Mardi 2 juin 2020

- Présidence de M. Vincent Éblé, président -

La réunion est ouverte à 14 h 05.

Proposition de loi tendant à définir et à coordonner les rôles respectifs des assurances et de la solidarité nationale dans le soutien des entreprises victimes d'une menace ou d'une crise sanitaire majeure - Examen des amendements de séance au texte de la commission

M. Vincent Éblé, président. - Nous examinons les amendements de séance sur la proposition de loi tendant à définir et à coordonner les rôles respectifs des assurances et de la solidarité nationale dans le de soutien des entreprises victimes d'une menace ou d'une crise sanitaire majeure.

EXAMEN DE L'AMENDEMENT DU RAPPORTEUR

L'amendement de coordination n°  22 est adopté.

Auteur

Avis de la commission

M. NOUGEIN

22

Adopté

EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION

Article 1er

M. Claude Nougein, rapporteur. - L'amendement n°  6 intègre notamment le cas de la réquisition d'un bien ou d'une personne parmi les mesures administratives permettant de déclencher le bénéfice de la garantie. Cet élargissement ne me semble pas pertinent : demande de retrait.

La commission demande le retrait l'amendement n°  6.

M. Claude Nougein, rapporteur. - L'amendement n°  7 précise, s'il en était besoin, qu'il revient à l'assuré de justifier sa baisse de chiffre d'affaires : avis favorable.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n°  7.

M. Claude Nougein, rapporteur. - L'amendement n°  2 est satisfait : avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  2.

M. Claude Nougein, rapporteur. - L'amendement n°  3 allonge la période sur laquelle est calculé le critère de perte de chiffre d'affaires. Il s'éloigne ainsi de la logique assurantielle et traite plutôt de la question du soutien à la reprise d'activité. En cas de baisse d'activité durable à la suite d'une crise sanitaire, cet amendement pourrait renchérir le montant des indemnisations à verser, et donc augmenter le montant de la prime : avis défavorable.

M. Jean-Marc Gabouty. - Le critère du chiffre d'affaires n'est pas le bon, car il peut, sur un mois, varier très fortement. C'est le cas, par exemple, dans la fabrication de machines-outils : une entreprise peut travailler plusieurs mois sur une machine qu'elle vend une fois, son chiffre d'affaires est plus important sur le mois de la vente, avant de retomber, sans que cela ait une signification économique. Quand on parle d'indemniser un incendie ou le bris de machines, on indemnise en fonction du dommage ; c'est ce qu'il faudrait faire, au lieu de se référer au seul chiffre d'affaires. On a comparé l'intervention assurantielle au fonds de solidarité, mais les logiques et l'ampleur de l'aide ne sont pas les mêmes : le fonds de solidarité n'est allé que jusqu'à 7 000 euros pour des entreprises qui font 1 million d'euros de chiffre d'affaires, à peine 0,7 %. Nous parlons ici de toute autre chose, mais j'y reviendrai en séance plénière.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  3.

La commission émet un avis favorable à l'amendement de précision n°  8.

La commission émet un avis favorable à l'amendement de précision n°  9.

M. Claude Nougein, rapporteur. - Le code de l'assurance disposant qu'une garantie est « couverte » et non « financée » par une prime, je demanderai le retrait de l'amendement n°  10.

La commission demande le retrait de l'amendement n°  10.

M. Claude Nougein, rapporteur. - L'amendement n°  11 me paraît fondé sur un malentendu, dès lors que l'article 1er vise le taux de la prime additionnelle acquittée par l'entreprise, et non le taux de l'indemnisation versée par l'assurance : retrait, sinon avis défavorable.

La commission demande le retrait de l'amendement n°  11 et, à défaut, y sera défavorable.

M. Claude Nougein, rapporteur. - L'amendement n°  14 fixe le délai dont dispose l'assuré pour transmettre les documents justificatifs à son assureur. Cette disposition relève manifestement du domaine réglementaire.

La commission demande au Président du Sénat de se prononcer sur la recevabilité de l'amendement n°  14 en application de l'article 41 de la Constitution.

M. Claude Nougein, rapporteur. - L'amendement n°  4 prévoit que le versement de l'indemnisation est mensuel. Ce fonctionnement s'inspire de la crise sanitaire actuelle, qui dure plusieurs mois. On ne peut présumer de la longueur de la prochaine crise sanitaire, ni des besoins des entreprises. Ce dispositif paraît moins souple que ce que prévoit le texte de la commission : avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  4.

La commission émet un avis favorable à l'amendement rédactionnel n°  12.

M. Claude Nougein, rapporteur. - L'amendement n°  13 rectifié prévoit l'obligation pour l'assuré de remettre à l'assureur les documents comptables lui permettant le calcul de l'indemnité. Il précise également que le délai d'indemnisation commence à compter de la réception de ces documents. Ces dispositions relèvent manifestement du domaine réglementaire.

La commission demande au Président du Sénat de se prononcer sur la recevabilité de l'amendement n°  13 rectifié en application de l'article 41 de la Constitution.

M. Claude Nougein, rapporteur. - L'amendement n°  16 augmente le taux d'intérêt appliqué à l'assureur s'il tarde à verser l'indemnisation, en majorant de cinq points le taux de l'intérêt légal, ce qui semble excessif : avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  16.

