M. Jean-Pierre Vogel, rapporteur spécial

II. LES PRINCIPAUX ENJEUX DU PROGRAMME

A. DES RÉORGANISATIONS ADMINISTRATIVES MARQUÉES PAR LE TRANSFERT EN COURS DE LA BASE AÉRIENNE DE SÉCURITÉ CIVILE (BASC)

1. Les enjeux budgétaires du déménagement du site de Marignane, devenu inadapté

Annoncé par le ministre de l'intérieur le 14 janvier 2013, le transfert de la base aérienne de sécurité civile, implantée depuis 1963 à Marignane, sur le site de Nîmes pour la saison feux de forêts 2017 est actuellement dans une phase de conception, devant être suivie d'une phase de réalisation à partir de 2017. Le nouveau site, bien situé par rapport aux principaux terrains de lutte contre les feux de forêt et ne présente pas les contraintes foncières du site de Marignane, très proche de l'aéroport de Marseille-Provence, et dont la remise aux normes aurait eu un coût estimé à 7,5 millions d'euros.

Le site de Nîmes a d'autres avantages :

- la présence du groupement d'hélicoptères de la sécurité civile qui fera l'objet de mutualisation avec les fonctions « support » de la BASC ;

- l'opportunité de disposer des installations aéronautiques libérées fin 2011 par le ministère de la défense ;

- la disponibilité de terrains et hangars permettant de pouvoir envisager « la création d'un pôle de formation, de rassembler sur un même site l'ensemble des opérations de maintenance et de constituer un pôle national voire européen de la sécurité civile », comme l'a précisé le ministère de l'intérieur 6 ( * ) .

2. Une réévaluation à la hausse des dépenses d'accompagnement des personnels

Le coût global de la relocalisation de la BASC est estimé à 16,8 millions d'euros hors dépenses de personnel et à environ 2,86 millions d'euros pour les mesures d'accompagnement des personnels, soit au total 19,66 millions d'euros, en hausse de 1,46 million d'euros par rapport à la précédente évaluation effectuée il y a un an , lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2014 (+ 1,26 million d'euros pour les dépenses de personnel, réévaluées à la hausse de près de 80 %, et + 0,2 million d'euros pour les autres dépenses).

Si le volet social (aides et indemnités réglementaires - prime de restructuration, aide à la mobilité du conjoint, indemnité de déménagement - mesures d'accompagnement individualisées) a un coût nécessaire , sa sous-évaluation initiale est regrettable dans un contexte budgétaire particulièrement contraint .

B. LE RENOUVELLEMENT D'UNE FLOTTE AÉRIENNE EN VOIE D'OBSOLESCENCE : UNE PRIORITÉ MAL ANTICIPÉE

1. La flotte de sécurité civile : les conséquences budgétaires d'un vieillissement insuffisamment anticipé

Le bureau des moyens aériens, échelon central de commandement et de coordination, relève de la sous-direction des moyens nationaux de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC). Il comprend deux unités aériennes opérationnelles : la base aérienne de sécurité civile (BASC, cf. supra ) et le groupement d'hélicoptères de la sécurité civile (GHSC).

La flotte de la sécurité civile comportait, au 1 er septembre 2014, 61 aéronefs (avions et hélicoptères).

La flotte d'avions était constitué, à la même date, de 12 avions bombardiers d'eau Canadair CL 415, de 9 avions bombardiers d'eau Tracker, de 2 avions bombardiers d'eau gros porteurs polyvalents Dash 8 Q 402 MR, et de 3 avions d'investigation et de liaison de type Beechcraft 200 7 ( * ) . En dehors des périodes de détachements d'été (durant lesquelles ils stationnent à Ajaccio, Bastia, Carcassonne et, selon les risques, Bordeaux et la Réunion), ils sont basés sur la plate-forme de Marignane.

La flotte d'hélicoptères était formée, toujours à la date du 1 er septembre 2014, de 35 hélicoptères EC 145 (utilisés pour les missions de secours à personne en première intention et pour les missions de police en subsidiarité des moyens aériens de la gendarmerie), les 4 hélicoptères Ecureuil ayant été vendus en octobre 2012. Ces aéronefs sont mis en oeuvre sur 24 bases hélicoptères 8 ( * ) . L'échelon central du GHSC, ainsi que les centres de maintenance et de formation, sont implantés sur la plate-forme de Nîmes-Garons.

