Mme Marie-Noëlle Lienemann. Et ce qui s’est passé à propos des retraites agricoles !

M. Didier Mandelli. … la réalité des relations avec les régions en matière d’apprentissage, avec les départements s’agissant des mineurs non accompagnés ou avec les communes sur les plans financier et scolaire, la mise en œuvre de la limitation de vitesse à 80 kilomètres à l’heure…

Nous devons travailler ensemble pour restaurer la confiance de nos concitoyens. M. le Premier ministre entend-il, pour les quatre ans à venir, laisser toute leur place à ceux qui œuvrent pour l’intérêt général, en particulier les sénateurs ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.

M. Christophe Castaner, secrétaire dÉtat auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur Mandelli, à vous écouter, avec toute la courtoisie requise en ce lieu, on pourrait penser que le Gouvernement méprise, pêle-mêle, les Français, les élus, les institutions et même, un peu, la démocratie… (Marques dapprobation sur les travées du groupe Les Républicains.)

Une sénatrice du groupe Les Républicains. C’est ça !

M. Christophe Castaner, secrétaire dÉtat. En fait, le Gouvernement a une méthode et il avance sur un certain nombre de sujets. On peut évidemment être en désaccord, avoir la mémoire courte, s’opposer.

La démocratie, c’est précisément le dialogue, avec le Sénat, l’Assemblée nationale ou les élus locaux, mais cela ne signifie pas forcément que l’on sera toujours d’accord. En tout état de cause, il nous arrive de travailler ensemble. Ainsi, mardi dernier, nous avons débattu de l’application des lois et, ce matin, j’ai participé durant deux heures et demie aux travaux de la commission des lois du Sénat sur la proposition de loi portée par les présidents des deux chambres et relative à la nomination et à la présence des parlementaires dans certains organismes extraparlementaires.

C’est dans ce cadre que nous souhaitons avancer, mais, en même temps, il nous semble que le mandat politique sur lequel le Président de la République et la majorité de l’Assemblée nationale ont été élus nous permet de mettre en œuvre un certain nombre de politiques, en prenant le temps de l’écoute et du dialogue, avec les institutions comme avec les différents acteurs.

Ce fut le cas pour les ordonnances sur le droit du travail, élaborées à la suite de 300 heures de débat, ou pour la réforme de la SNCF, sujet délicat sur lequel la majorité sénatoriale nous a apporté son soutien. Ce sera encore le cas pour la gestion de l’évacuation de Notre-Dame-des-Landes, dans quelques jours, ou encore pour l’accès à l’université. Sur ce dernier point, je suis persuadé que, à la fin du mois de juillet, nous pourrons nous féliciter d’avoir abandonné le système inique du tirage au sort. (Protestations sur plusieurs travées.)

Vous le voyez, la réforme, la transformation en profondeur impliquent le débat, la discussion, le respect, mais aussi la décision, qui a peut-être trop souvent manqué dans le passé… (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

Mme Sophie Primas. Vous êtes des coucous !

gens du voyage

M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Cyril Pellevat. Je souhaite me faire ici le porte-parole des nombreux élus de Haute-Savoie, mais également d’autres départements, qui subissent des installations illicites de gens du voyage sur le territoire de leur commune et ne disposent que de très peu de moyens pour les empêcher.

Alors qu’il existe un schéma départemental dédié et des aires qui leur sont réservées, une minorité de gens du voyage s’affranchit de toute règle. Deux tiers des occupations illicites constatées dans cinquante-sept communes sont le fait de deux familles.

Les élus locaux, dont j’ai fait partie, s’exaspèrent de devoir gérer ces problèmes, subir les invectives, les menaces et les intimidations, parfois avec armes, constater des dégradations des aménagements municipaux ; sans jamais pouvoir se retourner contre les auteurs des faits.

Propriétaires privés, agriculteurs, chefs d’entreprise, membres des forces de police et de gendarmerie : tous sont excédés. Chaque été, la situation sur le terrain s’apparente à une véritable poudrière, pouvant s’embraser à tout moment, d’un côté comme de l’autre.

