M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, pour explication de vote. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants et Les Républicains.)

Mme Colette Mélot. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la sauvegarde du patrimoine bâti est un versant essentiel de notre politique culturelle, mais le patrimoine n’est pas exclusivement une affaire de l’État. Il touche tous les Français, et ce bien au-delà de nos frontières, comme en témoigne la mobilisation mondiale autour de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui entend moderniser la gouvernance et les statuts de la Fondation du patrimoine, créée par la loi du 2 juillet 1996 pour sauvegarder et valoriser le patrimoine remarquable, mais non protégé par la puissance publique au titre des monuments historiques.

Dans une démarche complémentaire, la Fondation apporte une réponse novatrice à la question de la protection et de la mise en valeur de plus de 400 000 édifices qui forment « le tissu conjonctif du patrimoine », selon l’expression de Jacques Rigaud.

Elle mobilise l’ensemble des amateurs de patrimoine en s’appuyant avant tout sur les forces individuelles et associatives, ainsi que sur un réseau d’entreprises mécènes offrant, à l’heure de sa création, une forme inédite de participation citoyenne à la vie de la cité. Ses leviers d’action sont de trois ordres : la labellisation de travaux ouvrant droit à déduction fiscale, des campagnes de souscription publique et le mécénat d’entreprise.

Le texte présenté par notre collègue Dominique Vérien vise à moderniser le fonctionnement de la Fondation du patrimoine à plusieurs niveaux.

Tout d’abord, il étend, tout en le limitant, le champ d’application du label aux villes de moins de 20 000 habitants, pour un coût estimé à 5 millions d’euros supplémentaires par an, ce qui contribuera au doublement des labels délivrés.

Ensuite, il s’agit d’élargir le label, notamment aux jardins remarquables et aux parcs. Aussi, il est prévu de réorganiser le conseil d’administration de la fondation pour le rendre plus efficient.

Enfin, un mécanisme spécifique permettra de réaffecter les dons à un autre projet en cas de non-réalisation des travaux financés.

Nous partageons l’objectif du rapporteur : renforcer la mission première de la fondation qui demeure la préservation du petit patrimoine non protégé, le plus caractéristique du monde rural.

Notre groupe soutient naturellement l’ensemble de ces évolutions, qui émanent d’ailleurs des besoins exprimés par la fondation elle-même. Elles s’inscrivent dans plus d’un siècle de mobilisation du Gouvernement et du Parlement pour protéger et valoriser le patrimoine local remarquable, qui fait la richesse de notre pays.

Dès l’époque où Malraux était ministre de la culture, l’inventaire général des monuments et des richesses artistiques de France mettait en lumière deux pans oubliés des politiques patrimoniales : les patrimoines vernaculaire et industriel.

Au-delà des hauts lieux de l’histoire de France, tels que le château de Versailles, les Invalides ou le Louvre, il existe, disséminées aux quatre coins du pays, d’innombrables traces remarquables de notre culture commune. Chapelles, pigeonniers, lavoirs, moulins ou maisons à colombage sont parfois les derniers témoins d’un monde disparu et de savoir-faire oubliés.

La France, pays aux 90 millions de touristes, n’est pas un îlot parisien cerné de vide, comme en témoigne le succès de la mission « Patrimoine en péril » menée par Stéphane Bern. Notre identité nationale est faite de l’identité de l’ensemble des territoires.

Le paysage en fait partie. Les labyrinthes d’eau et de végétation de la côte d’Opale, la côte sauvage de Belle-Île-en-Mer, Bougival et ses impressionnistes, Monet, Pissarro, Renoir, sont autant de paysages empreints d’une culture, d’une histoire et d’une identité propres, qui appellent attention et protection.

Le patrimoine industriel que la proposition de loi prévoyait, à l’origine, d’intégrer dans le champ de la labellisation constitue un autre versant, resté oublié jusqu’aux années 1970, de notre richesse nationale. Anciennes tapisseries, usine de fabrication de corsets, papeteries, sites miniers, raffineries en disent long sur notre histoire sociale et sur les mutations récentes des modes de production. Les tanneries et moulins du pays de Cocagne, dont Toulouse est le berceau, racontent l’histoire du pastel, qui sera le seul bleu porté dans toute l’Europe jusqu’au milieu du XVIIIsiècle.

