Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur spécial

II. UN BUDGET DES TRANSPORTS TOUJOURS AUSSI PEU LISIBLE

A. POUR UNE MISSION BUDGÉTAIRE TRANSPORTS (BIS REPETITA)

L'année dernière, votre rapporteur spécial avait plaidé pour que le budget des transports et des infrastructures fasse l'objet d'une mission budgétaire dédiée . Cette demande n'a pas été entendue.

Il faut pourtant rappeler que, tant d'un point de vue administratif que parlementaire, la politique publique des transports est bien distincte de la politique publique en faveur de l'écologie.

À titre d'illustration, sur le projet de loi de finances 2015, l'Assemblée nationale a organisé deux commissions élargies sur la mission budgétaire « Écologie, développement et mobilité durables ». La première a porté spécifiquement sur les questions d'écologie en présence de Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, tandis que la seconde a porté sur les questions de transport en présence d'Alain Vidalies, secrétaire d'État chargé des transports, de la mer et de la pêche.

Au surplus, la grande mission budgétaire Écologie ne comporte aucune cohérence interne. Le programme 203 « Infrastructures et services de transports » est caractérisé par la part significative des fonds de concours ( cf. infra ) et par une budgétisation largement pluriannuelle compte tenu du poids important des investissements financés.

Sans revenir sur l'ensemble des arguments déjà développés 3 ( * ) , votre rapporteur spécial réitère sa préconisation qui vise à assurer une plus grande lisibilité aux budgets concernés mais aussi à favoriser un vote plus éclairé de la représentation nationale .

B. DE L'UTILITÉ BUDGÉTAIRE DE L'AFITF ?

L'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) est un établissement public administratif de l'État dont la tutelle est assurée par la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer. D'un point de vue budgétaire, elle est rattachée au présent programme.

Les recettes de l'AFITF sont constituées par différentes taxes affectées . À partir de 2015, elle ne reçoit plus de subvention d'équilibre de la part de l'État.

En termes de dépenses, plus de 60 % de son budget est reversé à l'État et, plus spécifiquement, au programme 203, sous forme de « fonds de concours » ( cf. encadré ). Le solde des dépenses du budget de l'AFITF va principalement à Réseau ferré de France (pour un peu plus de 25 %) et aux collectivités territoriales (pour environ 10 %).

Les fonds de concours

Aux termes de l'article 17 de la loi organique relative aux lois de finances, « les fonds de concours sont constitués [...] par des fonds à caractère non fiscal versés par des personnes morales ou physiques pour concourir à des dépenses d'intérêt public [...]

« Les fonds de concours sont directement portés en recettes au budget général [...] .

« Les recettes des fonds de concours sont prévues et évaluées par la loi de finances. [...]

« L'emploi des fonds doit être conforme à l'intention de la partie versante. À cette fin, un décret en Conseil d'État définit les règles d'utilisation des crédits ouverts par voie de fonds de concours ».

Autrement dit, l'État affecte des taxes à l'AFITF, qui reverse ensuite une partie de son budget à l'État en ayant préalablement « fléché » les sommes ainsi reversées vers des projets précis (routes, ferroviaires, fluvial, etc.). Ainsi que le reconnaît l'AFITF, elle est « un opérateur dit ?transparent? » 4 ( * ) , dont les décisions engagent l'État.

Du point de vue de l'analyse budgétaire, l'Agence est plutôt un facteur de complexité .

Il convient d'abord de souligner le poids des fonds de concours venant abonder le programme 203, essentiellement en provenance de l'AFITF, mais également des collectivités territoriales. Ainsi, pour 2015, les autorisations d'engagement inscrites sur le programme s'élèvent à 3 218 millions d'euros auxquelles s'ajoutent 1 325 millions d'euros de fonds de concours. Les crédits de paiements inscrits atteignent, pour leur part, 3 242 millions d'euros et les fonds de concours 1 964 millions d'euros 5 ( * ) .

Ainsi, les fonds de concours représentent près de 30 % des autorisations d'engagement et environ 38 % des crédits de paiement .

Or, les fonds de concours ne sont qu'évaluatifs et, s'agissant de l'AFITF, le Parlement ne dispose pas de son budget initial au moment où il se prononce sur les crédits du présent programme .

À cet égard, la Cour des comptes rappelle, dans les rapports remis au Parlement en vue de l'examen des projets de loi de règlement, que « la qualité de la programmation n'est toujours pas satisfaisante au regard des principes d'universalité et de sincérité budgétaire . Les documents de programmation budgétaire du programme 203 ne font apparaître ni la totalité des engagements annuels et pluriannuels pris par l'AFITF, ni la répartition des engagements pris par l'AFITF pour le compte de l'État et pour son propre compte » 6 ( * ) .

La Cour des comptes fait également valoir que « l'AFITF étant transparente, l'ampleur du recours à la technique des fonds de concours en provenance de cet établissement permet au ministère de disposer d'une masse de ressources reportables de droit et sans limite, et qui échappe, au moins directement, aux mesures de pilotage de la dépense publique en gestion ».

Si la Cour des comptes plaide logiquement pour la suppression de cet opérateur, votre rapporteur spécial estime que le conseil d'administration de l'AFITF présente l'avantage de réunir des personnes d'horizons divers (plusieurs administrations centrales, élus locaux, parlementaires, personnalité qualifiée), permettant une décision plus éclairée sur les choix et les priorités des infrastructures à financer.

En tout état de cause, le circuit budgétaire du financement des infrastructures mais aussi la multiplicité des organismes (RFF, Voies navigables de France, grands ports, collectivités territoriales, etc.) rendent très difficile de savoir quel est le montant effectivement consacré aux infrastructures en France.


* 3 Rapport au nom de la commission des finances, n° 156, Tome III, annexe 10 b (2013-2014), fait par Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur spécial, p. 9 et s.

* 4 AFITF, Rapport d'activité 2013, octobre 2014.

* 5 Dont 1 580 millions d'euros proviennent de l'AFITF et 384 millions d'euros des collectivités territoriales.

* 6 Cour des comptes, Analyse de l'exécution du budget de l'État par mission et par programme, exercice 2013, Écologie, développement et aménagement durables, mai 2014.