Article 1er

Auteur

Avis de la commission

Mme RENAUD-GARABEDIAN

6

Demande de retrait

Mme RENAUD-GARABEDIAN

7

Favorable

M. DECOOL

2

Défavorable

M. DECOOL

3

Défavorable

Mme RENAUD-GARABEDIAN

8

Favorable

Mme RENAUD-GARABEDIAN

9

Favorable

Mme RENAUD-GARABEDIAN

10

Demande de retrait

Mme RENAUD-GARABEDIAN

11

Demande de retrait

Mme RENAUD-GARABEDIAN

14

Irrecevable

M. DECOOL

4

Défavorable

Mme RENAUD-GARABEDIAN

12

Favorable

Mme RENAUD-GARABEDIAN

13 rect.

Irrecevable

Mme RENAUD-GARABEDIAN

16

Défavorable

Article 2

M. Claude Nougein, rapporteur. - L'amendement n°  17 prévoit un avis conforme du fonds de garantie pour répartir les ressources, ce qui le place en position de juge et partie : demande de retrait.

La commission demande le retrait de l'amendement n°  17.

M. Claude Nougein, rapporteur. - L'amendement n°  18 modifie la date de répartition des ressources du fonds entre assureurs, ce qui n'est guère opérant : l'idée est plutôt que l'assureur fasse une déclaration unique auprès du fonds pour l'ensemble des sinistres dont il a la charge, plutôt qu'une déclaration par sinistre. Demande de retrait.

La commission demande le retrait l'amendement n°  18.

M. Claude Nougein, rapporteur. - L'amendement n°  19 porte à soixante jours le délai dont disposent les assureurs pour communiquer au fonds de garantie le montant qu'ils ont versé : avis favorable.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 19.

M. Claude Nougein, rapporteur. - L'amendement n°  20 modifie la date de répartition des ressources du fonds entre assureurs : demande de retrait.

La commission demande le retrait de l'amendement n°  20.

M. Claude Nougein, rapporteur. - L'amendement n°  21 rectifié précise que l'assuré doit déclarer son sinistre dans les trente jours suivant le début de l'application des mesures administratives. Cet amendement ne répond pas à l'objectif recherché car il modifie le délai de prescription et non le délai de déclaration de sinistre : demande de retrait.

La commission demande le retrait de l'amendement n°  21 rectifié.

Article 2

Auteur

Avis de la commission

Mme RENAUD-GARABEDIAN

17

Demande de retrait

Mme RENAUD-GARABEDIAN

18

Demande de retrait

Mme RENAUD-GARABEDIAN

19

Favorable

Mme RENAUD-GARABEDIAN

20

Demande de retrait

Mme RENAUD-GARABEDIAN

21 rect.

Demande de retrait

La réunion est close à 14 h 20.

Mercredi 3 juin 2020

- Présidence de M. Vincent Éblé, président -

La réunion est ouverte à 11 h 20.

Audition de Mme Isabelle Falque-Pierrotin, candidate aux fonctions de présidente de l'Autorité nationale des jeux (ANJ)

M. Vincent Éblé, président. - Mes chers collègues, cette réunion revêt un caractère particulier. C'est en effet la première fois depuis le début de la crise sanitaire que nous nous réunissons dans des conditions nous permettant d'être au complet, même si certains d'entre nous y assistent en téléconférence.

Nous entendons ce matin Mme Isabelle Falque-Pierrotin, dont la candidature a été proposée par le Président de la République le 20 avril dernier pour la présidence de la nouvelle Autorité nationale des jeux (ANJ).

En effet, en application de la loi organique et de la loi ordinaire du 23 juillet 2010 relatives à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, nous serons conduits à voter, à l'issue de cette audition, sur cette proposition de nomination.

À cet égard, je vous indique qu'aux termes de l'alinéa précité, « le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l'addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions ». Il nous faudra donc consolider nos votes, à bulletin secret, avec ceux des membres de la commission des finances de l'Assemblée nationale, devant lesquels Mme Falque-Pierrotin s'est exprimée précédemment.

En outre, aux termes de l'article 3 de la loi organique, « il ne peut y avoir de délégation lors d'un scrutin destiné à recueillir l'avis de la commission permanente compétente de chaque assemblée sur une proposition de nomination selon la procédure prévue au cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution ». En conséquence, seuls les sénateurs présents physiquement voteront. Le vote aura lieu à l'issue de cette audition et un dépouillement simultané avec nos collègues de l'Assemblée nationale sera réalisé en fin de matinée.

Enfin, je vous rappelle que, conformément à la loi précitée du 23 juillet 2010, la présente audition est publique et ouverte à la presse.

L'Autorité nationale des jeux a été officiellement créée le 1er janvier dernier et ses missions ont été précisées par voie réglementaire début mars. Cette création s'inscrit dans le cadre de la refonte de la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard rendue nécessaire par la privatisation de la Française des jeux, autorisée par la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte, et concrétisée à la fin de l'année dernière. À cette fin, une mission de préfiguration de la nouvelle autorité vous avait été confiée, Mme Falque-Pierrotin, par le Premier ministre au début du mois d'octobre 2019.

