MM. Jacques Chiron et Bernard Lalande, rapporteurs spéciaux

II. LES PRINCIPAUX ENJEUX BUDGÉTAIRES DE L'ANNÉE 2015

A. LA MISSION « ECONOMIE » CONTRIBUE À L'EFFORT DE RÉDUCTION DES DÉPENSES PUBLIQUES

À périmètre constant, c'est-à-dire sans prendre en compte les PIA et après correction des mesures de périmètre, les crédits demandés pour la mission « Économie » au titre de l'année 2015 s'élèvent à 1 798 millions d'euros en CP, en baisse de 4,2 % (789 millions d'euros) par rapport à la loi de finances pour 2014.

La mission apporte participe donc de manière importante à l'objectif de réduction des dépenses publiques , à l'instar de la principale mission du pôle économique et financier de l'État, la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines 2 ( * ) », et plus généralement de l'ensemble des missions du projet de loi de finances pour 2015, exception faite des missions « prioritaires » qui portent les crédits de la justice, de la sécurité et de l'éducation.

Les crédits de la mission « Économie » sont composés à moitié de crédits de personnel. Compte tenu des rigidités inhérentes aux crédits de titre 2, ce sont les dépenses de fonctionnement et surtout les dispositifs d'intervention en faveur des entreprises qui portent l'essentiel des économies réalisées au titre de l'année 2015 , comme expliqué infra .

Répartition par titre des crédits demandés pour 2015
de la mission « Économie »

(en millions d'euros, à périmètre constant)

AE 2015

CP 2015

Titre 2 : personnel

939,2

52%

939,2

52%

Autres dépenses

853,5

48%

858,6

48%

Titre 3 : fonctionnement

547,4

31%

547,3

30%

Titre 5 : investissement

3,6

0%

3,0

0%

Titre 6 : intervention

302,5

17%

308,4

17%

Total pour la mission

1 792,6

100%

1 797,8

100%

Source : PLF 2015.

La programmation triennale 3 ( * ) fait, de même, apparaître un effort soutenu de la mission « Économie » . Hors contribution au CAS « Pensions », les crédits de la mission devraient ainsi passer de 1 635 millions d'euros en 2014 à 1 503 millions d'euros en 2017, soit une baisse de 8 % . On notera toutefois que la prévision retenue en projet de loi de finances pour 2015, soit 1,56 milliard d'euros, est légèrement supérieure à la prévision envisagée par la précédente loi de programmation des finances publiques, qui était de 1,52 milliard d'euros 4 ( * ) .

Plafond des crédits dans le cadre du budget triennal
de la mission « Économie »

(en CP) (en millions d'euros)

LFI 2014

PLF 2015

2016

2017

1 635

1 555

1 528

1 503

Source : PLF 2015, PJLPFP 2014-2019. Crédits au format LPFP, hors CAS « Pensions ».

La mission « Économie » est ainsi l'une des missions dont les crédits affichent la plus forte baisse dans la programmation triennale 2014-2017 , comme le montre le tableau ci-après.

Programmation triennale 2014-2017 des crédits de paiement
des missions du budget général de l'État

Source : rapport n° 55 (2014-2015) fait par Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances, sur le PLPFP 2014-2019, 29 octobre 2014.

B. DES DÉPENSES FISCALES MARQUÉES PAR LE CICE

Un grand nombre de dépenses fiscales sont rattachées à la mission « Économie » , dont la vocation de soutien aux entreprises et à la croissance passe non seulement par des interventions budgétaires, mais aussi par des incitations fiscales. Celles-ci figurent en annexe du présent rapport.

Les 9 dépenses fiscales rattachées au programme 305 représentent un coût modeste de 22 millions d'euros en 2015 . La principale est l'exonération des droits d'enregistrement pour les actes portant changement de régime matrimonial, stabilisée à hauteur de 15 millions d'euros.

Les 70 dépenses fiscales rattachées au programme 134 représentent un coût total de 16,9 milliards d'euros en 2015 , soit près de vingt fois les crédits alloués au programme, en nette hausse par rapport. Les six premières dépenses fiscales représentent à elles-seules 85 % du total :

- le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), à hauteur de 10 milliards d'euros ;

- le taux de TVA de 10 % applicable aux ventes à consommer sur place, à l'exception des ventes de boissons alcoolisées, pour 2 490 millions d'euros ;

- le taux de TVA de 10 % applicable à la fourniture de logements dans les hôtels, pour 680 millions d'euros ;

- l'exonération partielle, sous certaines conditions, des droits de mutation à titre gratuit lors de la transmission d'entreprises exploitées sous la forme individuelle ou détenues sous forme sociale, pour 500 millions d'euros ;

- la réduction d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) au titre des investissements au capital des PME, pour 468 millions d'euros ;

- l'exonération partielle d'ISF des parts ou actions de sociétés objets d'un engagement collectif de conservation, pour 240 millions d'euros.

Si ces dépenses sont pour la plupart en légère progression, la nette hausse de l'ensemble observée par rapport à 2014 est principalement imputable à la montée en puissance du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi .

Si vos rapporteurs spéciaux ne remettent pas en cause la logique du CICE, ils constatent toutefois que celui-ci a l'inconvénient de bénéficier indifféremment à toutes les entreprises , qu'il s'agisse de PME ou de grands groupes, et qu'elles soient ou non exposées à la concurrence internationale. Ainsi, seulement 19,9 % des créances fiscales du CICE bénéficient au secteur de l'industrie manufacturière 5 ( * ) . Les PME reçoivent quant à elles 31 % du CICE, pour un montant moyen de 25 012 euros.

En complément du CICE et des baisses de charges sociales annoncées par le Gouvernement, vos rapporteurs spéciaux appellent donc à la mise en place de dispositifs incitatifs ciblant plus particulièrement l'investissement des PME du secteur industriel , qui sont cruciales pour l'emploi et le maintien du tissu économique de nos territoires. À cet égard, le dispositif d' amortissement exceptionnel sur 24 mois pour les robots acquis par les PME , introduit par la loi de finances pour 2014 6 ( * ) , constitue une avancée dans la bonne direction. Ce dispositif gagnerait être étendu à d'autres matériels et outillages de production utilisés par les PME .

C. LA MISE À CONTRIBUTION DU RÉSEAU CONSULAIRE

Le projet de loi de finances pour 2015 prévoit plusieurs mécanismes visant à faire contribuer les établissements du réseau consulaire , qui relèvent de la mission « Économie », à l'effort de redressement des finances publiques .

Ainsi, l'article 15 prévoit une baisse de 16,8 % (soit 213 millions d'euros) du plafond de la taxe affectée 7 ( * ) aux chambres de commerce et d'industrie (CCI) , abaissant celui-ci à 1 055 millions d'euros, ainsi qu'une baisse de 5,3 % (15 millions d'euros) du plafond de la taxe affectée aux chambres d'agriculture , abaissant celui-ci à 282 millions d'euros. Par ailleurs, l'article 17 opère un prélèvement exceptionnel de 500 millions d'euros sur le fonds de roulement des CCI, qui s'ajoute à celui de 170 millions d'euros prévu en 2014, ainsi qu'un prélèvement exceptionnel de 45 millions d'euros sur le fonds de roulement des chambres d'agriculture.

Eu égard aux efforts consentis par l'État, les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale, vos rapporteurs spéciaux estiment que la contribution demandée aux CCI, qui sont des établissements publics, est pleinement justifiée . De fait, l'excédent de recettes fiscales constaté ces dernières années, principalement du fait du dynamisme de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (TA-CVAE), a abouti à la constitution d'un fonds de roulement moyen de plus de 200 jours de fonctionnement , alors que la référence communément retenue est de 60 à 90 jours 8 ( * ) .

De plus, la baisse de la taxe pour frais de chambre affectée aux CCI vise à inciter celles-ci à approfondir le mouvement de rationalisation et de regroupement des établissements , prévu par la loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services, et pourtant toujours balbutiant . Ainsi, d'après les informations transmises à vos rapporteurs spéciaux, seule les quatre CCI territoriales du Nord-Pas-de-Calais se sont regroupées en une CCI régionale unique à ce jour . D'autre regroupements sont en cours, mais demeurent modestes dans leur ampleur : fusion des CCIT de Moulin-Vichy et de Montluçon, fusion des CCIT de Montpellier et de Sète, fusion des CCIT d'Angoulême et de Cognac, et regroupement des deux CCIR de Normandie en une seule CCI. D'après CCI France, le réseau des CCI sera composé de 137 établissements au 1 er janvier 2016 9 ( * ) , contre 150 établissements au 1 er janvier 2041 10 ( * ) . Enfin, la baisse du plafond de la TFC représente une baisse de la fiscalité pour les entreprises , ce qui correspond aux objectifs poursuivis par le Gouvernement.

Vos rapporteurs spéciaux estiment qu'il conviendrait d'inciter les CCI à consacrer leurs recettes fiscales à l'investissement plutôt qu'aux dépenses de fonctionnement et de personnel, qui ne cessent de croître sans « retour » pour le tissu économique des territoires.

Les mêmes remarques s'appliquent aux chambres d'agriculture et aux chambres de métiers et de l'artisanat (CMA) , étant entendu que l'impératif de rationalisation et d'économies ne doit pas remettre en cause le rôle joué par ces établissement au service de l'emploi, des territoires et du développement durable.


* 2 Les crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » s'élèvent à 11 261 millions d'euros en CP pour l'année 2015, en baisse de 1,4 % (165 millions d'euros) par rapport à 2014.

* 3 Projet de loi de programmation des finances publiques (PLPFP) pour les années 2014 à 2019.

* 4 Loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

* 5 Source : rapport du comité de suivi du CICE, septembre 2014. Les chiffres fournis par le rapport sont ceux connus au 22 août 2014.

* 6 Article 20 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

* 7 La taxe pour frais de chambre est composée de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (TA-CVAE) et de la taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises (TA-CFE).

* 8 Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), « La fiscalité affectée : constats, enjeux et réformes », 2013.

* 9 Soit CCI France, 21 CCIR, 106 CCIT et 9 CCI d'outre-mer.

* 10 Soit CCI France, 22 CCIR, 118 CCIT et 9 CCI d'outre-mer.