Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Décès d'un ancien sénateur

Immigration (Nominations à la commission mixte paritaire)

Mise au point au sujet d'un vote

Politique numérique (Question orale avec débat)

Rappels au Règlement

Droit communautaire dans les domaines économique et financier (Urgence)

Discussion générale

Discussion des articles

Article 1er

Article 2

Article 5

Article 6

Article 7

Article 8

Article additionnel

Article 10

Article 11

Mise au point au sujet d'un vote




SÉANCE

du jeudi 11 octobre 2007

7e séance de la session ordinaire 2007-2008

présidence de M. Adrien Gouteyron,vice-président

La séance est ouverte à 9h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Décès d'un ancien sénateur

M. le président. - J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Robert Piat, sénateur de Seine-et-Marne de 1992 à 1995.

Immigration (Nominations à la commission mixte paritaire)

M. le président. - N'ayant reçu aucune opposition, je proclame représentants du Sénat à la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile, titulaires : MM. Jean-Jacques Hyest, François-Noël Buffet, Patrice Gélard, Jean-Patrick Courtois, Pierre Fauchon, Pierre-Yves Collombat, Mme Eliane Assassi ; suppléants : M. Laurent Béteille, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. Jean-René Lecerf, Georges Othily, Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Troendle et M. François Zocchetto.

Mise au point au sujet d'un vote

M. Bernard Murat. - Lors du vote sur l'ensemble du projet de loi de ratification de l'accord sur la délivrance des brevets européens, je souhaitais voter contre.

M. le président. - Acte vous en est donné.

Politique numérique (Question orale avec débat)

M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la question avec débat de M. Bruno Retailleau à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi sur la politique numérique.

M. Bruno Retailleau, auteur de la question. - La société numérique est en perpétuel mouvement et la trajectoire de la France dépendra demain du profit qu'elle saura tirer de ces évolutions, ce qui suppose des changements de son modèle de gouvernance.

La troisième révolution industrielle ne le limite pas à l'addition d'innovations, elle marque une rupture majeure car elle modifie notre façon de travailler, de vivre et retentit sur tous les pans de l'activité humaine. Son impact sur l'économie s'exprime par la mondialisation : il y aura bientôt 1,5 milliard d'internautes. Elle constitue désormais un facteur déterminant d'efficacité individuelle et collective qu'on estime à un demi-point de croissance et la moitié de la productivité.

Notre pays a pris le train du développement numérique mais, s'il faut se satisfaire de certains succès, aucune situation n'est acquise quand apparaissent de nouveaux usages, d'autres serveurs, des contenus partagés, et que l'interactivité va jusqu'à la délinéarisation parce que, l'individu prenant le contrôle de la programmation et créant ses propres contenus, on passe des mass media aux self media.

Le très haut débit constitue sans doute le premier défi auquel nous sommes confrontés tant l'image crée un besoin de bandes passantes. Le trafic explose en Europe et le très haut débit, qui sera demain l'infrastructure de base, doit être dès aujourd'hui une sorte de service universel accessible à tous, en fixe ou en mobile.

La mobilité est le deuxième défi. Dans une société de l'ubiquité, l'individu voudra se connecter où qu'il soit : « ce que je veux, quand je veux, où je veux ». Ce défi revêt donc une double dimension, spatiale et temporelle.

Troisième défi, la convergence. Il faudra passer d'un réseau à l'autre. On aura un réseau filaire à domicile et l'on utilisera les radiofréquences dans la rue.

La France a-t-elle la capacité de relever ces défis quand elle souffre d'une double vulnérabilité ? Sa première spécificité est territoriale. La ruralité, en effet, concerne 31 % de la population française contre 4 % au Royaume-Uni. Et nos villes se dépeuplent au profit des campagnes. Il en résulte un risque de fracture numérique, une béance entre l'internet des villes et l'internet des champs. Malgré l'énorme effort consenti, la résorption de la fracture numérique reste un horizon de fuite : elle s'éloigne chaque fois que l'on croit s'en rapprocher.

Notre deuxième fragilité est politique. Sommes-nous en mesure de porter cette grande ambition comme nos concurrents qui s'organisent sans complexe ?

Or, la France reste fidèle au modèle gaulois de morcellement de l'action publique. Chaque ministère a ses conseillers, ses services administratifs, ses comités Théodule qui se réunissent plus ou moins. Confusion, dispersion : il n'y a pas de pilotage politique bien identifié. Le candidat Nicolas Sarkozy l'avait dit lui-même il y a quelques mois : « la France n'est pas en état de conduire une politique cohérente de développement numérique ; trop de structures et de guichets, personne n'incarne la volonté politique ».

