieuse en ces jours de tensions politiques et sociales : le respect des uns et des autres ! (Marques d’approbation sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)

rejets de boues rouges

M. le président. La parole est à Mme Mireille Jouve, pour le groupe du RDSE.

Mme Mireille Jouve. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer.

Au moins 20 millions de tonnes : telle est la quantité de boues rouges toxiques déversée pendant trente ans dans les fonds marins sur un site devenu, en 2012, le parc national des Calanques.

C’est à l’usine Alteo de Gardanne, spécialisée dans la production d’alumine, que l’on doit ce triste record. Alors que cette usine a bénéficié, en 1995, d’un moratoire de vingt ans pour mettre fin à ses rejets de boues rouges dans la Méditerranée, il aura fallu attendre 2014 pour que l’industriel investisse 27 millions d’euros, la moitié de cette somme provenant de subventions publiques, dans un filtre-presse destiné à séparer les rejets solides, contenant l’essentiel des métaux lourds, des rejets liquides.

Grâce à une dérogation accordée par le préfet des Bouches-du-Rhône le 28 décembre dernier, l’aluminier pourra tout de même déverser ses rejets liquides, une sorte d’eau de rinçage industrielle, pendant six ans encore, en attendant d’avoir mis en place un traitement complémentaire. Or, tout ce qui est limpide n’étant pas forcément inoffensif, il demeure dans cette eau un cocktail d’aluminium, de fer et d’arsenic dont la concentration dépasse les normes réglementaires. Force est donc de constater que le contrat n’a pas été rempli !

Comment justifier, ainsi que l’a demandé le professeur Augier, que l’on dresse un procès-verbal à un promeneur qui a cueilli une fleur dans le parc national des Calanques alors qu’on laisse un industriel y déverser des effluents toujours nocifs ?

Encore faut-il ajouter qu’une poussière rouge toxique s’envole dès que le mistral souffle sur le site de stockage à sec, ce qui inquiète les riverains. En outre, le 9 mars dernier, une fuite dans une canalisation de l’usine a entraîné la formation d’un nuage contenant de la soude au-dessus de la ville de Gardanne.

Je suis sensible à la question de l’emploi, mais, sous ce rapport, il faut songer aussi aux pêcheurs et à tous les métiers de la mer ! L’environnement et la santé publique doivent-ils constituer les variables d’ajustement de la préservation de l’emploi ? N’aurait-il pas mieux valu engager une reconversion, plutôt que de prolonger artificiellement la vie d’un site industriel dont Mme la ministre de l’environnement elle-même a souligné la vétusté ? Comment faire respecter la protection de l’environnement dans le parc national des Calanques ? (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe écologiste.)

M. Raymond Vall. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. L’usine de Gardanne, qui existe depuis 1894, fournit une alumine de spécialité nécessaire à la fabrication d’un certain nombre d’objets dont nous avons besoin dans notre vie quotidienne, en particulier les écrans plasma et les smartphones.

Son fonctionnement entraîne effectivement des rejets de boues rouges, réalisés avec l’accord de l’État depuis des dizaines d’années. Il était devenu nécessaire que l’État revisite cette autorisation. C’est ce qu’il a fait, au terme d’un dialogue intensif avec cette entreprise, qui a conduit à la mise en place de nouveaux systèmes de production grâce auxquels les rejets seront réduits selon un facteur allant de vingt à cent.

La procédure a donné lieu à de nombreuses consultations. Tous les comités d’experts ont rendu un avis positif sur cette démarche, de même que le parc national des Calanques. Il s’agit aussi de sauver une usine qui fournit plus de 400 emplois, sans parler de tous les emplois indirects.

Nous considérons que nous avons obtenu de cette entreprise un certain nombre de garanties : non seulement les rejets seront réduits, comme je l’ai expliqué, mais un suivi sera assuré par un comité d’évaluation permanent, qui examinera toutes les technologies applicables permettant d’améliorer encore la situation. La décision qui été prise permet de concilier les exigences économiques et environnementales pour les prochaines années. Nous pensons donc qu’il n’y a pas lieu de polémiquer.

J’ajoute que si nous avions accepté la fermeture de l’usine, celle-ci se serait délocalisée dans un autre pays du pourtour méditerranéen, ce qui aurait sans doute entraîné, outre une perte d’emplois pour la région, une augmentation des rejets polluants en Méditerranée !

En conclusion, la décision prise par le Gouvernement me semble parfaitement équilibrée.