Sans entrer dans l’ère du tout-culturel, il s’agit non pas de figer le passé, mais de lui donner une seconde vie en l’intégrant pleinement au présent.

Moderniser la Fondation du patrimoine, c’est contribuer à cette évolution bénéfique pour nos territoires. C’est permettre à des milliers de passionnés, qu’ils soient bénévoles, salariés ou donateurs, de continuer à s’investir dans la sauvegarde du patrimoine dans les meilleures conditions possible.

Cette proposition de loi répond à une demande forte des communes, notamment celles qui se trouvent engagées dans des projets de redynamisation des centres-villes et des centres-bourgs. Notre groupe lui apporte tout son soutien. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants, Les Républicains et UC.)

M. Emmanuel Capus. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour explication de vote. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme Dominique Vérien. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, quelle expérience !

L’histoire de cette proposition de loi commence par le souhait de la Fondation du patrimoine de réduire le nombre des membres de son conseil d’administration, pour le rendre plus efficace. Étant moi-même administratrice au nom du Sénat et ayant compris que ce que la loi a créé doit être modifié par la loi, j’ai proposé mes services.

Cela m’a donné l’occasion d’apprendre à mieux connaître la Fondation du patrimoine, bien sûr, et de me rendre compte, si cela était encore nécessaire, de l’importance de son rôle dans la sauvegarde de notre patrimoine et, particulièrement, de notre patrimoine rural.

Cela m’a également donné l’occasion d’apprendre à discuter certaines propositions qui pouvaient m’être faites ou que je souhaitais moi-même introduire. Je pense, entre autres, aux débats sur le fameux seuil du nombre d’habitants des communes dans lesquelles le label pouvait être accordé. Je remercie d’ailleurs Catherine Morin-Desailly, qui a su me mettre en garde à ce sujet et me convaincre que le mieux est parfois l’ennemi du bien.

Cela m’a donné l’occasion d’apprendre à rédiger une loi. À ce propos, c’est Jean-Pierre Leleux que je souhaite saluer. Grâce à son expérience et son savoir-faire, il a su enrichir considérablement le texte, pour mieux traduire nos intentions dans la loi.

Cela m’a enfin donné l’occasion d’apprendre tout le travail parallèle nécessaire pour qu’une proposition de loi apparaisse dans notre agenda sénatorial et puisse être votée, qui plus est – je vous en remercie, monsieur le ministre –, avec un avis favorable du Gouvernement.

Tout un travail de discussion, d’auditions et de débats nous a menés dans cet hémicycle. Il a fallu du travail et un peu de chance aussi : c’est en tout cas ce que je me suis dit lorsque j’ai appris que, outre le ministère de la culture, le ministère de la cohésion des territoires soutenait ce texte. J’en remercie Jacqueline Gourault.

Il a fallu tout un travail et peut-être aussi un peu de chance encore, je ne me le cache pas, pour que cette proposition de loi prospère du côté du Palais Bourbon. En effet, il est important que les mesures figurant dans ce texte soient introduites dans la loi.

Il est important que le seuil de 20 000 habitants soit adopté, ce qui entraînera le doublement du nombre des labels et aidera toutes nos villes de province à faire appel à l’action privée pour se rénover.

Il est important, après la disparition du label « jardins remarquables », que le patrimoine non bâti puisse être reconnu et accompagné.

Il est également important que nous trouvions une solution pour récupérer les 10 millions d’euros bloqués sur les comptes de la Fondation du patrimoine, alors que l’on sait que les projets pour lesquels ils ont été collectés ne se réaliseront pas.

Enfin, n’oublions pas l’objectif premier de ce texte qui était de diminuer le nombre des membres du conseil d’administration de la fondation, pour le rendre plus efficace.

Le dispositif retenu est un modèle d’équilibre entre les propositions du rapporteur et celles du Gouvernement. S’il entraîne la disparition des parlementaires du conseil d’administration, ce hara-kiri symbolise la doctrine prônée par le Sénat depuis plusieurs années et montre que les intérêts de la fondation sont supérieurs à la seule ambition de conserver un siège.