La France est en retard pour les investissements dans les nouvelles technologies. L'effort est chez nous inférieur de moitié à ce qu'il est aux États-Unis : ce retard nous coûte 0,7 point de croissance et des centaines de milliers d'emplois. Je souhaite la création d'un commissariat au numérique sur le modèle du CEA car le numérique sera au XXIe siècle ce que l'atome fut au XXe. Ce commissariat serait un lieu d'expertise et de pilotage, sur des sujets par essence transministériels. Je songe aux réseaux de nouvelle génération, d'abord, car le risque est celui de la reconstitution d'un monopole sur la boucle locale, au dégroupage des infrastructures passives et à la mutualisation du réseau vertical -car il ne faudrait pas que, comme les Américains, nous ayons à déménager pour pouvoir changer d'opérateur !

Autre mission pour le commissariat : la gestion du spectre. Le basculement vers le numérique libérera des fréquences intéressantes parce que de longue portée et de forte pénétration dans les bâtiments. Ces fréquences sont donc très convoitées, mais la loi a prévu une méthode sage pour leur répartition. Ce dividende numérique, pour l'obtenir, il faudra... le financer. Les Anglais ont deux ans d'avance sur nous, qui ont consacré 300 millions d'euros à la migration. Nous avons seulement un GIE pour le réaménagement des fréquences, mais à raison de 3 euros par foyer, il nous faudrait déjà débloquer 180 millions d'euros, non budgétés. L'objectif cible, que nous avons voté, est une couverture de la population à 95 %. Cela exige 1 800 sites et le CSA a aujourd'hui des capacités beaucoup plus faibles.

Les fréquences libérées appartiennent au domaine public, elles sont propriété de la nation. Leur répartition devra se faire selon l'intérêt général. (M. Valade approuve) Il y a là un gisement d'emplois... Il faut aussi profiter de l'occasion pour réduire la fracture numérique et tenir la promesse de l'internet pour tous. On sait du reste ce que les collectivités devront faire si le fossé s'élargit à nouveau.

Les fréquences radio sont complémentaires du réseau filaire et le développement du haut débit sera forcément multimodal : fibre, câblo-opérateurs, fréquences, etc. Il convient de dépasser le débat traditionnel ! Dés la fin de l'année, la moitié de la population française regardera la télévision sur une autre plateforme que l'hertzienne et les nouveaux réseaux transporteront des contenus audiovisuels. La loi prévoit du reste que la majorité des fréquences sera affectée à l'audiovisuel.

Dans quelques jours s'ouvrira la conférence mondiale sur l'audiovisuel à Genève. Le négociateur français doit avoir mandat pour s'entendre avec nos partenaires européens, et la France doit anticiper, en ouvrant le débat. Quant à la révision du cadre européen, le projet de directive sera bouclé dans quelques semaines : j'espère que, là encore, notre pays s'est préparé. (M. le ministre le confirme) Dans quelques mois, la France assumera la présidence de l'Union européenne, ce sera l'occasion de donner une impulsion à l'Europe numérique.

Il y a aussi les questions du téléchargement illégal, la dialectique entre réseaux et contenu, la télévision portable qui exige une coopération entre télévision et télécoms -les réseaux doivent être ouverts mais il faut encore que les contenus circulent de façon fluide.

Ces enjeux transversaux appellent une volonté politique forte. Créons en France l'environnement le meilleur au niveau mondial pour le numérique. (Applaudissements sur le banc de la commission)

M. Serge Lagauche. - J'évoquerai la gestion et la régulation du spectre hertzien dans ses implications culturelles, aussi importantes que les enjeux économiques et industriels.

Lors du passage à la télévision numérique pour tous en 2011, des fréquences vont être libérées, ces fréquences dites « en or » et très convoitées. Encore faut-il qu'elles aient une réalité concrète, autrement dit, que le Gouvernement se donne les moyens de respecter son ambitieux calendrier de basculement...

Outre la défense nationale, le très haut débit fixe, le très haut débit mobile, la télévision mobile personnelle et la télévision en haute définition sont tous candidats naturels au dividende numérique. S'y ajoute un impératif d'aménagement du territoire, de service universel, auquel notre Assemblée est particulièrement sensible.

Le spectre hertzien est un bien commun, une ressource publique, immatérielle et rare. Or le gouvernement précédent l'a déjà préempté, par l'octroi des chaînes bonus, cédant à quelques lobbies pour offrir son soutien à des positions dominantes.

