Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Décès d'un ancien sénateur

Organismes extraparlementaires

Dépôt d'un rapport

Hommage à une délégation

Délégation parlementaire au renseignement

Discussion générale

Discussion des articles

Article additionnel

Interventions sur l'ensemble

Organismes extraparlementaires (Nominations)

Musée universel

Discussion générale

Interventions sur l'ensemble

Tunnel de Tende

Commissions (Démission et candidature)

Tunnel de Tende (Suite)

Répression du terrorisme

Convention avec Monaco

Service international de recherche et conventions fiscales

Commissions (Nominations)

Question orale avec débat




SÉANCE

du mardi 25 septembre 2007

3e séance de la session extraordinaire 2006-2007

présidence de M. Philippe Richert,vice-président

La séance est ouverte à 16 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Décès d'un ancien sénateur

M. le président. - J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue François LOUISY qui fut sénateur de la Guadeloupe de 1986 à 1995.

Organismes extraparlementaires

M. le président. - Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein de plusieurs organismes extraparlementaires.

La commission des affaires sociales a fait connaître qu'elle propose les candidatures suivantes :

- M. Jean-Pierre Cantegris pour siéger comme membre titulaire au sein de la Commission permanente pour la protection sociale des Français de l'étranger ;

- Mme Anne-Marie Payet pour siéger comme membre titulaire au sein du Conseil de surveillance du Fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie ;

- Mme Gisèle Printz pour siéger comme membre suppléant au sein du Conseil d'administration de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances ;

- Mme Bernadette Dupont pour siéger comme membre suppléant au sein de l'Observatoire national des zones sensibles ;

Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l'article 9 du Règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

Dépôt d'un rapport

M. le président. - Monsieur le Président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, en application de l'article 67 de la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit, le rapport sur la mise en application de la loi du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Hommage à une délégation

M. le président. - Il m'est particulièrement agréable de saluer la présence, dans notre tribune officielle, d'une délégation de l'Assemblée nationale du Québec, conduite par son Président, Monsieur Michel Bissonnet.

Cette visite s'inscrit dans le cadre du renforcement des relations interparlementaires entre nos deux pays francophones qui connaissent une vitalité importante sous l'impulsion du président du groupe interparlementaire, notre éminent collègue Jean-Pierre Raffarin.

Je forme des voeux pour que la venue de nos amis québécois fortifie les liens indéfectibles qui nous unissent à nos frères d'Amérique et nous renforce dans le combat pour la défense de la langue française que nous partageons avec tant de conviction ! (Mmes et MM les sénateurs se lèvent et applaudissent)

Délégation parlementaire au renseignement

M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, portant création d'une délégation parlementaire au renseignement.

Discussion générale

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.  - Ce texte, largement concerté, concilie deux impératifs : l'information du Parlement sur l'activité des services de renseignement, ce qui est une exigence propre à toute démocratie, et la sécurité des spécialistes du renseignement, qui accomplissent une mission essentielle pour notre pays. Le Parlement va suivre les activités des services de renseignement, c'est une première dans notre pays.

Le Sénat a sensiblement amélioré la définition de la nouvelle délégation parlementaire : vous y avez porté à huit le nombre de parlementaires, pour y assurer le pluralisme ; la délégation pourra entendre le Premier ministre en plus des ministres de l'intérieur et de la défense, des directeurs des services de renseignement, et du secrétaire général de la défense nationale ; vous avez aussi prévu que le rapport annuel de la délégation serait public, nos concitoyens pourront s'informer à la source.

L'Assemblée nationale a prévu que la délégation pourrait également suivre l'activité d'autres administrations ayant une compétence en matière de renseignement, en particulier celle de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières, et celle de la cellule TRACFIN contre les circuits financiers clandestins. Vos collègues députés ont autorisé la délégation à adresser des recommandations et des observations au Président de la République et au Premier ministre, qui seront transmises au Président de chaque assemblée. Les informations sensibles communiquées aux membres de la délégation, ne pourront pas faire partie du rapport public.

Ce texte honore un engagement pris devant vous par M. Sarkozy en décembre 2005, il correspond à l'engagement plus large du Président de la République, de renforcer le poids du Parlement dans nos institutions.

En associant le Parlement au suivi du renseignement, nous allons également donner à nos services spécialisés une nouvelle légitimité aux yeux de nos concitoyens. Les activités liées au renseignement sont souvent mal connues des Français, le renseignement n'a pas toujours la place qu'il mérite dans les décisions. Nous allons encourager l'émergence d'une réelle culture du renseignement.

Le Parlement est, par définition, un lieu de débat public ; cependant, les travaux de la délégation seront couverts par le secret de la défense nationale : c'est une règle de sécurité inhérente au renseignement. Il en résultera des contraintes : les services de renseignement devront faire état d'informations couvertes par le secret de la défense nationale, sans dévoiler les éléments à caractère opérationnel, ni leurs sources ; les parlementaires membres de la délégation devront respecter le secret, tout comme le font déjà leurs collègues membres des commissions administratives de vérification des fonds spéciaux et du secret de la défense nationale.

Le respect de ces règles sera essentiel pour les relations de confiance entre les services et les parlementaires, mais aussi des citoyens envers leurs services de renseignement.

Je veux rendre hommage à l'action courageuse des hommes et des femmes qui travaillent au sein des services de renseignement. Dans un monde devenu plus instable, où l'adversaire potentiel est souvent invisible et imprévisible, nos services de renseignement jouent un rôle toujours plus important ; je ne doute pas que la nouvelle délégation fera mieux reconnaître leur action !

Evoquée de longue date, la création d'une instance parlementaire spécialisée dans le domaine du renseignement est une exigence démocratique, qui valorisera la politique du renseignement : je ne doute pas qu'une telle ambition est partagée sur tous les bancs de cette assemblée, ni que vous adopterez ce texte ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. René Garrec, rapporteur de la commission des lois. - Je répèterai en partie ce que vous venez de dire, car je suis d'un intellect naturellement lent...

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Pourquoi « naturellement » ?

M. René Garrec, rapporteur. - Qui se méprise se prise de se mépriser : c'est de Nietzsche.

La création d'une délégation parlementaire consacrée au renseignement, engagement pris par M. Sarkozy quand il était ministre de l'intérieur, met fin à une spécificité française parmi les grandes démocraties. La nouvelle délégation pourra auditionner les ministres et les administrations en charge du renseignement.

En première lecture, le Sénat avait adopté douze amendements qui, sans remettre en cause les conditions permettant une relation de confiance entre les membres de la future délégation et les responsables des services, sans laquelle aucun travail efficace ne sera possible, ménagent à la délégation une liberté d'action plus conforme au rôle de la représentation nationale. Notre assemblée a en particulier adopté plusieurs amendements présentés conjointement par votre commission des lois et la commission des affaires étrangères, saisie pour avis. Le nombre respectif de députés et de sénateurs membres de la délégation a ainsi été porté de trois à quatre afin de mieux respecter le pluralisme au sein de cette délégation tout en lui conservant un effectif resserré. Un autre amendement a précisé la mission de la délégation pour lui donner un rôle moins passif que ne le prévoyait le projet de loi initial.

Le Sénat a permis à la délégation d'auditionner le Premier ministre ainsi que des personnes ne relevant pas d'un service de renseignement. Enfin, il a prévu qu'un rapport public annuel dresse le bilan de l'activité de la délégation. Le projet de loi initial ne prévoyait que la remise d'un rapport annuel au Président de la République et au Premier ministre, soumis au secret défense comme l'ensemble des travaux de la délégation. Il nous a semblé que cette confidentialité serait en réalité contreproductive : un silence complet sur les travaux de la délégation risquait soit de la faire juger inutile, soit d'alimenter des fantasmes sur les services de renseignement. Un rapport public annuel permettra de pallier ces inconvénients, étant entendu que le rapport ne pourra pas contenir des informations relevant du secret défense.

Les députés ont adopté sept amendements, aucun ne modifiant les apports du Sénat. Outre des améliorations rédactionnelles, l'Assemblée nationale a étendu la compétence de la délégation aux services de renseignement placés sous l'autorité des ministères de l'économie et du budget, c'est-à-dire la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) et la cellule de Traitement du renseignement et d'action contre les circuits financiers clandestins (TRACFIN). Votre rapporteur s'était en effet interrogé sur l'opportunité d'étendre la compétence de la délégation à ces services : ces derniers transmettant la majorité des informations qu'ils recueillent aux services de renseignement des ministères de la défense et de l'intérieur, il semblait qu'ils seraient indirectement inclus dans le champ de compétence de la délégation. L'adjonction de ces services par les députés devrait souligner la nécessité d'une coordination étroite des services de renseignement et la part croissante prise par le renseignement économique. Une démocratie qui ne se défend pas est une démocratie qui se meurt...

L'Assemblée nationale a également prévu explicitement que le rapport public annuel ne pourra faire état d'aucune information protégée par le secret défense.

M. René Garrec, rapporteur. En effet, mais cela ne mange pas de pain... Enfin, les députés ont introduit la possibilité pour la délégation d'adresser des recommandations et des observations au Président de la République et au Premier ministre, qui seraient également transmises au président de chaque assemblée. Ainsi, les plus hautes autorités seraient saisies d'informations ou de recommandations tombant sous le coup du secret défense et ne pouvant donc pas trouver leur place dans le rapport public annuel. La rédaction issue du Sénat n'interdisait nullement cela : il n'est pas plus mal de le préciser, même si cela n'apporte pas grand-chose au texte.

Au bénéfice de ces observations, votre commission vous propose d'adopter sans modification le présent projet de loi. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean-Patrick Courtois. Cette délégation parlementaire au renseignement représente une innovation démocratique de première importance, qui permettra à la France de rejoindre l'ensemble des États démocratiques. Ce texte est la claire manifestation du gouvernement en faveur d'une association plus étroite du Parlement aux questions de renseignement. Il répond également à un large consensus dégagé ces dernières années, en faveur de cette délégation. Il s'agit d'une promesse du Président de République et je remercier le gouvernement et, en premier lieu, notre ancien collègue Roger Karoutchi de l'avoir concrétisé rapidement et avec efficacité.

Ce texte permet d'informer le Parlement sur l'activité des services spécialisés, sans nuire à la sécurité de ceux qui s'y consacrent. Une telle ambition peut être partagée sur tous les bancs de notre assemblée.

Le mouvement général de renforcement de la mission de contrôle du Parlement sur l'action de l'exécutif semble indiscutable et légitime. C'est une tendance lourde, aboutie chez certains de nos voisins anglo-saxons, que nous devons accompagner. La rénovation du Parlement est la condition même de sa survie.

Avec cette délégation, il trouvera enfin la place lui revenant dans un domaine qui, s'il obéit à des contraintes de secret bien compréhensibles, ne peut cependant échapper à l'évaluation externe. Cette réforme est aussi un progrès pour l'exécutif, qui disposera d'un regard extérieur susceptible de mieux l'orienter vers d'éventuelles réformes. La délégation pourra être le lieu d'aborder des questions allant au-delà des seules ressources humaines et financières, comme, notamment, le cadre juridique dans lequel évoluent les services de renseignement. C'est également une amélioration significative pour ces derniers, desservis par un isolement institutionnel parfois plus subi que voulu.

Il reste que cette réforme ne pourra produire ses effets de manière instantanée. Le temps sera essentiel dans le succès de la démarche d'information et d'évaluation, tant seront importantes les relations de confiance mutuelle qu'il conviendra de tisser progressivement. Compte tenu des spécificités du renseignement, la mise en oeuvre d'un suivi parlementaire exigeait de prendre des précautions afin de ne pas nuire à la confidentialité nécessaire. Ce projet de loi parvient à un équilibre entre les impératifs de la confidentialité et ceux du contrôle démocratique, entre les droits de l'État et l'État de droit. Les travaux des deux assemblées ont permis d'atteindre cet équilibre entre la transparence et le secret, deux notions vitales à la protection et à la pérennité de toute démocratie.

Car si le renseignement est l'affaire de l'exécutif, le Parlement peut s'interroger légitimement sur le fonctionnement des services, les moyens techniques dévolus, l'orientation des missions, les modes de recrutement et le statut des personnels. La future délégation aura donc cette mission importante, sans interférer avec les activités opérationnelles des services de renseignement. L'utilité de la délégation reposera davantage sur l'existence d'une relation de confiance que sur des prérogatives légales apparemment étendues, mais dépourvues d'efficacité. L'instauration de ce climat de confiance sera facilitée par les dispositions du texte qui encadrent l'étendue des missions de la délégation et mettent en place la confidentialité nécessaire à sa crédibilité.

Les améliorations apportées par notre assemblée en première lecture vont dans ce sens. Elles ne remettent pas en cause l'équilibre du texte et elles sont soucieuses de nouer une relation de confiance entre les membres de la future délégation et les responsables des services, sans laquelle -encore une fois- aucun travail efficace ne sera possible. Nous avons souhaité ménager à la délégation parlementaire une liberté d'action plus conforme au rôle de la représentation nationale. La plupart de ces mesures ont été reprises par les députés qui ont par ailleurs étendu la compétence de la délégation aux services de renseignement placés sous l'autorité des ministères chargés de l'économie et du budget. Ces dispositions sont les bienvenues car elles soulignent la nécessité d'une coordination étroite des services de renseignement et la part croissante prise par le renseignement économique.

Au nom du groupe UMP, je veux rendre hommage à ces femmes et à ces hommes qui assurent une mission de renseignement difficile et essentielle à notre sécurité.

La création de cette délégation est une grande nouvelle pour le Parlement mais aussi pour les services spécialisés car cet organe contribuera à mieux prendre en compte la politique du renseignement et ses enjeux, politique plus que jamais essentielle pour notre sécurité nationale. Nous voterons avec conviction ce projet de loi. (Applaudissements à droite)

M. Aymeri de Montesquiou. Je me félicite de la priorité donnée par le gouvernement à ce texte qui répond à une demande ancienne et répétée du Parlement et traduit le respect de deux engagements politiques : celui de renforcer les pouvoirs de contrôle du Parlement ; celui aussi de mettre fin à une singularité française, notre pays restant l'une des rares démocraties à ne pas disposer d'instance parlementaire chargée de suivre l'activité des services de renseignement. Pourtant, ces dernières années, la fonction de renseignement s'est valorisée et accrue du fait de la progression de diverses menaces, notamment terroristes. Elle s'intéresse dorénavant à la sphère économique en raison de la sophistication et de l'imbrication croissante de la toile financière qui autorise aujourd'hui toutes les pénétrations anonymes et illicites.

Malgré des pouvoirs particulièrement étendus, les services du renseignement apparaissent comme occultes et obscurs à nos concitoyens. Il est vrai que leur action, par nature ignorée, se prête mal au démenti et à une communication officielle. Pour autant, la diffusion d'une information est une nécessité à plus d'un titre. Elle répond tout d'abord à une exigence de contrôle de l'utilisation des ressources publiques dont nul ne peut s'abstraire. Elle doit aussi permettre aux services concernés eux-mêmes de se défaire des soupçons tenaces et injustes qui les poursuivent, tout en les faisant sortir d'un tête-à-tête exclusif avec l'exécutif qui leur est moins bénéfique qu'on pourrait le penser, notamment lors des arbitrages budgétaires. Enfin, il s'agit de répondre de manière adaptée à un souhait de plus en plus marqué de ne pas laisser totalement dans l'ombre une activité qui constitue la première ligne de défense face aux menaces actuelles, et particulièrement face au terrorisme.

La création d'une délégation parlementaire au renseignement constitue donc une avancée réelle. Je salue les modifications apportées par le Sénat en première lecture, qui introduisent une plus grande souplesse dans le fonctionnement de cette délégation, tout en conciliant efficacité et respect des impératifs liés au secret-défense.

Un effectif resserré est certes de nature à réduire les risques de fuites et à favoriser des relations de confiance entre services de renseignement et membres de la délégation. Néanmoins, l'effectif retenu par le projet de loi initial était de l'ordre de l'intime et ne permettait pas d'assurer une représentation pluraliste. Le Sénat a amélioré les choses mais pas assez pour assurer la représentation de tous les groupes du Sénat et de l'Assemblée nationale. Nous faisons confiance au président du Sénat pour veiller à une représentation équilibrée.

Le projet de loi cantonnait la délégation dans un rôle passif. Le Sénat l'a dynamisé en donnant à la délégation mission de suivre l'activité générale et les moyens des services de renseignement. On peut déplorer que ce soit un simple suivi et non un contrôle ; c'est toutefois un progrès.

Le texte adopté par le Sénat organise une alternance à la tête de la délégation entre un président de commission permanente de l'Assemblée nationale et un président de commission permanente du Sénat. Cependant, chacun sait que cette mission nécessitera une grande disponibilité et une implication personnelle de son président, déjà accaparé par ses activités de président de commission permanente. Pourquoi ne pas avoir prévu une désignation libre du président de la délégation par ses membres ?

La majorité du RDSE votera que ce texte opportun qui met la France au même niveau que ses partenaires européens et montre à l'opinion publique que les services de renseignement sont constitués de gens responsables, travaillant de manière précise, selon des orientations claires, et obtenant des résultats. (Applaudissements au centre et sur la plupart des bancs à droite ; M. Collombat applaudit aussi)

M. Jean-Claude Peyronnet. - Ayant appelé de nos voeux la création d'un organe adapté au contrôle parlementaire des services de renseignement, nous ne pouvons qu'approuver le principe d'une telle création. Cependant, malgré les quelques améliorations apportées par le Sénat et par l'Assemblée nationale, notre satisfaction n'est que partielle.

Cette création participe de la revalorisation du rôle du Parlement. À ce titre, elle est bienvenue. Elle tend à placer nos institutions dans le droit commun des démocraties avancées en matière de contrôle parlementaire et elle continue dans la voie engagée en 2001 avec la réforme des fonds spéciaux. C'est un progrès démocratique. Nous regrettons toutefois la timidité d'un texte qui fait passer les impératifs liés à la protection du secret avant ceux du contrôle. Il ne faudrait pas que la création de cette nouvelle instance parlementaire serve d'alibi à la poursuite d'une relation peu transparente ! C'est pourquoi nous ne cessons de réclamer un plus juste équilibre entre la confidentialité et l'efficacité du contrôle.

Lors de la première lecture nous avons insisté sur l'importance croissante du renseignement dans la conduite de la politique extérieure et de sécurité. Ajoutons que la mondialisation de l'économie et la fluidité des relations internationales donnent une prime à ceux qui sont capables d'anticiper. C'est le coeur du renseignement : offrir aux décideurs la capacité d'avoir un ou plusieurs coups d'avance. Les services de renseignement constituent ainsi la première ligne de notre défense. Mais, dans une démocratie moderne, le Parlement doit pouvoir s'assurer que les orientations politiques et les moyens mis à leur disposition sont à la fois adaptés aux circonstances et respectueux des principes démocratiques.

La question se pose donc de savoir si le suivi défini par le texte deviendra un véritable contrôle de la politique du renseignement et des moyens des services de renseignement. Bien entendu, dans la mesure où le Parlement est absent de ces questions depuis tant d'années, tout est à inventer et je conçois que l'expérience permette des évolutions, pour instaurer une relation de confiance entre les membres de la délégation et les responsables des services. Mais sans oublier que la représentation nationale a pour mission de contrôler la politique du gouvernement dans tous les domaines, y compris celui, crucial, de la sécurité et donc du renseignement.

Des organismes privés s'occupent aussi de renseignement. Ces sociétés de renseignement privé agissent notamment dans le domaine économique et financier mais pas seulement. La future Délégation doit pouvoir suivre aussi leur action.

Nous ne devons pas négliger la coopération européenne dans la lutte contre les menaces terroristes ou criminelles. Il ne faudrait pas que, après avoir été les derniers à aborder la question du contrôle parlementaire des services de renseignement, nous soyons aussi les derniers à prendre en compte la dimension européenne de ce travail. Tout le monde propose actuellement de renforcer les pouvoirs du Parlement, reste à vérifier qu'après la saison des annonces, les réalités seront au rendez-vous. En attendant, nous avons avec ce texte la possibilité de faire un pas, petit, certes, et il serait plus grand si nos amendements étaient adoptés.

Nous souhaitons d'abord que la Délégation puisse recueillir toutes les informations nécessaires à l'accomplissement de sa mission ; aussi doit-elle pouvoir auditionner toute personne susceptible d'éclairer ses travaux. Ensuite, et sans avoir à connaître des activités opérationnelles en cours, nous proposons que la Délégation puisse travailler sur des actions éteintes, susceptibles de d'apporter de riches enseignements. D'autre part, nous avons le souci d'assurer à cette Délégation une représentation pluraliste. Enfin, nous persistons dans notre souhait de rapprocher les travaux de la future Délégation et ceux de la Commission de vérification des fonds spéciaux.

Au chapitre des points positifs, nous saluons l'extension de la compétence de la Délégation aux services de renseignement placés sous l'autorité des ministères chargés de l'économie et du budget. Pourquoi ne pas aller jusqu'au bout et inclure des représentants des commissions des finances parmi ses membres ?

La fusion des services des Renseignements généraux et de la Direction de la surveillance du territoire est en cours. Certains parlent déjà d'une fusion concernant le renseignement extérieur et militaire. Il est vrai que la France avait, malgré les bons résultats obtenus par ses services et le dévouement de ses agents, pris quelque retard. Une rationalisation du renseignement français est devenue nécessaire, d'autant que le renseignement économique, financier et technologique prend une importance grandissante. Toutefois, il serait utile que la représentation nationale soit informée de cette réorganisation en cours. Il sera aussi intéressant d'aborder la question du futur Conseil national de sécurité dont la création serait imminente. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Jacqueline Gourault. - La création d'une délégation parlementaire au renseignement était vivement attendue. En témoignent les nombreuses propositions de loi allant dans ce sens dont, en 1999, celle de Nicolas About.

La France est l'un des rares pays démocratiques à ne pas disposer d'une telle structure. Les États-Unis, l'Allemagne, la Grande-Bretagne, la Belgique, l'Italie, les Pays-Bas, l'Australie, bien d'autres encore, disposent d'un organe parlementaire dédié au renseignement. Même quand sa marge d'action est réduite, un tel organe instaure une vraie culture du renseignement.

Notre pays cultive un certain goût pour le mystère, ce qui entretient une vision négative, voire hostile des services comme si le renseignement était une affaire d'État qui ne pouvait intéresser le Parlement. Tout en reconnaissant l'exigence du secret, le Parlement ne pouvait rester plus longtemps à l'écart. L'intervention des représentants de la Nation créera un lien indispensable.

Au-delà de l'exigence démocratique, il s'agit aussi de répondre à un impératif géostratégique car le renseignement constitue un levier essentiel de la politique de sécurité. Or, depuis la fin de la guerre froide, la situation est devenue beaucoup plus compliquée et les services de renseignement ont dû évoluer -c'est dire l'intérêt que nous portons à la réorganisation des services, condition d'une nécessaire révolution.

L'équilibre à respecter entre démocratie et secret impose une composition relativement restreinte mais le travail de notre rapporteur a permis de lever des doutes et d'établir une relation de confiance.

Nous arrivons à un texte équilibré, auquel les directeurs des services concernés trouvent un certain avantage. L'Assemblée nationale y a inclus la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières ainsi que la cellule Tracfin. Chaque chambre aura deux représentants, ce qui assure le pluralisme.

Le groupe UDF approuve entièrement cette création. Au moment où le comité Balladur réfléchit à la réforme des institutions, ce texte équilibré permet à la France de s'aligner sur les grandes démocraties occidentales et montre comment on peut renforcer le rôle du Parlement. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Michelle Demessine. - Le texte a été légèrement modifié à l'Assemblée nationale mais le verrouillage a été maintenu et le Parlement reste confiné dans un rôle formel. En effet, seule une représentation pluraliste peut assurer un contrôle démocratique. Si vous en souhaitiez un, il aurait fallu que toutes les sensibilités soient représentées. Cela ne sera pas le cas, malgré l'augmentation du nombre des membres. Or il en va de la légitimité et de la crédibilité de la future délégation. Certains élus sont-ils moins dignes de confiance ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. - Mais non !

Mme Michelle Demessine. - L'opposition sera représentée, dit-on. Je comprends fort bien l'obligation de confidentialité mais si le gouvernement en avait eu la volonté, il aurait pu dégager une solution : les membres de la délégation ne seront-ils pas habilités secret défense ? L'Italie, l'Allemagne ou encore le Royaume-Uni montrent qu'il était possible de trouver une formule plus satisfaisante.

Vous avez même refusé d'instaurer un fonctionnement paritaire entre majorité et opposition. Par respect des droits de l'opposition, on aurait pu prévoir une alternance aux fonctions de président et de rapporteur. A défaut, la partie de l'opposition représentée sera cantonnée dans un rôle de figuration. Mais s'agit-il vraiment d'exercer un contrôle ? La délégation se bornera à un simple suivi de l'activité des services de renseignement : ce premier pas permettra tout juste une information du Parlement. Il n'est pas question de contrôle ! Le Président de la République avait une conception moins limitée quand il était ministre de l'intérieur : « je crois tant à la notion de contrôle que je ne veux pas qu'elle soit caricaturée », assurait-il alors.

Nous ne sommes pas partisans d'une supervision tatillonne car le renseignement, cette mission régalienne, relève du domaine de l'exécutif. Raison de plus pour que le Parlement puisse contrôler cette partie de l'action gouvernementale. On en est loin, et le Parlement ne pourra jouer le rôle que nous souhaitions. Excepté ceux relatifs aux enquêtes douanières et à Tracfin, vous avez repoussé tous les amendements élargissant la compétence de la délégation. Celle-ci ne sera qu'une coquille vide et ne pourra jouer qu'un rôle marginal. La majorité procèdera à quelques auditions et ne recueillera qu'une information filtrée, distillée au compte-goutte.

Le groupe CRC qui s'était abstenu en première lecture, ne peut pas cautionner ce faux-semblant : il votera contre le texte.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Je remercie le rapporteur et tous les orateurs qui ont apporté leur soutien à ce texte. On ne va pas assez loin, pas assez vite, madame Demessine, mais, quand on initie une solution, il faut d'abord voir comment l'on travaillera ensemble. MM. de Montesquiou et Peyronnet ont fait allusion aux servies étrangers : en Allemagne et au Royaume-Uni, on a récemment remis en cause les mécanismes de contrôle des services de renseignement.

Lançons cette commission, qui créera le lien entre services de renseignement et Parlement, quitte à la faire plus tard évoluer, si nécessaire. Ce qui se passe dans certains pays voisins ou amis, comme l'Allemagne ou le Royaume-Uni, où cette relation, très compliquée, est parfois remise en cause par les médias, doit nous porter à la prudence.

Le gouvernement a accepté, en première lecture, de nombreux amendements du Sénat et quelques-uns de l'Assemblée nationale. Nous avons augmenté le nombre de membres de la délégation, élargi le champ des services soumis à contrôle, ménagé plus de souplesse de fonctionnement. Je regrette donc, madame Demessine, que le groupe CRC bascule de l'abstention au vote contre. Vous avez, monsieur Peyronnet, le sens des responsabilités ? Comprenez que nous avons un équilibre à trouver, M. de Montesquiou et Mme Gourault l'ont rappelé, entre transparence et discrétion, entre information et secret. La tâche est difficile, car, sur le terrain, des hommes sont concernés, engagés dans des missions souvent périlleuses. Le gouvernement n'ira pas au-delà de ce qu'il a concédé en première lecture, ce qui ne veut pas dire qu'une fois la relation de confiance établie, les choses ne puissent évoluer.

Je remercie Mme Gourault et M. de Montesquiou pour le vote positif de leurs groupes et souhaiterais vivement, madame Demessine, que tous les parlementaires souscrivent à une avancée qui mérite sa chance. (Applaudissements à droite et sur plusieurs bancs au centre)

Discussion des articles

M. le président. - Amendement n°1, présenté par M. Peyronnet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans le I du texte proposé par cet article pour l'article 6 nonies de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958, remplacer le chiffre :

quatre

par le chiffre :

cinq

M. Jean-Claude Peyronnet. - Je reviens à la charge sur l'amendement présenté en première lecture par M. Boulaud. Compte tenu de la présence de membres de droit, l'accroissement du nombre total de membres de la délégation permettrait d'assurer une réelle représentation « pluraliste » des différentes sensibilités politiques représentées au sein du Sénat et de l'Assemblée nationale. En l'état actuel du texte, le choix des parlementaires ne portera que sur deux membres par assemblée. C'est peu. Une délégation plus étoffée sera plus représentative et assoira mieux sa crédibilité.

M. René Garrec, rapporteur. - J'avais cru comprendre, en commission, que vous accepteriez, monsieur Peyronnet, de retirer vos amendements. Je constate que, malgré votre sens des responsabilités, tel n'est pas le cas. Le gouvernement a accepté, en première lecture, d'accroître le nombre de membres de la délégation, pour assurer une représentation équitable entre majorité et opposition.

Mme Michelle Demessine. - Si ce n'est pas le bipartisme !

M. René Garrec, rapporteur. - Le ministre vient de rappeler à l'instant que les choses pourront évoluer. Ne soyez pas maximaliste !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Ajouter un membre supplémentaire ne permettrait pas plus de représenter tous les groupes. Et n'oublions pas que l'alternance joue -davantage à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, il est vrai. Les membres de droit pourraient bien être tantôt à droite, tantôt à gauche. Nous avons accepté, en première lecture, l'amendement de M. Garrec, qui ouvre la composition de la délégation. Si, par la suite, nous vient le sentiment que le secret peut être garanti au-delà de ce nombre, nous verrons.

M. Jean-Claude Peyronnet. - Si la majorité est homogène, l'opposition ne l'est pas. (« Ah ! » sur les bancs UMP)

M. Charles Pasqua. - Et pourquoi pas la proportionnelle !

M. Jean-Claude Peyronnet. - L'argument qui consiste à dire que passer de huit à dix membres mettrait en péril la confidentialité de l'information n'est pas sérieux. Les parlementaires sont des gens responsables.

L'amendement n°1 n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°2, présenté par M. Peyronnet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter le premier alinéa du IV du texte proposé par cet article pour l'article 6 nonies de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 par une phrase ainsi rédigée :

Elle recueille les informations utiles à l'accomplissement de sa mission.

M. Jean-Claude Peyronnet. - Dans la rédaction actuelle, seuls le ministre de l'intérieur, le ministre de la défense et le ministre des finances adressent à la délégation des informations et des éléments d'appréciation. Pourquoi la faire travailler dans un cadre aussi corseté ? Elle n'aura pas la possibilité de recueillir elle-même l'information. Telle était d'ailleurs l'analyse du rapporteur et du rapporteur pour avis, en première lecture. Malgré les explications qu'avait alors données M. Karoutchi sur le terme « recueillir », la précision nous paraît utile.

M. René Garrec, rapporteur. - J'ai appris, dans un métier passé, que les travaux préparatoires aident en effet à la lecture d'un texte. Que la délégation ait le droit de s'informer, c'est une évidence. Les précisions de M. le ministre ont été éclairantes et elles m'ont satisfait. Il ne me paraît pas utile de réinsérer cette phrase.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Même avis. Je remercie M. Peyronnet de se souvenir de mes explications sur le terme « recueillir ». Mon souci est d'éviter de donner le sentiment que nous créons une commission d'enquête permanente.

M. Jean-Claude Peyronnet. - Je n'ai pas les mêmes contraintes que le rapporteur, obligé de voter conforme. Le texte n'est précis que sur ce que la délégation ne peut pas faire. Lui permettre de recueillir des informations dont elle a besoin ne paraît pas exorbitant. Même si cela va de soi, cela va mieux en le précisant.

L'amendement n°2 n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°4, présenté par M. Peyronnet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans la deuxième phrase du deuxième alinéa du IV du texte proposé par cet article pour l'article 6 nonies de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958, après les mots :

les activités opérationnelles de ces services

insérer les mots :

en cours et à venir

M. Jean-Claude Peyronnet. - Cet amendement vise à étendre le pouvoir d'information et d'appréciation de la délégation en restreignant le droit au secret des ministres aux seules activités opérationnelles en cours et à venir. Que la délégation ne puisse pas connaître les activités opérationnelles en cours est conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Quoique le secret ne soit pas toujours gardé dans notre pays... Mais des débats pourraient être ouverts sur le passé. Il ne s'agit pas de faire le travail de la justice, ni de s'ériger en commission d'enquête permanente.

M. René Garrec, rapporteur. - Sur les directeurs des services, dont traite l'amendement n°3, je vous renvoie, comme tout à l'heure, aux travaux préparatoires : nous avions admis que, lorsque la délégation voudrait interroger un fonctionnaire, elle devrait le recevoir avec son directeur. Cet amendement est donc sans objet.

Concernant l'amendement n°4, il faut évidemment examiner ce qui s'est passé, savoir qui a fait quoi, et comment. Mais il ne faut pas risquer de mettre en danger les agents en opération et c'est pourquoi je ne puis être favorable à cet amendement.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Je ne dirai rien de plus sur l'amendement n°3.

Concernant l'amendement n°4, j'entends bien vos réserves, mais s'il était adopté, nos réseaux de renseignement, et donc nos agents, risqueraient d'être mis en cause. Les directeurs des services évoqueront sans doute avec la délégation certaines affaires, surtout si la confidentialité des informations est assurée, mais on ne peut doter la délégation de pouvoirs d'investigation sur les opérations récentes.

M. Jean-Claude Peyronnet. - Par l'amendement n°3, nous souhaitons que la délégation puisse interroger qui elle veut. C'est dangereux, dites-vous. Mais avec une liste limitative, les pouvoirs de la délégation seront restreints alors que nous voulons étendre sa capacité d'investigation.

Cela dit, je comprends les réserves de M. le ministre sur l'amendement n°4 : la délégation doit pouvoir s'informer et pousser ses investigations, mais elle ne doit pas devenir une mission d'enquête permanente. J'ai cru aussi comprendre que les choses pourraient évoluer à l'avenir.

L'amendement n°4 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°3.

L'article unique est adopté.

Article additionnel

M. le président. - Amendement n°5, présenté par M. Peyronnet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article unique, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Dans le second alinéa du VI de l'article 154 de la loi de finances pour 2002 (n° 2001-1275 du 28 décembre 2001), après les mots : « au Premier ministre, » sont insérés les mots : « à la délégation parlementaire au renseignement ».

M. Jean-Claude Peyronnet. - Comme avec nos amendements précédents, nous souhaitons doter la délégation de véritables pouvoirs d'investigation.

Lors de la première lecture, nous avions proposé de rapprocher la délégation de la commission de vérification des fonds spéciaux en prévoyant que les membres de cette dernière soient désignés parmi les membres composant la délégation.

Ici, nous allons moins loin puisque nous demandons simplement que le rapport de la commission de vérification des fonds spéciaux, qui est adressé au Président de la République, au Premier ministre, aux présidents et rapporteurs généraux des commissions des finances, le soit aussi à la délégation.

M. René Garrec, rapporteur. - Nous avons déjà eu ce débat en commission. Nous nous sommes en effet demandé s'il ne fallait pas agréger la commission de vérification des fonds spéciaux à la délégation. Mais le fonctionnement de cette commission administrative donnant toute satisfaction, il nous a semblé préférable de ne pas la modifier. Attendons de voir comment va évoluer la délégation avant de songer à rapprocher les deux instances. Avis défavorable.

L'amendement n°5, repoussé par le gouvernement, n'est pas adopté.

Interventions sur l'ensemble

M. Pierre-Yves Collombat. - Le projet d'aligner la France sur les pratiques institutionnelles des autres démocraties en matière de contrôle parlementaire des services de renseignement n'est pas nouveau. On a même pu croire, en 1998 et 1999, que l'affaire était faite, un consensus s'étant dégagé au sein de la commission de la défense de l'Assemblée nationale présidée par Paul Quilès. Pourtant, dix ans d'atermoiements ont suivi, dus aux réticences de ceux qui n'avaient aucune envie d'être contrôlés par des parlementaires jugés peu responsables et pas assez imprégnés de la culture du renseignement. Curieuse conception de la démocratie et du parlementarisme !

Ce texte ne parle d'ailleurs pas de contrôle puisque la délégation n'aura pour mission que de suivre « l'activité générale et les moyens des services spécialisés ». Suivre, certes, mais à quelle distance ? A partir de quelles informations, sinon celles qu'on voudra bien lui fournir ?

Ce qui est frappant, c'est ce que la délégation ne peut et surtout ne doit pas faire. Les amendements du groupe socialiste qui auraient permis d'accroitre les pouvoirs de la délégation ont tous été refusés. Nous restons donc sur notre faim, même si vous acceptez, monsieur le ministre, que les choses puissent évoluer, puisqu'à l'Assemblée nationale vous avez dit : « Ce qui est créé constitue une première étape. Le Parlement présentera ensuite un rapport d'étape afin de savoir si des améliorations sont possibles ».

Nous voulons bien vous croire en espérant que la « relation de confiance » à établir ne signifie pas seulement que le Parlement doive la mériter, comme j'ai cru comprendre !

Nous ne pouvons voter ce texte qui ne répond pas à nos attentes. Nous ne pouvons pas non plus voter contre, puisqu'il s'agit d'un premier pas. Nous nous abstiendrons donc.

M. Jean-Patrick Courtois. - Ce texte important répond à une exigence démocratique et met fin à une singularité française. Il constitue une innovation remarquable et le premier signe concret de l'ambition du Président de la République de renforcer le poids du Parlement parmi nos institutions.

Je félicite les deux commissions de leur travail. Le groupe UMP votera avec grand plaisir ce projet de loi qui marque une nette avancée. (Applaudissements à droite)

Mme Michelle Demessine. - J'ai entendu les arguments du ministre : c'est une affaire délicate, il faut aller doucement et l'on améliorera les choses en chemin. J'ai plus de mal à entendre les réponses concernant la composition de la délégation ; dans cette Assemblée, on a tendance à confondre pluralisme et bipartisme... Porter de huit à dix le nombre de membres, ce ne serait pas la mer à boire ! Cependant, compte tenu des engagements pris par le ministre, le groupe CRC s'abstiendra. (Marques de satisfaction à droite)

Le projet de loi est adopté.

Organismes extraparlementaires (Nominations)

M. le président. - La commission des affaires sociales a proposé des candidatures pour plusieurs organismes extraparlementaires. La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai prévu. Je proclame donc M. Cantegrit membre titulaire de la commission permanente pour la protection sociale des Français de l'étranger ; Mme Payet membre titulaire du conseil de surveillance du Fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie ; Mme Printz membre suppléant du conseil d'administration de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances ; et Mme Dupont membre suppléant de l'Observatoire national des zones sensibles.

Musée universel

M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation d'accords entre le gouvernement de la République française et le gouvernement des Émirats Arabes Unis relatifs au musée universel d'Abou Dabi.

Discussion générale

Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme.  - Le 6 mars 2007, la France et les Émirats Arabes Unis ont signé un accord de coopération pour la création d'un musée universel à Abou Dabi. A l'automne 2005, les autorités de l'émirat d'Abou Dabi avaient en effet sollicité l'aide de la France et du Louvre en vue de concevoir un musée national du niveau des plus grandes institutions. Ils demandaient aussi la mise en place, pour la période intermédiaire, d'un musée universel, de renommée internationale : le Louvre Abou Dabi.

Les Émirats Arabes Unis, au carrefour du Moyen Orient et de l'Asie, à mi-chemin entre l'Asie et l'Europe, ont l'ambition de devenir la plaque tournante de l'art et de la culture dans cette partie du monde.

L'ampleur et la nature du projet, inédit en France comme à l'étranger, soulevaient un certain nombre de questions. Était-il judicieux de s'engager dans une région aussi sensible ? Était-il opportun d'apporter la prestigieuse caution culturelle du Louvre à un projet qui semblait s'inscrire dans un futur complexe touristique ? Enfin, avions-nous les moyens de répondre à une telle demande ?

La France a finalement choisi d'encourager la volonté d'ouverture des autorités émiriennes ; elle a vu là une chance exceptionnelle de dialogue des cultures entre l'Orient et l'Occident. Elle a été également sensible au concept de l'île de Saadiyat, qui certes a des visées touristiques, mais également des ambitions culturelles. Tandis que Dubaï propose une base de loisirs, Abou Dabi entend faire découvrir l'art classique, contemporain et islamique. Notre pays dispose en outre d'une expertise de premier plan, de grandes institutions patrimoniales, de conservateurs de haute compétence.

La négociation a porté essentiellement sur le rôle du musée au service du dialogue des cultures, sur la garantie de qualité scientifique et artistique de la future institution et sur la juste rémunération des musées français, fortement sollicités.

La France entendait que la création de ce musée apporte un message universel et humaniste et témoigne du rapprochement entre les civilisations, contre les violences du monde. Pour elle, le Louvre Abou Dabi, comme le musée qui lui fera suite, se devait de satisfaire des critères de qualité et de déontologie les plus exigeants.

Les contreparties financières, plus d'un milliard d'euros sur trente ans, bénéficieront dans leur totalité aux musées de France, le musée du Louvre en tête, pour des projets scientifiques nouveaux.

Pour atteindre ces objectifs ambitieux, la France a proposé une aide globale. Une agence a été créée, l'Agence France Muséums, émanation de douze établissements publics patrimoniaux, dont le Louvre, membre de droit. L'État y est représenté par deux censeurs, l'un du ministère de la culture, l'autre du ministère des affaires étrangères, garant de la bonne exécution des obligations prévues et des intérêts de la France. L'agence accompagnera le projet jusqu'à sa réalisation.

Pour une période de dix ans, dans l'attente de la constitution de la collection du musée d'Abou Dabi, seront prêtées, pour des durées allant de six mois à deux ans, des oeuvres issues des collections du Louvre, d'autres musées nationaux et de tous les musées français qui le souhaiteront. Pendant quinze ans, la France programmera des expositions temporaires. Pour la constitution de la collection émirienne, des experts français proposeront une stratégie d'acquisition.

Enfin, la France conseillera Abou Dabi pour la future structure de gestion du musée, participera à la formation des cadres et accompagnera pendant vingt ans le musée afin de conforter sa place parmi les institutions culturelles internationales.

Des inquiétudes se sont exprimées face à une coopération aussi novatrice : la violation de l'inaliénabilité des collections publiques, la perte de leurs oeuvres majeures par les musées français, la censure et les risques de marchandisation. Il n'en est rien. Et la présence ici de Mme Albanel, pour répondre à toutes vos interrogations, témoigne de l'attachement du ministère de la culture à ce projet.

Au delà de la controverse, le Louvre Abou Dabi constitue un formidable vecteur de rayonnement de la culture. Il représente un défi que la France, au nom de la diversité culturelle et du rapprochement des civilisations, se devait de relever. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur de la commission des affaires étrangères.  - Je concentrerai mon propos sur la controverse suscitée par ce projet, dès le stade des négociations. Les critiques ont émané notamment des conservateurs de musée. Déjà en 1962, le prêt de la Joconde aux États-Unis avait provoqué l'opposition des conservateurs au ministre André Malraux. Mais la tâche des conservateurs est plutôt de conserver que d'accepter l'aventure...

Je regrette que le précédent gouvernement n'ait pas pris la peine d'informer le Parlement du lancement et du déroulement des négociations, ce qui aurait sans doute désamorcé certaines critiques. Je salue à cet égard l'initiative de notre commission des affaires culturelles qui, dès le mois de janvier dernier, a auditionné les protagonistes de ce débat. Ses travaux m'ont fourni une aide précieuse dans l'élaboration de mon rapport !

Trois principaux reproches ont été formulés à l'encontre de ce projet.

Le premier a porté sur l'emplacement du musée, certains y voyant un choix plus politiques que culturel, et n'hésitant pas à comparer Abou Dabi à une cité pour milliardaires, une sorte de Las Vegas -ville horrible...

M. Pierre Fauchon. - Allons ! C'est amusant !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Quoi qu'il en soit, le reproche ne me semble pas fondé. Pour préparer l'après-pétrole, les Émirats Arabes Unis s'engagent dans une diversification de leur économie et l'ouverture de leur société. Dubaï a fait le choix du commerce et de la finance ; il est devenu la première plateforme aéroportuaire de la région. Pour sa part, Abou Dabi a l'ambition de devenir le coeur de la région couvrant le Golfe, l'Asie, l'Australie, l'Inde -voire, un jour, l'Irak et l'Iran- pour l'enseignement supérieur et la culture. Autrement dit, le lieu de rencontres et d'échanges entre les civilisations, au carrefour des continents.

L'émirat a lancé sur l'île de Saadiyat, située en face de la capitale, un projet de district culturel d'envergure mondiale, qui comprendrait plusieurs musées, dont un maritime et un d'art moderne. Après s'être tourné une première fois vers l'expertise française avec l'installation, à l'automne 2006, d'une antenne de la Sorbonne, il a à nouveau demandé l'aide de la France, cette fois pour un musée.

Ce musée sera universel, avec des collections couvrant toute les périodes et l'ensemble des aires géographiques, le tout présenté en faisant appel aux techniques les plus modernes. Sa conception a été confiée à M. Jean Nouvel, qui a déjà réalisé le musée du quai Branly. Il s'agira donc non d'une antenne du Louvre, mais d'un musée émirien bénéficiant de l'expertise française.

Cette coopération culturelle d'une ampleur inédite s'inscrit dans les relations entre civilisations d'Orient et Occident, dans une région où les échanges culturels et artistiques participent à la lutte contre Les identités meurtrières, pour reprendre le titre prémonitoire d'un livre publié par Amine Maalouf il y a sept ou huit ans et dont je ne saurais trop recommander la lecture. Or, ces identités meurtrières font des ravages dans le monde arabe, mais aussi chez nous. Les fermetures culturelles face à la mondialisation doivent nous inquiéter, et ce projet contribue à y faire obstacle.

La deuxième source de préoccupation concernait le nombre élevé d'oeuvres d'art prêtées, mais il faut relativiser l'ampleur de ces prêts. Je pense notamment au précédent d'Atlanta. Concrètement, il est envisagé de prêter des oeuvres au cours des dix premières années. Une partie proviendra du Louvre, mais d'autres musées comme celui d'Orsay participeront au dispositif. Pendant cette période, les Émirats Arabes Unis devront acquérir leurs collections permanentes. Ainsi, les trois premières années, la France prêtera 300 objets, puis 250 au cours des quatre années suivantes, enfin 200 les quatre dernières. Chaque pièce sera prêtée pour une durée allant de six mois à deux ans. Je rappelle que 35 000 sont exposées au musée du Louvre, sur les 445 000 que celui-ci possède. Chaque année, il en acquiert 200 à 300, prête plus de 4.400 pièces en France ou à l'étranger et en reçoit un millier. Les galeries de nos musées ne seront donc pas dégarnies. En outre, chaque prêt sera concédé sur la base du volontariat, sous le contrôle d'une commission scientifique et en respectant les règles applicables aux musées nationaux.