Le renouvellement de la composante aérienne de la sécurité civile, trop longtemps différé, devient urgent :

- le remplacement des 9 Tracker, dédiés à l'attaque des feux naissants, est toujours prévue à l'horizon 2020, après que l'expérimentation réalisée en 2013 avec un appareil de type Air Tractor n'a pas produit les résultats escomptés ; le ministère de l'intérieur a sobrement indiqué à votre rapporteur spécial que « la DGSCGC [lui] remettra des propositions techniques pour le renouvellement de la composante Tracker, en étudiant différents modèles économiques (achat, location...) » 9 ( * ) ;

- de l'aveu même du ministère de l'intérieur, « la flotte d'avions d'investigation et de coordination Beechcraft 200 est vieillissante (âge moyen 27 ans) et confrontée à des obsolescences » 10 ( * ) mais des réponses semblent en mesure d'être apportées à court et moyen termes puisque, toujours selon le ministère de l'intérieur, « dans le cadre du nouveau marché de maintien en condition opérationnelle, une rénovation avionique est prévue qui permettra de prolonger leur durée de vie. L'équipement de deux des trois avions de la flotte en moyens optroniques permettra de moderniser l'approche des missions d'investigation feux de forêt et de développer de nouvelles missions subsidiaires au profit du ministère de l'intérieur » 11 ( * ) .

À l'étude, le recours accru aux drones se heurte à une réglementation restrictive.

Il est difficile d'évaluer le coût précis de renouvellement de la flotte , puisqu'il dépend de différents paramètres, notamment le nombre et d'appareils et leurs caractéristiques, ainsi que le prix de revente des appareils actuellement utilisés et l'augmentation des frais de maintenance résultant du maintien a contrario de la flotte actuelle, le coût unitaire d'achat d'un seul appareil étant en tout état de cause prohibitif par rapport à celui qui résulterait d'achats groupés. Sous ces réserves, en 2012 le renouvellement de la flotte des Tracker avait été estimé à 160 millions d'euros , alors que l'acquisition d'une flotte d'Air Tractor était évaluée à 60 millions d'euros.

2. Des arbitrages à faire entre coûts accrus de maintenance, révision des appareils et renouvellement de la flotte, et la nécessité de développer les mutualisations avec d'autres acteurs que la sécurité civile

Dans ses réponses au questionnaire budgétaire, le ministère de l'intérieur n'évoque pas le renouvellement des 12 Canadair CL 415 : les appareils ont pourtant été livrés entre 1994 et 2007, pour un vieillissement moyen de 17 ans. Certes, les aéronefs ont été révisés en 2013 et 2014, permettant d'allonger leur espérance de vie, mais au prix de coûts de maintenance plus élevés à terme .

Les frais de maintenance de la flotte d'avions s'élèvent à 41,1 millions d'euros en prévision d'exécution 2014 (légèrement en-deçà de la prévision de la loi de finances initiale pour 2014 : 41,9 millions d'euros), contre moins de 36 millions d'euros en 2013 (du fait de l'ajournement de dépenses de maintenance à hauteur de près de 4 millions d'euros en CP) et 36,8 millions d'euros en 2015. De fait, la prévision d'exécution de 2014 a intégré un surcoût lié au décalage du calendrier initial d'attribution de la maintenance du Dash 8, affermi pour une durée de six années, tandis que le marché de maintenance prévu en 2015 concerne tous les autres appareils.

Il serait utile d' effectuer des simulations sur les surcoûts liés au maintien de la flotte actuelle, en termes de maintenance et de révision des appareils, et le coût de l'acquisition de nouveaux appareils , au regard de l'obsolescence des appareils et de la nécessité d'assurer le plus haut niveau de sécurité des pilotes.

Comme votre rapporteur spécial en a discuté au cours de ses auditions, une autre piste consisterait à développer les mutualisations dans le recours aux appareils de la flotte des hélicoptères, au sein du même ministère (avec les forces de police et de gendarmerie) 12 ( * ) ou au niveau interministériel, par exemple avec les acteurs de la santé publique , en prenant en compte les différences d'usage. Il pourrait ainsi être envisagé une flotte nationale unique regroupant l'ensemble des hélicoptères actuels de la sécurité civile, de la gendarmerie et du SAMU en définissant chaque année le crédit d'heures qui serait alloué pour chacune des missions, ainsi que de prédéfinir les règles de priorité d'emploi entre ces différents services. Cette disposition présenterait l'avantage d'une homogénéité du parc aérien et donc une économie du coût de sa maintenance , ainsi qu'une optimisation de l'emploi opérationnel des vecteurs aériens.

C. LE RÉSEAU ANTARES : LA PRIORITÉ À ACCORDER À LA COUVERTURE DE L'ENSEMBLE DU TERRITOIRE NATIONAL

Le projet ANTARES (Adaptation nationale des transmissions aux risques et aux secours) a comme objectif une meilleure interopérabilité des systèmes de communication des forces de sécurité : police, gendarmerie, sécurité civile, services d'aide médicale d'urgence (SAMU).