La loi du 5 mars 2007 a organisé juridiquement le développement de la télévision mobile personnelle et de la télévision haute définition. L'appel à candidature pour le multiplexe R5 de la TNT est en cours et porte sur la diffusion de deux services de télévision, une troisième place étant à diffusion d'une chaîne publique.

M. Retailleau demande s'il est préférable de promouvoir l'accès de tous au haut débit ou de généraliser la diffusion de la TNT en haute définition, ce qui absorberait voire excéderait le dividende numérique. Question doublement injustifiée. D'abord, le mouvement de la TVHD est déjà en marche. Ensuite, selon TDF, une utilisation optimisée des fréquences répondrait aux besoins tout en libérant une partie de la bande UHP pour d'autres services.

On pourrait aussi envisager que les opérateurs de téléphonie mobile s'engagent, avec l'ARCEP, dans une étude des possibilités de réaménagement de leurs propres bandes de fréquences. Comme le CSA, et comme visiblement nos opérateurs privés de télévision qui ont joué la surenchère dans les promesses devant le CSA, nous considérons que la haute définition est le format d'avenir de la télévision. Le président du CSA a pu dire que « dans quelques années peut-être, un programme en simple définition nous semblera aussi obsolète que peut l'être aujourd'hui un programme en noir et blanc. La haute définition [...] entraîne des bouleversements dans toute la chaîne de production, des mutations qui doivent s'accompagner d'une réflexion sur la création audiovisuelle, afin que toutes les potentialités [...] soient explorées. »

Ce qui est également en jeu dans cette question, que M. Retailleau aborde sous un angle strictement économique et industriel, c'est le maintien de la création, du pluralisme et de la diversité culturelle, dans un contexte de mutation technologique accélérée. On assiste à une forte concentration des médias et à un regroupement des activités informatique, télévisuelle et de téléphonie. Dans ce nouveau contexte, quid de la régulation ? De la gestion du spectre hertzien ? Quelles seront les missions du CSA face aux nouvelles pratiques ?

Deux logiques s'affrontent. Une, libérale, privilégie le mode de régulation â l'oeuvre dans les télécoms avec l'ARCEP, dans un cadre de libre concurrence, indifférente aux contenus. L'autre, culturelle, se soucie de la diversité culturelle et souhaite le maintien, par une instance ad hoc, d'un mode de planification qui garantisse une réelle diversité de l'offre. Pour cela, le CSA doit avoir les moyens effectifs de mener une politique globale, dans tout le secteur audiovisuel, quel que soit le support de diffusion. Ce secteur a déjà avalé nombre de couleuvres et la régulation a reculé au nom de la convergence. Le simple régime déclaratif s'applique désormais à tout ce qui n'est pas fréquence hertzienne. Même si les fréquences sont démultipliées par l'arrivée du numérique, le hertzien reste une ressource rare et limitée. Il serait incohérent de livrer la planification de l'audiovisuel à une instance autre que celle en charge de la régulation de ce secteur.

Contrairement à ce que préconise M. Retailleau, le CSA ne doit pas être marginalisé dans la gestion d'un spectre hertzien qui serait attribué par une autre instance. La capacité de planification du CSA fait partie intégrante de son pouvoir de régulation. Aucune évolution technologique ne saurait démolir un édifice juridique réglementant la liberté d'expression et son application au droit de l'audiovisuel contemporain, le pluralisme et la défense de l'exception culturelle. Voilà pourquoi nous avions proposé, lors de l'examen du projet de loi télévision du futur, que, pour la télévision mobile personnelle, les appels d'offres prennent en compte le contenu des programmes, et pas seulement des obligations de couverture. Depuis la loi de juillet 2004, les gouvernements successifs visent tous une dérégulation maximum de notre secteur audiovisuel, Servir l'intérêt des grands groupes avant celui du téléspectateur, mettre à mal les règles anti-concentration, marginaliser le service public, telle a été leur politique audiovisuelle, alors que le seul objectif devrait être d'adapter le secteur de la communication aux évolutions technologiques tout en assurant l'avenir de nos industries de programmes, le pluralisme et la promotion de notre identité culturelle, dans une interprétation stricte des deux principes fondamentaux contenus dans les directives européennes de « service universel » et « neutralité des supports », appliqués à l'audiovisuel.