Cette audition est aussi pour nous l'occasion d'aborder le nouveau cadre de gouvernance des jeux d'argent et de hasard, dont la définition a été intégralement opérée par voie d'ordonnance. La mission pour laquelle vous vous présentez devant nous sera rendue d'autant plus importante que les difficultés sociales qui s'annoncent pourraient renforcer les risques d'addiction au jeu et de recours à des offres illégales.

Je vous invite à nous exposer d'abord votre parcours et à nous livrer la vision stratégique que vous portez pour l'Autorité nationale des jeux (ANJ) dans l'éventualité de votre désignation.

Nous aurons ensuite, avec le rapporteur général et l'ensemble des commissaires, des questions complémentaires à vous adresser.

Mme Isabelle Falque-Pierrotin, candidate proposée par le Président de la République aux fonctions de présidente de l'Autorité nationale des jeux. - Je vous remercie de m'entendre dans le cadre de ma candidature à la présidence de l'ANJ. Je me présente à ce poste avec humilité, mais aussi avec détermination.

Avec humilité, parce que l'histoire de l'ANJ ne commence pas aujourd'hui. Elle a débuté avec la loi du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne, qui a créé l'Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel), et s'est poursuivie au travers des modifications législatives successives, des rapports parlementaires et des rapports d'autorités de contrôle. Je suis consciente de cet héritage, de ce qu'il implique en termes de connaissance partagée et d'effort collectif. Progressivement, s'est imposée l'idée d'une autorité administrative indépendante unique. Les parlementaires que vous êtes ont joué un rôle déterminant dans cette construction, tout comme mon prédécesseur, Charles Coppolani, et son équipe, auxquels je voudrais rendre hommage.

Avec détermination, car la tâche est passionnante. Il s'agit d'encadrer, via l'ANJ, une pratique qui intéresse près d'un Français sur deux - avec de plus en plus de jeunes -, un marché concurrentiel qui a fait face, avec la crise du Covid-19, à un coup de frein brutal. Les enjeux concernent l'emploi, les filières, le rayonnement français et, évidemment, les finances publiques. L'ANJ est vraiment au coeur d'une régulation stratégique.

Quels éléments puis-je avancer à l'appui de ma candidature ?

Depuis ma sortie de l'École nationale d'administration, mes activités se sont déroulées à la confluence du secteur public et du secteur privé. J'ai toujours pensé qu'il fallait rapprocher ces deux univers afin, pour le public, d'adapter ses méthodes et, pour le privé, de construire un développement plus durable.

J'ai commencé par travailler au Conseil d'État, où j'ai appris le droit et la rigueur, puis au sein d'une entreprise informatique, Bull, pour découvrir pendant trois ans la richesse de l'univers technologique et ses outils, et passé une année à l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sur les enjeux numériques. J'ai dirigé pendant dix ans le Forum des droits sur l'internet, organisme de corégulation qui m'a donné l'expérience de la coconstruction de normes entre le public et le privé et fait découvrir la richesse du tissu associatif. Enfin, j'ai assuré la présidence de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) pendant huit ans, en assurant la présidence du G29 - le groupe des CNIL européennes - pendant quatre ans et du réseau mondial pendant 18 mois.

De ces expériences, j'ai tiré trois compétences qui pourraient être utiles à l'ANJ.

D'abord, une compétence de régulateur. Réguler est un métier délicat, voire difficile, de recherche permanente d'équilibre entre des intérêts publics et privés, parfois divergents. Je l'entends comme un métier de dialogue, d'abord avec les acteurs économiques pour ajuster les demandes de l'ANJ aux réalités du terrain, afin de coproduire des outils de conformité adaptés aux besoins et d'apporter de la sécurité juridique aux opérateurs. C'est une dimension à laquelle j'ai été très attachée à la CNIL et qui a conduit à mettre au point des outils nouveaux de régulation, ce que nous avons appelé les « packs de conformité » ou de recourir à des consultations avec les parties prenantes, par exemple autour des lignes directrices du règlement général sur la protection des données (RGPD).

Le dialogue se fait aussi avec les joueurs, car ils ont une certaine science du marché - leur vigilance est la première strate de régulation -, et avec les autres régulateurs. Je crois beaucoup à l'interrégulation, afin de présenter aux acteurs régulés un front public uni et cohérent. Dans le cas de l'ANJ, cette dimension me paraît très importante, car la culture du secteur est celle d'une présence forte de l'État. Demain, aux côtés de l'ANJ, cinq ministères au moins resteront partiellement compétents : l'intérieur, l'agriculture, le sport, le budget et la santé. Il faudra coopérer avec eux, et mettre progressivement en place un cadre de travail commun.

Le dialogue se fait enfin avec vous, parlementaires, dans votre mission de contrôle d'une autorité administrative indépendante, mais aussi - je l'espère - dans la veille et la coopération dynamique pour anticiper les questions nouvelles. Le secteur des jeux ne m'apparaît en effet pas totalement stabilisé. Aussi, si vous acceptez ma candidature, je serais très honorée de venir vous rendre compte régulièrement. Je suis sûre que nous aurons, au-delà des textes actuels, de nouveaux sujets de discussion.