D'ici 2018, le coût total d'investissement s'élève à 118,85 millions d'euros, et ce montant prévisionnel a pu être maintenu dans les réponses apportées par le ministère de l'intérieur au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial. Dans le projet de loi de finances pour 2015, les crédits d'investissement dédiés à ANTARES atteignent à 8,4 millions d'euros en AE et 14,4 millions d'euros en CP.

Le financement de l'investissement est partagé entre l'État et les SDIS :

- à la charge de l'État, la mise en oeuvre et le financement des relais radio constituant toute l'infrastructure du réseau ;

- à la charge des SDIS, les postes mobiles équipant les véhicules et les postes fixes des casernes, ainsi que l'adaptation technique des dispositifs radio équipant les centres de traitement de l'alerte (CTA) et le centre opérationnel départemental d'incendie et de secours (CODIS).

Le taux d'équipement des SDIS en terminaux ANTARES continue de progresser conformément aux prévisions initiales : 70 % fin 2012, 75 % fin 2013, et des prévisions de 84 % fin 2014 et 89 % fin 2015.

Au regard des investissements que doivent continuer à consentir les SDIS , il est regrettable que , depuis la loi de finances initiale pour 2013, il ne soit plus inscrit de crédits budgétaires en AE au titre du fonds d'aide à l'investissement (FAI) instauré par l'article 129 de la loi de finances pour 2003, pour soutenir les SDIS dans leurs efforts d'investissement en équipements et en matériels. Une partie des crédits du FAI concourait spécifiquement, depuis 2007, au financement du programme ANTARES.

En 2014, 6,10 millions d'euros ont engagés en investissements par l'État, dont 0,8 million d'euros pour la mise en place, sur le réseau QUARTZ développé par la gendarmerie nationale, des services et des fonctionnalités ANTARES à la Réunion, et 0,939 million d'euros au titre de la participation de la DGSCGC d'ANTARES aux Antilles.

En 2015 et 2016 le Gouvernement prévoit de réaliser des travaux à hauteur, respectivement, de 8,4 millions d'euros et 8,8 millions d'euros pour achever la couverture ANTARES sur l'ensemble du territoire national , ce qui doit constituer une priorité : en effet, le taux de couverture national du territoire, stable à 95 % par rapport à l'année dernière, continue de poser le problème de « zones blanches » non couvertes, notamment dans les départements ruraux .

En outre, ce taux de couverture de 95 % correspond vraisemblablement aux résultats issus d'une modélisation de la couverture radio réalisée par l'emploi de modèles informatiques. Les mesures de couverture radio effectuées sur le terrain par les SDIS font apparaître un taux de couverture du territoire sensiblement inférieur , tout en permettant de cartographier précisément les zones blanches. Dans certains départements, la couverture antérieure du territoire était plus élevée. Il convient donc d'envisager des solutions techniques pour améliorer la couverture du territoire, tout en veillant à ce que leur coût ne soit pas excessif au regard de l'objectif poursuivi.

À cette fin, il conviendrait de créer un nouvel objectif de performance « Couverture optimale du territoire national par le réseau ANTARES en vue de la protection des populations » , auquel serait associé un indicateur mesurant le pourcentage de la population couverte par le réseau, renseigné notamment par les résultats de mesures de couverture qui seraient réalisées sur le terrain.

D. LE RÔLE DES SDIS COMME ÉCHELON DE PROXIMITÉ : UNE NÉCESSITÉ RECONNUE PAR LE GOUVERNEMENT

La réforme territoriale pose la question du rôle des SDIS, financé par les collectivités territoriales, alors que votre rapporteur spécial estime que la compétence des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) en matière de lutte contre les incendies devrait être reconnue.

Lors du 121 e congrès national des sapeurs-pompiers de France, qui s'est tenu à Avignon du 1 er au 4 octobre 2014, Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur, a confirmé le rôle de l'échelon départemental, garant de la proximité, comme niveau d'organisation de la réponse opérationnelle . Cette clarification est bienvenue.

E. LA GESTION DES CRISES NUCLÉAIRES : LA PUBLICATION DU PLAN NATIONAL DE RÉPONSE « ACCIDENT NUCLÉAIRE OU RADIOLOGIQUE MAJEUR »

Le séisme du 11 mars 2011 au Japon et le tsunami associé ont initié un grave accident nucléaire générant des rejets de matière radioactive importants, tant dans l'atmosphère que dans la mer. Les actions de protection de la population qui ont été mises en oeuvre par les autorités japonaises ont été suffisantes pour protéger les riverains, mais les territoires ont été souillés pour de longues années, impliquant des changements de mode de vie des résidents.