M. Jean Bizet. Que dit Ségolène Royal ?

avenir et situation financière d’edf

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour le groupe écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

M. Ronan Dantec. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.

Monsieur le ministre, voilà maintenant des mois que grandit l’inquiétude au sujet de l’avenir d’EDF. Lourdement, très lourdement endettée, à hauteur de 37 milliards d’euros, ce qui représente plus de 600 euros par Français, cette entreprise a vu fondre sa capitalisation boursière de 150 milliards d’euros en sept ans ! C’est l’indice clair d’une perte de confiance assez générale dans son modèle économique, survenant dans un contexte de forte baisse du prix de l’électricité sur les marchés européens.

Monsieur le ministre, il faut sauver le service public de l’électricité, eu égard aux enjeux en matière d’aménagement du territoire et de prix unique de l’électricité. Or, pour cela, il faut en finir avec les investissements aventureux.

Dans un monde où les investissements dans les énergies renouvelables sont désormais majoritaires – 286 milliards d’euros investis cette année –, entraîner une entreprise surendettée dans la réalisation d’une centrale nucléaire en Angleterre – le projet de Hinkley Point, qui coûtera 23 milliards d’euros – serait pure folie. Aucun banquier sérieux ne couvrirait une telle opération !

D’ailleurs, que la CGT d’EDF, fine connaisseuse de la maison et assez peu réputée pour son activisme antinucléaire, dénonce par avance le risque mortel de cet aventurisme devrait nous alerter davantage encore.

Monsieur le ministre, souscrivez-vous à l’analyse selon laquelle il est maintenant urgent d’établir une programmation pluriannuelle de l’énergie, ou PPE, crédible et cohérente avec la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, qui fixe l’objectif d’une réduction à 50 % de la part du nucléaire dans le mix électrique d’ici à 2025, et prévoyant explicitement la fermeture d’une vingtaine de réacteurs nucléaires, pour reprendre le chiffre de la Cour des comptes ?

Seule l’adoption d’une telle PPE autoriserait EDF à intégrer dans son bilan, conformément à la proposition de M. Lévy, la prolongation de la durée d’amortissement de ses autres réacteurs, ce qui améliorerait son résultat et, par contrecoup, sa note financière, lui permettant de continuer à emprunter à des taux raisonnables.

Je ne doute pas, monsieur le ministre, que vous partagez cette analyse et que vous vous emploierez à la faire prévaloir, afin que puisse être sauvegardé un service public auquel nous sommes tous très attachés ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. Monsieur le sénateur, le problème d’EDF n’est pas le projet de Hinkley Point. (M. Jean Desessard manifeste son scepticisme.) Il peut se résumer très simplement : les décisions prises voilà dix ans, de manière du reste consensuelle, à quelques exceptions près, puis la loi NOME du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité ont ouvert le marché de l’électricité à des prix de moins en moins régulés. Un chiffre suffit à illustrer cette réalité : alors que, en 2014, 20 % du chiffre d’affaires d’EDF était exposé à des prix non régulés, cette proportion dépasse 65 % cette année !

M. Jean Desessard. Et voilà !

M. Emmanuel Macron, ministre. Dans le même temps, le prix de l’électricité a baissé de 40 %. De fait, le prix du mégawattheure, qui était de l’ordre de 50 euros au moment de l’ouverture du marché, est aujourd’hui d’environ 26 euros, tandis que la programmation de moyen terme d’EDF est fondée sur un prix de 37 euros et que le coût de production du mégawattheure d’électricité s’élève à 33 euros.

M. Jean Desessard. Et voilà !

M. Emmanuel Macron, ministre. Cette situation tient au fait que le marché de l’électricité ne fonctionne pas de manière pleinement satisfaisante. En effet, il est aujourd’hui régi par le prix spot du charbon, du fait de la décision de plusieurs pays de reprendre la production d’électricité à partir de ce combustible, à l’encontre des décisions prises en commun et de tous les engagements environnementaux. (MM. Alain Bertrand, Ronan Dantec et Jean Desessard acquiescent.)

M. Raymond Vall. Très bien !

M. Emmanuel Macron, ministre. Dans ces conditions de marché, avec un tel niveau de prix, aucune filière de production d’électricité, qu’il s’agisse du nucléaire ou des énergies renouvelables, ne peut fonctionner de manière satisfaisante ! (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain et sur les travées du RDSE.)

M. Emmanuel Macron, ministre. Dans ce contexte, vous avez tout à fait raison d’affirmer, monsieur le sénateur, que nous devons d’abord établir une programmation pluriannuelle de l’énergie conforme à la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Mme la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer soumettra au Premier ministre un projet dans les prochains jours.

