MM. François Trucy, Jean-Pierre Masseret, Charles Guené, rapporteurs spéciaux

SOMMAIRE

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LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOS RAPORTEURS SPÉCIAUX 7

I. UNE LPM 2009-2014 REMISE EN CAUSE PAR LA CRISE ? 11

A. SELON LA PROGRAMMATION ACTUALISÉE DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE, DES RESSOURCES PROCHES DE CELLES PRÉVUES PAR LA LPM EN 2009-2014 11

1. Malgré la quasi-absence des ressources exceptionnelles, des dépenses supérieures de 1,6 milliard d'euros à la programmation en 2009 11

a) Un phénomène a priori étonnant... 11

b) ... qui provient en grande partie d'une inflation plus faible que prévu en 2009, qui à cause d'un défaut de conception de la LPM réduira le pouvoir d'achat de la mission « Défense » les années suivantes 12

2. Une réduction de crédits de 3,6 milliards d'euros en 2011-2013 par rapport à la LPM, qui serait partiellement compensée par la perception de 2,4 milliards d'euros de ressources exceptionnelles manquantes en 2009-2010 13

3. Une programmation révisée qui se traduirait par un quasi-respect des montants prévus par la LPM en 2009-2014 14

B. UNE PROGRAMMATION OPTIMISTE ? 17

1. Le manque de visibilité découlant du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 17

2. Les ressources exceptionnelles, un facteur de fragilisation de la mission « Défense » 18

a) Quelques rappels 18

(1) Les ressources hertziennes (1,5 milliard d'euros selon le Gouvernement) 19

(2) Les ressources immobilières (près de 2 milliards d'euros selon le Gouvernement) 20

(3) Dans les deux cas, des produits de cessions qui doivent revenir intégralement au ministère de la défense 20

(4) Les adaptations du régime des deux comptes d'affectation spéciale réalisées par la loi de finances initiale pour 2010 21

b) Une exécution incertaine et jusqu'à présent décevante 22

3. Le problème posé par les ressources exceptionnelles a changé de nature 26

a) En 2009 et 2010 : un aléa nettement surestimé 26

b) A compter de 2011 : un facteur de vulnérabilité pour la mission « Défense », dans un contexte de réduction de la dépense publique 27

(1) Comment justifier le maintien du recours aux recettes exceptionnelles en 2011-2013 ? 27

(2) Une perte de ressources potentielle de 5 milliards d'euros au total en 2009-2014 ? 28

4. Des perspectives préoccupantes pour l'exécution physique 30

a) Un risque de « cannibalisation » des dépenses d'équipement par les dépenses de fonctionnement à hauteur de plusieurs milliards d'euros 30

b) Les aléas de la réforme du ministère de la défense 33

c) Le problème du financement des OPEX est-il vraiment résolu ? 35

(1) Les règles fixées par la loi de programmation militaire 2009-2014 en matière de compensation du surcoût des OPEX 35

(2) Des règles partiellement appliquées 37

(3) Les crédits reportés pourront-ils être effectivement consommés ? 39

d) Quelles conséquences pour les principaux programmes d'armement ? 39

(1) Des cibles déjà revues à la baisse, avant même la prise en compte de la programmation révisée 39

(2) D'autres révisions à la baisse semblent probables 41

5. Une exécution comparable à celle des deux lois de programmation précédentes ? 41

6. Un respect de la loi de programmation nécessaire si la France souhaite demeurer au niveau du Royaume-Uni 43

II. LES GRANDS ÉQUILIBRES DU PRÉSENT PROJET DE LOI DE FINANCES 45

A. UNE ANNUITÉ 2011 INFÉRIEURE À LA PROGRAMMATION POUR ENVIRON 0,5 MILLIARD D'EUROS 46

1. Le non respect de certaines dispositions de la LPM minore les crédits de 30 millions d'euros 48

2. Des mesures d'économies de 500 millions d'euros, compensées par une augmentation analogue des prévisions de ressources exceptionnelles 49