Après avoir participé à la gestion de cette crise au Japon, la DGSCGC a initié des démarches en 2013 pour être éligible au Fonds de Sécurité Intérieur, volet « coopération policière et gestion de crise », afin de bénéficier de fonds européens pour financer partiellement, entres autres, le plan de déploiement des unités mobiles de décontamination (UMD) dès 2014 .

Le directeur de la coopération internationale du ministère de l'intérieur a ainsi adressé au DGSCGC, le 1 er août 2014, une lettre d'intention de cofinancement assujettie à la validation européenne qui devrait intervenir début 2015 .

Quatre UMD ont été commandées par la DGSCGC sur l'exercice budgétaire 2014, ce qui portera à 71 le nombre d'UMD opérationnelles de la sécurité civile sur le territoire national.

Alors que les personnels intervenants (notamment sapeurs-pompiers et sauveteurs) ont été confrontés à une situation radiologique hors norme, au regard notamment de l'étendue de la surface contaminée et de l'absence de zone propre de repli, l'intervention au Japon a montré que les protocoles existants chez les opérateurs nucléaires n'étaient pas adaptés à ce type de situation. Par ailleurs, les intervenants ne disposent pas de repères de débit de dose pendant leur intervention leur permettant de garantir le respect des limites réglementaires. Des travaux seront ainsi engagés pour la détermination des critères de débit de dose pour les intervenants en situation d'urgence radiologique, ainsi que des seuils en deçà desquels la contamination des intervenants doit être considérée comme négligeable.

En parallèle et dans le cadre du programme de prévention des risques NRBC 13 ( * ) initié par le premier livre blanc sur la sécurité et la défense, le Centre National Civil et Militaire de Formation et d'Entraînement aux évènements de nature Nucléaire, Radiologique, Biologique, Chimique et Explosif (CNCMFE NRBC-E) a été créé le 14 mars 2014 en tant que service à compétence nationale du ministère de l'intérieur. Implanté à Aix-en-Provence, il s'appuie sur sept centres d'entraînements implantés dans les zones de défense et de sécurité.

Un déploiement de matériel de contrôle effectué dans les aéroports a permis d'entraîner les équipes et de tester de nouveaux matériels.

Le plan national de réponse « accident nucléaire ou radiologique majeur » a été publié début 2014 . Il fixe l'organisation de conduite de crise, la stratégie à appliquer et les principales mesures à prendre au niveau gouvernemental, en phase d'urgence (avant ou pendant les rejets radioactifs) et en sortie de cette phase. Sur la base du guide de déclinaison territoriale diffusé en septembre 2014 aux préfets de zone de défense et de sécurité, aux préfets maritimes et aux préfets de département, le plan national fait l'objet d'une déclinaison territoriale qui doit être achevée d'ici fin 2015 .

Les crédits de fonctionnement du CNCMFE NRBC-E s'élèvent à 250 000 euros en AE et en CP dans le projet de loi de finances pour 2015, répondant à la nécessité de prendre mieux en compte le risque d'accident nucléaire ou radiologique majeur, tout en faisant le choix d'une structure souple, aux coûts limités, dans un contexte budgétaire contraint .


* 6 Source : réponses au questionnaire budgétaire.

* 7 Ces appareils interviennent aux différentes étapes de lutte contre les incendies : les gros porteurs Dash-8 en début de feu, pour faire barrière, avec l'emploi de retardants ; les bombardiers d'eau Tracker, qui restent au sol en guets aérien, sont aussi déployés en général en première intervention lors des départs de feu, le largage de retardants et leur rapidité d'action aidant à la lutte de premier niveau ; les Canadair interviennent enfin lors de la lutte effective contre le feu, en écopant sur de grands plans d'eau.

* 8 21 de ces bases sont réparties sur le territoire métropolitain et 3 outre-mer (une en Guadeloupe, une ouverte à la Martinique en octobre 2012 et une dernière a été ouverte en Guyane en juin 2014). Suite à l'ouverture de la Guyane à flotte constante, 1 base (Le Touquet) a été mise en indisponibilité. Sept détachements temporaires complètent ce dispositif.

* 9 Source : réponses au questionnaire budgétaire.

* 10 Ibid.

* 11 Ibid.

* 12 La flotte du ministère de l'intérieur compte 90 hélicoptères (modèles EC 135 et EC 145).

* 13 Prévention des risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques