Mardi 12 octobre 2021

- Présidence de Mme Chantal Deseyne, vice-présidente -

La réunion est ouverte à 14 heures.

Proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale (deuxième lecture) - Examen des amendements au texte de la commission

Mme Chantal Deseyne, présidente. - Nous examinons tout d'abord les amendements de séance sur la proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale.

EXAMEN D'UN AMENDEMENT AU TEXTE DE LA COMMISSION

Article 3

M. Philippe Mouiller, rapporteur. - L'amendement no  2 vise à rétablir la rédaction proposée par le Gouvernement en deuxième lecture à l'Assemblée nationale, qui revient sur la déconjugalisation et transforme l'abattement proportionnel dont font l'objet les revenus du conjoint en un abattement forfaitaire : avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 2.

TABLEAU DES AVIS

Auteur

Objet

Avis de la commission

Article 3
Suppression de la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l'allocation aux adultes handicapés
et de la majoration de son plafonnement

M. LÉVRIER

2

Rétablissement de l'abattement forfaitaire sur les revenus du conjoint

Défavorable

Proposition de loi tendant à créer un droit de visite pour les malades, les personnes âgées et handicapées qui séjournent en établissements - Examen des amendements au texte de la commission

Mme Chantal Deseyne, présidente. - Nous examinons à présent les amendements de séance sur la proposition de loi tendant à créer un droit de visite pour les malades, les personnes âgées et handicapées qui séjournent en établissements.

EXAMEN DE L'AMENDEMENT DU RAPPORTEUR

Article 4

Mme Corinne Imbert, rapporteure. - L'amendement n°  1 est un amendement de clarification légistique.

L'amendement n° 1 est adopté.

TABLEAU DES SORTS

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 4
Droit de visite inconditionnel pour les personnes en fin de vie

Mme IMBERT, rapporteure

1

Amendement de clarification légistique

Adopté

Projet de loi portant diverses dispositions de vigilance sanitaire - Demande de saisine pour avis et désignation d'un rapporteur pour avis

Mme Chantal Deseyne, présidente. - Mes chers collègues, sous réserve de son dépôt et de sa transmission, je vous propose que notre commission se saisisse pour avis du projet de loi portant diverses dispositions de vigilance sanitaire. Ce texte comporte notamment des dispositions relatives à l'activité partielle. Il sera renvoyé à la commission des lois qui serait susceptible de nous déléguer au fond l'article 3.

Comme rapporteur pour avis, je vous propose la candidature de notre collègue Pascale Gruny.

La commission demande à être saisie pour avis sur le projet de loi portant diverses dispositions de vigilance sanitaire, sous réserve de sa transmission, et désigne Mme Pascale Gruny rapporteur pour avis.

Mme Chantal Deseyne, présidente. - Ce texte devrait être inscrit à l'ordre du jour des travaux du Sénat le jeudi 28 octobre et éventuellement le vendredi 29 octobre prochain.

La commission des lois se réunira pour établir son texte le mercredi 27 octobre. Notre commission pourrait donc se réunir le mardi 26 octobre à 18 heures.

La réunion est close à 14 h 5.

Mercredi 13 octobre 2021

- Présidence de Mme Catherine Deroche, présidente -

La réunion est ouverte à 8 h 30.

Projet de loi en faveur de l'activité professionnelle indépendante - Examen du rapport pour avis

Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous entamons une matinée de travail très chargée puisqu'à l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), traditionnel en cette période, s'ajoute celui d'un nombre important de textes.

Notre commission s'est ainsi saisie pour avis du projet de loi en faveur de l'activité professionnelle indépendante, pour lequel elle a reçu une délégation au fond sur les articles 9 et 10. Notre rapporteur, Frédérique Puissat, devra ensuite nous quitter pour aller livrer à la commission des lois le contenu de nos travaux. Je lui laisse donc la parole sans tarder.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour avis. - Le Gouvernement a présenté, le 16 septembre dernier, un plan en faveur des travailleurs indépendants dont les vingt mesures entendent mieux protéger et accompagner cette catégorie de travailleurs.

Le projet de loi en faveur de l'activité professionnelle indépendante dont nous sommes saisis pour avis est la traduction législative d'une partie des mesures du plan. Toutefois, ce projet de loi ne sera pas le seul débouché de ce plan, qui se déclinera également dans le PLFSS et dans divers textes réglementaires.

Le texte a été déposé au Sénat le 29 septembre, si bien qu'il nous revient de l'examiner les premiers dans un calendrier très resserré.

J'estime de manière générale que les mesures visant à promouvoir le développement du travail indépendant doivent être soutenues, ce dernier étant porteur de fortes opportunités économiques. En outre, la crise sanitaire et ses conséquences économiques et sociales ont mis en lumière les besoins de protection sociale d'un grand nombre de travailleurs indépendants ainsi que les lacunes de leur couverture actuelle. Il ne faut cependant pas être dupes de l'opportunité de cet ensemble de mesures, et la proximité d'échéances électorales ne saurait justifier d'agir dans la précipitation.

Avant d'aborder l'examen de ce texte, il me revient de vous proposer un périmètre, pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, des articles 9 et 10 du projet de loi dont notre commission a reçu délégation au fond.

Je considère que ce périmètre comprend des dispositions relatives :

- à la protection des travailleurs indépendants contre le risque de perte d'emploi ;

- à l'organisation et au financement de la formation professionnelle des travailleurs indépendants.

En revanche, ne me semblent pas présenter de lien, même indirect, avec le texte déposé, et seraient donc considérés comme irrecevables des amendements relatifs :

- à la sécurité sociale (maladie, retraite, régime de cotisations, etc.) ;

- au régime d'assurance chômage ;

- au droit à la formation professionnelle des salariés ;

- au compte personnel de formation.

J'en viens à mon rapport sur les articles 9 et 10 du projet de loi.

L'article 9 porte sur l'allocation des travailleurs indépendants, l'ATI, instituée par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Cette prestation devait concrétiser la promesse de campagne du Président de la République d'une ouverture de l'assurance chômage à tous les actifs, y compris aux travailleurs indépendants.

Le dispositif est applicable depuis le 1er novembre 2019. D'un montant forfaitaire de 800 euros par mois, cette prestation, intégralement financée par l'assurance chômage, mais non contributive, est versée pendant une période maximale de six mois non renouvelable. Elle peut se cumuler pendant 3 mois avec des revenus professionnels.

L'ouverture de ce nouveau droit a cependant été très prudente. Plusieurs conditions cumulatives spécifiques, précisées par décret, doivent en effet être satisfaites pour bénéficier de l'ATI : des ressources personnelles inférieures au montant du revenu de solidarité active (RSA) ; l'exercice effectif et continu d'une activité indépendante pendant les deux ans précédant la date de cessation de l'activité, au sein d'une seule et même entreprise, générant un revenu de 10 000 euros par an au minimum ; une cessation d'activité définitive et involontaire, l'entreprise devant avoir fait l'objet soit d'un jugement d'ouverture de liquidation judiciaire, soit d'une procédure de redressement judiciaire dans laquelle l'adoption du plan de redressement est subordonnée par le tribunal au remplacement du dirigeant.

Il en résulte un premier bilan décevant : alors que le projet de loi Avenir professionnel de 2018 visait 29 000 bénéficiaires potentiels pour un budget de 140 millions d'euros, seules 1 107 ouvertures de droit avaient été enregistrées par Pôle emploi au 17 septembre 2021. Les dépenses au titre de la prestation se sont élevées à 3,1 millions d'euros en 2020. Il est vrai que ce bilan doit être relativisé au regard des conditions exceptionnelles dues à la pandémie de covid-19 : en raison des mesures d'urgence prises par l'État, les procédures collectives visées par le dispositif d'ATI ont été, en 2020, en net recul.

Cet échec étant notamment imputé à des conditions d'éligibilité trop restrictives, l'article 9 vise à ouvrir une nouvelle voie d'accès à l'ATI en ajoutant une condition alternative à la cessation d'activité définitive et involontaire. Auraient ainsi droit à l'ATI les travailleurs qui étaient indépendants au titre de leur dernière activité et dont l'entreprise a fait l'objet d'une déclaration de cessation totale et définitive d'activité, lorsque cette activité n'est pas économiquement viable.

Le caractère non viable de l'activité devra être attesté par un « tiers de confiance » désigné dans des conditions définies par un décret en Conseil d'État. Il pourrait s'agir, en l'état de la réflexion du Gouvernement, d'un expert-comptable.

Cet article propose également, afin d'encadrer cette nouvelle ouverture de droit, de mettre en place un « délai de carence » entre deux demandes d'ATI. Il prévoit ainsi qu'une personne ne pourra bénéficier de l'allocation pendant une période de cinq ans à compter de la date à laquelle elle a cessé d'en bénéficier au titre d'une activité antérieure.

D'autres aménagements du dispositif, notamment un assouplissement de la condition de revenu d'activité - qui serait désormais de 10 000 euros minimum sur l'une des deux dernières années d'activité non salariée, au lieu de 10 000 euros minimum en moyenne sur les deux ans - devraient être mis en oeuvre par voie réglementaire.

L'ATI est une prestation « mal née », que les travailleurs indépendants ne demandaient pas et dont les paramètres semblent déconnectés des réalités du terrain. Étant donné son échec quantitatif, la question de la modification de ces paramètres et des conditions d'accès à la prestation doit nécessairement être posée. Je m'interroge toutefois sur la temporalité de la réforme proposée, qui intervient après moins de deux ans de fonctionnement de la prestation, sur lesquels quatre mois seulement ont été significatifs en raison de la crise sanitaire.

L'attente croissante de protection sociale de la part des travailleurs indépendants, en lien avec l'avènement des micro-entrepreneurs, plaide cependant pour ouvrir sans attendre les conditions d'accès au dispositif. L'existence de l'ATI peut en effet contribuer à encourager des travailleurs à tenter leur chance et à créer leur activité.

Concrètement, le dispositif proposé permet aux micro-entrepreneurs d'être plus facilement éligibles à l'ATI, puisque ces derniers ont rarement recours aux procédures de redressement ou de liquidation judiciaire. Il convient cependant de prêter attention au coût que pourrait occasionner, pour les travailleurs concernés, l'intervention du « tiers de confiance » prévue par le texte pour attester du caractère non viable de l'activité, s'il s'agit d'un expert-comptable.

L'introduction d'un délai de carence de cinq ans devrait permettre de prévenir l'aléa moral que pourrait engendrer cette ouverture, ainsi que le risque de dérive financière. En outre, il convient de préciser que les travailleurs indépendants, s'ils ne cotisent pas à l'assurance chômage, contribuent à hauteur de 5 milliards d'euros aux 38,7 milliards d'euros de recettes de l'Unédic à travers l'affectation à l'assurance chômage d'une fraction de la CSG sur les revenus d'activité.

Cette réforme précoce en l'absence de bilan significatif appelle toutefois l'introduction d'une « clause de revoyure ». Pour nous assurer de son effectivité, je propose de fixer à titre conservatoire au 31 octobre 2024, soit cinq ans après l'entrée en vigueur du dispositif, la date limite pour demander l'ATI. Au plus tard six mois avant cette date, soit le 30 avril 2024, le bilan et les perspectives de l'ATI devront avoir fait l'objet d'une concertation avec les partenaires sociaux et les représentants des travailleurs indépendants. Le législateur sera ainsi en mesure de se prononcer de manière éclairée sur la prolongation et l'éventuelle réforme du dispositif.

Cette protection des travailleurs indépendants comporte un deuxième étage, composé de solutions assurantielles volontaires. Ainsi, la GSC, association administrée par les organisations patronales, propose une garantie contre la perte d'emploi qui est aujourd'hui insuffisamment utilisée. Afin de « marcher sur deux jambes » et de promouvoir cette protection complémentaire, il serait intéressant que les acteurs de l'écosystème de l'entreprise - Pôle emploi, banques, chambres consulaires et chambres des métiers, experts-comptables - informent, à l'occasion de leurs interventions, les travailleurs indépendants de la possibilité de souscrire un contrat d'assurance contre la perte d'emploi subie ainsi que des déductions fiscales permises par le dispositif « Madelin ».

L'article 10 est relatif aux circuits de financement de la formation professionnelle des travailleurs indépendants, et notamment des artisans.

Pour des raisons historiques, les chefs d'entreprise artisanale et les micro-entrepreneurs inscrits au répertoire des métiers sont les seuls travailleurs non salariés qui dépendent de deux guichets pour le financement de leur formation professionnelle : d'une part, les conseils de la formation au sein des chambres régionales des métiers et de l'artisanat, qui financent les actions de formation « transverses » et non spécifiques aux métiers - par exemple, les formations en comptabilité-gestion, en informatique, en management, en langues étrangères, etc. ; d'autre part, le Fonds d'assurance formation des chefs d'entreprise exerçant une activité artisanale, le Fafcea, chargé de financer toutes les autres formations des artisans, qui sont principalement des formations « métiers ».

La contribution à la formation professionnelle (CFP) acquittée par les chefs d'entreprise artisanale, d'un montant égal à 0,29 % du plafond annuel de la sécurité sociale (PASS), soit 119 euros, est ventilée entre les chambres des métiers, à hauteur de 41 %, et le Fafcea, à hauteur de 59 %, après déduction des ponctions réalisées pour financer le conseil en évolution professionnelle (CEP) et le compte personnel de formation (CPF).

Le système est peu efficient et l'existence de deux guichets est source de complexité pour les professionnels concernés. Par ailleurs, les ressources des fonds de la formation professionnelle des artisans ont nettement diminué à la suite du transfert, en 2018, de la collecte de la CFP aux Urssaf. Ce transfert a d'abord provoqué le départ du régime de nombreux « assimilés salariés » qui se trouvaient payer une double cotisation. De nombreuses erreurs dans le fléchage de la CFP des artisans ont par ailleurs été constatées depuis cette réforme. Les mesures d'urgence prises par le Gouvernement ont également contribué à la diminution des recettes. Au total, celles-ci seraient passées d'environ 100 millions à environ 50 millions d'euros.

L'article 10 propose d'unifier le financement de la formation professionnelle des artisans en affectant les sommes collectées à un unique fonds d'assurance-formation de droit commun. La totalité du produit de la CFP acquittée par les artisans sera affectée au fonds unique, qui succédera en pratique au Fafcea.

Cet article harmonise plus largement les circuits de financement de la formation des travailleurs indépendants. À compter de 2022, l'ensemble des contributions à la formation professionnelle des travailleurs indépendants non agricoles seront reversées à France compétences, qui procédera à la répartition des fonds entre les différents affectataires : le fonds d'assurance-formation des non-salariés concerné ; la Caisse des dépôts et consignations, pour le financement du CPF ; et les opérateurs chargés de la mise en oeuvre du CEP.

Le regroupement des fonds de la formation professionnelle des artisans répond à une attente de simplification des professionnels concernés. Il suscite néanmoins certaines inquiétudes.

D'abord, cette unification met fin à la répartition actuelle du produit de la CFP des artisans entre les formations « métiers » et les formations « transverses ». Sans remettre en cause la plus grande souplesse que devrait permettre cette réforme, il serait opportun d'associer le réseau des chambres des métiers et de l'artisanat à la gouvernance du futur fonds unique afin de veiller à ce qu'une part significative des financements reste consacrée au développement des compétences des chefs d'entreprise artisanale en matière de gestion.

Ensuite, les modifications successives du circuit de financement de la formation de ces professionnels ne doivent pas se traduire par des déperditions. Or, les difficultés de fléchage rencontrées par les Urssaf ne sont à ce jour pas résolues. Par ailleurs, la situation financière de France compétences interroge sur l'opportunité d'un transfert à l'opérateur de la répartition de nouveaux flux.

Une réforme insuffisamment préparée faisant courir le risque de ruptures de financement semblables à celles que les fonds ont connues en 2019, je vous proposerai un amendement à l'article 14, relatif à l'entrée en vigueur des dispositions du projet de loi, afin de reporter au 1er janvier 2023 l'ensemble de la réforme.

Telles sont, mes chers collègues, mes conclusions sur ce texte dont je vous propose de sécuriser les dispositions en adoptant les amendements que je vous présenterai.

M. Philippe Mouiller. - On nous propose de corriger un dispositif pour lequel on manque de recul. J'étais plutôt défavorable à l'ATI. Lorsqu'un entrepreneur démarre, il veut avant tout réduire ses charges. Il ne pense pas au risque de défaillance de son entreprise. Je ne suis donc pas surpris de l'échec de l'assurance volontaire contre la perte d'emploi. Cette réforme procédait de bons sentiments, mais était en décalage avec la réalité de terrain.

En ce qui concerne le financement de la formation professionnelle, sait-on comment les fonds seront répartis entre le fonds d'assurance-formation, les opérateurs chargés de la mise en oeuvre du CEP et la Caisse des dépôts ? Les entreprises s'interrogent sur l'utilisation des crédits. C'est une question d'efficacité. Il ne faudrait pas que l'argent collecté serve à renflouer France compétences.

Mme Monique Lubin. - Le sujet est très technique. Donner une possibilité de rebond aux travailleurs indépendants en cas d'échec ne peut pas être une mauvaise idée.

Les indépendants se plaignent des difficultés qu'ils rencontrent lorsqu'ils veulent se former : on leur dit qu'ils n'ont pas la durée de cotisation requise, qu'ils n'ont pas assez cotisé, que les formations souhaitées n'existent pas, etc. Il conviendrait donc d'ajouter une disposition pour évaluer l'efficience du dispositif de formation.

En dépit des propos du ministre, les travailleurs des plateformes ne semblent pas visés. Comment pourraient-ils, en effet, justifier que leur activité n'est pas rentable, dans la mesure où ils peuvent l'arrêter librement à tout moment ? C'est un manque important.

Mme Chantal Deseyne. - Je m'interroge sur l'intérêt de ce texte. On ne peut pas à la fois vouloir être entrepreneur, créer son activité et réclamer un statut comparable à celui des salariés ! Avant de s'installer à son compte, les personnes font une étude prévisionnelle pour savoir si l'activité envisagée est viable. Quant à la formation, les entrepreneurs peuvent prévoir des fonds à cette fin dans le budget de l'entreprise.

M. René-Paul Savary. - L'assurance chômage pour les travailleurs indépendants coûte 140 millions d'euros, mais ils participent au financement de l'Unédic à hauteur de 5 milliards d'euros par le biais de l'affectation d'une fraction de la CSG sur les revenus d'activité. On se moque d'eux ! Ne vaudrait-il donc pas mieux réduire leur part de CSG, plutôt que de créer un nouveau mécanisme ?

M. Martin Lévrier. - Lorsque le projet de loi a été présenté par le Président de la République - j'y étais -, le texte a été accueilli par une standing ovation des travailleurs indépendants. J'en déduis qu'ils trouvent la loi pertinente.

Je suis étonné qu'en France on hésite encore à reconnaître un droit à l'erreur. Le Gouvernement s'emploie à créer des passerelles pour permettre aux gens de rebondir. Il a déjà créé le droit à l'erreur dans les rapports avec l'administration. De même, les indépendants qui échouent doivent avoir un droit à l'erreur.

Mme Cathy Apourceau-Poly. - Je ne comprends pas pourquoi ce texte arrive si rapidement. Voilà encore un texte mal préparé, déposé dans l'urgence. Si la crise sanitaire a nécessité de la souplesse dans le calcul des cotisations sociales, il ne faut pas faire peser sur les recettes de la sécurité sociale les mesures du Gouvernement. Notre crainte est de voir advenir une année blanche pour les cotisations sociales des 3 millions de travailleurs indépendants, au détriment du budget de la sécurité sociale, et que cette exception ne devienne la règle. Les indépendants des secteurs touchés par la crise - hôtellerie, sport, culture, etc. - pourront valider un nombre de trimestres pour la retraite équivalent à la moyenne des trimestres validés lors de leurs trois derniers exercices. C'est bien, mais on regrette que les salariés à temps partiel qui ont perdu une partie de leur rémunération ne bénéficient pas de mesures similaires. Nous sommes inquiets des mesures proposées, qui visent à faciliter le passage d'une entreprise individuelle en société.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour avis. - On peut s'interroger en effet sur l'intérêt de l'ATI. Selon le Président de la République, il s'agissait d'une assurance chômage universelle.

La capacité de l'Urssaf à répartir les fonds de formation professionnelle suscite des interrogations. Le Gouvernement n'a pas répondu à nos questions. C'est pourquoi je propose de reporter l'entrée en vigueur du dispositif. N'oublions pas que l'objectif doit être d'améliorer la formation des artisans.

Je partage vos analyses sur France compétences, qui, après seulement deux ans d'existence, accuse un déficit de 4,6 milliards d'euros : les conséquences financières de la réforme de l'apprentissage issue de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel avaient été mal évaluées et France compétences a dû absorber des contrats antérieurs.

En tant que travailleurs indépendants, les travailleurs des plateformes peuvent bénéficier de l'ATI sous réserve que leurs revenus soient inférieurs au RSA, qu'ils n'aient pas une double activité - car, dans ce cas, l'allocation d'aide au retour à l'emploi peut être plus avantageuse -, et qu'ils remplissent les conditions d'ancienneté et de revenus.

Oui, un jeune entrepreneur qui se lance est optimiste et ne pense pas à l'échec. Mais le risque existe toujours. Les partenaires sociaux ont prévu des dispositifs assurantiels volontaires pour se protéger en cas de perte d'emploi. Il faut sensibiliser les chefs d'entreprise sur l'intérêt qu'il y a à prévoir un filet de sécurité pour se prémunir en cas de mauvaise fortune.

M. Alain Milon avait alerté lorsque l'on a modifié le financement de l'Unédic dans la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. En effet, on a remplacé la cotisation salariale à l'assurance chômage par une part de CSG, qui représente aujourd'hui près de 40 % du budget de l'Unédic. La contribution des indépendants s'élève ainsi à 5 milliards d'euros. Ils seraient donc fondés à réclamer davantage de droits... Toutefois, la gouvernance de l'Unédic n'a pas été modifiée, car les indépendants n'y sont pas représentés. Le Président du Sénat appelait à remettre de l'ordre dans les comptes publics. Il faudrait aussi remettre de l'ordre dans la gouvernance de l'Unédic.

Je suis favorable au droit à l'erreur, nul n'est à l'abri d'un retournement de marché. Enfin, il me semble que les propos de Mme Apourceau-Poly reflètent davantage une position sur l'ensemble du texte et le PLFSS que sur les articles 9 et 10 en particulier.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 9 (délégué)

Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour avis. - L'allocation des travailleurs indépendants (ATI) a été mise en place il y a moins de deux ans, le 1er novembre 2019. Sur cette période très courte, seuls quelques mois auront été significatifs, la crise sanitaire et les mesures prises pour y faire face ayant temporairement gelé la situation des entreprises. Le dispositif connaît un échec par rapport aux prévisions, qui justifie une mesure de correction rapide. Toutefois, les circonstances actuelles ne doivent pas exonérer l'État de faire un véritable bilan de cette prestation qui n'a pas trouvé sa cible.

C'est pourquoi mon amendement  COM-4 tend, à titre conservatoire, à fixer au 31 octobre 2024, soit 5 ans après l'entrée en vigueur du dispositif, la date limite pour demander l'ATI. Au plus tard 6 mois avant cette date, soit le 30 avril 2024, le bilan et les perspectives de l'ATI devront avoir fait l'objet d'une concertation avec les partenaires sociaux et les représentants des travailleurs indépendants. Le législateur sera ainsi en mesure de se prononcer de manière éclairée sur la prolongation et l'éventuelle réforme du dispositif.

L'amendement COM-4 est adopté.

La commission proposera à la commission des lois d'adopter l'article 9 ainsi modifié.

Après l'article 9 (délégué)

Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour avis. - La mise en place d'un filet de sécurité en cas de perte d'activité fait aujourd'hui l'objet d'une attente de la part des travailleurs indépendants. Le projet de loi tente de répondre à cette attente en améliorant l'allocation des travailleurs indépendants (ATI). Il ne faut pas oublier toutefois les solutions assurantielles volontaires.

Afin de « marcher sur deux jambes » et de promouvoir la protection complémentaire des travailleurs indépendants, mon amendement COM-5 prévoit que les acteurs de l'écosystème de l'entreprise informent, à l'occasion de leurs interventions, les travailleurs indépendants de la possibilité de souscrire un contrat d'assurance contre la perte d'emploi subie et sur le dispositif « Madelin » défini à l'article 154 bis du code général des impôts.

L'amendement COM-5 portant article additionnel est adopté.

La commission proposera à la commission des lois d'adopter l'article additionnel ainsi rédigé.

Article 10 (délégué)

Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour avis. - L'objet de l'amendement  COM-21 est de préciser que la répartition des fonds par l'Urssaf doit être effectuée en fonction de la population des cotisants relevant du champ de chaque fonds. Cela me semble important pour sécuriser le dispositif. Toutefois, la rédaction de l'amendement doit être améliorée : j'émets donc un avis défavorable en l'état et je travaillerai avec l'auteur de l'amendement pour trouver une meilleure rédaction en vue de l'examen en séance publique.

La commission proposera à la commission des lois de ne pas adopter l'amendement COM-21.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour avis. - Mon amendement COM-6 vise à opérer une coordination des dispositions concernant les ponctions destinées au financement du conseil en évolution professionnelle (CEP) et du compte personnel de formation (CPF), avec le transfert à France compétences de la répartition de l'ensemble de la collecte des contributions à la formation professionnelle des travailleurs indépendants.

L'amendement de coordination COM-6 est adopté.

La commission proposera à la commission des lois d'adopter l'amendement COM-6.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour avis. - Mon amendement COM-7 vise à associer le réseau des chambres des métiers et de l'artisanat à la gouvernance du futur fonds fusionné d'assurance-formation.

L'amendement COM-7 est adopté.

La commission proposera à la commission des lois d'adopter l'amendement COM-7.

La commission proposera à la commission des lois d'adopter l'article 10 ainsi modifié.

Article 14

Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour avis. - Considérant qu'il convient de ne pas précipiter une nouvelle modification du circuit financier de la formation des travailleurs indépendants avant que les dysfonctionnements actuels aient été résolus, mon amendement COM-29 vise à reporter l'entrée en vigueur de l'ensemble des dispositions de l'article 10 au 1er janvier 2023.

La commission proposera à la commission des lois d'adopter l'amendement COM-29.

TABLEAU DES AVIS

Auteur

Objet

Avis de la commission

Article 9
Sécuriser les parcours et les transitions professionnelles des travailleurs indépendants

Mme PUISSAT, rapporteur pour avis

COM-4

Limitation dans le temps et concertation sur les perspectives de l'ATI

Favorable

Article additionnel après l'article 9

Mme PUISSAT, rapporteur pour avis

COM-5

Information sur les assurances complémentaires contre la perte d'emploi subie

Favorable

Article 10
Accroître la performance du système de la formation continue des travailleurs indépendants

M. MOUILLER

COM-21

Répartition des contributions collectées entre les fonds d'assurance-formation

Défavorable

Mme PUISSAT, rapporteur pour avis

COM-6

Coordination des dispositions concernant les fonds répartis par France compétences

Favorable

Mme PUISSAT, rapporteur pour avis

COM-7

Association du réseau des chambres des métiers et de l'artisanat à la gouvernance du fonds d'assurance-formation

Favorable

Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 - Audition de MM. Renaud Villard, directeur et Gérard Rivière, président, de la caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV)

Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous entendons à présent MM. Gérard Rivière et Renaud Villard, respectivement président et directeur de la Caisse nationale d'assurance vieillesse. J'indique que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo en vue de sa retransmission en direct sur le site du Sénat. Elle sera consultable en vidéo à la demande.

M. Gérard Rivière, président, de la caisse nationale d'assurance vieillesse. - Je présenterai la situation financière de la branche retraite, c'est-à-dire la CNAV et le Fonds de solidarité vieillesse (FSV).

En 2021, le déficit de la branche devrait rester stable, s'élevant à 6,1 milliards d'euros, contre 6,2 milliards en 2020. Les dépenses de prestations seront un peu moins dynamiques cette année, avec une hausse de 2,1 %, contre 2,7 % l'an passé, tandis que la revalorisation des pensions sera limitée. La surmortalité liée à la crise sanitaire devrait entraîner une diminution de la masse des pensions versées en 2021 de 0,2 point, soit environ 230 millions d'euros. En 2022, les dépenses devraient repartir à un rythme plus dynamique, avec une hausse de 2,9 %, en raison de l'inflation et donc de la revalorisation probable des pensions.

On devrait observer un rebond des cotisations de 7 % en 2021 et de 6,2 % en 2022, avec une progression attendue de la masse salariale supérieure à 6 %. Cela compenserait la ressource exceptionnelle supplémentaire de 5 milliards d'euros perçue en 2020, liée au versement d'une soulte par la Caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG). L'évolution globale des ressources serait donc moins heurtée que celle des cotisations.

À partir de 2023, le déficit de la branche devrait se creuser de 1 à 1,5 milliard chaque année, pour atteindre 7,9 milliards en 2025 : cet accroissement du déficit structurel est la conséquence d'une évolution des dépenses plus forte que celle des recettes ; les réformes de 2010, 2012 et 2014 commencent à produire leur plein effet, et leurs effets sur l'évolution du solde deviendront neutres.

En 2020, le solde de la branche a été meilleur que prévu lors du PLFSS, 6,2 milliards d'euros contre 11,5 milliards prévus, soit une amélioration de 5,3 milliards, grâce à des cotisations plus dynamiques, notamment de la part du secteur privé et des travailleurs indépendants.

En 2021, le déficit sera de 6,1 milliards d'euros, deux fois moins que prévu dans le PLFSS. Le solde s'améliorera de 4,8 milliards en 2022 et de 3,9 milliards en 2024 : ces améliorations s'expliquent majoritairement par la forte révision à la hausse des cotisations. En 2021, la masse des prestations devrait être inférieure d'environ 1 milliard, du fait de la mortalité liée à la covid, d'une part, et des changements de comportement dans les départs à la retraite, en raison de la réforme des régimes complémentaires de l'Agirc-Arrco, d'autre part. À partir de 2022, les révisions concernant les masses de prestations devraient être limitées, car les différents facteurs cités devraient se compenser.

M. Renaud Villard, directeur de la caisse nationale d'assurance vieillesse. - Il faut souligner que la branche retrouve plus rapidement que prévu - dès 2022 - son solde tendanciel antérieur à la crise. Plusieurs mesures auront des effets sur la branche retraite, comme les mesures destinées à préserver les droits à la retraite des travailleurs indépendants, la simplification de l'accès à la complémentaire santé solidaire, qui concernera les bénéficiaires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées, l'ASPA, et enfin l'article 17 sur la communication bancaire, qui vise à renforcer la lutte contre la fraude, grâce à un délai de réponse des banques aux demandes des caisses ramené à un mois, selon une procédure dématérialisée.

M. René-Paul Savary, rapporteur pour la branche vieillesse. - Une soulte de la CNIEG de 5 milliards d'euros a été payée en 2020. Mais celle-ci était valorisée à hauteur de 5,4 milliards d'euros au 31 décembre 2019. La CNAV est donc perdante dans cette transaction, dont le montant est moins important que ce qu'il aurait été si la soulte avait été rétrocédée de façon fragmentée sur une plus longue période. Cet apport important a modifié les comptes en 2020.

Même en déduisant ce montant de ses recettes, la branche vieillesse aurait connu une perte de ressources moins importante que les autres branches : - 3,5 %, contre - 6,2 % pour la branche famille et - 8,3 % pour la branche accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP). Comment l'expliquer ?

Les décès ont augmenté de 9 % ; quelle part de cette surmortalité est-elle liée au covid ? Vous en avez estimé l'effet en dépenses à 230 millions d'euros, alors que le Conseil d'orientation des retraites (COR) l'a chiffré à 500 millions d'euros tous régimes confondus.

À partir de 2023, si le rebond de l'inflation se confirme, et avec le vieillissement démographique, le déficit va se creuser.

L'Agirc-Arrco va prendre des mesures pour éviter de dénaturer cet équilibre, et réduira les pensions - seule solution si elle ne veut pas augmenter les cotisations.

Ce PLFSS comprend peu de réformes : la réforme des retraites est restée dans le placard, et le déficit cumulé en 2070 devrait dépasser les 70 milliards d'euros.

Quelles mesures préconisez-vous - même si ce n'est pas de votre ressort - pour limiter ce déficit abyssal ?

M. Renaud Villard. - La soulte de la CNIEG est liée à l'historique, lorsque le régime spécial EDF-GDF a été adossé au régime général. Des décaissements monétaires ont été réalisés jusqu'en 2019. La soulte, initialement de 3,4 milliards d'euros, a été valorisée par des placements à long terme, à hauteur de 5 milliards d'euros dans nos comptes. Ces placements - à 60 % en actions - ont été soldés rapidement sur les marchés financiers. En juillet 2020, ce n'était certes pas le meilleur moment pour vendre, alors que les marchés financiers étaient encore nerveux, mais il y avait urgence : sans cet apport, le solde aurait été déficitaire de 11 milliards d'euros. Avant la crise, la CNAV envisageait un décaissement sur vingt ans pour un meilleur rendement et une gestion saine par le FSV ; mais nécessité a fait loi pour valoriser les 5 milliards d'euros en trésorerie au prix d'une réallocation de ressources très rapide par le FSV, en quelques semaines, et sans perte financière.

Oui, nous avons eu un moindre recul de nos recettes par rapport aux branches famille et AT-MP, alors que nous avons la même assiette - la masse salariale du secteur privé. C'est lié au transfert des impôts et taxes affectées. La branche vieillesse a été destinataire d'une part plus importante de taxe sur les salaires en raison de la conversion du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) en allègement de cotisations sociales, avant la crise sanitaire. Nous avons donc eu une affectation majorée de taxes sur les salaires, car l'État a compensé à l'euro près la baisse de cotisations. La branche vieillesse, qui récupérait 38 % de la taxe sur les salaires avant la réforme du CICE, en obtient désormais plus de 50 %, alors que la branche famille a vu sa part se réduire de 48 % à 20 %. Ce sont ces mesures décidées avant la crise qui expliquent l'écart comptable. J'espère dire la même chose que la Cour des comptes.

M. René-Paul Savary. - Il y a aussi la compensation entre régimes ?

M. Renaud Villard. - En 2020, il y a eu une baisse de compensation démographique par le régime général, mécanique. Le ratio démographique - nombre de cotisants sur nombre de retraités - s'est dégradé, car de nombreux salariés ont été au chômage partiel. Nous avons donc eu une moindre contribution de 800 millions d'euros au régime MSA.

La forte surmortalité de la crise covid a surtout concerné les personnes âgées. Son impact sur la branche vieillesse a été limité, car de nombreuses personnes seraient décédées dans les prochaines années. Il y a eu environ 350 millions d'euros de « moindres dépenses »
- même si ce terme est atroce - liées à la surmortalité covid.

En 2020, la prise en charge de l'activité partielle a coûté 6 milliards d'euros ; en 2021, encore 2,5 milliards d'euros. Nous sommes des perdants de la crise sanitaire - et c'est plutôt une bonne nouvelle.

Même si l'inflation est actuellement plus soutenue que naguère, nous conservons les scénarios d'inflation initiaux. L'inflation ne devrait pas creuser le déficit réel, car elle est compensée par une augmentation à due concurrence, à moyen terme, de la masse salariale
- sur cinq à dix ans, l'inflation plus dynamique aboutit aussi à une augmentation de la masse salariale avec la pression sur les salaires. À court terme, cela peut augmenter les dépenses de la branche retraite - deux points d'inflation, c'est trois milliards d'euros de dépenses supplémentaires... Cela n'enlève rien au déficit structurel que vous avez rappelé. À compter de 2050, la CNAV s'enfoncerait dans un rouge écarlate, alors que le régime complémentaire serait en suréquilibre - ce qui interroge sur la répartition des cotisations entre régime de base et complémentaire.

Enfin, comme vous le savez, l'Agirc-Arrco n'a pas baissé les pensions de retraites, mais sous-indexé les retraites d'un demi-point par rapport à l'inflation - ce qui réduit le pouvoir d'achat des retraités.

M. Gérard Rivière. - Certes, il est utile de faire des projections à très long terme, mais il y a des accidents de parcours - voyez en 2020... Les 70 milliards d'euros de déficit prévus d'ici 2070. La situation n'est pas aussi gravissime qu'elle ne le semble, toutes choses égales par ailleurs.

Selon les prévisions du COR, en 2070, l'ensemble du système de retraites soit sera en excédent, soit connaîtra un besoin de financement de 0,7 % du PIB.

Mais il y a un problème de financement, à moyen et long terme, du système de retraites, entre régimes. Certains régimes de sécurité sociale sont sous-financés, car ils prennent en compte une forte solidarité. C'est toute la valeur ajoutée de la sécurité sociale, qui répond à d'autres engagements de société, par rapport à l'assurance retraite - même si celle-ci est paritaire, comme à l'Agirc-Arcco.

Rien n'est gravé dans le marbre. Les besoins de financement doivent être adaptés aux situations - certes, sans laisser filer les déficits - et les recettes adaptées aux besoins.

M. René-Paul Savary. - Vous citez la prévision du COR de 0,7 %, mais vous oubliez de préciser à quel prix : le niveau de vie moyen des retraités représentera 85 % de celui de l'ensemble de la population, contre 102 % actuellement. Pour arriver à l'équilibre, on baisse le niveau de vie et non le niveau de la pension. S'il n'y a pas d'équilibrage, les conséquences peuvent être très douloureuses pour nos concitoyens. Ne faudrait-il pas envisager une revalorisation des retraites différente ? Elle est actuellement fondée sur l'inflation. Il faudrait plutôt indexer le niveau des retraites sur le salaire moyen.

Les réformes de 2010 sont arrivées à leur terme en 2020-2021 ; l'inertie de la prise de décision par rapport à l'application des mesures et à leurs conséquences montre que plus on tarde à décider, plus tard on reviendra à l'équilibre.

Avez-vous réalisé des simulations en modifiant le mode de calcul de revalorisation des pensions ?

M. Gérard Rivière. - Des chiffrages ont été réalisés dans le cadre de la concertation de Jean-Paul Delevoye.

La retraite par répartition est un salaire différé. Si l'on indexe la revalorisation des pensions et même des carrières avec des coefficients d'inflation au fil du temps, si l'inflation est faible, on obtiendra une dévalorisation des pensions et une baisse sensible des taux de remplacement. On ne peut continuer ainsi. On l'a vu avec les effets produits, non négligeables, qu'il faut stopper. On pourrait envisager un nouvel index prenant en compte à la fois l'évolution de la masse salariale et l'évolution des prix.

Lorsqu'on parle de niveau de vie, on inclut le patrimoine immobilier et non seulement le niveau des pensions. De nombreux retraités sont propriétaires, qu'ils aient acquis leur propriété par eux-mêmes ou par héritage. Par ailleurs, on calcule le niveau de vie par unité de consommation, or rares sont les retraités ayant des personnes à charge. Cela fausse donc les comparaisons avec les salariés. Ainsi modifié, le niveau moyen des pensions est loin des 102 % du salaire moyen.

M. René-Paul Savary. - Certes, on intègre le patrimoine dans le niveau de vie.

M. Gérard Rivière. - Comparaison n'est pas toujours raison...

M. Renaud Villard. - Il faut compléter le niveau de vie par le taux de remplacement qui permet d'identifier le ratio entre salaires et niveau de retraites... À situation inchangée, le taux de remplacement se dégraderait.

Vous avez souligné l'hypothèse d'une modification des règles de modification des retraites. C'est l'indexation des retraites sur l'inflation qui provoque l'érosion progressive du taux de remplacement. À un moment donné, on peut avoir un taux de remplacement de 75 %. Vingt ans après, il est moins favorable, car les salaires augmentent plus rapidement que les prix.

Différents modèles sont possibles : arrimer les retraites sur la croissance moins une correction démographique, à l'instar du système suédois. Avantage, mais aussi inconvénient, le système de retraites serait le reflet exact de la santé économique du pays : si le PIB décroche de six points, faut-il baisser les retraites de six points moins le coefficient démographique, soit de sept ou huit points ? L'acceptabilité sociale serait complexe... On ne peut pas s'arrimer qu'aux bonnes nouvelles. Se fonder sur l'inflation a un côté plus sécurisant et plus usuel.

Maintenir le taux de remplacement tel qu'il est actuellement a un coût et interroge sur les leviers. Un système de retraites ne peut pas être durablement en déséquilibre. Ce serait mortifère pour notre système de retraites par répartition et fragiliserait le pacte entre générations. Actuellement, 28 % des salaires des jeunes sont utilisés pour payer les retraites ; or, un jeune sur deux pense qu'il n'aura pas droit à une retraite plus tard. Il faut rassurer ces jeunes au regard de l'engagement financier qui leur est demandé.

Il ne m'appartient pas de juger de l'opportunité de mobiliser tel ou tel des trois leviers - durée de cotisation, taux, niveau des pensions - disponibles.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Merci pour vos propos. Si une réforme paramétrique pour retrouver l'équilibre est nécessaire, quel rythme recommandez-vous pour l'engager ? En d'autres termes, y a-t-il urgence ?

Le projet de loi de finances pour 2022 est bâti sur une prévision d'inflation hors tabac de 1,4 % pour 2021 et de 1,5 % pour 2022. Ces hypothèses sont-elles robustes ? Quels seraient les effets sur la branche vieillesse d'une inflation plus élevée ?

Mme Michelle Meunier. - Lorsque Bernard Bonne et moi vous avons interrogés dans le cadre de notre mission sur la prévention de la perte d'autonomie, vous avez affirmé que le coeur de métier de votre caisse était la prévention ; or elle ne représente que 0,3 % de son budget. Comment l'expliquez-vous ?

Au-delà du rendez-vous médical à 65 ans pour les publics éloignés des soins, quelles autres actions envisagez-vous ? Que pensez-vous de la prescription d'activité physique ou intellectuelle ?

Mme Monique Lubin. - Comment calculez-vous le déficit que vous estimez à 8 milliards d'euros en 2025 ? Le COR a trois modélisations différentes, chacune déclinant quatre possibilités : il établit donc douze scénarios en tout. Selon le message qu'on veut faire passer, on peut donc choisir la plus ou la moins favorable.

Merci, monsieur le président, pour vos propos sur les prévisions à horizon 2070. Avant la pandémie, souvenons-nous qu'on nous prédisait un déficit de 17 milliards d'euros dans l'immédiat. Dans la presse, un ministre, exaspéré par la résistance à la réforme des retraites, avait même fini par dire que si on ne faisait rien, on ne pourrait plus payer les retraites dans les trois ou quatre années à venir...

Ce que nous savons, c'est que le revenu des retraités ne baissera pas, mais décrochera par rapport à celui des actifs, et que la part des retraites dans le PIB baissera. La question qui se pose est : quelles retraites voulons-nous pour les futurs retraités ? On peut en discuter, mais, de grâce, sortons des discours catastrophistes qui ne servent qu'à faire passer la pilule - une pilule qu'on administre d'ailleurs toujours aux mêmes...

Mme Florence Lassarade. - En Italie, où il y a moins d'un enfant par femme, j'ai vu récemment des vieillards de 90 ans encore en activité. Liez-vous vos prévisions à la dénatalité qui s'installe durablement en France ? Ce paramètre me semble essentiel, surtout si on parle de 2070.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Ce n'est pas parce que je suis assis de ce côté-ci de la salle, mais je souscris aux propos de Mme Lubin ! (sourires)

Mme Catherine Deroche, présidente. - Il y a un microclimat !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Beaucoup de gens s'expriment à tort et à travers sur les retraites alors qu'ils ne connaissent pas bien le sujet...

Le déficit de la Sécurité sociale n'est pas principalement - et de loin - dû à la branche vieillesse, mais à l'assurance maladie. Si l'on ne prend pas conscience de cette importance relative, on ne peut pas appréhender correctement le problème.

La question qui se pose à partir des scénarios du COR est : veut-on des retraites à 12, 13 ou 14 % du PIB ? C'est un choix macroéconomique.

Vous avez certainement lu le rapport « Tirole », qui s'inscrit dans une hypothèse de système de retraites par points et présente des pistes intéressantes pour un retour à l'équilibre. Il recommande notamment un mécanisme jouant sur le taux de remplacement et l'âge de la retraite, en privilégiant l'un ou l'autre facteur en fonction de la démographie - car de ce point de vue, personne ne sait où on en sera dans dix ans. C'est ainsi qu'il faut raisonner.

Le rapport parle aussi d'une fenêtre de départ et non d'un âge de départ à la retraite. Cela me semble intéressant d'individualiser ce paramètre, car cela prend en compte la durée de cotisation.

Mme Monique Lubin. - Je suis d'accord.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Le rapport donne une vision plus complexe, mais prometteuse pour tendre vers le point d'équilibre. Il faut cependant nous y résoudre : comme lorsqu'on fait de la bicyclette, le régime sera constamment en déséquilibre, en fonction de la croissance économique et de ce qu'on veut politiquement pour les retraités.

Mme Laurence Cohen. - Les 13 millions de retraités bénéficiant du régime Agirc-Arrco verront leur pension revalorisée non pas à la hauteur de l'inflation prévue de 1,5 %, mais avec un demi-point de moins, en vertu de l'accord qui a été signé mi-septembre. Cela signifie une perte de 2 % de pouvoir d'achat sur deux ans.

Heureusement que le projet du Gouvernement, qui consistait à étendre le fonctionnement de ce régime aux autres, a été abandonné : on voit bien ce que cela signifiait pour le pouvoir d'achat des retraités !

Le Gouvernement veut favoriser la multiactivité et le travail des seniors... Avec plus de 4 millions de chômeuses et de chômeurs, c'est un sacré paradoxe !

M. Renaud Villard. - Le solde de notre branche a une forte sensibilité à l'inflation. Nous nous sommes calés sur 1,5 % ; un point de plus dégraderait le solde de 1,4 milliard d'euros en 2022. C'est toute la difficulté de l'exercice de rédiger un PLFSS : il faut bien se fonder sur une hypothèse...

Il semble y avoir un consensus des économistes sur le caractère non durable de l'inflation actuelle, qui est due au renchérissement du coût de l'énergie et des matières premières provoqué par la reprise en Chine. Le Haut-Conseil des finances publiques a salué la prudence des hypothèses macroéconomiques du Gouvernement - qu'il a même trouvée excessive. Cela permet d'envisager des ajustements en cours d'année.

Sur le rythme utile d'une éventuelle réforme, il ne m'appartient pas de répondre à cette question brûlante.

L'action sanitaire sociale de la branche retraite représente effectivement 400 millions d'euros sur 130 à 140 milliards d'euros de dépenses, soit 0,3 %. Ce chiffre peut sembler modeste, mais permet d'engager des actions : nous adaptons bon an mal an 25 000 à 30 000 logements par an ; nous organisons des ateliers collectifs cognitifs ou physiques organisés avec un reste à charge zéro ; plus largement, nous développons une stratégie de prévention.

L'article 34 du PLFSS, qui est très technique - voire technoïde - salue dans son exposé des motifs l'initiative commune de la CNAV et de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) pour favoriser l'accès à des prestations pour enrayer la perte d'autonomie. Un système unique de demande en ligne et sous format papier est expérimenté depuis septembre dans cinq départements. Progressivement, les collectivités qui le souhaitent pourront y participer.

Le scénario sur lequel nous avons construit notre estimation est le scénario dit central du COR : 1,3 % de gains de productivité et 7 % de chômage structurel. Si nous avions choisi le scénario le plus favorable du COR, nous serions toujours en déficit, mais dans une moindre mesure. Une telle hypothèse n'est pas véritablement réaliste pour 2030.

Les variantes du COR dépendent en grande partie de la variation de la masse salariale du secteur public, à laquelle la branche vieillesse est, par définition, peu sensible.

Elle est sensible, en revanche, à la natalité, madame Lassarade. Je ne parlerais pas pour autant de dénatalité : avec un taux un peu en dessous de 1,8 enfant par femme, nous sommes certes dans une situation moins favorable que lors du mini baby-boom des années 2000. Mais d'autres critères jouent, même si actuellement ils s'annulent l'un l'autre : le solde migratoire s'est un peu réduit - ce qui réduit nos cotisations - et l'espérance de vie augmente moins vite - ce qui améliore notre solde.

Le rapport « Tirole » est extrêmement intéressant. Malgré tout, il fixe le principe d'un âge minimum, différentes possibilités devant être ouvertes au salarié pour le départ en retraite - c'est une litote de dire que l'information dans ce domaine n'est pas satisfaisante.

Madame Cohen, le taux d'activité avant le départ en retraite est un indicateur-clé de la branche. Il a progressé de 10 points, mais il reste encore très faible, malgré nos efforts conjugués avec ceux de Pôle emploi.

M. Gérard Rivière. - Revenons sur la prévention de la perte d'autonomie : 400 millions d'euros du Fonds national d'action sanitaire et sociale en faveur des personnes âgées de la CNAV pour 14 millions de retraités, cela représente 0,3 % de la masse des prestations et 30 euros par an par retraité.

Il est évident qu'il faut faire des choix. Ainsi, nous préférons la prévention collective à la prévention individuelle. L'urgence actuelle, c'est d'installer une culture de la prévention de la perte d'autonomie, si l'on ne veut pas couvrir la France d'Ehpad. Le bon vieillissement se fait à domicile. Pour le favoriser, il faut absolument accompagner chacun dès le passage à la retraite et le vieillissement, et non aux premiers signes de perte d'autonomie. Il faut mettre en place un véritable accompagnement par des informations, des ateliers. Il faut l'inscrire dans la loi. Des choses avaient été envisagées en ce sens, mais n'ont pu aboutir faute de moyens. La loi d'adaptation de la société au vieillissement se voulait de programmation. Elle prenait en compte la prévention, mais les résultats n'ont pas été à la hauteur des ambitions, faute de budget. On peut comprendre que d'autres choix aient été faits, car gouverner, c'est arbitrer.

Actuellement, les salariés partent à la retraite avec des comptes personnels de formation bien garnis. Pourquoi ne pas utiliser ces sommes pour mettre en place des stages de préparation à la retraite dans toutes les branches et toutes les entreprises ?

Pour votre information, c'est ma dernière audition devant votre noble assemblée puisque le 25 janvier, je quitterai mes fonctions de président du conseil d'administration de la CNAV après dix ans de services. Mais avant cela, vous connaissez ma franchise : d'ici 2024-2025, il n'y a pas d'urgence absolue à réformer. Les déficits sont repris par la Cades jusqu'en 2023. Je ne suis pas sûr que ceux de 2023 seront absorbés, mais il sera toujours temps d'y revenir. Vous connaissez mon amour pour la réforme systémique... J'attends toujours que l'on me prouve en quoi elle augmenterait le pouvoir d'achat des retraités. L'élection présidentielle et les élections législatives sont une bonne période pour ouvrir un débat public. Il ne s'agit pas d'enfouir une réforme au fond d'un programme électoral de 250 pages ni d'employer des termes flatteurs qui feront croire à chacun qu'il aura plus que son voisin, qu'il perçoit comme un profiteur qui n'a rien fichu. Il faut être clair. Ensuite, le suffrage universel tranchera et la prochaine majorité pourra peut-être mettre en oeuvre une réforme qui adapte les ressources pour parvenir à un nécessaire équilibre. Il faudra aussi prendre en compte l'évolution des pensions et sortir de la seule valorisation en fonction de l'inflation, a fortiori quand elle est minorée, qui est particulièrement pénalisante. Quand on fait le calcul des économies réalisées sur une pension versée pendant vingt ans, on s'aperçoit que ce n'est pas indolore individuellement.

Si une réforme paramétrique - ce que je préconise - devait être décidée, elle devrait être accompagnée de mesures favorisant l'employabilité des seniors, avec des formations tout au long de la vie. Les salariés de la sécurité sociale bénéficiant d'une formation ambitieuse, ceux qui ont 60 ans aujourd'hui et sont arrivés aux balbutiements de l'informatique sont capables de piloter tous les outils mis à leur disposition pour assurer la relation de service. Si l'on met les moyens, l'employabilité est permanente.

Il faudra absolument prendre en compte la pénibilité. Le système de 2014 n'était pas parfait, mais il avait le mérite d'exister. Il a été vidé de son sens. L'usure n'est pas seulement psychologique ; elle est aussi physique.

Le déficit pour 2022 est d'environ 2,5 milliards d'euros pour la seule CNAV. C'est ce que coûtent au régime les retraites anticipées pour carrière longue. À l'origine, cela concernait les carrières commencées à 14 ou 15 ans ; c'est désormais 20 ans.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Merci, monsieur le président. Votre remarque m'a fait penser à la phrase de Desproges : « Il ne suffit pas d'être heureux. Encore faut-il que les autres soient malheureux ! »

M. René-Paul Savary. - Je souhaite remercier publiquement M. Rivière, fin connaisseur du système, auquel on peut se confronter pour faire avancer la réflexion. J'ai beaucoup appris à son contact. Je remercie aussi le directeur de la CNAV.

Proposition de loi visant à accélérer l'égalité économique et professionnelle - Examen du rapport et du texte de la commission

Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous poursuivons nos travaux avec l'examen du rapport et du texte de la commission sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à accélérer l'égalité économique et professionnelle. Je laisse la parole à notre rapporteure, Mme Laurence Garnier, dont c'est le premier rapport.

Mme Laurence Garnier, rapporteure. - Je suis très heureuse de rapporter cette proposition de loi devant vous. Je remercie Mme la présidente de sa confiance.

La proposition de loi qui nous est soumise, relative à l'égalité économique et professionnelle, a été déposée par notre collègue députée Marie-Pierre Rixain et adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture le 12 mai dernier.

Avant d'aborder l'examen de ce texte, il me revient de vous proposer un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution.

Je considère que ce périmètre comprend des dispositions relatives à l'amélioration de l'autonomie financière des femmes ; aux règles applicables au paiement du salaire et au versement des prestations sociales individuelles ; à l'insertion professionnelle des bénéficiaires de la prestation partagée d'éducation de l'enfant ; à l'accès des familles monoparentales aux établissements et services d'accueil du jeune enfant ; à la représentation équilibrée des femmes et des hommes dans l'enseignement supérieur et dans la recherche ; aux indicateurs relatifs aux écarts de rémunération entre les femmes et les hommes ; à la fixation d'objectifs de représentation équilibrée des femmes et des hommes parmi les postes à responsabilités au sein de l'entreprise ; au soutien à l'entrepreneuriat des femmes.

En revanche, ne me semblent pas présenter de lien, même indirect, avec le texte déposé, et seraient donc considérés comme irrecevables des amendements relatifs au droit électoral ; à la prévention et à la répression des violences conjugales et intrafamiliales ; aux règles de calcul et d'attribution des prestations sociales ; au financement et à l'organisation des modes d'accueil de la petite enfance ; à la santé au travail et à la prévention du harcèlement au travail ; aux thèmes de la négociation collective autres que celui de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ; aux instances représentatives du personnel ; à la durée du travail, aux droits à congé dans l'entreprise, à la détermination du salaire, aux règles de conclusion et de rupture du contrat de travail ; aux prélèvements obligatoires applicables aux particuliers et aux entreprises.

Dix ans après l'adoption de la loi Copé-Zimmermann qui a institué des quotas de femmes dans les conseils d'administration des entreprises, cette proposition de loi entend franchir une étape supplémentaire pour l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Sur ce terrain, d'importants progrès restent à faire : les femmes salariées du secteur privé gagnent en moyenne 16,8 % de moins que les hommes à temps de travail égal et elles ne représentent que 35,4 % des cadres de l'ensemble des entreprises.

La nécessité d'une égalité réelle entre les femmes et les hommes ne doit pas être vue comme une ambition des femmes pour elles-mêmes, encore moins des femmes contre les hommes, mais comme un combat bénéfique à l'ensemble de la société. Il faudra encore du temps pour atteindre cet objectif et je crois partager la démarche de l'auteure de cette proposition de loi, qui souhaite proposer des avancées concrètes et réalisables.

Les principales dispositions du texte concernent l'égalité entre les femmes et les hommes au sein de l'entreprise.

L'article 6 propose de rendre obligatoire la publication par les entreprises des résultats qu'elles obtiennent à chacun des indicateurs composant l'index de l'égalité professionnelle. Cet index a été créé par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, qui a imposé aux entreprises de plus de 250 salariés depuis 2019, puis de plus de 50 salariés depuis 2020, de publier un index de l'égalité, matérialisé par un score sur 100. Cet index est calculé sur la base de cinq indicateurs destinés à mesurer les écarts de rémunération, d'augmentation, de promotion ainsi que les augmentations accordées lors d'un retour de congé maternité. Si l'entreprise n'atteint pas le score de 75/100, elle doit prendre des mesures de correction et dispose d'un délai de trois ans pour se mettre en conformité, sous peine d'une pénalité financière fixée à 1 % de sa masse salariale.

L'article 6 propose de renforcer la transparence sur l'égalité en imposant aux entreprises qui doivent aujourd'hui publier leur score global de rendre également publics leurs résultats à l'ensemble des indicateurs. Il est aussi prévu que les entreprises qui n'atteignent pas le score de 75 définissent et rendent publics des objectifs de progression pour chacun des indicateurs.

Les entreprises se sont plutôt bien approprié ce récent outil puisque 70 % d'entre elles ont publié leur score en 2021, contre 59 % en 2020. Le score moyen des entreprises augmente d'un point entre 2020 et 2021 pour atteindre 85/100 et elles sont 56 % à afficher un score supérieur à 75. Il existe toutefois une disparité selon les indicateurs. Celui qui est relatif au retour de congé maternité et celui qui porte sur la parité des dix meilleures rémunérations affichent des résultats assez faibles. Ces disparités montrent l'intérêt d'une publication des résultats pour chacun des indicateurs, ainsi que le prévoit cet article. Je vous proposerai donc de l'adopter, car il renforce la transparence sur l'égalité en entreprise sans bouleverser les modalités de cet index encore récent. Il me semble important de conserver son périmètre à ce stade, pour sa pleine appropriation par les entreprises et pour mesurer dans le temps les progrès réalisés.

L'article 7 étend l'objectif de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes parmi les cadres dirigeants des entreprises. En effet, la féminisation des conseils d'administration n'a pas entraîné de progrès notables dans la répartition des postes à responsabilités au sein des entreprises. Selon le Haut-Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE), les femmes n'étaient que 19 % dans les comités exécutifs (Comex) et les comités de direction (Codir) au sein des entreprises du SBF 120 en 2019. Il n'y a donc visiblement pas eu de ruissellement des instances de gouvernance vers les instances dirigeantes des entreprises, ce qui plaide pour une extension de la logique des quotas.

Cet article prévoit que les entreprises de plus de 1 000 salariés publient chaque année les écarts éventuels de représentation entre les femmes et les hommes parmi leurs cadres dirigeants et les cadres membres de leurs instances dirigeantes. Il fixe l'objectif d'atteindre une proportion minimale de représentation de chaque sexe parmi ces postes de 30 % d'ici à 2027 et de 40 % d'ici à 2030. À compter de 2030, les entreprises auront deux années supplémentaires pour se mettre en conformité avec leurs obligations ; à défaut, l'employeur pourra se voir appliquer une pénalité financière s'élevant au maximum à 1 % de la masse salariale de l'entreprise. Le montant pourra être modulé par l'autorité administrative en fonction de la situation initiale de l'entreprise, de ses efforts en matière de représentativité entre les femmes et les hommes ainsi que des motifs de sa défaillance. En outre, les entreprises ne se conformant pas à leur obligation devront aborder, dans le cadre de la négociation obligatoire sur l'égalité professionnelle, les mesures de correction à prendre.

Dans une logique de name and shame, le texte prévoit que, dès l'année suivant l'entrée en vigueur de la loi, les écarts de représentation seront publiés sur le site du ministère du travail. Cet article introduit donc une mesure réellement contraignante. Comme j'ai pu le vérifier lors de mes auditions, celle-ci fait toutefois l'objet d'une large acceptation par les partenaires sociaux et par les grandes entreprises. À la lumière de ces échanges, je considère que l'équilibre trouvé par l'Assemblée nationale est satisfaisant, en ce qui concerne tant le seuil minimum de salariés que les quotas fixés et le calendrier retenu. Il ne serait donc pas opportun de modifier cet équilibre.

En matière de quotas, il est toutefois primordial de bien définir le périmètre des personnes considérées. Je vous proposerai donc un amendement visant à clarifier ce périmètre.

J'estime par ailleurs que la publicité des écarts de représentation sur le site du ministère du travail peut être un outil efficace à condition d'être utilisé avec mesure pour qu'il ne soit pas vécu comme une sanction avant même que les entreprises n'aient eu le temps nécessaire de se préparer à la mise en oeuvre de la loi. Je propose donc de ne prévoir sa mise en oeuvre qu'au bout d'un délai de cinq ans, soit en même temps que la date d'entrée en vigueur du premier quota de 30 %.

Un deuxième volet du texte vise à encourager l'entrepreneuriat des femmes. En la matière, les initiatives portées par des femmes se heurtent souvent à des difficultés d'accès au financement. En particulier, selon le réseau SISTA, 90 % des fonds investis dans les start-up françaises ont été dirigés vers des équipes à 100 % masculines en 2020.

À cette fin, l'article 8 introduit des objectifs de mixité dans la politique de soutien à la création et au développement d'entreprises menée par Bpifrance, qui est aujourd'hui un acteur incontournable du financement des entreprises comme des fonds d'investissement. L'objectif est de susciter un effet d'entraînement pour tout l'écosystème de l'entrepreneuriat des femmes.

Depuis 2014, la loi charge la Banque publique d'investissement d'orienter en priorité son action vers l'entrepreneuriat féminin. Bpifrance a par ailleurs signé avec l'État un accord-cadre en faveur de l'entrepreneuriat des femmes pour la période 2021-2023. Elle est aussi signataire de la charte SISTA, qui fixe notamment un objectif de financement de 25 % de start-up fondées ou cofondées par des femmes dans le numérique en 2025, de 30 % en 2030 et de 50 % en 2050.

La proposition de loi va plus loin en fixant un quota de 30 % de membres de chaque sexe au sein des comités d'investissement de Bpifrance afin de lutter contre les biais de sélection. Elle prévoit en outre que les actions de soutien de la BPI sont menées en recherchant une représentation équilibrée des femmes et des hommes parmi les bénéficiaires de ces actions. La répartition par sexe des membres des comités d'investissement et des bénéficiaires du soutien de Bpifrance devra être publiée.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a introduit une conditionnalité des financements en prêts ou en fonds propres de la BPI aux entreprises de plus de cinquante salariés au respect de l'obligation de publication annuelle de l'index de l'égalité professionnelle.

S'il est évidemment souhaitable que toutes les entreprises concernées se conforment au plus tôt à cette obligation, l'application immédiate de la conditionnalité du soutien de la BPI risque de porter préjudice à de nombreuses petites et moyennes entreprises qui ne disposent pas forcément des moyens de s'approprier rapidement l'index. Bpifrance nous a alertés sur ce point. Il paraît donc raisonnable de prévoir une entrée en vigueur différée de cette mesure afin de donner plus de lisibilité aux entreprises concernées.

Plusieurs dispositions visent ensuite à favoriser l'autonomie financière des femmes.

Ainsi, les articles 1er et 2 prévoient l'obligation de versement sur un compte bancaire ou postal dont le salarié ou le bénéficiaire est le détenteur ou le co-détenteur, du salaire, d'une part, et, d'autre part, d'une liste de prestations sociales individuelles : allocation d'aide au retour à l'emploi, indemnités journalières de la sécurité sociale, pensions de retraite, etc. Ces articles visent à empêcher que l'un des membres du couple ne prenne le contrôle sur les ressources de l'autre. Ces mesures ne remplissent qu'imparfaitement cet objectif et ne bouleversent pas le droit existant, mais peuvent, moyennant quelques ajustements, être regardées favorablement.

Je propose également d'adopter l'article 1er bis qui tend à autoriser, même en cas de détention d'un compte joint, l'exercice du droit au compte afin de permettre à des femmes victimes de violences conjugales de s'extraire de l'emprise financière de leur conjoint.

La proposition de loi comporte également des dispositions qui ont trait aux dispositifs et prestations liés à la garde d'enfants et à la parentalité, l'auteure du texte ayant considéré que l'égalité professionnelle ne pouvait être atteinte sans améliorer la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale.

À cette fin, l'article 3 propose de donner accès aux bénéficiaires de la prestation partagée d'éducation de l'enfant (PreParE) à des actions de formation afin de favoriser la reprise d'une activité professionnelle à l'issue du bénéfice de la prestation. Il me paraît important de mieux accompagner vers l'emploi les bénéficiaires de cette prestation, qui sont en grande majorité des femmes, car son recours augmente le risque de désinsertion professionnelle. Je vous proposerai donc de soutenir cet article.

Je vous proposerai également d'adopter l'article 4, qui prévoit de rendre accessibles aux enfants de familles monoparentales les places de crèche aujourd'hui réservées aux enfants de parents en insertion sociale et professionnelle. Je vous inviterai toutefois à supprimer, au sein de cet article, l'inscription dans la loi des crèches « à vocation d'insertion professionnelle », car ces structures existent déjà. Un encadrement législatif ne ferait que rigidifier ce dispositif.

En revanche, l'article 3 bis, qui permet aux salariées enceintes de bénéficier, sur leur demande, de douze semaines de télétravail avant le début de leur congé de maternité, me semble plus problématique.

Une organisation en télétravail peut, dans bien des cas, être bénéfique à la salariée enceinte. Toutefois, comme cela est prévu dans l'accord national interprofessionnel du 26 novembre 2020, la question du télétravail doit être traitée de préférence à l'échelon de l'entreprise, dans le cadre du dialogue social. Ainsi, il n'apparaît pas souhaitable que la facilitation du télétravail pour les femmes enceintes soit imposée par la loi. Une telle disposition pourrait même avoir pour résultat d'exclure davantage la femme de l'entreprise, ce qui serait contraire à l'objectif. Des femmes pourraient aussi être contraintes de télétravailler quand elles pourraient bénéficier d'un arrêt de travail.

Dans certains cas, le dialogue au sein de l'entreprise et avec les femmes concernées pourrait aboutir à des durées de télétravail différentes en amont du congé de maternité, à une répartition sur toute la durée de la grossesse ou à des aménagements plus adaptés.

Je vous proposerai donc de supprimer le droit au télétravail introduit par cet article et de prévoir que l'accord d'entreprise ou la charte sur le télétravail précisent, lorsqu'ils existent, les conditions dans lesquelles les salariées enceintes peuvent bénéficier de ce mode d'organisation.

Afin de favoriser l'égalité des chances entre les femmes et les hommes dans le monde professionnel, la proposition de loi entend également favoriser l'égalité à l'école et dans l'enseignement supérieur : la féminisation des cadres dirigeants des entreprises dépendra aussi, en amont, de la capacité de l'enseignement supérieur à former un vivier.

Le texte a été considérablement étoffé sur ce sujet lors de son examen à l'Assemblée nationale. Certaines des mesures proposées sont déjà satisfaites par le droit en vigueur ou se bornent à encadrer dans la loi des dispositifs ou des actions déjà déployés. Je vous inviterai donc à les supprimer pour ne conserver que les mesures susceptibles d'apporter des avancées réelles pour l'égalité des chances dans le système éducatif.

À l'article 5 je vous proposerai ainsi d'adopter l'obligation faite aux établissements de l'enseignement supérieur de publier des indicateurs sur l'égalité des chances entre les femmes et les hommes pour chacune de leurs formations. Les mesures visant à renforcer la parité des jurys de concours et de sélection recueillent aussi mon soutien. Dans la même logique, je vous proposerai de soutenir l'article 5 quinquies, qui impose aux établissements publics de recherche de publier des indicateurs sur l'égalité entre les femmes et les hommes.

L'article 5 bis, qui précise que les conseillers d'orientation devront être formés aux questions d'égalité, devrait également être adopté.

Je vous inviterai toutefois à supprimer, à l'article 5, les précisions relatives à la lutte contre les stéréotypes de genre à l'école, ainsi que les dispositions visant à intégrer les questions d'égalité entre les femmes et les hommes dans l'accréditation des écoles d'ingénieur, à l'article 5 quater, et dans les accords de coopération entre établissements à l'article 5 ter. Toutes ces mesures sont soit superfétatoires, soit satisfaites par le droit en vigueur. Nous avons supprimé de la proposition de loi toutes les dispositions qui n'avaient pas une véritable valeur ajoutée législative.

Pour conclure, nous partageons tous, je le pense, l'objectif de garantir une égalité réelle entre les femmes et les hommes. En légiférant en la matière, nous serions tentés d'aller beaucoup plus loin, mais nous devons trouver un équilibre entre l'ambition et la réalisation. La loi ne pourra malheureusement pas, à elle seule, corriger toutes les inégalités.

C'est avec le souci d'apporter des avancées concrètes et réalisables que j'ai abordé l'examen de ce texte. Je vous propose de l'adopter, sous réserve des modifications que je vous soumettrai, afin de faire progresser les droits des femmes et l'égalité professionnelle dans la société.

M. Philippe Mouiller. - Je ferai une remarque et je poserai une question.

Le texte prévoyant des dispositions visant à empêcher un membre du couple de prendre le contrôle sur les ressources de l'autre, permettez-moi de faire une remarque sur la déconjugalisation de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et de m'étonner que le Gouvernement, qui soutient la mesure prévue dans la présente proposition de loi, fasse parfois des lectures différentes d'un même sujet en fonction des textes !

Ma question porte sur l'article 5, qui prévoit l'obligation pour les établissements de l'enseignement supérieur de publier des indicateurs pour chacune de leurs formations. Une telle disposition ne risque-t-elle pas de faire peser des contraintes lourdes sur certains établissements, notamment dans certaines filières, dans lesquelles les femmes se portent peu candidates ?

Mme Frédérique Puissat. - Le texte de l'Assemblée nationale prévoit de conditionner l'aide de Bpifrance à l'obligation de publication de l'index de l'égalité professionnelle. Cette disposition, dont la commission prévoit de reporter la mise en oeuvre, n'est-elle pas une condamnation à mort des entreprises ? Je rappelle que, en cas de non-respect de cette obligation, l'entreprise s'expose à une double sanction : d'une part, le name and shame, d'autre part une pénalité. Si elles risquent en plus d'être privées de soutien financier, autant appeler les pompes funèbres !

Ne devrions-nous pas supprimer cette disposition plutôt que de reporter sa mise en oeuvre ?

M. Laurent Burgoa. - Ma question porte sur la proposition, à l'article 4, de rendre les places en crèches accessibles aux enfants de familles monoparentales. S'agira-t-il d'une possibilité ou d'une obligation pour les équipes municipales ? En tant que sénateurs, nous devons veiller à ne pas grever les finances des collectivités territoriales si nous ne voulons pas que l'on nous reproche une certaine incohérence.

Mme Laurence Rossignol. - La rapporteure a tenté de rendre cohérente cette proposition de loi, dont on doute d'ailleurs qu'elle soit exclusivement d'initiative parlementaire, après un premier réaménagement en première lecture à l'Assemblée nationale. En définitive, ce texte ne contient que peu d'évolutions, à part celle qui concerne la place des femmes dans les comités de direction et dans les comités exécutifs des grandes entreprises, qui est effectivement nécessaire.

J'avoue que certains articles me laissent perplexe. Le texte contient de nombreuses pétitions de principe. Ainsi, lorsqu'il est écrit que la salariée « peut » bénéficier du télétravail, cela ne signifie pas que c'est un droit. Pour cela, il faudrait écrire « la salariée bénéficie ». Je trouve ce texte très bavard...

Sur les dispositions de l'article 1er visant à éviter la mainmise du conjoint sur les prestations familiales ou les salaires, avez-vous, madame la rapporteure, auditionné les associations de lutte contre la pauvreté ? Il n'est pas exclu que, pour éviter que leurs prestations familiales ne servent à combler leur découvert à la banque, des gens s'arrangent autrement. Cet article ne posera-t-il pas plus de problèmes aux familles pauvres qu'il ne va en résoudre ?

Sur les crèches, il n'existe pas de service public de la petite enfance, pas de droit opposable à une place en crèche. En outre, il y a déjà de multiples conventions entre le ministère, la caisse d'allocations familiales, les communes concernant les bénéficiaires de places en crèche. Le texte ne prévoit pas que la nouvelle catégorie de bénéficiaires sera prioritaire sur un couple biactif par exemple. Là encore, l'article du texte ne crée aucun droit opposable ni aucune obligation pour qui que ce soit.

Ce texte est attendu par les femmes des grandes entreprises et du monde économique pour sa disposition sur les comités exécutifs et les comités de direction. Pour le reste, il ne s'inscrira pas dans la liste des grandes lois en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes.

Mme Colette Mélot. - Il est vrai que ce texte manque d'ambition et qu'il ne sera pas une grande loi, mais on ne peut pas tout changer d'un coup de baguette magique du jour au lendemain. Des évolutions sont encore nécessaires, que vous avez bien identifiées, madame la rapporteure. Je suis donc favorable aux propositions que vous venez de faire.

M. Olivier Henno. - Merci pour la clarté de votre exposé. Vous avez parlé d'encourager l'égalité entre hommes et femmes dans l'entrepreneuriat, et évoqué Bpifrance. Qu'en est-il dans les autres banques ? Comment les inciter à favoriser l'égalité entre hommes et femmes dans l'entrepreneuriat ?

Mme Laurence Cohen. - Merci pour votre travail. Il est très important que nous continuions à avancer, après la loi Copé-Zimmermann, et que nous nous battions pour la représentation des femmes dans les conseils d'administration. C'est symbolique, bien sûr, mais nous avons justement besoin de symboles - et d'ailleurs, cela fait avancer les choses, aussi. Pourquoi ne pas généraliser la démarche, sans se limiter aux conseils d'administration ? C'est dans toutes les instances de direction que les femmes sont peu présentes. Et les lois sur la parité ont bien montré qu'il était nécessaire, pour progresser, d'imposer des règles strictes.

Dans le secteur public, les femmes ne sont pas mieux loties que dans le privé. Or il y a sur ce point un vide dans cette proposition de loi, auquel il faudrait remédier. Fin 2018, sur quelque 5 700 hauts cadres en poste, 31 % seulement étaient des femmes ! On est loin du compte, et de tels textes sont donc nécessaires. En l'espèce, le titre de la proposition de loi ne convient pas. Il minimalise l'ampleur du chantier, alors que la pandémie a bien montré que les femmes étaient premières de cordée, et bien souvent de corvée, avec des salaires très bas... Et ce texte ne met pas cela en lumière. Cela me taraude.

Mme Catherine Deroche, présidente. - La difficulté est que certaines professions sont très féminisées depuis longtemps...

Mme Laurence Garnier, rapporteure. - Comme le montre la diversité de vos questions, cette proposition de loi touche à des domaines très divers, des places en crèches au financement bancaire, en passant par les quotas dans les grandes entreprises ou la lutte contre la pauvreté. Sur ce dernier point, nous ne faisons pas de la présence d'un compte joint une limite à l'exercice du droit au compte et nous revoyons entièrement la rédaction de l'article relatif au versement des prestations sociales, pour faire en sorte que les prestations puissent être versées même s'il n'y a pas de compte bancaire.

Mme Laurence Rossignol. - En espèces ?

Mme Laurence Garnier, rapporteure. - Exactement. Cela ne concerne certainement que quelques cas marginaux, mais dont on peut penser qu'ils sont dans des situations très compliquées.

En ce qui concerne les places en crèche, il ne s'agit pas de créer des places supplémentaires, mais d'ouvrir les places disponibles à un nouveau public, dans une certaine proportion, puisqu'on peut aussi imaginer que certaines familles en démarche d'insertion professionnelle sont aussi des familles monoparentales. Cela ne va pas révolutionner les choses, ni régler la question du parc disponible de places en crèche, mais cette mesure porte une attention particulière sur les familles monoparentales.

La proposition de loi ouvrait initialement un droit au télétravail opposable à l'employeur. Je vous propose de supprimer cet article et de renvoyer ce point à la négociation collective dans l'entreprise. Cela pose en effet un certain nombre de questions : inégalité entre les femmes dont le travail est faisable à distance et les autres, ou substitution possible du télétravail à un arrêt de travail en cas de grossesse pathologique. Le législateur a beaucoup réfléchi, ces dernières années, à la façon dont le congé de maternité sort la femme de l'entreprise, et à la façon dont il lui permet ensuite de la réintégrer, dans de bonnes ou mauvaises conditions. Or j'ai été surprise, lors des auditions, de constater que, lorsqu'on parle de potentiel télétravail des femmes douze semaines avant le congé de maternité, c'est-à-dire d'absence à partir de la moitié de la grossesse, les interlocuteurs emploient les mêmes termes et expressions que si la femme était arrêtée. Attention, donc : à vouloir trop bien faire, on risque d'être contre-productif.

Sur l'enseignement supérieur, certaines formations sont en effet très masculines, mais d'autres sont très féminines. L'objectif de la proposition est que les établissements publient des indicateurs, sans contraintes ni sanctions. Les échanges que j'ai eus avec des représentants de l'enseignement supérieur et de la recherche m'ont appris que de tels indicateurs peuvent avoir un effet incitatif et que, si l'on veut attirer plus de femmes dans une formation d'hommes, afficher des taux plus importants qu'une autre formation de même nature génère une forme de stimulation, d'émulation et donc, potentiellement, des effets de rééquilibrage. En tout cas, en l'absence de contrainte, aucune difficulté particulière ne nous a été signalée par les représentants de ces formations.