Enfin, ce sont les conditions financières qui ont suscité le plus grand nombre de critiques dans les milieux artistiques, certains conservateurs dénonçant la fin de la gratuité des prêts entre musées. La marchandisation de la société justifie certes que l'on s'inquiète de la voir gagner les musées de la République, mais ceux qui ont le plus critiqué la contrepartie financière les ont pratiquées lorsqu'ils dirigeaient de grands musées, sans que le fonctionnement du musée d'Orsay, par exemple, en ait été bouleversé. (M. le président de la commission approuve) En outre, la contrepartie financière existe réellement depuis le milieu des années 1990. Il faut distinguer deux cas. Les musées disposant de riches collections échangent gratuitement leurs oeuvres, mais cette pratique ne concerne guère les musées disposant des collections réduites, ni même de nombreux musées américains, japonais ou canadiens, qui n'ont pas d'oeuvres à offrir en échange et qui doivent recourir au mécénat. Le prêt gratuit entre partenaires équivalents ne disparaîtra donc pas -fort heureusement !- mais le prêt avec compensation permet d'offrir à de nouveaux publics l'accès à des oeuvres de premier plan.

Enfin, le réalisme impose de mesurer l'intérêt pour nos musées du milliard d'euros versés en trente ans. Cette somme permettra de créer un grand centre accueillant les réserves du Louvre, celles du musée d'Orsay et d'autres musées de la capitale, menacées par la crue centennale de la Seine ; elle permettra d'achever le projet du Grand Louvre alors que le nombre annuel de visiteurs est passé de quatre à huit millions en vingt ans ; elle permettra d'aménager d'autres espaces, comme le pavillon de Flore. Enfin, certains musées pourront acquérir de nouvelles oeuvres, mais nous risquons là un conflit d'intérêts avec le musée d'Abou Dabi... Bien sûr, tout cela n'a de sens que si la subvention de l'État aux musées nationaux ne subit pas de réduction. Pouvez-vous, madame la ministre, confirmer l'engagement pris en ce sens à votre prédécesseur ?

Qu'on le veuille ou non, il y a aujourd'hui un marché de l'art, comme il y a un marché des universités. Ainsi, le Louvre est en concurrence avec le Metropolitan Museum de New York, le British Museum et les grands musées européens. Notre pays dispose de formidables atouts grâce à un patrimoine exceptionnel et à son expertise reconnue. Il faudra certes se garder des dérives commerciales, comme dans le cadre de la fondation Guggenheim, mais pourquoi le musée du Louvre ne pourrait-il pas bénéficier de ses atouts dans la dure compétition culturelle mondiale ? Cette interrogation s'inscrit dans la perspective du rapport sur la mondialisation que M. Védrine vient de rédiger.

Je souhaite que le gouvernement informe la représentation nationale de l'avancement du projet, qu'il communique l'utilisation des sommes versées par les autorités émiriennes et qu'il rende publics les choix faits par l'Agence France muséums, dont j'estime qu'elle devrait adresser chaque année un rapport au Parlement. Nos commissions des affaires culturelles, des finances et des affaires étrangères pourraient organiser des auditions communes et veiller en particulier à l'utilisation des compensations recueillies.

L'accord entre le Louvre et Abou Dabi est novateur, donc risqué. Des sommes très importantes sont en jeu et il faudra être vigilant sur les aspects déontologiques. Un contrôle parlementaire régulier est donc nécessaire. Sous le bénéfice de ces observations, la commission des affaires étrangères recommande d'adopter ce projet de loi. (Applaudissements)

M. Philippe Nachbar, rapporteur, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.  - Il n'est pas courant que notre commission demande à se saisir pour avis d'un accord international, mais les accords passés entre la France et les Émirats Arabes Unis justifient pleinement que nous nous départions de notre habituelle réserve.

Leur dimension culturelle est attestée par le rôle déterminant joué dans la négociation par le précédent ministre chargé de la culture -M. Donnedieu de Vabres-, la directrice des musées, le président du Grand Louvre ainsi que plusieurs responsables de musées français. Cet exceptionnel projet illustre l'ouverture au monde de notre politique culturelle et notre souci de permettre à des visiteurs de découvrir l'art ailleurs que dans les grands musées. Dès le début de l'année 2007, notre commission a entendu la directrice générale des musées de France et le président du Grand Louvre.

Cet accord a suscité des inquiétudes. La première concernait les oeuvres prêtées, mais les chiffres montrent que cette préoccupation était excessive puisque, en réalité, les prêts s'étaleront sur dix années afin que le nouveau musée puisse acquérir des collections. Au cours des trois premières années, la France prêtera 300 oeuvres, puis 250 pendant les quatre années suivantes, enfin 200 les quatre dernières années. Chaque prêt durera six mois à deux ans. Au terme de ce processus, le nouveau musée aura acquis la totalité de ses collections.

Par ailleurs, la partie française choisira les oeuvres prêtées, après intervention d'une commission scientifique.

Ces règles s'appliqueront également aux quatre expositions temporaires que la France organisera chaque année pendant quinze ans.

Tous les musées inclus dans le périmètre de l'agence France Museum - par exemple Orsay, Versailles ou Chambord- seront mis à contribution pour le prêt d'oeuvres. Actuellement, les musées français prêtent entre 8 000 et 10 000 oeuvres chaque année, 1 500 pour le Louvre seul : cela relativise les chiffres annoncés pour Abou Dabi.

La deuxième critique concerne la sécurité des oeuvres. En fait, Abou Dabi est parfaitement équipé pour assurer la sécurité des oeuvres prêtées. De plus, les Français seront étroitement associés à la construction du nouveau musée ; la maîtrise d'oeuvre en est confiée à Jean Nouvel, l'établissement respectera les règlementations les plus modernes, assurant une sécurité supérieure à celle d'autres musées, plus anciens, auxquels nous prêtons des oeuvres. Du reste, l'accord prévoit des mesures conservatoires en cas de menaces pour la sécurité des oeuvres, jusqu'au rapatriement des oeuvres et la suspension de l'accord.

Troisième critique : les contreparties financières représenteraient une « marchandisation de l'art ». Or, le milliard d'euros sur trente ans servira à la restauration des oeuvres, à la rénovation des musées et à la formation des personnels. L'autorisation d'inclure le mot « Louvre » est strictement encadrée et sa compensation financière importante de 400 millions témoigne de la reconnaissance de notre premier musée national !

Ce projet contribue au rayonnement culturel de la France. Ce sont les autorités d'Abou Dabi qui, il y a deux ans, sont venues chercher le Louvre, pour son expertise muséographique, pour son prestige : nous devons être fiers de ces atouts ! Le Louvre mène déjà une politique internationale très active, comme en témoigne l'exposition qu'il a organisée au Japon en 2005 sur la peinture française du XIXème siècle, fréquentée par plus d'un million de visiteurs. D'autres grands musées font de même ; j'en veux pour preuve l'accord de partenariat entre le British Museum et le musée d'art islamique du Qatar.

Les sommes considérables apportées par ce projet, exonérées de tout prélèvement fiscal, iront à la rénovation des musées, à la restauration et à l'enrichissement des collections, elles accélèreront l'avancée du Grand Louvre ou encore la réalisation d'un centre de réserves commun au Louvre et au Musée d'Orsay. Dans une mission d'information, nous avions constaté il y a trois ans combien la conservation de nos oeuvres laissait encore à désirer.

Ce projet, enfin, contribuera au dialogue entre les cultures : le musée d'Abou Dabi a vocation universelle, il présentera des oeuvres de toutes les périodes et de toutes les régions du monde. Cette universalité est celle même dont rêvait André Malraux ; ne boudons pas notre plaisir d'associer la France à cette grande oeuvre ! Abou Dabi et les Emirats Arabes Unis ont décidé d'accorder une place prioritaire à la culture ; deux alliances françaises et une antenne de la Sorbonne y sont implantées depuis deux ans. Ce projet renforce le dialogue entre l'Orient et l'Occident : la commission des affaires culturelles vous invite à adopter ces trois conventions ! (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Catherine Morin-Desailly. - Le projet du Louvre à Abou Dabi a suscité la polémique ; je regrette que les parlementaires n'aient eu à en débattre qu'une fois les accords signés : une véritable concertation était certainement requise pour un tel projet, où la coopération culturelle change d'échelle.

Cependant, comme le note le rapporteur, ces accords apportent des garanties juridiques sur le projet culturel et scientifique du musée, la conservation des collections, la qualité et la sécurité des oeuvres ou encore l'utilisation du nom du Louvre, et ils donnent lieu à des contreparties financières substantielles. Les musées en bénéficieront, pour autant que ces moyens nouveaux ne soient pas compensés par un retrait de l'Etat. Quant aux musées régionaux, dont les collections seront mobilisées, on regrettera que les collectivités locales, qui en ont la tutelle, n'aient pas été consultées.

Nous ne contestons pas l'intérêt d'un projet utile pour le rayonnement de la France, mais nous nous interrogeons sur les conséquences de la localisation du Musée d'Abou Dabi sur « l'île du bonheur », spécialement créée avec quatre musées, vingt-neuf hôtels, un parc d'attraction, trois marinas et deux terrains de golf. Le musée sera-t-il réservé aux seuls touristes riches ? Quid des populations locales ? Les accords ne disent rien sur la politique des publics, alors que le rôle des musées est de faire accéder aux oeuvres de l'esprit le plus grand nombre de citoyens.

Nous devons également nous assurer que nos musées ne se voient dépossédés des oeuvres majeures de leurs collections, qui seraient prêtées pour plusieurs mois au musée d'Abou Dabi. On sait que plusieurs chefs d'oeuvre déposés au High Museum d'Atlanta sont restés absents des collections françaises pendant de longs mois. Le public français se sentirait lésé mais aussi les touristes étrangers qui s'attendent en venant visiter le Louvre à y admirer La Joconde, Le Radeau de la Méduse ou la Vénus de Milo ; et quelle serait la déception de touristes qui ne trouveraient pas au Musée d'Orsay, Le déjeuner sur l'herbe de Manet !

Le Louvre et les autres grands musées français perdraient leur réputation et un nombre conséquent de visiteurs. Or ce sont trois cents oeuvres « d'une qualité comparable à celle du Louvre et des grands musées français » issues des collections publiques françaises -dont une « proportion raisonnable » issue des collections du Louvre- qui seront prêtées au cours des trois premières années par les musées français. A la lecture de ces conditions, nous avons besoin d'avoir des garanties quant à la présence des oeuvres qui font l'originalité, la notoriété et la cohérence des collections des grands musées français.

Face aux inquiétudes exprimées par certains collègues en commission des affaires culturelles nous avions évoqué, alors que les échanges internationaux d'oeuvres d'art entre les grands musées vont se multiplier dans les années à venir, la nécessité d'une charte déontologique sur les pratiques de gestion et d'entretien des collections en s'inspirant des principes posés par l'Unesco et l'International Council of Museums (ICOM). Cette charte de bonne conduite a-t-elle été élaborée ou est-elle en cours de rédaction au ministère de la culture ? En fixant des règles claires, nous rassurerons les professionnels des musées et la France anticiperait un phénomène qui va s'amplifier.

Le monde évolue, les échanges se développent. II ne s'agit aucunement de se replier sur soi, les partenariats avec les institutions étrangères doivent se diversifier ; ce n'est pas moi qui dirai le contraire. Mme la directrice des musées de France le sait, puisque la ville de Rouen est très active au sein du réseau des musées franco-américains -. Nous inaugurons d'ailleurs dans deux jours une magnifique exposition sur la « Mythologie de l'Ouest dans l'art américain », soutenue par le ministère, dont bénéficiera par la suite Rennes puis Marseille. Mais il faut que ce développement international soit maîtrisé et respectueux de l'esprit des Lumières qui a inspiré la vocation de nos musées. Ceux-ci ne sont pas reproductibles à l'infini et prêts à poser n'importe où. Ne perdons pas de vue que c'est leur caractère unique qui en fait, aussi, l'attrait et le rayonnement.

Madame la ministre, vous héritez d'un dossier sensible. Votre parcours professionnel vous rend particulièrement attentive à ces enjeux et je ne doute pas que vous saurez rassurer les professionnels des musées, en apportant les garanties culturelles et scientifiques nécessaires. Le groupe centriste votera ce projet de loi (Applaudissements à droite et au centre).

Mme Catherine Tasca- La Commission des affaires culturelles a eu bien raison de demander à se saisir pour avis de ce projet de loi car, même si on n'en sous-estime pas la portée diplomatique, cet accord international a surtout une portée considérable sur l'évolution de notre politique culturelle tant il innove dans la marche de nos musées nationaux, et dans leurs pratiques scientifiques et culturelles.

Levons ici quelques faux procès. Les échanges internationaux des musées sont nécessaires et fructueux sur le plan scientifique et culturel. On ne peut que se réjouir qu'ils sortent des frontières classiques du monde occidental. Les Emirats Arabes Unis, le public potentiel d'Abou-Dabi méritent notre coopération tout autant que New-York, Berlin, Londres ou Madrid. On ne saurait ignorer les enjeux de notre présence culturelle dans cette région du monde De même, nous savons bien que l'argent public se fait rare ; et il le sera de plus en plus du fait de la politique économique et budgétaire de ce gouvernement. Nous savons que le principe des prêts gratuits a connu depuis longtemps des accommodements par nécessité et que bien des expositions bénéficient du mécénat privé.

Mais avec ce projet d'Abou Dabi l'exception devient la règle et le concours financier devient le moteur, le donneur d'ordre. Ce n'est donc pas une simple évolution, un petit changement. Cette affaire nous oblige à ouvrir un vrai débat sur le sens et l'avenir des politiques culturelles publiques, notamment muséales.

Je vais droit au but. Personnellement je m'abstiendrai, car j'ai trois réserves majeures sur la manière dont ce projet est conduit. Premièrement, il a été élaboré dans des conditions de non-transparence, presque de secret, très contestables qui devaient inévitablement faire polémique -et ça n'a pas manqué- et créer le soupçon, la crainte d'une marchandisation des collections nationales. Deuxièmement, le sens de l'opération reste peu clair et l'habillage séduisant du « dialogue des civilisations » est un alibi qui ne peut faire illusion : la vraie nature de cette opération est d'abord financière. Troisièmement, cet accord hors du commun opère de fait, par le changement d'échelle et la durée du projet, un tournant préoccupant de notre politique muséale.

La négociation a été menée dans une parfaite opacité et avec une rarissime vélocité...Ainsi, au lieu d'associer les acteurs compétents, Parlement compris, on a réussi à éveiller tous les soupçons et à susciter toutes les résistances.

J'insisterai davantage sur la vraie nature de cette opération. On ne peut qu'applaudir à la vaste ambition du futur Musée, cornaqué par nos spécialistes français : confrontation et dialogue des cultures à travers les temps et les continents. On doit souhaiter qu'il y réussisse. Mais le plus clair c'est qu'il s'agit pour la France d'un vaste projet financier, avec des partenaires qui en ont les moyens. Tel qu'il est présenté le projet devrait être lucratif donc bénéfique pour les musées de France si l'Etat respecte son engagement d'en retourner tous les gains aux musées, dont les besoins sont vastes, sans amputer d'autant son propre financement. A suivre donc... Ce n'est évidemment jouable que pour les grands musées dont les activités sont rentabilisables grâce à leur excellence, grâce à leur notoriété. C'est le cas du Louvre au point qu'on peut entendre parler de la « marque » Louvre et de la « griffe » Louvre. C'est ce qui a permis à un ardent supporter du projet de déclarer : « Soyons clairs, la société du spectacle et l'ordre marchand dirigent le monde dans lequel nous évoluons depuis des décennies... Si nous refusons cette réalité, d'autres s'empresseront alors d'augmenter leur assise culturelle et scientifique dans le monde à notre place ». Voilà un argument typique de la compétition internationale commerciale. On est bien loin du « dialogue des cultures ». Le rôle de l'argent privé ou étranger dans les politiques publiques est un sujet sérieux. On ne peut le laisser sans garde-fou, il faut trouver la juste mesure entre une pruderie dont l'Etat n'a plus les moyens et une dépendance incompatible avec l'intérêt général.

J'en arrive à ma troisième critique, la plus fondamentale : avec l'accord d'Abou Dabi, il y a bien plus qu'un changement d'échelle, il y a changement de nature de notre politique d'échanges culturels internationaux. Et partant de là, un tournant dont je ne pense pas qu'il soit positif pour nos musées. Ne nous laissons pas éblouir par ce milliard d'euros annoncé. Il faut s'interroger sur les termes de la contribution française à la réalisation du Musée d'Abou-Dabi et sur le prix à payer, sans jeu de mots, par nos musées, leurs publics, leurs conservateurs et leurs chercheurs. Le marché est peut-être financièrement équitable mais est-il culturellement juste ? Je ne le crois pas.