3. Une révision à la baisse des moyens totaux de la mission « Défense » de seulement 80 millions d'euros (50 millions d'euros selon le Gouvernement) 49

4. Une part significative de l'effort de réduction des dépenses de fonctionnement de l'Etat 52

5. Des économies concernant essentiellement l'équipement 52

B. LE MINISTÈRE DE LA DÉFENSE PARVIENDRA-T-IL À MAINTENIR SES EFFECTIFS AU NIVEAU PRÉVU PAR LA LPM ? 53

1. Des plafonds d'emplois fixés par la LPM 53

2. En exécution, des effectifs inférieurs d'environ 4 000 ETPT à la programmation de 2008 à 2010 55

C. LES AUTRES PRINCIPALES PARTICULARITÉS DE L'ANNÉE 2011 56

1. La récupération de certaines marges de manoeuvre sur l'investissement 56

2. La commande du troisième Barracuda 57

3. Une gestion des ressources humaines complexifiée par une modification brutale du régime de retraite des non officiers 57

4. Une prévision de dégradation de l'objectif de projection de l'armée de terre, en conséquence des contraintes budgétaires 59

III. QUEL AVENIR POUR LE SERVICE DE SANTÉ DES ARMÉES ? 60

A. PRÉSENTATION RAPIDE DU SSA 60

1. Un dimensionnement du SSA compatible avec les missions qui lui sont confiées 60

a) Une projection en OPEX de l'ordre de 400 personnes 60

b) Des effectifs globaux compatibles avec les missions confiées au SSA 61

2. Pour les activités hospitalières, des recettes inférieures d'environ 300 millions d'euros aux dépenses 62

a) Un « écart de facturation » annuel d'environ 300 millions d'euros par an... 62

b) ... qui doit être relativisé 62

B. LE RAPPORT DE LA COUR DES COMPTES 63

1. Des propositions dans l'ensemble pertinentes, même si l'objectif de retour à l'équilibre des hôpitaux d'instruction des armées est peut-être excessif 63

a) La polémique sur la proposition de retour à l'équilibre 65

b) Une polémique qui ne doit pas dissimuler la nécessité d'accroître l'activité des hôpitaux d'instruction des armées 65

2. Reconnaître les spécificités du SSA 66

a) Les militaires ne sont pas des « fonctionnaires en uniforme » 66

b) Les hôpitaux militaires sont soumis à des contraintes particulières 67

IV. DES PERSPECTIVES PRÉOCCUPANTES À L'HORIZON 2020 68

A. LES PERSPECTIVES FINANCIÈRES : PAR RAPPORT AU LIVRE BLANC, DE 10 À 35 MILLIARDS D'EUROS MANQUANTS SUR LA PÉRIODE 2009-2020 ? 69

B. QUEL OBJECTIF D'ÉVOLUTION DES DÉPENSES MILITAIRES D'ICI 2020 ? 73

1. Un maintien du ratio dépenses de défense/PIB exigerait une croissance de celles-ci de 2 % par an en volume 73

2. Une croissance des dépenses d'au moins 1 % par an pourrait être nécessaire juste pour maintenir l'armée sous sa forme actuelle 74

C. QUELLE ARMÉE EN 2020 ? 76

1. Les économies sur les principaux programmes d'équipement ne semblent pas pouvoir être supérieures à quelques milliards d'euros d'ici 2020 sans entraîner de remise en cause des contrats opérationnels 77

a) Une révision à la baisse déjà significative des cibles d'acquisition de nouveaux matériels d'ici 2020 77

b) Les cibles correspondant aux principales commandes non passées semblent difficilement pouvoir être revues à la baisse 81

c) La probable nécessité d'étaler des programmes correspondant à des commandes déjà passées 83

d) Un nouveau décalage du programme A400M ou des principaux programmes de la marine impliquerait de réviser significativement à la baisse les objectifs opérationnels 84