Avec mes collègues Loïc Hervé et Jean-Claude Carle et le président de l’association des maires de Haute-Savoie, nous avons maintes fois interpellé les ministres de l’intérieur successifs. Nous avons élaboré une proposition de loi, qui a été adoptée par notre assemblée fin octobre 2017, mais dont le texte a été modifié par l’Assemblée nationale, sans même que son examen aille jusqu’à son terme.

Bien que ces mesures soient très attendues par les maires, le doublement des peines encourues et la possibilité de saisie des véhicules que nous proposions d’instaurer ont été supprimés. Seule la création d’une amende forfaitaire délictuelle très importante a été maintenue. A également été supprimée la mesure permettant au préfet de mettre en demeure les gens du voyage de quitter non pas seulement le terrain occupé illicitement, mais aussi le territoire de la commune ou même celui de l’établissement public de coopération intercommunale, cela afin d’éviter les « sauts de puce ». Pouvons-nous compter sur le soutien du Gouvernement pour que ces mesures soient réintroduites dans le texte ?

Madame la ministre, vous devez doter les forces de l’ordre de moyens humains et matériels importants, permettant de faire appliquer les lois de la République durant les périodes d’occupation. Comment expliquez-vous qu’un groupe ayant reçu du préfet une mise en demeure de quitter les lieux soit toujours sur place une semaine après ? L’État doit faire preuve de fermeté et d’efficacité.

Vous engagez-vous à garantir le déploiement de moyens importants durant la période estivale, quand beaucoup d’animations sont consommatrices d’effectifs et la population de la Haute-Savoie passe de 800 000 à 1 200 000 personnes ?

M. le président. Il faut conclure !

M. Cyril Pellevat. Sachez que votre réponse et votre soutien – vous connaissez la situation en Haute-Savoie – sont très attendus ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de lintérieur. Monsieur le sénateur Cyril Pellevat, comme vous le savez, j’étais en Haute-Savoie voilà quelques mois, et M. le ministre d’État la semaine dernière, pour rencontrer de nombreux élus, ainsi que les forces de l’ordre, puisque la sécurité était le thème de sa visite dans votre département. Vous savez également que 10 000 postes de gendarme ou de policier seront créés durant ce quinquennat.

En ce qui concerne les grands rassemblements, comme chaque année, une circulaire ministérielle a été diffusée le mois dernier en vue de définir le rôle des associations des gens du voyage, de l’État, des médiateurs départementaux et des collectivités territoriales.

Pour autant, des efforts restent à consentir, de la part tant de l’État que des élus locaux. Je rappelle, à cet égard, que le taux de réalisation de places d’aires d’accueil des gens du voyage n’était en 2017, dans votre département, que de 62 % au regard des obligations inscrites dans le schéma départemental. (Exclamations sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Cela étant dit, le Gouvernement a décidé d’accompagner l’initiative législative des parlementaires de Haute-Savoie. Cette remarque ne vous est pas directement destinée, monsieur le sénateur, mais je regrette que des postures politiques aient contrarié la coconstruction et retardé le travail pertinent qui est conduit. Cette stratégie d’échec que nous avons connue à l’Assemblée nationale ne peut que susciter l’incompréhension des élus locaux, qui ont à cœur de trouver des solutions de bon sens.

Nous ne sommes pas forcément d’accord sur tous les points, mais il a été décidé d’améliorer l’information des parties prenantes via la mise en place d’une procédure de déclaration –c’est un élément très important –, de forfaitiser l’infraction pénale d’installation illicite et d’augmenter le quantum de peine. Par ailleurs, une commune respectant ses obligations en matière d’aires d’accueil bénéficiera de la procédure d’évacuation administrative en cas d’occupation illicite, même si son EPCI ne satisfait pas, lui, à ces obligations. C’était là une demande forte des élus.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le Gouvernement continuera à soutenir cette position. Je travaillerai sur ce dossier le 21 juin à l’Assemblée nationale. Il appartient maintenant à chacun de poursuivre cette œuvre collective.

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu mardi 12 juin, à seize heures quarante-cinq. Je lance un appel à la participation de tous, parlementaires et membres du Gouvernement ! (Sourires.)

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de Mme Catherine Troendlé.)

PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Troendlé

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

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Décès d’un ancien sénateur

Mme la présidente. Mes chers collègues, j’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancienne collègue Monique Papon, qui fut sénateur de la Loire-Atlantique de 2001 à 2011.

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Dossier législatif : proposition de loi visant à moderniser la transmission d'entreprise
Discussion générale (suite)

Modernisation de la transmission d’entreprise

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande de la délégation sénatoriale aux entreprises, de la proposition de loi visant à moderniser la transmission d’entreprise, présentée par MM. Claude Nougein, Michel Vaspart et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 343, texte de la commission n° 516 rectifié, rapport n° 515 et avis n° 514).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Claude Nougein, auteur de la proposition de loi, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à moderniser la transmission d'entreprise
Articles 1er et 2

M. Claude Nougein, auteur de la proposition de loi. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mesdames les rapporteurs, mes chers collègues, chaque année, 30 000 entreprises cessent leur activité, faute de repreneur. Avec elles disparaissent des emplois en plus grand nombre encore. J’en ai malheureusement été trop souvent le témoin dans mon département, la Corrèze.

Une entreprise que l’on n’arrive pas à transmettre, c’est un vivier d’emplois qui disparaît, et cela peut porter un coup fatal à un territoire, surtout en zone rurale.

En France, nous constatons que la transmission familiale ne concerne que 14 % des cessions de PME et d’entreprises de taille intermédiaire, ou ETI. C’est l’un des plus faibles taux d’Europe !

Cette situation suscite des interrogations. Le plus préoccupant, c’est qu’elle se traduit fréquemment par un rachat prématuré par un grand groupe, souvent étranger d’ailleurs. Elle quitte alors très souvent le territoire au bout d’une dizaine d’années.

La fermeture de l’entreprise n’est pas la seule conséquence : le déplacement d’un siège social a des répercussions sur tous les services périphériques, qu’ils soient administratifs ou assurés par des professions libérales.

C’est donc un sujet majeur dont nous traitons aujourd’hui : l’avenir de notre économie et le maintien de nos entreprises dans des mains françaises. Dans cette perspective, il faut soutenir les entreprises familiales afin qu’elles puissent être au niveau de leurs homologues européennes.

Selon une étude de 2013 de la Direction générale du Trésor, entre 700 000 et 900 000 entreprises ont été ou seront concernées par la reprise entre 2000 et 2020. Ce phénomène va croissant, du fait de l’accélération du vieillissement des dirigeants d’entreprises. En effet, 20 % des patrons de PME sont âgés de plus de soixante ans, et plus de 60 % des dirigeants d’ETI ont plus de cinquante-cinq ans. Nous devons nous préoccuper de l’avenir de ces entreprises qui font vivre nos territoires.

C’est pourquoi je sais gré à la délégation sénatoriale aux entreprises de nous avoir confié dès l’automne 2016, à mon collègue Michel Vaspart et à moi-même, le soin d’analyser les freins à la reprise et à la transmission d’entreprises et de proposer des solutions.

Après avoir auditionné quatre-vingts personnes, nous avons présenté à la délégation un rapport d’information, qu’elle a adopté en février 2017. Il concluait que la modernisation de la transmission d’entreprise était une urgence pour l’emploi dans nos territoires. Sans doute l’un des freins à la transmission a-t-il été levé depuis, avec la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF, opérée par la dernière loi de finances. Cependant, cette mesure ne lève pas complètement la saturation fiscale que suscitent les opérations de transmission, non plus, évidemment, que l’ensemble des autres freins qui persistent à rendre complexes, risquées et coûteuses la transmission et la reprise d’entreprises.

