Mardi 22 février 2022

- Présidence de Mme Catherine Deroche, présidente -

La réunion est ouverte à 9 h 00.

Mission d'information sur l'adéquation du passe vaccinal à l'évolution de l'épidémie de covid-19 - Audition de M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Mme Catherine Deroche, présidente. - Dans le cadre de la mission d'information sur l'adéquation du passe vaccinal à l'évolution de l'épidémie de covid-19, nous entendons ce matin M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé.

J'indique que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo qui sera retransmise en direct sur le site du Sénat et disponible en vidéo à la demande.

Je salue ceux de nos collègues qui participent à cette réunion à distance.

Je rappelle que l'objet de notre travail n'est pas de refaire le débat sur le passe vaccinal. Ce débat a été tranché par le Sénat, qui l'a adopté à une large majorité. Notre sujet est plutôt de vérifier qu'un instrument conçu dans un contexte donné, celui du variant Delta, est toujours adapté, quelques semaines plus tard, alors que nous avons, avec le variant Omicron, « changé d'épidémie ». L'annonce par le Premier ministre d'un calendrier d'allègement de certaines mesures avant même l'entrée en vigueur du passe vaccinal a nourri ces interrogations.

Notre objectif de ce jour est de reprendre rapidement avec vous les objectifs assignés à cet outil et, au regard des indicateurs définis pour le piloter, d'en évaluer la mise en oeuvre.

Il s'agit également d'examiner où en sont ces mêmes objectifs et indicateurs aujourd'hui et de vérifier, selon l'intitulé de notre mission, leur adéquation à l'évolution de l'épidémie.

Nous sommes par ailleurs dans un environnement où nos voisins tendent à gérer désormais l'épidémie comme une endémie et lèvent progressivement la totalité de leurs mesures de restriction. Vous avez vous-même fait des annonces dont nous souhaiterions savoir sur quelles données exactes elles se fondent.

Nous espérons que votre parole sera précise et libre. Vos collaborateurs que nous avons entendus ont, certes, une vision globale et l'art de la synthèse, mais on ne peut pas dire qu'ils nous aient noyés sous les détails...

Je vous demanderai de vous exprimer en quelques minutes maximum, afin de laisser le plus de temps possible aux échanges. Je demanderai à chacun, intervenants et commissaires, d'être concis dans les questions et les réponses.

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Olivier Véran prête serment.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. - Je vous remercie de votre invitation. Je pourrai ainsi vous rendre compte de la mise en oeuvre du passe vaccinal et m'exprimer sur son adéquation à l'évolution de la situation sanitaire liée à l'épidémie de la covid-19. Je commencerai par donner quelques éléments de contexte.

À la mi-décembre 2021, lorsque la transformation du passe sanitaire en passe vaccinal a été décidée, notre pays était confronté à une situation sanitaire qualifiée de « très préoccupante », caractérisée par des contaminations au variant Delta situées à un plateau élevé, et associée à des tensions hospitalières déjà importantes, en termes tant d'hospitalisation conventionnelle que de soins critiques.

Nous devions par ailleurs faire face au début de la circulation du fameux variant Omicron, sur lequel nous ne savions pas grand-chose, sinon qu'il avait engendré une flambée de contaminations parmi les pays confrontés plus tôt que le nôtre à cette nouvelle forme de SARS-CoV-2.

Face à cette situation, et compte tenu de l'efficacité de la vaccination pour réduire les formes graves, intégrant la nécessité d'une dose de rappel, le Gouvernement a décidé à la fois d'amplifier les mesures de protection dans les lieux à risque et d'inciter encore davantage à la vaccination en transformant le passe sanitaire en passe vaccinal. Il s'agissait de recentrer le dispositif sur un schéma vaccinal dit « complet » contre la covid pour permettre l'accès à certains établissements et lieux recevant du public.

Cette décision reposait fondamentalement sur l'état des connaissances sur le virus et les mesures adaptées pour lutter contre l'épidémie, en particulier le rôle majeur, pleinement étayé, de la vaccination pour protéger et limiter les conséquences d'une forte circulation du virus. Celle-ci était accélérée par la période hivernale ainsi que par la contagiosité accrue du variant Omicron. Devant un tel niveau de circulation du virus, le passe sanitaire ne permettait pas de prévenir la présence de personnes non protégées susceptibles de développer des formes graves dans des lieux associés à un risque accru de contaminations.

Cette décision s'appuyait aussi sur le retour d'expérience du passe sanitaire et ses effets importants sur la dynamique vaccinale au cours de l'été 2021. Il s'agissait non pas d'une rupture dans notre stratégie, mais du prolongement logique du passe sanitaire tel qu'il avait été mis en place par la loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire, puis étendu par la loi du 5 août 2021. Dans le cadre prévu par le législateur, nous avions d'ailleurs renforcé progressivement l'incitation à la vaccination, en mettant fin à la mi-octobre à la prise en charge intégrale et généralisée des tests de dépistage virologique, en réduisant fin novembre à vingt-quatre heures la durée de validité des tests de dépistage admis dans le cadre du passe sanitaire. En d'autres termes, il était pleinement cohérent de franchir une étape supplémentaire dans le soutien à la vaccination compte tenu des circonstances épidémiques et dès lors que ce moyen contribuait à réduire durablement et efficacement les conséquences sanitaires d'une forte circulation du virus. Cette étape avait même été déjà franchie dès la fin du mois de septembre pour les déplacements en Nouvelle-Calédonie, avec le dispositif législatif du « passe frontières ».

Par ailleurs, cette évolution a été complétée par d'autres mesures de gestion de crise et de freinage de court terme face à la cinquième vague. Je pense au renforcement de prévention, aux règles d'arrivée sur le territoire national ou vers les outre-mer depuis l'étranger, au recours au télétravail ou au développement massif du dépistage.

La transformation du passe sanitaire en passe vaccinal a donc constitué l'une des réponses juridiques à l'évolution de la situation sanitaire, dont il ne faudrait pas surestimer l'ampleur par rapport au dispositif antérieur. Lors de certaines auditions, d'aucuns ont regretté que le passe vaccinal ne soit pas mis en place plus rapidement. Mais, dès lors que le dispositif relève du domaine de la loi s'agissant du passe dit « activité » , l'adoption d'un texte législatif était incontournable pour le passe vaccinal. Je souligne que, entre l'annonce faite par le Premier ministre le 17 décembre et la présentation du projet de loi en conseil des ministres, il n'a fallu que dix jours. Cette prouesse institutionnelle a nécessité une très forte mobilisation de tous les services concernés ainsi que du Conseil d'État.

En outre, le texte a été examiné en commission par l'Assemblée nationale dès le 29 décembre, ce qui est tout à fait exceptionnel. En raison du temps requis par la navette parlementaire, puis par la saisine du Conseil constitutionnel, nous avons pu mettre en place le passe vaccinal à compter du 24 janvier, juste après sa promulgation.

Dans les catégories d'établissements et de lieux prévus par la loi du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique, il faut désormais présenter la preuve d'un schéma vaccinal complet, un certificat de contre-indication ou un certificat de rétablissement. En outre, depuis le 15 février, le délai dans lequel la dose de rappel doit être effectuée à compter de la dernière injection pour conserver un schéma vaccinal complet a été ramené à quatre mois.

Nous sommes le 22 février. Avec une durée d'application d'à peine un mois, et alors que ce dispositif est toujours en cours de mise en oeuvre, le recul manque pour procéder à une évaluation complète et rigoureuse. Peut-on néanmoins considérer que le passe vaccinal a contribué utilement à la lutte contre l'épidémie ? Oui, incontestablement. Il nous a permis de renforcer la protection d'un certain nombre de lieux de brassage et de progresser sur la primovaccination d'une partie de la population, tout en favorisant une campagne de rappel massive pour ceux qui avaient déjà complété leur schéma vaccinal.

En moyenne, plus de 30 000 primo-injections ont ainsi été réalisées chaque jour entre le 8 et le 15 janvier 2022, soit un niveau record par rapport à l'automne. Depuis la mi-janvier 2022, la dynamique s'est atténuée, mais nous réalisons toujours en moyenne 12 000 injections par jour. Toute primovaccination supplémentaire est une bonne nouvelle ; c'est un progrès en matière de protection individuelle, mais aussi collective, en particulier pour ceux de nos concitoyens qui sont susceptibles de développer des formes graves.

Les complétions de schémas vaccinaux en cours ont également enregistré une augmentation à la suite de l'annonce du dispositif, passant de 25 000 par jour en novembre et début décembre, à plus de 35 000 fin décembre et début janvier. Cela démontre l'utilité du passe pour accompagner l'achèvement du parcours vaccinal de ceux qui s'étaient engagés plus tardivement dans cette démarche et hésitaient à la mener à son terme.

Enfin, en matière de rappel, le rythme des injections a connu une augmentation considérable entre fin novembre et début janvier, à la suite des différentes mesures prises par le Gouvernement. Certains jours, 600 000 voire 700 000 injections ont été réalisées. Au 20 février, 38,5 millions de personnes avaient ainsi fait leur rappel, contre 18 millions au 17 décembre - plus de 20 millions de rappels en deux mois.

Grâce à cette couverture vaccinale très élevée, les effets de la cinquième vague Omicron sur notre système de santé ont pu être contenus, sans que nous ayons à prendre des mesures de restriction généralisées, à l'inverse de certains pays européens - le benchmark réalisé à ce sujet est très évocateur.

La vaccination nous permet également de procéder sereinement, depuis le début du mois de février, à l'assouplissement progressif des mesures de freinage, tout en conservant un niveau élevé de protection. Le 2 février, les jauges ont ainsi été levées dans les établissements culturels et sportifs accueillant du public assis. De plus, le télétravail n'est plus obligatoire, mais reste recommandé. Il revient aux entreprises de maintenir le bon niveau dans le cadre de leur dialogue social interne.

Le 16 février, nous avons franchi une nouvelle étape d'assouplissement concernant notamment la consommation debout dans les restaurants et les débits de boissons, ainsi que la réouverture des discothèques. Le Gouvernement a par ailleurs annoncé qu'une évolution du protocole sanitaire en population générale serait mise en oeuvre à compter du 28 février pour le dépistage et le port du masque dans les lieux où ce dernier est requis, compte tenu de l'amélioration de la situation sanitaire.

Enfin, si cette trajectoire positive se confirmait, en particulier sur les tensions hospitalières et la circulation du virus, nous pourrions envisager une levée du passe à la mi-mars dans tout ou partie des lieux où il est mis en place. Nous voulons accompagner l'évolution de l'épidémie sur les plans épidémique et hospitalier. Nous voulons conserver une grande prudence, une certaine progressivité dans les prochaines semaines. En procédant par paliers, nous pourrions prévenir de nouvelles contaminations risquant de se produire du fait d'un relâchement trop rapide des mesures actuelles. En effet, si la circulation du virus a fortement diminué depuis plusieurs semaines, notre système de santé reste très exposé. Je veux saluer à nouveau l'engagement de tous les personnels, soignants et non-soignants, de tous les établissements de santé, sociaux et médico-sociaux qui sont extrêmement mobilisés depuis deux ans.

C'est toujours avec le souci d'assurer la sécurité des Français que nous avons agi, afin de prendre des mesures proportionnées eu égard à l'évolution rapide des connaissances sur ce virus et la dynamique de l'épidémie. Dans ce contexte, le passe sanitaire, devenu passe vaccinal dans la plupart des lieux et pour la majorité des publics qui y étaient soumis, a permis d'enrichir le panel de mesures de prévention. En renforçant celles-ci pour la fréquentation de ces lieux, en soutenant la vaccination, il a fortement contribué à la protection de la santé de nos concitoyens. C'est l'objectif qui nous guide depuis le début de la gestion de cette crise sanitaire. C'est avec optimisme et vigilance que nous continuerons à être pleinement mobilisés dans les prochaines semaines.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Merci monsieur le ministre. Lors des premières auditions, nous avons compris que la transformation du passe sanitaire en passe vaccinal était un moyen de booster la vaccination sans la rendre obligatoire, pour éviter des contrôles délicats. Confirmez-vous cette interprétation ?

M. Olivier Henno, rapporteur. - Monsieur le ministre, pouvez-vous préciser les trois principaux indicateurs qui vous permettent de suivre l'utilité du passe vaccinal ? Au regard des restrictions qu'il implique, le Gouvernement a-t-il mis en place des outils pour suivre les effets du seul passe vaccinal sur la situation sanitaire ?

Sur la situation hospitalière, combien de plans blancs sont encore aujourd'hui activés ? Combien d'établissements sont encore contraints à des déprogrammations ? Sous quels délais celles-ci seraient-elles résorbées ?

M. Olivier Véran, ministre. - Nous avons beaucoup débattu de l'obligation vaccinale ; c'était une option qui pouvait dépasser les clivages politiques traditionnels. J'ai compris ce débat et vous rappellerai les arguments que j'y avais opposés.

Il portait d'abord sur les outils de contrôle : certains, y compris au Sénat, proposaient l'obligation vaccinale, mais sans contrôle et sans sanctions. Dans ce cas, ce n'est plus une obligation ; c'est un voeu pieux ! Quelles auraient été les diverses formalités du dispositif : sonner à la porte des habitants, effectuer des contrôles de rue aléatoires ou prévoir des amendes de 100 euros ? Une personne très éloignée du système de santé serait-elle éligible au contrôle ? Probablement non : étant isolée de tout système et de tout professionnel de santé - pharmacien, infirmier, etc. -, le risque, ou la chance, serait faible qu'elle soit contrôlée. Pour les plus opposés au vaccin et les adeptes d'une forme de complotisme, une amende n'aurait strictement aucun impact sur leurs représentations concernant les dangers imaginaires pour l'organisme.

En outre, l'obligation vaccinale n'aurait pas eu d'impact tout de suite. Or il fallait agir immédiatement quand la vague Delta était très haute et la vague Omicron montait. Si nous avions mis en place une obligation vaccinale, nous aurions, comme les autres pays, fixé un délai à trois mois. Et nous serions aujourd'hui en train de nous poser la question de la mise en oeuvre pratique de cette obligation, assortie des contrôles et des sanctions éventuelles. Nous serions donc arrivés après la bataille !

J'en viens aux indicateurs.

Le principal est que les hôpitaux retrouvent un fonctionnement normal et qu'ils ne déprogramment plus les interventions prévues. Certains hôpitaux le font déjà, comme à Nice, depuis dix jours. Indépendamment des manques d'effectifs qui peuvent toujours se poser, la charge que représentent les patients covid ne modifie pas l'organisation des soins. Mais ce n'est pas le cas partout. Il m'est très difficile de vous donner des chiffres précis sur le nombre d'hôpitaux encore concernés par un plan blanc ou sur les déprogrammations. Néanmoins, nous suivons l'état des lieux avec une grande attention en interpellant les établissements. Je peux d'ores et déjà vous indiquer que la charge sanitaire est très importante. Plus de 2 900 patients covid occupent la moitié des lits de réanimation. Et, quand on sait que près de 30 000 patients covid sont en lits de médecine, le fonctionnement des hôpitaux en pâtira nécessairement de façon importante. Le Conseil scientifique consacré à la covid-19 suggère que, pour revenir à la normale, nous redescendions aux alentours de 1 500 patients covid en réanimation. Au rythme actuel, nous pourrions y parvenir d'ici deux à trois semaines.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Quand vous parlez des « patients covid », entendez-vous cette expression au sens strict ou comptez-vous les patients dits « covid accessoires » ?

M. Olivier Véran, ministre. - Vous avez raison de souligner cette différence, madame la présidente. L'écart peut effectivement se révéler important s'agissant des patients hospitalisés en soins conventionnels. Il est beaucoup plus restreint en soins critiques et tend à se réduire, puisque, moins le virus circule, moins il peut atteindre un patient hospitalisé pour une autre affection.

Le deuxième indicateur est la dynamique épidémique. Selon le Conseil scientifique, le facteur R de reproduction du virus doit être durablement inférieur à 1, c'est-à-dire que l'on se trouve sur une pente décroissante. De plus, le taux d'incidence doit être assez faible, de 300 à 500 cas au maximum. Nous aurons alors franchi le Rubicon. Là aussi, cela devrait se produire d'ici deux à trois semaines maximum. C'est une bonne nouvelle que l'on entrevoit grâce à la décrue de l'épidémie et aux sorties d'hospitalisation. Néanmoins, 290 décès ont été enregistrés hier. Ce nombre est élevé, qui correspond à 10 % de la mortalité routière annuelle. Et, comme chez nos voisins européens, le décompte des décès ne paraît plus central pour un certain nombre de nos concitoyens. À ceux qui disent qu'Omicron n'entraîne pas de cas graves, je réponds qu'il existe peu de maladies qui font 250 à 280 morts par jour dans un pays ! La covid continue de sévir, mais la population bénéficie heureusement de la protection de la vaccination.

Quels sont les effets du passe sur la situation sanitaire ? Un mois, c'est trop tôt pour que je puisse vous répondre. Toutefois, il est acquis que le passe sanitaire a sauvé des vies, évité de très nombreuses hospitalisations et réanimations. Selon l'étude publiée par le Conseil d'analyse économique (CAE) en janvier 2022, nous avons, grâce au passe sanitaire, gagné 13 points de vaccination, évité 4 000 décès, 32 000 hospitalisations et 45 % d'admissions en soins critiques à la fin de 2021. Je considère donc que le passe vaccinal aura un effet positif sur la situation sanitaire.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Les déprogrammations sont variables d'un hôpital à l'autre. Je suis quelque peu surprise du manque d'indicateurs en la matière. Cet état n'est pas nouveau, mais pourquoi n'a-t-on pas instauré des tableaux d'indicateurs réguliers pour se doter d'une vision globale des ressources humaines ? Lorsque nous interrogeons la direction générale de l'offre de soins (DGOS), celle-ci nous renvoie à la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES). Le problème est similaire dans l'éducation nationale pour les données relatives aux enseignants.

M. Olivier Véran, ministre. - Factuellement, vous avez raison. Je suis arrivé à la tête d'un ministère qui fonctionne très bien, qui dispose de tonnes de chiffres, mais qui souffre aussi de données manquantes. À cet égard, j'ai dû répondre à une allégation fausse sur les 20 % de lits fermés ! Mais il a fallu diligenter des enquêtes spécifiques et faire remonter des données pour le démontrer. Entre-temps, il s'est écoulé plusieurs semaines. Le constat est le même sur les déprogrammations.

Attention : plus nous voulons de données nationales précises en temps réel, plus les charges administratives pesant sur les équivalents temps plein (ETP) des milliers d'hôpitaux augmentent. Or le discours ambiant, auquel j'adhère, ne s'oriente pas vers l'augmentation des personnels administratifs dans les hôpitaux. Nous préconisons plutôt un pilotage raisonné et pragmatique via des indicateurs de processus, par exemple pour le nombre des consultations d'anesthésie.

Mme Chantal Deseyne, rapporteur. - Avant la promulgation de la loi, monsieur le ministre, vous aviez annoncé, avec le Premier ministre, lors d'une conférence de presse, une levée progressive des restrictions. Je pense au 2 et au 16 février, date de réouverture des discothèques. Sur quelles bases scientifiques vos annonces reposent-elles ?

Sur le seuil de 1 500 lits en soins intensifs, vous avez répondu à mon interrogation.

Disposez-vous d'éléments sur le sous-variant BA.2 ? Quelles sont les évolutions possibles ? Des simulations ont-elles été effectuées ? Risque-t-on de retomber dans une épidémie débordante ?

Depuis une dizaine de jours, très peu d'informations sur notre situation sanitaire sont diffusées dans les médias. Jusqu'alors, les décès et les détails de l'engorgement des services de réanimation étaient quotidiennement rapportés. Est-ce une volonté délibérée ? Le virus a-t-il disparu et la vie normale reprend-elle ses droits ?

M. Olivier Véran, ministre. - Sur la place de l'épidémie dans l'agenda public, il ne me revient pas de vous répondre. Je continue de communiquer. Je l'ai fait dimanche, et quelques jours auparavant dans une émission, où il a été question quasi exclusivement de la covid. C'est également le cas lors des revues de presse quotidiennes.

On sent que la population est à la fois lasse et rassurée. Nous sommes plus inquiets avant la vague que lorsqu'elle est passée. Quand elle commence à monter, la panique s'exprime durant dix jours, avant que l'on se rende compte que le système hospitalier tient grâce aux soignants, qui sont exceptionnels. Puis, un relâchement a lieu. À la fin décembre, le variant Omicron a suscité l'inquiétude du fait de sa grande contagiosité. J'avais dit en toute transparence qu'il ne servait à rien de fermer les bars et les restaurants. Les Pays-Bas ont fait le choix opposé, et, lors de leur réouverture, les effets de la vague se sont produits à retardement, comme en Allemagne. C'est l'incertitude qui crée de l'anxiété. Or, au début de la vague, personne n'a de réponse. C'est le propre des épidémies qui déferlent avec des virus inconnus susceptibles de muter.

On a fait le plus dur, mais je reste prudent, car des variants nouveaux pourraient nous imposer de revenir à des dispositifs que nous allégeons progressivement. Les Français l'ont parfaitement compris. Il est moins nécessaire d'aller chercher les informations quand on a parfaitement appréhendé les tenants et les aboutissants d'une telle épidémie.

Quels sont les critères d'allégement ? Les mesures de freinage visent plusieurs objectifs. On veut d'abord limiter les risques de clusters, de contaminations diffuses massives en évitant les regroupements dans les établissements accueillant du public et, partant, un échappement du suivi de la maladie. On veut ensuite éviter que les plus fragiles, mêmes vaccinés, soient en contact avec des non-vaccinés, potentiellement contaminants. D'où la logique de l'obligation vaccinale des soignants. Des mesures sont toujours valables même lorsque le virus circule moins. Pour d'autres, le bénéfice-risque est moins évident.

Le variant Omicron a contaminé près de la moitié de la population. Dès lors, le niveau d'immunité populationnelle, outre la vaccination, permettait d'anticiper une régression du virus et des mesures d'allégement. Ce fut le cas au printemps 2020, lorsque le Président de la République a annoncé le futur déconfinement le 11 mai. Nous prenons nos décisions en fonction des modélisations des courbes, de l'Institut Pasteur, etc. Voilà pourquoi je dis que, d'ici à la mi-mars, peut-être un peu avant ou un peu après, nous aurons rempli les critères pour pouvoir enfin alléger le port du masque à l'intérieur et le passe vaccinal dans tout ou partie des lieux qui l'appliquent aujourd'hui.

Selon les dernières simulations, le variant BA.2, qui est un siamois de l'Omicron, serait responsable de 50 % des contaminations. Pour les scientifiques, il n'est pas associé au risque d'un rebond épidémique.

Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Ma question porte sur la situation chez nos voisins européens. Vous avez parlé de benchmarking, en donnant quelques exemples. Vous avez exposé les mesures que vous envisagez de lever en fonction de l'état sanitaire des autres États européens.

Je continue, en revanche, de m'interroger sur la situation des plus vulnérables. M. Niox-Chateau, que nous avons auditionné jeudi dernier, était un peu moins optimiste que vous : il a évoqué 5 000 vaccinations par jour, et non 12 000.

M. Olivier Véran, ministre. - Sur Doctolib.

Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Oui.

M. Olivier Véran, ministre. - Ils ont une part importante des prises de rendez-vous, mais ils n'en ont pas l'exhaustivité.

Mme Michelle Meunier, rapporteure. - C'est néanmoins symptomatique : beaucoup de ceux qui devraient faire leur rappel en avril sont hésitants face à la vaccination. Ce phénomène risque d'entraîner une perte de chance pour cette catégorie.

Enfin, quelles mesures comptez-vous mettre en place pour les personnes fragiles ou immunodéprimées lors de la levée des restrictions ?

M. Olivier Véran, ministre. - Les mesures de freinage ont beaucoup été débattues au Parlement, car elles entraînent des conséquences sur l'ensemble de la société. Le passe vaccinal a soulevé de la crainte, de l'opposition, voire de la colère, mais nous l'avons mis en place pour des raisons bien précises et proportionnées. Dès que nous pouvons lever une mesure vécue comme une contrainte, nous le faisons. Il nous est déjà arrivé de proposer d'enlever le masque, puis de demander plus tard de le remettre. Le retrait du masque en mars pourrait avoir des incidences sur quelques milliers de Français, mais ce nombre n'est sans doute pas très important compte tenu du rythme de vaccination de rappel.

Le maximum de couverture, nous l'avons acquis. Cela ne doit pas empêcher la primovaccination des plus fragiles et des plus éloignés. La France est le premier pays en Europe à mettre à disposition le traitement préventif Evusheld pour 15 000 patients, des anticorps monoclonaux curatifs pour 4 000 patients, et le Paxlovid à plus de 1500 malades. Les immunodéprimés ne doivent pas être les victimes invisibles de cette pandémie ! Avec les non-vaccinés, ce sont eux que l'on retrouve en réanimation.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Sur les rappels, on pensait, au départ, qu'une première dose, suivie d'une seconde un mois plus tard, permettrait une protection longue, ce qui n'a finalement pas été le cas. On préconise désormais une troisième dose au bout de quatre mois. Il a même pu y avoir, notamment en Israël, qui était en avance sur ces questions, un débat sur l'opportunité d'une quatrième dose.

On peut comprendre que cette perspective de vaccins répétés puisse inquiéter nos populations. Vous avez vous-même évoqué une forme de « fatigue vaccinale », qui, pour l'instant, fait écarter une quatrième dose. C'est audible sur les plans psychologique ou sociologique ; ça l'est moins sur le plan scientifique.

Nous avons entendu, dans le cadre de cette mission, Santé publique France. Lors de son audition, sa directrice nous a indiqué qu'elle était chargée de collecter et d'agréger les données épidémiologiques, mais qu'elle n'avait pas pour mission d'être associée à des décisions de gestion de crise et qu'elle n'avait notamment pas reçu de sollicitation spécifique pour le passage du passe sanitaire au passe vaccinal.

Or la loi assigne de larges missions à Santé publique France. Comment le Gouvernement sollicite-t-il celle-ci pour éclairer les décisions prises dans le cadre de la gestion de la crise ? L'agence a-t-elle des moyens trop limités pour faire face à une crise sanitaire ?

Nous avons demandé à la Cour des comptes de réaliser une enquête sur Santé publique France, pour évaluer son financement, son fonctionnement, ses moyens et ses missions depuis sa création. Pouvez-vous nous dire quelques mots à ce sujet ?

M. Olivier Véran, ministre. - Lors d'une émission, j'ai parlé de « fatigue vaccinale », parce que ce concept apparaît dans un rapport qui nous a été remis par une autorité scientifique chargée de nous guider. C'est, selon cette dernière, un paramètre dont il faut tenir compte, mais ce n'est pas le paramètre principal.

Je vais être très clair, madame la présidente : s'il y a un variant dangereux en circulation qui nécessite de revacciner toute la population et si nous disposons d'un vaccin efficace, la main ne tremblera pas. Il y va de l'intérêt, de la sécurité et de la santé de la population.

Le contexte a changé : nous sommes à la fin d'une vague, avec un variant moins dangereux, un très haut niveau de protection vaccinale de la population, un très haut niveau de contamination, mais très peu de formes graves, et des vaccins disponibles, efficaces pour éviter les formes graves, mais en cours de développement en vue de les adapter aux derniers variants. C'est en raison de ce contexte que ceux qui nous conseillent nous disent qu'il n'est pas nécessaire aujourd'hui de proposer une quatrième dose à la population générale. Il se trouve que, par ailleurs, ils estiment que cela évitera de renforcer le phénomène de fatigue vaccinale qui se fait jour chez certaines personnes.

Quand on est fragile, c'est tous les ans que l'on se vaccine contre la grippe : ainsi font plus de 10 millions de nos concitoyens. C'est le réflexe du mois d'octobre.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Avec le covid, c'est trois vaccins dans l'année...

M. Olivier Véran, ministre. - Parce que ce virus crée plusieurs vagues dans l'année ! Si la grippe mutait pour provoquer quatre ou cinq vagues potentiellement mortelles par an, nous aurions aussi des rappels vaccinaux contre la grippe plus réguliers. Nous nous adaptons.

Le vaccin est une chance. Il est gratuit, disponible partout, bien toléré, très efficace. La planète entière se vaccine. Je n'ai jamais considéré que le vaccin devait être vu comme une charge, un handicap ou une malédiction. C'est tout l'inverse.

On regrette régulièrement qu'il n'y ait pas assez de prévention dans notre pays et que l'on soit dans le tout-curatif : le vaccin relève, par excellence, de la médecine préventive.

Madame la présidente, Santé publique France n'a pas pour rôle de prendre des décisions, d'éclairer directement ou d'orienter les prises de décision. Ce rôle revient à la direction générale de la santé, qui chapeaute SPF. Santé publique France est un organisme de veille sanitaire, de veille épidémiologique, qui fournit et traite des données qui permettent ensuite d'orienter les prises de décisions. Il est donc normal que la directrice générale de SPF n'ait pas d'avis à rendre s'agissant de la stratégie vaccinale de notre pays et encore moins concernant le passe.

Il ne vous aura pas échappé que notre paysage est déjà assez bariolé en matière d'agences et de structures sanitaires. Le ministre de la santé, dont fait partie la direction générale de la santé, chapeaute l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, Santé publique France et d'autres agences d'État. Les agences régionales de santé (ARS) sont chargées de mettre en place, au niveau déconcentré, les mesures décidées nationalement et des procédures innovantes et de gérer la vaccination.

Il existe également une autorité indépendante, la Haute Autorité de santé, qui ne répond pas au ministre, mais que nous pouvons saisir pour qu'elle nous remette, en transparence et en parfaite indépendance, des avis scientifiques. Nous l'avons agrémentée d'un Conseil d'orientation de la stratégie nationale, piloté par le professeur Alain Fischer. Comme je l'ai déjà expliqué, j'ai souhaité que ce ne soient pas les mêmes acteurs qui anticipent, évaluent, mettent en place et contrôlent, mais que plusieurs acteurs différents puissent intervenir, avec des missions différentes, d'où la création du Conseil scientifique, qui est, en toute indépendance - la loi lui a conféré un statut -, chargé d'émettre des recommandations et de guider les politiques publiques.

J'ajoute à cela tous les organes, extrêmement utiles et efficaces, comme le Haut Conseil de la santé publique.

Le paysage est donc déjà assez chargé. On ne va pas confier la même mission à deux agences différentes, surtout quand l'une est placée sous la direction de l'autre.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Il est vrai que nos concitoyens sont partagés sur la question du vaccin. Je pense qu'il faut poursuivre la communication à ce sujet. Comme on nous a expliqué ce que Louis Pasteur a fait contre la rage, il faut continuer à expliquer, dans les écoles, dès le plus jeune âge, combien la vaccination est importante, que le vaccin n'est pas un ennemi. Les discours tenus par certains, parfois avec une capacité de persuasion incroyable, sont désastreux. Les personnes naïves sont à leur merci.

Il faut absolument continuer de communiquer sur les vaccins. La recherche a permis de trouver, par exemple, un vaccin contre les méningites. L'existence d'un tel vaccin est un réel soulagement quand on connaît les ravages que peuvent faire ces maladies sur les enfants.

Il faut également communiquer sur toutes les mesures d'hygiène que l'on a mises en place sous l'effet de la pandémie. Il faut que l'on garde des réflexes d'hygiène - nous en étions loin -, comme le lavage des mains ou la protection des aliments dans les magasins, contre les postillons des clients par exemple.

Dans certains lieux et sous certaines conditions, il faudra continuer à porter le masque. Monsieur le ministre, quelles seront les conditions pour pouvoir enlever le masque à l'intérieur ? Certains de nos concitoyens s'interrogent. En particulier, des personnes exerçant un travail physique s'inquiètent de devoir porter le masque toute leur vie.

M. Olivier Véran, ministre. - La France a dû, au début de ce mandat, se doter d'une loi pour instaurer l'obligation vaccinale contre des maladies infantiles qui auraient dû disparaître et qui revenaient de façon galopante. Notre pays n'est pas celui, tant s'en faut, qui affiche le meilleur taux de couverture vaccinale contre la covid chez les enfants. Donc, oui, notre pays, le pays de Pasteur, doute, mais il se laisse convaincre, puisque le taux d'intentions vaccinales, qui s'élevait à moins de 40 % de la population avant la vaccination de Mauricette, est monté, quelques jours plus tard - surtout quand la peur de manquer est devenue importante -, à 70 % . Le taux de couverture vaccinale est désormais si élevé que j'aurais cru impossible de l'atteindre en début de campagne vaccinale : si l'on vous avait annoncé que 54 millions de Français seraient vaccinés contre la covid, vous m'auriez répondu que nous étions trop ambitieux...

Cependant, nous ne nous sommes pas laissé convaincre de la même manière concernant les enfants, compte tenu du contexte épidémique et du sentiment qu'Omicron n'est pas grave chez les enfants. Je le répète : il y a des enfants à l'hôpital. Il y a même, statistiquement, beaucoup plus d'enfants à l'hôpital du fait de la non-vaccination. C'est un point majeur, madame la rapporteure générale. Je ne sais pas dans quel autre contexte on accepterait l'idée qu'il n'est pas si grave que 500 enfants soient hospitalisés quand l'hospitalisation était évitable.

Vous avez raison sur le maintien de l'hygiénisme. Les gens en ont assez qu'on leur parle de leur santé, mais il faudra conserver un certain nombre de réflexes. Il nous a toujours semblé étrange que les habitants des pays d'Asie portent le masque au début des épidémies, mais c'est peut-être un réflexe qu'acquerront un certain nombre de nos concitoyens. Cela dit, je nous vois mal imposer le masque l'hiver parce que la grippe arrive. Néanmoins, je rappelle que, en 2020, du fait de la distanciation sociale, nous n'avons eu ni gastro-entérite, ni grippe, ni bronchiolite. Au-delà de la covid, beaucoup de vies ont été sauvées grâce à ces mesures. Cependant, nous devons continuer à vivre, et je pense que l'ère de la fin de la distanciation sociale est bientôt arrivée.

Sur le masque en intérieur, un Conseil de défense et de sécurité nationale, qui se tiendra peut-être la semaine prochaine, devra statuer sur l'état sanitaire et épidémique, et décider de la suite de l'allègement de deux grandes mesures : le passe vaccinal et le port du masque là où il est encore obligatoire et où il le restera en date du 28 février. On peut raisonner « en bloc », en supprimant ces mesures, ou tenir compte de graduations, de niveaux de risque, pour créer un nouveau palier : par exemple, conserver le passe vaccinal encore quelques semaines pour les discothèques et les bars dansants, là où les risques de clusters et de contamination sont plus importants, et le supprimer ailleurs, ou le maintenir dans des établissements recevant du public ou à l'occasion de certains grands événements se tenant en intérieur, réunissant beaucoup de monde et occasionnant beaucoup de brassage. Ce ne sont que des possibilités ; je n'ai pas de réponse. C'est au Conseil de défense et aux autorités scientifiques, que nous pouvons saisir en ce sens, de nous guider.

Le masque en intérieur a vocation à disparaître dans tout ou partie des lieux fermés. Cela dit, deux questions resteront en suspens : instaure-t-on un palier ? Supprime-t-on le port du masque partout, ou le maintient-on encore quelque temps, pour être certains d'avoir véritablement écrasé le virus, dans les lieux où le risque de transmission est le plus fort, à savoir les transports en commun et les salles de classe ?

Vous imaginez bien qu'il est compliqué de demander à des enfants de continuer à porter le masque en classe quand les adultes n'auraient plus à le porter en entreprise. Cela nécessite une réflexion très poussée, qui enjambe les questions sanitaires pour aller vers des questions éthiques et de tolérance sociétale. C'est tout l'objet du travail que mes équipes fournissent actuellement : nous devons être prêts à proposer, dans le cadre d'un prochain Conseil de défense et de sécurité nationale, la bonne marche à suivre en vue des dernières étapes de l'allègement, pour que le printemps ne soit plus masqué et que l'on puisse revivre le plus normalement possible.

Mme Pascale Gruny. - Quid de la recherche sur le covid long ? Celui-ci entraîne de nombreuses conséquences, au-delà de la seule perte des capacités pulmonaires. Je pense que la recherche sur ce dernier se fera aussi sur un temps long...

Nous n'avons pas pour le moment la possibilité de connaître la durée de la protection apportée par la vaccination. Au reste, cela dépend des personnes : certains gardent une protection plus courte, d'autres plus longues. Aura-t-on des éléments sur cette question ?

Pourquoi y a-t-il des familles qui passent complètement au travers du covid et d'autres où tout le monde l'attrape, avec les mêmes protections sanitaires ?

Les médecins généralistes ne sont pas très favorables à la vaccination des enfants qui n'ont pas atteint l'âge de la puberté. Disposez-vous de davantage d'informations à ce sujet ?

Mme Catherine Deroche, présidente. - Quel est le taux de couverture vaccinale des 80 ans et plus ?

Michelle Meunier a évoqué la question des immunodéprimés. Il s'agit d'un vrai sujet de préoccupation. Qu'est-ce qui est fait pour aller vers ces personnes très vulnérables, qui, certes, ne se rendent pas forcément dans les lieux publics et n'ont pas un besoin important de passe, mais côtoient leur aide ménagère, leur famille... ?

Avez-vous envisagé que, dans certains lieux, le passe vaccinal puisse être abandonné au profit d'un retour au passe sanitaire ?

M. Olivier Henno, rapporteur. - Y a-t-il une évolution de l'âge médian des personnes qui décèdent du covid ?

M. Olivier Véran, ministre. - Vous m'interrogez sur l'avenir de la science et de la recherche : admettez que ces questions sont assez loin de l'objet des travaux de votre mission d'information !

Il existe plusieurs types de symptômes post-covid persistants. Certains vont disparaître au bout de quelques semaines ; d'autres, au bout de quelques mois. Certains durent depuis 2020 - ce n'est heureusement pas le cas le plus fréquent, mais cela arrive.

La perte du goût et de l'odorat peut durer un peu plus longtemps - je précise que ces troubles se rééduquent par des oto-rhino-laryngologistes (ORL).

Certains patients souffrent d'une dysautonomie, c'est-à-dire d'une dissociation entre leur activité et leur rythme cardiaque. J'ai vu une infirmière marathonienne de trente ans dont la fréquence cardiaque s'élevait à 110 battements par minute au repos. Cela entraîne une fatigue énorme, et une incapacité à faire des efforts physiques. On ne sait pas complètement l'expliquer, mais cela signifie que le virus a réussi à s'infiltrer dans des fibres nerveuses qu'on ne soupçonnait pas qu'il puisse atteindre.

On recense des insuffisances respiratoires chez des gens qui ont eu des formes pulmonaires très graves, avec de grosses pneumonies, des abcès, et qui peuvent conserver des séquelles respiratoires. Il y a d'autres situations, avec des symptômes plus compliqués à catégoriser, avec de l'asthénie, des céphalées...

Il est difficile de vous dire combien sont victimes de symptômes persistants, la vague Omicron ayant beaucoup rebattu les cartes. On ne sait pas, d'ailleurs, si ce variant peut donner des formes longues de covid. Nous développons fortement la recherche.

L'Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales (ANRS) a lancé deux appels à projets. Le premier a eu lieu en novembre ; le prochain est en mars. Dans le premier, 8 projets ont été acceptés, et l'on déploie dans tous les territoires des centres de prise en charge pluriprofessionnels, associant des médecins, des kinésithérapeutes, des psychologues, pour accompagner ces patients.

Si votre prise de sang montre la présence d'anticorps, cela révèle un contact avec le virus et une immunité humorale : ces anticorps encore en circulation sont susceptibles d'agir contre le virus si celui-ci arrive dans votre corps. Mais, si le virus déjoue vos défenses immunitaires et vous infecte, c'est l'immunité cellulaire, c'est-à-dire la capacité de vos cellules immunitaires à fabriquer de nouveaux anticorps, qui va être déterminante : il faut beaucoup plus d'anticorps que ceux que vous avez de façon résiduelle dans le sang. Or, cela, on ne sait pas le mesurer.

Ainsi, certains ont attrapé Omicron trois semaines après avoir contracté Delta, malgré un bon taux d'anticorps. Au moment où ils ont attrapé Omicron, ils avaient des anticorps dans le sang, mais leurs cellules n'avaient pas acquis la capacité à fabriquer des anticorps. Apprendre à vos cellules comment on fabrique les anticorps, c'est tout l'intérêt de la vaccination. Encore hier soir, quelqu'un m'a interpellé dans une réunion à vocation politique, me demandant l'intérêt de se faire vacciner puisque ses taux d'anticorps étaient élevés. Toujours et inlassablement, je formule cette même réponse, qui est celle des scientifiques.

Oui, il existe une sensibilité individuelle à la covid, mais cela est vrai pour tous les germes, pour toutes les infections. Dans une famille, il y a toujours quelqu'un qui ne l'attrape pas, quand les autres l'ont. C'est très troublant, mais cela ne fait pas de celui qui ne l'a pas eu un superhéros : cela en fait un simple chanceux.