En définitive, la régulation n'est pour moi ni une science abstraite ni un règne solitaire. C'est une pratique de terrain qui vise à construire un réseau d'alliés, chacun dans son rôle, à bâtir un écosystème de régulation, y compris à l'international, pour animer, de façon souple et ferme, un secteur. Concrètement, il s'agit de faire respecter les principes de la loi, mais aussi d'apporter du service, de la valeur ajoutée, aux acteurs régulés et davantage de protection aux joueurs.

Au-delà de cette compétence de régulateur, je pense pouvoir me servir de mon travail sur les questions éthiques. Au Conseil d'État, j'ai travaillé sur la révision des lois bioéthiques. J'ai approfondi ces sujets à la CNIL, et je préside aujourd'hui le comité éthique de Parcoursup. À l'ANJ, ces questions auront toute leur importance. Comment concilier liberté des joueurs et protection ? Faut-il identifier tous les joueurs au nom de la lutte contre l'addiction ou le blanchiment ? Comment responsabiliser les parents ou les éducateurs ? On le voit, l'éthique va au-delà du droit : elle permet de réaffirmer un modèle de société. L'ANJ devra apprécier celui-ci dans un contexte de forte évolution des usages. Elle devra démontrer, face à une concurrence internationale qui se renforce, que le modèle éthique français régulé est attractif et robuste, et non antagoniste avec un développement du marché.

Enfin, je pense pouvoir apporter à l'ANJ ma capacité d'animation d'équipe, acquise grâce à la collégialité du Conseil d'État et aux années de concertation au sein du Forum des droits sur l'internet. Je crois à la force du collectif, au leadership alimenté par une équipe solide. Ma première fierté à la CNIL a été de bâtir cette équipe autour d'une vision partagée. J'aimerais renouveler l'expérience à l'ANJ. Pour avoir découvert à l'Arjel, pendant la mission de préfiguration, des personnels compétents et investis, je suis confiante dans leur capacité à s'inscrire dans un nouveau projet. Je souhaite aussi animer le collège, les commissions consultatives permanentes. Ces formations originales apportent une diversité de compétences et de tempéraments. Elles sont essentielles pour assurer l'indépendance et la justesse des prises de position de l'ANJ.

Si je suis nommée, quels seront mes chantiers prioritaires ?

D'abord, bien sûr, réussir la transition entre l'Arjel et l'ANJ. Celle-ci, même si elle s'inscrit dans la continuité de l'Arjel, n'est pas une Arjel élargie. C'est un projet nouveau qui nécessite de changer d'échelle et de repenser la régulation. Ce changement est en cours depuis plusieurs mois au sein de l'Arjel. Différents chantiers - juridique, informatique, site internet, etc. - ont été lancés grâce à la mobilisation des équipes de l'Arjel que je remercie ; ils sont presque tous terminés.

J'ai par ailleurs constitué une équipe de préfiguration qui a vocation, si je suis nommée, à prendre en charge la nouvelle institution. Je suis convaincue que nous devons aller vite pour asseoir la crédibilité de la nouvelle autorité, laquelle est attendue depuis le 1er janvier 2020. Nous devrons en priorité expliquer ce nouveau cadre qui apparaît complexe aux acteurs avec une multitude de textes et de normes de différents niveaux.

Pour autant, nous devons être prudents, car la matière et le contexte sont difficiles. Nous devons en effet apprivoiser nos nouveaux pouvoirs, notamment vis-à-vis des monopoles. Par ailleurs, la crise du Covid-19 a fortement secoué les joueurs et les opérateurs. Pour les opérateurs en ligne, le produit brut des jeux (PBJ) a chuté de 24 %.

Une fois l'ANJ installée, je mettrai la protection des joueurs au coeur de son action. Dans un marché en croissance de 7 % en 2019 par rapport à 2018, face à l'engouement des paris sportifs et du poker chez les jeunes et dans un contexte de rapprochement du jeu d'argent avec le jeu vidéo, les questions de santé des joueurs et de prévention des jeux des mineurs m'apparaissent en effet centrales. Nous attendons la nouvelle enquête de l'Observatoire des jeux (ODJ) au titre de l'année 2019, mais les chiffres de 2014 étaient déjà préoccupants : 1,2 million de joueurs problématiques en France, qui représentent près de 40 % des dépenses totales des jeux.

Face à des opinions publiques qui se mobilisent dans de nombreux pays, j'aurai en tête d'intervenir le plus en amont possible dans le respect du joueur et avec sa collaboration. Deux nouveaux leviers me sont particulièrement intéressants. Le premier est la publicité. Ma conviction est que cet outil est stratégique, car s'y joue l'imaginaire du jeu auprès du grand public. Sur ce point, le dialogue avec les opérateurs doit primer, afin de leur faire comprendre que l'encadrement est dans leur intérêt : l'intérêt de leur marché et de la confiance des joueurs. L'autre levier est la refonte du fichier des interdits de jeu. À l'occasion du transfert de la gestion de ce fichier du ministère de l'intérieur à l'ANJ, il est possible de rénover le parcours d'inscription du joueur et de lui proposer un véritable service, moins culpabilisant que le dispositif actuel.