La proposition de loi issue de ce rapport a été cosignée par un grand nombre de sénateurs, que je remercie de leur soutien. Ce texte est sous-tendu par l’ambition de répondre aux diverses difficultés que nous avons identifiées.

En premier lieu, faciliter la transmission demande de savoir de quoi l’on parle.

D’une part, au niveau global, le suivi statistique des cessions et cessations d’entreprises fait défaut. L’INSEE ne serait aujourd’hui pas en mesure d’effectuer ce suivi, ce qui est problématique. Il est essentiel de faire en sorte que puissent être consolidées les données éparses et aujourd’hui non exploitables émanant des tribunaux de commerce, ainsi que de la Direction générale des finances publiques. Il faut également reconnaître à l’INSEE la possibilité d’exploiter les données déclaratives relatives aux bénéficiaires effectifs des sociétés. Sur ces points, madame la secrétaire d’État, j’aimerais obtenir des garanties, car une meilleure connaissance statistique des cessions et transmissions d’entreprises est indispensable pour ajuster la politique publique sur ce sujet.

D’autre part, pour chaque opération de transmission, l’information du cédant et du repreneur doit être améliorée. C’est la raison pour laquelle le dirigeant doit pouvoir, en toute sécurité, déduire de l’impôt sur le revenu les frais de diagnostic de la transmission de son entreprise. La commission des finances estime que c’est déjà le cas, dès lors que ces dépenses sont effectuées dans l’intérêt de l’entreprise. J’espère que cette interprétation sera bien celle qui sera retenue par l’administration fiscale.

Nous souhaitons également encourager les entrepreneurs à anticiper la transmission de leur entreprise et, pour cela, nous proposons d’accroître l’abattement fiscal en cas de donation de parts d’entreprise. En outre, afin d’encourager les jeunes et les actifs à se tourner vers la reprise d’entreprise, nous plaidons pour que la création mais aussi la reprise d’entreprise soient valorisées dans les formations initiale et continue.

En second lieu, malgré des taux historiquement bas, l’accès au financement reste un frein important à la transmission d’entreprise. Aussi proposons-nous d’élargir aux PME et aux ETI l’échelonnement de l’impôt sur les plus-values de cession en cas de crédit-vendeur. Nous jugeons en outre nécessaire de réactiver la réduction d’impôt sur le revenu accordée au titre d’emprunts souscrits pour la reprise d’une entreprise.

Je laisse maintenant la parole à mon collègue Michel Vaspart. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vaspart, auteur de la proposition de loi, pour le groupe Les Républicains.

M. Michel Vaspart, auteur de la proposition de loi. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mesdames les rapporteurs, mes chers collègues, outre les points déjà évoqués par M. Claude Nougein, le texte que nous vous soumettons tend à lever le frein principal à la transmission d’entreprise, à savoir la complexité de son encadrement juridique et fiscal. La France cumule des dispositifs qui, ensemble, peuvent sans doute permettre une transmission à des prix raisonnables, surtout depuis la disparition de l’ISF, mais, pour y parvenir, les entrepreneurs doivent accomplir un véritable parcours du combattant !

Nous proposons donc de moderniser le « pacte Dutreil », qui prévoit des avantages fiscaux contre des engagements en termes de durée de détention des titres. Notre texte rend plus avantageux le dispositif Dutreil en portant à 90 % le taux d’exonération fiscale, contre un allongement à huit ans de la durée totale des deux engagements. Il assouplit l’obligation de maintien des participations pendant la durée de l’engagement, notamment en cas d’interposition de société entre le redevable et la société éligible au dispositif Dutreil. Pour plus de simplicité, nous proposions de supprimer les obligations déclaratives que doivent spontanément observer les donataires, chaque année, pour attester du respect du pacte, sans quoi ce dernier devient caduc. La commission des finances préfère reprendre la rédaction adoptée par le Sénat pour le projet de loi pour un État au service d’une société de confiance : les obligations déclaratives annuelles seraient maintenues, mais les déclarations devraient être produites sur demande de l’administration.