Je suis bien placé pour en parler, puisque, pendant deux ans, j'ai échappé à la covid, alors que je suis allé dans tous les clusters du pays, dans tous les services de réanimation, dans tous les services d'urgence... Je suis allé partout, y compris au temps où l'on n'avait pas de masque, dans l'Oise, le Grand Est, à Marseille, et je ne l'ai jamais attrapée. On finit par se sentir fort, jusqu'à ce qu'on l'attrape un beau matin sans savoir pourquoi. On n'est ni responsable quand on est malade, ni un superhéros quand on ne l'attrape pas - on est simplement passé entre les gouttes. Cela dit, peu de personnes n'ont pas attrapé Omicron.

Madame la sénatrice, ce ne sont pas « les » médecins, mais « des » médecins qui sont réservés sur la vaccination des enfants. C'est dommage. En Espagne, 50 % des enfants sont vaccinés, soit dix fois plus que chez nous ! La méfiance à l'égard de la vaccination des enfants, qui sont les plus à même de se faire vacciner, est excessive.

Il existe, dans notre pays, un problème conceptuel de confiance en la science. C'est ce explique que l'on ne soit pas capable de déposer un projet de loi pour rendre obligatoire la vaccination contre le papillomavirus, qui est responsable du cancer du col de l'utérus et peut terrasser 700 jeunes femmes en âge de procréer en France chaque année, mais touche aussi les garçons, avec des cancers de la sphère oropharyngée, etc.

Nous devrons, à un moment donné, débattre de ce sujet de manière claire. Cela a été fait par ma prédécesseure lorsque la vaccination contre les maladies infantiles a été rendue obligatoire. On a vu que cela avait soulevé de la colère, mais il faut passer outre, car il y va de l'intérêt de la population. Il ne faut jamais se cacher derrière son petit doigt et il faut être ferme sur les fondamentaux scientifiques.

J'ai fait preuve de cette fermeté en 2020, lorsqu'un certain nombre de parlementaires ne comprenaient pas pourquoi je ne distribuais pas moi-même des plaquettes de chloroquine à tous les malades - ce qui m'aurait valu un joli procès en pénal deux ans plus tard, à l'instar de ce qui s'est passé au Brésil... Or, aujourd'hui, je ne vois pas de commission d'enquête parlementaire sur les raisons pour lesquelles je n'ai pas cédé à toutes les pressions pour que je laisse n'importe qui prescrire de la chloroquine à tout le monde !

S'agissant de la couverture vaccinale des plus de 80 ans, pas moins de 90 % d'entre eux ont reçu une dose, 80 % en ont reçu deux et 75 % ont eu leur dose de rappel.

Peut-on passer du passe vaccinal au passe sanitaire ? Non, d'autant qu'il faudrait une loi pour cela. Je vous propose, mesdames, messieurs les sénateurs, que l'on ne fasse pas un quatorzième texte d'état d'urgence sanitaire. Le temps qu'il soit écrit par les services compétents, analysé par le Conseil d'État et adopté par le Parlement, nous n'aurons, je l'espère, plus besoin du passe !

Madame la présidente, nous continuons à « aller vers » : les centres communaux d'action sociale (CCAS), les associations, les pompiers, les médecins, les infirmières à domicile, les kinés, les sages-femmes, tout le monde le fait. Toute personne qui n'est pas vaccinée se voit proposer le vaccin. On continue de vacciner plusieurs milliers de personnes par jour.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Merci, monsieur le ministre.

Je vous dis à jeudi, devant la commission d'enquête sur la situation de l'hôpital.

M. Olivier Véran, ministre. - Je vous remercie pour l'ambiance qui a toujours prévalu au sein de votre commission des affaires sociales. Je reviendrai aussi souvent que vous le souhaiterez.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 10 h 00.

- Présidence de Mme Catherine Deroche, présidente -

La réunion est ouverte à 15 h 30.

Proposition de loi relative à l'innovation en santé - Examen des amendements au texte de la commission

Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous examinons les amendements de séance sur la proposition de loi relative à l'innovation en santé.

EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION

Article 3

Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure. - Avis défavorable à l'amendement de suppression n°  27. La spécialisation des comités de protection des personnes (CPP) en pédiatrie et en maladies rares est souhaitée par les chercheurs - les onco-pédiatres notamment. Elle sera utile à la bonne évaluation des projets de recherche dans ces domaines pointus. Quant à l'indépendance des CPP, garantie par l'article L. 1123-1 du code de la santé publique, elle n'est pas remise en cause par leur mode d'hébergement.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 27.

Article 5

Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure. - L'amendement n°  17 rectifié vise à préciser que les CPP sont évalués tous les deux ans. Mais pourquoi deux ans, et surtout pourquoi vouloir figer dans la loi ce qui peut être déterminé souplement par voie réglementaire ? Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 17 rectifié.

Article 6

Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure. - L'amendement n°  31 restreint l'hypothèse de l'examen rapide des dossiers de recherche, dite fast-track, au cas d'état d'urgence sanitaire. Nous avions déjà examiné cet amendement lors de l'élaboration du texte de la commission. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 31.

Article 9

Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure. - L'amendement n°  28 vise à supprimer la soumission des projets de recherche en santé hors loi Jardé aux comités d'éthique de la recherche (CER), rebaptisés comités d'évaluation éthique de la recherche (CEER). C'est pourtant important et utile, car ces recherches hors loi Jardé, qui nourrissent pour partie les sciences humaines et sociales, restent l'angle mort de l'encadrement de la recherche sur la personne humaine, alors que certaines d'entre elles peuvent présenter des risques éthiques pour les personnes. Il est donc important d'encadrer toute recherche réalisée sur l'homme quelle que soit sa finalité. Cela permettra en outre de faire monter les CER en compétences, ce qui sera profitable à tout le système d'évaluation de la recherche, et donc à la recherche elle-même. Avis défavorable, ainsi qu'aux amendements nos  18 rectifié et 19 rectifié.

La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 28, 18 rectifié et 19 rectifié.

Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure. - L'amendement n°  20 rectifié allège les modalités d'évaluation des recherches en santé par les CEER, en supprimant la pertinence scientifique et la qualification de l'investigateur. Or ce sont des aspects importants pour assurer la rigueur des recherches n'impliquant certes pas la personne humaine au sens de la loi Jardé, mais portant néanmoins sur l'homme et sa santé, et devant par conséquent respecter un certain nombre de prérequis. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 20 rectifié.

Article 10

Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure. - L'amendement n°  30 supprime l'article 10, qui rend les membres des CPP éligibles à certains dispositifs simplifiés de l'Urssaf tels que le chèque emploi service universel (CESU). Cet article reprenait pourtant une proposition de l'Inspection générale interministérielle du secteur social (IGAS), mais celle-ci ne semble pas applicable dans ce domaine. Il semble en réalité que le bénéfice du CESU ne puisse pas être étendu au service public, ni remplacé par un dispositif analogue, et donc que la rédaction de l'article soit techniquement moins aboutie que nous ne le pensions initialement. Par conséquent, avis favorable.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Il existe des difficultés juridiques à l'élargissement du CESU ; nous les avions déjà rencontrées lorsqu'il avait été question de l'étendre aux petites communes.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n°  30.

Article 11

Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure. - Avis défavorable à l'amendement n°  21 rectifié qui est déjà satisfait par l'article L.112-1 du code de la recherche tel que l'article 11 le modifie.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 21 rectifié.

Après l'article 12

Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure. - L'amendement n°  36 vise à préciser que les préparations hospitalières peuvent comporter des produits de thérapie génique ou cellulaire. Le développement par certains laboratoires hospitalo-universitaires de médicaments onéreux - comme les CAR-T cells, qui constituent un véritable espoir dans le traitement de certains cancers du sang - aurait du sens pour favoriser l'accès des patients à ces traitements. Ce serait un facteur de démocratisation de ces traitements tout en réduisant leur coût. Avis favorable.

Mme Émilienne Poumirol. - En Allemagne, ce sont les pharmacies centrales des hôpitaux qui fabriquent ces traitements.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 36.

Article 13

Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure. - L'extension proposée par l'amendement n°  22 rectifié est assez éloignée de l'objet du texte. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°22 rectifié.

Article 14

Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure. - L'amendement n°  16 prévoit l'intégration des résultats de biologie moléculaire dans l'espace numérique de santé. C'est une idée très intéressante, qui permettra de garantir un meilleur suivi des patients. La rédaction permet en outre de garantir que cette intégration se fera avec l'accord exprès du titulaire de l'espace. Avis favorable à cet amendement. Demande de retrait, sinon avis défavorable, pour des raisons rédactionnelles, de l'amendement n° 12 rectifié, qui poursuit le même objectif.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 16 ; elle demande le retrait de l'amendement n° 12 rectifié et, à défaut, y sera défavorable.

Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure. - L'amendement n°  15 précise que le forfait de diagnostic cancer peut être utilisé en cas de rechute. Si un tel amendement n'a pas été déclaré irrecevable, c'est qu'il a été interprété comme entrant dans le périmètre du dispositif d'origine, lequel vise « tout nouveau cancer ». Il appartiendra alors aux textes d'application de préciser qu'une récidive peut être considérée comme un « nouveau cancer ». Avis très favorable. L'amendement n°  14 serait satisfait : retrait sinon avis défavorable.

M. René-Paul Savary. - Il conviendrait peut-être toutefois de clarifier la rédaction de l'objet de l'amendement pour éviter toute ambiguïté.

Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure. - L'objet n'a pas de valeur juridique. Je préciserai toutefois lors de la présentation de l'amendement en séance que l'enjeu est de pouvoir recourir au forfait diagnostic cancer en cas de rechute.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 15.

La commission demande le retrait de l'amendement n° 14 et, à défaut, y sera défavorable.

Après l'article 15

Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure. - L'amendement n°  6 vise à ajouter à la liste des missions de la Haute Autorité de santé (HAS) celle de faire un état des lieux des mécanismes d'accès dérogatoire et temporaire pour les produits de santé innovants et de proposer des mesures de simplification. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable. Une telle mission nouvelle n'apparaît pas utile.

La commission demande le retrait de l'amendement n° 6 et, à défaut, y sera défavorable.

Article 16

La commission émet un avis défavorable à l'amendement de suppression n°  41.

Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure. - L'amendement n°  4 vise à réécrire l'article essentiellement pour remplacer la notion de « valeur thérapeutique relative » (VTR) par celle d'« amélioration du service médical rendu (ASMR) conditionnelle ». La VTR est utilisée pour les petites cohortes, en onco-pédiatrie par exemple ou dans les maladies rares. L'intérêt de cette notion repose sur l'idée qu'un nouveau système d'évaluation est nécessaire, en particulier pour les médicaments très innovants, pour lesquels, par hypothèse, l'étroitesse de la population cible et le caractère nouveau du mécanisme rend toute comparaison difficile avec un médicament existant. La notion de VTR, que nous avons proposée plusieurs fois au Sénat, semble donc plus appropriée que celle d'ASMR dans ce cas. Elle permettrait de déterminer un tarif de base, susceptible d'être revu tous les deux ans. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 4.

Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure. - L'amendement n°  23 rectifié vise à étendre à dix ans, au lieu de cinq, la durée de l'expérimentation proposée à cet article. Avis défavorable : la durée de cinq ans semble suffisante pour obtenir un premier aperçu de l'intérêt du dispositif.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 23 rectifié.

Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure. - L'amendement n°  32 précise que la fixation du prix des médicaments innovants tient compte des « investissements réels au titre de la recherche et développement et du financement public de cette recherche ». Le comité économique des produits de santé (CEPS) dispose déjà d'une telle information pour jouer son rôle : elle lui est communiquée par les industriels sur le fondement de l'article L. 162-17-4-3 du code de la santé publique. Avis défavorable, ainsi qu'à l'amendement n°  29 similaire.

La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 32 et 29.

Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure. - L'amendement n°  33 prévoit de rendre publiques les données de santé en vie réelle servant à réévaluer périodiquement la valeur thérapeutique relative, afin de « renforcer la confiance des patients dans ces médicaments et d'autre part de faciliter le travail journalistique et scientifique de contre-expertise de la société civile ». Il n'y a pas de raison de se défier a priori de la HAS. Mieux vaut se concentrer sur les meilleurs moyens à lui donner pour exercer ses missions. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 33.

Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure. - L'amendement n°  35 rectifié bis précise qu'un collège de personnalités qualifiées participe aux travaux du CEPS le temps de l'expérimentation prévue à l'article 16.

L'amendement ne précise pas comment ce collège serait « intégré à la composition » du CEPS ni dans quelle mesure il « participe aux décisions relatives à la fixation des prix » des médicaments. On comprend bien l'intention consistant à faire la transparence sur l'activité des autorités de régulation et de fixation des prix, mais le dispositif ne semble pas très abouti. Mieux vaudrait s'efforcer de donner à ces instances les moyens d'exercer sereinement leurs missions. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 35 rectifié bis.

Après l'article 16

Les amendements nos  37, 38 et 39 sont déclarés irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.

Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure. - L'amendement n°  1 rectifié bis de M. Savary est très important : il vise à créer un nouveau mode d'accès au médicament pour les personnes atteintes de pathologies graves ou dégénératives. Il s'agit de leur donner accès à des traitements innovants encore en phase d'essai clinique. Un tel mécanisme est d'abord une proposition d'espoir d'amélioration pour les personnes privées de solutions thérapeutiques. Il est difficile de s'opposer à un tel amendement, dès lors que les patients sont demandeurs, conscients des risques éventuels, et dès lors que le laboratoire est d'accord aussi. L'objet précise que le financement d'un tel traitement serait assuré par les promoteurs des essais cliniques ; mais il n'est même pas dit qu'un financement soit nécessaire, dans la mesure où cette distribution du traitement pourrait faire partie de l'expérimentation. Avis favorable.

M. René-Paul Savary. - Le Sénat avait voté un amendement presque identique lors de l'examen du PLFSS pour 2018. Le risque est pris par le patient qui demande à bénéficier d'une nouvelle molécule innovante qui n'a pas encore reçue d'autorisation temporaire d'utilisation car l'expérimentation est encore en cours. C'est pourquoi mon amendement suppose une action volontaire du patient, une action « testimoniale » de sa part pour participer à la recherche en demandant à prendre le médicament même si les effets secondaires ne sont pas très bien connus. Évidemment, cela doit se faire de manière éclairée et encadrée. La différence avec l'accès « compassionnel » tient au financement par le patient, car il n'y a pas de financement public ; c'est pourquoi l'amendement crée un fonds de solidarité, qui pourra éventuellement être abondé par les laboratoires, pour ceux qui n'ont pas les moyens.

Mme Catherine Deroche, présidente. - C'est une forme de droit à l'essai pour des maladies pour lesquelles il n'existe pas encore de traitement, comme les maladies neurodégénératives.

Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure. - Dans un contexte où beaucoup plaident pour prescrire aux patients qui le demandent les produits nécessaires pour finir leur vie comme ils le souhaitent dans le cadre d'un suicide assisté, il serait curieux de s'opposer à un mécanisme permettant de donner une chance d'accéder à un traitement innovant pour les seuls patients qui seraient demandeurs, comme cela se fait aux États-Unis.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Certes, même si en l'occurrence il s'agit du droit à la vie, non du droit à mourir !

Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure. - Raison de plus !

Mme Catherine Procaccia. - Ce dispositif pourrait-il inclure le recours aux phages ?

M. René-Paul Savary. - Peut-être pas, car ce procédé est connu depuis longtemps. Il s'agit ici surtout des maladies neurodégénératives, dont le diagnostic est très difficile à faire et l'évolution très lente. Il faut six ans pour déceler une maladie d'Alzheimer, et des années encore pour apprécier son évolution. Plus on attend, plus ces personnes perdent des chances de bénéficier d'avancées thérapeutiques. Certains sont prêts à s'engager dans cette démarche volontaire, en assumant les risques, tout en faisant avancer la recherche, même si évidemment la démarche doit être encadrée. Ce dispositif existe déjà aux États-Unis.

Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure. - Il importe de donner de l'espoir aux malades.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Le Sénat avait proposé dès 2018 un tel système, mais je ne sais pas si le Gouvernement sera favorable...

M. René-Paul Savary. - Il risque en effet d'invoquer le principe de précaution.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 1 rectifié bis.

Après l'article 17 (supprimé)

Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure. - L'amendement n°  7 vise à faire financer par l'enveloppe des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (Migac) des dispositifs médicaux innovants.

Or il existe déjà le « forfait innovation », qui permet des prises en charge dérogatoires d'actes et dispositifs médicaux innovants. Ces derniers doivent disposer de données établissant que leur utilisation est susceptible d'apporter un bénéfice important pour la santé ou de réduire les dépenses de santé. La prise en charge dérogatoire est conditionnée à la mise en place d'une étude clinique par le demandeur afin de confirmer le bénéfice important de cette nouvelle technologie pour la santé. Le forfait innovation est accordé par les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, après avis de la HAS. Le dispositif a d'ailleurs été largement simplifié et rénové en 2019-2020. Avis défavorable

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°7.

L'amendement n° 5 rectifié bis est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

Article 20

Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure. - L'amendement n°  24 rectifié vise à supprimer la conditionnalité à l'accès au système national des données de santé (SNDS) prévue par l'article 20 pour évaluer les traitements en vie réelle. Si les industriels doivent déjà remplir des conditions particulières liées au régime de protection des données personnelles, il n'existe pas de disposition juridique tangible visant à obtenir un retour de la part des industriels à la suite de l'accès au SNDS, ou à s'assurer de la validité scientifique de la recherche menée. C'est précisément ce que vise l'article 20 : l'évaluation en vie réelle des traitements par les industriels doit faire l'objet d'une étude remise à l'ANSM et d'une validation du protocole de recherche.

En résumé, on ne saurait autoriser l'accès à une base de données aussi précieuse que le SNDS sans ces garanties et contreparties minimales, qui vont dans le sens de l'application du principe de transparence, corollaire du plein déploiement du potentiel des données du SNDS pour favoriser les recherches sur les traitements innovants. Ce sera donc une demande de retrait ou, à défaut, un avis défavorable.

La commission demande le retrait de l'amendement n° 24 rectifié et, à défaut, y sera défavorable.

Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure. - Les amendements identiques nos  3 et 13 visent à demander à la plateforme des données de santé (PDS) de mettre à jour trimestriellement les données du SNDS. L'avis sera défavorable pour plusieurs raisons.

Sur le fond, pour ce qui concerne la base principale du SNDS, l'amendement serait ou bien inutile, ou bien vraisemblablement contre-productif.

Les données ambulatoires font en effet l'objet d'une mise à jour mensuelle : il n'apparaît dès lors pas utile de proposer une mise à jour trimestrielle.

Les données hospitalières, quant à elles, font également l'objet des remontées mensuelles donnant lieu à une version consolidée annuelle, qui permet d'ajuster progressivement les données des mois précédents pour en améliorer la qualité.

La référence est annuelle pour des raisons de qualité et de fiabilité des données. En effet, si la période de référence était le trimestre, on observerait des variations trop importantes d'un trimestre à l'autre, dus à des effets de rattrapage, ce qui entamerait fortement la fiabilité des données et leur intérêt pour le chercheur.

Toutefois, grâce au dispositif de fast track mis en oeuvre depuis la crise sanitaire, si un chercheur souhaite effectuer une étude sur des données trimestrielles, il peut le faire. Elles seront simplement de moindre qualité que les données annuelles consolidées.

La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 3 et 13.

Après l'article 21

L'amendement n°  25 rectifié est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

Article 22

Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure. - L'amendement n°  26 rectifié prévoit l'attribution à un opérateur placé sous juridiction européenne de la mission de protection des données personnelles de santé. Demande de retrait sinon avis défavorable. En effet, l'article 22 vise à tirer les conséquences de plusieurs avis de la CNIL pris à la suite de l'arrêt Schrems II de juillet 2020, qui avait remis en cause l'accord Privacy Shield conclu avec les États-Unis, au motif que le caractère extraterritorial de la législation américaine ne permettait pas de garantir un niveau de protection des données de citoyens européens équivalent à celui assuré par le règlement général sur la protection des données (RGPD). Il réserve ainsi à un opérateur placé sous juridiction de l'Union européenne l'hébergement et la gestion des données du SNDS. Dans la mesure même où il sera placé sous juridiction européenne, l'opérateur verra sa politique de gestion des données soumise au RGPD, qui offre les garanties de protection parmi les plus élevées au monde. L'article 22 remplit donc l'objectif visé par l'amendement, qui est dès lors sans objet.

La commission demande le retrait de l'amendement n° 26 rectifié et, à défaut, y sera défavorable.

TABLEAU DES AVIS

Auteur

Objet

Avis de la commission

Article 3
Agrément des comités de protection des personnes

Mme POUMIROL

27

Suppression de l'article

Défavorable

Article 5
Financement et évaluation des comités de protection des personnes

Mme PAOLI-GAGIN

17 rect.

Rythme des évaluations des CPP

Défavorable

Article 6
Modalités d'examen des projets de recherche non interventionnelle

Mme POUMIROL

31

Qualification de l'urgence justifiant le dépôt d'une demande de recherche en procédure accélérée

Défavorable

Article 9
Création d'un statut pour les comités d'éthique chargés d'évaluer
les projets de recherche en santé sans finalité biologique ou médicale

Mme POUMIROL

28

Suppression de la soumission obligatoire des demande de recherches dans le domaine de la santé "hors loi Jardé" aux CEER

Défavorable

Mme PAOLI-GAGIN

18 rect.

Suppression de la soumission obligatoire des demande de recherches dans le domaine de la santé "hors loi Jardé" aux CEER

Défavorable

Mme PAOLI-GAGIN

19 rect.

Suppression de la soumission obligatoire des demande de recherches dans le domaine de la santé "hors loi Jardé" aux CEER

Défavorable

Mme PAOLI-GAGIN

20 rect.

Modalités d'évaluation des demandes soumises aux CEER

Défavorable

Article 10
Simplification des modalités de versement des indemnités
attribuées aux rapporteurs experts et aux membres
des comités de protection des personnes

Mme POUMIROL

30

Amendement de suppression

Favorable

Article 11
Inscription d'objectifs d'ordre sanitaire dans le code de la recherche

Mme PAOLI-GAGIN

21 rect.

Précision des notions de sécurité et souveraineté sanitaires

Défavorable

Article additionnel après l'article 12

Mme COHEN

36

Extension des préparations hospitalières aux thérapies génique ou cellulaire

Favorable

Article 13
Prise en compte de la médecine personnalisée
par les stratégies nationales de recherche et de santé

Mme PAOLI-GAGIN

22 rect.

Intégration de la télémédecine dans les stratégies nationales de la recherche et de la santé

Défavorable

Article 14
Création d'un forfait de caractérisation d'un cancer

Mme LASSARADE

16

Intégration des résultats de biologie moléculaire dans l'espace numérique de santé

Favorable

Mme GUILLOTIN

12

Intégration des résultats de biologie moléculaire dans l'espace numérique de santé

Défavorable

Mme GUILLOTIN

15

Recours au forfait diagnostic cancer en cas de rechute ou de récidive

Favorable

Mme GUILLOTIN

14

Utilisation du forfait diagnostique cancer à tout moment dans le parcours du patient

Défavorable

Article additionnel après l'article 15

M. MILON

6

Nouvelle mission confiée à la HAS de bilan des mécanismes d'accès dérogatoire pour les produits de santé innovants

Défavorable

Article 16
Assise du prix du médicament sur la valeur thérapeutique relative

Mme COHEN

41

Suppression de l'article

Défavorable

Mme LASSARADE

4

Nouvelle écriture de l'article et remplacement de la VTR par l'ASMR conditionnelle

Défavorable

Mme PAOLI-GAGIN

23 rect.

Extension de la durée de l'expérimentation de 5 à 10 ans

Défavorable

Mme Mélanie VOGEL

32

Prise en compte des investissements publics dans la fixation du prix des médicaments innovants

Défavorable

Mme POUMIROL

29

Prise en compte des investissements publics dans la fixation du prix des médicaments innovants

Défavorable

Mme Mélanie VOGEL

33

Publication par la HAS des données en vie réelle

Défavorable

Mme Mélanie VOGEL

35 rect. bis

Participation aux travaux du CEPS d'un collège de personnalités qualifiées

Défavorable

Articles additionnels après l'article 16

Mme COHEN

37

Fixation du prix des médicaments en fonction du montant des investissements publics de recherche et développement

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

Mme COHEN

38

Fixation du prix des médicaments en fonction du montant des investissements publics de recherche et développement

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

Mme COHEN

39

Précision des informations transmises par les industriels au CEPS

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

M. SAVARY

1 rect. bis

Utilisation testimoniale, éclairée et surveillée

Favorable

Articles additionnels après l'article 17 (Supprimé)

M. MILON

7

Financement décentralisé de dispositifs médicaux innovants par l'enveloppe Migac

Défavorable

Mme LASSARADE

5 rect. bis

Réforme du financement de la radiothérapie

Article 45

Article 20
Mise à disposition des données du système national des données de santé
pour l'évaluation de l'efficacité en vie réelle des traitements

Mme PAOLI-GAGIN

24 rect.

Suppression de l'étude de pharmacovigilance et de la validation du protocole de recherche par le Cesrees avant accès au SNDS

Défavorable

Mme LASSARADE

3

Mise à jour trimestrielle des données du SNDS

Défavorable

Mme GUILLOTIN

13

Mise à jour trimestrielle des données du SNDS

Défavorable

Article additionnel après l'article 21
Interdiction d'utilisation des données de santé par les organismes
complémentaires à des fins autres que le remboursement des soins

Mme PAOLI-GAGIN

25 rect.

Demande de rapport

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

Article 22
Sécurisation des données de santé stockées
sur la plateforme des données de santé

Mme PAOLI-GAGIN

26 rect.

Attribution à un opérateur placé sous juridiction européenne de la mission de protection des données personnelles de santé

Défavorable

La réunion est close à 16 heures.

Mercredi 23 février 2022

- Présidence de Mme Catherine Deroche, présidente -

La réunion est ouverte à 9 h 5.

Enquête de la Cour des comptes sur la médicalisation des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes - Audition de M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes

Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous entendons ce matin M. Pierre Moscovici, premier Président de la Cour des comptes, pour la présentation de l'enquête demandée à la Cour sur la prise en charge médicale en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) - sujet ô combien d'actualité !

M. Moscovici est accompagné de : M. Denis Morin, président de la 6e chambre ; Mme Véronique Hamayon, conseillère-maître, contre-rapporteure ; M. Vincent Feltesse, conseiller-maître, rapporteur général ; Mme Camille Andrieu et M. Guillaume de La Batut, chargés de mission ; ainsi que Mme Marion Reibel, stagiaire à la Cour

Je salue nos collègues qui participent à nos travaux en visioconférence. J'indique que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo retransmise en direct sur le site du Sénat, qui sera ensuite disponible en vidéo à la demande.

J'ai demandé ce travail à la Cour en janvier 2021, dans le prolongement des travaux de la commission d'enquête sur la crise sanitaire. Le constat de la vulnérabilité accrue des résidents d'Ehpad est désormais bien connu, mais la crise a vraiment fait apparaître une déconnexion entre ces établissements et leur environnement sanitaire, à laquelle il convient de remédier. D'une commission d'enquête à l'autre, ce rapport constitue par ailleurs une contribution intéressante à verser aux travaux de notre commission d'enquête sur le contrôle des Ehpad qui débuteront au mois de mars.

L'enquête dresse un constat sévère en constatant que « l'Ehpad actuel est à bout de souffle », alors qu'elle souligne par ailleurs l'ampleur des moyens supplémentaires déployés au cours des cinq dernières années.

M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes. - Je vous remercie vivement de m'avoir invité à vous présenter le rapport de la Cour sur la prise en charge médicale en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, les fameux Ehpad. J'ai toujours grand plaisir à vous retrouver, et cette audition en est une nouvelle occasion. La mission de la Cour est de nourrir le débat public, d'éclairer la décision et de contribuer à votre contrôle sur les affaires sociales - ce rôle dévolu à la Cour par la Constitution me tient très à coeur. Nous entretenons d'ailleurs avec la Haute Assemblée d'excellents rapports.

Le rapport que je vous présente aujourd'hui, à votre demande, complète d'autres travaux récents, dont le rapport de novembre 2021 sur la prévention de la perte d'autonomie des personnes âgées, ainsi que le rapport de janvier 2022 relatif aux services de soins à domicile. Quant au rapport public annuel que j'ai remis le 15 février au Président de la République, je le présenterai demain au Sénat. Celui-ci comprend un chapitre entier consacré à la gestion de la crise sanitaire dans les Ehpad, qui a attiré l'attention dans le contexte actuel. Ce travail est, je crois, de grande qualité et de grande ampleur. L'équipe qui a travaillé sur ce sujet comprend notamment Denis Morin, président de la 6e chambre, souvent auditionné devant votre commission, Vincent Feltesse, conseiller-maître, rapporteur général, et Véronique Hamayon, conseiller-maître, présidente de section et contre-rapporteure.

En janvier 2021, la Cour devait donc examiner la médicalisation des Ehpad à l'aune de la crise sanitaire et du projet de loi « Grand âge et autonomie ». Ce sujet, trop souvent oublié, s'inscrit désormais au coeur de l'actualité à la suite de la publication d'un récent ouvrage sur la question. C'est pourquoi j'ai tenu à exposer moi-même devant vous les constats de la Cour au regard des multiples enjeux, dont l'éthique, que ce sujet soulève. On reconnaît le degré d'évolution d'une société à la place qu'elle accorde à ses personnes âgées. Ce rapport devrait alimenter la réflexion sur la prise en charge médicale des anciens, au-delà d'éventuelles poursuites judiciaires individuelles.

Nous nous sommes appuyés sur les constats des contrôles effectués par les juridictions financières au sein de 57 Ehpad, publics ou privés, choisis pour refléter la diversité de nos territoires. Nous avons aussi examiné l'action des pouvoirs publics mise en oeuvre dans d'autres pays, tels que l'Allemagne, la Belgique, le Danemark ou le Japon. Comparaison n'est pas raison, mais cette approche est féconde pour comprendre l'organisation et le financement de notre système, ainsi que l'efficacité de la prise en charge de nos voisins. Ceux-ci sont beaucoup plus avancés que nous s'agissant de l'information du grand public et la diffusion d'indicateurs qualité. Conséquence de la crise covid, les Ehpad sont traités de manière spécifique dans le rapport public annuel. Sont examinés en profondeur les leviers d'une prise en charge médicale de qualité et le rôle qui pourrait être dévolu aux Ehpad dans une approche plus soucieuse de l'évolution des besoins - cette notion est importante - des personnes âgées.

Je citerai trois éléments phares de notre enquête.

Premièrement, l'évaluation du groupe Orpea n'était pas prévue. Nos travaux se sont concentrés sur le numéro 1 du secteur en France, Korian, et le numéro 4, Colisée, et sur des Ehpad privés lucratifs, parfois totalement isolés.

Deuxièmement, les Ehpad publics ne sont pas mieux gérés que les établissements privés, lucratifs ou non. Le facteur déterminant de la gestion de l'accueil et des soins est lié non à la nature de l'établissement, mais à la qualité et à l'efficacité de l'encadrement. Ce dernier repose sur le triptyque : directeur général, médecin coordinateur, infirmier coordinateur.

Troisièmement, le contrôle se heurte à une double contrainte. D'une part, la compétence des juridictions financières est limitée, elles ne peuvent pas contrôler la partie Hébergement. Depuis la loi du 17 décembre 2008, les Ehpad ne sont plus tenus de retracer dans un compte distinct les charges et les produits des prestations non supportées par des financements publics. Par ailleurs, nos contrôles ne sont pas inopinés, mais planifiés et annoncés, ce qui ne permet pas de repérer certaines situations alarmantes. Nous formulerons des propositions pour y remédier.

À l'issue de cette enquête, la Cour a d'abord dressé un état des lieux de l'organisation et du fonctionnement des Ehpad, notamment de la tarification, du régime de l'autorisation. Elle a ensuite examiné la qualité de la prise en charge médicale, singulièrement affectée par le manque persistant de personnels qualifiés et la dégradation des conditions de travail qui en découle. Enfin, la Cour propose des pistes d'évolution pour un nouveau modèle d'Ehpad visant à renforcer leurs capacités de prise en charge, de contrôle, ainsi que leur insertion territoriale.

Je présenterai maintenant les principaux enseignements de notre rapport.

Un constat s'impose : en dépit d'améliorations récentes, la prise en charge actuelle dans les Ehpad n'est pas suffisamment adaptée aux besoins des personnes âgées. En France, 1,4 million de personnes bénéficient de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), à rapporter aux 17,5 millions de Français de plus de 60 ans ; 600 000 personnes âgées dépendantes résident désormais dans les Ehpad, soit 15 % des plus de 80 ans, dont la grande majorité vit toujours à domicile. L'état de santé et le degré de dépendance de ces personnes sont tels que le maintien à domicile n'est plus possible pour elles. Plus de 57 % d'entre elles souffrent d'une maladie neurodégénérative, et 12 % présentent des troubles du comportement. L'âge moyen d'entrée en Ehpad est proche de 86 ans, pour une durée moyenne de séjour de 2,5 années en 2015. L'Ehpad est le dernier lieu de vie d'un quart des personnes décédées. La fin de vie est donc au coeur du quotidien de ces établissements. Cette situation est préoccupante compte tenu du vieillissement continu de la population depuis quarante ans, et ce phénomène s'accentue en raison de l'allongement de l'espérance de vie et de l'avancée en âge des baby boomers. Le nombre des plus de 85 ans devrait doubler d'ici à 2050. Or la prévalence de la perte d'autonomie croît fortement avec l'âge.

Le nombre des personnes âgées dépendantes va augmenter dans des proportions importantes, et, partant, les besoins en Ehpad. Entre 2011 et 2015, la proportion des résidents de 90 ans ou plus est passée de 29 % à 35 %. Entre 2011 et 2018, 54 % de personnes accueillies en Ehpad sont très dépendantes. La dépendance n'est toutefois pas uniforme et peut être aggravée par des pathologies plus ou moins lourdes, au premier rang desquelles la maladie d'Alzheimer. De 70 % à 80 % des personnes atteintes de troubles cognitifs sont hébergées en Ehpad, c'est-à-dire 400 000 personnes. Ces structures d'hébergement jouent donc un rôle central au sein des structures d'accueil du fait de médicalisation, de la quasi-disparition de l'hébergement en maison de retraite et de la diminution du nombre d'unités de soins de longue durée. Entre 2007 et 2020, les places permanentes en Ehpad ont augmenté de 67 %. Cette croissance spectaculaire demeure néanmoins insuffisante au regard des besoins estimés par la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees). En 2030, 21 millions de séniors de 60 ans et plus vivront en France, 3 millions de plus qu'en 2019. Pour répondre aux besoins, et eu égard aux conditions actuelles, le rythme des ouvertures de places devra doubler.

Face à ces constats assez préoccupants, que faire pour appréhender le grand âge avec pertinence et efficacité ? Il faut d'abord comprendre les grands enjeux sous-jacents à la prise en charge médicale en Ehpad, afin d'être en mesure d'impulser des réformes adaptées et novatrices. Je soulignerai les trois enjeux clés de cette problématique.

D'abord, le modèle de financement sur lequel s'appuie la prise en charge n'est pas adéquat. Il repose sur une division en trois sections dont le poids varie selon le type d'établissement : les soins, essentiellement financés par l'assurance maladie, la dépendance, financée par les départements via l'APA en établissement, et l'hébergement qui est à la charge quasi exclusive de la personne âgée - à l'exception des places habilitées à l'aide sociale, financées par les départements. Le financement public étant majoritairement réparti entre les sections Soins et Dépendance, notre rapport ne mentionne pas ou n'évoque qu'à la marge les conditions d'hébergement.

Le volume global de dépenses destinées aux sections Soins et Dépendance dépassait en 2019 les 11 milliards d'euros, ce qui représente une croissance de 31 % par rapport à 2011, presque trois fois plus rapide que celle du produit intérieur brut (PIB) sur cette période. À la suite des mesures prises conformément au Ségur de la santé, le montant dépasse les 14 milliards d'euros, qui ne comprennent au demeurant pas les dépenses de médecine de ville et d'hospitalisation pour les résidents en Ehpad, lesquelles atteignaient 2,4 milliards d'euros avant la pandémie.

Toutefois, cette hausse des moyens n'a pas permis de répondre aux besoins des résidents. La prise en charge effective des plus fragiles est peu assurée en raison du manque d'unités d'hébergement renforcées (UHR), de pôles d'activités et de soins adaptés (PASA) et d'unités de vie protégées (UVP) dans les Ehpad. En outre, les inégalités se sont renforcées. Entre territoires, les écarts concernant les équipements sont passés en dix ans de 15,9 % à 16,7 %. Pour les résidents, les valeurs de « points GIR » départementaux en 2021 qui sont utilisées pour le calcul des dotations présentent des écarts : 6,20 euros dans les Alpes-Maritimes, 9,47 euros en Corse, 11,80 euros en Guyane, avec une moyenne de 7,34 euros. Cela traduit une forme d'inefficacité de notre modèle de financement.

Ensuite, la gestion des ressources humaines en Ehpad participe à la dégradation de la prise en charge. Le secteur entier fait face à des manques persistants de personnel qualifié, ce qui entraîne des effets directs sur la qualité de la prise en charge - certains résidents sont couchés dès 18 heures, voire seize heures ! En outre, le recours intensif à des contractuels en contrat de courte durée contribue à dégrader la prise en charge. Les rotations importantes empêchent un suivi efficace des résidents. In fine, les fonctions d'aides-soignants sont exercées par des salariés qui n'ont pas la qualification requise. Les conditions de travail et les cadences sont telles que l'absentéisme est très élevé. Nous consacrerons un chapitre du prochain rapport annuel sur l'application de la loi de financement de la sécurité sociale (RALFSS) aux risques professionnels dans le secteur médico-social. Nous avons également constaté un manque de médecins coordonnateurs dans 50 % des Ehpad, alors qu'ils jouent un rôle clé dans le suivi des patients et que leur présence répond à une obligation juridique.

Enfin, les autorités de tarification et de contrôle peinent à remplir leurs missions.

D'une part, les agences régionales de santé (ARS) ne parviennent pas à inscrire l'activité des établissements dans une vision stratégique de moyen terme. Les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM), que seuls 30 % des Ehpad ont signés, restent des outils administratifs purement descriptifs. Par ailleurs, ni les ARS ni les départements n'ont promu un système de fonctionnement en réseau, alors que l'insertion dans un groupe d'acteurs de santé, d'envergure régionale ou nationale, est une condition nécessaire à l'amélioration de la prise en charge.

D'autre part, les contrôles sont insuffisants : un Ehpad n'est contrôlé que tous les vingt à trente ans, et les résultats ne sont pas rendus publics ! Nous devrions nous inspirer de nos partenaires européens. L'autorité danoise réalise par exemple des visites dans les établissements et publie directement sur son site les résultats obtenus : en 2021, quelque 250 résultats d'inspections réalisées en un an ont été rendus disponibles. Je continue de penser que la transparence, dans ce domaine comme dans nombre d'autres, est une vertu.

Se pose ensuite la question des actions à mener. Nous en identifions trois principales.

Premièrement, les modalités de financement doivent être repensées en fonction des besoins des résidents. Nous recommandons une fusion des sections Soins et Dépendance pour mettre fin à un système trop complexe et source d'inégalités. L'ARS agirait comme responsable unique, mais comme le suggère la Cour dans son rapport de novembre 2021 intitulé La prévention de la perte d'autonomie des personnes âgées, les départements doivent être confortés comme responsables de la politique de prévention dans les territoires. Ils resteront partie prenante des CPOM pour les structures habilitées à l'aide sociale, mais aussi pour veiller à la bonne insertion territoriale des Ehpad. Toutefois, ils ne seraient plus les interlocuteurs du quotidien, car les Ehpad sont des lieux de plus en plus médicalisés. Et la santé est une compétence de l'État. Cela allégera les formalités administratives pour les Ehpad, qui demeurent des structures fragiles.

Les dotations doivent absolument mieux prendre en compte le niveau des besoins en soins et le degré de dépendance. Le GIR moyen pondéré (GMP) et le Pathos moyen pondéré (PMP) servent de bases pour calculer les dotations allouées. Leur mise à jour doit être plus fréquente. Plus du quart des Ehpad reçoivent des dotations calculées sur des estimations trop anciennes. En outre, les modalités de financement doivent participer à l'amélioration de la prévention. Pour ce faire, il faut réintroduire des dotations pluriannuelles

Enfin, il faut encourager le passage au tarif global, qui couvre les rémunérations versées aux médecins spécialistes et généralistes, aux gériatres et aux auxiliaires médicaux libéraux. Certains examens de biologie et de radiologie doivent être pris en charge. Par ailleurs, les médecins pourraient être salariés et l'accès à du temps médical pour les résidents dépourvus de médecin traitant mériterait d'être facilité. Aujourd'hui, le tarif global ne bénéficie qu'à 28 % des Ehpad. S'il était généralisé, cela représenterait un coût maximum de 400 millions d'euros. Mais ce serait une manière de sécuriser la qualité de la prise en charge.

Deuxièmement, pour pallier l'insuffisance des soignants, il faut impérativement remédier au manque d'attractivité du métier qui perdure depuis trop longtemps. Il faut notamment améliorer la reconnaissance des professionnels de la filière des soignants en Ehpad. La revalorisation salariale prévue dans le cadre du Ségur de la santé, ainsi que le lancement d'une campagne de recrutements assortie d'un plan de formation professionnelle doivent être poursuivis et amplifiés.

La formation professionnelle est un levier d'action à exploiter plus largement, afin de prendre en charge des personnes dont l'état de santé et de dépendance évolue. Je pense aux personnes handicapées vieillissantes et aux nombreux séniors souffrant de pathologies psychiatriques.

Le problème fondamental des ressources humaines doit être traité à tous les niveaux : plus de formation ; plus de valorisation ; plus de progression de carrière pour les aides-soignants ; plus de reconnaissance pour les infirmiers coordinateurs et les psychologues ; une action forte pour pallier le manque de ressources médicales via le tarif global et une meilleure articulation avec les établissements de santé, notamment les équipes mobiles de gériatrie et d'hospitalisation à domicile.

Troisièmement, l'accent doit être mis sur le contrôle et la capacité d'organisation des autorités de tutelle. Comme l'actualité récente nous l'a montré, un contrôle effectif est la condition sine qua non d'une bonne prise en charge. Alain disait : « Tout pouvoir sans contrôle rend fou. » De même, toute prise en charge sans contrôle devient inopérante, inefficace et inacceptable. Le mode de contrôle des Ehpad doit être profondément renforcé. Les CPOM doivent être transformés en outils de pilotage stratégique dotés de moyens financiers pluriannuels en faveur de la prévention et d'un plan d'insertion de l'Ehpad dans son environnement sanitaire et social. De nouveaux indicateurs doivent être créés pour suivre les domaines les plus en tension dans les Ehpad. Il serait par exemple pertinent de définir des ratios cibles sur le nombre maximum de résidents pris en charge par un professionnel de soins qualifié, sous forme de référentiels de bonnes pratiques. L'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (Anesm) et la Haute Autorité de santé (HAS) ont commencé à travailler en ce sens.

L'amélioration du contrôle passe aussi par l'extension des compétences des autorités de contrôle. Aujourd'hui, l'utilisation des recettes d'hébergement échappe au contrôle de la Cour et des chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC). Ces recettes sont-elles affectées à l'amélioration des conditions de vie des personnes âgées ? À l'investissement - si oui, quel est-il ? À la mise en réserve en vue de distribuer des dividendes ? Quelle part revient à l'établissement et au groupe ? Je serai très franc : nous ne le savons pas et n'avons pas en l'état les moyens de le savoir. Seule une approche décloisonnée des services fournis peut permettre de retracer l'utilisation des fonds privés issus du tarif d'hébergement et de déceler la maltraitance résultant de l'insuffisance des moyens déployés.

Je forme le voeu que le législateur fasse évoluer rapidement le champ de compétence de la Cour et des CRTC. Il y va de l'information du citoyen, de notre possibilité de contrôler, au sein de l'établissement et du groupe, les produits d'hébergement et les postes de charge qu'ils financent. Je pense notamment à l'immobilier et aux achats. Je tiens à votre disposition une note sur ce sujet avec un projet de modifications des articles L. 111-7 et L. 211-7 du code des juridictions financières.

S'ajoute un devoir de transparence envers les proches des résidents. Ils doivent avoir connaissance du degré de qualité de la prise en charge de leurs aînés. Nous recommandons la publication des évaluations externes et des grands indicateurs de qualité à l'instar de plusieurs de nos voisins européens, dont le Danemark.

La promotion du modèle de l'Ehpad comme centre de ressources dans les territoires, à mi-chemin entre le domicile et le médical, doit devenir prioritaire. Si ce modèle a déjà été expérimenté en Nouvelle-Aquitaine, il ne dispose pas d'un cadre juridique ouvrant des financements spécifiques. Le dispositif « Ehpad Centre de ressources » consacré par la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2022 constituera, je l'espère, une première étape fondatrice. C'est la disparition d'un fonctionnement en silo qu'il faut promouvoir et la suppression de l'étanchéité entre l'établissement et le domicile. Alors que la France enregistre 600 000 résidents en Ehpad, contre 100 000 en Italie.

Notre rapport se résume en trois idées-forces.

Tout d'abord, le modèle économique sur lequel est fondé l'Ehpad nécessite d'être rénové. On ne peut laisser s'accroître les dépenses sans résultats visibles pour les usagers. Il faut certes dépenser, mais cela passera par une réorganisation du modèle, la fusion des sections Soins et Dépendance, l'introduction de dotations pluriannuelles, et ce en vue de l'adaptation aux évolutions démographiques et sociomédicales françaises.

Ensuite, le renforcement de la prise en charge médicale et de sa qualité est plus que jamais nécessaire dans les Ehpad. Il convient d'adapter la formation du personnel, de mieux prendre en compte les résidents atteints de troubles cognitifs, d'améliorer le niveau de soins via le tarif global, d'assurer la publicité et la transparence des résultats.

Il est très inhabituel pour la Cour de préconiser des dépenses supplémentaires, mais les besoins, massifs, vont s'accroître. Le coût global des mesures envisagées se situe entre 1,3 milliard et 1,9 milliard d'euros par an. Nous l'assumons.

Enfin, c'est au travers d'un nouveau modèle que les Ehpad s'affirmeront en tant qu'établissements de référence. Mieux contrôlés, mieux coordonnés avec les autres acteurs de la gérontologie, plus ouverts, les Ehpad pourront s'adapter aux besoins. C'est le coeur de ce rapport.

Le défi du grand âge ne peut être laissé de côté. Prendre en charge nos aînés, c'est prendre en charge la société tout entière. Dans La Légende des siècles, Victor Hugo écrit : « Et l'on voit de la flamme aux yeux des jeunes gens. Mais, dans l'oeil du vieillard, on voit de la lumière. » Cette lumière symbolise les épreuves surmontées, la vigueur d'esprit, la lueur d'espoir, la foi dans le progrès. C'est aussi l'avenir que nous préparons en refondant le modèle des Ehpad !

Mme Catherine Deroche, présidente. - Merci beaucoup de ce rapport vraiment très intéressant. Je considère votre audition comme la première de la commission d'enquête, d'ores et déjà axée sur le contrôle. Vos propositions à ce sujet sont fructueuses. Je laisse la parole à M. le rapporteur Bernard Bonne, qui participe à nos travaux en visioconférence.

M. Bernard Bonne, rapporteur. - Merci de ce rapport extrêmement intéressant et qui correspond en grande partie à celui que Michelle Meunier et moi-même avions rédigé l'an dernier sur la prévention et l'évolution de la prise en charge des personnes âgées en Ehpad. Nous avions bien observé ce qui se passait au Danemark sans pouvoir nous y rendre du fait de la crise sanitaire. Ce pays avait fait le pari de ne plus construire de tels établissements. N'ont ainsi été accueillies dans les Ehpad que les personnes les plus fragiles ayant d'importants troubles, notamment cognitifs, nécessitant une lourde médicalisation. Les autres séniors pouvaient rester à domicile grâce à un accompagnement très adapté.

Nous sommes entièrement d'accord avec vous sur la nécessité de revoir complètement le modèle des Ehpad. Nous avions proposé dans notre rapport la fusion expérimentale des sections Soins et Dépendance, sous l'égide des ARS ou des départements. Il faut également revoir totalement la médicalisation dans les Ehpad et l'augmenter considérablement.

Vous soulignez la difficulté pour les juridictions financières de contrôler les sections d'hébergement, surtout au sein des établissements à but lucratif. Quelles pistes d'amélioration pourraient être envisagées pour le contrôle, y compris de l'utilisation des sommes perçues ? Quelles obligations de communication faudrait-il imposer aux établissements ? La commission d'enquête examinera tous les écueils du système et proposera d'autres solutions afin que nous gagnions en transparence. Quel est votre avis sur les CPOM ? S'ils sont très intéressants ponctuellement, lorsqu'ils concernent un groupe, ne masquent-ils pas la réalité individuelle de chaque établissement ? La commission d'enquête pourrait souhaiter à son tour entendre la Cour des comptes afin de recueillir d'autres éléments très intéressants.

Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Les travaux de la Cour sont tous importants, mais celui-ci a une résonance particulière eu égard à la réflexion que nous avons déjà entamée avec Bernard Bonne et compte tenu de la triste actualité sur les Ehpad. Nous partageons votre constat de l'absence de visibilité concernant les effectifs de soins. Pour y remédier, vous préconisez la constitution de référentiels afin d'évaluer les ratios minima requis pour prendre soin des personnes âgées. Qui doit élaborer ces référentiels ? Comment y associer les acteurs locaux, en priorité les départements, mais aussi les centres communaux d'action sociale (CCAS) ? Comment s'assurer de leur respect par les établissements ?

La surconsommation médicamenteuse dans les Ehpad, qui n'est pas nouvelle, pose toujours problème. Vous suggérez de mettre à disposition des établissements les données de l'assurance maladie. Comment lever les verrous qui freinent cette mise en place ? Ne pourrait-on prévoir l'apposition de labels qualité ?

Concernant la démocratie participative, les familles des personnes hébergées peuvent être associées au conseil de la vie sociale présent dans chaque Ehpad. Cet outil est utile pour avoir une vision exacte des conditions de vie et de travail dans ces établissements. Quelles sont vos recommandations en la matière ?

M. Pierre Moscovici. - Je constate une assez large convergence d'analyse qui est de bon augure. Je le redis : la Cour et les membres de la 6e chambre sont totalement disponibles pour participer à vos travaux ou vous renseigner sur des enquêtes particulières que nous avons menées. Nous devons aller encore plus loin ensemble dans nos contrôles. Outre les mesures législatives, les contrôles inopinés sont absolument nécessaires pour avancer et éviter des toilettages artificiels.

Monsieur Bonne, pour les sections Soins et Hébergement, les Ehpad ont deux sources de financement : les dotations représentent plus de 90 % des crédits, sans que soient prises en compte les actions de prévention et de lutte contre la surconsommation médicamenteuse ; quant aux crédits non reconductibles, ils sont par nature incertains. C'est pourquoi la Cour préconise de faire du CPOM un outil de planification stratégique et d'y intégrer un volet financier correspondant à des objectifs de santé publique et de prévention.

Les entraves rencontrées par les juridictions financières sont doubles. D'une part, la section Hébergement des Ehpad privés ne peut être contrôlée. D'autre part, l'accès aux comptes du siège des groupes devrait être rétabli au travers de l'obligation, supprimée en 2008, de transmettre aux ARS un compte spécial retraçant les produits et charges d'exploitation non financés par les fonds publics, c'est-à-dire essentiellement l'hébergement. Ce compte doit également retracer les flux financiers entre la personne morale gestionnaire et le siège social ou toute autre entreprise du groupe. Cela permettrait un contrôle approfondi des Ehpad et autres établissements ou services sociaux ou médico-sociaux (ESMS) privés.

Madame Meunier, s'agissant de la prise en charge médicale, il faut être conscient que le médecin coordinateur (Medec) est souvent absent. Il est chargé des admissions, de la politique de santé de l'Ehpad, mais pas du suivi individuel. Les médecins traitants ont également très peu de temps à consacrer aux résidents. Les échanges entre ces médecins ne sont pas toujours fluides et les commissions gériatriques, qui doivent se réunir une à deux fois par an, sont souvent des coquilles vides. Les Medec n'ont pas forcément une vue d'ensemble de la consommation médicamenteuse de l'ensemble des résidents.

Il existe un outil informatique très utile. Géré par la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM), ce dispositif RESID-ESMS contient des données précieuses sur les dépenses de médecine de ville des personnes âgées. Néanmoins, il n'est pas partagé par les Ehpad ni par les ARS. La CNAM devrait leur ouvrir cet accès, mais seulement pour les grands agrégats afin de garantir la confidentialité des données individuelles. Dès lors, le médecin coordinateur pourrait mener, en lien avec tous les autres acteurs - pharmaciens, infirmiers de coordination, directeurs d'établissement - une réflexion qui associerait tous les personnels infirmiers de l'établissement aux pratiques de prescription et de déprescription - celle-ci est devenue un standard en matière de bonnes pratiques gériatriques.

Les conseils de la vie sociale ont été institués par la loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale, à une époque où ces outils de démocratie participative étaient balbutiants. Il faut les adapter aux nouveaux besoins, notamment leur fermeture, qui sont apparus lors de la crise. Le tribut des anciens a d'ailleurs été très important, puisque les résidents d'Ehpad représentent 36 % des morts du covid. Il convient également de consolider les nouveaux moyens d'échanges qui ont été créés avec les familles. De même qu'il faut renforcer la participation des aidants, des associations d'usagers, des élus, et encourager le développement de CVS communs à plusieurs établissements.

Je reviendrai sur la situation au Danemark. Ce pays a pu arrêter la création d'établissements, mais il partait d'institutionnalisation des personnes âgées supérieure à la nôtre.

M. Vincent Feltesse, conseiller-maître, rapporteur général. - Faut-il se fixer des objectifs en termes d'ETP, ce qu'évoquait un rapport de l'Assemblée nationale ou celui de Dominique Libault ? Cela aboutit déjà à beaucoup de dépenses. On aura des référentiels sur les temps d'auxiliaires de vie sociale (AVS). Si ces référentiels doivent être établis au niveau de la HAS, et un travail est en cours, il est important qu'il y ait une transparence sur les indicateurs pour les familles. Par exemple, vous connaissez le portail pour les personnes âgées où l'on trouve le prix de journée en Ehpad public, soit 1 800 euros par mois, et celui en Ehpad privé, 2 400 euros par mois. Cette transparence pourrait aussi valoir pour quelques indicateurs clés, comme cela se fait dans d'autres pays.

La participation des élus locaux pourrait se faire dans un CVS ouvert.

Mme Véronique Hamayon, conseillère-maître, contre-rapporteure. - Oui à un référentiel de bonnes pratiques, mais sur le ratio d'effectifs, la HAS s'est déclarée incompétente.

M. Denis Morin, président de la 6e chambre de la Cour des comptes. - Trois aspects nous ont frappés sur la surmédicalisation.

D'abord, le circuit de distribution du médicament n'est pas sécurisé - on peut trouver un médicament par terre, alors que la personne âgée était censée le prendre - et c'est grave. Ensuite, il y a une surconsommation de psychotropes : 57 % des résidents sont sous psychotropes en permanence. Cela renvoie à la défaillance de la prise en charge et aux sous-effectifs. Enfin, le suivi des risques de iatrogénie médicamenteuse liée à une surconsommation de médicaments. Ces trois sujets nécessitent un renforcement de la coordination entre le médecin traitant, le médecin coordonnateur et l'infirmière coordonnatrice.

Mme Michelle Meunier. - Vos réponses ne vont-elles pas à l'encontre de votre huitième recommandation ? Vous voulez renforcer la mutualisation et engager des fusions pour éviter des monogestions d'associations spécifiques sur un Ehpad. À quelle échelle voulez-vous ces regroupements, notamment en nombre de lits ? Est-ce que cela ne va pas à l'encontre des recommandations de bientraitance, de bienveillance, si la taille des établissements est trop importante ? On s'éloignerait de l'intérêt des personnes, et les lanceurs d'alertes seraient moins faciles à identifier.

M. Denis Morin. - Nous ne voulons pas augmenter la taille de chaque structure, même si la taille moyenne des Ehpad en France est de 80 résidents, soit bien moins que dans d'autres pays voisins. Notre préoccupation, c'est surtout l'appartenance à une structure plus large, par exemple un établissement public hospitalier ou une structure privée lucrative ou non lucrative. La crise sanitaire a montré les défaillances de coordination entre les Ehpad et les hôpitaux. Il faut un lien entre les Ehpad et les hôpitaux appartenant à un même territoire. Les faire appartenir à une structure plus large permet de formaliser des procédures, notamment la distribution de médicaments, ou une politique de conformité, comme il peut en exister dans des groupes privés ou publics. Voilà ce que nous appelons de nos voeux, et pas des grands Ehpad de 200 résidents. Actuellement, il y a plutôt un éclatement avec 7 500 Ehpad de taille modeste, et surtout 4 500 personnes morales gérant un seul Ehpad.

M. Daniel Chasseing. - Ce rapport est extrêmement complet. Je suis d'accord avec vous sur vos propositions concernant la qualification du personnel, la fusion des soins dépendance, revoir le GMP et surtout le PMP : plus on fait de prévention, plus le PMP chute. Il faut aussi renforcer l'accompagnement à domicile et surveiller la consommation médicamenteuse. Je suis favorable à l'ouverture des Ehpad vers le territoire et le fait d'accompagner les personnes en accueil de jour. Il faut aussi accueillir davantage les pharmaciens, qui peuvent jouer un rôle très important pour limiter la iatrogénie, et veulent davantage s'impliquer. Oui, il faut plus d'accueil de jour.

Par contre, non à l'élimination du département de la gestion des Ehpad. Le conseil départemental est la collectivité de proximité. La région est très loin, alors que le département joue un rôle de contrôle et de décentralisation des soins par un budget dépendance et soins qui serait attribué au département.

Il faut augmenter très rapidement le nombre de soignants, car les personnes sont couchées à 16 heures faute de bras pour faire des changes. Il faut passer à un ratio de 0,4 à 0,5, voire peut-être, comme cela avait été proposé déjà en 2017 dans le rapport de Philippe Bas, doubler le nombre de soignants.

Mme Florence Lassarade. - Quelle est la part de la prévention ? La prévention chez la personne âgée, c'est aussi la nutrition. Quelle évaluation en avez-vous faite ? Il faut aussi prévenir les chutes, avec la physiothérapie, la kinésithérapie, l'ergothérapie, voire l'activité physique. J'ai pu constater que dans les maisons de retraite, lorsque le kiné libéral part à la retraite, le kiné salarié, très mal payé, prend le relais. Et le patient qui faisait auparavant le tour du village fait le tour de son lit... Les patients ne font plus assez d'exercice physique. Ce n'est pas seulement un problème d'Ehpad.

Quelle est la part consacrée au handicap spécifique du vieillissement, et en particulier la dégénérescence maculaire liée à l'âge, qui conduit à la cécité ? Il n'y a pas d'accompagnement spécifique en Ehpad.

Mme Frédérique Puissat. - Vous nous proposez une nouvelle gouvernance, avec une place prépondérante des ARS par rapport aux départements dans la fusion des nouvelles sections. L'ARS est-elle suffisamment organisée et capable de s'adapter à cette nouvelle approche ?

En identifiant l'Ehpad comme le tout soin, ne va-t-on pas déséquilibrer un peu ces structures, qui ont parfois des personnes très dépendantes et d'autres moins ? Il faut aussi préserver le personnel.

Avons-nous les moyens de nos politiques ? Lorsque nous allons voir des parents dans des hôpitaux, nous sommes parfois obligés de nous habiller avec un sac poubelle, parce que les hôpitaux n'ont pas les moyens d'avoir des équipements de protection individuelle adaptés pour préserver les anciens.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Votre enquête arrive à point nommé. Il manque des contrôles, et ils sont beaucoup trop rares. Ils doivent s'intensifier pour plus de transparence.

Il faut lancer des démarches qualité dans les Ehpad, en prenant l'exemple du réseau Habitat jeunes, qui est dans une démarche de responsabilité sociale des organisations (RSO), qui intègre des enjeux sociaux, environnementaux et économiques. Ces établissements s'interrogent entre eux sur la qualité qu'ils apportent aux usagers. Il faudrait appliquer ce référentiel pour améliorer la qualité et mieux dépenser l'argent public.

Plusieurs d'entre nous sont dans des conseils d'administration ou de surveillance, où il y a une double tutelle ; chacun se renvoie la responsabilité d'un manque de financement. Durant les débats de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (3DS), nous nous étions demandé s'il fallait tout donner au département ou aux ARS. Les statistiques montrent que les personnes âgées ont besoin de soins importants. Je partage donc votre avis pour donner la responsabilité aux ARS.

Les départements doivent s'y retrouver, car ils sont très attachés à leur compétence. Comment les responsabiliser dans la prévention ? Comment leur affecter la prise en charge de la personne âgée dépendante à domicile, et aux ARS les Ehpad ?

M. Alain Milon. - J'ai beaucoup apprécié vos propositions de prise en charge des personnes âgées en Ehpad, qui rejoignent celles des rapports de Mme El Khomri ou de nos collègues Michelle Meunier et Bernard Bonne.

Le Danemark est a priori le meilleur exemple en Europe, mais pour financer l'ensemble de ses mesures, l'âge de la retraite a été porté à 67 ans. Quels nouveaux financements proposez-vous pour une meilleure prise en charge des Ehpad ?

M. Pierre Moscovici. - Je suis d'accord avec M. Chasseing sur le rôle des pharmaciens.

Concernant la tutelle, l'ARS a aussi des délégations territoriales. Les départements doivent rester présents dans les Ehpad relevant de l'aide sociale. Dans le cadre des CPOM, ce sont eux qui ont en charge la bonne insertion territoriale. La duplication actuelle de la tutelle, sur le plan financier et sur le plan fonctionnel, est tout à fait néfaste. Il faut que le département s'insère dans un pilotage global géré par l'ARS.

À propos de la prévention, nous avons évoqué la nutrition dans notre rapport. Le Gouvernement a annoncé un plan anti-chutes. La prévention passe par une meilleure articulation avec la médecine de ville. Les ARS sont calibrées pour cette tutelle. Nous l'avons vu lors de la crise sanitaire.

Faut-il équilibrer les populations de résidents ? Nous proposons un virage domiciliaire. L'argent public n'est pas dépensé de manière efficiente. Il faut regrouper dans les ARS les soins et la dépendance, en préservant la compétence des départements.

Certes, nous allons avoir des dépenses supplémentaires. Le sujet des retraites est devant nous. Dans notre rapport de juin sur la stratégie des finances publiques en sortie de crise, nous avons écrit que nous ne pourrons pas échapper à une telle réforme. Contrairement à ce qui avait été pensé initialement, il faudrait commencer par une réforme paramétrique, avant d'aller vers une réforme systémique, plutôt que l'inverse, qui serait trop complexe. Une bonne réforme doit être négociée, prendre le temps, et tenir compte d'un certain nombre de spécificités. La Cour des comptes a déjà publié un rapport et une note sur le sujet. Cette réforme n'est pas la seule piste de financement.

Mme Véronique Guillotin. - La télémédecine est-elle bien ancrée dans les Ehpad, et qu'en est-il de la présence de nuit ? Cela permettrait d'évoquer les urgences la nuit et les consultations spécialisées.

Il y a un problème sur les soins dentaires, puisque les déplacements ne sont pas pris en charge. Certaines personnes renoncent aux soins dentaires, avec des dénutritions, des chutes et des décès. Cela est-il pris en compte ?

Il est nécessaire qu'il y ait une montée en compétence des médecins coordonnateurs. Certains patients sont aux confins de la psychiatrie, des troubles cognitifs, du grand âge... On ne sait plus trop s'ils doivent relever d'une maison d'accueil spécialisée (MAS) ou d'un Ehpad. Ne faudrait-il pas obliger les médecins coordonnateurs à être gériatre ? Il faudrait que ce médecin puisse transmettre des bonnes pratiques auprès des médecins traitants, y compris pour une désescalade médicamenteuse.

M. Jean-Luc Fichet. - Je partage vos analyses. Les médecins coordonnateurs peuvent-ils être aussi prescripteurs dans les établissements pour pallier au manque de médecin ?

Actuellement, les personnes âgées qui arrivent en Ehpad ne sont pas bien prises en charge pour leur qualité de vie. Vous indiquiez qu'un Ehpad public coûtait 1 800 euros par mois, et un Ehpad privé 2 500 euros. Mais là, on parle d'Ehpad à 200 euros la journée, 6 200 euros par mois, sans voir d'approche qualitative différente.

Par qualitatif, j'entends le bien-être, la disponibilité des soignants, des espaces agréables à vivre. Souvent, les articles évoquent les odeurs de ces établissements. C'est lié à la formation du personnel et à l'agencement des locaux.

Il ne faut pas seulement contrôler, et le contrôle ne doit pas être une sanction. S'il y a des gens compétents et des moyens financiers suffisants, cela suffit pour avoir de la qualité.

Les compléments alimentaires foisonnent dans les Ehpad, et font souvent l'objet de prescriptions médicales parallèles. J'ai lu dans un journal qu'ils seraient remboursés par la Sécurité sociale, est-ce vrai ?

M. René-Paul Savary. - Avez-vous constaté des détournements de l'APA ? Vous n'avez pas pu examiner comment a été utilisé l'argent pour l'hébergement, mais pour la dépendance, il semblerait qu'il y ait au niveau de certains groupes une remontée de la part hébergement qui est mutualisée et versée directement aux établissements avec le GMP. Ne faudrait-il pas revoir ce système ? Plus on a de groupes, plus il y a de bonnes pratiques, mais aussi de mauvaises.

Il faut plus d'argent, mais si c'est à crédit, ce ne sera pas bon pour les générations futures. Soyons attentifs.

Avez-vous réfléchi à la façon dont il pourrait y avoir moins d'administratif, de façon à ce que le personnel soit surtout au plus près du malade, et non à remplir sans arrêt des évaluations ?

Ne faudrait-il pas plus de domotique dans les établissements ? Certains établissements modèles pourraient servir d'exemple.

M. Olivier Henno. - Le modèle est épuisé et sera difficile à rénover. Il faut raisonner moins en fonction des structures et des compétences, et davantage en fonction des patients. Qui veut aller en Ehpad ? Personne. Cette décision est toujours douloureuse à prendre.

Le Pr Jean-François Delfraissy disait, lors d'une audition, qu'en France on meurt mal. C'est en partie dû au fonctionnement des Ehpad, avant même les scandales qui ont été récemment mis au jour.

Si nous allons vers un virage domiciliaire - et peut-être aussi des appartements partagés ? - n'aura-t-on pas alors trop de places en Ehpad ? Faudra-t-il éventuellement fermer des Ehpad ?

Mme Jocelyne Guidez. - Qu'en est-il des Ehpad ultramarins, dans des territoires où il y a très peu de médecins ? Il faut plus de bienveillance face à la vie mais aussi face à la mort, et aider les aidants à accompagner leurs proches.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Mme Victoire Jasmin souhaite aussi évoquer l'outre-mer. Vous nous avez proposé une modification législative sur les pouvoirs de la Cour des comptes. En avez-vous d'autres à nous proposer ?

Les CPOM ne peuvent servir de fondement à un contrôle de qualité. Comment les améliorer ?

M. Pierre Moscovici. - Nous proposons une rénovation du modèle, et non d'en finir avec les Ehpad. Nous ne voulons pas instaurer le tout domiciliaire. Il faudra toujours une répartition entre les deux. Nous voulons aussi partir des besoins des personnes âgées, pour améliorer leur situation. Comme élus, comme enfants, nous avons constaté des inégalités.

La qualité est fondamentale dans le contrôle et pour l'amélioration du modèle des Ehpad.

Il faut un tarif global, qui concerne l'ensemble des actions à mettre en oeuvre.

J'ai mentionné tout à l'heure une évolution législative possible, mais il y en a d'autres?: identifier dans un compte spécifique les montants de produits et charges d'hébergement et leur transmission aux ARS, au département et à la CNSA?; l'extension du champ de contrôle des juridictions financières?; et enfin le décloisonnement des autorisations entre hébergement et domicile avec un rôle accru dévolu au CPOM.

Je me réjouis de votre accord dans la loi 3DS. Les chambres régionales et territoriales des comptes auront une fonction d'évaluation des politiques publiques. En la matière, il serait bon que le contrôle soit davantage étendu, pour mieux informer le citoyen, et pour mieux contribuer à vos travaux. Nous vous transmettrons une note sur ces évolutions législatives.

M. Denis Morin. - Nous ne sommes pas contre donner des pouvoirs de prescription au médecin coordonnateur, et il peut déjà prescrire, mais sous réserve de la lutte contre les interactions médicamenteuses et de la coordination entre les différents intervenants. Il faut mettre en place un procédé pour éviter les trois risques que j'évoquais tout à l'heure - mauvaise distribution de médicaments, surconsommation de psychotropes et iatrogénie. Plus il y a de prescripteurs, plus il y a un risque de iatrogénie.

Il n'y a pas de lien entre le niveau du reste à charge et la qualité de la prise en charge. On ne peut pas dire que lorsque c'est plus cher, c'est mieux. Souvent, c'est même le contraire. C'est par le développement des contrôles inopinés que nous arriverons à détecter les situations les plus calamiteuses. Malheureusement, Orpéa n'est pas un cas isolé.

Je n'ai pas d'éléments sur les compléments alimentaires.

Le recours à la télémédecine a augmenté durant la crise du covid, mais assez peu dans les Ehpad, alors qu'elle aurait pu être un recours. Nous devons vérifier, par une politique tarifaire adaptée et par le filtrage du médecin traitant, que la télémédecine se déploie. Elle peut répondre à un besoin plus large, notamment dans les déserts médicaux.

Le médecin coordonnateur n'a pas à être gériatre. Si c'était obligatoire, on en aurait encore moins. Dans de nombreuses régions, se mettent en place, autour d'établissements hospitaliers pilotes, des équipes mobiles de gériatrie qu'on peut projeter dans les Ehpad, et qui sont un appoint précieux pour améliorer la prise en charge des patients. Elles devraient pouvoir se rendre également dans les Ehpad. Mais cela dépend souvent d'initiatives de terrain.

Monsieur Savary, nous n'avons pas mis au jour des situations de détournement de l'APA. Nous le pouvons d'autant moins que nos compétences sont bornées horizontalement et verticalement : nous ne pouvons pas remonter dans les groupes pour suivre les flux de financement. Nous voyons que certains flux montent, mais sans savoir où ils vont et comment ils sont utilisés.

C'est la même restriction à nos compétences pour les cliniques privées : nous voyons des flux financiers qui partent de structures locales et remontent vers les groupes, mais sans pouvoir suivre la pertinence de ces flux. Le Premier président vous proposera des points pour faciliter notre contrôle, tout en sachant que nous sommes dans le secteur privé. Il y a des restrictions de nature.

Dans un rapport récent, nous avons montré qu'en raison du vieillissement accéléré de la population, qui est devant nous - contrairement à certains voisins européens -et va se produire entre maintenant et 2035, nous aurons un vieillissement rapide de la population. Nous ne proposons pas de stopper l'ouverture de places en Ehpad. Il faut de front mener l'équipement et la médicalisation des Ehpad et le virage domiciliaire. Ce sera une des choses les plus compliquées. Il faut assurer le maintien à domicile le plus longtemps possible, avant une prise en charge institutionnalisée, en étant certain qu'il y aura un suivi médical. Nous poursuivons cette double logique. Il y a encore lieu de continuer à augmenter le nombre de places en Ehpad.

Mme Véronique Hamayon. - Parmi les 57 Ehpad contrôlés par l'équipe, un seul - un établissement public - était en outre-mer, à La Réunion. Nous ne pouvons donc pas parler des spécificités ultramarines.

M. Vincent Feltesse. - C'est un Ehpad public qui avait un problème d'hébergement, qui est en train de ses résoudre. Dans cet Ehpad, le taux d'encadrement n'était pas mauvais, mais la prise en charge était défaillante.

Dans plus de 50 % des contrôles, il n'y avait pas ou pas assez de médecins coordonnateurs. Nous ne pouvons pas surinvestir sur des médecins coordonnateurs qui ne sont pas présents.

Les dépenses de médecine de ville dans les Ehpad ne cessent de diminuer, alors que les populations sont de plus en plus âgées et dépendantes. Nous avons un problème de démographie médicale.

Les infirmiers coordonnateurs sont extrêmement importants, mais ils ne bénéficient pas d'un statut. Ils ne sont même pas inscrits dans le code de l'action sociale et des familles - ce qu'il faudrait faire.

Il faudrait davantage former d'aide-soignants ; cela prend deux à trois ans, c'est donc assez simple à faire.

Toutes les professions paramédicales - kinésithérapeutes, nutritionnistes, psychologues...  - ont souvent un rôle fondamental. Il faut mieux les intégrer dans les Ehpad.

Nous avons vu des compléments alimentaires dans les Ehpad contrôlés, mais l'alimentation dépend de la section hébergement. Or l'alimentation, de même que la qualité de l'animation, est essentielle dans le quotidien d'une personne âgée. Nous plaidons pour pouvoir contrôler ces sections hébergement, car il peut y avoir des abus, mais aussi parce que c'est extrêmement important dans la vie d'un résident.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Je vous remercie pour la présentation de ce rapport, qui est important pour nos travaux, qui devraient se terminer en juin.

La commission autorise la publication de l'enquête sous la forme d'un rapport d'information.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Mission d'information sur l'adéquation du passe vaccinal à l'évolution de l'épidémie de covid-19 - Audition du professeur Henrik Ullum, directeur, et du docteur Marianne Voldstedlund, responsable de la prévention des maladies infectieuses, du Statens Serum Institut (Danemark)

Mme Catherine Deroche, présidente. - Dans le cadre de la mission d'information sur l'adéquation du passe vaccinal à l'évolution de l'épidémie de covid-19, nous entendons à présent le professeur Henrik Ullum, directeur et le docteur Marianne Voldstedlund, responsable de la prévention des maladies infectieuses, du Statens Serum Institut (SSI) au Danemark pour notre dernière audition avant la présentation du rapport.

Cette audition fait l'objet d'une captation vidéo qui sera retransmise en direct sur le site du Sénat et disponible en vidéo à la demande. Je salue ceux de nos collègues qui participent à cette réunion à distance.

Le Danemark a procédé récemment à la levée d'un certain nombre de restrictions, dont le « Coronapas » à la faveur de l'amélioration des indicateurs épidémiologiques.

À travers cette audition, nous souhaiterions connaître le type d'informations que votre institut collecte et comment il les rend disponibles pour le Gouvernement et le grand public, les indicateurs retenus pour évaluer le Coronapas dans le contexte épidémique et, enfin, votre analyse sur la contribution du Coronapas dans la réponse à l'épidémie.

Pr Henrik Ullum, directeur du Statens Serum Institut. - Le SSI est chargé de la surveillance des maladies infectieuses au Danemark ; c'est l'équivalent de l'Institut Pasteur en France.

Le Danemark a, je le pense, réussi la gestion de la pandémie. Concernant les événements les plus récents, certains scientifiques ont peut-être mal compris notre message : nous avions seulement estimé que la situation était plutôt bonne pour le moment.

Nous avons réussi à traverser cette pandémie sans surmortalité excessive ; l'économie se porte bien et nous sommes arrivés à un certain niveau de consensus et de confiance sociale. Il y a eu quelques manifestations, mais pas de situation véritablement problématique.

Cette réussite est due à différents facteurs. Nous avons testé différentes possibilités, par exemple des tests pratiqués sur 20 % de la population chaque semaine ; nous avons un système de surveillance très robuste, avec des données transmises immédiatement au Gouvernement comme au grand public. Cela a permis de démocratiser nos solutions dans la gestion de la pandémie.

Nos sociétés scandinaves ont un haut niveau de confiance sociale : tout le monde est prêt à agir pour le bien commun. Beaucoup de citoyens étaient prêts à se faire vacciner rapidement, pour protéger l'ensemble de la société. Cela a joué un rôle capital dans la réouverture de la société.

Dr Marianne Voldstedlund, responsable de la prévention du Statens Serum Institut. - Je m'efforcerai de répondre à une partie de vos questions, très pertinentes, dans ma présentation. Nous avons très bien géré la pandémie : la surmortalité toutes causes confondues a été très faible. Il est toutefois difficile de comparer les situations entre pays, car certains testent beaucoup et d'autres peu.

Comment le Danemark a-t-il réussi à gérer la pandémie ? D'abord, grâce à la conviction que le contrôle et les mesures de restrictions ne doivent pas mettre à mal l'économie. Ensuite, notre système de surveillance repose sur un triptyque : une infrastructure informatique robuste, une transmission électronique de données en temps réel, une tradition de collaboration de longue date entre les parties prenantes. Cela a été très utile en période de crise.

Nous avons rendu les tests gratuits et fortement augmenté nos capacités dans ce domaine. Les contaminations ont été très strictement contrôlées, les cas positifs ont été isolés. Un faible nombre de personnes ont préféré ne pas se faire tester. Nous avons pu identifier rapidement les foyers d'infection, en mettant en place le contact tracing. Les personnes malades s'isolaient volontairement, sans que le Gouvernement ait besoin d'émettre des recommandations.

La dissémination systématique des données a permis une transmission en temps réel à tous les niveaux du Gouvernement mais aussi aux écoles, au grand public et à la presse. C'est le fondement de la culture de la confiance.

Nous avons partagé non seulement les données, mais aussi nos sujets de préoccupation, notamment sur la vaccination. Nous avons ainsi placé notre confiance dans la capacité du peuple à comprendre les différences entre vaccins et le concept de risque. Les pouvoirs publics ont eu le courage de partager une information complexe sur le vaccin et ses effets secondaires.

La population a, en retour, fait confiance au Gouvernement, en estimant que si le vaccin n'était pas sûr, il aurait été retiré rapidement. Les habitants ont eux-mêmes demandé des tests, se faisant acteurs des recommandations des autorités.

Ce système n'aurait pas fonctionné sans solutions numériques centrées sur les citoyens, simples à utiliser et sans danger.

Le système de surveillance est basé sur une multiplicité de sources : la MiBa, la base de données microbiologique recensant tous les résultats de tests, positifs et négatifs, le registre danois de vaccination qui comporte la date de vaccination et le type de vaccin, le registre national des patients comportant les admissions à l'hôpital et en soins intensifs, sans compter d'autres registres comme celui des écoles, des crèches, des professions. Nous pouvons ainsi suivre l'évolution du covid au sein de la population âgée ou de celle des chauffeurs de bus.

Nous avons testé jusqu'à 10 % de la population par jour. Nous avons partagé ces données plusieurs fois par jour, avec toutes les parties prenantes.

Ainsi les fake news sont rares : nous avons gagné la confiance de la population, chacun est informé au même niveau et peut prendre des décisions éclairées.

Les décisions essentielles ont été prises avant la pandémie : ainsi, il y avait déjà un système en place lorsque la crise est survenue. L'une des sources principales de ce système est la MiBa, qui reçoit en temps réel les données microbiologiques : tests positifs et négatifs, pour le covid ou la grippe.

Au Danemark, le système de surveillance couvre les hôpitaux privés comme publics, les cliniques et les médecins de ville.

En 2020, nous avons constitué d'énormes capacités de tests. En 2021, des sociétés privées se sont jointes à nos travaux. Au printemps, nous avons commencé les tests dans les écoles, les centres, les universités, avec des résultats remontés en temps réel.

Pour construire des statistiques au niveau d'un pays, il ne faut pas seulement construire des laboratoires : il faut aussi organiser les flux. Tous les rapports passent par la MiBa et tous les patients et médecins ont accès aux rapports. La MiBa fait aussi un lien avec le système de surveillance.

Au moment du covid, il a donc suffi de connecter les nouvelles données à une infrastructure déjà en place, avec des flux de données structurés. C'était une forme de plug and play.

Il a donc été aisé d'élaborer ce Coronapas. Les solutions numériques n'existaient pas toutes, mais la collaboration était là ; elle a été construite sur une durée de 25 ans. On ne peut pas tout construire en période de crise. C'est également vrai pour le registre de vaccination danois (DDV), qui existe depuis 2010. Les généralistes, lorsqu'ils font un vaccin, l'enregistrent immédiatement dans le système. La MiBa et le DDV sont entièrement intégrés aux systèmes informatiques des généralistes et des hôpitaux.

Les données recueillies sont ensuite traitées grâce à des algorithmes complexes. Nous pouvons aussi les visualiser sous la forme de tableaux de bord et de cartes, qu'il est possible à tout un chacun de télécharger. La presse reçoit ces données en temps réel, mises à jour, avec des systèmes de visualisation disponibles pour les journaux et les réseaux sociaux. C'est un avantage considérable : la presse nous aide à partager l'information.

Ces données alimentent des rapports, des statistiques. Nous utilisons des indicateurs clés au quotidien.

Un système appelé Automail a été mis en place début 2020. Chacun pouvait recevoir, sur son téléphone, jusqu'à cinq courriels par jour l'informant de l'évolution du nombre de cas. Aujourd'hui, des statistiques plus élaborées sont présentées. Nous mettons notamment à disposition des cartes GIS à l'échelle des municipalités.

Pr Henrik Ullum. - Nous avons mis en place des modélisations de l'évolution de l'épidémie. Globalement, nos prévisions se sont réalisées. Nous avions anticipé une baisse du nombre de cas journaliers à partir de début février dans les zones les plus infectées, comme le grand Copenhague. C'est ce qui s'est produit, grâce à l'immunité hybride acquise par les vaccins et par l'infection. La situation est restée gérable : nous avons aujourd'hui trente personnes en réanimation et 50 000 infections.

Il y a eu trois vagues principales de mortalité au cours de la pandémie. Le premier indicateur utilisé est celui des personnes décédées trente jours après un test positif ; mais cela ne permet pas au médecin de dire si la mort a été causée par le covid.

Il est préférable de mettre en regard le nombre de décès et de contaminations avec le nombre de tests réalisés. Cela nous a permis de déterminer qu'il n'y avait pas eu de surmortalité excessive liée à la covid-19.