Le ministre et le Président-Directeur du Louvre ont préempté pour une très longue durée, trente ans, les moyens des principaux musées dont on ne voit pas très bien comment leurs responsables garderont la maîtrise culturelle et scientifique de leurs établissements. Pourquoi ne pas avoir étudié un engagement de moins longue durée ? En vertu de l'échéancier de l'accord, ce sont des oeuvres majeures qui sortiront pour des durées bien plus importantes que dans la pratique des prêts temporaires et, de ce fait, ne pourront être ni exposées, ni prêtées aux musées en région, ni échangées avec d'autres partenaires à l'étranger. Mais ce sont aussi les spécialistes français engagés dans l'opération dont la compétence sera durablement soustraite à leurs équipes d'origine.

Je relève d'ailleurs une contradiction dans la politique de l'Etat. D'une part depuis quelques années on prône à tout va l'autonomisation des musées transformés en établissements publics qui se considèrent de plus en plus comme des entreprises autonomes et leurs présidents comme des PDG du privé. Est-ce bien là le service public ? Parallèlement on n'a pas cessé de rogner le rôle de la Réunion des musées nationaux (RMN) qui fut le pivot de la mutualisation et de la cohérence du réseau. D'autre part, dans le même temps, on lance cette opération d'Abou-Dabi en y impliquant avec le Louvre les principaux musées nationaux, de la façon la plus autoritaire, la plus directive, la moins concertée. Et on invente une structure ad hoc dont on sait à vrai dire peu de choses, l'Agence internationale des musées de France, « France Museums », qui associe douze établissements appelés à apporter leur concours -on devrait dire à louer leurs oeuvres et leurs services- au futur musée universel. C'est donc le meilleur de nos richesses et compétences en la matière qui est ainsi mobilisé. On souhaiterait que ce souci de synergie, de convergence inspire la politique hexagonale des musées. Ma foi, si l'expérience d'Abou-Dabi peut servir d'émulation, on s'en félicitera. La nouvelle agence, c'est donc un pilote, Le Louvre, qui détient un gros tiers des actions et onze petits soldats, avec chacun vingt actions symboliques, sommés de suivre le mouvement. Dans le choix de la forme juridique d'une société par actions simplifiée, on reconnaît bien ce mirage permanent du privé et l'obsession d'échapper aux règles du service public.

Cela pose bien des questions : quel sera le statut des fonctionnaires des musées lorsqu'ils apporteront leur concours, quel sera le mode de leur rémunération, quelle sera leur responsabilité dans la définition des orientations du futur Musée ? Tout ceci semble s'installer dans le flou. On ne peut que sourire lorsqu'on affirme sans rire que « pour éviter tout risque de conflits d'intérêts, les conservateurs français fixeront les orientations et la politique d'achat du futur musée... mais ne participeront pas à la politique d'acquisition des oeuvres ». La frontière est bien mince et l'étroitesse du marché de l'art lorsqu'il s'agit d'oeuvres majeures du patrimoine mondial rend ce distinguo bien fragile. Alors les opérateurs sauront-ils préserver l'intérêt de nos propres musées et continuer d'en enrichir les collections ? Comment admettre que, pour avoir soulevé ces questions, deux des plus éminents spécialistes des musées, Françoise Cachin et Michel Laclotte, aient été brutalement congédiés par le ministre de la culture, votre prédécesseur ? Cela prouve qu'il était à court d'arguments.

Je comprends tout à fait la demande des Emirats Arabes Unis qui cherchent à acquérir le meilleur appui à leur projet. Mais j'ai le sentiment que le ministère et le Louvre sont allés au-delà de ce que nécessitait une juste coopération. Dans un pays champion de « l'exception culturelle » il y a là une concession à l'air du temps, celui de l'argent-roi. Pour ma part, je ne peux y souscrire et je m'abstiendrai donc, ainsi que certains de mes collègues, dont Louis Mermaz qui m'a demandé d'en faire part.. (Applaudissements à gauche)

M. Jack Ralite. - Comme tout le monde ici, je suis pour la circulation des oeuvres. Mais comme le dit si bien Octavio Paz, « le marché est efficace, mais il n'a ni conscience, ni miséricorde ».

La tradition du travail muséal en France, c'est précisément la conscience et la miséricorde. Or voici inscrite précipitamment -en pleine session extraordinaire, excusez du peu !- la ratification du projet de Louvre à Abou Dabi, préparée sans concertation, en grand secret. Si ne s'étaient pas exposés les 5 500 signataires de la pétition du monde de l'art, on se serait cru dans le secret défense ! Pourquoi ce secret, si c'est si beau, si bien, si bon ? C'est que ça ne l'est pas !

Le fond des choses se résume à ceci : les Émirats Arabes Unis sont bourrés de pétrole, friands d'armements et acheteurs d'Airbus. Son Louvre sera construit sur une île réservée à la gentry internationale et inaccessible au petit peuple.

Voix à droite. Il n'y en a pas, là-bas !

M. Jack Ralite. - Un rapport a été remis le 23 novembre 2006 à M. Breton, ministre des finances ; ses signataires sont inspecteurs des fiances ou industriels, un seul d'entre eux appartient au monde de l'art.

M. Jacques Valade, président de la commission. - L'un d'eux est devenu ministre !

M. Jack Ralite. - Pas celui qui appartient au monde de l'art !

Dans ce rapport Lévy-Jouyet, tout l'accord du 6 mars est développé, y compris ce en quoi il viole le code de déontologie des musées. On y lit, à la page 123, une recommandation incitant les musées à classer leurs oeuvres en deux catégories, les trésors nationaux et les oeuvres susceptibles d'être aliénées, et à vendre certaines de celles-ci. Classer ainsi les oeuvres d'art, c'est les réifier.

Le 5 mars, je disais à M. Donnedieu de Vabres : « Puissiez-vous ne jamais regretter la signature que vous allez apposer demain. » Il m'a répondu qu'il n'avait pas mis dans le contrat l'application de ce passage sur la vente des oeuvres. Je lui ai rétorqué : « Pour combien de temps ? » Eh bien, nous y sommes ! Dans sa lettre de mission à Mme la ministre de la culture -dont je salue l'action à Versailles-, le Président de la République lui demande d'engager une réflexion sur « la possibilité pour les opérateurs publics d'aliéner des oeuvres de leurs collections ».

Je suis certain que nombreux sont parmi vous ceux que de telles idées choquent, comme lorsqu'on a tenté de supprimer le ministère de la culture, sauvé in extremis ce printemps par l'action des artistes.

Cette idée d'inaliénabilité des oeuvres d'art a été imposée au XIIe siècle par les juristes royaux, contre la volonté des rois, pour protéger le patrimoine. Celui-ci, cette création de l'Histoire, est en danger, tout comme la création contemporaine.

J'étais samedi à Avignon pour fêter le soixantenaire de la création des semaines théâtrales par René Char et Jean Vilar. Celui-ci avait raison quand il parlait, dans une lettre à Malraux du 17 mai 1971, du « mariage cruel » entre les créateurs et le pouvoir. Pensons à René Char -« Comment vivre sans inconnu devant soi ? »-, à Braque, à Apollinaire rappelant l'invention de la roue, « qui ne ressemble pas à une jambe ». C'est cela la création !

A ce journal qui titre « Comment les musées ont appris à gagner de l'argent », j'oppose Saint-John Perse, selon qui « la poésie, c'est le luxe de l'inaccoutumance. »

Les musées n'ont pas à gagner de l'argent mais à amener le plus grand nombre à la contemplation des oeuvres de l'esprit. L'autre jour, j'assistais à l'inauguration de la cité de l'architecture. Un fort beau musée, mais en d'autres temps, on aurait mis en avant le ministère ; aujourd'hui, on parle des « partenaires fondateurs » : Bouygues, Vitra... Cette présence obsédante n'est pas sans conséquence.

M. Pierre Fauchon. - Les Médicis étaient des banquiers !

M. Jack Ralite. - Et que dire de la nomination de l'ancien directeur de cabinet de M. Aillagon à la direction de Sotheby France, où l'on vend aux enchères le patrimoine ! Est-cela la création ? Non !

Comme le dit Boulez, « toute oeuvre nouvelle est faite d'une confrontation entre le passé et l'avenir ». Les artistes connaissent la souffrance qu'il y a à sortir de soi la tradition. Mais ce n'est pas la création qui intéresse les marchands, c'est la vente !

M. Pierre Fauchon. - Il faut bien des mécènes, comme à la Renaissance !

M. Jack Ralite. - Mais ils n'ont pas à devenir rois !

M. Pierre Fauchon. - Les Médicis !

M. Jack Ralite. - Les paroles des artistes se dressent contre le nouvel esprit des lois présenté par le Président de la République. À la cité de l'architecture, il a dit n'être pas porteur d'une conception utilitariste de la culture. Celle-ci, a-t-il ajouté, vaut pour elle-même et n'est pas une simple marchandise. Elle n'est « pas un supplément d'âme mais l'âme même de la civilisation ». Je suis d'accord mais pourquoi alors imposer le contraire à son ministre de la culture ? Pourquoi dire une chose et son contraire ?

Je pense à ce propos d'un professeur à l'université La Sapienza de Rome : « nous avons un héritage, nous devons le défendre et nous en défendre ; autrement, nous aurions des retards d'avenir et nous serions inaccomplis ». Je ne veux pas que la France soit en retard d'avenir et je ne veux pas de citoyens inaccomplis ! Un jour, Char a lancé « l'inaccompli bourdonne d'essentiel ». Quel beau programme !

Voter ce projet reviendrait à accepter une logique commerciale qui a été initiée sans concertation pour justifier au nom de la démocratisation un désengagement de l'Etat et faire de l'art un atelier de l'occasion. Invoquer Malraux en la circonstance, c'est renier celui qui voyait dans le musée la plus haute idée de l'homme. (Applaudissements à gauche)

M. Louis de Broissia. - Jack Ralite ne m'en voudra pas si en gaulliste et en disciple de Malraux, je ne vois dans la lettre à la ministre que le rappel du discours de 1959 : rendre accessibles les oeuvres capitales de l'humanité et assurer la plus vaste audience à notre patrimoine culturel. Voilà l'esprit dans lequel le groupe UMP va voter le projet. Celui-ci répond à une demande des Emirats Arabes Unis : comment dire non à des hommes d'une autre culture qui veulent avoir accès à la nôtre ?

Je n'ai pas de l'expertise la vision fermée de Mme Tasca. En réponse à une demande de démocratisation universelle, il s'agit ici d'une honnête diplomatie culturelle, affichée de manière moderne. Permettre au plus grand nombre de découvrir notre patrimoine sous toutes ses formes, le permettre à d'autres cultures, c'est affirmer des exigences et apporter des garanties, notamment un contrôle parlementaire.

Le gouvernement des Emirats Arabes Unis a fait appel à la France pour la conception et la réalisation du musée. Pour une fois, nous pouvons faire cocorico ! C'est la dimension universelle du musée qui a ainsi évolué sous l'influence de nos conservateurs et historiens de l'art.

Pendant dix ans, des oeuvres du Louvre et d'autres musées, prêtées pour deux ans, seront exposées par rotation. Aujourd'hui, 10 à 15 % des oeuvres seulement sont exposées, les autres étant conservées dans les réserves. Les prêts ne concerneront que trois cents oeuvres.

Des échanges, il y en a déjà et dans les deux sens. Le musée de Dijon, le deuxième de France après le Louvre, a ainsi accueilli des peintures de l'Ermitage que les Bourguignons n'avaient pu aller voir en Russie. Or toute oeuvre d'art, cher Jack Ralite, marque la rencontre d'un créateur et d'un public, qui doit donc être le plus large possible.

Les critiques portent essentiellement sur les contreparties, sur la marchandisation -certains parlent même de chosification. Des experts s'inquiètent d'une mise en vente déguisée et font le cauchemar d'une diminution des aides publiques. Mais lorsque les Emirats Arabes Unis ont fait appel à notre collaboration, lorsqu'ils l'ont rémunérée, ils ont reconnu le génie français, terme que je préfère à celui de savoir-faire, traduction de l'anglais know how. Evitons une vision par trop hexagonale : un expert en mission à l'étranger n'affaiblit pas la culture française, mais enrichit son expertise et la culture française !

La diplomatie culturelle est de tous les temps. Songeons à la manière dont les Etats-Unis ont fait de la culture le bras armé de leur puissance dans le monde. Une véritable politique de diplomatie culturelle voit le jour maintenant ; elle concerne aujourd'hui un Etat particulièrement intéressant, au modèle économique exceptionnel, sur le sol duquel est mort l'un de nos collègues, un pays enfin, dans lequel la marque du Louvre pourra s'épanouir.

Faut-il dénoncer une instrumentalisation de la culture ? Négliger la dimension culturelle des échanges serait contreproductif. Ne prenons pas le risque de laisser la place au Prado, à l'Ermitage, au Getty. Voici un enjeu dont il faut se saisir, un pont qu'il faut franchir ensemble. Le groupe UMP l'empruntera avec enthousiasme. (Applaudissements à droite)

M. Yves Dauge. - L'accord n'aurait pas été rédigé en ces termes si le débat avait eu lieu avant sa signature. Même si nos analyses divergent, nous apprécions que la France manifeste son génie et son savoir-faire mais il est frustrant que le débat s'engage ainsi, alors que l'on parle de revaloriser les droits du Parlement.

Le contexte ne facilite certes pas les choses. Des inquiétudes se font jour, des suspicions s'expriment, on parle de franchisation. L'établissement d'un cahier des charges aurait été utile.

Selon quelles règles développer de grands projets culturels dans le monde ? C'est une question que l'on ne peut pas éluder. J'ai regretté que cette affaire soit conduite sans qu'à sa gestation soient associés parlementaires et professionnels. C'est la presse qui a poussé, après coup, à le faire. Nous aurions tout à gagner à développer d'autres types de démarches sur la gestion de ce projet : on pourra y revenir, car il ne fait que débuter.

La France, c'est vrai, sait conduire de grands projets. Les exemples ne manquent pas, depuis le centre Georges Pompidou jusqu'au musée du quai Branly. Ce qui a fait leur qualité, c'est le projet scientifique et culturel autour duquel ils ont été bâtis. Où est-il, ici ? C'est là le fond de l'affaire. Où sont, dans ce texte, les articles qui parlent des principes ? On voit apparaître le terme à l'article 2, relatif aux principes de mise en oeuvre. Seul objectif : préciser que l'on utilisera le nom Louvre et le cas échéant la marque. C'est une provocation ! Où est le principe ? Dans la vente de la marque ? Il ne devrait pas en être question !

Viennent ensuite, à l'article 5, les principes pour la conception. On y apprend que la maîtrise d'oeuvre sera confiée à un architecte de renommée internationale. Quelle révélation ! Le projet, nous dit-on, requiert un « haut niveau de qualité » ! Franchement ! Quelles désolantes lapalissades ! Ce n'est pas avec cela que l'on fera honneur au savoir-faire français. J'aurais, quant à moi, construit cet accord sur un article fondamental, l'écriture du projet scientifique et technique. M. Loyrette, à qui l'on a posé la question, n'a pas dit autre chose : l'accord doit être fondé sur un projet culturel et scientifique. Il faudra bien se mettre d'accord là-dessus. Mais cela demande des mois.

Deuxième étape, deuxième article : décrire la programmation qui traduit ce projet. Exercice difficile. J'aurais imaginé un accord-cadre à plusieurs étages, avec clause de rendez-vous pour s'assurer que l'on s'achemine bien dans la bonne direction. Troisième article : le cahier des charges pour le choix de la maîtrise d'oeuvre. Ce n'est pas une petite affaire. Or, quelle ne fut pas la surprise de la commission de découvrir, dans Le Monde, la maquette de l'« architecte de renommée internationale », qui avait déjà bouclé le projet. De qui se moque-t-on ?