Notre texte permet, en outre, que la donation de titres placés sous engagement individuel puisse se faire à des donataires autres que les seuls descendants, ce qui peut faciliter la transmission à des salariés. Il précise aussi les possibilités d’apport de titres à une holding et prévoit de mieux définir la notion de holding animatrice, dont le flou actuel entretient une insécurité juridique qui est la principale source du contentieux dans l’application des pactes Dutreil.

Cette proposition de loi tend à améliorer le régime de l’apport-cession, qui n’a que très peu d’intérêt et beaucoup d’effets pervers dans sa version en vigueur : il s’agit de favoriser le réinvestissement dans une PME des produits de cession d’une société.

Nous avions également envisagé de proposer une expérimentation pour faciliter la transmission dans deux secteurs auxquels nous sommes très attentifs, l’agriculture et l’artisanat. Il apparaît, à l’examen, que le dispositif soulève des questions, et ce au sein même des professions concernées. Son adoption aujourd’hui nous semblerait donc prématurée, mais nous devrons veiller à revenir sur ce sujet important lors d’un de l’examen d’un prochain texte traitant d’agriculture ou de fiscalité. C’est une attente de la profession agricole, notamment des jeunes agriculteurs.

Le dernier chapitre de la proposition de loi répond à l’ambition de favoriser les reprises internes, c’est-à-dire les reprises par les salariés. C’est en effet une possibilité importante de transmission des entreprises qui doit être encouragée. La loi Hamon de 2014, en établissant une obligation rigide d’information préalable des salariés, a fragilisé ce mode de transmission. Le délai imposé est trop court pour permettre aux salariés de s’organiser, tout en étant trop long pour ne pas fragiliser l’entreprise. En effet, les transmissions internes réussies se préparent très en amont et en toute confidentialité. Dans les faits, les dirigeants préfèrent souvent payer la pénalité prévue, plutôt que de respecter l’obligation d’information préalable. C’est un comble !

Le texte qui vous est soumis vise donc à abroger ces dispositions de la loi Hamon. Les salariés devront cependant toujours être informés de la possibilité de présenter une offre de reprise, mais à un stade où cette information ne risque pas d’hypothéquer les chances d’une reprise en train de se dessiner.

Les abattements fiscaux prévus lors d’une reprise par un ou plusieurs salariés seraient relevés de 300 000 à 500 000 euros, et le nombre minimal de salariés-repreneurs requis pour ouvrir droit à un crédit d’impôt en faveur de la société reprise en interne serait réduit de quinze à cinq pour toutes les entreprises comptant plus de quinze salariés.

Mes chers collègues, la délégation sénatoriale aux entreprises, sous la présidence d’Élisabeth Lamure, nous a confié la rédaction d’un rapport sur la cession-transmission d’entreprise. Après six mois de travail et plus de quatre-vingts auditions, ce rapport a été présenté lors de la Journée des entreprises du printemps 2017. Ses vingt-sept préconisations ont été très appréciées des entreprises et des professionnels de la cession-transmission. Il a suscité beaucoup d’articles de presse et une proposition de loi qui constitue l’aboutissement de ce travail. C’est une approche globale de la transmission d’entreprise, depuis la TPE jusqu’à l’ETI.

Cette proposition de loi permettra d’aider à maintenir les entreprises sur leur territoire et de fluidifier et faciliter les cessions et transmissions, qui sont toujours des moments particulièrement délicats pour nos entreprises. Je ne doute pas que le Sénat soutiendra ce soir très majoritairement ce texte, dans l’intérêt même de nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Christine Lavarde, rapporteur de la commission des finances. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame le rapporteur pour avis, mes chers collègues, il faut rendre à César ce qui est à César ! En l’occurrence, dès 2016, soit bien avant que les annonces du Gouvernement sur le plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises, ou future loi « Pacte », mettent en lumière les enjeux économiques de la transmission d’entreprise, la délégation sénatoriale aux entreprises s’était saisie de cette problématique. Un rapport très complet et richement documenté a été rendu public en février 2017, comme l’a rappelé Michel Vaspart.