Nous réduisons le nombre des membres du conseil, certes, mais non sans avoir préservé la place des associations du patrimoine et avoir prévu la présence d’un représentant des maires ruraux. Il valait donc la peine de se sacrifier !

Pour autant, le Sénat ne se désintéressera pas des activités de la fondation, puisque notre rapporteur a prévu la remise d’un rapport annuel, et ce malgré l’aversion traditionnelle du Sénat pour les demandes de rapport.

Je sais que le travail n’est pas fini, mais je sais aussi pouvoir compter sur vos services, monsieur le ministre, pour m’aider à faire prospérer cette proposition de loi.

En conclusion, je tiens une nouvelle fois à remercier l’ensemble des cosignataires, ainsi que Catherine Morin-Desailly de ses conseils et d’avoir accepté d’inscrire ce texte à l’ordre du jour de notre assemblée au nom de la commission de la culture, et Jean-Pierre Leleux, sans qui le texte que nous votons ce soir ne serait pas, tant s’en faut, aussi abouti. Enfin, je remercie mon groupe, qui votera cette proposition de loi ! (Applaudissements.)

Mme Catherine Morin-Desailly, président de la commission de la culture, de léducation et de la communication. Bravo !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour explication de vote. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marie-Pierre Monier. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je souhaiterais tout d’abord adresser un salut particulier à Dominique Vérien, auteure de la proposition de loi.

Le patrimoine, sa protection et sa mise en valeur constituent des enjeux qui dépassent les clivages partisans, qui sont fédérateurs à l’échelon national comme dans nos territoires. L’examen de ce texte en commission l’a une nouvelle fois démontré.

La Fondation du patrimoine est un acteur important du patrimoine depuis sa création en 1996, aux côtés de l’État, des collectivités territoriales et des associations qui œuvrent également sur le terrain. Mais il faut aujourd’hui lui donner un nouveau souffle, moderniser ses moyens d’action et rendre sa gouvernance et ses outils plus efficaces.

Les mesures prévues par le texte permettront d’élargir les missions de la fondation et de doubler le nombre de labels qu’elle délivre chaque année, pour en faire bénéficier davantage de territoires, jusqu’aux petites villes de 20 000 habitants. Tout ce qui permet de faciliter les souscriptions et les restaurations au profit de monuments qui n’étaient naguère pas concernés nous semble bien entendu tout à fait pertinent.

L’enjeu essentiel, qui ressort d’ailleurs des auditions – je salue le réel consensus politique qui s’est dégagé sur cette question –, est que cet élargissement ne pousse pas la fondation à s’éloigner de ce qui constitue sa mission première, à savoir la protection et la valorisation du patrimoine de proximité, du patrimoine non protégé au titre des monuments historiques, un patrimoine souvent rural, voire hyper-rural.

Ce petit patrimoine non classé, mais qui peut présenter malgré tout un intérêt historique et artistique, contribue au cachet, au charme, mais aussi à la vitalité de nos territoires ruraux.

Plusieurs amendements proposés par le rapporteur, proches des nôtres ou de nos préoccupations, qui visaient à apporter un certain nombre de garde-fous, apportent des précisions rédactionnelles à l’article 1er, en renforçant la qualité du label et, surtout, en garantissant que le patrimoine rural ne soit pas la victime collatérale de l’extension du périmètre géographique, ce dont nous nous réjouissons.

Il semblerait que le ministère des comptes publics ait accepté ce surcoût pour les finances publiques estimé entre 5 millions d’euros et 6 millions d’euros, surcoût finalement assez modéré au regard de l’importance de l’enjeu. Nous resterons vigilants sur cette question du financement, qui constitue le cœur du dispositif et permettrait de réellement accroître le nombre des labels décernés annuellement, et non de les déplacer vers d’autres priorités, ce qui risquerait d’être le cas si Bercy ne l’autorisait pas.

Pouvez-vous nous confirmer de vive voix, monsieur le ministre, que le ministère des comptes publics donnera son aval au financement de cette mesure ?