Ma seconde priorité sera de pratiquer une régulation qui marche sur ses deux jambes : faire respecter la loi, ce qui implique une fonction de contrôle crédible et adaptée, mais aussi accompagner les opérateurs et faciliter un équilibre économique durable de ce marché qui fait face à de profondes mutations. Un régulateur ne peut pas être simplement un gendarme. Il doit bien sûr avoir une fonction de contrôle crédible. Si nécessaire, je n'hésiterai pas à ouvrir des procédures de sanction, de façon proportionnée. Nous pouvons aussi renforcer notre lutte contre les sites illégaux, si besoin en lançant le débat sur le blocage administratif. Mais la sanction est avant tout une arme dissuasive à mes yeux ; elle ne peut pas constituer un outil de régulation au quotidien. Pour cela, il faut développer la conformité des opérateurs.

L'ANJ doit donc être à l'écoute des besoins des opérateurs, les aider à respecter leurs nouvelles obligations tout en accompagnant l'innovation. C'est en offrant un marché légal sain et dynamique que l'offre illégale sera aussi contenue. De ce point de vue, la nécessité de veiller au développement équilibré et équitable des différents types de jeu constitue sans nul doute l'une des missions les plus délicates de l'ANJ, nécessitant d'avoir une vue précise et prospective de tous les segments du marché.

Voilà les éléments que je peux apporter à l'appui de ma candidature. La tâche de l'ANJ est grande. Sur la base d'un cadre juridique favorable, il lui appartient maintenant de définir concrètement ses axes et ses modalités de travail. Si vous me faites l'honneur d'accueillir favorablement ma candidature, mon objectif sera celui d'une construction résolue et audacieuse, avec le souci constant de protéger les joueurs.

M. Vincent Éblé, président. - Vous nous avez fait part de votre vision ambitieuse pour asseoir le rôle de la nouvelle ANJ, dotée désormais d'une compétence quasi transversale sur le secteur. La comparaison avec les missions du régulateur britannique - la Gambling commission - a souvent été faite par le Gouvernement. Soulignons tout de même qu'elle est dotée de plus de 300 agents, contre 55 pour l'Arjel.

D'un point de vue opérationnel, quelles seront concrètement les nouveautés de l'ANJ par rapport à l'ancienne Arjel ? Si les effectifs restent inchangés, serez-vous contrainte de prioriser vos actions de contrôle ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Je voudrais d''abord commencer par évoquer l'actualité, c'est-à-dire le recul de l'activité liée au confinement : les recettes liées aux prélèvements sur les jeux sont fortement revues à la baisse, notamment s'agissant des paris sportifs. Il semble qu'à une certaine période du confinement, il n'ait été possible de parier que sur le championnat de football professionnel biélorusse !

Les acteurs risquent ainsi d'être fragilisés. Si l'offre légale est trop faible, les joueurs pourraient se reporter vers des offres illégales. Certains régulateurs, y compris en Europe, sont moins rigoureux que le régulateur français. Ma première question est donc la suivante : quelle doit être la stratégie pour surmonter ces difficultés ? On peut faire un parallèle avec l'Autorité des marchés financiers : la baisse des rendements conduit certains épargnants à aller vers des produits illégaux, dont les rendements sont plus attractifs sur le papier mais qui sont quelquefois des escroqueries.

M. Philippe Dallier. - Souvent, cela finit mal !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Effectivement !

Ma deuxième question porte sur les rapports avec Tracfin. Quoique renforcées, les compétences de l'ANJ ne concernent pas le secteur des casinos, qui reste surveillé par le ministère de l'intérieur. La lutte contre le blanchiment relèvera toujours de Tracfin. Comment concilier ce partage de compétences ? S'agissant de la vérification des identités, à la différence des casinos, il n'y a pas de joueur en face : comment s'assurer qu'il ne s'agit pas d'un mineur ?

Ma troisième question concerne le fichier des interdits de jeu, qui compte près de 40 000 personnes, lesquelles s'inscrivent souvent volontairement pour éviter de tomber dans une addiction. Il semblerait que ce fichier soit un simple document Excel transmis aux établissements de jeu. Comment vérifier que l'on n'a pas en face de soi un interdit de jeu ?

M. Philippe Dallier. - Je voudrais revenir sur le problème de la lutte contre les addictions. Vous avez soulevé la question de savoir s'il fallait ficher tous les joueurs, sans pour autant donner la réponse. Est-ce souhaitable ? Est-ce techniquement possible ? Pour ce qui concerne les jeux en ligne, les joueurs doivent s'inscrire, donner leur coordonnées bancaires... On voit quelquefois dans des cafés des joueurs passer une grande partie de leur journée à jouer aux courses : j'imagine qu'ils le font de façon totalement anonyme. Comment améliorer la lutte contre l'addiction ? Le fichage des joueurs pose tout de même une question de liberté individuelle : heureusement, tout le monde ne tombe pas dans l'addiction au jeu !

Par ailleurs, on pouvait intuitivement penser que le confinement aurait plutôt poussé à une explosion des jeux. Il est vrai qu'il n'y a plus de compétitions sportives et de courses, ce qui entraîne une chute des recettes fiscales assises sur ces paris. Mais a-t-on constaté une augmentation du côté de la Française des jeux et des jeux en ligne ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Pour compléter la question de Philippe Dallier, avez-vous la capacité d'interdire un jeu ? La Française des jeux avait présenté un jeu très addictif, le Rapido, qui se renouvelait toutes les trois minutes. Le risque d'addiction était grand ! Les jeux sont-ils soumis à une autorisation préalable ou peuvent-ils faire l'objet, s'ils sont trop addictifs par exemple, d'une interdiction ?