En ce qui concerne le financement de l'entrepreneuriat, notamment par les banques, les auditions, dont celle de la Fédération bancaire française (FBF), montrent qu'il n'existe pas vraiment de biais, en termes d'accès au crédit, pour favoriser le crédit auprès des femmes qui entreprennent. C'est la raison pour laquelle la proposition de loi se limite à agir sur Bpifrance, sur laquelle nous avons des leviers d'actions supplémentaires, notamment au sein des comités d'investissement, dans lesquels nous souhaitons voir siéger davantage de femmes, ce qui générera un accompagnement et un regard un peu différent sur les femmes qui entreprennent. Mais il n'est pas possible d'agir directement sur l'octroi de crédits, comme la Banque de France nous l'a aussi confirmé.

Frédérique Puissat, enfin, a évoqué le conditionnement des soutiens de Bpifrance au respect par les entreprises de l'index de l'égalité professionnelle. Cet index est en vigueur depuis 2019 pour les entreprises de 250 salariés et plus, et depuis 2020 pour les entreprises de plus de 50 salariés. C'est très récent, donc, et nous avons traversé une période un peu particulière depuis, de surcroît. Mais c'est un sujet à regarder avec beaucoup d'attention, car Bpifrance est souvent l'acteur qui permet le tour de table financier. C'est pourquoi nous n'avons pas voulu bloquer dès à présent l'accès au crédit de Bpifrance pour ces structures, car cela nous paraissait dangereux - notre collègue a même employé le terme de « mise à mort », qui a le mérite d'être clair. Cela dit, 56 % des entreprises publient déjà leur index. On peut penser que, en leur accordant un délai supplémentaire, elles seront toutes en mesure de le publier dans les années à venir. En revanche, je ne suis pas favorable au conditionnement des soutiens de Bpifrance au respect de quotas dans les entreprises, les entreprises de plus de 50 salariés n'étant pas concernées.

Bien sûr, tout n'est pas parfait, mais il s'agit surtout de poser les bons curseurs aux bons endroits, de faire progresser sans ajouter trop de contraintes, tout en étant volontaristes... L'équilibre est difficile à trouver, mais je crois que nous sommes parvenus, malgré tout, à un texte susceptible de faire progresser l'égalité professionnelle dans les entreprises et de descendre d'un cran par rapport à la loi Copé-Zimmermann, qui a maintenant dix ans.

Mme Laurence Cohen. - Vous n'avez pas répondu à ma remarque concernant le secteur public.

Mme Laurence Garnier, rapporteure. - C'est un sujet qui a fait l'objet de beaucoup d'échanges et de débats à l'Assemblée nationale, et d'amendements auxquels le Gouvernement a systématiquement donné un avis défavorable. Je me suis penchée sur la question, mais n'ai pas organisé d'audition sur ce thème, qui relève davantage de la compétence de la commission des lois. Beaucoup d'étapes ont été franchies par la fonction publique, notamment avec la loi d'août 2019 de transformation de la fonction publique. Ce texte impose un certain nombre de quotas, surtout sur les nominations, puisque les rigidités liées au statut de fonctionnaire font qu'on ne peut pas calquer les objectifs présentés dans ce texte sur la fonction publique. En tous cas, beaucoup de choses sont faites. C'est pourquoi nous ne nous sommes pas aventurés dans ce vaste sujet de la fonction publique.

Mme Catherine Deroche, présidente. - C'est vrai que cela relève de la compétence de la commission des lois. L'accès à la fonction publique passant par le concours, il est difficile de transposer les mêmes mesures que dans le privé. L'État doit montrer l'exemple, mais par un autre texte législatif que celui-ci.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Mme Laurence Garnier, rapporteure. - Cet article prévoit l'obligation de versement du salaire sur un compte bancaire ou postal dont le salarié est titulaire ou le co-titulaire. Il convient de clarifier son articulation avec le régime général des obligations, le Code civil prévoyant la possibilité, pour tout créancier, de désigner une personne pour recevoir son paiement. Mon amendement COM-15 précise que le salarié ne peut pas désigner un tiers pour recevoir son salaire.

L'amendement COM-15 est adopté.

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 1er bis

L'article 1er bis est adopté sans modification.

Article 2

Mme Laurence Garnier, rapporteure. - La Cour de cassation a établi que le versement de prestations sociales ne peut pas être conditionné à la possession d'un compte bancaire. Mon amendement COM-16 reformule l'article pour préserver cette possibilité pour les bénéficiaires. En outre, il ajoute l'allocation des travailleurs indépendants (ATI) à la liste des prestations concernées.

L'amendement COM-16 est adopté.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 3

Mme Laurence Garnier, rapporteure. - Alors qu'il est prévu d'évaluer l'insertion professionnelle des bénéficiaires de ces actions de formation au terme de celles-ci, mon amendement COM-4 propose d'effectuer cette évaluation six mois après la fin de la formation, afin de tenir compte de l'éventuelle durée de recherche d'emploi du bénéficiaire.

L'amendement COM-4 est adopté.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 3 bis (nouveau)

Mme Laurence Garnier, rapporteure. - Mon amendement COM-17 renvoie la question du télétravail à la négociation collective au sein de l'entreprise.

L'amendement COM-17 est adopté.

L'article 3 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 4

Mme Laurence Garnier, rapporteure. - Mon amendement COM-5 prévoit de maintenir les dispositions de l'article 4 concernant l'ouverture aux familles monoparentales des places en crèche. Il propose de supprimer l'inscription dans la loi du dispositif des crèches « à vocation d'insertion professionnelle », puisque ce dispositif existe déjà et qu'on ne souhaite pas rigidifier le cadre dans lequel se développent ces crèches.

L'amendement COM-5 est adopté.

L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 4

Mme Laurence Garnier, rapporteure. - L'amendement COM-36 allonge la durée du congé de paternité. Cela sort du périmètre du texte : cet amendement est irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

L'amendement COM-36 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

Article 4 bis (nouveau)

Mme Laurence Garnier, rapporteure. - Mon amendement COM-6 supprime une demande de rapport au Parlement sur les modes d'accueil des enfants de parents en parcours d'insertion.

L'amendement COM-6 est adopté.

L'article 4 bis est supprimé.

Article 4 ter (nouveau)

Mme Laurence Garnier, rapporteure. - L'article 4 ter vise à préciser les missions assignées aux associations familiales afin que l'information qu'elles diffusent prenne en compte la lutte contre les stéréotypes de genre. Mon amendement COM-7 supprime cet article. En effet, les associations familiales déploient déjà des actions destinées à accompagner la parentalité et à promouvoir l'égalité entre les femmes et les hommes. Il ne semble pas opportun de mentionner cette mission en particulier dans la loi alors que d'autres, toutes aussi importantes, pourraient être évoquées, telles que la lutte contre les violences conjugales et intrafamiliales.

L'amendement COM-7 est adopté.

L'article 4 ter est supprimé.

Article 5

Mme Laurence Garnier, rapporteure. - Cet article prévoit que l'un des membres du conseil supérieur des programmes devra avoir une expertise sur les enjeux d'égalité, notamment entre les femmes et les hommes. Il convient de rappeler que le conseil supérieur des programmes est composé de dix-huit membres, à parité de femmes et d'hommes. Au regard de la compétence de ce conseil, il pourrait être justifié d'exiger de ses personnalités qualifiées qu'elles disposent d'une expertise sur de nombreuses matières. Mon amendement COM-8 propose donc de supprimer cette disposition.

L'amendement COM-8 est adopté.

Mme Laurence Garnier, rapporteure. - Mon amendement COM-9 effectue un toilettage : les alinéas visés prévoient que les formations dispensées aux élèves dans les collèges et les formations à l'utilisation responsable des outils et des ressources numériques dispensées dans les écoles devront s'attacher à lutter contre les stéréotypes de genre, alors que ces mesures sont satisfaites par les dispositions actuelles du code de l'éducation.

L'amendement COM-9 est adopté.

Mme Laurence Garnier, rapporteure. - L'amendement COM-2 précise que les statistiques sur l'égalité publiées par les établissements ayant des classes préparatoires devront être rendues accessibles sous forme électronique dans un standard ouvert et exploitable.

Avis défavorable, pour plusieurs raisons. D'abord, cet amendement est déjà satisfait par le principe posé à l'article L. 300-4 du code des relations entre le public et l'administration, qui prévoit que toute mise à disposition de document administratif est effectuée sous format électronique et se fait dans un format ouvert aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé. De plus, les classes préparatoires se trouvent dans des lycées. Pour les petits établissements, nous avons des interrogations sur les contraintes que cela peut générer. Enfin, d'autres dispositions du texte imposent à tous les établissements de l'enseignement supérieur de publier des statistiques. On ne voit pas bien pourquoi prévoir un traitement différencié pour les classes préparatoires.

L'amendement COM-2 n'est pas adopté.

Après l'article 5

Mme Laurence Garnier, rapporteure. - L'amendement COM-37 tend à abaisser le seuil d'éligibilité des collectivités territoriales qui doivent élaborer un plan d'action pour l'égalité entre les femmes et les hommes.

La loi de 2019 a imposé aux administrations de l'État, aux collectivités territoriales et aux établissements publics d'élaborer un plan d'action pluriannuel comportant une évaluation des écarts de rémunération entre femmes et hommes, des mesures pour garantir l'égal accès aux emplois publics et pour prévenir les discriminations, les violences et les actes de harcèlement. Les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) soumis à cette obligation sont ceux qui comportent de plus de 20 000 habitants. Le présent amendement propose d'abaisser ce seuil à 10 000.

J'y suis défavorable. En effet, la loi est très récente et il ne me semble pas opportun de la modifier avant de pouvoir évaluer ses effets. Ensuite, l'abaissement de ce seuil devrait être décidé en concertation avec les collectivités concernées et nous n'avons pas mené de travaux sur cette question en amont de l'examen de ce texte qui concerne davantage le droit du travail.

L'amendement COM-37 n'est pas adopté.

Mme Laurence Garnier, rapporteure. - L'amendement COM-39 tend à imposer une représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les emplois publics et plus seulement au titre des nominations.

La loi de 2019 a étendu et renforcé le dispositif de nominations équilibrées sur les emplois de direction dans la fonction publique.

Cet amendement propose d'appliquer ces exigences de représentation équilibrée sur les emplois de ces administrations et collectivités, et plus seulement sur les nominations, afin de renforcer l'égalité professionnelle sur le « stock » des emplois et pas seulement sur le « flux ».

Pour les mêmes raisons que sur l'amendement précédent, je suis défavorable à cet amendement. Il faudrait notamment évaluer les effets d'une telle obligation au regard de la stabilité des emplois de fonctionnaires, qui sont sous statut.

L'amendement COM-39 n'est pas adopté.

Article 5 bis A (nouveau)

L'article 5 bis A est adopté sans modification.

Article 5 bis (nouveau)

L'article 5 bis est adopté sans modification.

Article 5 ter (nouveau)

Mme Laurence Garnier, rapporteure. - L'amendement COM-10 tend à supprimer l'article 5 ter de la proposition de loi selon lequel les accords de coopération conclus entre établissements scolaires et universitaires prévoient, le cas échéant, des mesures pour favoriser une représentation équilibrée des femmes et des hommes.

La loi permet déjà à de tels établissements de conclure tout type d'accord de coopération, ce qui inclut des accords portant sur les mesures proposées à cet article, et il ne me semble pas souhaitable d'apporter trop de précision au droit en vigueur, qui offre une large marge de manoeuvre aux établissements.

L'amendement COM-10 est adopté.

L'article 5 ter est supprimé.

Article 5 quater (nouveau)

Mme Laurence Garnier, rapporteure. - L'amendement COM-11 tend à supprimer l'article 5 quater qui prévoit que l'avis rendu par la commission des titres d'ingénieurs en vue de l'accréditation des formations veille à la juste représentation des femmes et des hommes.

Cette commission prend déjà en compte de nombreux critères liés à l'égalité des chances dans le cadre de l'élaboration de ses avis, notamment au titre de la politique de genre, des adaptations au handicap, de la diversification des origines ou encore de la parité femmes-hommes. Ces critères d'évaluation ne figurent pas dans la loi et sont définis par la commission après consultation de toutes les parties prenantes.

Le dispositif proposé dans cet article ne relève pas de la loi et il est satisfait par les critères d'évaluation actuellement utilisés par cette commission. Il convient donc de supprimer cet article.

L'amendement COM-11 est adopté.

L'article 5 quater est supprimé.

Article 5 quinquies (nouveau)

Mme Laurence Garnier, rapporteure. - L'amendement COM-12 tend à préciser que les indicateurs relatifs à l'égalité des chances entre les femmes et les hommes que devront publier les établissements publics de recherche porteront sur le personnel qu'ils emploient. Cette précision apporte une clarification sur le public visé, alors que l'article 5 prévoit aussi la publication de ce type d'indicateurs, mais pour le public étudiant accueilli dans les établissements d'enseignement supérieur.

L'amendement COM-12 est adopté.

L'article 5 quinquies est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 6

Mme Laurence Garnier, rapporteure. - L'amendement COM-35 propose de réécrire l'article L. 1142-8 du code du travail pour préciser que les indicateurs composant l'index de l'égalité professionnelle porteront notamment sur les bas salaires et les écarts d'augmentation selon que les salariés ont pris ou non un congé de paternité.

Or, aujourd'hui, la loi prévoit seulement que les entreprises publient des indicateurs. Ce sont ensuite des dispositions réglementaires qui en fixent la liste. Sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur le fond de cet amendement, je vous propose de le rejeter au motif qu'il ne relève pas du domaine de la loi.

J'ajoute que, si un tel amendement était redéposé en vue de la séance publique, il devrait être déclaré irrecevable au titre de l'article 41 de la Constitution.

L'amendement COM-35 n'est pas adopté.

Mme Laurence Garnier, rapporteure. - L'amendement COM-13 est rédactionnel.

L'amendement COM-13 est adopté.

L'article 6 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 6

Mme Laurence Garnier, rapporteure. - Lorsque les entreprises n'atteignent pas le score de 75/100 sur l'index de l'égalité professionnelle, elles doivent prendre des mesures de correction et disposent d'un délai de trois ans pour se mettre en conformité.

L'amendement COM-29 tend à réduire ce délai à deux ans. Il ne me semble pas opportun de réduire, à ce stade, ce délai. En effet, la première période de trois ans n'a même pas encore eu le temps de s'écouler, puisque les entreprises doivent publier cet index depuis 2019 pour celles de plus de 250 salariés et depuis 2020 pour celles de plus de 50 salariés.

L'avis est donc défavorable.

L'amendement COM-29 n'est pas adopté.

Mme Laurence Garnier, rapporteure. - Le code du travail prévoit aujourd'hui que l'employeur peut prendre des mesures visant à établir l'égalité des chances entre les femmes et les hommes. Ces mesures peuvent faire l'objet d'une négociation au sein de l'entreprise en vue d'élaborer un plan d'action pour l'égalité professionnelle.

L'amendement COM-30 tend à rendre cette négociation obligatoire, alors même que l'employeur n'est pas obligé de prendre des mesures visant à établir l'égalité des chances entre les femmes et les hommes. Cet amendement rendrait donc obligatoire ce qui est en aval, alors que ce qui est en amont ne l'est pas. Il me semble que cela serait contre-productif dans les entreprises.

L'avis est donc défavorable.

L'amendement COM-30 n'est pas adopté.

Article 6 bis (nouveau)

Mme Laurence Garnier, rapporteure. - L'amendement COM-14 tend à supprimer cet article qui prévoit la remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement sur l'équité salariale

L'amendement COM-14 est adopté.

L'article 6 bis est supprimé.

Article 7

Mme Laurence Garnier, rapporteure. - L'amendement COM-18 tend à définir de manière plus précise le périmètre qui sera concerné par les quotas de représentation de chaque sexe dans les entreprises d'au moins 1 000 salariés.

Il a trois objets : supprimer le mot « cadres » dans l'expression « cadres membres des instances dirigeantes », car tous les membres de ces instances n'ont pas le statut de cadre ; bien préciser que les personnes concernées doivent être considérées, pour l'application du quota, comme un ensemble unique, et non comme deux ensembles distincts ; enfin, supprimer la notion de « périmètre de consolidation » de la définition des instances dirigeantes, car l'approche retenue ici est fondée sur la notion d'entreprise, et non sur la notion de groupe.

M. Xavier Iacovelli. - Nous voterons contre cet amendement.

L'amendement COM-18 est adopté.

Mme Laurence Garnier, rapporteure. - L'article 7 prévoit que les écarts de représentation entre les femmes et les hommes sont rendus publics, dès l'entrée en vigueur de la loi, sur le site internet de l'entreprise et, un an après cette date, sur le site du ministère du travail. Dans une logique de name and shame, cette publicité peut être efficace, mais elle doit intervenir après un délai suffisant pour que les entreprises puissent s'organiser.

Par conséquent, l'amendement COM-19 prévoit de n'appliquer ce dispositif qu'au bout d'un délai de cinq ans, soit en même temps que la date d'application du premier quota de 30 %.

Mme Laurence Rossignol. - Le plus souvent, nous nous abstenons sur les amendements qui sont examinés au stade de l'élaboration du texte en commission, mais en l'espèce, nous voterons contre. Madame la rapporteure, je vous rappelle que la loi sur l'égalité professionnelle a quarante ans... Je veux bien qu'on laisse du temps aux entreprises, mais on leur en a déjà laissé beaucoup. Il faut maintenant passer aux actes !

Mme Laurence Cohen. - Tout à fait !

L'amendement COM-19 est adopté.

Mme Laurence Garnier, rapporteure. - L'amendement COM-31 propose d'abaisser à 500 salariés le seuil pour l'application des quotas de représentation de chaque sexe. L'avis est défavorable, parce que l'équilibre trouvé à l'Assemblée nationale me semble être un bon compromis, les propositions entendues lors de mes auditions variant entre 250 et 2 000 salariés... Le chiffre de 1 000 me semble raisonnable et je propose d'en rester là.

M. Xavier Iacovelli. - Il est tout de même possible d'avoir un avis différent de celui de l'Assemblée nationale...

L'amendement COM-31 n'est pas adopté.

Mme Laurence Garnier, rapporteure. - L'amendement COM-38 entend aggraver les pénalités financières applicables aux entreprises qui ne respectent pas le quota en fonction de l'ampleur de l'écart de représentation entre chaque sexe. Il me semble contre-productif de fixer des sanctions prohibitives allant jusqu'à 5 % de la masse salariale de l'entreprise.

Du reste, cet amendement ne peut pas être adopté en l'état en raison de défauts de rédaction.

L'avis est donc défavorable.

L'amendement COM-38 n'est pas adopté.

Mme Laurence Garnier, rapporteure. - L'amendement COM-27 est rédactionnel.

L'amendement COM-27 est adopté.

Mme Laurence Garnier, rapporteure. - L'amendement COM-33 vise à anticiper le calendrier des obligations prévues par l'article 7. Les entreprises auraient 2 ans, au lieu de 5, pour atteindre le quota de 30 % et 5 ans pour atteindre 40 %. Les sanctions seraient applicables 6 ans après la publication de la loi.

Le calendrier proposé dans la proposition de loi me semble à la fois ambitieux et soutenable. Je rappelle que nous ne parlons pas ici de la composition des conseils d'administration, cette proposition de loi visant à « faire monter » des femmes dans la hiérarchie même des entreprises, ce qui prend plus de temps.

Là encore, je vous propose de nous en tenir à l'équilibre trouvé par les députés, qui fait l'objet d'une large acceptation. L'avis est donc défavorable.

Mme Laurence Cohen. - Je sais que nous sommes minoritaires, mais nous avons tout de même le droit de nous exprimer.

Mme la rapporteure met souvent en avant les notions de patience et d'équilibre. Or, comme le disait à l'instant Laurence Rossignol, cela fait bien longtemps que nous jonglons avec ces notions et que rien ne se passe ! Vous utilisez des arguments qui sont systématiquement opposés à chaque fois qu'on veut faire avancer l'égalité professionnelle. Vous êtes d'ailleurs en accord avec le Gouvernement sur ce point...

Annick Billon a déposé des amendements intéressants et, depuis le début de nos travaux, vous les rejetez d'un revers de la main. Certes, ces amendements ont été déposés à titre personnel, mais Annick Billon est tout de même présidente de la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les femmes et les hommes, délégation au sein de laquelle nous travaillons collectivement de manière transpartisane. Tout cela est donc bien dommage.

Mme Laurence Rossignol. - Je rejoins les propos de Laurence Cohen. Je suis étonnée du traitement qui est réservé aux amendements déposés par Annick Billon qui, à ma connaissance, fait partie de la majorité sénatoriale et n'est pas particulièrement proche des organisations syndicales ou féministes les plus radicales... En faisant de la sorte, vous semblez ne pas reconnaître sa compétence ni celle de la délégation aux droits des femmes sur ces sujets.

J'ajoute que si le représentant d'une autre délégation, par exemple la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation,...

M. Xavier Iacovelli. - Ou la délégation aux entreprises !

Mme Laurence Rossignol. - Absolument ! Si le représentant d'une autre délégation déposait des amendements dans un contexte similaire, ceux-ci ne seraient pas traités de la même manière. Cela est très révélateur de la manière dont la délégation aux droits des femmes est prise en considération.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Je ne suis pas du tout d'accord avec vous. La commission n'est pas obligée de souscrire à tous les amendements déposés par Annick Billon du seul fait qu'elle est présidente de la délégation aux droits des femmes. Je connais bien Laurence Garnier et sa compétence sur ces sujets, sur lesquels elle travaillait déjà beaucoup sur ces sujets, lorsqu'elle était conseillère régionale. On ne peut pas lui faire ce procès.

M. Xavier Iacovelli. - Ce n'est plus un toilettage, c'est un scalp !

Mme Catherine Deroche, présidente. - Laissez-moi terminer, monsieur Iacovelli ! Vous défendrez le Gouvernement ensuite.

Il s'agit d'un mauvais procès, d'un procès d'intention, à l'endroit de notre rapporteure. Annick Billon a le droit de déposer des amendements et nous avons le droit d'y être défavorables.

Mme Laurence Rossignol. - Ce n'est pas un procès d'intention, c'est un procès sur pièces !

Mme Laurence Garnier, rapporteure. - Je comprends que nous puissions avoir des désaccords, mais je ne peux pas accepter d'entendre dire que je balaie ces amendements d'un revers de la main. Nous avons procédé à de nombreuses auditions sur ce texte, dont le périmètre est large, nous avons eu beaucoup d'échanges avec différents interlocuteurs et nous avons examiné l'ensemble des amendements de manière sérieuse.

Nous devons avoir conscience que les implications de nos décisions peuvent être importantes pour les entreprises.

Mme Laurence Cohen. - Et pour les femmes !

Mme Laurence Garnier, rapporteure. - Nous pourrions évidemment décider d'imposer une parité absolue et immédiate, mais est-ce qu'une telle décision pourrait s'appliquer en pratique dans les entreprises ? Je vous propose des arbitrages raisonnables et je crois que le mieux est l'ennemi du bien.

Je peux comprendre que certains, pour des raisons politiques, veuillent aller plus loin. Je crois aussi qu'il est possible d'améliorer la situation, mais nous ne pouvons le faire que progressivement. C'est ce que prévoit cette proposition de loi qui va permettre aux femmes de prendre davantage de place dans le monde de l'entreprise, ce qui est nécessaire.

J'ai eu des échanges avec Annick Billon : elle soutient un certain nombre de dispositions de ce texte, mais elle souhaite aller plus loin - c'est son droit absolu. En ce qui me concerne, je pense que ce texte est équilibré et que, je le répète, le mieux est l'ennemi du bien. Soyez en tout cas convaincus que je ne balaie pas ces amendements d'un revers de la main !

L'amendement COM-33 n'est pas adopté.

Mme Laurence Garnier, rapporteure. - L'amendement COM-32 tend à fixer un quota de 50 % de personnes de chaque sexe au lieu des 40 % prévus par la proposition de loi.

Je ne reviens pas sur les discussions que l'on vient d'avoir, mais s'inscrire dans un calendrier réaliste me semble la meilleure façon de faire avancer l'égalité entre les hommes et les femmes. Avis défavorable.

L'amendement COM-32 n'est pas adopté.

Mme Laurence Garnier, rapporteure. - L'article 7 prévoit que, lorsqu'une entreprise ne se conforme pas à l'obligation de représentation équilibrée des femmes et des hommes parmi ses dirigeants, la négociation obligatoire sur l'égalité professionnelle doit aborder les mesures adéquates et pertinentes de correction.

Le texte issu de l'Assemblée nationale ne prévoit pas de date d'entrée en vigueur pour cette disposition, alors que le premier quota de 30 % ne sera applicable qu'en 2027. L'amendement COM-28 tend à donc, par cohérence, à fixer l'entrée en vigueur de cet article à la même date. C'est un amendement de coordination, en réalité.

L'amendement COM-28 est adopté.

L'article 7 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 7 bis (nouveau)

Mme Laurence Garnier, rapporteure. - L'article 7 bis propose d'étendre, avec des aménagements, le principe de la loi Copé-Zimmermann aux conseils d'administration des sociétés d'assurance mutuelles régies par le code des assurances.

L'amendement COM-20 tend à exclure du dispositif l'organe central des caisses d'assurances et de réassurances mutuelles agricoles, dont le conseil d'administration est désigné selon un processus en cascade : il en effet composé des présidents de chaque caisse régionale et le conseil d'administration de chaque caisse régionale comprend des élus des caisses locales, issus des sociétaires. C'est donc à l'échelon des sociétés régionales que doivent s'appliquer les quotas et non de l'organe central, qui ne maîtrise pas la composition de son conseil d'administration.

L'amendement COM-20 est adopté.

L'amendement rédactionnel COM-26 est adopté.

L'article 7 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 7 ter (nouveau)

Mme Laurence Garnier, rapporteure. - L'article 7 ter tend à intégrer les données publiées par l'entreprise sur les écarts de représentation entre hommes et femmes aux indicateurs servant de base à la délibération annuelle des organes d'administration.

Or l'article 7 de la proposition de loi prévoit déjà que ces données devront figurer au sein de la base de données économiques, sociales et environnementales, déjà pris en compte pour les délibérations visées.

Il est donc proposé, au travers de l'amendement COM-21, de supprimer cet article.

L'amendement COM-21 est adopté.

L'article 7 ter est supprimé.