Ensuite, des efforts partagés doivent être consentis par l’État et l’entreprise pour redresser la situation financière d’EDF. Par le passé, l’État actionnaire a prélevé trop de dividendes.

M. Emmanuel Macron, ministre. Dès cette année, nous avons décidé de transformer ces dividendes en actions. De son côté, l’entreprise doit procéder à des cessions et appliquer une plus grande modération salariale.

M. le président. Monsieur le ministre, il vous faut conclure.

M. Emmanuel Macron, ministre. Par ailleurs, une régulation du prix du charbon est nécessaire, afin que puissent être réalisés les investissements indispensables dans le domaine des énergies renouvelables, conformément aux priorités que nous avons fixées à EDF, ainsi que les investissements liés à l’entretien du parc nucléaire, crucial sur le plan de la sûreté.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre : vous êtes en train d’appliquer la TVA à votre temps de parole ! (Sourires.)

M. Emmanuel Macron, ministre. Enfin, renoncer au projet de Hinkley Point, ce serait renoncer au nucléaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE, ainsi que sur quelques travées de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour la réplique.

M. Ronan Dantec. Je remercie sincèrement M. le ministre d’avoir indiqué que la programmation pluriannuelle de l’énergie respecterait la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte ; c’est une information importante.

Je soutiens sa position en ce qui concerne la fixation d’un prix du carbone propre à réduire la part du charbon dans la production d’électricité en Europe. Cela montre que nous sommes d’accord sur de nombreux points ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

Je maintiens, en revanche, que nous devons dire à EDF combien de réacteurs peuvent voir leur durée de vie prolongée, pour que l’entreprise puisse intégrer cette donnée dans ses comptes.

projet de loi sur le travail

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour le groupe communiste républicain et citoyen.

Mme Éliane Assassi. Ma question s’adresse à Mme la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Alors que des centaines de milliers de salariés, de retraités, de jeunes, d’étudiants manifestent actuellement contre votre projet de casse du code du travail, pourquoi, madame la ministre, persistez-vous dans cette impasse libérale ?

Ce projet va anéantir les protections collectives des salariés, puisque, désormais, un code du travail différent s’appliquera dans chaque entreprise. Pour nous, le code du travail, c’est la loi, et la même protection doit être assurée à tous !

Vous voulez faciliter les licenciements pour les patrons. Qui peut croire, madame la ministre, que cela favorisera la création d’emplois ? L’affirmer relève soit de la naïveté, soit de la tromperie.

Vous préférez précariser davantage encore les travailleurs et augmenter le nombre de chômeurs, plutôt que de vous attaquer aux groupes français champions des dividendes versés aux actionnaires. Il serait temps d’arrêter de faire des cadeaux à M. Gattaz et d’entendre la souffrance des salariés ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Votre projet, madame la ministre, doit être retiré ! (Mmes et MM. les sénateurs du groupe CRC se lèvent et brandissent des pancartes signifiant leur opposition au projet de loi sur le travail. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)

Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Ridicule !

Mme Éliane Assassi. La jeunesse se mobilise, car elle a bien lu votre projet et compris qu’il lui réserve un avenir de précarité. Alors que la jeunesse a soif de bonheur et de liberté, votre projet de loi suscite l’angoisse du lendemain et traduit la soumission au patronat et aux actionnaires ! Allez-vous le retirer, comme vous le demandent la jeunesse et les salariés ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Vous pouvez ranger le décor, chers collègues… (Rires.)

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Madame Assassi, je tiens à vous répondre moi-même, parce que vous êtes présidente de groupe, et aussi pour permettre à Mme la ministre du travail de ménager un peu sa voix, très sollicitée ces jours-ci… Je veux d’ailleurs saluer le courage et le panache avec lesquels elle défend le projet de loi sur le travail ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Nicole Bricq. Très bien !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je le dis avec le plus grand respect des positions des uns et des autres, en particulier de ceux de nos concitoyens qui manifestent aujourd’hui, comme il est normal dans une grande démocratie : à propos de ce texte s’expriment, comme souvent dans le débat public dans notre pays, des approches particulièrement caricaturales, binaires. Certains affirment qu’il ne servira à rien, qu’il ne va pas assez loin, d’autres, comme vous, madame Assassi, disent le contraire.

Mme Éliane Assassi. Nous sommes des milliers !