À l’article 3 qui traite de la gouvernance et de la composition du conseil d’administration, le texte de la commission permet de mieux prendre en compte la ruralité, en prévoyant la présence de représentants des collectivités territoriales. Il prévoit également la présence d’un représentant des associations de défense du patrimoine. Ces deux points nous satisfont, car nous avions également défendu ces avancées dans nos amendements. Il nous paraît incontournable que ceux qui sont au plus près des projets et des territoires soient représentés.

Si nous regrettons la disparition des parlementaires du conseil d’administration de la fondation, sa composition nous paraît davantage équilibrée et permet en effet de se rapprocher du statut type des fondations reconnues d’utilité publique.

Je souhaiterais tout de même évoquer une disposition qui nous pose question.

En cas de réaffectation d’un don non utilisé, il ne nous paraît pas opportun de prévoir une voie de recours dans l’hypothèse d’un désaccord entre les parties, surtout si la décision finale revient à une seule partie, en l’occurrence la Fondation du patrimoine.

La rédaction de l’article 5 laisse entier le problème du recours dont l’issue ne dépendrait que de la fondation. J’espère que ce dispositif n’aura pas à subir les foudres du Conseil constitutionnel. Il est vrai que l’obligation de consentement exprès d’un donateur pour la réaffectation de son don n’est que partiellement prise en compte dans la rédaction du texte, telle qu’elle ressort de la législation en commission.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, malgré ce léger bémol, qui ne remet pas en cause l’esprit du texte, le groupe socialiste et républicain votera pour cette proposition de loi, parce qu’il partage les objectifs de ses auteurs pour la Fondation du patrimoine, pour nos territoires, pour nos centres-bourgs et pour nos villages. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Nachbar, pour explication de vote. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants.)

M. Philippe Nachbar. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les liens entre la Fondation du patrimoine et le Sénat sont anciens.

Puisque l’on vient d’évoquer le souvenir de Jean-Paul Hugot, permettez-moi de rappeler, puisque j’ai siégé avec lui au sein de la commission des affaires culturelles du Sénat – tel était son nom à l’époque –, que celui-ci avait coutume de dire, à chaque fois qu’il parlait de la ville de Saumur,…

M. Stéphane Piednoir. Très belle ville !

M. Philippe Nachbar. … dont il était maire – quand on est maire de Saumur, on sait ce que représente le patrimoine ! –, qu’« un jour, l’État aurait beaucoup moins d’argent… » C’était en 1995 ou 1996. (Exclamations amusées.)

M. André Gattolin. On dépense toujours autant !

M. Franck Riester, ministre. Il était visionnaire !

M. Philippe Nachbar. En effet, il était visionnaire, et c’est cette vision lucide et réaliste de l’avenir qui l’a amené à proposer la création de la Fondation du patrimoine.

Il existe en France une tradition du mécénat, mais du mécénat pour le grand patrimoine : Versailles – je parle sous le contrôle d’Alain Schmitt, qui connaît ce département beaucoup mieux que moi – a été sauvé par de grands mécènes américains, mobilisés par un conservateur remarquable.

En revanche, le mécénat ne s’était jamais intéressé au petit patrimoine rural non protégé, qui est l’appellation inscrite dans la nomenclature actuelle. Aussi, ce patrimoine se trouvait en grand péril dans beaucoup de départements à l’époque où la Fondation du patrimoine a été lancée.

Il fallait donc un double dispositif : une défiscalisation et, bien sûr, une fondation avec un statut juridiquement établi, pour gérer l’argent ainsi collecté.

La fondation a très vite trouvé sa place. Elle a joué un rôle essentiel pour le patrimoine rural, dont, je le répète, de nombreux éléments avaient disparu : lavoirs, fontaines, croix de mission, chapelle, etc. Aujourd’hui, la rapidité de réaction et le succès des souscriptions – je puis en témoigner pour mon département – ont permis d’avancer utilement.

Je veux aussi saluer, ici, le dévouement et la compétence de cette armée de bénévoles qui animent la fondation dans les départements. À nouveau, je puis en témoigner s’agissant du mien. Mais plus largement, pour ce qui est de la région Grand-Est, le conseil régional a décidé de subventionner le petit patrimoine à une seule condition : que le dossier soit accompagné par la fondation, avec une souscription complétant la subvention, afin d’en garantir le sérieux et l’intérêt patrimonial. Je suis bien placé pour le savoir, étant membre de la commission de la culture de ce conseil.

La fondation s’est par ailleurs parfaitement insérée dans le cadre de la mission confiée à Stéphane Bern et du loto du patrimoine, dont chacun, ici, a reconnu le succès, ainsi que dans le programme de sauvegarde de Notre-Dame de Paris, évoqué voilà un instant par le ministre.

Les années passant, on a néanmoins fait le constat qu’il fallait compléter le dispositif. C’est tout l’intérêt de la proposition de loi déposée par notre collègue Dominique Vérien, qui a pour but d’améliorer le fonctionnement de la fondation et d’en élargir le périmètre. Je ne puis que m’en féliciter !

J’aperçois trois points positifs dans ce texte.

Tout d’abord, il s’agit de l’élargissement du label jusqu’aux communes de 20 000 habitants. Des villes petites et moyennes, lesquelles disposent souvent d’un patrimoine tout à fait considérable dans leur centre, pourront ainsi bénéficier de ce dispositif, dont je ne doute pas un instant qu’il permettra de réussir de très belles opérations.

Il me paraît toutefois essentiel, j’insiste sur ce point, de garantir que cette extension ne portera pas préjudice au patrimoine rural, car beaucoup reste encore à faire dans la plupart de nos départements. Il est positif de sauver les centres des bourgs et villes moyennes, mais cela ne doit surtout pas se faire au détriment du patrimoine rural !

La fondation a garanti que ses moyens, aussi bien humains que financiers, lui permettraient de continuer son effort en faveur du patrimoine rural non protégé. Mais je tiens à affirmer très clairement cette nécessité, ici, dans cette assemblée où nous avons le sens de l’équilibre des territoires.

Ensuite, il s’agit de l’extension du champ d’application aux parcs et jardins. Il avait été envisagé un temps d’y inclure le patrimoine industriel. On m’a indiqué que celui-ci serait déjà « concerné » par les textes.

Peut-être parce que je suis élu lorrain, j’attache une certaine importance à cette question. Nous avons trop tardé, à mon sens, à prendre en compte le grand patrimoine industriel – minier, sidérurgique, textile, verrier, etc. – dans notre pays et de nombreux éléments magnifiques ont disparu, corps et biens. Pour un succès comme celui de Noisiel, combien de bâtiments dont il ne reste aujourd’hui plus rien, si ce n’est quelques poutrelles ou quelques pans de murs ?

Or, dans des pays voisins comme l’Allemagne, on a obtenu de magnifiques réalisations en matière de patrimoine minier et sidérurgique, qui, de plus, drainent un véritable flux touristique. À l’aspect patrimonial, s’ajoute donc une véritable attractivité économique.

C’est pourquoi j’insiste aussi sur ce point : nous devrons avoir une politique plus active en matière de patrimoine industriel.

Enfin, et ce point est un peu controversé, il s’agit du déblocage de l’argent des souscriptions non utilisé, alors que les besoins sont immenses. Certes, il est un peu difficile, sur le plan juridique, d’imaginer réorienter des souscriptions données pour un objet particulier. Je crois néanmoins essentiel de tenter de trouver une solution à ce problème.

Voilà donc un excellent texte, mes chers collègues, allant dans le sens de ce qu’il faut faire pour défendre et sauver le patrimoine sous toutes ses formes, et en premier lieu le patrimoine rural non protégé. C’est pourquoi le groupe Les Républicains le votera. (Applaudissements.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de loi visant à moderniser les outils et la gouvernance de la Fondation du patrimoine.

(La proposition de loi est adoptée.)