Article 8

Mme Laurence Garnier, rapporteure. - L'article 8 vise à encourager l'entrepreneuriat des femmes en introduisant des objectifs de mixité dans la politique de soutien à la création et au développement d'entreprises et dans la composition des comités d'investissement de Bpifrance. Il conditionne par ailleurs l'octroi de financements au respect de l'obligation de publication de l'index de l'égalité professionnelle.

L'amendement COM-22 reporte à 2025 l'entrée en vigueur de cette conditionnalité. Il tend également à énoncer plus clairement l'objectif chiffré de 30 % de chaque sexe au sein des comités d'investissement et à supprimer une ambiguïté dans la rédaction du texte.

L'amendement COM-22 est adopté.

Mme Laurence Garnier, rapporteure. - L'amendement COM-34 tend à conditionner les financements publics aux entreprises constituées sous forme de sociétés anonymes à la représentation des femmes au sein de leurs instances de gouvernance et de direction. L'un des enjeux de la féminisation des instances dirigeantes des sociétés doit être de créer des opportunités économiques, non de mettre en péril des entreprises qui comptent aujourd'hui une faible proportion de femmes. Avis défavorable.

L'amendement COM-34 n'est pas adopté.

L'article 8 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 8 bis A (nouveau)

Mme Laurence Garnier, rapporteure. - L'amendement COM-23 tend à supprimer un article prévoyant la remise d'un rapport annuel de la Banque de France au Parlement.

L'amendement COM-23 est adopté.

L'article 8 bis A est supprimé.

Article 8 bis (nouveau)

Mme Laurence Garnier, rapporteure. - L'article 8 impose aux sociétés de gestion de portefeuille de définir un objectif de représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein de leurs comités d'investissement.

L'amendement COM-24 tend à renforcer cette obligation vague en renvoyant à un décret les modalités de l'actualisation de cet objectif.

L'amendement COM-24 est adopté.

L'article 8 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 8 ter (nouveau)

Mme Laurence Garnier, rapporteure. - L'amendement COM-25 tend à supprimer cet article prévoyant la remise d'un rapport relatif à l'application des séances d'information et d'éducation à la sexualité dispensées dans les écoles.

L'amendement COM-25 est adopté.

L'article 8 ter est supprimé.

Article 9 (Supprimé)

M. Alain Milon. - Je voterai le texte ainsi amendé ; j'espère qu'il vivra longtemps, au-delà du Sénat, et que l'Assemblée nationale nous suivra sur ce sujet.

Je veux également revenir sur le procès d'intention qui nous a été fait par nos collègues, en particulier par Laurence Rossignol. C'est vrai, cela fait quarante ans que les lois sur l'égalité homme-femme existent, mais, en quarante ans, il y a eu, pendant quatorze ans, François Mitterrand, pendant cinq ans, Lionel Jospin et, pendant cinq ans encore, François Hollande, soit vingt-quatre ans pendant lesquels vous étiez au pouvoir. Qu'avez-vous donc fait ?...

M. Xavier Iacovelli. - Ils ont rattrapé ce que vous n'aviez pas fait.

Mme Laurence Rossignol. - J'ai connu meilleurs arguments...

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Je trouve quelque peu ennuyeux que l'on ait rejeté tous les amendements d'Annick Billon, qui est présidente de la délégation aux droits des femmes. Ne pourrait-on pas présenter à la délégation, d'ici à la séance publique, les éléments d'information fournis pour expliquer la position de la commission ? La délégation organise nombre d'auditions sur ce thème et ces amendements sont le fruit d'un travail important de la délégation. Ce texte aurait pu être examiné avec celle-ci.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Laurence Garnier a échangé non pas avec la délégation, mais avec Annick Billon, car c'est cette dernière qui a déposé ces amendements en son nom personnel.

Annick Billon les redéposera sans doute pour l'examen en séance et nous en rediscuterons à ce moment-là.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

TABLEAU DES SORTS

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1er
Obligation de versement du salaire sur un compte du salarié

Mme GARNIER, rapporteure

15

Interdiction de désigner un tiers pour recevoir le salaire

Adopté

Article 2
Versement des prestations sociales sur un compte du bénéficiaire

Mme GARNIER, rapporteure

16

Interdiction de verser les prestations sociales sur un compte dont le bénéficiaire n'est pas titulaire

Adopté

Article 3
Accès à la formation professionnelle des bénéficiaires de la prestation partagée d'éducation de l'enfant

Mme GARNIER, rapporteure

4

Évaluation au bout de six mois de l'insertion professionnelle des bénéficiaires de la prestation partagée d'éducation de l'enfant ayant suivi une formation professionnelle

Adopté

Article 3 bis (nouveau)
Droit au télétravail pour les salariées enceintes

Mme GARNIER, rapporteure

17

Détermination par accord collectif des modalités d'accès des femmes enceintes au télétravail

Adopté

Article 4
Faciliter l'accueil en crèche des enfants de familles monoparentales

Mme GARNIER, rapporteure

5

Maintien de l'ouverture aux familles monoparentales des places aujourd'hui réservées aux enfants de parents en parcours d'insertion et suppression de l'inscription dans la loi des crèches à vocation d'insertion professionnelle

Adopté

Article additionnel après l'article 4

Mme BILLON

36

Allongement de la durée du congé paternité

Irrecevable (48-3)

Article 4 bis (nouveau)
Rapport au Parlement sur l'accueil des jeunes enfants de parents engagés dans un parcours d'insertion professionnels et sociale

Mme GARNIER, rapporteure

6

Suppression de l'article

Adopté

Article 4 ter (nouveau)
Information sur la lutte contre les stéréotypes de genre par les associations familiales

Mme GARNIER, rapporteure

7

Suppression de l'article

Adopté

Article 5
Publication d'indicateurs sur l'égalité et parité de jurys dans l'enseignement supérieur

Mme GARNIER, rapporteure

8

Suppression de l'exigence d'expertise sur les enjeux d'égalité pour l'un des membres du conseil supérieur des programmes

Adopté

Mme GARNIER, rapporteure

9

Suppression des précisions relatives à la lutte contre les stéréotypes de genre dans la formation des élèves de collège et dans la formation aux outils numériques à l'école

Adopté

M. IACOVELLI

2

Précision relative au caractère accessible, électronique et exploitable des statistiques publiées par les établissements comprenant des classes préparatoires aux grandes écoles

Rejeté

M. IACOVELLI

1

Remise par l'Observatoire national de l'insertion professionnelle d'un rapport au Gouvernement présentant l'évolution des statistiques agrégées, les mesures visant à réduire les inégalités d'insertion professionnelle fondées sur le sexe et effectuant bilan de son activité

Rejeté

Articles additionnels après l'article 5

Mme BILLON

37

Abaissement du seuil pour l'éligibilité des collectivités territoriales à l'élaboration d'un plan d'action pour l'égalité entre les femmes et les hommes

Rejeté

Mme BILLON

39

Imposer une représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les emplois publics et plus seulement au titre des nominations

Rejeté

Article 5 ter (nouveau)
Mesures favorisant l'égalité entre les femmes et les hommes dans les accords de coopération entre établissements

Mme GARNIER, rapporteure

10

Suppression de l'article

Adopté

Article 5 quater (nouveau)
Prise en compte de la représentation des femmes et des hommes dans les avis de la commission des titres d'ingénieur

Mme GARNIER, rapporteure

11

Suppression de l'article

Adopté

Article 5 quinquies (nouveau)
Publication d'indicateurs sur l'égalité entre les femmes et les hommes par les établissements de recherche

Mme GARNIER, rapporteure

12

Précision visant à ce que les indicateurs relatifs à l'égalité des chances entre les femmes et les hommes publiés par les établissements de recherche portent sur le personnel qu'ils emploient.

Adopté

Article 6
Obligation de publicité des indicateurs composant l'index de l'égalité professionnelle

Mme BILLON

35

Création de nouveaux indicateurs composant l'index de l'égalité professionnelle

Rejeté

Mme GARNIER, rapporteure

13

Rédactionnel

Adopté

Articles additionnels après l'article 6

Mme BILLON

29

Réduction du délai de mise en conformité des entreprises soumises à l'index de l'égalité professionnelle

Rejeté

Mme BILLON

30

Rendre obligatoire la négociation en entreprise sur les mesures favorisant l'égalité professionnelle en vue de l'adoption d'un plan pour l'égalité professionnelle

Rejeté

Article 6 bis (nouveau)
Rapport au Parlement sur l'équité salariale

Mme GARNIER, rapporteure

14

Suppression de l'article

Adopté

Article 7
Fixation d'un objectif de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes dans les instances dirigeantes des entreprises

Mme GARNIER, rapporteure

18

Définition du périmètre des personnes concernées par les quotas

Adopté

Mme GARNIER, rapporteure

19

Report de la publication des écarts sur le site du ministère du travail

Adopté

Mme BILLON

31

Abaissement du seuil pour l'application des quotas à 500 salariés

Rejeté

Mme BILLON

38

Modulation de la sanction en fonction des écarts de représentation

Rejeté

Mme GARNIER, rapporteure

27

Amendement rédactionnel

Adopté

Mme BILLON

33

Avancement du calendrier d'entrée en vigueur des quotas

Rejeté

Mme BILLON

32

Objectif de parité entre femmes et hommes

Rejeté

Mme GARNIER, rapporteure

28

Date d'entrée en vigueur de l'obligation de négociation sur les mesures correctives

Adopté

Article 7 bis (nouveau)
Extension de l'objectif de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes aux conseils d'administration des sociétés d'assurance mutuelles

Mme GARNIER, rapporteure

20

Exclusion de l'organe central des caisses d'assurances mutuelles agricoles

Adopté

Mme GARNIER, rapporteure

26

Amendement rédactionnel

Adopté

Article 7 ter (nouveau)
Prise en compte des écarts de représentation entre femmes et hommes parmi les cadres dirigeants par les organes d'administration de l'entreprise

Mme GARNIER, rapporteure

21

Suppression de l'article

Adopté

Article 8
Fixation d'objectifs de mixité à la Banque publique d'investissement

Mme GARNIER, rapporteure

22

Calendrier d'application de la conditionnalité des prêts de la BPI et de la féminisation des comités d'investissement

Adopté

Mme BILLON

34

Conditionnalité des financements publics à la représentation des femmes dans la gouvernance et la direction des entreprises

Rejeté

Article 8 bis A (nouveau)
Rapport annuel de la Banque de France sur les disparités de financement selon le sexe

Mme GARNIER, rapporteure

23

Suppression de l'article

Adopté

Article 8 bis (nouveau)
Définition d'objectifs de mixité dans les fonds d'investissement

Mme GARNIER, rapporteure

24

Modalités d'actualisation des objectifs de mixité dans les comités d'investissement des sociétés de gestion de portefeuille

Adopté

Article 8 ter (nouveau)
Rapport au Parlement sur l'information et l'éducation à la sexualité

Mme GARNIER, rapporteure

25

Suppression de l'article

Adopté

Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 - Audition de Mmes Marie-Anne Montchamp, présidente, et Virginie Magnant, directrice, de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie

Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous entendons ce matin Mmes Marie-Anne Montchamp, présidente, et Virginie Magnant, directrice, de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2022.

Mme Marie-Anne Montchamp, présidente de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. - Nous sommes heureuses de pouvoir être, enfin, présentes physiquement au Sénat, afin d'évoquer le PLFSS pour 2022, au nom du conseil et de l'établissement public de la CNSA.

Je souhaite mettre en exergue de cette audition la promesse que le législateur nous a faite le 7 août 2020, en créant la cinquième branche de la sécurité sociale, la branche autonomie, destinée à transformer notre système de protection sociale en donnant à chacun, par la solidarité nationale, quels que soient son âge, sa situation de handicap et l'endroit où il vit, les moyens d'exercer pleinement sa citoyenneté, selon son libre choix, par des réponses domiciliaires, dans une société inclusive ouverte à tous. Tel est l'objectif défini par le conseil de la CNSA, qui tient à rappeler régulièrement la teneur de cette promesse.

Lors de l'examen pour avis du PLFSS pour 2022, les membres du conseil de la CNSA ont appréhendé ce texte à la lumière de cette promesse, de cette ambition d'une vie autonome pour tous, dans le cadre de notre système de protection sociale. Cela a été notre grille de lecture pour adopter cet avis, favorable, je le rappelle.

Le PLFSS pour 2022 reste profondément marqué par la crise de la covid-19. Si son objet, pour ce qui concerne la cinquième branche de la sécurité sociale, est bien de répondre à la promesse du législateur, il reste que la crise sanitaire a créé des circonstances qui expliquent, légitiment peut-être, le dimensionnement et le positionnement du texte. Néanmoins, la cinquième branche est désormais bien inscrite dans la sécurité sociale ; il suffit de considérer les trajectoires de financement et les annexes pour constater que, tant en recettes qu'en dépenses, elle existe.

La bonne nouvelle de 2021 est la reprise économique substantielle, qui se poursuivra certainement en 2022 et se traduira par une augmentation sensible des recettes de la sécurité sociale et notamment de cette branche, laquelle est financée par des ressources dynamiques et sensibles à la croissance. Nous y avons été attentifs, car le piège aurait été d'adosser la branche à des ressources fragiles. Néanmoins, nous avons connu des aléas économiques et les comptes de la CNSA puis de la cinquième branche ont subi les conséquences de cette crise.

Le conseil a clairement indiqué que, indépendamment des avancées du PLFSS et de l'amélioration des recettes de la sécurité sociale, y compris de la branche autonomie, une réforme systémique s'imposait. En effet, nous ne parviendrons pas à installer au fil de l'eau, même avec le plus beau PLFSS du monde, les conditions de la pérennité de la branche, c'est-à-dire de la promesse d'une vie autonome.

En l'absence d'une loi Grand âge, ce PLFSS ne peut répondre à l'ambition de l'évolution systémique que nous appelons de nos voeux pour garantir la trajectoire de la branche, d'autant que la tendance démographique de la France pour 2030 n'a pas changé. La nécessité de transformer notre modèle de protection sociale dans le sens du renforcement de l'autonomie en accompagnement du vieillissement de la population reste prégnante. Le Président de la République l'a d'ailleurs rappelé hier, en intégrant parmi les risques contemporains le vieillissement de la population française.

Ce PLFSS confirme l'inscription de la cinquième branche dans le périmètre de la sécurité sociale à travers ses recettes et ses dépenses.

Oui, les comptes de la cinquième branche s'améliorent avec le retour de la croissance. Oui, les recettes resteront dynamiques.

En ce qui concerne les charges de la branche, les prestations relevant de l'objectif global de dépenses (OGD) progresseront en 2022 de 2,2 % avant mesures nouvelles. L'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) connaît également une très forte hausse de 9,4 %. Enfin, les transferts aux départements sont en nette augmentation de 11,5 % : 200 millions d'euros seront versés par la CNSA pour compenser le coût de la création de la prestation de compensation parentalité et 100 millions pour compenser les coûts induits par les accords conventionnels salariaux de la branche des services à domicile.

Notre volonté de soutenir le virage domiciliaire est également inscrite dans ce PLFSS. Il s'agit de soutenir l'ambition de nos concitoyens de vivre chez eux ou dans un établissement qui ressemble à un chez-soi. Les mesures proposées visent à favoriser le maintien à domicile des personnes âgées en perte d'autonomie. Le PLFSS pour 2022 apporte une première contribution à cette évolution au travers de la réforme de l'organisation du financement des services d'aide et d'accompagnement à domicile et de premières mesures concernant les services d'aide et d'accompagnement à domicile (SAAD) et les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD).

Le tarif plancher de 22 euros n'épuise pas les charmes du modèle économique des SAAD dont le besoin tarifaire excède ce montant. Par ailleurs, de nombreuses collectivités territoriales sont déjà au-delà de ce tarif plancher. Dès lors, il faut faire en sorte que cette disposition ne se transforme pas en prime aux plus mauvais élèves.

La question du domicile est absolument cardinale pour l'avenir de notre système de protection sociale. Nous avons besoin de nous investir collectivement dans une réflexion systémique sur cette question. Ce secteur connaît aujourd'hui des effets concurrentiels redoutables. En outre, son modèle économique n'est pas toujours au rendez-vous. Il connaît également des distorsions terribles dans le recrutement de son personnel. On peut améliorer les choses, comme ce PLFSS s'y efforce, mais on ne pourra faire l'économie d'une réflexion de fond sur le secteur des services à domicile.

Le PLFSS pour 2022 emporte une transformation importante en introduisant l'idée de l'« Ehpad plateforme », avec un financement à hauteur de 20 millions d'euros pour l'aider à prendre son envol. Là encore, les membres du conseil insistent sur le fait qu'il ne faut pas prescrire la fonction ressources sur le seul Ehpad : cette fonction peut tout à fait s'imaginer à partir de services d'aide à domicile. L'idée selon laquelle coexisteraient deux mondes dans notre système de protection sociale, celui de l'établissement et celui du domicile, correspond à notre histoire et à la réalité d'aujourd'hui, mais certainement pas à une ambition pour l'avenir. On ne peut imaginer un système pour demain qui n'établirait pas cette ambition domiciliaire dans un continuum d'offre fondé sur le libre choix : où voulez-vous vieillir ? C'est cette question taraudante que le conseil de la CNSA n'a eu de cesse de pointer en examinant ce texte, qui présente une réelle avancée, mais dont nous craignons qu'il ne comporte un petit biais dans l'acception même de l'Ehpad plateforme.

En ce qui concerne le renforcement des moyens dédiés aux établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), je tiens à souligner le volontarisme de ce PLFSS dans un contexte contraint. Il faut aussi souligner les limites de l'exercice : à vouloir moyenner l'effort en ressources humaines supplémentaires, on arrive à un ratio qui ne fera pas vraiment bouger le taux d'encadrement.

Les différentes dispositions du PLFSS constituent une avancée importante. Les parties prenantes du conseil du CNSA en ont pris acte en émettant un avis favorable sur ce texte. Toutefois, elles s'accordent aussi à dire que ce PLFSS est essentiellement paramétrique en ce qu'il propose une amélioration des volumes, avec quelques introductions systémiques sur le domiciliaire.

Encore une fois, l'enjeu est systémique : la protection sociale doit se transformer dans ses modalités de gouvernance, dans le continuum de réponses que nous devons à nos concitoyens et surtout dans la trajectoire de financement de la branche, dont il faut éclairer l'avenir au-delà de 2024 et du transfert de 0,15 point de contribution sociale généralisée (CSG) promis par le législateur de 2020, qui ne permettra pas à la branche d'être au rendez-vous du vieillissement de la population française et de l'adaptation de la réponse aux personnes en situation de handicap à l'horizon de 2030.

Mme Virginie Magnant, directrice de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. - Mme Montchamp a souligné le caractère ambitieux de ce PLFSS, qui s'inscrit dans la continuité de la création de la nouvelle branche relative au soutien à l'autonomie, et à laquelle il va donner une consistance nouvelle.

Comme l'a également souligné Mme Montchamp, le conseil de la CNSA appelle de ses voeux une réforme systémique. L'histoire de la sécurité sociale témoigne d'améliorations continues de la réponse aux assurés. La sécurité sociale s'est construite par avancées successives pour garantir une protection plus solide, plus qualitative, qui se renforce au fil du temps.

La création de la cinquième branche permet déjà de tels progrès à travers l'organisation de la réforme du financement des services d'aide à domicile, l'avancée inédite en termes d'équité du tarif national socle, le soutien à la transformation des Ehpad et les leviers très importants qu'apporte le tableau d'équilibre de la branche à la revalorisation des professionnels et au soutien à l'équipement. Le secteur connaît en effet des tensions très fortes en termes de recrutement de professionnels. De même, les conditions matérielles d'organisation de la réponse aux personnes sont encore parfois très loin du compte et des enjeux de qualité.

La revalorisation des professionnels, c'est 2,8 milliards d'euros en 2020-2022, ce qui permet d'enregistrer des taux de progression de l'OGD de financement des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) inédits de 4,7 % pour 2022. Tous les rapports soulignent que l'attractivité des métiers du grand âge et de l'autonomie doit être renforcée. Les fédérations et les employeurs s'attellent à revoir les organisations, avec le soutien de la CNSA. À cet égard, l'évaluation des modes d'organisation en services autonomes est porteuse de progrès pour les professionnels des services d'aide à domicile.

Permettre à l'établissement de piloter un système d'information pour la gestion de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) constitue une avancée essentielle. Il peut sembler évident de doter une branche d'un système d'information national et d'équiper directement les professionnels qui évaluent les besoins des personnes et ouvrent les plans d'aide à même d'y répondre. Or c'est tout à fait inédit dans le secteur de l'autonomie, puisque les professionnels en question ne sont pas employés par la CNSA, mais par les services autonomie des conseils départementaux. Structurer ce système d'information permet de décliner, dans l'univers si particulier de la branche autonomie, une relation de réseau qui a fait ses preuves dans le champ de la branche famille ou maladie.

Ce système d'information sera mis en mouvement après l'adoption du PLFSS. Nous avons conduit des études de faisabilité et d'opportunité très substantielles, avec l'appui de l'Agence du numérique en santé (ANS), pour évaluer les montants financiers qu'il sera nécessaire de mobiliser et organiser le déploiement du système. Ce dernier constituera un outil de pilotage par sa capacité à collecter et à faire remonter les données nécessaires à la bonne compréhension de ce qui se passe et permettra de garantir l'équité de traitement des besoins des personnes, consubstantielle à la promesse de la création de la branche autonomie.

Il se veut aussi porteur d'une logique de simplicité pour les aidés et les aidants, parfois éloignés les uns des autres. Les démarches en ligne seront ainsi facilitées, à toute heure du jour ou de la nuit. La logique du système opère de bout en bout de la chaîne : de l'appel aux services concernés à l'évaluation de la satisfaction des usagers et au paiement de la prestation.

Le programme est donc ambitieux et constituera une part importante de la future convention d'objectifs et de gestion (COG) de la caisse.

M. Philippe Mouiller, rapporteur pour la branche autonomie. - Ma première question portera sur les métiers de l'autonomie. Quel regard portez-vous sur le périmètre des revalorisations issues du Ségur en application des accords dits Laforcade, qui fait l'objet de l'article 29 du PLFSS ?

En ce qui concerne l'aide à domicile, le texte prévoit des mesures intéressantes, comme l'instauration d'un tarif plancher national de 22 euros, la refonte de la tarification des Ssiad et la fusion des différents services d'aide à domicile. Toutefois, le conseil de la CNSA a pointé différents risques dans son avis du 29 septembre. Tout d'abord, l'insuffisance du tarif plancher. À quel niveau la caisse estime-t-elle opportun de le fixer ?

Ensuite, la complexité de la mise en oeuvre des services autonomie appelés à remplacer les SAAD, les Ssiad et les services polyvalents d'aide et de soins à domicile (Spasad). Pouvez-vous détailler ce risque et proposer des solutions ?

Vous soulignez aussi l'absence d'investissement d'ensemble sur le secteur du domicile. À quel niveau la caisse aurait-elle jugé opportun de porter l'effort ?

En ce qui concerne le handicap, le dossier de presse du PLFSS prévoit que 67 millions d'euros seront consacrés à la création de places nouvelles, 10 millions aux situations critiques, 15 millions aux problématiques croisées enfance/handicap, 7 millions à l'accompagnement à la parentalité, 2 millions à l'offre de répit, 6 millions à la création d'unités d'enseignement pour élèves polyhandicapés, 12 millions aux unités d'enseignement autisme, 25 millions au renforcement des communautés 360... Tout cela est intéressant, mais quelle est l'adéquation de ces dépenses aux besoins, et n'y a-t-il pas un risque de saupoudrage des crédits ?

Enfin, sur le pilotage des politiques de l'autonomie, où en est l'élaboration de la future convention d'objectifs et de gestion entre l'État et la CNSA, et quelles seront ses grandes orientations ?

Enfin, un transfert de CSG est prévu. L'abondement de la branche prévu en 2024 est un transfert, pas une augmentation du prélèvement total, ce qui signifie qu'il y aura des perdants : qui seront-ils ?

Mme Annie Delmont-Koropoulis. - Il me semble que, dans ce PLFSS, la politique de l'autonomie reste l'addition de deux politiques distinctes, celles de l'âge et du handicap. Qu'en pensez-vous ? Ce texte est-il bien celui du virage domiciliaire ?

Mme Michelle Meunier. - L'avenant 43 à la convention collective de la branche de l'aide à domicile, relatif aux rémunérations, est en vigueur depuis le 1er octobre. Si l'on ne peut, évidemment, que se féliciter de ces revalorisations salariales, ma question portera sur le financement de cette mesure et son impact sur les finances des départements. Pour la Loire-Atlantique, le surcoût s'élèvera à 5,8 millions d'euros, soit 14 % de la masse salariale. L'avenant 43 sera financé à hauteur de 70 % par l'État et 30 % par les conseils départementaux en 2021, puis à parts égales à partir de 2022. Le coût pour le conseil général sera donc de 2,9 millions d'euros. Les budgets des départements sont déjà serrés. Quels financements complémentaires pourrait-on mobiliser ? Quelle sera la contribution de l'État ?

M. Daniel Chasseing. - Je voulais vous poser la même question que Michelle Meunier.

Je vous interrogerai sur les Ehpad : vous avez dit que l'encadrement posait des questions. C'est le moins que l'on puisse dire, en effet. Le taux d'encadrement par résident s'élève actuellement à 0,6. Le gouvernement cherche à encourager le maintien à domicile. Mais les patients des Ehpad sont très dépendants. On a besoin de bras ! Or le plan de financement que vous présentez est léger sur la question : 200 millions d'euros pour les médecins coordinateurs et les infirmières d'astreinte de nuit. Il faut former des infirmières et des aides-soignantes pour parvenir à un taux d'encadrement de 0,8. Je suis par ailleurs tout à fait favorable à l'ouverture des Ehpad pour développer la prise en charge à domicile, comme vous l'indiquez, mais cela suppose du personnel supplémentaire pour aller à domicile.

Mme Marie-Pierre Richer. - L'avenant 43 pose des problèmes de financement dans de nombreux départements : dans le Cher, la prise en charge par l'État ne sera ainsi que de 24 % au lieu des 50 % annoncés en 2022.