Nous avons aussi considéré les admissions à l'hôpital pour cause de covid, et les tests pratiqués sur les malades déjà admis. La proportion de patients positifs admis à l'hôpital pour d'autres raisons a augmenté : elle est aujourd'hui de 50 %.

Le principal problème, pour notre système de santé, a été que le personnel médical est tombé malade, et non la pression exercée par la pandémie sur le système hospitalier.

Mme Chantal Deseyne, rapporteur. - Vous avez évoqué la confiance sociale au Danemark. Les Danois sont-ils plus disciplinés et moins contestataires ? Le passe vaccinal a-t-il été mis en cause par la population ?

Quel est le niveau de fiabilité de vos projections ? Avez-vous comparé les résultats observés aux projections réalisées ?

Pr Henrik Ullum. - « Discipliné » n'est pas le mot le plus adapté. Au Danemark, comme en France, nous avons des débats passionnés, des critiques sur les mesures de restrictions. Certains se demandent si nous n'avons pas été trop stricts.

Le terme le plus approprié est celui de confiance sociale. Elle doit être déjà là au moment où la pandémie arrive. Les Danois ont confiance dans leur gouvernement et leurs institutions, et ils ont confiance les uns envers les autres. Nous avons fait de notre mieux pour ne pas perdre cette confiance, et partager toutes les données à notre disposition.

Certes, une partie de la population ne fait pas confiance à l'État ni aux autorités de santé, mais elle est plus faible qu'ailleurs.

Lorsque le Coronapas a été mis en oeuvre, au printemps dernier, la société sortait d'une longue période de fermeture. Nous avons ainsi pu le présenter comme un moyen de rouvrir la société. Il a donc été très bien adopté par la population et les syndicats. Cela a été bénéfique au bien-être des Danois et à l'économie du pays. Certains secteurs ont été plus touchés par le fardeau, mais la simplicité du Coronapas a facilité son adoption rapide.

Après la vague Omicron, le Coronapas a commencé à être discuté, ce qui nous a conduits à réfléchir à la pertinence des restrictions.

Nous avons réalisé les modélisations tout au long de la pandémie, avec des projections très précises. Nous avons ainsi prévu ce qui s'est passé ces derniers mois. Nous avons, à d'autres moments, été trop pessimistes : ainsi le nombre d'admissions à l'hôpital lié au variant Alpha a été moindre que prévu.

Ce n'est pas tant la modélisation qui était en cause, que le fait de ne pas mettre suffisamment en lumière le niveau d'incertitude qu'elle comportait.

M. Olivier Henno, rapporteur. - Dans quelle mesure êtes-vous sollicité comme conseil ou appui à la décision, à quelle fréquence et selon quels canaux ?

La maladie a changé de nature avec le variant Omicron. Le passe est-il toujours l'outil approprié ?

Quelles raisons ont conduit le gouvernement danois à lever les restrictions ? Le suivi de l'épidémie pourrait-il vous conduire à remettre en cause ces décisions ?

Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Comment évaluer l'efficacité du passe sanitaire dans la durée ?

Le sous-variant BA.2, très présent au Danemark, remet-il en cause vos projections sur Omicron ?

Mme Florence Lassarade. - Vos voisins suédois ont eu une stratégie très différente de la vôtre. Avez-vous imposé un contrôle aux frontières, et pendant combien de temps ? Est-ce ainsi que vous expliquez les différences dans les chiffres de l'épidémie ?

Les enfants sont-ils eux aussi soumis également au Coronapas ?

Pr Henrik Ullum. - Notre institut a une connaissance particulière de l'épidémie ; d'autres, agents de l'État, maîtrisent mieux les aspects économiques. Nous conseillons le Gouvernement, qui décide ensuite.

Toutes ces données sont soumises à discussion. L'opposition a elle aussi accès à nos conseils ; le savoir médical est partagé.

À titre personnel, j'estime que ce système a bien fonctionné. Nous avons réussi à obtenir du consensus, les décisions ont été acceptées. Le consensus est parfois plus important que la décision elle-même.

Omicron n'est pas la dernière variante de cette malade. Le Sars-CoV-2 restera. Omicron attaque les voies respiratoires supérieures, et non inférieures : ses symptômes sont plus proches de la grippe que de la pneumonie. Par conséquent, la pression sur le système de santé est moindre. En revanche, les personnes âgées ou dont le système immunitaire est faible restent vulnérables.

En matière de levée des restrictions, il est impératif d'évaluer la situation. Nos décisions ne reposent pas seulement sur des considérations médicales : il faut trouver un équilibre dans la gestion de l'épidémie.

Ainsi, nous réintroduisons le Coronapas quand le nombre de cas augmente. Mais le variant Omicron évitant l'immunité gagnée par la vaccination, il convient de réfléchir à sa réutilisation.

Au Danemark comme partout ailleurs, l'efficacité de ce passe doit être évaluée. Durant cette crise, nous avons parfois introduit les mesures qui nous semblaient nécessaires, mais qui n'étaient pas appuyées sur des éléments probants. Il faudra a posteriori faire un bilan de ce qui a fonctionné et de ce qui n'a pas fonctionné.

Nous avons introduit ce passeport à un moment où le nombre d'hospitalisations était très élevé : il est donc impossible de faire un lien direct avec la baisse des hospitalisations.

Le BA.2 n'a pas été inclus dans nos modélisations. Le pic des infections sera supérieur, et il sera atteint plus tard ; mais le variant n'est pas plus sévère.

Lorsque le variant Delta a frappé à nos portes, nous avons réussi, en fermant la frontière, à retarder de deux mois le moment où il serait le variant dominant. Ce répit nous a permis de développer l'immunité dans la population.

Nous n'avons pas réussi à faire de même avec Omicron, car ce variant s'est répandu comme un feu de forêt. Il était déjà là lorsque nous avons rétabli le contrôle aux frontières.

Enfin, la vaccination des enfants a commencé pendant la vague Delta. Elle n'est pas de la responsabilité de notre institut, mais d'une autre institution. Il y a des recommandations officielles de vaccination des enfants pour éviter les évolutions graves de la maladie ; mais les parents qui voulaient vacciner leurs enfants l'ont déjà fait.

Dr Marianne Voldstedlund. - En décembre 2021, le Coronapas a incité la population à se faire tester et vacciner. C'était une période de forte augmentation des cas. Nous avons eu de la chance : ainsi, la population a été fortement immunisée juste avant l'arrivée d'Omicron, et le virus est passé très rapidement. Nous ne l'avons pas contrôlé, mais le timing était très bon. Nous avons constaté une forte augmentation de la vaccination en décembre.

Mme Catherine Deroche. - La situation de l'hôpital au Danemark, notamment le nombre de patients en réanimation, est-elle un des indicateurs de gestion de la crise ?

Pr Henrik Ullum. - Lorsque l'on est aux commandes d'un avion, il faut utiliser tous les indicateurs disponibles. Nous avons pris en compte les admissions aux urgences, ainsi que les respirateurs.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Je vous remercie. Le Danemark a été très scruté par les pays européens.

M. René-Paul Savary. - Je note avec intérêt que le Danemark possédait déjà un système de collecte et de partage des données, avec interopérabilité, qui a permis aux autorités d'échanger plus facilement avec la population. Ne serait-il pas intéressant de s'en inspirer en France ? Nous devons tirer les leçons de l'expérience, nous fonder sur les données des crises précédentes pour nous doter, par anticipation, d'une grille d'évaluation et de réaction permettant de prendre des décisions le cas échéant - cela permettrait aussi de mieux les justifier auprès du public. Autrement je crains que si une nouvelle vague survenait, nous ne soyons toujours pas prêts. Le Gouvernement a mis en place le passe vaccinal : il devait agir, ce n'était peut-être pas une mauvaise décision, mais elle manquait de justification. Il conviendrait donc d'améliorer les flux de données pour mieux étayer les choix qui sont faits.

M. Daniel Chasseing. - Je retiens que les Danois ont testé jusqu'à 10 % de la population chaque jour et c'est comme cela qu'ils ont bloqué la propagation du variant Delta.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Ils ont aussi fermé les frontières.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Mission d'information sur l'adéquation du passe vaccinal à l'évolution de l'épidémie de covid-19 - Examen du rapport

Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous poursuivons nos travaux avec l'examen du rapport de la mission d'information, dotée des pouvoirs de commission d'enquête, sur l'adéquation du passe vaccinal à l'évolution de l'épidémie de covid-19, dont le dépôt doit marquer la fin de nos travaux.

Je rappelle que l'objectif que nous nous étions fixé n'était pas de refaire le débat sur le passe vaccinal, largement approuvé par le Sénat dans le contexte d'une cinquième vague de l'épidémie qui s'annonçait particulièrement violente, ce qui a été confirmé depuis. Nous partagions alors la volonté d'éviter la submersion de capacités hospitalières mises à l'épreuve par deux ans d'épidémie. Il s'agissait plutôt pour nous de veiller, au fil du temps, à l'adéquation de cet outil à la situation de l'épidémie.

Mme Chantal Deseyne, rapporteur. - Le 17 décembre 2021, le Premier ministre a annoncé la transformation du passe sanitaire en passe vaccinal. Cette annonce s'est traduite par la loi du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire, après des péripéties qu'il n'est pas nécessaire de rappeler. Le Sénat, en responsabilité, a adopté l'article 1er à une très large majorité de 242 voix contre 69.

Les anticipations de l'évolution de l'épidémie, confirmées depuis, appelaient une nouvelle étape dans les réponses apportées. Je rappelle que nous étions alors à l'amorce d'une cinquième vague du variant Delta qui s'annonçait particulièrement violente avec un virus à la fois très transmissible et très dangereux. Sur le terrain de la vaccination, il y avait une bonne et une mauvaise nouvelle : la vaccination se révèle très efficace face au variant, mais la réponse immunitaire qu'elle apporte s'estompe avec le temps, nécessitant une dose de rappel. L'ampleur annoncée de la vague n'a pas été démentie et elle s'est abattue sur un système hospitalier fragilisé à la fois par des difficultés structurelles et par deux années de lutte contre l'épidémie.

Lors de l'annonce du passe vaccinal, nous savions encore très peu de choses du variant Omicron. Entendu le 30 novembre par la mission d'information « confinement », présidée par notre collègue Bernard Jomier, le professeur Yazdanpanah déclarait : «  S'agissant du variant Omicron, il nous faut rester humbles, car nous avons peu d'éléments : s'il semble plus transmissible, nous ne connaissons pas son impact sur la sévérité de la maladie ni sur l'efficacité des vaccins et des traitements. »

Au cours du mois qui a séparé l'annonce de la mesure de la promulgation de la loi, la situation et les connaissances ont évolué très vite. La France, on le sait, a eu pour caractéristique de connaître la superposition de deux vagues : celle du variant Delta, complétée et prolongée par celle du variant Omicron.

Dès le vote du texte, le Sénat a annoncé son intention de suivre la mesure. Le 20 janvier 2022, il a octroyé à la commission des affaires sociales les pouvoirs d'une commission d'enquête afin d'examiner l'adéquation du passe vaccinal à l'évolution de l'épidémie de covid-19.

Un mois plus tard, nous vous présentons nos conclusions, ce calendrier étant motivé tant par l'évolution de la situation que par la multiplication des annonces et la suspension prochaine des travaux parlementaires en séance publique.

Nous ne sommes ni épidémiologistes, ni modélisateurs, ni experts. Pour répondre à la question qui nous était posée, notre méthode a été la suivante. Nous avons tout d'abord pris comme feuille de route la décision du Conseil constitutionnel du 21 janvier 2021. Dans cette décision, le Conseil constitutionnel a considéré que « ces dispositions, qui sont susceptibles de limiter l'accès à certains lieux, portent atteinte à la liberté d'aller et de venir et, en ce qu'elles sont de nature à restreindre la liberté de se réunir, au droit d'expression collective des idées et des opinions ». Il a toutefois estimé que le législateur avait « poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé », les dispositions contestées opérant « une conciliation équilibrée entre les exigences constitutionnelles ». Il a également estimé qu'en l'état des connaissances scientifiques disponibles, la vaccination permettait de limiter la transmission de la maladie et le développement des formes graves. Il a également observé que le dispositif était borné dans le temps, jusqu'au 31 juillet 2022.

Il a ensuite dessiné une forme de « tableau de bord de l'épidémie » dans les termes suivants : « En outre, les mesures contestées ne peuvent être prises que dans l'intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre l'épidémie de covid-19 et si la situation sanitaire le justifie au regard de la circulation virale ou de ses conséquences sur le système de santé, appréciées en tenant compte des indicateurs sanitaires tels que le taux de vaccination, le taux de positivité des tests de dépistage, le taux d'incidence ou le taux de saturation des lits de réanimation. Elles doivent être strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu'elles ne sont plus nécessaires. »

Forts de cette feuille de route, nous avons ensuite arrêté une méthode très simple et décidé d'interroger les différents acteurs institutionnels du dossier sur les indicateurs retenus pour apprécier l'efficacité du passe vaccinal au regard des objectifs qui lui avaient été assignés.

Cette méthode était sans doute trop simple puisque c'est là où les choses ont commencé à se compliquer. Il est très vite apparu qu'il serait très difficile d'isoler les effets du passe vaccinal des autres instruments de lutte contre l'épidémie.

Le passe poursuivait un double objectif : limiter les contaminations en réduisant l'accès des personnes non vaccinées à certains lieux et préserver le système de soins en réduisant les tensions sur le système hospitalier par une incitation forte à la vaccination sans toutefois y contraindre. L'objectif final reste, comme tout au long de cette épidémie, de permettre aux capacités hospitalières de prendre en charge les patients covid sans pour autant compromettre les chances de patients atteints d'autres pathologies.

Mme Michelle Meunier, rapporteure. - À la différence du passe sanitaire, dont nous avions tous salué le succès, il nous est apparu au regard de ces objectifs que le passe vaccinal n'avait pas pleinement atteint sa cible.

S'il est exact qu'un outil comme le passe vaccinal produit ses effets dès son annonce, force est de constater que le sursaut escompté n'est pas intervenu dans les proportions attendues : 800 000 primo-vaccinations sont intervenues entre le 20 décembre et le 23 janvier, à rapporter aux près de 5 millions de personnes qui restaient à vacciner.

Surtout, on observe qu'outre la vaccination des enfants, ouverte le 22 décembre, qui a pu atténuer l'effet du passe vaccinal, les publics les plus réceptifs au passe vaccinal ont été assez logiquement ceux des tranches d'âge les plus concernées par une vie sociale très développée.

Entre le 12 décembre et le 6 février, le nombre de personnes non vaccinées a ainsi diminué de 34 % pour les personnes âgées de 18 à 39 ans, de 20 % pour celles âgées de 40 à 64 ans, et seulement de 13 % pour les personnes de 65 ans et plus. Le grand échec de la période reste celui du taux de vaccination complète avec rappel des plus âgés et des plus fragiles qui plafonne à 74,3 %pour les plus de 80 ans alors que certains de nos voisins sont parvenus à un taux de 100 % pour ce public cible.

Quant à l'admission rapide et massive des doses de rappel, le passe sanitaire produisait là une incitation strictement identique. Au-delà de cette cible manquée, la difficulté tient aussi au fait que l'épidémie, décidément protéiforme, a changé de visage. Comme l'indiquait à la commission le professeur Yazdanpanah le 16 janvier dernier : « Je suis très prudent, mais nous sommes quasiment devant une autre maladie. » Le variant Omicron s'est en effet révélé à la fois beaucoup plus transmissible - avec des taux d'incidence records et jusqu'à 500 000 personnes contaminées par jour, situation à laquelle nous n'aurions jamais pu faire face s'il avait eu la même létalité que le précédent variant -, mais aussi moins dangereux, avec théoriquement moins de conséquences pour le système hospitalier, qui reste cependant à une forte pression du fait de l'importance même de la circulation virale.

En somme, c'est davantage l'évolution du virus, avec la perspective d'entrer dans une phase endémique, plus que le passe vaccinal, qui aura modifié le visage de la crise dans notre pays.

Ainsi, si le vaccin protège toujours très efficacement contre les formes graves liées au variant Omicron, il prévient beaucoup moins bien les infections, dont le nombre a cru de façon exponentielle y compris chez les personnes vaccinées avec rappel, et la transmission du virus. Le bénéfice individuel et collectif du vaccin a donc pu sembler moins évident à l'heure même où il était rendu obligatoire pour l'accès à certains lieux. Lors de son audition, le Pr Fischer s'est inscrit en faux contre cette perception du vaccin, en rappelant que s'il ne prévenait pas totalement les transmissions, il les réduisait de 40 %, ce qui suffisait à préserver son bénéfice collectif. Toutefois, le bénéfice d'un passe vaccinal donnant accès à des lieux « sûrs », car fermés aux personnes non vaccinées, s'en est trouvé quelque peu relativisé.

S'est ajoutée à cette évolution du virus une communication illisible du Gouvernement.

Moins de cinq semaines après avoir déclaré, en quelque sorte « la patrie en danger », et avant même l'entrée en vigueur de la loi, le Premier ministre et le ministre des solidarités et de la santé, au cours d'une conférence de presse organisée jeudi 20 janvier 2022, ont annoncé une série d'allègements des restrictions, du fait de l'amélioration de la situation sanitaire. Ces allègements devraient être actés en deux temps, à compter du 2 février puis du 16 février. Pour les entreprises notamment, dès le 2 février, le télétravail n'était plus « obligatoire », mais « recommandé » et son niveau devait être défini en fonction du « dialogue social interne ». Les boîtes de nuit, identifiées comme un haut lieu de contaminations, ont pourtant rouvert le week-end dernier.

À la suite de l'audition du Pr Fischer, qui avait estimé possible une levée du passe vaccinal à l'horizon fin mars début avril, le porte-parole du Gouvernement, Gabriel Attal, a confirmé cette hypothèse, sans pour autant la fonder sur des avis scientifiques récents ni sur des indicateurs précis, le Gouvernement s'étant toujours refusé à le faire.

Nous le savons maintenant grâce aux projections de l'Institut Pasteur rendues publiques ou transmises à la commission au titre de ses pouvoirs d'enquête, la décrue engagée devrait se confirmer et la dynamique s'accélérer avec une baisse rapide des hospitalisations et de l'occupation des lits de soins critiques est anticipée pour le mois de mars.

Ce que nous aurons montré ces travaux, c'est la grande difficulté à fonder le suivi et le pilotage de la crise sur des données articulées et transparentes. Bien sûr, nous avons pu le constater en audition, et le Pr Salomon n'a pas manqué de le rappeler, beaucoup de données sont en open data sur les sites publics. Ce n'est pas tant la diffusion des données qui fait défaut - même si la mise à disposition de certaines, comme sur les covid accessoires, a tardé - que la capacité du Gouvernement à en livrer une lecture au public qui trace des perspectives pour son action et pour les efforts demandés.

Les organismes chargés de la santé publique, au premier rang desquels l'agence nationale Santé publique France, au-delà de la seule mise à disposition des données, semblent singulièrement absents de la stratégie ou, à tout le moins, de son exposition à la population. L'audition du Pr Chêne était à cet égard frappante. L'articulation des missions entre les services du ministère et l'agence, déjà identifiée comme une difficulté lors de la commission d'enquête sur le covid, devra décidément être réexaminée.

M. Olivier Henno, rapporteur. - Publié le 17 février dernier, le dernier point épidémiologique de Santé publique France, qui porte sur la semaine du 7 au 13 février relève les éléments suivants.

Le taux d'incidence est de 1 367 cas pour 100 000 habitants, soit 917 313 nouveaux cas confirmés, et le taux de positivité est à 28,1 % en baisse dans toutes les classes d'âge. Le fameux « R » s'élève à 0,59 %.

Les nouvelles hospitalisations baissent dans l'ensemble des régions, avec 11 699 nouvelles hospitalisations, de même que le nombre de nouvelles admissions en soins critiques dans la quasi-totalité des régions, avec 1 415 nouvelles admissions en soins critiques. Le 15 février 2022, 31 160 patients covid étaient hospitalisés en France dont 3 248 en services de soins critiques, contre 3 568 le 8 février, soit une baisse de 9 %, ce qui nous ramène au niveau de la fin novembre.

Mais la mortalité reste toujours élevée avec plus de 800 décès par semaine.

Sur le terrain de la vaccination, 79,1 % de la population totale a reçu une primo-vaccination complète ; 81,3 % des personnes éligibles ont reçu une dose de rappel, 90,7 %parmi les 65 ans et plus.

Pour ce qui concerne les nouvelles primo-injections, l'effet du passe vaccinal, qui n'a jamais été massif, s'essouffle. Alors que 326 000 primo-injections ont été réalisées du 16 au 31 janvier, on n'en compte plus que 140 000 entre le 1er et le 16 février. On peut penser que les hésitants ont été convaincus, mais que les opposants persistent et persisteront.

