Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur spécial

III. DES INQUIÉTUDES PERSISTANTES SUR LA SOUTENABILITÉ DES ENGAGEMENTS PRIS

A. DES RESTES À PAYER DE L'ORDRE DE 16 MILLIARDS D'EUROS

Le financement des infrastructures de transport se caractérise par sa pluri-annualité . Qu'il s'agisse de l'État ou de l'AFITF, les projets engagés une année font l'objet de décaissements réguliers les années suivantes tout au long de leur réalisation.

D'après les documents transmis par l'AFITF, depuis sa création, elle a engagé pour 34 milliards d'euros. Fin 2014, une somme d'environ 15,83 milliards d'euros reste à mandater , soit un montant correspondant à plus de huit exercices au regard du budget actuel de l'AFITF.

Plus préoccupant, l'Agence ne parvient plus à faire face au rythme des paiements. Entendu par votre rapporteur spécial, Philippe Duron, président de l'AFITF, a indiqué que l'Agence doit encore 772 millions d'euros à RFF, dont 546 millions d'euros au titre de la ligne à grande vitesse Sud Europe Atlantique. Le paiement de cette dette devrait s'étaler sur trois ans.

En revanche, la résiliation du contrat Ecomouv', pour lequel l'AFITF avait engagé des crédits pour environ 3,4 milliards d'euros, devrait faire décroître sensiblement ses restes à payer. Il est néanmoins possible, comme évoqué plus haut, qu'elle doive payer une partie de l'indemnité de résiliation du contrat, à tout le moins les 174 millions d'euros correspondant aux loyers différés pour l'année 2014.

Dans son rapport d'activité pour l'exercice 2013, l'Agence souligne que « comptablement, l'AFITF étant un opérateur dit ?transparent?, elle n'est pas tenue de constituer des provisions comptables à hauteur de ces engagements, mais ces montants sont directement comptabilisés dans les comptes de l'État, sous forme ?d'engagements hors bilan? pour ceux d'entre eux qui correspondent à des engagements vis-à-vis des tiers . En effet les engagements vis-à-vis de l'État lui-même n'ont évidemment pas à se traduire par des provisions dans les comptes de l'État. C'est au total un montant de 8,18 milliards d'euros qui a été comptabilisé par l'État au titre des engagements externes de l'AFITF, contractés principalement vis-à-vis de RFF ».

B. LIMITER LES NOUVEAUX PROJETS

L'équilibre financier de l'AFITF apparaît pour le moins instable. Ses ressources sont incertaines au-delà de 2015 et elle doit faire face à ses engagements passés pour des montants très substantiels.

En 2014, elle a engagé des projets pour 597 millions d'euros et procédé à des paiements pour 1,76 milliard d'euros. Elle a donc réduit l'écart qui s'était creusé ces dernières années.

Lors de son audition, Philippe Duron, a estimé que l'AFITF pourrait engager 400 millions d'euros sur le volet mobilité des nouveaux contrats de plan État-régions. Il a toutefois souligné que 900 millions d'euros seraient nécessaires pour combler les besoins constatés.

En tout état de cause, l'Agence ne semble pas avoir d'autres solutions que de limiter ses engagements sur les projets les plus importants pour retrouver quelques marges de manoeuvre financières .

Ceci apparaît d'autant plus urgent que deux projets colossaux, à savoir le canal Seine-Nord Europe et le tunnel ferroviaire Lyon-Turin, pourraient bientôt devoir être financés. La France devrait en effet participer à l'appel à projet européen permettant d'obtenir jusqu'à 40 % de subventions pour la réalisation de ces ouvrages. Or même si l'Union européenne participe à cette hauteur, le reste à charge pour la France restera considérable, au minimum 6 milliards d'euros pour le tunnel Lyon-Turin.