M. Olivier Henno. - Ma question concerne moins les moyens que le virage domiciliaire et le rapprochement des Ssiad et des Saad. Le PLFSS va-t-il assez loin en la matière ? Faut-il envisager d'autres mesures pour améliorer la prise en charge des personnes en perte d'autonomie à domicile ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - La branche autonomie prévoit un retour à l'équilibre de ses comptes en 2024, grâce à un apport de CSG. Le conseil de la CNSA a raison de plaider pour des perspectives pluriannuelles de ressources afin de financer l'allongement de la vie et l'amélioration de l'offre. Comment le Gouvernement accueille-t-il les propositions de la CNSA concernant les ressources nouvelles ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Je salue l'analyse de la présidente de la CNSA, tant pour ses appréciations que pour ses questions. Comme vous, en effet, chacun souhaite une réforme systémique depuis longtemps.

Dès 2015, j'avais demandé, dans un rapport coécrit avec M. Watrin, une revalorisation du tarif national. Je salue sa hausse. Une compensation est prévue pour les départements. Avez-vous une estimation du coût pour les départements qui sera pris en charge par la branche autonomie ? Avez-vous par ailleurs un tableau des tarifs pratiqués dans les différents départements ?

Les Ehpad deviendront des centres de ressources territoriaux. Cette transformation sera-t-elle à l'initiative des Ehpad ou des agences régionales de santé (ARS) ? Vous avez souligné les difficultés de recrutement : confirmez-vous l'estimation des besoins réalisée par le rapport El Khomri sur l'attractivité des métiers du grand âge ou avez-vous une autre estimation ?

Mme Annie Le Houerou. - Comme mes collègues, je veux relayer l'inquiétude des collectivités et des associations sur le financement de l'avenant 43 et du Ségur de la santé. Les services hospitaliers deviennent plus attractifs que les services d'aide à domicile. Quelles sont les orientations de la CNSA pour soutenir les plateformes d'accompagnement et de répit des aidants familiaux, et pour développer l'habitat inclusif ?

Mme Marie-Anne Montchamp. - Vous m'interrogez sur le tarif plancher. Un tarif de 22 euros n'est pas suffisant pour assurer le modèle économique des services d'aide à domicile : le point d'équilibre se situe plutôt à 25 euros. C'est pourquoi nous espérons que l'amendement portant une augmentation tarifaire de trois euros sera adopté lors de l'examen du PLFSS.

Sur le volet handicap, on observe bien un rattrapage dans le PLFSS, à la différence de l'année passée. Pour autant, les parties prenantes, hors État, du conseil de la CNSA ont eu le sentiment que cette politique était morcelée. Un besoin d'actualisation du financement se fait sentir, car le secteur, comme celui du grand âge, est sous tension, du fait des besoins nouveaux, des nécessités de rattrapage et de l'iniquité des situations résultant des accords Laforcade - dans la mesure où, au sein d'un même établissement, des distorsions de rémunérations pourront apparaître. Il ne faut pas toutefois jeter le bébé avec l'eau du bain. Ce PLFSS marque des avancées, mais l'absence de transformation systémique du modèle fait que la branche reste sous tension.

Il est sans doute un peu caricatural de considérer la politique de l'autonomie comme la simple addition de la politique de l'âge et de la politique du handicap. La branche est bien présente dans les grands équilibres du PLFSS. Mais il est vrai que la notion de l'autonomie pour tous, quel que soit l'âge ou la situation de handicap, n'apparaît pas encore. Nous manquons d'une approche globale systémique.

Ma réponse sur les conséquences de l'avenant 43 sera identique : l'enjeu n'est pas que paramétrique, mais, là encore, d'ordre systémique. Toutefois, ce n'est sans doute pas dans le cadre d'un PLFSS de fin de mandature que nous pourrons régler la question du financement de la politique de l'autonomie. La vision initiale, en vigueur depuis la création de la CNSA, qui suppose un équilibre entre l'apport de l'État et celui des collectivités, se dégrade. Nous aurons besoin d'une réflexion systémique.

M. Chasseing m'a interrogée sur le taux d'encadrement dans les Ehpad : le PLFSS apporte des améliorations en ce qui concerne la dimension médicale, mais la dimension présentielle est cruciale. La création de postes d'infirmiers diplômés d'État (IDE) de nuit est importante, mais il s'agit plus de ressources pour la collectivité soignante que pour les personnes hébergées. On a besoin de personnels pour renforcer la présence auprès des pensionnaires.

Le virage domiciliaire est bien présent dans le PLFSS, mais, encore une fois, il n'appartient pas à ce genre de texte de lancer une réforme systémique.

Monsieur Vanlerenberghe, les chiffres du rapport El Khomri ne sont pas remis en cause. Nous avons besoin d'un observatoire des besoins de financement du secteur, car celui-ci est sous tension.

Madame Le Houerou, l'inquiétude dont vous nous faites part s'est exprimée au sein du conseil de la CNSA, où siègent des représentants des professionnels, des secteurs, des départements, des familles, des associations, etc. Chacun a conscience des avancées du PLFSS, mais celui-ci ne saurait résoudre à lui seul l'équation de la transformation du modèle.

La loi du 7 août 2020 prévoit l'affectation d'une fraction de 0,15 point de CSG de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) vers la CNSA à compter du 1er janvier 2024, date à laquelle la dette sociale devait s'éteindre.

M. René-Paul Savary. - En somme, avec une recette, on fait deux dépenses !

Mme Marie-Anne Montchamp. - Comme il s'agit d'une recette assise sur les revenus d'activité, on a la garantie qu'elle sera dynamique. Nous ne pouvons que nous en féliciter.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Avez-vous réalisé une évaluation financière de l'amendement portant le tarif plancher de 22 euros à 25 euros ?

Mme Marie-Anne Montchamp. - Le calibrage du tarif à 25 euros, avant arbitrages éventuels, suppose une évaluation de la capacité à financer ce tarif plancher. Le calcul est un peu empirique. Je me félicite du dialogue nourri que nous avons eu avec les collectivités territoriales à l'occasion de la crise sanitaire, ce qui nous a permis d'appréhender leurs difficultés et leur capacité à engager des revalorisations salariales.

Mme Virginie Magnant. - La revalorisation des professionnels de l'aide à domicile découle du PLFSS pour 2020. Les services d'aide à domicile interviennent aussi bien auprès des personnes âgées que des personnes handicapées. Les mesures de soutien à ces services sont donc transversales et profiteront à ces deux catégories de personnes.

La CNSA a soutenu financièrement la soixantaine de départements qui ont engagé, depuis 2018, une réforme du financement de l'aide à domicile, avec un tarif socle départemental et non national.

La réforme associe un tarif socle, qui donne de la visibilité aux gestionnaires, et un complément destiné à valoriser la qualité de service - horaires élargis, intervention dans des territoires éloignés, modulation en fonction des profils des patients, etc. Cette double dimension a fait ses preuves. Les services à domicile qui ont conclu un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens avec un département constatent ainsi les bénéfices d'une tarification qui leur garantit un financement plus stable et leur permet de mobiliser les professionnels dans des conditions d'intervention favorables aux patients. C'est ce qui ressort de nos travaux réalisés lors du printemps de l'évaluation.

La traduction opérationnelle de la revalorisation est complexe. C'est pourquoi nous avons coconstruit, sur le modèle de notre démarche pour mettre en place une prime covid pour les professionnels des SAAD pendant la crise, une méthode de compensation d'une partie des surcoûts des départements. Le vadémécum que nous avons publié à l'attention des services financiers des départements est le fruit de ces échanges soutenus. Nous avons construit la méthode parallèlement à l'élaboration des textes d'application de la loi, pour essayer d'avancer en bonne intelligence et donner de la visibilité aux services.

L'avenant 43 est entré en vigueur le 1er octobre. La CNSA a coconstruit, avec l'appui de la direction générale de la cohésion sociale et les services d'aide à l'autonomie, le mode opératoire de son soutien financier, défini dans ce vadémécum. Nous avons prénotifié aux départements le montant auquel ils peuvent prétendre pour leur donner de la visibilité sur la dépense. Nous attendons maintenant qu'ils nous remontent le montant plus précis de leurs besoins pour ajuster la dotation 2021 et préparer la dotation 2022.

Nos travaux ont révélé que le mode de calcul de la répartition par département devrait sans doute être modifié, dans la mesure où il repose sur la distinction entre les services habilités à l'aide sociale et ceux qui ne le sont pas, alors que le surcoût lié à la revalorisation concerne tous les services d'aide à domicile, indépendamment de leur mode tarifaire. Il serait donc utile de revoir les règles déterminant le plafond d'aides pour parvenir à plus d'équité entre les départements. Nous espérons que le débat parlementaire permettra d'avancer sur ces points.

En ce qui concerne la convention d'objectifs et de gestion, les travaux préparatoires sont engagés. Nous souhaitons avoir défini notre feuille de route d'ici à la fin de l'année. Le conseil de la CNSA a créé une commission ad hoc pour suivre ce dossier. L'enjeu pour la CNSA sera de pouvoir mieux soutenir les services des départements et les ARS, dans leur fonction d'organisation et de régulation de l'offre, pour dépasser la logique de fonctionnement en silo. Cette nouvelle démarche sera particulièrement importante pour l'aide à domicile, car celle-ci sera organisée de manière plus ouverte, par le biais d'un continuum entre les SAAD, dépendants des départements, et les Ssiad, régulés par les ARS. Il faudra apprécier la réforme dans la durée et voir comment l'offre de soins s'organise à l'échelle territoriale. L'offre libérale de soins est indispensable pour rendre possible le maintien à domicile, qu'il s'agisse des médecins de premier recours ou des infirmières.

Mme Marie-Anne Montchamp. - Le conseil de la CNSA est mobilisé, car il lui appartient de définir les orientations de la COG, en veillant à ce que celle-ci soit lisible et non technocratique. De même, les territoires sont représentés au sein du conseil - c'est son originalité -, et je suis attentive à ce que leur voix soit entendue.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Je vous remercie.

Proposition de loi instaurant la vaccination obligatoire contre le SARS-CoV-2 - Examen des amendements de séance

Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous examinons les amendements de séance sur la proposition de loi instaurant la vaccination obligatoire contre le SARS-CoV-2.

EXAMEN DES AMENDEMENTS DE SÉANCE

Article unique

M. Bernard Jomier, rapporteur. - L'amendement n°  1 rectifié bis vise à supprimer l'article unique, donc la proposition de loi. Il semble en apparence conforme à la position de la commission, mais son objet témoigne d'une opposition non simplement à l'obligation vaccinale, mais bien à la vaccination. Avis défavorable.

M. Philippe Mouiller. - Nous sommes favorables au rejet de l'article, mais défavorables à cet amendement, dont la motivation n'est pas la nôtre.

Mme Catherine Deroche. - La commission ne partage pas, en effet, la motivation de cet amendement.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 1 rectifié bis.

M. Bernard Jomier, rapporteur. - Mon amendement n°  2 rectifié prévoit une sanction en cas de non-respect de l'obligation de vaccination contre la covid. Je sais toutefois que la commission avait déjà repoussé une telle mesure lors de la réunion précédente consacrée à l'examen du texte...

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 2 rectifié.

TABLEAU DES AVIS

Auteur

Objet

Avis de la commission

Article unique
Instauration d'une vaccination obligatoire contre la covid-19

Mme NOËL

1 rect. bis

Suppression de l'article unique

Défavorable

M. JOMIER

2 rect.

Sanction contraventionnelle en cas de non-respect de la vaccination obligatoire contre la covid-19

Défavorable

La réunion est close à 13 h 5.

Jeudi 14 octobre 2021

- Présidence de Mme Catherine Deroche, présidente -

La réunion est ouverte à 11 h 00.

Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 - Audition de MM. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé, Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics et Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'autonomie

Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous entendons ce matin MM. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé, et Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics, ainsi que Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'autonomie, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2022.

J'indique que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo retransmise en direct sur le site du Sénat, qui sera ensuite disponible en vidéo à la demande.

Le PLFSS pour 2022 a été déposé le 7 octobre sur le bureau de l'Assemblée nationale, qui procède à son examen en commission.

Vous avez tous pu prendre connaissance de ce texte ainsi que des chiffres clés dans un document synthétique qui vous a été distribué.

Pour les comptes sociaux, c'est un texte d'attente, qui enregistre les effets à la fois conjoncturels et pérennes de la crise sanitaire, tout en comptant sur des jours meilleurs ou sur l'onction démocratique d'un gouvernement nouvellement issu des urnes pour reprendre une trajectoire de redressement.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. - Notre système de santé et notre protection sociale sont en première ligne depuis de longs mois. Face aux crises, un État social robuste est une arme indispensable.

Ce système de santé et cette protection sociale, nous la devons aussi chaque année au Parlement et au fameux PLFSS. Alors qu'un optimisme vigilant est aujourd'hui permis sur le front de la covid, je remercie votre commission pour sa mobilisation à chaque instant de la crise sanitaire et salue l'ensemble des élus locaux, qui n'ont compté ni leur temps ni leur énergie pour protéger nos concitoyens.

C'est aussi le dernier PLFSS de ce quinquennat.

La situation sanitaire continue de marquer le pas, mais également les comptes de la sécurité sociale, et son amélioration a des conséquences comptables positives. Les mesures sanitaires ont certes eu un coût, mais ont été aussi un investissement en permettant de préserver l'activité de notre pays. Nous en voyons aujourd'hui les résultats sur le pouvoir d'achat et sur les chiffres du chômage. Ces bonnes nouvelles ne doivent cependant pas nous faire oublier le décrochage durable entre les recettes et les dépenses, et le rattrapage récent de l'activité ne parviendra pas à effacer les conséquences des années précédentes, ce qui se traduit par un déficit prévu durablement autour de 15 milliards d'euros.

Nous devrons collectivement définir une solution structurelle qui devra faire jouer la solidarité entre les branches, notamment côté retraites, et poursuivre, côté maladie, ce qui a été engagé sous ce quinquennat, malgré un ralentissement dû à la crise, c'est-à-dire la prévention, les parcours et la pertinence des soins. Nous ne reviendrons pas aux méthodes du passé.

Ce PLFSS est celui de la sortie de crise sanitaire. Nous avons réagi avec le « quoi qu'il en coûte », avec le Ségur de la santé, avec l'accès gratuit aux soins, aux vaccins. La crise sanitaire a rendu d'autant plus flagrant le besoin de réinvestissement dans notre système de santé. Nous poursuivons donc avec beaucoup de détermination cette dynamique en faveur de la santé de nos concitoyens et en faveur de ceux qui les soignent. Les efforts consentis dans le réarmement de notre système de santé, dans la revalorisation des salaires, dans les carrières des soignants, dans les investissements étaient indispensables et vont se poursuivre.

Le PLFSS 2022 traduit d'ailleurs sans ambiguïté la poursuite de la mise en oeuvre des engagements du Ségur avec une extension du périmètre des bénéficiaires au médicosocial et d'autres mesures nouvelles qui ont été actées pour certaines professions ou certaines missions.

L'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) pour 2022 intègre 2,7 milliards d'euros de financements supplémentaires au titre du Ségur par rapport à 2021. Le total des dépenses inscrites en base pour le Ségur s'élève ainsi à 12,5 milliards d'euros dans l'Ondam.

Ces 2,5 milliards d'euros correspondent d'abord à des revalorisations pour les blouses blanches, celles et ceux qui soignent, qui font vivre notre système de santé. On les a applaudies pendant la première vague, mais j'ai tenu à ce qu'on puisse parler sans fausse pudeur de la feuille de paie. Plus de 2 milliards d'euros supplémentaires sont consacrés en 2022 aux revalorisations du Ségur et aux mesures qui prolongent les accords qui avaient été signés de façon majoritaire avec les syndicats.

D'abord, 1 milliard d'euros pour la montée en charge des mesures du Ségur à l'hôpital ; 770 millions d'euros pour des revalorisations dans le médicosocial ; 560 millions supplémentaires pour de nouvelles revalorisations que le Gouvernement entend mettre en place dès le 1er janvier 2022 - revalorisation des catégories C à l'hôpital, des aides-soignants, des sages-femmes, des médecins contractuels et des primes pour reconnaître les fonctions managériales. Concrètement, une sage-femme à l'hôpital percevra au total 360 euros nets de plus par mois en moyenne, c'est-à-dire 4 500 euros nets par an.

Il y a la reconnaissance des responsabilités managériales : 200 euros par mois pour un chef de service, 400 euros pour un chef de pôle, 600 euros pour un président de commission médicale d'établissement ou de commission médicale de groupement. Ces mesures s'ajoutent à l'ensemble des revalorisations, notamment le fameux complément de traitement indiciaire de 183 euros nets par mois.

Au total, près de 10 milliards d'euros de revalorisations de salaire pour les métiers de la santé et du médicosocial auront été financés entre 2020 et 2022.

En 2022, plus de 2 milliards d'euros seront consacrés au soutien national à l'investissement en santé au sein de l'Ondam.

Enfin, au-delà du Ségur, le PLFSS marque un effort exceptionnel en faveur de l'hôpital. On a construit l'Ondam en trois étapes : l'Ondam hors Ségur et hors crise ; l'Ondam avec Ségur hors crise ; l'Ondam total. En 2022, l'Ondam hospitalier hors crise et hors Ségur augmentera de 2,7 %, plus que ce qui avait été signé avec les fédérations hospitalières dans le cadre du programme pluriannuel - 2,4 % -, et plus que les engagements du candidat à l'élection présidentielle de 2017 - entre 2,3 et 2,4 % de croissance de l'Ondam sur le quinquennat. L'engagement a été tenu et sera même dépassé en 2022, compte tenu de la situation exceptionnelle que traverse l'hôpital depuis le début de la crise.

Ainsi, chaque année, il y a toujours entre 700 millions et 1,2 milliard d'euros d'économies cachées. Cette année, il n'y en a aucune. Comme nous voulons continuer à pousser l'hôpital à se transformer et à se réformer, nous avons décidé que s'il réalise des économies par lui-même, elles lui seront intégralement restituées.

Nous réaliserons en 2022 certaines transformations profondes du financement : je pense notamment à la psychiatrie, à la dotation socle forfaitaire des activités de médecine et des hôpitaux de proximité.

Nous faciliterons également l'accès aux soins, y compris les soins les plus innovants. Ainsi, nous généraliserons les premières expérimentations au titre de l'article 51 du premier PLFSS de ce mandat, qui fonctionnent bien dans les territoires : « retrouve ton cap », qui permet une approche globale de la lutte contre l'obésité infantile ; la généralisation du dépistage gratuit du VIH et sans ordonnance dans les laboratoires de biologie médicale.

Nous facilitons aussi l'accès aux soins visuels. Les patients ne présentant pas de risques de complications ophtalmologiques pourront bénéficier d'une primoprescription de verres correcteurs par des orthoptistes.

S'agissant des salles de consommation à moindre risque, nous proposons de prolonger l'expérimentation de trois ans, avec des moyens financiers supplémentaires pour ouvrir annuellement deux nouvelles salles en trois ans. Nous actons l'accompagnement médicosocial renforcé à travers la transformation de ces salles en « haltes soin addiction ».

L'accès aux soins, c'est aussi la généralisation de la télésurveillance pour les diabétiques, les insuffisants cardiaques, etc., qui peuvent ainsi être suivis à distance. Les professionnels de santé qui assureront ce suivi à distance seront rémunérés à ce titre.

Au titre des annonces du Président de la République dans le cadre du Conseil stratégique des industries de santé (CSIS), plus de 1 milliard d'euros supplémentaires seront consacrés au remboursement des produits de santé, avec un but : mieux financer l'innovation et la sécurité d'approvisionnement, mais aussi responsabiliser les laboratoires en payant mieux l'innovation, en facilitant l'accès précoce aux patients français et en demandant des réductions de prix sur des médicaments d'usage courant largement rentabilisés.

Nous allons également élargir la « liste en sus » en la renforçant de 300 millions d'euros afin de faciliter l'accès sur tout le territoire à des molécules onéreuses, notamment en cancérologie.

L'accès aux soins, c'est la sécurité d'approvisionnement. Le décret « stock » contraint les laboratoires à conserver sur le territoire européen entre deux et quatre mois de stock de médicaments d'intérêt thérapeutique majeur. Nous sommes le premier pays européen à le faire. Par ailleurs, le PLFSS prévoit la possibilité de conférer aux pharmacies intrahospitalières le droit de fabriquer des médicaments d'intérêt thérapeutique majeur. C'est ce qui a été fait pendant la crise de la covid.

L'accès aux soins, c'est aussi le remboursement intégral de la contraception pour les jeunes femmes jusqu'à vingt-cinq ans révolus. Pourquoi pas les jeunes hommes ? Parce que les préservatifs masculins prescrits par ordonnance sont remboursés.

Autre mesure : l'élargissement de l'accès à la complémentaire santé solidaire en en rendant l'accès désormais automatique à tous les bénéficiaires du RSA ou du minimum vieillesse. C'est là le meilleur moyen de lutter contre le non-recours.

Dans le traitement des « stocks » de dossiers de pensions alimentaires impayées, plusieurs dizaines de milliers sont désormais résolus ou, dans cette attente, donnent lieu au versement d'une prestation par la caisse d'allocations familiales. En revanche, les flux ne suivent pas : seulement 437 dossiers ont été transmis par la justice à l'Agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires (Aripa) en vue de garantir le versement automatique de la pension alimentaire. C'est pourquoi nous vous proposons de passer d'un système d'opt in à un système d'opt out, le versement de la pension alimentaire par l'Aripa devenant automatique, sauf avis contraire des deux membres du couple. Il n'y aura donc plus de pensions alimentaires impayées.

Brigitte Bourguignon vous présentera les mesures extrêmement ambitieuses que nous avons prévues à la suite de la création de la cinquième branche « autonomie ».

Ce PLFSS comporte un nombre d'articles moindre que ceux des années précédentes. Nous avons souhaité qu'il soit lisible, qu'il améliore le quotidien des Français, qu'il leur donne de nouveaux droits et qu'il apporte des solutions complémentaires au problème des déserts médicaux notamment.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué, chargé des comptes publics. - Notre système de protection sociale dans son ensemble a été extrêmement mobilisé pour accompagner les Français face à la crise. Ainsi, 135 millions de tests gratuits ont été réalisés et plus de 50 millions de Français ont été vaccinés gratuitement.

Nous avons accompagné les hôpitaux à la fois par le vote des crédits supplémentaires pour faire face aux conséquences de la covid, mais aussi pour mettre en oeuvre les accords de Ségur, avec des revalorisations salariales d'un montant sans précédent à hauteur de plus de 10 milliards d'euros.

Toujours dans le cadre de ces accords, nous aidons les établissements à investir et à se désendetter à hauteur de 20 milliards d'euros sur cinq ans.

Notre système de protection sociale joue un rôle d'amortisseur et accompagne les Français face à la crise.

Si nous avons pu faire face aux engagements massifs qu'a nécessités la crise de la covid-19, c'est parce que nous avions amorcé durant la période précédente le rétablissement d'une situation qui était compromise. Depuis plusieurs années, au-delà de ce quinquennat, la situation financière de la sécurité sociale s'était améliorée. En 2019, nous envisagions un retour à l'équilibre pour 2023 et nous avions proposé au Parlement l'adoption d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, où le déficit était estimé entre 5 et 6 milliards d'euros.

Ce temps nous paraît désormais lointain, car les efforts consentis et la mobilisation du système de protection sociale se sont traduits par des dépenses importantes qui ont conduit à une dégradation du déficit, notamment celui de l'assurance-maladie. Pour la seule année de 2020, la branche a dû supporter 18 milliards d'euros de dépenses exceptionnelles auxquels s'ajoutent 19 milliards d'euros supplémentaires, en 2021.

Je tiens à rappeler que vous avez voté, dans le cadre de l'examen des différents textes de loi de finances, une compensation de l'État à la sécurité sociale de toutes les dépenses nouvelles supportées durant la crise de covid. Il n'empêche que le déficit s'est forcément dégradé dans la mesure où la sécurité sociale a perdu des recettes, notamment celles liées aux cotisations, par un effet mécanique normal en période d'arrêt d'activité et de substitution du financement de l'activité partielle aux revenus salariaux.

Le déficit s'est donc lourdement dégradé, jusqu'à atteindre 38,7 milliards d'euros à la fin de l'exercice 2020. En 2021, le montant, moins important, restera néanmoins très élevé, à 34,6 milliards d'euros. Il est toutefois inférieur de plus de 4 milliards d'euros à celui que nous anticipions aux mois de juin et juillet derniers.

L'amélioration de la conjoncture économique et la réévaluation de la croissance pour 2021 à 6 %, voire 6,25 % expliquent cette amélioration. Lors de l'examen du PLFSS, nous réviserons l'article liminaire, comme nous l'avions fait l'an dernier, pour tenir compte de cette nouvelle prévision de croissance, et le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) sera saisi au cours de la deuxième quinzaine d'octobre.

Cette évolution du niveau de croissance se traduit par une augmentation des recettes, supérieures de 6 % à ce que nous envisagions au début de l'année. Cependant, la durée de la crise, plus longue que prévu, a également entraîné une augmentation des dépenses par rapport au prévisionnel. Ainsi, les recettes ont augmenté d'environ 6 milliards d'euros et les dépenses d'environ 2,5 milliards d'euros, de sorte que le nouveau solde pour 2021 est à 34,6 milliards d'euros, inférieur d'environ 4 milliards d'euros à ce que nous avions envisagé au printemps dernier.

En 2022, le déficit a vocation à se réduire très fortement, puisque malgré la provision de 5 milliards d'euros que nous avons inscrite dans le PLFSS pour faire face au coût de la campagne de vaccination pour la troisième dose, à hauteur de 3,3 milliards d'euros, et la prise en charge des tests PCR pour 1,6 milliard d'euros, nous estimons que le déficit devrait s'élever à 21,6 milliards d'euros. Là où le bât blesse, c'est que si ce déficit continue à diminuer, il se stabilisera rapidement autour de 15 milliards d'euros, soit un niveau bien plus élevé qu'avant la crise de la covid-19. Cela implique que nous menions des réformes structurelles.