M. le président. Mes chers collègues, je constate que la proposition de loi a été adoptée à l’unanimité des présents. (Applaudissements.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à moderniser les outils et la gouvernance de la Fondation du patrimoine
 

7

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à moderniser la régulation du marché de l'art
Discussion générale (suite)

Régulation du marché de l’art

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande de la commission des lois, la discussion de la proposition de loi visant à moderniser la régulation du marché de l’art, présentée par Mme Catherine Morin-Desailly et plusieurs de ses collègues (proposition n° 300 [2018-2019], texte de la commission n° 69, rapport n° 68).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, auteure de la proposition de loi.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à moderniser la régulation du marché de l'art
Article additionnel avant l'article 1er  -  Amendement n° 9 rectifié

Mme Catherine Morin-Desailly, auteure de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, madame le rapporteur, mes chers collègues, « L’Angleterre a bâti Londres pour son propre usage. La France a bâti Paris pour le monde entier », écrivait le philosophe et essayiste américain Ralph Waldo Emerson dans son journal intime.

Comment expliquer que la France, si longtemps la patrie de la création artistique, ne jouisse plus, dans le domaine de l’art, de la même attractivité qu’autrefois ?

Jusqu’à la fin des années 1950, notre pays occupait la première place sur le marché des ventes aux enchères. Mais le marché d’aujourd’hui n’est plus celui d’hier : il s’est considérablement internationalisé, avec l’explosion de la demande asiatique, et la vente en ligne y tient une place de plus en plus importante.

La France n’occupe plus désormais que la quatrième place, loin, très loin derrière les États-Unis, la Chine et le Royaume-Uni, qui mènent désormais la danse dans les domaines les plus prisés, où les prix sont donc les plus élevés. Je veux évidemment parler de l’art contemporain, de l’art moderne et de l’impressionnisme.

Les atouts dont nous disposons m’invitent malgré tout à croire que ce déclin n’est pas inéluctable et que Paris pourrait tout à fait retrouver la première place en Europe qu’elle a occupée par le passé.

N’oublions pas que la France reste la première destination touristique au monde et qu’elle compte, sur tout son territoire, un patrimoine aussi riche que varié.

N’oublions pas non plus que la France demeure championne dans un certain nombre de domaines, tels le design, les manuscrits ou les arts premiers.

N’oublions pas, enfin, que nous disposons d’un maillage étroit de maisons de ventes volontaires à travers tout le pays, dont la réputation n’est plus à faire, y compris auprès des clients étrangers.

Toujours est-il que ces inquiétudes autour de la perte de compétitivité de la France nous avaient conduits, Philippe Bas et moi-même, à prendre l’initiative d’organiser, dès mars 2018, deux tables rondes, conjointes aux membres de la commission des lois et de la commission de la culture, consacrées à l’attractivité du marché de l’art français. Ces travaux nous avaient permis de repérer un certain nombre de blocages, dont certains d’ordre fiscal, mais aussi plusieurs rigidités administratives susceptibles de corseter le développement du marché de l’art en France.

Si elle n’a aucune prétention à relancer à elle seule la compétitivité de la France dans le marché de l’art, ma proposition de loi, très largement cosignée – je remercie les collègues qui m’ont fait confiance –, déposée en février dernier, s’inscrit dans la suite logique de ces travaux. Elle vise à moderniser la régulation de ce marché.

Je veux remercier tout particulièrement Philippe Bas,…

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Merci !

Mme Catherine Morin-Desailly. … qui a demandé son inscription à l’ordre du jour de la commission des lois, tout comme je remercie très chaleureusement Jacky Deromedi d’en être le rapporteur.

Cette proposition de loi fait également écho à plusieurs des conclusions du rapport très approfondi d’Henriette Chaubon et Édouard de Lamaze,…

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Un Normand, lui aussi !

Mme Catherine Morin-Desailly. … rapport que vous avez pris l’initiative de leur commander, madame la garde des sceaux, quelques mois après les travaux conduits par le Sénat – en juillet 2018, si je ne me trompe.

Pour permettre à la France de retrouver sa place de leader en Europe, il faut que nos maisons aient la capacité de proposer à la vente des objets de valeur venus de France et des autres pays européens. Cela suppose que nous disposions d’un système qui, à la fois, soit dynamique et inspire la confiance. C’est ce qui justifie ma proposition de réforme du Conseil des ventes volontaires.

Il ne serait pas souhaitable, à mon sens, de déréguler totalement la profession. Gardons à l’esprit que, contrairement à d’autres pays, comme le Royaume-Uni, le secteur des ventes volontaires ne se limite pas à Paris, même si c’est généralement dans la capitale que sont vendues les œuvres de plus grande valeur. Il ne faudrait pas que nous perdions ce maillage territorial si précieux.