C'est une caricature de la démarche professionnelle sur laquelle nous avons fondé notre réputation. Rendez, madame la ministre, son sérieux à cette démarche. Vous avez des marges de manoeuvre pour recadrer ce texte. Vous pouvez prévoir une clause de revoyure.

Je passe sur ce qui concerne la gestion. La malheureuse histoire du prêt au High Museum d'Atlanta de trois oeuvres pour cinq millions d'euros a écorné le principe du prêt gratuit. Et l'on continue allègrement dans cette voie. Vous m'opposerez qu'il s'agit de prêts de longue durée. Cela n'est pas fait pour me rassurer.

Comprenez que mes interrogations ne sont pas une condamnation sans appel mais un appel à remettre l'ouvrage sur le métier avec l'ambition professionnelle qui est la nôtre dans la conduite de telles affaires. (Applaudissements à gauche.)

Mme Nathalie Goulet. - Difficile exercice mais aussi témoignage, émotion et symbole, comment voir autrement la programmation de ce texte à sept mois jour pour jour de la mort de mon mari, terrassé par une attaque quelques heures seulement après que nous ayons été conviés à visiter le site du futur musée du Louvre à Abou Dabi. Nous nous y rendions, au cours de cette année, au moins une fois par mois. C'est dire l'importance du sujet.

Au soutien que j'apporte sans hésitation à ce projet, j'associe Joël Bourdin, président délégué du groupe d'amitié France-Pays du Golfe. Voila des années que nous militions pour un renforcement des relations culturelles et universitaires dans cette région du monde, tant il est vrai qu'aucune relation commerciale pérenne ne peut exister sans relations culturelles. Après la Sorbonne, voilà le Louvre dans la péninsule Arabique.

Abou Dabi sera emblématique comme l'ont été les opérations itinérantes, notamment en Oman, et l'inauguration en grande pompe de l'exposition d'art islamique au Louvre par son altesse l'émir du Qatar, l'an dernier.

Ce musée sera un pont entre les cultures. Et sur un pont, on passe dans les deux sens. Nous apprendrons à connaître, en France, les trésors des musées de Sharjah. Je rends hommage à Son Altesse Cheikh Qassimi dont la famille a beaucoup oeuvré pour l'émirat et qui contribue chaque année aux travaux de l'Unesco en dotant généreusement le prix de la culture arabe.

Promouvoir la compréhension entre les peuples par le dialogue des cultures, telle sera aussi la mission du Louvre d'Abou Dabi. Je salue l'effort de Zaki Nosseibeh, conseiller de Cheikh Zayed Al Nayane, et aujourd'hui conseiller du président des Émirats Arabes Unis dont l'action, reflet de la volonté de Cheikh Khalifa a été, dans ce dossier du Louvre, comme pour la Sorbonne, déterminante. Je rends également hommage à notre ambassadeur Patrice Paoli et à son homologue émirien, le sultan Al Aryani.

Nos musées entrent dans l'ère de la modernité, dans une zone géographique essentiellement anglophone. Quelle aurait été la réaction de notre Haute Assemblée si l'île de Sa'adiyat avait constitué son pôle sans musée français, sans le plus prestigieux d'entre eux ? (M. Fauchon renchérit.) Non, il n'y a pas de Belphégor caché dans ce texte, et je ne doute pas que le succès sera au rendez-vous.

J'en profite pour vous engager à veiller, madame la ministre, au recrutement de nos attachés culturels dans la région. Les postes y semblent destinés aux volontaires internationaux, ce qui interdit tout travail de long terme.

Le poste d'attaché culturel est un vrai poste et pas une entreprise de recyclage ou de réinsertion pour des amis désoeuvrés en mal d'exotisme, surtout dans cette région si exigeante et si riche.

Le projet Focus est constitué d'une exposition, mais aussi d'un livre comprenant des photos inédites des six pays du Golfe. Il entre dans la ligne générale de notre coopération avec la péninsule arabique, y compris avec le Yémen.

Lorsque vous viendrez à Abou Dabi, ne faites pas, madame la ministre, comme vos prédécesseurs qui n'y passaient que quelques heures. Visitez comme il le mérite cet important émirat. Allez à la rencontre des étudiantes de l'Université Zayed, ce qu'aucun ministre français n'a encore fait, alors que Tony Blair et Bill Clinton y ont tenu des séminaires.

L'Orient est compliqué, polymorphe et d'une richesse inégalée : pensons au Sultanat d'Oman, pays de la myrrhe et de l'encens, à l'Arabie Saoudite, centre du monde pour les Musulmans, où les ruines nabatéennes de Maiden Saleh attestent d'un passé glorieux.

N'oublions pas Bahreïn, le Royaume des deux Mers, dont l'histoire est liée à la récolte des perles : le premier navire français y accosta en 1842. Comment oublier le Koweït qui accueillit Alexandre le Grand sur ses rives et le merveilleux Yémen dont l'histoire ancienne raconte la visite légendaire de Balquis, reine du Royaume de Saba au roi Salomon ? Non, nous n'apportons pas le Louvre dans un désert culturel ! Il s'agit certes d'une importante opération française, mais qui nous permettra aussi d'apprendre et d'échanger.

Puisque le Président de la République projette, me dit-on, une visite d'État en janvier au Qatar, pourquoi ne pas prévoir, comme le souhaitait mon mari, une année du Qatar en France ? Sans froisser les susceptibilités des pays voisins, ce serait un bon moyen de mettre le Qatar, qui est le plus francophone et francophile de la région, à l'honneur.

Je voterai, sans réserve, ce texte. (Applaudissements à droite et sur plusieurs bancs au centre)

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication.  - Merci pour tout ce qui a été dit sur cette belle aventure de musée à Abou Dabi. Comme l'a dit Mme Goulet à l'instant, c'est une occasion extraordinaire de tisser des liens avec cette région si mal connue et dont nous avons parfois une image caricaturale. Or la richesse culturelle de ces États est immense et nous lançons, grâce à ce musée, une passerelle entre nos cultures.

Tout a été dit, mais l'essentiel est bien que nous ayons été sollicités par cette région du monde, qui est anglophone, pour y implanter un musée. L'Émirat d'Abou Dabi a choisi la culture comme vecteur de rayonnement et s'est tourné vers notre culture pour faire rayonner la sienne. Il va y avoir cinq musées édifiés sur cette île et en choisissant le Louvre, c'est un bel hommage qui est fait à l'extrême richesse de nos oeuvres et de nos collections. Nous apporterons notre aide à la conception de ce musée, nous allons définir son projet scientifique, présider à la constitution de ses collections, mais ensuite, il sera totalement indépendant. Nos relations seront d'égal à égal.

Cette collaboration est de première importance pour le Grand Louvre qui est en constant devenir. Cette manne financière permettra de mener à bien le projet Pyramide car nous devons faire face au doublement de la fréquentation du musée depuis 1989. De même, elle devrait nous aider à réaliser un centre commun de réserves pour accueillir les réserves du Louvre et de quelques autres grands musées de la capitale, pour les protéger de la fameuse crue que nous craignons tous.

J'espère aussi que d'autres musées seront sollicités par la suite par l'Agence. Le musée Toulouse-Lautrec d'Albi pourrait ainsi participer à une belle exposition et enrichir, en retour, ses propres collections. Comme je l'ai déjà dit, tous les fonds recueillis profiteront aux oeuvres et au public.

Plusieurs orateurs sont revenus sur l'extrême discrétion dont a été entouré ce projet. C'était la volonté de l'Émirat de ne pas ébruiter ses intentions et de ne donner que des ordres de grandeur. Cette période a pris fin en janvier, avec l'audition de mon prédécesseur par la commission des affaires culturelles. A l'avenir, tout se fera dans la plus totale transparence : l'Agence internationale des musées de France et mon ministère répondront à toutes les questions qui leur seront posées.

Mme Cerisier-ben Guiga craint, avec d'autres orateurs, que l'État ne se désengage : il n'en est pas question et l'accord est très clair sur ce point. Il ne s'agit en aucune manière de pallier une quelconque défaillance de l'État.

M. Nachbar a évoqué le nom du Louvre. Nous ne bradons pas une marque mais ce nom est le symbole même de notre coopération et un hommage rendu au rayonnement de notre musée. Il ne s'agit en aucune manière de créer une antenne du Louvre à Abou Dabi.

Mme Morin-Desailly a regretté que les collectivités locales n'aient pas été associées à ce projet. Jusqu'à présent, cela n'avait pas été possible puisque la discrétion était de mise, mais je souhaite que les musées locaux aient à l'avenir toute liberté pour entrer dans l'Agence internationale.

Ce projet est également entouré de toutes les garanties : le comité scientifique est présidé par M. Loyrette et il comprend les plus hauts responsables des différents musées qui sont partie prenante. Le public de ce futur musée sera bien sûr composé des 150 millions de personnes qui habitent les pays du Golfe, mais il y aura aussi les touristes. Ne sommes-nous pas contents d'en accueillir à Versailles ?

M. Pierre Fauchon. - Vive le tourisme culturel !

Mme Christine Albanel, ministre. - Mme Morin-Desailly m'a également interrogé sur la charte déontologique : elle a été élaborée par la Direction des musées de France et transmise aux DRAC et aux conservateurs. Enfin, elle est disponible sur Internet.

Mme Tasca a été très sévère et je ne partage pas sa vision quelque peu caricaturale : non, nous n'allons pas perdre nos meilleurs talents et nos oeuvres les plus importantes ! Savez-vous que 30 000 oeuvres sont prêtées chaque année ? Pour Abou Dabi, ce seront 300 oeuvres la première année, puis 200 ensuite. Il est en outre précisé que les oeuvres les plus emblématiques ou les plus fragiles de nos collections ne seront pas prêtées ; le comité scientifique et les conservateurs veilleront à ce que cette règle soit scrupuleusement respectée. Les collections du Louvre ne vont donc pas soudainement s'évaporer ! Je ne crois pas que nous vivions un changement d'époque aussi radical. Ainsi, le principe du prêt gratuit demeure et il s'applique dans 90 % des cas.

En revanche, il existe depuis longtemps des expositions « clé en mains » qui donnent lieu à une contrepartie financière. M. Jack Lang a rappelé en janvier dernier, dans un entretien au journal Libération, que les travaux de l'Orangerie avaient été en partie financés -à hauteur de 7 millions d'euros- par des prêts de collections à l'Australie. De même l'exposition Mélancolie a bénéficié de 700.000 euros grâce au prêt d'oeuvres de Picasso au musée de Berlin. Je peux moi-même témoigner que les expositions que nous avons montées, « Les fastes de Versailles » et « Napoléon », ont financé des restaurations du château et des acquisitions. On ne saurait donc parler de changement d'époque ; et nous serons attentifs à prévenir les dérives. La durée des prêts sera au maximum de deux ans, contre cinq parfois actuellement.

M. Ralite déplore la place de l'argent dans la culture. Mais il est normal que les ressources privées et publiques se conjuguent et tant que l'État ne se désengage pas, les soutiens privés ne causent aucun souci.

Ce projet concrétise une politique de contractualisation dont les objectifs sont clairs. Je me réjouis que le grand rêve de Jean Vilar, rendre les oeuvres populaires, qui fut aussi le rêve de Malraux, M. de Broissia a eu raison de le mentionner, devienne réalité. Il s'agit d'un projet au long cours, qui relève de la diplomatie culturelle, notion prometteuse.

M. Dauge regrette l'absence de débat la première année. Mais nous ne sommes qu'au début de l'aventure. Un changement de statut juridique a fait de l'agence une société par actions simplifiée, dont les missions ont été recentrées ; le conseil d'administration comprend des musées, l'État étant un observateur, un censeur, un régulateur. Le projet scientifique et culturel est en cours d'élaboration. Il sera achevé en décembre et présenté à votre commission des affaires culturelles. Jean Nouvel n'en est qu'aux esquisses, le projet scientifique enrichira sa réflexion.

Je crois beaucoup en ce projet ; les interrogations du début sont loin ! Les accords ont été appliqués dès leur signature. Au sein de l'agence, deux conseils d'administration se sont tenus, une délégation s'est rendue dans les émirats et ce geste a été fort apprécié. Abou Dabi et la France ont beaucoup d'avantages à cet échange. (Applaudissements à droite)

Les articles 1er, 2 et 3 sont successivement adoptés, le groupe CRC s'abstenant.

Interventions sur l'ensemble

M. Pierre Fauchon. - Ce cortège de lamentations me désole, moi qui considère avec confiance et enthousiasme ce projet novateur. On évoque toujours la mondialisation à propos d'échanges de biens matériels. Or, il est question d'oeuvres d'art et de culture... et c'est la France qui est invitée à jouer un rôle actif : soyons-en fiers ! Ce ne sont ni les Américains ni les Anglais qui ont été sollicités ! (Applaudissements sur plusieurs bancs UMP) Allons-y, et vaillamment, avec toute notre intelligence ! Et si le prêt des oeuvres nous rapporte quelque argent, dont nous avons grand besoin, réjouissons-nous : c'est notre pétrole !

M. Ralite oublie que les Médicis étaient d'abord des banquiers, des marchands de laine ; et qu'ils se sont ruinés pour Botticelli, Alberti et d'autres grands artistes. Et comment peut-on critiquer Calouste Gulbenkian, qui a créé de si beaux musées ? Songez aussi à la Philips collection de Washington, à la Morgan Library de New-York, aux musées Jacquemart-André ou Cernuschi à Paris, Thyssen-Bornemisza à Madrid... A l'origine de chacun d'eux, il y a des hommes d'affaires qui auraient pu garder leurs acquisitions pour eux et leurs intimes, mais qui ont préféré les présenter au public dans des musées. Ce sont des bienfaiteurs de l'humanité ! Où en serions-nous en effet si seuls les pouvoirs publics intervenaient ? Qui a acheté des Cézanne, monsieur Ralite : les pouvoirs publics ou des collectionneurs ? Merci à ces créateurs, à ces émirs, qui au lieu de perdre leur argent à la roulette ou dans les courses de chevaux, au lieu de faire de la spéculation foncière...

M. Ivan Renar. - L'un n'empêche pas l'autre !

M. Gérard Le Cam. - A qui ont-ils volé l'argent ?

M. Pierre Fauchon. - ...créent de nouveaux musées, car enfin, ce nouvel ensemble, ce sera les mille et une nuits ! Comment imaginer que seuls les riches le fréquenteront ? Quel besoin aurait-on de créer un musée si seul un petit cercle de gens riches devait y avoir accès ?

Certes, monsieur Dauge, nous n'avons pas tous les détails. Vous n'avez pas vu le projet artistique, moi non plus : mais nous sommes des législateurs, pas des directeurs artistiques ! Avons-nous été consultés sur le projet artistique du musée du quai Branly, du musée des monuments français enfin réouvert ? Ne confondons pas les missions du Parlement et du gouvernement, faisons confiance aux professionnels chargés du projet et veillons à ne pas trop abaisser le niveau de nos débats...

Un pôle d'attraction culturel va émerger, qui sera le meilleur antidote aux troubles, au terrorisme. Il est émouvant de penser que c'est dans l'une des régions les plus dangereuses du monde que sera créé ce pôle de paix.

Je voterai ce texte, d'autant que je m'intéresse depuis longtemps à la diffusion des oeuvres d'art. Nous avions, en accord avec M. Loyrette, fait une loi pour promouvoir le prêt de grandes oeuvres du Louvre à nos musées de province. Après quelques années, quel bilan peut-on tirer de l'application de ce texte ?