L'ensemble des indicateurs épidémiologiques nous semblent, sinon satisfaisants, du moins bien orientés et nous conduisent à préconiser de lever sans délai le passe vaccinal, c'est la première de nos recommandations.

Instruits par les précédentes vagues, nous envisageons cette décision avec prudence. Le professeur Delfraissy nous a rappelé, non sans humour, que l'intitulé de l'avis du Conseil scientifique du 5 octobre 2021, était : Une situation apaisée : quand et comment alléger ? Nous ne sommes pas à l'abri de nouveaux développements de l'épidémie, sous l'effet notamment, de l'apparition d'un nouveau variant.

Nous disons d'emblée qu'en levant le passe, il faut préciser les conditions d'une réversibilité de cette décision, en cas de diffusion d'un nouveau variant aux caractéristiques inquiétantes. Nous précisons aussi que la levée du passe vaccinal ne signifie pas la levée du passe sanitaire dans les hôpitaux ni de l'obligation vaccinale pour les soignants. L'épidémie n'est pas terminée.

Interrogé sur la levée des mesures et sur leur effet sur les libertés publiques, le même professeur Delfraissy nous a dit deux choses qui nous ont marqués.

La première, c'est « qu'il est toujours plus facile, comme en médecine, de prescrire de la restriction que de la liberté. »

La seconde, c'est qu'« un autre critère, bien sûr, sera l'acceptabilité des mesures par nos concitoyens, qui est fondamentale depuis le début de la crise. Pour l'instant, les Français ont accepté des choses extraordinaires. Jusqu'à quel point ? » La question de la proportionnalité des mesures est tout à fait essentielle. Il nous semble, compte tenu des indicateurs évoqués précédemment, mais surtout de leur orientation favorable, cette proportionnalité n'est aujourd'hui pas garantie.

Autre élément, si l'effet du passe s'est amoindri avec le temps, il est bien évident que l'annonce de sa levée prochaine ne va pas contribuer à convaincre les opposants à la vaccination. Si le passe produit des effets dès son annonce, il en produit aussi dès l'annonce de la levée.

Nous pensons qu'il faut impliquer le Parlement dans cette décision, en veillant à un certain formalisme qui représente une garantie de transparence pour nos concitoyens. C'est notre deuxième recommandation.

Comme cela a été le cas pour le déconfinement, nous préconisons un débat au Parlement en application de l'article 50-1 de la Constitution. Ce débat doit permettre de préciser les indicateurs à retenir pour le suivi de l'épidémie, ce que le Gouvernement avait refusé d'inscrire dans la loi, les conditions de la réversibilité éventuelle de la levée du passe vaccinal ou encore les lieux dans lesquels il conviendrait de maintenir un passe sanitaire compte tenu de la vulnérabilité particulière des personnes qui le fréquentent ou d'un risque de contaminations hors norme. Il doit aussi être l'occasion de définir un pilotage de l'épidémie qui ne passe plus par le conseil de défense. Nous ne sommes pas en guerre, nous luttons contre un virus et ses effets sur notre système de santé.

En période de suspension des travaux en séance publique, nous pourrions envisager une présentation de ces allègements par le ministre devant notre commission, élargie à l'ensemble des sénateurs.

En troisième lieu, nous recommandons d'axer les efforts dans la lutte contre l'épidémie sur les populations les plus fragiles, qu'il s'agisse de personnes âgées, précaires ou présentant des comorbidités. Pour elles, l'épidémie n'a pas changé de visage et le virus représente une menace bien présente.

L'aller-vers par le truchement des médecins traitants n'ayant connu qu'un succès mitigé, nous préconisons que ce soit l'assurance maladie qui effectue ce travail, comme elle le fait pour d'autres vaccinations ou d'autres mesures de prévention. Il faut peut-être aussi orienter la communication en direction des proches et des familles qui ont joué un rôle décisif dans des pays voisins, comme l'Espagne.

Nous préconisons enfin une politique plus systématique et plus volontariste envers les 300 000 personnes immunodéprimées de notre pays, qui vivent un confinement forcé depuis maintenant 2 années. Elles doivent se voir systématiquement proposer des traitements préventifs, ce qui n'est pas le cas actuellement et il faut encourager la recherche au profit de ces personnes pour lesquelles l'enjeu n'est pas le libre choix face au vaccin, mais bien l'impossibilité de bénéficier de la protection qu'il procure.

À l'heure où le pays s'apprête à alléger les mesures de restrictions et à retrouver une vie plus normale, c'est d'abord à ces personnes pour qui le risque est toujours bien présent, que nous devons d'abord penser.

M. René-Paul Savary. - Le rapport est bon, ses recommandations pertinentes. Ne pourrions-nous pas ajouter toutefois une recommandation visant à nous donner la possibilité de tirer les leçons de la crise pour définir les décisions à prendre à l'avenir en cas de nouvelles vagues, afin que ces décisions soient fondées sur l'expérience et étayées sur des données issues de situations déjà vécues. Cela aiderait nos concitoyens à les comprendre et les rassurerait. Pour cela, il faut mieux partager les données. Certes, elles sont accessibles en open data, mais il est difficile de les interpréter.

Mme Catherine Deroche, présidente. - C'est une bonne idée.

M. Alain Milon. - Je ne serai pas aussi optimiste que mon collègue. Créer une commission d'enquête immédiatement après avoir voté une loi est dangereux pour le Parlement. Cela revient à se demander, mais après avoir voté, si la loi est applicable ou non et quelles sont ses conséquences ! À ce rythme, il faudrait alors créer une commission d'enquête sur bien des sujets, comme, par exemple, sur la loi allongeant les délais de recours à l'IVG qui vient d'être votée. Par conséquent, je m'abstiendrai. J'ajoute que les mesures proposées ont déjà été mises en oeuvre par le Gouvernement, avant même que nous ne les formulions. Cette démarche me semble donc à la fois dangereuse pour le Parlement, et inutile.

M. Daniel Chasseing. - Je félicite nos rapporteurs. Au Danemark, l'épidémie a été endiguée par les mesures barrières et par la multiplication des tests, jusqu'à 10 % de la population testée par jour : en France, cela représenterait 6 millions de tests par jour.

M. Martin Lévrier. - Je rejoins la position de M. Milon. Je m'étonne que nous multipliions les rapports alors que la crise n'est pas finie... Lors de notre travail, l'an passé, sur l'évaluation des politiques publiques face aux grandes pandémies à la lumière de la crise sanitaire de la covid-19 et de sa gestion, nous avions multiplié les auditions, mais notre rapport n'a pas produit tous ses effets, car la crise a redémarré aussitôt ! Cette fois, un mois à peine après avoir voté la loi sur le passe vaccinal, on propose déjà d'autres solutions et on explique déjà que l'on n'aurait pas dû voter la loi !

On sait que le passe vaccinal vise avant tout les réfractaires. On savait qu'il serait difficile de toucher ce public. Je regrette à cet égard que nous n'ayons pas auditionné d'antivax. Nous aurions pu leur demander notamment comment ils appréciaient le passe vaccinal par rapport au passe sanitaire ou à d'autres dispositifs. Ils sont contre tout...

Autre point d'étonnement, nous sommes tous favorables à une démarche pédagogique, préférant convaincre pour inciter à la vaccination, plutôt que d'y obliger ; or cette approche n'a pas été explorée dans le rapport. J'ajoute que les préconisations du rapport sont déjà mises en oeuvre... Quelle image donnons-nous aux Français ? On demande au Gouvernement de simplifier, mais le faisons-nous en proposant des mesures qui existent déjà ? Notre rapport ne fait qu'ajouter de la complexité. Je ne le voterai pas.

M. Laurent Burgoa. - Je tiens à féliciter nos rapporteurs pour la qualité de leur travail et leur souhaite bon courage pour la communication : il ne faudrait pas donner, en effet, des armes aux antivax. Il faudra être vigilant sur ce point. Je m'abstiendrai.

Mme Catherine Procaccia. - Je félicite les rapporteurs : il n'était guère aisé de faire des propositions en si peu de temps. Tant mieux d'ailleurs si elles correspondent aux mesures qui viennent d'être prises. Cela montre que l'on ne va pas dans le sens des antivax qui souhaitent la suppression immédiate sans condition du passe vaccinal.

Avez-vous envisagé de rendre obligatoire la vaccination uniquement pour les personnes les plus fragiles ? Cela permettrait de supprimer le passe vaccinal pour le reste de la population.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Certes notre travail a été rapide, mais cela n'aurait eu aucun sens d'attendre des mois avant de formuler des propositions ! Le Sénat fait preuve de cohérence. Lorsque nous avons voté la loi créant le passe vaccinal, nous avions prévu des indicateurs permettant de vérifier l'utilité de ce dispositif et de pouvoir le lever en fonction de certains paramètres. L'Assemblée nationale n'a pas retenu ces dispositions. La création de notre commission d'enquête s'inscrit donc dans le prolongement de notre position. Si nos recommandations sont conformes aux dernières décisions du Gouvernement, tant mieux ! Mais je rappelle que les premiers à avoir parlé de levée des restrictions, alors même que le passe vaccinal n'était pas encore en place, ce ne sont pas les sénateurs !

Je ne vois pas non plus comment notre rapport fournirait des arguments aux antivax : ceux-ci sont toujours très critiques et demandent la levée de toutes les restrictions. Nous sommes cohérents avec nos demandes : nous souhaitions un suivi de la loi, nous l'avons assuré. Les gens ne comprennent pas pourquoi on leur demande d'aller se faire vacciner dès lors que l'on annonce déjà la levée prochaine des restrictions. Le ministre, qui plaidait pour une quatrième dose, évoque maintenant une « fatigue vaccinale ». La communication du Gouvernement a été, pour le moins, brouillonne. En tout cas, notre travail ne décrédibilise pas notre commission. Nous voulions définir des indicateurs. Notre travail s'inscrit dans cette ligne.

M. René-Paul Savary. - La question de Mme Procaccia est pertinente. Si l'épidémie évolue vers une épidémie saisonnière, comme la grippe, il sera plus opérant de mettre en oeuvre une vaccination centrée sur les populations les plus fragiles. Ne faudrait-il pas réfléchir alors à un système de vaccination plus ciblé ? Il n'existe pas de passe vaccinal pour la grippe, mais de simples recommandations pour inciter certaines personnes à se faire vacciner. Le passe vaccinal ne pourrait-il pas être pérennisé, selon des formes graduées, si l'épidémie devenait saisonnière ? L'enjeu est de protéger les personnes fragiles sans pénaliser les autres.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Les personnes les plus fragiles ne sont pas forcément celles qui se font le plus vacciner.

Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Nous avons du mal à atteindre certains publics fragiles. Il conviendrait sans doute de s'appuyer sur les communes et leurs centres communaux d'action sociale (CCAS) ou sur les départements pour mieux aller-vers ces personnes vulnérables, dans le cadre d'une démarche d'accueil global : à l'occasion, par exemple, d'un entretien pour les orienter dans une recherche d'emploi ou de stage, on pourrait ainsi les interroger sur leurs conditions de vie ou de santé pour mieux les accompagner.

M. Olivier Henno, rapporteur. - Autant la décision de mettre en oeuvre le passe sanitaire était solidement fondée, autant celle concernant le passe vaccinal apparaît fragile. M. Lévrier faisait part de son étonnement. En ce qui nous concerne, c'est la conférence de presse du Gouvernement du 20 janvier qui nous a surpris ! Moins d'un mois après la création du passe vaccinal, le Gouvernement annonce déjà la levée prochaine des restrictions ! C'est dire la fragilité de la décision. Cela change la donne. Nous avons donc dû réorienter et accélérer en conséquence nos travaux pour pouvoir faire des préconisations.

La question posée par Mme Procaccia est centrale pour l'avenir. Le Gouvernement n'a pas répondu à notre interrogation sur l'âge moyen et le profil des personnes décédées. Il semble qu'il s'agisse principalement de personnes fragiles ou immunodéprimées. La question centrale est bien d'aller vers les publics fragiles.

M. Martin Lévrier. - Si ce virus se transforme en virus saisonnier, la question se posera avec acuité d'atteindre les personnes fragiles. La CNIL avait autorisé la transmission aux médecins généralistes de la liste de leurs patients non vaccinés. Mais j'ai le sentiment qu'ils n'ont pas vraiment joué le jeu ; il était sans doute plus intéressant financièrement d'aller faire des vacations dans des centres de vaccination que d'appeler le soir ses patients pour les convaincre d'aller se faire vacciner... Les médecins ont un rôle central à jouer pour toucher les publics les plus fragiles, car leurs patients leur font confiance.

Mme Nadia Sollogoub. - J'habite la Nièvre, un département rural où beaucoup de personnes n'ont pas de médecins traitants et sont éloignés des soins. Dès lors, on se tourne vers les élus. Le maire d'une commune de l'Yonne a ainsi reçu un courrier lui indiquant qu'il y avait trois personnes non vaccinées dans sa commune, mais il ne savait pas qui...

Il existe toujours un décalage entre la vague épidémique et la mesure que l'on peut faire de ses conséquences à terme. Ainsi, on ne sait pas encore si Omicron, qui ne provoque pas de formes graves, n'entraîne pas des séquelles. Il semble donc encore prématuré de considérer le covid comme une épidémie saisonnière et de choisir dès lors de cibler les mesures sur les plus fragiles.

M. Daniel Chasseing. - Je ne suis pas d'accord avec M. Lévrier. Il ne faut pas généraliser. Dans les maisons de santé que je connais, les équipes soignantes se sont réunies pour identifier les personnes fragiles isolées non vaccinées.

Mme Chantal Deseyne, rapporteur. - Le passe vaccinal est sans doute intervenu un peu tard : l'annonce du passe sanitaire avait entraîné un pic de primo-vaccinations, mais la dynamique s'essoufflait et on n'en observait plus guère après octobre. C'est pourquoi le Gouvernement a proposé ce nouveau dispositif. Je l'ai voté et ne le regrette pas. Je déplore toutefois que les préconisations de M. Bas pour permettre la levée du passe en fonction de la situation sanitaire n'aient pas été retenues. Le dispositif doit rester en vigueur jusqu'au 31 juillet. Nous préconisons qu'il puisse être levé en fonction de l'évolution de la situation sanitaire et qu'il puisse être réactivé si la situation se dégradait à nouveau. L'annonce de la mise en place du passe le 17 décembre a été suivie d'un pic de primo-vaccinations jusqu'à la mi-janvier, puis le chiffre a baissé rapidement, les vaccinations étant alors surtout des rappels.

Cette crise nous montre l'importance du respect des règles barrières et d'hygiène, comme se laver les mains ou porter le masque. Quant à la vaccination des plus fragiles, il me semble difficile de l'imposer, mais il est tout à fait possible de mettre en oeuvre des recommandations incitant à se faire vacciner comme il en existe pour la grippe.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Pour donner suite à la proposition de notre collègue Savary, nous vous proposons d'adopter une nouvelle recommandation ainsi rédigée : « Améliorer la transparence dans la gestion de l'épidémie. Renforcer la mise à disposition en open data de l'ensemble des indicateurs permettant de suivre l'épidémie et d'évaluer la nécessité des mesures prises. »

La proposition de recommandation est adoptée.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Celle-ci s'ajoute à nos trois autres recommandations. Nous proposons ainsi de parvenir à une gestion de crise plus démocratique ; d'engager la levée du passe vaccinal en fonction d'indicateurs objectifs ; et de protéger les plus vulnérables, en développant une politique d'aller-vers qui cible les personnes âgées ou atteintes de comorbidités. On sait les limites de la vaccination pour les personnes immunodéprimées ; l'enjeu dans ce cas est plutôt les traitements préventifs et curatifs.

Il a été évoqué la possibilité de s'inspirer de la vaccination contre la grippe. Je rappelle toutefois que celle-ci n'est pas obligatoire. Les personnes âgées reçoivent simplement un courrier les incitant à se faire vacciner - il serait d'ailleurs sans doute plus judicieux de vacciner les plus jeunes, car l'efficacité du vaccin est moindre chez les personnes âgées, tandis que ceux qui les contaminent, et qui développent parfois des formes sévères, sont ceux qui viennent les voir et qui ne sont pas vaccinés.

Nous vous proposons d'adopter le titre suivant : Engager avec transparence la levée du passe vaccinal.

Il en est ainsi décidé.

M. Martin Lévrier. - Je regrette que nous n'ayons eu accès au rapport qu'hier pendant quelques heures, dans une salle fermée. Nous n'avons été informés que tardivement. Honnêtement je n'ai pas pu le lire. Il est difficile de changer son emploi du temps au dernier moment. Ne faudrait-il pas changer les règles pour les prochains rapports ?

Mme Catherine Deroche, présidente. - C'est le problème des rapports des commissions d'enquête qui sont toujours consultables la veille de la réunion d'examen, dans une salle fermée, pendant quelques heures. Nous avions annoncé lors de notre réunion de jeudi que le rapport serait consultable le mardi suivant. Même si le rapport ne fait que trente pages, il était difficile en effet d'en prendre connaissance dans de bonnes conditions.

Je vais mettre aux voix les recommandations et la publication du rapport de la commission d'enquête.

La commission d'enquête adopte les recommandations ainsi modifiées et autorise la publication du rapport.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Je veux saluer nos rapporteurs qui ont travaillé dans des délais très contraints.

Je rappelle que le dépôt du rapport ouvre un délai de 24 heures au cours duquel il peut être demandé que le Sénat se réunisse en comité secret. Aucun d'entre nous ne doit donc faire état de ce qui a été exposé ce matin dans ce délai.

Je consulte la commission sur la publication du compte rendu de la réunion d'adoption.

Il est décidé d'insérer le compte rendu de cette réunion dans le rapport.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Je rappelle que tous les travaux non publics de la commission d'enquête, autres que les auditions publiques et la composition du bureau de la commission, sont soumis à la règle du secret pour une durée maximale de trente ans ; le non-respect du secret est puni par le code pénal, mais aussi par le Règlement du Sénat qui prévoit l'incapacité de faire partie, pour la durée de son mandat, de toute commission d'enquête.

Je rappelle que la conférence de presse est prévue ce jeudi 24 février à 16 heures et je vous demande de laisser la primeur de la communication à nos rapporteurs.

Proposition de loi visant à créer une garantie à l'emploi pour les chômeurs de longue durée, dans des activités utiles à la reconstruction écologique et au développement du lien social - Examen des amendements de séance

Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous examinons maintenant les amendements de séance déposés sur la proposition de loi visant à créer une garantie à l'emploi pour les chômeurs de longue durée, dans des activités utiles à la reconstruction écologique et au développement du lien social.

EXAMEN DES AMENDEMENTS DE SÉANCE

Article 1er

M. Jean-Luc Fichet, rapporteur. - L'amendement n°  1 vise à supprimer le verrou de 60 territoires pouvant être habilités dans le cadre de la deuxième phase de l'expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD). Il s'agit d'une mesure de simplification pour permettre aux territoires qui sont prêts de rejoindre l'expérimentation, puisqu'un décret en Conseil d'État est actuellement nécessaire pour aller au-delà du plafond de 60 territoires. L'association TZCLD soutient cette rédaction. Ayant fait la même proposition la semaine dernière, je propose un avis favorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 1.

Article 3

M. Jean-Luc Fichet, rapporteur. - L'amendement n°  2 vise à remplacer, comme je l'avais proposé la semaine dernière, la conditionnalité environnementale prévue à l'article 3 pour les contrats aidés dans le secteur non marchand par la possibilité de réduire l'aide au poste si les activités faisant l'objet du contrat n'ont pas pour finalité la protection de l'environnement ou la gestion de ressources. Je propose un avis favorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 2.

Article 4

M. Jean-Luc Fichet, rapporteur. - L'amendement n°  3 prévoit d'exonérer les entreprises de moins de 250 salariés de la condition de neutralité carbone pour la conclusion de contrats aidés dans le secteur marchand. Là encore, j'y suis favorable, comme je l'ai indiqué la semaine dernière en commission.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 3.

TABLEAU DES AVIS

Auteur

Objet

Avis de la commission

Article 1er
Généralisation du dispositif « Territoires zéro chômeur de longue durée »

M. KANNER

1

Suppression du nombre maximal de 60 territoires pouvant être habilités dans l'expérimentation TZCLD

Défavorable

Article 3
Développement de contrats d'accompagnement dans l'emploi
orientés vers la transition écologique

M. KANNER

2

Possibilité de moduler l'aide au poste selon la finalité de l'activité des contrats aidés

Défavorable

Article 4

Conditionnalité carbone des contrats initiative-emploi

M. KANNER

3

Exonération des entreprises de moins de 250 salariés

Défavorable

La réunion est close à 12 h 30.