(1) L'A400M 84

(2) Les programmes FREMM et Barracuda 86

2. La révision de la LPM en 2012, un rendez-vous essentiel 86

EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ 89

• ARTICLE 69 (Art. L. 5521-1 [bouveau] du code de la défense) Evolution du régime de responsabilité pécuniaire applicable aux militaires 89

ANNEXES 93

I. LEXIQUE 93

II. EVOLUTION DES SOMMES EN JEU DU LIVRE BLANC À LA PROGRAMMATION BUDGÉTAIRE TRIENNALE 2011-2013 95

UN TAUX DE RÉPONSE OPTIMAL

Les dispositions de l'article  49 de la LOLF prévoient que le Gouvernement répond aux questionnaires budgétaires des commissions des finances de l'Assemblée Nationale et du Sénat, au plus tard, le 10 octobre.

A cette date, les rapporteurs spéciaux avaient reçu 100 % des 32 réponses attendues.

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOS RAPORTEURS SPÉCIAUX

En ce qui concerne la LPM 2009-2014

1. En 2009, malgré la quasi-absence de ressources exceptionnelles, les dépenses de la mission « Défense » ont été supérieures de 1,6 milliard d'euros à la programmation, qui prenait pourtant en compte les crédits de la mission « Plan de relance de l'économie ». Cela provient de ressources supplémentaires, qui ont plus que compensé le manque à gagner relatif aux ressources exceptionnelles, mais aussi de la très faible inflation, qui a majoré les dépenses exprimées en euros constants. A moyen terme cependant, compte tenu des mécanismes d'indexation de la LPM, cette faible inflation initiale pourrait réduire le « pouvoir d'achat » de la mission « Défense » d'environ 1,5 milliard d'euros sur la période 2009-2014.

2. La nouvelle programmation budgétaire triennale prévoit que, par rapport à la LPM, sur la période 2011-2013, la mission « Défense » verra ses crédits budgétaires réduits d'un montant total de 3,63 milliards d'euros, partiellement compensés par la perception décalée de 2,37 milliards d'euros au titre des recettes exceptionnelles, soit une perte de ressources nette de 1,26 milliard d'euros sur trois ans.

3. Si l'on prolonge en 2014 le gel des ressources totales de la mission « Défense » en volume, sur la période 2009-2014 les ressources de la mission « Défense » seraient inférieures de seulement 0,8 milliard d'euros à la LPM. Le résultat peut cependant fortement varier selon la solution qui sera effectivement retenue en 2014 (prise éventuelle comme point de départ des seuls crédits de paiement, passage au « zéro valeur »...).

4. Les aléas relatifs à l'exécution de la LPM sont considérables : économies supplémentaires en cas de croissance du PIB inférieure aux hypothèses du Gouvernement ; incertitudes persistantes quant au montant et au calendrier des ressources exceptionnelles (2,4 milliards d'euros prévus en 2011-2013), alors que leur compensation semble moins probable qu'en 2009 et 2010 ; risque de persistance de la sous-exécution du plafond d'ETPT fixé par la LPM observée en 2009 et 2010 ; du fait d'une sous-estimation initiale de la masse salariale et de la faible inflation de 2009, risque de « cannibalisation » des dépenses d'équipement par les dépenses de fonctionnement à hauteur de plusieurs milliards d'euros.

5. Certaines cibles d'acquisition de matériels ont déjà été revues à la baisse, avant même la prise en compte de la réduction des crédits résultant de la nouvelle programmation budgétaire triennale. Il s'agit en particulier de financer l'acquisition de treize Rafale supplémentaires, pour permettre à Dassault de préserver une activité suffisante malgré l'absence de contrat à l'exportation.

6. Les restructurations en cours de l'armée britannique devraient la ramener, en termes de capacités de projection, au niveau actuel de l'armée française.