M. Jean-François Husson. - J'ai apprécié le ton de votre propos et la volonté que vous manifestez. Je veux revenir sur les orientations de la loi Pacte, dont j'ai été l'un des rapporteurs, notamment sur le sujet de la privatisation de la Française des jeux. À l'époque, j'avais souligné que celle-ci avait opté pour une pratique extensive du jeu reposant sur le maillage territorial. Un opérateur privé pourrait être tenté de revenir sur ce choix au profit d'une pratique plus intensive, au détriment des impératifs de santé publique et de la présence dans les centres urbains et les centres bourgs. À cette occasion, le Gouvernement nous avait demandé de lui signer un chèque en blanc - il n'y avait pas grand-chose de prêt -, ce que nous avions refusé. Quels sont concrètement les pouvoirs de l'ANJ pour mieux contrôler et orienter l'offre de la Française des jeux ?

Ma deuxième question porte sur la régulation. Il faut rappeler que le casino en ligne est interdit en France. Pourtant, entre 1,5 million et 2 millions de Français, selon une enquête récente, déclarent s'adonner à cette pratique ; 80 % d'entre eux ignorent que c'est illégal. Mais que fait le régulateur ? L'ANJ aura-t-elle demain des moyens efficaces de mettre un terme à cette pratique ?

Enfin, concernant les innovations possibles, vous l'avez dit, le régulateur doit pouvoir adapter ses moyens à sa mission. Les semaines que nous venons de traverser ont été assez propices au développement des jeux vidéo en ligne, qui incluent assez rapidement des options payantes. L'e-sport se développe énormément. Avez-vous prévu des régulations spécifiques à ces pratiques ? Quels outils pensez-vous utiliser pour les réguler efficacement ?

M. Jérôme Bascher. - Je souhaite rebondir sur la question de Jean-François Husson. L'e-sport et les paris susceptibles de porter dessus constituent un sujet majeur pour une grande partie de la jeunesse française. Il existe désormais des compétitions internationales, engageant des équipes professionnelles, avec tous les risques de manipulation que l'on peut imaginer. J'aimerais vraiment savoir si la pratique est nettement en hausse et avoir votre sentiment sur cette question.

Par ailleurs, le jeu en France, que ce soit le Pari mutuel urbain (PMU), à l'époque, ou le loto foot, a été conçu dans un but de financement des filières : filière équestre d'un côté ; football de l'autre. En tant que régulateur, vous ne pouvez pas vous placer uniquement du côté du joueur. Comment envisagez-vous votre rôle en termes d'équilibre des filières ?

M. Marc Laménie. - Merci de cette présentation pédagogique, dans laquelle vos nombreuses expériences antérieures, comme votre côté passionné, ont transparu. Pour occuper un tel poste, il faut être compétent et passionné !

Pour ma part, je découvre les nouvelles missions de l'ANJ - les autorités indépendantes sont nombreuses et les Français les méconnaissent souvent. Je souhaiterais savoir ce que vous pensez de la notion de « transparence ». De nombreuses personnes, tous âges confondus, achètent des jeux de grattage dans les bureaux de tabac. On dit qu'elles achètent du rêve ! Sur ces jeux de grattage, est indiqué le nombre de billets gagnants par nature de lot. Avez-vous d'autres suggestions en la matière pour améliorer la transparence et l'information des consommateurs sur les jeux de hasard ?

Vous avez largement parlé des questions d'éthique - la protection des joueurs, que cela concerne une catégorie particulière comme celle des jeunes ou la lutte contre l'addiction - et le président a mentionné les moyens humains. Je souhaite aussi insister sur ces sujets, qui sont d'une grande importance.

M. Éric Bocquet. - Il est clair que l'activité que vous allez avoir la charge de contrôler nécessite la plus grande transparence. Vous l'avez dit : cela fait partie des engagements que vous prenez.

Je me suis renseigné, par curiosité, sur la société Betclic. Enregistrée à Malte, elle figure dans les registres de l'Insee depuis 2010 en tant que société étrangère non immatriculée au registre du commerce et des sociétés (RCS). Est-ce normal ? Avez-vous toutes les garanties de transparence s'agissant de son activité ? Coopérez-vous de manière efficace avec l'État de Malte ?

Par ailleurs, les comptes de l'entreprise ne sont pas disponibles sur le site, mais il semble possible de les commander. Considérez-vous que cela garantit la transparence absolue autour de l'activité de telles sociétés ?

M. Patrice Joly. - D'après une étude récente sur les jeux, les personnes les plus modestes seraient davantage concernées par la dépendance. Parmi les missions de l'ANJ, on trouve la protection des consommateurs et des populations vulnérables, ainsi que l'évaluation des dispositifs mis en oeuvre par les opérateurs, en particulier à l'égard des mineurs et des joueurs dits « pathologiques ». Avez-vous une idée plus précise des catégories sociales touchées ? Comment identifier les personnes les plus exposées aux phénomènes d'addiction ? Les jeux aggravent-ils la situation de vie des plus modestes ? Existe-t-il une corrélation claire entre l'addiction aux jeux et d'autres addictions ?