Ce gouvernement entend aller encore plus loin dans cette dérégulation, à la grande satisfaction des grands groupes. Mme Albanel vient d'annoncer une grande loi globale qui met en danger notre droit de la communication audiovisuelle et ses principes fondateurs. Toujours plus de concentration et moins de pluralisme, toujours plus de recettes publicitaires pour TF1 et sabordage des moyens du service public. Nous ne le répéterons jamais assez : si nous sommes tant attachés à la régulation, c'est pour garantir un fonctionnement des médias audiovisuels français concurrentiel, pluraliste et respectueux du téléspectateur.

M. Jacques Valade. - En début de semaine, au MIPCOM de Cannes, Mme Albanel, ministre de la culture et de la communication, a présenté la mise en chantier de la réforme de l'audiovisuel français, avec la perspective d'un projet de « loi globale » susceptible de remplacer la loi de 1986 et de revenir sur les décrets de 2001 de Mme Tasca. Dans le même temps, le devenir de l'audiovisuel extérieur français fait l'objet de réflexions stratégiques au sommet de l'État, susceptibles de déboucher sur une meilleure définition des tâches de chacun, dont la presse se fait aujourd'hui l'écho. C'est dire combien la question de M. Retailleau est pertinente.

L'évolution très rapide des technologies, leur utilisation au niveau du grand public, la convergence entre l'audiovisuel et les télécommunications, le rapprochement du contenu et des réseaux et l'utilisation de bandes de fréquences hertziennes identiques pour différents usages, processus sur lesquels la commission des affaires culturelles travaille, tant directement que par l'intermédiaire du groupe de travail « Médias, nouvelles technologies et société », présidé par Louis de Broissia, appellent en effet à s'interroger à la fois sur les modalités actuelles de gestion de la ressource hertzienne et sur l'utilisation future du dividende numérique. L'excellent travail de M. Retailleau vient à point, qui doit nous inciter à mettre de l'ordre dans les structures existantes. Le passage au numérique nous donne une occasion exceptionnelle qui n'est pas prête de se reproduire. Il nous faut donc une gouvernance lucide et efficace du paysage numérique français.

Je concentrerai mon propos sur l'avenir et sur le réinvestissement, l'utilisation de ce dividende, sujet politique et industriel essentiel. L'hiver dernier, à l'occasion de la loi relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, nous avions réussi, en dépit de l'antagonisme entre les commissions des affaires culturelles et des affaires économiques, saisie pour avis, à définir une position commune sur l'attribution de ces « fréquences en or » qui suscitent tant de convoitises.

Cette position repose sur deux principes et deux garde-fous.

Pour une ressource rare faisant partie du domaine de l'État, nous avons décidé qu'il appartiendrait au Premier ministre de réaffecter ces fréquences libérées aux administrations, au CSA ou à l'ARCEP. S'agissant de fréquences libérées par des services audiovisuels, et plus précisément des chaînes de télévisions hertziennes gratuites qui utilisent cette ressource en contrepartie d'importantes obligations de diffusion et de production d'oeuvres françaises et européennes, nous avons estimé équitable de garantir à ces services la plus grande part des fréquences libérées.

Le premier garde-fou répond en partie à la demande de pilotage politique et technique exprimée par M. Retailleau, avec un schéma national de réutilisation des fréquences libérées par l'arrêt de la diffusion analogique, élaboré par le Premier ministre. Le second est constitué par une « commission du dividende numérique » comprenant quatre députés et quatre sénateurs, qui est appelée à se prononcer sur le projet de schéma national de réutilisation des fréquences libérées et peut faire connaître à tout moment ses observations et ses recommandations sur le sujet.

Nos deux commissions ont d'ores et déjà désigné les quatre membres appelés à représenter le Sénat au sein de cette commission. Il appartient à l'Assemblée nationale de faire de même dans les meilleurs délais afin que cette nouvelle instance puisse se saisir des sujets d'actualité susceptibles d'influer sur l'affectation future du dividende. Je pense par exemple au mandat qui pourrait être donné à la délégation française conduite par l'Agence nationale des fréquences dans le cadre de la conférence mondiale des radiocommunications qui se déroulera à Genève à partir du 16 octobre. Ce mandat concerne plus particulièrement l'éventuelle identification d'une sous-bande de fréquences UHF destinée aux services innovants de téléphonie mobile.

Alors que les besoins en fréquences des services audiovisuels fixés dans la loi Télévision du futur de 2007 sont très importants, la commission des affaires culturelles restera particulièrement attentive aux signes envoyés aux opérateurs des différents secteurs, qui vont avoir à faire face à des modifications très profondes.