Le maintien d’une instance de régulation est indispensable, pour trois motifs.

Premièrement, éviter que la concentration du secteur, déjà forte, ne s’accroisse encore davantage.

Deuxièmement, garantir le maintien sur l’ensemble du territoire de maisons de vente utiles au tissu économique, social et culturel local.

Troisièmement, veiller au bon fonctionnement de ce marché, particulièrement exposé aux risques de blanchiment et de trafic illicites.

Pour autant, je crois que le fonctionnement du Conseil des ventes volontaires n’est plus adapté aux réalités du marché de l’art. Il doit être modernisé. D’où mes différentes propositions.

Tout d’abord, rebaptiser ce conseil en « Conseil des maisons de vente », pour en faciliter l’identification.

Ensuite, réviser la composition du conseil pour attribuer aux représentants des professionnels la majorité des sièges, tout en assurant la représentation du maillage territorial et des autorités de régulation.

Les professionnels ne se reconnaissent pas suffisamment dans la composition actuelle du Conseil des ventes volontaires, et je les comprends, alors même qu’ils sont à la base de son financement, via leurs cotisations. D’où l’importance d’avoir une majorité de professionnels, qui permettront de tisser des liens plus étroits avec le terrain, mais également d’imprimer un esprit plus « entrepreneurial » dans le fonctionnement de cet organe.

Au demeurant, j’insiste sur l’importance que tous les professionnels se sentent représentés au sein de cette nouvelle instance, indépendamment de la taille des structures ou de leur implantation géographique.

Ces évolutions, qui permettront au conseil d’être plus représentatif, sont à mon sens de nature à accroître l’écoute et le dialogue entre les professionnels et le Gouvernement.

Ma proposition de loi tend également à élargir le périmètre des missions du conseil pour en faire un véritable outil de concertation entre le Gouvernement et les professionnels des ventes volontaires.

Elle lui confie une fonction d’information et d’observation du secteur. Cette connaissance est un préalable indispensable pour imaginer, ensuite, les outils les plus adaptés pour faire face aux différentes mutations actuelles, qui sont loin d’être négligeables quand on voit l’importance prise par les ventes aux enchères en ligne.

Dernier axe de ma proposition de loi, la question des sanctions disciplinaires, un sujet essentiel si l’on veut garantir la confiance dans le secteur.

La directive européenne du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, dite « directive Services », n’autorise pas des professionnels à prendre des décisions individuelles à l’encontre d’autres professionnels, d’où la difficulté à confier cette mission au nouveau Conseil des maisons de vente, dès lors que les représentants des professionnels détiendraient la majorité des sièges.

Cela m’a conduite à proposer la création d’un organe disciplinaire indépendant au sein du conseil, composé de trois membres : un membre du Conseil d’État, un conseiller à la Cour de cassation et une personnalité ayant cessé d’exercer depuis moins de cinq ans l’activité d’opérateur de ventes volontaires, pour éviter tout conflit d’intérêts.

Je suis très attachée à cette proposition, car j’estime, d’une part, qu’il serait contreproductif de confier cette mission aux juridictions de droit commun, compte tenu de leur fort encombrement, dans un secteur où il est, de surcroît, souvent nécessaire de statuer en urgence ; d’autre part, que cette option permet de favoriser la médiation, ce qui me paraît devoir être privilégié dans un secteur comme celui-ci.

J’espère, madame la garde des sceaux, que l’examen de cette proposition de loi se poursuivra dans les prochaines semaines à l’Assemblée nationale, tant nous sommes nombreux à partager le constat de la nécessité de légiférer en la matière, et parce qu’il faut répondre à une profession depuis longtemps dans l’attente.

Je ne doute pas que ce texte puisse servir de base de discussion et que nous parvenions à trouver des points de convergence au cours de la navette, pour lui permettre de connaître le même destin qu’une autre proposition de loi sénatoriale, votée récemment à l’unanimité des deux chambres. Je pense, bien sûr, à la proposition de loi tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse, que nous évoquions voilà quelques instants avec le ministre de la culture. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, RDSE et SOCR.)