M. Yvon Collin. - Merci de votre propos liminaire, très complet, qui affiche votre ambition et votre détermination. Sur mes trois questions, une seule n'a pas déjà été évoquée, celle du poids réel des mises digitales pour le PMU et la Française des jeux. Quel est l'impact économique du jeu en ligne sur les réseaux locaux de points de vente ? Comment ces derniers, qui sont essentiels au dynamisme local, peuvent-ils évoluer face à la digitalisation des jeux ?

Mme Christine Lavarde. - Quel regard portez-vous sur la fiscalité des jeux en France ? Est-elle bien calibrée ou trop élevée ? Au cas où elle serait effectivement trop élevée, n'est-ce pas une incitation pour les joueurs à se tourner vers des plateformes étrangères ?

Mme Isabelle Falque-Pierrotin. - S'agissant des moyens, notamment de la comparaison en termes d'effectifs avec l'Angleterre, nous devons probablement ajuster les ressources de l'ANJ par rapport à celles de l'Arjel. Lors de l'élaboration du rapport de préfiguration, j'ai rencontré de nombreux intervenants. Au terme de ces entretiens, il m'est apparu qu'une augmentation des ressources de 26 emplois était nécessaire, ce qui amènerait l'ANJ aux alentours de 80 postes, soit l'étiage moyen des autorités européennes comparables. Cet accroissement des moyens humains avait déjà été identifié comme nécessaire dans un rapport du Conseil d'État et de l'Inspection des finances. Alors évalué à 10 postes, c'était une estimation considérée comme très conservatrice au vu de l'arrivée d'acteurs particulièrement lourds face au régulateur et du poids de la Française des jeux.

Le plafond d'emplois de l'Arjel a été relevé de 5 équivalents temps plein (ETP) dans le budget pour 2020. Ont été en outre demandés 10 ETP de plus en 2021 et 10 ETP de plus en 2022. Au terme de cet ajustement, j'estime que nous disposerons d'une autorité ayant les ressources suffisantes pour faire face aux exigences de la régulation.

Dans le cadre de cette hausse d'effectifs, il faut se doter de nouvelles compétences. Je pense, en particulier, au contrôle de la publicité, au renforcement de la fonction de contrôle, encore insuffisante dans la configuration actuelle de l'Arjel, et aux nouveaux enjeux, comme ceux qui sont liés au fichier des interdits.

Une question portait sur les paris sportifs et la volonté, dans la période actuelle d'épidémie de Covid-19, de limiter le report des joueurs vers une offre illégale, l'offre française étant insuffisamment attractive. L'Arjel a accompagné le ministère des sports dans l'extension de la « liste sport », l'idée étant d'étendre, de façon raisonnable, cette liste afin de garder une offre attractive. C'est probablement encore insuffisant, ce qui nous amène à la question de la limitation de l'offre illégale.

Nous devons effectivement accroître nos capacités de contrôle de l'accès à l'offre illégale. À ce jour, nous passons par le juge, mais notre système de blocage judiciaire se traduit par une audience tous les deux mois, au cours de laquelle sont traitées 10 affaires. En un an, nous sommes en mesure de bloquer 100 sites. C'est trop peu ! Il faut donc explorer de nouvelles voies, comme celle du blocage administratif des sites. Celui-ci engendre de nombreuses réserves au nom de la liberté d'expression, mais je rappelle qu'il s'agit de bloquer des sites non agréés au titre du droit français.

Il en va de même pour les casinos en ligne. Bien que l'offre en ligne ait été fortement cantonnée par la politique de l'Arjel, consistant à avoir une offre nationale robuste, il existe actuellement une offre en ligne pour les casinos, en toute illégalité. Nous pourrions lutter efficacement contre cette offre, à nouveau en permettant le blocage administratif de certains sites.

Je ne saurai répondre, à ce stade, à la question de la régulation des jeux vidéo avec option payante et, plus largement, de l'e-sport. Elle est tout à la fois centrale, car elle intéresse le segment de joueurs connaissant la plus forte croissance - celui des jeunes adultes -, et stratégique, du fait de l'interpénétration de plus en plus forte de la logique des jeux vidéo et de celle des jeux d'argent. Que faut-il faire ? Il faut réfléchir avant de prendre une position définitive et l'analyse ne peut être guidée uniquement par des critères juridiques. Mais nous sommes concernés par le problème et nous savons qu'il faut trouver une réponse, certainement en coopération avec l'industrie du jeu vidéo et nos homologues européens.

Je me suis probablement mal exprimée sur le financement des filières. L'équilibre des filières figure évidemment parmi les objectifs fixés à l'autorité de régulation. L'ANJ aura donc bien cette préoccupation dans sa grille d'analyse, ses autorisations de jeux et sa politique de contrôle. Pour autant, la notion est imprécise. Sur quels critères se fonder pour apprécier la mise en danger d'une filière ? À partir de quand et comment estimer le risque de contamination d'une filière sur l'autre ?

L'ANJ doit pouvoir appréhender ce quatrième objectif en « dynamique » : le marché du jeu d'argent doit, certes, se développer, mais dans le respect des équilibres territoriaux et sectoriels des différentes filières. Nous serons vigilants à construire progressivement une doctrine sur la question, étant précisé que les équipes de l'Arjel travaillent déjà sur l'élaboration de critères permettant de déterminer si un jeu porte en soi un risque potentiel de rupture d'équilibre.