Enfin, certains craignent de priver les visiteurs du Louvre de tableaux précieux. Il y a quelque temps, je me suis rendu au Louvre pour revoir encore les Bergers d'Arcadie : j'ai appris qu'il se trouvait à Atlanta, j'en ai été enchanté. Quant au Louvre, on vante le nombre de visiteurs, mais la plupart ne regardent que la Joconde ! Ce sont plutôt les oeuvres qui voient sept millions de personnes ! (Rires et applaudissements à droite)

Mme Catherine Tasca. - L'intervention de notre collègue me conduit à reprendre brièvement la parole. Il est dangereux de nous caricaturer mutuellement et mon intervention n'avait rien de caricatural.

Les parlementaires ont pour devoir de discuter les textes qui leur sont soumis. Parmi les orateurs ayant exprimé des réserves, aucun n'a présenté le mécénat comme le diable. Nous savons qu'additionner les efforts est nécessaire, car l'État n'est plus en mesure d'assumer seul des projets d'une telle ampleur. Toutefois, cette opération, largement financée par un État étranger, est déséquilibrée. Comment se conciliera-t-elle avec la politique des musées nationaux ?

Contrairement à ce qui vient d'être dit, nous ne sommes pas stupides : Sans considérer les mécènes comme des incultes vils et dangereux, nous estimons qu'il y a place la République pour l'initiative privée et la responsabilité publique, singulièrement dans un domaine qui ne peut être assimilé à un marché ordinaire.

Nous attendons des réponses concrètes montrant que la politique publique culturelle demeurera.

M. Charles Pasqua. - Inch'Allah !

M. Yves Dauge. - Mon intervention a surpris ? Je me suis pourtant limité au bon sens : la base de l'accord est constituée par le projet culturel et scientifique. Malheureusement, nous signons un accord avant l'élaboration du projet. Nous venons d'apprendre qu'il serait achevé en fin d'année. Fort bien, mais il eût été sage de commencer par là, puis d'élaborer un cahier des charges et de choisir le maître d'oeuvre, conformément au processus normal d'un grand projet. Il ne s'agit là ni d'une remarque protestataire ni d'une exigence révolutionnaire.

L'ensemble du projet de loi est adopté.

Tunnel de Tende

M. le Président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif au tunnel routier de Tende.

Mme Rama Yade, secrétaire d'État. - J'ai l'honneur de vous soumettre le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord franco-italien relatif au tunnel de Tende. Long de 3,2 kilomètres, cet ouvrage routier relie la route nationale RN 204 côté français à la route nationale SS 20 côté italien. Construit entre 1873 et 1882, ce tunnel monotube, avec une voie dans chaque sens, ne répond plus aux normes de sécurité alors que le trafic atteint des records.

Le 26 novembre 1993, lors du sommet franco-italien de Rome, la France et l'Italie ont décidé de reconstruire ce tunnel, pour assurer la continuité de la liaison régionale des vallées de la Roya et de la Vermenagna. A cet effet, une commission intergouvernementale (CIG) a été instituée. Réunie le 17 octobre 2003, la CIG a constitué un groupe de travail binational.

Après avoir choisi une des options techniques, la France et l'Italie ont signé deux accords. Le premier, finalisé à Lucques le 24 novembre 2006, traite les dispositions ne nécessitant pas d'autorisation parlementaire préalable. Le second, signé à Paris le 12 mars 2007, concerne la gestion unifiée et la réalisation du nouveau tunnel. Il précise en particulier les conditions d'exercice de la maîtrise d'ouvrage unique dévolue à l'Italie pour les deux pays. Détaillant par ailleurs les engagements financiers des deux pays, cet accord entre dans le champ de l'article 53 de la Constitution.

L'accord transitoire signé à Lucques précise le rôle de la CIG ; il conforte l'existence du Comité de sécurité et lui donne un mandat clair. L'accord de Paris se substituera au premier, afin que le tunnel ne relève que d'un seul texte. Cet accord accompagnera la réalisation du nouveau tunnel jusqu'à sa mise en service.

Les 141,2 millions d'euros en valeur 2002, nécessaires à la réalisation de l'ouvrage, seront financés à 58,35 % par l'Italie et à 41,65 % par la France, répartis par tiers entre l'Etat, la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur et le département des Alpes-Maritimes. Le tunnel relie l'Italie et la France pour 58,6 % du trafic, mais il permet une liaison franco-française par l'Italie entre Menton et Modane et italo-italienne par la France entre Cuneo et Vintimille. Les coûts d'entretien et d'exploitation sont répartis suivant la même clé, qui pourra être ajustée tous les cinq ans pour les charges d'exploitation.

L'objectif principal de l'opération est d'améliorer la sécurité des usagers, non d'accroître la capacité de l'ouvrage. Un cadre de gestion complet, avec un niveau exigeant de sécurité, est donc défini. Les conditions de gestion de l'infrastructure seront significativement améliorées. La CIG est une autorité administrative et la gestion unifiée sera confiée à un gestionnaire, désigné par l'Italie. Les compétences en matière de sécurité d'exploitation et de circulation relèvent, côté français, du préfet des Alpes-Maritimes et du directeur général des routes. L'itinéraire français est en cours de décentralisation, le conseil général des Alpes-Maritimes, qui doit se substituer à l'Etat le 1er janvier 2008, est déjà associé à toute décision.

Telles sont les principales dispositions de l'accord. (Applaudissements à droite.)

M. Charles Pasqua, en remplacement de M. Jacques Peyrat, rapporteur de la commission des affaires étrangères. - Notre collègue Jacques Peyrat, qui regrette de ne pouvoir être présent aujourd'hui, m'a demandé d'exposer en son nom la position adoptée par la commission des affaires étrangères.

Elle a bien sûr chaleureusement approuvé ce texte qui parachève plusieurs années de négociations et devrait mettre un terme à la très longue attente des usagers du tunnel et des populations concernées.

Le rapport écrit comporte toutes précisions utiles sur ce tunnel, entièrement italien lors de sa construction, mais devenu franco-italien avec le rattachement de Tende à la France, en 1947. Cet ouvrage d'art ne répond plus aux exigences minimales de sécurité. Il a donc fallu instaurer une circulation alternée pour les poids lourds et les véhicules larges, alors que cet axe routier est loin d'être secondaire : outre le passage côtier par Menton et Vintimille, le tunnel de Tende vient immédiatement après les tunnels du Mont-Blanc et du Fréjus en termes de trafic routier entre la France et l'Italie.

L'infrastructure nouvelle devrait être adaptée aux besoins, puisque le tunnel actuel sera réaménagé et doublé d'un deuxième tube. Le choix d'une gestion unifiée devrait également améliorer l'exploitation et l'entretien de l'ouvrage.

Enfin, le partage du financement -fixé après de longues années de négociations qui ont dû parfois ressembler à des discussions de marchands de tapis (Sourires.)- met 58,35 % des dépenses à la charge de l'Italie et 41,65 % à celle de la France, ce qui est assez équitable.

Espérant qu'une ratification rapide permettra d'engager dans les meilleurs délais les procédures d'appel d'offres et les travaux, la commission vous demande d'adopter le projet de loi. (Applaudissements à droite)

M. José Balarello. - En 1977, alors jeune vice-président du conseil général des Alpes-Maritimes et maire de Tende, j'ai écrit dans Les dossiers de l'archéologie un long article sur l'histoire du canton de Tende-La-Brigue, consacrant une part de mes recherches à la route du col de Tende.

Une autre étape de la vie de ce col nous est proposée aujourd'hui avec l'approbation de l'accord franco-italien signé à Paris le 12 mars 2007 après un premier accord signé à Lucques le 24 novembre 2006 par MM Jacques Chirac et Romano Prodi. Ainsi, le trafic routier empruntera deux tubes unidirectionnels à une voie, puisqu'un nouveau tunnel sera creusé à trente mètres de l'existant.

Cet accord prévoit également que la conférence intergouvernementale des Alpes du Sud devient l'autorité administrative unique chargée de superviser la conception technique du tunnel.

Nous écrivons une nouvelle page de l'histoire plusieurs fois millénaire du col de Tende. Dès avant l'époque romaine, des sentiers parcourus par les troupeaux en transhumance reliaient la Ligurie maritime aux alpages de la haute Roya. Au moyen âge, cette « oute du sel » sera une préoccupation des comtes de Provence puis, à partir de 1388, des comtes et ducs de Savoie, le comté de Nice étant passé de la Provence à la Savoie. Cette voie est le passage obligé entre le port de Nice, où débarquent les bateaux en provenance des salines provençales et languedociennes, et les éleveurs piémontais qui en consomment des tonnes pour l'alimentation humaine et animale, les salaisons et le traitement des peaux. Une campagne de travaux lancée par Charles Emmanuel 1er en 1592, libère les passages difficiles entre le col de Tende et le col de Brouis. En 1614, 1624 et 1672 ont eu lieu des tentatives de percement d'un tunnel sous le col de Tende. Au XVIIIème siècle, la circulation se développe entre Nice et Turin, devenue la capitale du Royaume de Piémont-Sardaigne : le gouvernement savoyard ordonne l'aménagement d'une route carrossable ainsi que le percement du tunnel du Col de Tende. Ces travaux commencés en 1784 sont rapidement interrompus. Ainsi, jusqu'à la fin du XVIIIème siècle, le trafic sur cette voie ne sera que muletier. Un mémoire de 1780 indique que chaque année, plus de 30 000 mulets transportaient 5.535 tonnes de sel.

Ce n'est qu'après de nombreuses études et pétitions, après l'unité italienne, qu'est lancé le percement du tunnel routier sous le col de Tende, finalement livré en 1882 à la circulation des diligences tirées par des chevaux. C'est dans ce tunnel bidirectionnel que nous circulons aujourd'hui, alors qu'il ne correspond plus à nos modes de transports ni au trafic contemporain : 3.700 véhicules par jour en moyenne, le double en période estivale. Ce tunnel ne répond pas aux exigences de sécurité minimales prévues par la directive européenne du 29 avril 2004, malgré les restrictions de circulation et les travaux intervenus depuis 2006, pour un montant de 19,8 millions du côté français.

C'est pourquoi je me réjouis de cet accord, qui est le fruit d'un travail de coopération mené dès 1993 avec nos amis italiens. Je salue le rôle déterminant de M Costa, président de la Province de Cuneo, ainsi que de M Estrosi, président du conseil général des Alpes-Maritimes. Cependant, je ne souhaite pas que le tunnel de Tende devienne un axe privilégié pour la circulation des poids lourds : la vallée de la Roya est un axe hautement touristique, avec, entre 2 000 et 3 000 mètres d'altitude, le site archéologique de la Vallée des Merveilles, classé Monument Historique et dont la procédure de classement au Patrimoine Mondial de l'Unesco est en cours. Le transport de marchandises par fer est envisageable via le tunnel ferroviaire percé en 1889, à 260 mètres au dessous du tunnel routier et où deux trains peuvent se croiser. Cependant 23 trains par jour seulement l'empruntent du fait que 42 kilomètres de voie ne sont plus électrifiés du côté français, suite à des destructions de l'armée allemande en 1944. Je ne cesse d'alerter les ministres des transports, depuis des années, sans désespérer de voir un jour mes demandes aboutir : il en va des relations entre le Piémont et la Côte d'Azur. Nos amis italiens se félicitent de la rapidité et de l'efficacité avec laquelle la France conduit la ratification de cet accord, signé le 13 mars 2007. Du côté italien, il manque encore un dernier accord du ministère de l'économie et il est important, madame la secrétaire d'État, que vous interveniez auprès de votre homologue italien, M. d'Alema, pour lancer les travaux dès le 1er semestre 2008.

Commissions (Démission et candidature)

M. le président. - J'ai reçu avis de la démission de Mme Michelle Demessine, comme membre de la commission des affaires économiques.

Le groupe CRC a fait connaître à la Présidence le nom du candidat proposé en remplacement.

Il a en outre communiqué à la Présidence le nom du candidat proposé pour siéger à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à la place laissée vacante par Mme Hélène Luc, démissionnaire de son mandat de sénateur.

Ces candidatures vont être affichées et les nominations auront lieu conformément à l'article 8 du Règlement.

Tunnel de Tende (Suite)

M. le président. - Nous reprenons la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République italienne relatif au Tunnel routier de Tende.

M. Gérard Le Cam. - En rencontrant le ministre italien des infrastructures, M. Borloo n'a pas hésité à déclarer prioritaire la ligne ferroviaire Lyon-Turin, au nom du développement durable et de la protection de l'environnement. De son côté, Nicolas Sarkozy a lancé « le Grenelle de l'environnement », multipliant les déclarations sur le développement durable. Or, que voit-on ? Que la ligne ferroviaire Lyon-Turin avance bien moins que les travaux pour le tunnel routier de Tende ! M. Fillon a même laissé planer un doute sur le fait que la France demanderait 200 millions à l'Union européenne pour sa partie de la ligne Lyon-Turin.

Le tunnel de Tende ne répondant plus aux exigences actuelles, la France et l'Italie ont entrepris des travaux importants pour sa mise en sécurité mais le problème demeure du passage des poids lourds. Le Président de la République et le gouvernement sont-ils sincères dans leurs discours en faveur d'un report modal de la route vers le rail ? En vingt ans, la part du rail entre la France et l'Italie a chuté de 39 % à 15 % tandis que le nombre de poids lourds traversant les Alpes franco-italiennes n'a pas cessé d'augmenter : 1 million en 1984, 2,8 millions en 2004, et l'on en prévoit 4 millions d'ici 2025. Or, la privatisation des autoroutes a enlevé des moyens d'actions à l'Agence de financement des infrastructures de transport en France.

Le groupe CRC a alerté le secrétaire d'État chargé des transports sur les conséquences de la fermeture de 262 gares au trafic fret en wagon isolé à compter du 30 novembre prochain. Cette décision unilatérale mettra 1 400 000 camions supplémentaires sur les routes. La Cour des comptes a relevé le décalage entre les déclarations et les actes.

Ce texte, en autorisant la construction d'un nouveau tunnel routier, ne va pas dans le sens du développement durable. La promesse du Président de la République d'augmenter de 25 % en cinq ans la part du transport fret non routier risque bien de rester lettre morte !

Parce que nous pensons qu'il est urgent de rééquilibrer le rail par rapport à la route, de donner la priorité à l'intermodalité, de favoriser le ferroutage, le transport combiné et les autoroutes roulantes, nous nous abstiendrons sur ce texte qui va à l'encontre de notre conception d'un développement durable.

La discussion générale est close.

Mme Rama Yade, secrétaire d'État. - Je vous rassure, monsieur Balarello, nous sommes en contact avec M. Massimo d'Alema pour que les travaux commencent dès le premier semestre 2008.

L'aménagement du tunnel nous a semblé prioritaire du fait de problèmes de sécurité exceptionnellement graves : c'était cela ou la fermeture du tunnel. Mais, pour autant, le gouvernement ne néglige pas l'intermodalité.

L'article unique est adopté.

Répression du terrorisme

Mme Rama Yade, secrétaire d'État. - La France, qui peut se prévaloir d'un dispositif complet en matière de prévention et de répression du terrorisme, principalement articulé autour des lois de 1986, 1996 et de la loi du 23 janvier 2006, a toujours voulu compléter son action nationale par une coopération bilatérale, européenne et multilatérale, constante et résolue. C'est dans cet esprit que notre pays est partie à la Convention pour la répression du terrorisme du 27 janvier 1977, que vient amender le protocole dont je vous demande d'autoriser la ratification.

Ce texte élargit le champ d'application de la convention initiale en y incluant les infractions établies dans les conventions universelles et protocoles additionnels adoptés depuis cette date par l'Organisation des Nations Unies. La convention de 1977 visait à faciliter la répression du terrorisme en complétant et modifiant les accords d'extradition et d'entraide en vigueur entre les États du Conseil de l'Europe. L'une des difficultés majeures dans l'application de ces accords tenait à la possibilité pour les États de refuser l'extradition ou l'entraide en matière judiciaire sur la base de la nature politique de l'infraction ou des mobiles de son auteur. Afin de lever cet obstacle, la convention initiale prévoyait un mécanisme original de dépolitisation des infractions incriminées, de sorte que les infractions considérées comme des actes de terrorisme ne puissent être qualifiées d'infractions politiques.