M. Thierry Foucaud. Il y a des socialistes dans les manifestations !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Le débat sur ce projet de loi met en lumière une profonde différence de conceptions, qui traverse les diverses familles politiques, mais aussi les partenaires sociaux, en ce qui concerne la nature du dialogue social.

Oui, nous avons souhaité, à l’instar d’ailleurs d’organisations syndicales qui ne manifestent pas aujourd’hui et que l’on appelle réformistes, que la négociation se déroule d’abord à l’échelon des entreprises et des branches, les protections nécessaires étant assurées aux salariés, notamment dans les petites entreprises, les PME, où il n’y a pas de représentation syndicale. Le dialogue social sera ainsi rapproché des entreprises, au bénéfice de celles-ci comme de leurs salariés, sans que les normes soient inversées.

Mme Nicole Bricq. Très bien !

M. Manuel Valls, Premier ministre. J’assume, madame Assassi, cette différence entre nos visions de la démocratie sociale.

Je ne vous ai pas entendue évoquer le chômage de masse que nous connaissons depuis des années et qui touche particulièrement les salariés peu ou mal formés, peu qualifiés, les personnes issues des quartiers populaires, les femmes : c’est ce que l’on appelle la dualité du marché du travail.

Aujourd’hui, dans neuf cas sur dix, la première embauche se fait en contrat à durée déterminée, même si le contrat à durée indéterminée reste la norme. L’assouplissement que nous proposons vise à faciliter non pas les licenciements, mais les embauches !

M. Thierry Foucaud. On ne facilite pas les embauches en réduisant les droits !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Sortons des caricatures : on trouvera toujours des contre-exemples, qui n’infirmeront pas la règle, mais aucun chef d’entreprise n’a envie de licencier, notamment dans les petites et moyennes entreprises, qui emploient l’immense majorité de nos concitoyens. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

Vous invoquez volontiers la démocratie, mais c’est une drôle de façon de la faire vivre que de chercher à m’empêcher de m’exprimer ! (Protestations sur les travées du groupe CRC. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

Par ailleurs, ce texte comporte une avancée majeure, à savoir le compte personnel d’activité, qui représente une véritable sécurité sociale professionnelle, que vous devriez défendre. Je ne vous ai pas non plus entendue vous exprimer sur ce point, madame Assassi !

Enfin, la garantie jeunes, qui va devenir universelle, peut être considérée comme une sorte de revenu minimum ou d’allocation universelle. Elle représente en tous cas une véritable chance pour la jeunesse de ce pays.

Madame la présidente Assassi, cessez les caricatures, participez au débat !

Mme Éliane Assassi. On n’arrête pas !

M. Manuel Valls, Premier ministre. La discussion du projet de loi est en cours à l’Assemblée nationale. Elle s’engagera bientôt au Sénat.

Je pense que nous avons déjà levé nombre d’inquiétudes. La porte des ministres du travail et de l’éducation nationale reste ouverte aux organisations syndicales, étudiantes ou lycéennes qui, à la différence d’autres, se sont jointes au mouvement de contestation. Continuons à œuvrer pour les entreprises, pour les salariés et pour la jeunesse de ce pays : telle doit être notre préoccupation essentielle ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour la réplique.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le Premier ministre, je crois que vous vous êtes quelque peu enfermé dans un raisonnement dogmatique ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Rires sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.) Vous répétez à l’envi les mêmes arguments, mais force est de constater que cela ne marche pas !

Vous refusez d’entendre toutes propositions alternatives, notamment celles qui émanent de notre formation ou de certains syndicats. Vous n’entendez pas ce que dit la rue aujourd’hui, particulièrement la jeunesse, qui demande le retrait de ce texte ! Partageant pleinement cette revendication, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen quitteront l’hémicycle à l’issue de cette séance de questions d’actualité, pour rejoindre les manifestants dans Paris ! (Mmes et MM. les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen se lèvent et applaudissent longuement. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Roger Karoutchi. Quel dommage ! (Sourires.)

réforme constitutionnelle

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Martial Bourquin. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Face à la gravité des attentats du 13 novembre et au traumatisme vécu par tous les Français, le Président de la République avait trouvé les mots justes : « Face à la terreur, la France doit être forte ; elle doit être grande. […] Nous devons […] appeler chacun à la responsabilité. Il y a […] une nation qui sait se défendre, qui sait mobiliser ses forces […]. »

Ensuite, devant le Parlement réuni en Congrès, il a décliné des mesures nécessaires pour lutter contre le terrorisme : projet de loi de révision constitutionnelle, renforcement des institutions, renforcement des forces de police, loi relative au renseignement,…