Ce rapport d’information de Claude Nougein et de Michel Vaspart, dont je souhaite souligner ici la très forte implication dans ce travail d’ampleur, met en lumière l’urgence de simplifier la transmission d’entreprise pour maintenir l’emploi sur l’ensemble du territoire national, notamment dans les zones rurales.

Ce sujet est d’actualité. Selon les données du dernier rapport de l’observatoire de la BPCE, la proportion des dirigeants de PME et ETI âgés de soixante ans et plus est passée de 14,6 % en 2005 à 17,2 % en 2010 et à 21,1 % en 2014. Les transmissions d’entreprise sont donc appelées à se multiplier en raison des évolutions démographiques.

Les difficultés liées à la transmission des entreprises sont identifiées depuis longtemps et ont donné naissance à de nombreux dispositifs fiscaux incitatifs, dont certains peuvent se cumuler.

Dès 1999, un amendement à la loi de finances pour 2000, déposé par Didier Migaud, alors rapporteur du budget à l’Assemblée nationale, avait préfiguré le dispositif mis en place en août 2003 par la loi pour l’initiative économique, connu aujourd’hui sous le nom de « dispositif Dutreil » ou de « pacte Dutreil ».

Favoriser la transmission d’entreprise n’est donc ni de gauche ni de droite. J’espère que ce sujet réunira une nouvelle fois aujourd’hui le Sénat dans toute sa diversité.

La proposition de loi dont nous débattons va bien au-delà d’un assouplissement du dispositif Dutreil, puisque les sujets abordés ne sont pas uniquement de nature fiscale.

Quatre articles lèvent des freins liés à des complexités du droit du travail ou encouragent la formation vers l’entrepreneuriat. Ces sujets seront abordés par ma collègue Pascale Gruny.

Le délai imparti à la commission des finances pour l’étude de ce texte a été très bref ; ses travaux se sont donc concentrés sur la faisabilité technique des propositions et sur leurs conséquences pour les finances publiques. Nous avons cependant gardé à l’esprit la philosophie de cette proposition de loi : il s’agit de favoriser la transmission des entreprises afin d’éviter leur disparition par rachat, par absorption ou par fusion avec un groupe de taille plus importante et de se donner ainsi toutes les chances de préserver l’emploi et, notamment, son ancrage territorial.

Concernant le coût de ce texte pour les finances publiques, nos travaux se sont rapidement heurtés aux lacunes du système d’information statistique. Dans un rapport de mai 2016, l’Observatoire du financement des entreprises a dû constater que les données sont partielles et qu’aucune source n’existe permettant de couvrir l’ensemble du champ de la transmission d’entreprise en France.

Alors même que les entreprises doivent réaliser chaque année de nombreuses déclarations, il n’existe pas de bases de données autour de la transmission. Il n’y a même pas de définition statistique de ce concept. Le montant du dispositif Dutreil est ainsi estimé, encore en 2018, à partir de données datant de 2006 ! Le Gouvernement se heurtera aux mêmes difficultés lorsqu’il devra présenter l’étude d’impact du projet de loi portant plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises, ou projet de loi PACTE.

Le programme de travail de l’INSEE ne relève pas de la loi. Cependant, il m’apparaît important que les membres du Gouvernement chargés de l’économie entendent la demande du Sénat de disposer d’une meilleure connaissance statistique du tissu économique et des transmissions d’entreprise. Une piste serait d’offrir à l’INSEE un accès au registre des bénéficiaires effectifs.

Concernant la faisabilité technique de cette proposition de loi, je me dois de vous rappeler la décision du Conseil constitutionnel n° 95-369 DC du 28 décembre 1995. Statuant sur l’abattement de 50 %, sous conditions, sur la valeur des biens professionnels lorsque ces biens sont transmis à titre gratuit entre vifs ou par succession, le Conseil avait considéré que « dans ces conditions et eu égard à l’importance de l’avantage consenti, son bénéfice est de nature à entraîner une rupture caractérisée de l’égalité entre les contribuables pour l’application du régime fiscal des droits de donation et de succession » et que, dès lors, le dispositif « ne peut être regardé dans son ensemble comme conforme à la Constitution ».