Le protocole amendant cette convention élargit le champ d'application de la dépolitisation prévue par cette dernière, afin d'inclure l'ensemble des infractions établies par les conventions des Nations Unies ratifiées par la France. Il étend par ailleurs son champ d'application à la tentative et à la complicité des infractions de cette nature. Il prévoit une procédure simplifiée permettant d'ajouter de nouvelles infractions à la liste de celles pouvant entrer dans le champ de la dépolitisation. Cette procédure accélérée, qui permettra aux futures révisions de la Convention de ne pas nécessairement prendre la forme d'un protocole, est inspirée des conventions onusiennes en vigueur en matière de terrorisme. Ce texte prévoit également l'ouverture de la convention aux États observateurs auprès du Conseil de l'Europe et à d'autres États dès lors qu'il sera entré en vigueur. Enfin, il encadre plus étroitement la possibilité pour les États d'émettre et de faire usage de réserves à la dépolitisation des infractions énumérées, la possibilité de réserve n'étant, en tout état de cause, pas applicable en matière d'entraide pénale : de la sorte, chaque État doit précisément indiquer les infractions pour lesquelles il souhaiterait émettre une réserve et cette dernière doit être renouvelée tous les trois ans, de façon dûment motivée. Il instaure en outre la règle « extrader ou punir » et l'obligation de faire part des décisions prises à l'État requérant et au Coster, comité conventionnel chargé du suivi du protocole et susceptible d'émettre un avis en cas d'absence de décision formelle ou de refus d'extradition.

Si, en 1987, la France avait assorti le dépôt de son instrument de ratification de la Convention de 1977 de déclarations visant à garantir le respect du droit d'asile et à empêcher l'usage de la convention à des fins de répression politique ou idéologique, le protocole que je vous présente aujourd'hui n'appelle pas les mêmes réserves. En effet, la convention ainsi révisée garantit indirectement le droit d'asile en empêchant son utilisation à des fins de répression politique ou idéologique.

Ce protocole s'inscrit dans la logique des conventions des Nations Unies en matière de terrorisme que la France a soutenues et qu'elle a, pour l'une d'entre elle, la Convention sur la répression du financement du terrorisme, initiée. Il marque par ailleurs une nouvelle étape dans la mise en cohérence des normes internationales en vigueur en matière de lutte contre un phénomène qui ne peut être combattu que par un effort commun (Applaudissements à droite).

M. André Rouvière, rapporteur de la commission des affaires étrangères. Ce protocole est important puisqu'il répond à plusieurs exigences de la lutte contre le terrorisme. D'abord, il répond à l'obligation d'adapter notre arsenal législatif aux évolutions du terrorisme, qui s'invente en permanence : la situation est insatisfaisante, qui nous donne l'impression de courir sans fin après un dangereux caméléon ...Ensuite, ce texte contribue à harmoniser des législations des pays signataires, ce qui est indispensable car le terrorisme se joue des frontières, morales ou géographiques : la mobilisation des États du Conseil de l'Europe - et au-delà- est une nécessité. Enfin, ce protocole s'efforce de concilier efficacité et respect des droits de l'homme puisqu'il prévoit la possibilité, pour les États signataires, de formuler des réserves, par exemple garantissant le droit d'asile ou le refus d'extrader vers des pays pratiquant la peine de mort ou la torture.

Ce texte, qui n'est donc pas liberticide, élargit la notion d'infraction dépolitisée pour permettre de poursuivre, outre l'exécutant, ceux qui ont conçu, ordonné, financé ou aidé l'acte terroriste. Ce protocole simplifie également les adaptations futures.

Ce texte est bon et la majorité de la commission des affaires étrangères vous propose de l'adopter.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Le terrorisme est là. Après le 11 septembre, il continue de plus belle. Mais le monde devrait s'interroger sur ses causes profondes. Nous continuons à ne pas le faire. Au contraire, nous tentons de le juguler par une législation de plus en complexe. Le terrorisme est souvent instrumentalisé au service d'un nouvel ordre international répressif et régressif, au service d'une Europe et d'une France de plus en plus sécuritaires, nourrissant les peurs et les suspicions. Le monde est de plus en plus pensé à travers le prisme de la lutte contre le terrorisme, aux dépens de tout autre impératif. Des pays, les États-Unis en tête, théorisent sur la nécessité de subordonner les droits et les libertés à la lutte contre le terrorisme. Conséquences : le Patriot Act, les tribunaux militaires d'exception, les libertés civiles limitées, les garanties contre les atteintes aux droits fondamentaux réduites. L'état d'exception devient la règle. En agissant de la sorte, en faisant de la lutte contre le terrorisme une croisade du Bien contre le Mal, les règles du droit international et des droits fondamentaux se trouvent inéluctablement bafoués.

L'Europe n'est pas en reste. Je pense aux « sites noirs » et aux avions de la CIA, à l'accord récent des 27 sur les fichiers PNR. Quant à la France, elle a accumulé ces cinq dernières années toute une série de dispositions et de pratiques qui n'ont rien à voir avec le terrorisme : diminution des droits de la défense, facilitation des perquisitions, fichage généralisé....

Il ne serait pas acceptable que le protocole s'inscrive dans ce mouvement pernicieux. Compléter le mécanisme mis en place par la convention, nous n'y sommes pas opposés, pourvu que l'on sache de quoi l'on parle : la définition du terrorisme reste trop floue. Le droit d'asile pourrait être menacé. Et qu'entend-on par infraction politique ? Au regard de la violence de la répression qu'ils ont subie, les manifestants altermondialistes de Gênes pourraient être menacés. Je pense aussi à certains détenus de Guantanamo. Tout cela n'est pas très clair... Et comment admettre que la Convention soit ouverte à des États qui n'ont pas signé la charte du Conseil de l'Europe ? Rien, en outre, ne garantit le droit à un recours judiciaire.

Il faudrait au moins une harmonisation préalable des droits pénaux des différents pays concernés, sans quoi le concept flou de terrorisme justifiera un élargissement vraiment pas satisfaisant de l'arsenal répressif.

Bref, tenant beaucoup à ce que l'on ne perde jamais de vue le respect des droits élémentaires, nous nous abstiendrons sur ce texte.

Mme Rama Yade, secrétaire d'État. - Je voudrais vous rassurer. La Convention renvoie à des textes qui définissent précisément le terrorisme. Quant aux manifestants contre le G8 ils ne tombent pas sous le coup de ces dispositions puisque les conventions nous obligent à incriminer précisément les actes poursuivis.

Le projet de loi est adopté.

Convention avec Monaco

Mme Rama Yade, secrétaire d'État. - Le ministre français des Affaires étrangères et le Ministre d'État de la Principauté de Monaco ont signé un traité destiné à adapter et à confirmer les rapports d'amitié et de coopération entre la République française et la Principauté de Monaco. Ce traité, entré en vigueur le 1er décembre 2005, confirme les relations étroites et privilégiées établies entre Monaco et la France, qui s'inscrivent dans une communauté de destin. II engage notamment la Principauté à s'assurer, dans l'exercice de sa souveraineté, que les actions qu'elle conduit s'accordent avec les intérêts fondamentaux de la France dans les domaines politique, économique, de sécurité et de défense. La France, pour sa part, assure à la Principauté la défense de son indépendance et de sa souveraineté et garantit l'intégrité du territoire monégasque dans les mêmes conditions que le sien.

Trois accords, signés le 8 novembre 2005, sont venus le compléter : une convention destinée à adapter et à approfondir la coopération administrative, qui vous est soumise aujourd'hui, une Convention d'entraide judiciaire en matière pénale, dont vous avez autorisé l'approbation le 11 janvier dernier, et un échange de lettres sur la protection des investisseurs.

La convention destinée à adapter et à approfondir notre coopération administrative se substitue à celle du 28 juillet 1930, qui ne correspondait plus aux nouveaux principes posés par le traité du 24 octobre 2002. Elle pose en principe le libre accès des ressortissants monégasques aux emplois publics de leur pays. Dans certaines conditions, les emplois non pourvus par des ressortissants monégasques pourront cependant être occupés par des ressortissants français ou d'États tiers, ce qui correspond au besoin de pourvoir des emplois auxquels l'étroitesse de la population monégasque ne permet pas de répondre. Pour les emplois publics non pourvus par des ressortissants monégasques, la Principauté doit faire appel en priorité à des ressortissants français. En matière de sécurité et d'ordre public, la Convention dispose que les emplois qui s'y rapportent ne pourront être occupés que par des ressortissants monégasques ou français. La négociation a aussi porté sur la manière dont seraient conciliés le libre accès des Monégasques aux emplois publics de leur pays et la nomination des hautes personnalités titulaires de certaines fonctions ou emplois sensibles qui touchent aux intérêts fondamentaux des deux États. L'article 6 de ce texte prévoit donc, d'une manière très équilibrée, que les parties se consultent à propos des nominations aux emplois qui touchent à leurs intérêts fondamentaux : ministre d'État, conseiller du Gouvernement pour l'Intérieur, directeur des services judiciaires, directeur de la sûreté publique et directeur des services fiscaux. Ces consultations permettent de s'assurer que les personnalités concernées, qui sont choisies et nommées par Son Altesse Sérénissime le Prince de Monaco parmi des ressortissants monégasques ou français, jouissent de la confiance des deux parties.

Les Monégasques souhaitaient pouvoir accéder à la fonction publique française de manière plus effective que selon les mécanismes de la Convention antérieure. Nous avons accepté, à l'instar de ce qui prévaut pour les ressortissants andorrans, l'accès des Monégasques à notre fonction publique dans les mêmes conditions que pour les ressortissants des pays membres de l'Union européenne.

M. Jacques Blanc, rapporteur. - La convention sur laquelle nous sommes appelés à nous prononcer s'inscrit dans le cadre de la modernisation de nos relations avec la Principauté de Monaco, engagée par le traité du 24  octobre 2002, qui a fait passer les relations franco-monégasques d'une amitié protectrice à une communauté de destin.

L'esprit et le contenu du traité de 1918 n'étaient plus compatibles avec les prérogatives d'un État souverain, qui dispose d'une constitution, qui est membre de l'Organisation des nations unies, du Conseil de l'Europe et de nombreuses autres organisations internationales.

En ma qualité de président du groupe d'amitié France-Monaco, je suis bien placé pour savoir que son poids économique et son rôle pionnier, notamment en matière de protection de l'environnement et du milieu marin, lui permettent d'occuper une place internationale sans rapport avec sa dimension.

Le traité de 2002 a réaffirmé la souveraineté et l'indépendance de la principauté de Monaco, tout en poursuivant la politique d'étroite concertation avec la France, due à la géographie et à notre histoire commune. Il prévoit ainsi que les actions de la Principauté de Monaco, conduites dans l'exercice de sa souveraineté, s'accordent avec les intérêts fondamentaux de la République française dans les domaines politique, économique, de sécurité et de défense. Il est complété par une série d'accords sectoriels, comme cette convention qui se substitue à celle de 1930, qui est toujours en vigueur et qui est marquée par une profonde asymétrie. C'est ainsi que l'accès des Monégasques à la fonction publique française est très limité, puisqu'il ne concerne que certaines professions, comme celles de chirurgien ou de professeur des universités, alors qu'il autorise un large accès des citoyens français à la fonction publique monégasque.

Les plus hautes fonctions de la Principauté, elles, ne peuvent être occupées que par des Français. Aujourd'hui, 267 de nos compatriotes sont détachés et le ministre d'État est Français, de même que deux conseillers du gouvernement sur cinq. L'accord de 1930 n'était plus compatible avec la souveraineté de la Principauté et il était contraire aux conventions du Conseil de l'Europe. Grâce à la nouvelle convention, les Monégasques auront accès à toute la fonction publique dans les mêmes conditions que les ressortissants de nos partenaires européens, ce qui exclut les postes d'ambassadeurs et de préfets. La fonction publique monégasque sera librement accessible aux ressortissants monégasques, les Français ayant la priorité pour les postes non pourvus par des Monégasques. Enfin, les deux États se consulteront sur certains emplois tels que celui de ministre d'État, afin que leur titulaire ait la confiance des deux parties : la France pourrait refuser un candidat qui ne lui conviendrait pas.

Cette convention participe à la refonte de nos liens avec la Principauté. La commission propose d'autoriser sa ratification.

La discussion générale est close.

L'article unique est adopté.

Service international de recherche et conventions fiscales

M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion sous la procédure simplifiée du projet de loi autorisant l'approbation du protocole sur la modification de l'accord international pour le Service international de recherches, du projet de loi autorisant la ratification d'une convention relative à l'adhésion de la république Tchèque, de la république d'Estonie, de la République de Chypre, de la république de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la république de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovanie et de la République slovaque à la convention relative à l'élimination des doubles impositions en cas de correction des bénéfices d'entreprises associées, du projet de loi autorisant l'approbation du deuxième avenant à la convention entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ; du projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République fédérale démocratique d'Éthiopie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matières d'impôts sur le revenu ; du projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le gouvernement de la République française et la Grande Jamahiriya Arabe Libyenne Populaire Socialiste en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et de prévenir l'évasion fiscale ; du projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Japon en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matières d'impôts sur le revenu.

Les six projets de loi sont successivement adoptés.

Commissions (Nominations)

M. le président. - La Présidence n'ayant reçu aucune opposition, je proclame Mme Terrade membre de la commission des affaires économiques et Mme Demessine membre de celle des affaires étrangères.

Question orale avec débat

M. le président. - J'ai été saisi de la question orale avec débat suivante :

N° 3 - M. Claude Lise interroge M. le secrétaire d'État chargé de l'outre-mer sur la situation préoccupante créée aux Antilles par l'usage de pesticides dans l'agriculture et notamment celle de produits utilisés de façon massive jusqu'en 1993, alors même qu'ils étaient interdits dans l'hexagone. Un rapport d'audit externe rendu public récemment a contribué, par le retentissement médiatique auquel il a donné lieu, à amplifier l'inquiétude des populations. Toutefois, comme le soulignent tous les rapports et études réalisés jusqu'à présent, les données scientifiques concernant le phénomène sont encore insuffisantes. Des travaux de recherche plus poussés s'avèrent donc indispensables. Une évaluation sérieuse des conséquences sanitaires, économiques, et sociales de cette pollution reste encore à établir.

Il lui demande donc quelles mesures le gouvernement compte prendre pour approfondir la connaissance de l'impact sanitaire et environnemental de la contamination des sols et des eaux par les pesticides en Guadeloupe et en Martinique et pour renforcer l'information des populations de ces départements. Quels plans d'action envisage-t-il, par ailleurs, de mettre en oeuvre pour faire face aux conséquences sanitaires économiques et sociale de la situation créée par l'usage de ces pesticides ?

Il sera procédé conformément aux articles 79 et 80 du Règlement.

Prochaine séance, mercredi 26 septembre 2007 à 15 heures.

La séance est levée à 20h 55.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

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ORDRE DU JOUR

du mercredi 26 septembre 2007

Séance publique

A QUINZE HEURES ET LE SOIR

Projet de loi (n° 293, 2006-2007) ratifiant l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative).

Rapport (n° 459, 2006-2007) de Mme Catherine Procaccia, fait au nom de la commission des affaires sociales.

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Dépôts

Le Président a reçu :

- transmis par M. le Premier Ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile ;

- de MM. Daniel Raoul, Jean-Marc Pastor, Roland Courteau, Mme Odette Herviaux, MM. Paul Raoult, Daniel Reiner, Roland Ries, André Lejeune, Thierry Repentin et Michel Sergent et les membres du groupe socialiste une proposition de loi tendant à préserver le pouvoir d'achat des ménages en maintenant les tarifs réglementés de vente d'électricité et de gaz naturel ;

- une proposition de loi relative à la sécurité des manèges, machines et installations pour fêtes foraines ou parcs d'attraction ;

- de M. Adrien Gouteyron un rapport d'information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur les suites données à ses contrôles budgétaires effectués en 2006.