Nous considérons, cependant, qu'il est trop tôt pour les envisager. C'est la raison pour laquelle l'Ondam a été fixé à 2,6 %, hors Ségur de la santé, évoluant à 3,8 % si on l'y intègre. Il faut y ajouter les 5 milliards d'euros de provisions pour faire face aux conséquences de la crise covid.

Pour rétablir les comptes de la sécurité sociale, il faudra en passer par un examen des trajectoires de dépense et de financement de la sécurité sociale, notamment de la branche de l'assurance maladie. Nous attendons avec impatience les conclusions de l'étude que nous avons confiée au Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM), tant pour ce qui est de la régulation modernisée des dépenses que pour le renforcement de la pertinence des soins ou la révision de certains modes de rémunération. Nous mettrons en oeuvre ces recommandations dès que les conditions seront réunies pour nous permettre d'envisager de telles mesures structurelles de rétablissement des comptes de la sécurité sociale.

Nous devons aussi travailler sur le pilotage des dépenses en matière de sécurité sociale. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement soutient la proposition de loi organique qu'a déposée le rapporteur général de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, ainsi qu'une partie des apports de votre assemblée à ce texte, notamment sur la base de la proposition de loi déposée par l'ancien rapporteur général de votre commission des affaires sociales.

Nous sommes convaincus que le renforcement du pilotage pluriannuel de la dépense publique en matière de sécurité sociale et le renforcement de la solidarité interbranches sont autant de pistes que nous devons suivre et d'outils qui seront utiles pour le rétablissement des comptes de la sécurité sociale. Des débats se tiendront au sujet de ces réformes structurelles, en particulier en ce qui concerne la branche retraite.

Au-delà de ces éléments financiers, ce PLFSS favorise l'avancée de certaines réformes. Nous poursuivrons le chantier de l'unification du recouvrement, avec notamment le transfert, en 2023, du recouvrement des cotisations pour la retraite des professionnels libéraux affiliés à la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse des professions libérales (Cipav) vers les Urssaf.

Nous proposerons aussi de mettre en oeuvre les annonces que le Président de la République a faites, le 16 septembre dernier, dans le cadre du plan en faveur des indépendants. Le projet de loi de finances porte également des mesures fiscales au bénéfice des travailleurs indépendants. Un projet de loi spécifique sur la protection de leur patrimoine personnel a été adopté en conseil des ministres et sera soumis prochainement au Parlement.

Nous vous proposerons également de conforter les dispositions qui nous permettent de rendre contemporain le crédit d'impôt service à la personne, à partir du 1er janvier prochain. L'objectif est que l'ensemble des services à la personne puissent ouvrir le droit à un crédit d'impôt, comme c'est le cas aujourd'hui, mais que ce crédit d'impôt se calcule de manière contemporaine, mois par mois, au moment du paiement des salaires ou des factures aux organismes intermédiaires. Il nous reste à surmonter certaines difficultés techniques, de sorte que pour le système de Pajemploi, la contemporéanisation ne pourra intervenir qu'au 1er janvier 2024. Quant aux bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et de la prestation de compensation du handicap (PCH), ils devront attendre le 1er janvier 2023, car nous avons besoin de passer une convention de gestion avec chacun des conseils départementaux en charge de la gestion de ces deux prestations.

En revanche, dès le 1er janvier 2022, les particuliers employeurs qui utilisent le CESU+ pourront bénéficier du crédit d'impôt de manière contemporaine, s'ils recourent à un service à domicile. Au 1er avril 2022, les particuliers qui passent par l'intermédiaire d'organismes comme des sociétés privées ou des associations pourront aussi bénéficier de la contemporéanisation du crédit d'impôt.

Telles sont les trois principales pistes de réforme que je tenais à vous présenter.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie. - L'année dernière, à la même période, nous construisions les fondations d'une politique nationale en matière de perte d'autonomie, en créant et en finançant la cinquième branche de la sécurité sociale. Cette année, nous parachevons dans ce texte une étape essentielle de la réforme, en transformant dans la durée et en profondeur le secteur clé.

Cette réforme est ambitieuse et financée. Elle consacre 1,3 milliard d'euros aux mesures nouvelles, d'ici à 2025. Rien ne saurait se faire sans les territoires, notamment les conseils départementaux, qui sont les acteurs cruciaux de la politique de l'autonomie. Nous avons fait le choix de les conforter dans leurs compétences, car c'est au plus proche des réalités que de nombreuses décisions concernant les personnes âgées doivent être prises. Dans cette réforme, l'État tient résolument son rôle, en accompagnant les territoires.

Cette réforme est responsable. Son financement est assuré par les ressources qui ont été allouées à la branche autonomie. Nous investissons d'abord pour renforcer la lisibilité et la qualité de l'offre de services à domicile. Nous garantissons une plus grande équité des territoires. Ainsi, le Gouvernement mettra en place et financera un tarif national de 22 euros par heure d'intervention, c'est-à-dire un niveau de financement public minimum pour tous les services d'aide à domicile, ce qui représente un investissement de 240 millions d'euros, dès 2022.

L'instauration de ce tarif plancher correspond à la promesse de la politique menée par la branche autonomie de décloisonner les secteurs du handicap et du grand âge. La branche accompagnera les départements dans sa mise en oeuvre, en prenant à sa charge l'effort financier que cela représentera pour eux le passage à 22 euros de l'heure pour l'APA et la PCH. Tel était l'un des objectifs fixés dans le rapport de MM. Jean-Marie Vanlerenberghe et Dominique Watrin, en 2015.

Par ailleurs, le financement actuel des services de soins à domicile ne permet pas de répondre aux besoins croissants des personnes âgées, puisqu'il n'est pas fixé selon le profil des personnes prises en charge. Nous le rénoverons en lui attribuant un budget à la hauteur des enjeux.

Nous irons plus loin encore en créant un financement à la qualité, qui reposera sur une contractualisation entre les départements et les services à domicile. Cette dotation qualité ne saurait être un outil ou un montant figé par la loi depuis Paris. Elle devra répondre aux besoins spécifiques des territoires et des personnes âgées qui y résident. Elle financera des objectifs de service public, comme des horaires d'intervention élargis ou encore la couverture de zones blanches où il n'existe pas encore de services à domicile.

Nous voulons, en outre, garantir une plus grande simplicité et une meilleure coordination des services à domicile et des interventions. Une dotation de coordination sera allouée, dès 2022, pour entamer un grand chantier de simplification.

Il s'agira de créer, dès 2023, un interlocuteur unique pour nos concitoyens, auquel seront confiées des activités d'aide, d'accompagnement et de soin, réalisées jusqu'à présent par plusieurs structures différentes. Ainsi, la charge de la complexité des interventions n'incombera plus à la personne ou à son aidant.

Notre urgence, c'est aussi celle des métiers de l'autonomie. Parmi les solutions mises en oeuvre figurent les augmentations de rémunération du Ségur de la santé qui ont été étendues, ainsi que l'agrément de l'avenant 43 de la convention collective de la branche de l'aide à domicile. Durant la période allant de 2020 à 2022, plus de 2,8 milliards d'euros seront ainsi consacrés aux revalorisations salariales.

Certaines aides à domicile, en particulier celles qui sont employées par des services privés lucratifs, n'ont pas encore été prises en compte. Le dialogue social peut désormais s'ouvrir pour utiliser l'augmentation du financement horaire, grâce à la mise en place du tarif national à 22 euros.

Dans le même temps, nous souhaitons réformer les établissements et les adapter pour qu'ils puissent mieux accueillir des personnes d'un âge de plus en plus avancé. Nous devons tout d'abord répondre au défi de l'absentéisme des professionnels qui y travaillent. Certains considèrent qu'il suffirait de recruter 200 000 professionnels pour régler tous les problèmes des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Or il ne sert à rien de financer des postes sans les pourvoir. Pour lutter contre l'absentéisme, il faut des revalorisations. Pour fidéliser les professionnels, il faut déployer un « plan métier ». Pour investir sur le personnel soignant, il faut financer 10 000 postes supplémentaires, en y consacrant 400 millions d'euros en 2025. Voilà comment nous répondrons de manière pragmatique au défi des Ehpad.

Nous généraliserons les astreintes d'infirmiers de nuit, nous augmenterons le temps du médecin coordinateur, dans tous les Ehpad, en dégageant une enveloppe de 67 millions d'euros en 2025.

Nous pérenniserons les acquis de la crise, en développant les équipes mobiles d'hygiène et de gériatrie dans les Ehpad, afin de mieux les sécuriser sur le plan sanitaire, grâce à une enveloppe de 7 millions d'euros, dès l'année prochaine.

Nous ouvrirons aussi de nouvelles missions pour les Ehpad, en incitant certains établissements à devenir des centres de ressources pour les professionnels du bassin de vie, notamment ceux du domicile.

Ces accompagnements renforcés, que l'on appelle à tort « Ehpad hors les murs », sont aussi ouverts aux services à domicile, car il ne faut pas segmenter le dispositif.

Enfin, le Ségur de l'investissement doté de 2,1 milliards d'euros n'est pas qu'une façade, il permettra la rénovation, la modernisation et l'ouverture des Ehpad. Des moyens seront alloués pour améliorer la qualité de vie des professionnels en Ehpad, grâce au déploiement de petits équipements.

Ce plan d'investissement est l'une des réponses que nous apportons à la crise qu'ont connue les Ehpad durant l'épidémie, afin d'éviter que ne se reproduise l'isolement des résidents face au virus. Ce besoin d'investissement pour répondre aux enjeux de la bientraitance en Ehpad a encore été rappelé, hier, en séance publique, par votre collègue Véronique Guillotin.

Des crédits arriveront dans les territoires pour permettre ces investissements, dès le mois de novembre prochain.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Je vous remercie pour cette présentation du PLFSS pour 2022.

Comme vous l'avez dit, nous sommes en sortie de crise et nous avons été collectivement contraints durant cette période très compliquée. Vous nous proposez effectivement un texte « ambitieux », pour reprendre le terme employé par M. le ministre des solidarités et de la santé.

En tant que rapporteure générale, je souhaite que vous m'en disiez plus sur l'avenir de la dette. M. Dussopt a indiqué que la stabilisation du déficit à 15 milliards d'euros restait problématique, mais qu'il était difficile de lancer des réformes structurelles pour y faire face.

Ce PLFSS est le dernier du quinquennat et on le sent ! Toute mesure d'économie semble exclue. Le rapport, qui constitue l'annexe B et qui se projette sur les quatre prochaines années, n'esquisse aucune stratégie de dégrisement des comptes sociaux à l'issue de la crise.

La trajectoire présentée jusqu'en 2025 laisse à penser que la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) est un outil merveilleux ! Les 136 milliards d'euros de reprise de dette par la caisse seront saturés avant la fin de l'année 2022 et plus de 50 milliards de déficit supplémentaire devraient s'accumuler d'ici à 2025, sans perspective de retour à la normale.

Comptez-vous présenter au Parlement un projet de loi organique repoussant la date d'extinction de la dette sociale ? Si c'est le cas, quand le ferez-vous ?

En 2021, le budget de l'agence Santé publique France a été augmenté, par arrêté ministériel, de 4,3 milliards d'euros. Nous réaffirmons qu'une autorisation parlementaire ou un avis de la commission des affaires sociales aurait été nécessaire, préalablement à une telle augmentation, s'agissant de dépenses régaliennes et non assurantielles.

Comptez-vous adapter le montant de la compensation de l'État au regard du budget réel de l'agence ? Pourriez-vous préciser le budget qui sera attribué à Santé publique France, en période dite « classique » ?

Au regard de la situation financière de la sécurité sociale, pourquoi le Gouvernement ne propose-t-il pas une révision de la taxe exceptionnelle sur les organismes complémentaires d'assurance maladie (OCAM) en 2021 ni sa prolongation au-delà de l'année en cours ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure pour la branche assurance maladie. - Après un dépassement majeur, de l'ordre de 14 milliards d'euros, en 2020, l'Ondam 2021 sera à nouveau largement supérieur au montant voté en loi de financement. Cela s'explique notamment par des provisions liées à la crise sanitaire sous-estimées au regard des besoins finalement constatés en matière de tests et de vaccins. Vous savez, monsieur le ministre, combien notre assemblée a regretté qu'un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale n'ait pas été déposé, malgré un relèvement de l'ONDAM prévu de 11,7 milliards d'euros. Cela étant, quelle hypothèse vous conduit à faire, pour 2022, une provision, au titre de la crise sanitaire, à hauteur de 4,9 milliards d'euros pour les tests et les vaccins ? De quelle lisibilité disposez-vous ?

Je m'inquiète des prévisions de plus long terme apportées par l'annexe B et du déficit attendu pour la branche maladie en 2025, près de 15 milliards d'euros, sans dépenses exceptionnelles. Est-ce à dire que les réformes structurelles seront renvoyées au-delà ? Nous sommes tous d'accord, la protection de la santé est une priorité, la modernisation et la transformation de notre système de santé sont une nécessité et les investissements hospitaliers et les revalorisations sont incontournables. Cependant, comment comptez-vous assurer la soutenabilité financière du régime d'assurance maladie et de la sécurité sociale ?

Concernant le financement des services d'urgence, des services de psychiatrie ou de soins de suite et de réadaptation, le PLFSS comporte, cette année encore, des dispositions modifiant les réformes engagées. La nécessité de ces ajustements n'est-elle pas, justement, le signe inquiétant pour la viabilité du modèle de financement que ces réformes visaient à instaurer ?

Je salue l'idée de créer le statut de préparation spéciale pour permettre à des pharmacies hospitalières, à des établissements pharmaceutiques hospitaliers et à Santé publique France de produire en urgence des médicaments essentiels, faisant l'objet de tensions et de ruptures. Vous avez évoqué les médicaments anesthésiques, que les pharmacies hospitalières avaient su préparer. Quel a été leur délai de réaction ?

M. René-Paul Savary, rapporteur pour la branche vieillesse. - Par le biais de l'amortissement, on transforme la dette, qui est une dépense, en produits financiers. On dirait que vous souhaitez en faire un modèle pérenne.

La revalorisation des pensions a été estimée à 1,1 % en 2022, en tenant compte de l'inflation. Parviendra-t-on à respecter ce taux au regard du rebond d'inflation que l'on observe ?

Hier, lors des questions d'actualité au Gouvernement, le secrétaire d'État chargé des retraites a évoqué un déficit cumulé de plus de 100 milliards d'euros d'ici à 2030. La situation est encore plus grave que je ne l'imaginais ! Comment s'explique ce chiffre ?

Il a également déclaré qu'il était partisan, comme le Président de la République, d'un allongement de la durée de travail des Français. Je suppose par conséquent que, si nous vous proposons d'allonger cette durée dans le cadre du PLFSS, vous émettrez un avis favorable...

Le rapport Blanchard-Tirole propose un départ à la retraite qui serait choisi, en fonction notamment du taux de remplacement. Quel est votre avis sur cette proposition ?

M. Olivier Henno, rapporteur pour la branche famille. - La crise du covid nous a obligés à consacrer des moyens supplémentaires pour la santé par endettement. À titre personnel, je regrette que l'on n'ait pas profité de l'occasion pour engager une réforme systémique.

La branche famille n'est pas une priorité en tant que telle de ce PLFSS. On peut le regretter, puisque la natalité française diminue. Elle est de 1,83 enfant par femme en 2020, alors même que le désir d'enfant s'élève à 2,39, ce qui démontre l'intérêt d'éventuelles mesures d'accompagnement.

L'intermédiation financière des pensions alimentaires me paraît une bonne chose. Pouvez-vous nous en donner un bilan un peu plus précis ?

Le nouveau dispositif d'aide sociale et fiscale au service à la personne ne sera appliqué qu'en 2024. Ne pourrait-on pas faire mieux ?

Le rapport de Julien Damon et de Christel Heydemann relatif à la conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle des parents a été remis à la ministre du travail le 6 octobre dernier. Il recommande une réforme d'ampleur des congés familiaux et du dispositif de prestation partagée de l'éducation de l'enfant (PreParE). Quelle suite le Gouvernement entend-il donner aux conclusions de ce rapport ?

Mme Chantal Deseyne, en remplacement de Mme Pascale Gruny, rapporteure pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles. - Comme chaque année, nous examinons le transfert de la branche accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP) à l'assurance maladie au titre de la sous-déclaration des maladies professionnelles. Le PLFSS propose, en ligne avec la commission chargée d'évaluer le montant réel de cette sous-déclaration, de relever le montant de ce transfert à 1,1 milliard d'euros. M. Moscovici, interrogé à ce sujet la semaine dernière, a qualifié la sous-déclaration de « certainement pas univoque ». Ne faudrait-il pas, à cet égard, compléter les travaux de la commission d'évaluation ?

M. Moscovici a également souligné que le PLFSS pour 2022 allait un peu dans le sens d'une contribution des excédents de la branche AT-MP au financement des autres branches. Si l'ambition du transfert est de compenser non pas la sous-déclaration, mais les déficits d'autres branches, ne faudrait-il pas l'assumer plus ouvertement ?

Concernant l'extension du périmètre du fonds d'indemnisation des victimes des pesticides aux médicaments antiparasitaires vétérinaires, l'article 101 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 prévoyait que le Gouvernement remette un rapport au Parlement sur le sujet pour apprécier son bien-fondé. Le Gouvernement n'a pas respecté cette obligation législative. Pourquoi ? Pouvez-vous préciser sur quelles données scientifiques se fonde cette extension ?

M. Philippe Mouiller, rapporteur pour la branche autonomie. - Les perspectives pluriannuelles de la branche autonomie prévoient un retour à l'équilibre en 2024, grâce notamment à l'apport d'une nouvelle fraction de la contribution sociale généralisée (CSG), en application de la loi relative à la dette sociale et à l'autonomie, mais nous savons bien que l'ampleur des besoins, qui sont loin d'être couverts par le présent PLFSS, appellera des dépenses bien plus importantes à l'avenir, en raison de la démographie, de la nécessaire amélioration de l'offre et des besoins importants dans le domaine du handicap. Des propositions de financements nouveaux ont été mises sur la table, notamment par le conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Où en est le Gouvernement dans ses réflexions par rapport à ces évolutions ?

La création de la branche autonomie vise à mieux piloter les politiques de l'autonomie, ce qui suppose une meilleure visibilité sur les dispositifs, donc un périmètre de branche aussi large que possible - le rapport Vachey a fait des propositions en ce sens -, mais également une déclinaison territoriale efficace de cette politique. Sur le second point, nous pensons qu'il aurait sans doute fallu une loi Grand âge, mais c'est un autre sujet. Sur le premier, pourquoi n'avoir pas saisi l'occasion de ce deuxième exercice pour consolider le périmètre de la branche autonomie dans le PLFSS ?

De tous les risques de sécurité sociale, celui de la perte d'autonomie des personnes âgées est le mieux étayé. Il faut renforcer l'effort sur les deux piliers de soutien à l'autonomie, dont de récents rapports ont bien documenté l'importance : la prévention de la perte d'autonomie et l'aide apportée aux aidants. Comment expliquer que ce PLFSS soit si mince en la matière ?

Vous avez évoqué tout à l'heure les revalorisations issues du Ségur. Le périmètre a été élargi, mais tous les professionnels ne sont toujours pas concernés, au point que pourront se côtoyer, dans un même établissement, des professionnels revalorisés et d'autres qui ne le sont pas. Comment expliquer cette situation ? Surtout, comment gérer, sur le territoire, ce qui peut apparaître comme une distorsion dans les rémunérations ?

S'agissant de l'aide à domicile, le texte prévoit des mesures intéressantes, comme l'instauration de tarifs plancher de 22 euros, la refonte de la tarification des services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) et la fusion des différents services d'aide à domicile. Vous avez annoncé, à l'Assemblée nationale, une bonification qualité de 3 euros. Pouvez-vous détailler ce mécanisme et surtout nous indiquer qui le financera ? Pouvez-vous nous donner quelques précisions sur la fusion de structures ?

Vous avez évoqué de nouvelles mesures, notamment pour porter le temps des médecins coordonnateurs dans tous les Ehpad à 0,4 équivalents temps plein (ETP). C'est un effort intéressant, mais comment imaginer concrètement cette évolution sur le terrain, compte tenu de la faible attractivité de la profession ?

M. Olivier Dussopt, ministre délégué. - Sur la soutenabilité des finances de la sécurité sociale, je veux d'abord dire à Mme la rapporteure générale qu'il est à nos yeux trop tôt pour décider s'il faudrait ou non apporter une réponse de nature organique à la question de la dette de la sécurité sociale et d'éventuels transferts à la Cades. La loi organique votée en août 2020 prévoit un quantum total de 136 milliards d'euros. Le PLFSS prévoit, comme prévu, un transfert de 40 milliards d'euros en 2022, mais les évolutions sanitaires de cette année et, surtout, la vigueur de la reprise économique nous amènent à revoir les niveaux de déficit prévisionnels. Bien évidemment, si la reprise est plus forte qu'envisagé, les niveaux de déficit auront vocation à baisser et la loi organique sera suffisante pour y faire face.

Nous n'avons pas d'inquiétude à court terme. D'ailleurs, nous vous proposons de baisser le plafond d'emprunt de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) de 95 à 65 milliards d'euros. Cela illustre, à nos yeux, le retour vers une forme de normalisation.

En ce qui concerne Santé publique France, notre objectif est évidemment de lui permettre de répondre aux besoins. C'est la raison pour laquelle 3,3 des 4,9 milliards d'euros de provisions covid lui sont destinés, dans le cadre de la vaccination. Cet organisme est rattaché au sixième sous-objet de l'Ondam. Nous essayons de garantir le maximum de transparence. C'est d'autant plus nécessaire pour témoigner du retour à la normale du budget de Santé publique France dans les prochaines années.

Pour ce qui concerne les organismes complémentaires, je rappelle que nous avons procédé à un prélèvement de 1,5 milliard d'euros au total, comme nous l'avions annoncé. Nous avons, à ce stade, décidé de ne pas mettre en oeuvre de nouveaux prélèvements, y compris pour tenir compte d'effets de rattrapage, même si nous considérons que ce rattrapage n'est pas à la hauteur de l'économie de constatation. Par ailleurs, contrairement à ce qui a pu être affirmé par certains dans la presse, nous considérons que la modération, voire la stabilité des cotisations payées par les adhérents serait une meilleure politique qu'une augmentation systématique.

Enfin, s'il n'y a pas d'économie tendancielle sur l'hôpital, ce dont nous félicitons - cela répond aux besoins de la situation -, ce PLFSS prévoit malgré tout un certain nombre de mesures d'économies : sur le secteur du médicament, pour un tout petit peu plus de 1 milliard d'euros ; sur la régulation des soins de ville, pour un peu plus de 750 millions d'euros ; de manière plus marginale en montant, mais importante symboliquement, en matière de lutte contre la fraude, à hauteur de 90 millions d'euros. Il faut le souligner, car cela fait aussi partie des sous-jacents de la construction des trajectoires, même lorsqu'elles sont dégradées.

Madame Imbert, entre le déficit de l'assurance maladie que nous envisagions pour 2020 et le déficit assez structurel que nous anticipons pour 2024 et les années suivantes
- autour de 15 milliards d'euros -, il y a effectivement un lourd effet des accords du Ségur, puisque les 10 milliards d'euros de revalorisation viennent s'ajouter aux 5 milliards d'euros de déficit que nous anticipions avant la crise du covid. Cela n'enlève rien à la pertinence des accords du Ségur, mais cela fait partie des éléments de l'équation qu'il nous faudra résoudre par le pilotage et par les réformes que nous aurons à mettre en oeuvre.

Les 5 milliards d'euros correspondent au financement du rappel vaccinal, à hauteur de 3,3 milliards d'euros, et à la prise en charge des tests PCR de manière résiduelle, à hauteur de 1,6 milliard d'euros, le nombre de tests diminuant logiquement au fur et à mesure de l'amélioration de la couverture vaccinale de la population.

Monsieur Savary, la revalorisation des pensions à hauteur de 1,1 % est effectivement calculée en appliquant la même méthode que les années précédentes, avec un indice glissant entre novembre de l'année n-1 et octobre de l'année n. En anticipation des revalorisations au mois de janvier, notre hypothèse est un plancher à 1,1 %. Nous disposerons des chiffres définitifs de l'inflation autour du 15 novembre. Ces chiffres permettront d'ajuster le mouvement autant que de besoin. Il faudra malgré tout garder en tête que le ressaut d'inflation que nous connaissons pour l'année 2021 aura un effet sur les mois de novembre et de décembre et qu'il y aura un effet de rattrapage en janvier 2023.

Comme l'a dit le Premier ministre, nous considérons, à ce stade, que les conditions pour rouvrir le débat sur la réforme des retraites ne sont pas réunies. Nous ne pourrons donc pas accueillir favorablement les éventuelles mesures paramétriques que vous nous proposeriez.

Monsieur Henno, la contemporanéisation du crédit d'impôts pour les services à la personne (Cisap) est une très bonne mesure. C'est une mesure de simplification, c'est une mesure de trésorerie pour les ménages et c'est une mesure qui facilite l'entrée dans le système de l'emploi à domicile. En effet, alors que, aujourd'hui, l'employeur doit attendre entre 12 et 18 mois pour bénéficier du crédit d'impôt de 50 %, au 1er janvier, pour les utilisateurs du CESU+, le remboursement sera effectué à la fin de chaque mois. En 2022, les particuliers employeurs qui sont déjà dans le système bénéficieront simultanément du versement par l'État du crédit d'impôt au titre de ce qu'ils auront dépensé en 2021 et du versement du nouveau crédit d'impôt. C'est pour nous une belle façon de simplifier la vie des ménages, de leur donner des gains de trésorerie et de lutter contre le travail illégal, qui peut représenter jusqu'à 20 % du travail dans ce secteur.

Je préfère très clairement afficher un calendrier qui nous garantisse la réalisation et l'efficacité technique du système plutôt que de prendre le risque d'un plantage du système.

L'intégration de cette disposition à Pajemploi nécessite des développements extrêmement complexes ; nous ne voyons pas comment on pourrait aboutir avant le 1er janvier 2024. Une refonte du système est en cours ; peut-être nous permettra-t-elle de gagner un an, mais nous ne pouvons le garantir.