En ce qui concerne l'année 2011

7. Les crédits de paiement sont inférieurs de 500 millions d'euros aux montants prévus par la LPM telle qu'interprétée par le Gouvernement. Par ailleurs, comme les années précédentes, le Gouvernement a choisi de ne pas appliquer strictement les méthodes de calcul de l'« annuité LPM ». Ainsi, l'hypothèse d'indice des prix retenue minore les crédits de la mission « Défense » de 90 millions d'euros, par ailleurs majorés de 60 millions d'euros pour le financement des OPEX, d'où une minoration supplémentaire des crédits de 30 millions d'euros.

8. La gestion des ressources humaines sera considérablement complexifiée en 2011 par les conséquences de l'article 24 du projet de loi relatif à la réforme des retraites, récemment adopté par le Sénat et en cours d'examen devant le Conseil constitutionnel. En effet, il en résulte que les militaires non officiers dont le contrat expire en 2011 verront leur pension à jouissance immédiate amputée d'environ 30 %. La manière dont le ministère de la défense devra s'adapter à cette situation demeure à déterminer.

9. Il serait illusoire de s'imaginer que les contraintes budgétaires seront sans effet sur les capacités opérationnelles. Ainsi, le présent projet de loi prévoit une dégradation de la capacité de projection de l'armée de terre, dont l'objectif ne serait plus atteint qu'à 95 % en 2011 et 90 % en 2013, en raison « des contraintes budgétaires de la période ».

En ce qui concerne le service de santé des armées

10. La Cour des comptes a récemment consacré au service de santé des armées un rapport public thématique 1 ( * ) . Les rapporteurs spéciaux soulignent la qualité de ce rapport, dont ils approuvent globalement les propositions. En particulier, ils estiment comme la Cour des comptes que le SSA doit s'efforcer de développer son activité afin d'accroître ses recettes et son savoir-faire. Ils s'interrogent toutefois sur la pertinence de la proposition 11 de « fixer l'objectif de retour à l'équilibre des comptes d'exploitation des hôpitaux d'instruction des armée, déterminer le calendrier pour y parvenir, et en élaborer les modalités avec le dispositif civil de santé ». En effet, cette proposition ne leur paraît pas tenir suffisamment compte des spécificités militaires du SSA.

En ce qui concerne les perspectives à l'horizon 2020

11. Les dépenses de la mission « Défense » ont spontanément tendance à augmenter d'environ 1 point de plus que l'inflation chaque année, du fait de l'indexation des prix des contrats d'armement et de l'impossibilité de laisser durablement s'éloigner la rémunération des militaires de celle des salariés du secteur privé. Ainsi, l'objectif, fixé par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008, d'une augmentation de ses dépenses de 1 % par an en volume à compter de 2012, ne paraît pas excessivement ambitieux.

12. Il ressort cependant des différents scénarios envisagés par les rapporteurs spéciaux que sur la période 2009-2020 les dépenses pourraient être inférieures de 3 % à 10 %, soit 10 à 35 milliards d'euros, à celles prévues par le Livre blanc . Compte tenu des inévitables dépenses non prévues qu'il conviendra de financer, la sous-exécution physique du Livre blanc serait encore supérieure.

13. La plupart des principaux programmes actuels ayant pour objet d'éviter une situation de quasi-rupture capacitaire, actuelle (NH90, A400M) ou imminente (FREMM, Barracuda), leur étalement s'accompagnerait nécessairement d'une révision à la baisse significative des objectifs opérationnels. Par ailleurs, les économies possibles sur les autres principaux programmes correspondraient à des montants nécessairement limités.

14. Les effectifs et les objectifs opérationnels à l'horizon 2020 pourraient donc être à nouveau revus à la baisse.

15. La LPM 2009-2014 prévoit sa révision au bout de quatre ans, c'est-à-dire en 2012, une nouvelle loi de programmation, de six ans mais elle aussi révisable au bout de quatre ans, devant couvrir la période 2013-2018. Il s'agira d'un rendez-vous essentiel.


* 1 « Médecins et hôpitaux des armées », octobre 2010.