En outre, les difficultés rencontrées par le PMU du fait de la crise du Covid-19, avec une perte probable de 100 millions d'euros pour l'organisation, influent directement sur le financement de la filière hippique. Des réflexions sont en cours au sein de cette filière, et nous serons désireux d'y être associés, afin de pouvoir nous assurer que la sortie de crise, pour le PMU ou pour d'autres acteurs, ne mettra pas en péril les équilibres existants. Cette question de l'équilibre des filières nous apparaît donc vraiment, surtout dans la période actuelle, comme une dimension centrale de la régulation.

J'en viens à la transparence, qui, effectivement, est une notion essentielle. Une des obligations du régulateur est de veiller à l'intégrité de l'offre de jeu, et ce sur tous les segments, monopoles compris. Au moment de l'autorisation d'un jeu ou de l'agrément d'un opérateur en concurrence, nous allons ainsi veiller à ce que l'offre de jeu soit intègre, que les calculs et générateurs d'aléas soient techniquement vérifiés. Si tel n'était pas le cas, le jeu perdrait immédiatement de son attractivité pour le joueur. C'est donc une mission élémentaire.

Il est probable que le régulateur des jeux soit insuffisamment connu, mais la réforme de l'ANJ nous offre justement l'occasion de monter rapidement en puissance, en termes de communication et de visibilité. Alors que la pratique, je le rappelle, intéresse un Français sur deux, il faut faire en sorte que le régulateur des jeux soit connu et identifié, notamment par les joueurs, et ce afin de disposer de remontées d'information. Un régulateur n'est efficace que s'il est en prise directe avec le terrain !

Sur la question de la transparence, cette fois-ci avec l'évocation du cas de Betclic, nous coopérons avec Malte. Son autorité figure parmi les autorités de régulation européennes avec lesquelles nous travaillons et échangeons régulièrement. Par ailleurs, nous allons renouveler les agréments de 11 opérateurs. À cette occasion, nous procédons à une analyse poussée de la structure capitalistique, de l'organisation technique et de l'organisation de la fiducie des opérateurs concernés. Cette vérification sera menée très sérieusement.

S'agissant des processus d'addiction, je vous confirme que la population des joueurs entrés en phénomène addictif est majoritairement issue des populations à plus faibles niveaux de revenus et d'éducation. Cela montre bien l'existence d'un problème social en matière d'addiction. L'Arjel s'est fortement mobilisée sur le sujet, mais l'ANJ le sera encore plus, puisque nous bénéficierons de moyens d'action renforcés.

La question de l'identification des joueurs problématiques est fondamentale. En effet, le parcours d'un joueur addictif se déroule souvent à bas bruit ; lorsque l'addiction se déclenche, c'est déjà un peu tard. Les opérateurs doivent donc mettre en place des dispositifs pour repérer les signaux faibles. Le cadre de référence permettra de leur donner des orientations sur les pratiques à mettre en oeuvre pour repérer assez tôt ces joueurs. J'ajoute qu'il y a souvent un phénomène de « multi-addiction », l'addiction aux jeux d'argent se combinant avec d'autres addictions.

En matière de fiscalité des jeux, les dernières années ont consacré une évolution allant dans le sens d'une harmonisation européenne. Néanmoins, deux segments - le poker en ligne et le secteur hippique - restent imposés sur les mises. Faudra-il aller au-delà du changement fiscal ? La question se pose. Je vous confirme, également, que nous avons une fiscalité plus accusée que nos voisins européens - le prélèvement fiscal est environ le double du leur.

Je termine avec la question des mises digitales. Pour prendre l'image de l'automobile, les mises en dur demeurent le moteur principal des jeux ; si le moteur des mises digitales tourne plus vite, celles-ci restent encore minoritaires. Cela étant, c'est le segment qui croît le plus vite et attire les joueurs les plus délicats, c'est-à-dire les jeunes et les jeunes adultes. Nous entendons donc suivre cette problématique avec attention, en gardant en tête, encore une fois, les questions d'équilibre : équilibre concurrentiel entre filières, équilibre territorial et équilibres sectoriels.

M. Vincent Éblé, président. - Nous vous remercions d'avoir répondu à nos questions.

Vote sur la proposition de nomination du président de la République de Mme Isabelle Falque-Pierrotin aux fonctions de présidente de l'Autorité nationale des jeux (ANJ)

La commission procède au vote sur la proposition de nomination de Mme Isabelle Falque-Pierrotin aux fonctions de présidente de l'Autorité nationale des jeux.

MM. Thierry Carcenac et Marc Laménie, secrétaires, sont désignés en qualité de scrutateurs.

La commission procède au dépouillement, simultanément à celui de la commission des finances de l'Assemblée nationale, en présence de M. Vincent Éblé, président, et MM. Thierry Carcenac et Marc Laménie, en leur qualité de scrutateurs.

Le résultat du vote, qui sera agrégé à celui de la commission des finances de l'Assemblée nationale, est le suivant :

Nombre de votants : 13 ; Blancs : 4 ; Pour : 9 ; Contre : 0.

La réunion est close à 12 h 40.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.