Madame Deseyne, la fourchette de sous-évaluation retenue pour le transfert de la branche AT-MP vers la branche maladie en 2022 correspond à la fourchette basse de l'avis rendu par la commission consultée. Nous pressentons une trajectoire haussière, sans que je puisse le garantir. Au titre de la solidarité entre branches, nous prévoyons aussi un transfert d'un milliard d'euros de la branche famille vers la branche maladie afin de compenser les indemnités journalières versées pour la garde d'enfant.

M. Olivier Véran, ministre. - Madame la rapporteure générale, concernant les organismes complémentaires, la question de la taxe se posait légitimement : sur environ 2,2 milliards d'euros non dépensés, on en avait pris 1,5 milliard les années précédentes. Le choix qui a été fait a été de ne pas prélever de taxe complémentaire, mais de demander avec fermeté à l'ensemble des organismes complémentaires de modérer la hausse des cotisations pour 2022. Je dois vous avouer que le message n'était peut-être pas assez clair : plusieurs acteurs ont déjà annoncé que cette hausse sera au moins égale à l'inflation. Comptez sur moi pour exercer toutes mes capacités de conviction et leur rappeler les engagements que nous demandons en échange de notre modération en matière de taxes.

Madame Imbert, la réforme du financement des urgences est entrée en vigueur en 2021, les urgentistes semblent être satisfaits de la simplification du travail administratif et de la meilleure prise en compte de la qualité de leur travail. S'agissant de la psychiatrie, le décret est paru le 30 septembre, la réforme entrera en vigueur au 1er janvier prochain. Toutes les simulations ont été faites ; une garantie de financement est offerte sur quatre ans. D'après nos simulations, au moins 90 % des établissements privés sortent gagnants de cette réforme, qui permettra également de sortir le financement de la psychiatrie publique d'une enveloppe jusqu'alors figée, alors que les besoins évoluent vite.

Quant à la production de médicaments par les pharmacies hospitalières en cas de rupture, pérenniser cette démarche dans la loi devrait permettre d'accélérer à l'avenir leur réactivité. Un critère industriel va enfin être intégré dans la fixation des prix. Une partie de la recherche et développement et de la fabrication des médicaments se fait enfin sur notre sol ; je sais que vous y êtes sensible et que le travail des sénateurs a été crucial en la matière : nous ne sommes pas sourds même si nous n'acceptons pas toujours tout immédiatement ! L'accord-cadre avec le comité économique des produits de santé (CEPS) a été signé par plus de 80 % des mandants du Leem, l'organisation professionnelle des industriels pharmaceutiques. Des appels à projets français et européens encouragent la production locale de médicaments : on en voit déjà les effets, notamment pour le paracétamol ; une usine de thérapies cellulaires pour cancers et lymphomes a ouvert aux Ulis, qui produit pour l'Europe entière. Quelque chose de nouveau et d'ambitieux s'enclenche !

Madame Deseyne, concernant les antiparasitaires, l'étude d'impact du PLFSS présente les éléments de la décision.

Monsieur Henno, concernant le rapport Damon-Heynemann, le Gouvernement a porté plusieurs réformes ambitieuses en matière de congés familiaux : doublement du congé paternité, création d'un congé paternité spécifique pour les enfants prématurés, ou encore amélioration du congé maternité pour les travailleuses indépendantes. Nous avons demandé à ces experts des propositions concrètes en faveur d'une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie familiale. On étudie notamment la refonte de l'ensemble des congés familiaux, pour qu'ils soient mieux partagés entre parents. Ce serait très structurant, mais une telle réforme ne pouvait pas être présentée dans les délais impartis ; cette réflexion servira pour l'avenir.

Vous avez aussi demandé un bilan plus exhaustif de l'intermédiation des pensions alimentaires. En septembre, on en était à 45 000 demandes d'intermédiation financière : le dispositif est plébiscité ! Parmi elles, 40 000 émanent de personnes faisant face à des impayés, 4 000 d'autres usagers, et 470 ont été transmises par des juridictions. Aucune n'émane d'avocats ; c'est pourquoi nous renforçons le dispositif pour le rendre automatique.

Certes, ce PLFSS comporte peu de mesures législatives sur la branche famille, beaucoup de mesures réglementaires sont prises. J'ai assuré la semaine dernière la conclusion de la Conférence nationale des familles, organisée pour la première fois depuis 13 ans, où nous avons notamment annoncé un travail sur l'infertilité, ses causes et l'accompagnement des couples infertiles, en lien avec la santé environnementale et la lutte contre le tabac.

Madame Deseyne, il est apparu à la lecture de la littérature scientifique que les médicaments antiparasitaires mentionnés comme pesticides dans les tableaux du régime agricole ont des effets analogues aux produits phytosanitaires et aux biocides. C'est pourquoi on a décidé d'étendre sans attendre le périmètre du fonds que vous évoquez.

Monsieur Mouiller, le Ségur de la santé, à l'origine, visait les blouses blanches à l'hôpital. Les syndicats nous ont vite demandé de valoriser tous les métiers de l'hôpital, au-delà des soignants, ce qui nous a paru légitime. L'enveloppe a aussi été élargie, par équité, au secteur privé, non lucratif et lucratif, puis aux soignants salariés du milieu associatif ou de la fonction publique d'État. De nouveaux décalages ont été révélés par le rapport Laforcade, ce qui a conduit à un nouvel élargissement. On compte aujourd'hui plus de 2,5 millions de bénéficiaires du Ségur de la santé ! La question légitime que vous posez concerne, par exemple, un éducateur spécialisé qui travaille dans le même établissement qu'une infirmière ou un médecin, mais ne profite pas de ces dispositions, contrairement à eux. Peut-être l'objectif initial du Ségur n'était-il pas de revaloriser tout le travail social, mais je suis très sensible à ces questions. Au total, 3 millions de salariés travaillent dans le secteur social ; ils dépendent de plusieurs ministères. Il faut un regard juste et ambitieux sur cette question ; j'ai chargé Mathieu Klein, nouveau président du Haut Conseil du travail social, de me remettre une feuille de route sur cette question d'ici à mars prochain, afin que nous puissions engager des travaux à plus longue échéance.

Monsieur Savary, la sécurité sociale paye ses dettes ! Des sommes monumentales ont été transférées à la Cades au titre de la dette sociale lors des précédentes mandatures, cette dette devait être soldée d'ici à 2025, mais on la rembourse plus rapidement. Il n'y a pas d'inquiétude à avoir : la Sécu est solide ! La dette liée au covid-19 sera remboursée comme les autres. Il faudra une réflexion spécifique sur la branche retraites, très déficitaire, mais je vous renvoie sur ce point au discours du Président de la République du 12 juillet dernier sur les conditions qui permettront ce travail. Tous les travaux engagés ou diligentés par les pouvoirs publics depuis des mois doivent faire l'objet d'une réflexion globale pour trouver le juste chemin.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. - Concernant le périmètre de la cinquième branche, il convenait déjà de consolider l'étape fondatrice du virage domiciliaire. Les pays qui l'ont effectué ne sont jamais revenus en arrière. À nous de le mener, à travers ce PLFSS et les mesures déjà prises. Cette préparation systémique d'une cinquième branche excédentaire est exemplaire.

Concernant les aidants, l'effort n'est pas mince. Une stratégie nationale est élaborée depuis trois ans, avec les parlementaires et les associations concernées. Nous dépensons 105 millions pour trouver des solutions de répit adaptées à des situations extrêmement variées. Le congé proche aidant est une mesure phare de cette stratégie nationale, mais il faut aussi regarder ce que les citoyens demandent : le recours à ce dispositif n'est pas encore une évidence, il faut le faire connaître aux entreprises et à travers elles aux salariés. Il y a 11 millions d'aidants aux situations extrêmement variées ; on ne peut pas avoir une ligne budgétaire toute simple.

Qui paie la dotation complémentaire dont nous parlons ? Les départements percevront un financement au prorata du nombre d'heures d'interventions effectuées l'année précédente, presque à hauteur de 100 %. Un appel à candidatures visera les services à domicile qui veulent percevoir cette dotation complémentaire ; ceux qui seront retenus pourront signer une convention afin de bénéficier de la dotation des conseils départementaux. C'est bien à ceux-ci qu'on donne la main pour la gestion de cette dotation, suivant des critères que nous définirons avec les parlementaires.

Quant aux médecins coordinateurs, il est très difficile d'en recruter, bien plus que de définir le nombre requis. Le travail lui-même n'est pas assez qualifié. On travaille avec les syndicats, qui nous ont expliqué que le faible temps de vacation, parfois un seul jour par semaine, n'était pas intéressant pour les médecins. C'est pourquoi nous augmentons le temps de mission. Nous voulons que dans chaque Ehpad on ait l'assurance d'avoir un temps de médecin coordinateur, avec une montée en puissance par la suite. Cela se fera en revalorisant ces métiers dans leurs fonctions et en leur donnant des missions plus intéressantes.

Les fusions de structures se feront sous l'impulsion des agences régionales de santé (ARS) et des départements. Ceux-ci doivent y être associés ! C'est pourquoi nous avons donné des consignes précises en la matière. On aide les départements pour ses fusions, qui sont attendues par les citoyens et même par les départements. Chacun des présidents de conseil départemental que j'ai rencontré m'a dit qu'il y a trop de structures aux statuts différents. Il faut donc revoir tout cela, en accompagnant les départements dans cette réorganisation financière.

M. Laurent Burgoa. - Avec ses 30 000 intervenants, le secteur de la prestation de santé à domicile répond aux besoins de 2,5 millions de personnes et est facteur d'économies. Or il voit ses tarifs diminuer et certaines de ses prestations sont remises en cause. Quelles mesures allez-vous prendre pour le préserver ?

Mme Laurence Cohen. - Il est vrai, Monsieur Dussopt, que la crise a montré la solidité de notre système de protection sociale. Mais le mouvement d'étatisation de la Sécurité sociale m'inquiète, notamment après le vote par le Sénat de l'intégration des dépenses de l'assurance chômage et votre annonce d'une centralisation du recouvrement des cotisations retraite par les Urssaf. Je vous rappelle notre proposition de suppression de toutes les exonérations de cotisations sociales : cela engendrerait des revenus supplémentaires.

Monsieur Véran, pourrions-nous avoir plus de détails sur la répartition du Ségur : qui en profite ?

L'Ondam augmentera certes de 2,7 %, mais l'inflation est de 1,5 % ; il faudrait 4,5 % pour répondre aux besoins de santé.

Les pharmacies centrales des hôpitaux jouent un rôle crucial, elles seront un premier maillon du pôle public du médicament que nous appelons de nos voeux.

Madame Bourguignon, 10 000 créations d'emplois sur cinq ans dans les Ehpad, c'est à peine un emploi de plus dans chaque Ehpad. Vous me rétorquerez qu'ils s'ajoutent aux 10 000 emplois déjà créés depuis 2017 (Mme Bourguignon le confirme). C'est bien loin des besoins que les syndicats chiffrent à 100 000 emplois chaque année, pendant trois ans.

Mme Laurence Rossignol. - La création de certains centres dentaires a donné lieu à de nombreuses dérives. Comment comptez-vous remettre de l'ordre ?

La proposition de loi sur l'allongement des délais de l'interruption volontaire de grossesse (IVG) est désormais inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Or celui du Sénat est d'ores et déjà saturé. Pourquoi alors ne pas envisager un amendement gouvernemental dans le cadre du PLFSS ?

Mme Florence Lassarade. - Ne pourrait-on pas instaurer enfin le carnet de vaccination numérique ?

Les mesures d'isolement et de contention sont contraignantes pour les établissements psychiatriques, qui ont dû embaucher des psychiatres. La nouvelle décision du Conseil constitutionnel alourdit-elle encore ces contraintes ? Quel financement pour les hôpitaux ?

Enfin, le PLFSS propose d'étendre les missions des orthoptistes.

Pour autant, l'orthoptiste ne saurait se substituer à l'ophtalmologiste lors de la première consultation, notamment en ophtalmologie pédiatrique.

Mme Michelle Meunier. - Merci Monsieur Véran pour votre présentation euphorique de ce dernier PLFSS du quinquennat. Je salue votre dynamisme.

Je déplore l'abandon du projet de loi sur le grand âge et l'autonomie. Même si vous annoncez quelques mesures, le compte n'y est pas : il nous manque une vision globale. Les appels à projets que vous annoncez sur l'évolution des Ehpad ne risquent-ils pas de favoriser les structures privées lucratives ?

J'entends votre volonté de compenser les départements, mais sachez qu'avec 3 000 aides à domicile, le département de la Loire-Atlantique va devoir trouver 500 000 euros !

M. Daniel Chasseing. - Le passe sanitaire a été un succès. L'Ondam et les nouvelles mesures que vous annoncez vont dans le bon sens.

Le projet de création d'une cinquième branche de l'Assurance maladie avait suscité un espoir. Vous annoncez 10 000 créations de postes pour 2025, c'est catastrophique : à peine un poste supplémentaire par Ehpad ! On n'y compte déjà que 0,6 emploi en équivalent temps plein (ETP) par pensionnaire, alors que les résidents sont de plus en plus dépendants. Il aurait fallu au moins deux emplois d'aide-soignant ou d'infirmier par Ehpad, soit un milliard d'euros supplémentaires. Pourquoi attendre 2025 ? N'avez-vous pas entendu les personnels des Ehpad ? C'est une augmentation du personnel de 10 % qui aurait été nécessaire !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Monsieur Véran, dans son dernier rapport, la Cour des comptes souligne le retard français en matière d'e-prescription qui ne sera obligatoire que fin 2024. Pourquoi un tel retard ?

Monsieur Dussopt, quand disposerez-vous des propositions du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM) et quand seront-elles rendues publiques ?

En matière de fraudes, quelle est la méthode suivie par les caisses ? Selon quel calendrier ? Malheureusement, de nombreux contrôles ont été allégés à la faveur de la crise : quand les moyens seront-ils à nouveau renforcés ?

En matière de recettes, les restes à recouvrer sont importants : une dizaine de milliards d'euros au titre de 2020 et 7 milliards au titre de 2021. Que comptez-vous faire ?

Madame Bourguignon, avez-vous évalué les dépenses induites pour les départements dont le tarif était inférieur à 22 euros ?

Certains Ehpad pourront devenir centre de ressources territorial afin d'accompagner le virage domiciliaire. Qui en prendra l'initiative ? L'Agence régionale de santé (ARS) ? Qui tranchera si plusieurs Ehpad sont candidats ?

Mme Victoire Jasmin. - Les territoires d'outre-mer font face à des surcoûts importants, notamment sur la maintenance et les matières premières. Par exemple, pour un technicien de maintenance dépêché sur place, il y aura des frais d'avion et de séjour... La multiplication des intermédiaires et les contrats d'exclusivité contribuent aussi à faire flamber les prix.

Les personnels de laboratoire ont beaucoup donné, tout en restant dans l'ombre. Il serait juste de les reconnaître dans le cadre du Ségur.

Le contrôle des Ehpad - sur les prix, les prestations, la qualité - doit être plus efficace. Nous avons besoin de chartes de bonnes pratiques.

Mme Cathy Apourceau-Poly. - Madame Bourguignon, nous sommes favorables à la revalorisation des salaires des aides à domicile, mais votre annonce ne concerne malheureusement que les salariés du secteur public et du privé non lucratif. Quel est l'état de vos discussions avec les fédérations privées lucratives afin qu'elles s'alignent ?

Le décret du 6 septembre prévoit que le financement sera assuré par l'État jusqu'à fin 2021, puis partagé avec les départements à partir de 2022. Mais les départements ne sont pas bien riches... Que ferez-vous si les départements ne peuvent pas suivre ?

Vous avez renoncé à la création d'une branche dite autonomie et annoncez des mesurettes dans le PLFSS : nous le regrettons. Pourquoi ne pas mettre à contribution les grosses entreprises qui font des bénéfices importants ?

M. Olivier Dussopt, ministre délégué. - Madame Cohen, je souhaite que la commission mixte paritaire (CMP) sur la proposition de loi organique de M. Mesnier aboutisse. L'intégration de l'Unedic dans le périmètre de la Sécurité sociale et des comptes sociaux a été votée par le Sénat en dépit de l'avis défavorable du Gouvernement et j'espère que cette disposition ne figurera pas dans le texte final.

Nous souhaitons unifier le recouvrement des cotisations : c'est ainsi que les cotisations Agirc-Arrco seront recouvrées par les Urssaf à partir de 2023. Le recouvrement n'est ni la définition de la politique ni la gouvernance, c'est juste une question de recherche d'efficience.

Monsieur Vanlerenberghe, les travaux du HCAAM sont intéressants, mais aucun nouveau rapport n'est prévu.

Les caisses consacrent 4 000 ETP à la lutte contre la fraude aux prestations sociales, mais aussi à la lutte contre la fraude aux cotisations sociales. Nous sommes dans une logique de normalisation des conditions de travail, avec la perspective d'un retour au niveau de contrôle d'avant-crise, voire à un niveau supérieur.

Sur l'ensemble des cotisations reportées, une dizaine de milliards a été annulée et 23 milliards restent à recouvrer. Quelque 450 000 plans d'apurement ont été envoyés, en commençant par les secteurs les moins touchés par la crise ; nous constatons un très faible taux de rupture dans les discussions ; ces plans s'étalent sur douze à trente-six mois - au lieu de six habituellement ; pour les indépendants, toute dette supérieure à 1 000 euros est apurée a minima sur vingt-quatre mois. La seule difficulté réside dans la communication : parfois, nos mails mettent du temps à être ouverts...

M. Olivier Véran, ministre. - Monsieur Burgoa, 200 millions d'euros d'économies sont prévus en 2022 sur l'ensemble du secteur du dispositif médical, dont les prestataires, les fabricants, les pharmaciens, etc. Malgré cette régulation, on observe une croissance de 5 % par an pour les prestataires.

Madame Cohen, vous avez dû recevoir ce matin le support détaillé du Ségur.

L'Ondam hospitalier tout compris augmente de 4,1 % : l'effort de la Nation pour l'hôpital est conséquent.

Madame Rossignol, oui, il y a des centres dentaires de qualité et d'autres qui sont une calamité - il y a notamment eu de grandes difficultés en Bourgogne-Franche-Comté. N'attendons pas qu'il y ait des dégâts. Certains centres peu vertueux exercent une pression très forte sur des dentistes qui sont souvent étrangers ou ferment la porte pour ouvrir ailleurs, au détriment des dentistes comme des patients. Notre système ne fonctionne pas. Les contrôles et les sanctions ne sont pas suffisants.

Je propose un dispositif de conventionnement a priori explicite afin de s'assurer de la qualité des prestations, avec, comme sanction financière, le cas échéant, le remboursement limité au tarif d'autorité fixé par arrêté et la possibilité d'un déconventionnement. En outre, je souhaite que le régime des sanctions administratives à la main des directeurs généraux d'ARS soit renforcé, avec la possibilité d'une astreinte journalière allant jusqu'à 1 000 euros. Nous allons donc taper beaucoup plus dur et beaucoup plus fort. Il est inadmissible que des centres dentaires massacrent les mâchoires des Français en toute impunité ou presque ! Je sais que les parlementaires des deux chambres sont très sensibilisés sur cette question.

Plusieurs raisons plaident contre l'extension du délai d'IVG dans un PLFSS. Tout d'abord, une telle mesure n'a strictement rien à voir avec un texte budgétaire. Ce ne serait pas satisfaisant sur le plan démocratique et le risque que le Conseil constitutionnel y voie un cavalier social n'est pas minime. La position personnelle que j'ai exprimée sur cette question n'engage pas le Gouvernement, qui n'a pas l'intention de déposer un amendement sur le sujet. Enfin, la mesure pourrait donner lieu au dépôt de milliers d'amendements, ce qui constituerait une mise en danger du texte budgétaire qu'est le PLFSS. Le risque d'obstruction parlementaire est élevé.

Monsieur Vanlerenberghe, les e-prescriptions ont été ouvertes par l'ordonnance du 18 novembre 2020. Nous ne pouvons pas aller trop vite, car la mise en oeuvre du dispositif est techniquement lourde et nécessite énormément de sécurisation. Nous progressons sur ce dossier, mais nous voulons éviter tout risque de plantage.

Madame Lassarade, nous avons pensé au carnet de vaccination électronique. En réalité, l'analyse technique a montré que c'était trop fragile en termes de sécurisation de données et que le système d'information n'était pas suffisamment solide. Néanmoins, je vous rappelle que, au 1er janvier 2022, « Mon espace santé » sera ouvert pour tous les Français. Ce gros carnet de santé électronique, avec système d'e-prescription et de communication numérique, sera une véritable avancée et inclura la question de la vaccination.

La mesure relative à la contention psychiatrique est censurée chaque année par le Conseil constitutionnel. Nous retentons, cette année, de faire passer cette mesure, qui fait consensus dans la profession. Le sujet est extrêmement sensible. Nul doute que nous aurons l'occasion d'en débattre.

La très grande consultation menée auprès de la filière visuelle a montré qu'il n'y avait pas de risque à proposer la mesure relative aux orthoptistes : chacun reste dans son rôle. Il n'y a aucune volonté de nier les compétences des ophtalmologistes ni de négliger le risque de décollement de rétine chez les grands myopes. C'est pourquoi la mesure ne concerne que des personnes plutôt jeunes et en bonne santé. Un amendement intéressant a été adopté hier à l'Assemblée nationale : il précise qu'une primoprescription réalisée par un orthoptiste ne peut être renouvelée sans qu'il y ait un bilan ophtalmologique à un moment donné. Je répète que la mesure proposée est utile et largement sécurisée.

Madame Jasmin, je ne vais pas rouvrir le débat sur le coefficient géographique ; cela prendrait trop de temps... Très concrètement, le rapport que j'avais promis sera transmis cette semaine au Parlement. Il dresse le bilan de la situation actuelle, en transparence. Il propose que l'on adopte une nouvelle méthode de calcul qui soit plus juste et robuste et qui prenne bien en compte l'ensemble des surcoûts liés à l'isolement ultramarin. Cependant, nous avons encore besoin que la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) travaille pour estimer la méthode, qui est plus lourde, pour pouvoir la mettre en oeuvre en 2023. En attendant, nous allons évidemment continuer d'accompagner les établissements.

Enfin, s'agissant des personnels publics, les techniciens de laboratoire passeront en catégorie A au 1er janvier 2022, comme convenu dans le cadre du Ségur. Nous tiendrons cet engagement. Les techniciens des laboratoires privés relèvent de contrats de travail privés. L'État n'a pas vocation à abonder leurs salaires. Ils ont toute ma reconnaissance et je considère que, compte tenu de l'activité réalisée par les laboratoires depuis le début de la crise sanitaire, ils doivent être récompensés, mais je crois que c'est déjà fait dans un grand nombre de cas.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. - Madame Cohen, il y a effectivement eu 10 000 postes depuis 2017, auxquels ce PLFSS ajoute 10 000 autres postes. Nous sommes donc déjà à 20 000.

Notre priorité est de pourvoir les postes qui ne sont pas pourvus actuellement. C'est l'urgence. Avec les 2,8 milliards d'euros de revalorisation salariale et le plan métiers que nous travaillons en amont, nous sommes justement en train d'essayer de répondre point par point à ces demandes exigeantes et légitimes.

Madame Meunier, la réponse aux enjeux du grand âge repose sur deux piliers. Je pense que vous partagez cette vision, si je me réfère à l'excellent rapport d'information que vous avez rédigé avec le sénateur Bernard Bonne, qui nous a inspirés. Nous sommes en train de mettre en place le modèle danois.

Il s'agit, d'une part, de réaliser le virage domiciliaire et, d'autre, part, de conforter, de rénover et, surtout, de moderniser les Ephad. Depuis l'année dernière, nous « mettons le paquet » sur le domicile, pour faire en sorte que les métiers répondent à la demande des Français. Pour réagir à vos inquiétudes sur l'investissement dans les Ehpad, je veux vous indiquer que j'ai envoyé une circulaire très précise à toutes les ARS, qui travailleront avec les territoires, et j'ai demandé aux départements et aux préfets de m'informer des projets, grands ou petits. Si les Ehpad sont très divers, chacun aura voix au chapitre. Par endroits, l'enveloppe relative aux petits équipements permet d'aider le personnel, dont la pénibilité du travail doit être reconnue, aussi bien que les résidents et leurs aidants. Il y a aussi un volet numérique. Nous avons mis en place des aides très rapides pour des petits projets, pour faciliter une déclinaison rapide sur les territoires.

Monsieur Chasseing, nous n'attendons pas 2025 pour revaloriser les soignants ! Nous avons commencé l'année dernière. Nous le faisons à hauteur de 400 millions d'euros chaque année.

Monsieur Vanlerenberghe, le coût du tarif plancher à 22 euros s'élève à 240 millions d'euros.

La création d'Ehpad centres de ressources fera l'objet d'un appel à projets des ARS, en lien étroit avec les départements, suivant la même logique de territoire que pour les investissements.

Madame Jasmin, vous avez raison, il faut être très vigilant sur le prix des prestations dans les Ehpad. Soyez assurée que nous le sommes. Nous travaillons étroitement avec la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pour améliorer la lisibilité notamment des prix des prestations, pour éviter les abus dont pourraient être victimes les résidents, qui sont particulièrement vulnérables.

Madame Apourceau-Poly, sur l'avenant 43, le financement de l'État est bien pérenne, car il est prévu dans la loi. La compensation à 50 % sera bien maintenue ; je m'y engage. Nous avons répondu, pour ce qui concerne les services privés commerciaux que vous évoquez, à la demande des présidents de conseil départemental, avec le tarif national plancher qui doit leur permettre d'engager le dialogue social que nous souhaitons pour revaloriser leurs personnels.

Le financement de la branche est bien financé et permettra de faire face aux enjeux du futur.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Madame la ministre déléguée, Messieurs les ministres, nous vous remercions de vos réponses. Nous continuerons bien évidemment notre discussion lors de l'examen du PLFSS.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 13 h 00.