Actes du colloque : vers de nouvelles normes en droit de la responsabilité publique



Palais du Luxembourg, 11 et 12 mai 2001

Allocution

de Monsieur Michel POUCHAIN,

président de l'Université Paris 13

Monsieur le président du Sénat, Monsieur le sénateur, Mesdames, Messieurs, mes chers collègues. Tout d'abord un grand remerciement à Monsieur le président du Sénat pour cette possibilité d'accueil et les conditions conviviales pour ces deux journées d'études et de travail. Je dirais aussi un grand merci au comité d'organisation de ce colloque, je pense tout particulièrement à mon collègue Gilles DARCY, mais également aux personnels administratifs de l'université Paris 13 ainsi qu'aux doctorants.

En tant qu'économiste, la responsabilité est d'abord un coût, fondé certes, mais c'est un coût ou, si vous préférez, c'est un seuil. La question est de savoir, dans un État de droit qui porte en lui comme un principe l'indemnisation des dommages que les personnes publiques occasionnent, où se fera le juste équilibre entre la légitime protection des victimes et la nécessaire garantie des intérêts de l'administration ? Jusqu'où doit s'étendre la socialisation des risques ? Tout est-il universellement digne de réparation ?

Les données se sont sans nul doute modifiées. Dominées par la faute, elles admettent par souci d'équité la responsabilité détachée de la faute, soit pour risque créé, soit pour rupture d'égalité devant les charges publiques. Et mis à part de très rares cas, la responsabilité s'est généralisée. La jurisprudence, et à titre exceptionnel la loi, veille à un réel reflet des moeurs. Si bien que l'on parle actuellement en doctrine d'une évolution qui, par touches successives, remettrait en cause certains principes régissant la responsabilité. Celle-ci passerait de la souplesse, par la recherche de l'équilibre, à une indemnisation tournée vers les victimes.

Toute recherche du concept exact de responsabilité doit embrasser l'ensemble de la réalité observable aussi bien en droit public qu'en droit privé. La grande question se pose de savoir si la notion s'épuise dans la même idée d'obligation de réparer le préjudice occasionné à autrui, ou si elle nécessite une référence quelconque à l'origine du dommage. Cette seconde perception aurait à coup sûr notre préférence. La responsabilité suppose une imputation à une action ou à une omission déterminable. Ne relève pas de cette idée, même si on les y a parfois implicitement inclus, les cas où l'indemnisation est totalement étrangère.

Même si l'on s'en tient au cas où la responsabilité de l'administration obéit aux seules règles du droit public, la question ne manquera pas de se poser du degré réel d'originalité de ce système par rapport à la responsabilité civile en droit privé. Et ce d'autant que les structures en sont identiques, qui exigent pour obtenir réparation de l'existence d'un préjudice, un fait dommageable et un lien causal unissant les deux, et qui opèrent une égale distinction entre responsabilité quasi délictuelle et responsabilité contractuelle, en assurant la primauté de cette dernière. En d'autres termes, toute mesure de la spécificité d'un droit administratif suppose l'évocation préalable de ce problème. Si elle a constitutionnalisé récemment la justice administrative, la France se tient en quelque sorte en dehors de la tendance qui consiste pour les pays européens à l'intégrer au sein du pouvoir judiciaire. Rien n'interdirait certes de penser que la loi peut passer telle ou telle de ses parties dans le giron du droit commun.

Mais nous n'en sommes pas là, tout concourt peut-être à une grande pérennité des règles de compétence. On le sait pourtant, la responsabilité publique présente par rapport à la responsabilité privée quelques traits d'originalité. Mis à part le net rapprochement des modes d'indemnisation, ces types de différences concernent essentiellement la place plus grande de la responsabilité objective, le rôle significatif de la place de la victime et de la nature de l'activité, l'attachement passionné à la notion - imprégnée de souplesse - de troubles dans les conditions d'existence, le fait que l'agent est mieux protégé par la faute de service que le préposé, la distinction opérée entre force majeure et cas fortuit, et enfin l'absence d'autorité de la chose jugée par le juge répressif sur le juge administratif. Cela traduit en fait une réelle plasticité des solutions et la large emprise d'un très grand pragmatisme. Je vous remercie.

Monsieur Pierre FAUCHON

Je vous remercie, Monsieur le président, d'avoir vous aussi brossé assez rapidement mais clairement les différents problèmes que nous allons aborder. J'ai noté au passage que vous n'excluez pas la possibilité pour le législateur de transférer certaines parties de la responsabilité dans ce que vous avez appelé le giron - dois-je dire maternel - du droit privé et des juridictions judiciaires. J'ai naturellement, en tant que législateur, pris bonne note au passage de ce qui était, sinon un encouragement, du moins une ouverture. Et bien nous allons maintenant entendre Monsieur le professeur MANIN, professeur à l'université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, dont la communication a pour titre : "La norme en droit de la responsabilité".

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