C’est au regard de cette jurisprudence qu’ont été analysées les dispositions de l’article 8 de cette proposition de loi et leur articulation avec les autres articles. Pour que le dispositif reste conforme au principe d’égalité devant les charges publiques, porter le taux d’abattement à 90 % doit nécessairement s’accompagner de contraintes plus fortes quant à la durée de détention, ainsi que d’une stabilité de l’actionnariat.

Parce que les entreprises petites, moyennes et intermédiaires sont le moteur de notre économie, à l’origine de 50 % du PIB, la commission des finances a renforcé certains dispositifs de cette proposition de loi.

Le crédit d’impôt au titre des intérêts d’emprunt, prévu à l’article 7, a été prorogé de deux ans, jusqu’en 2022, de manière à nous donner la possibilité d’évaluer son efficacité avant de statuer sur sa reconduction ou son abandon. Le coût de cette dépense fiscale pour les finances publiques est modéré : il n’a jamais excédé 5 millions d’euros par an.

L’assouplissement du dispositif dit « Dutreil post mortem » est conforté, d’une part, par un prolongement de droit du délai de six mois pour signer l’engagement collectif lorsque la succession n’est pas intervenue, et, d’autre part, par une prise rétroactive d’effet de l’engagement collectif à compter de la date de décès.

Le principe du maintien inchangé des participations à chaque niveau d’interposition pour l’ensemble des engagements a été remplacé par celui, plus souple, du maintien du taux de participation indirecte.

Le périmètre des personnes susceptibles d’exercer une fonction de direction est élargi aux cessionnaires ayant remplacé des signataires rompant leur engagement collectif en cours, en sus des nouveaux signataires ayant adhéré à un engagement collectif en cours, comme le prévoyait la proposition de loi dans son texte initial. L’exonération, renforcée à 90 %, a été étendue aux entreprises individuelles.

Par ailleurs, la commission des finances a introduit au sein du code général des impôts une définition de la holding animatrice, concept qui est également utilisé pour l’application de l’impôt sur la fortune immobilière et de la réduction d’impôt dite « Madelin », ainsi que pour le régime d’imposition des plus-values.

Nous avons repris la définition traditionnelle tout en la complétant par la jurisprudence. C’est une première étape. Il semble néanmoins nécessaire, madame la secrétaire d’État, de reprendre les discussions avec les professionnels, abandonnées en 2014, pour préciser par circulaire les critères à mobiliser pour qualifier une holding animatrice.

Au-delà du monde de l’entreprise, la présente proposition de loi nous invite à nous interroger sur la transmission et l’installation des agriculteurs ou des artisans.

Le dispositif proposé à l’article 13 soulève de nombreuses questions quant à sa mise en œuvre pratique. Des solutions plus satisfaisantes auraient pu être proposées par la commission des finances, mais elles seraient tombées sous le couperet de l’article 40 de la Constitution. Aucune solution plus acceptable n’ayant été trouvée au cours de la semaine écoulée, j’ai déposé un amendement de suppression de cet article, pour éviter de faire courir des risques aux potentiels bénéficiaires de cette mesure.

Au moment de conclure, j’estime que le Sénat et, tout particulièrement, sa délégation aux entreprises ont fait une partie du chemin pour favoriser les transmissions d’entreprise en assouplissant les dispositifs en vigueur.

Pour atteindre pleinement cet objectif, il appartient désormais à l’ensemble des acteurs qui ont vocation à conseiller et épauler les entreprises – je pense aux chambres de commerce et d’industrie, ou encore à l’agence France Entrepreneur – de faire le reste du chemin. Il leur revient de communiquer sur ces dispositifs qui, quand ils sont bien utilisés, permettent la continuité de l’activité économique sans nécessiter le versement de dividendes exceptionnels aux repreneurs, pour financer les charges de la donation ou de la succession. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)