A moyen terme, la bande UHF est appelée à permettre le déploiement et la diffusion, dans des conditions optimales, des services de la TNT dans les zones les moins densément peuplées ; des services de la télévision mobile personnelle (TMP) ; des services télévisés gratuits diffusés en haute définition ; des services de radio numérique.

Je ne suis pas opposé, par principe, monsieur le ministre, à voir définie cette fameuse sous bande hertzienne dans le cadre des négociations internationales. Chacun sait que les décisions de l'UIT n'obligent pas les pays membres à mettre en oeuvre immédiatement le service correspondant à la bande de fréquences identifiée. (M. Retailleau le confirme) Il ne s'agit que d'un cadre réglementaire. Mais de nombreux éléments manquent aujourd'hui pour arrêter la taille et les caractéristiques techniques d'une éventuelle sous-bande : les résultats de la consultation de l'ARCEP qui s'est achevée le 26 septembre, des travaux de la commission consultative des radiocommunications ; de l'étude conjointe CSA/ANFR, sur l'impact sur les réseaux cibles de la TNT. Doit être également pris en compte l'impact sur les systèmes Félin de la Défense, estimé à près de 100 millions.

Seuls le Royaume-Uni, la Finlande et la Suède soutiennent l'identification immédiate de cette sous-bande. Comme la grande majorité de nos partenaires, nous devrions adopter une approche pragmatique et réfléchir sereinement sur l'utilisation éventuelle de la bande UHF pour des services innovants de téléphonie mobile, en vue d'inscrire, le cas échéant, ce point à l'ordre du jour de la conférence mondiale des radiocommunications de 2011.

Quelle que soit l'issue des négociations, il me paraît indispensable de préserver l'ensemble des possibles concernant l'utilisation de cette sous-bande à l'issue de la Conférence mondiale des radiocommunications de 2007. (M. Retailleau approuve) La définition de cette sous-bande, qui doit pouvoir, à terme, « être utilisée tant par l'audiovisuel que par les services de télécommunication mobiles », ne doit pas nous lier les mains. L'évolution actuelle très rapide des technologies doit nous inciter à une approche très réaliste de l'avenir.

Il est indispensable de garantir le développement de l'ensemble des services audiovisuels prévus par la loi. Pour éviter de créer une nouvelle fracture audiovisuelle, nous aurons probablement besoin de canaux dans la sous-bande pour diffuser la TNT dans certaines régions frontalières, comme c'est le cas aujourd'hui en Alsace ou en Savoie, et de nouveaux canaux devront être utilisés pour garantir à tous l'accès aux nouveaux services.

Gardons-nous d'opposer deux secteurs quant il s'agit d'optimiser l'usage d'une ressource rare qui assure la gratuité et l'égalité de l'accès aux services concernés. Laissons d'abord le temps au CSA d'approfondir sa planification sur le basculement vers le numérique et le déploiement des nouveaux services. S'il apparaît que l'on doive déplacer le curseur entre fréquences audiovisuelles et fréquences de télécommunications, alors, dans l'intérêt de tous, et dans le cadre de la commission du dividende numérique, nous le ferons. Cela me semble préférable à trop d'anticipation dans l'affectation des fréquences.

M. Jack Ralite. - Le contexte de cet important débat, dont je regrette cependant qu'il ne soit pas suivi d'un vote, doit nous faire réfléchir. Le rapport Levy-Jouyet sur l'économie de l'immatériel, qui consacre une large place à la question du dividende numérique, notant qu'il constitue une « opportunité historique à saisir pour soutenir l'innovation », recommande de recourir, pour la privatisation des fréquences hertziennes, à la procédure de l'enchère. Est-ce légitime dès lors qu'il s'agit d'attribuer un droit d'accès aux ressources collectives ? Autre impératif, à en croire ses auteurs, prendre en compte la convergence entre le secteur des télécommunications et celui de l'audiovisuel, ainsi qu'entre contenu et diffusion, et « affecter mieux qu'aujourd'hui les fréquences en fonction de leur utilité économique » ! On sait que les conclusions de ce rapport sont déjà appliquées aux musées ; l'audiovisuel doit suivre.

Avant-hier, à l'ouverture du Midcom, Mme la ministre de la culture annonçait une « loi globale » à la fin du premier trimestre 2008 : hausse des volumes publicitaires, assouplissement des obligations de production et levée des seuils anticoncentration. « Tout est positif dans ce projet » concluait un courtier en bourse... L'action de TF1 a augmenté le même jour de 12,76 %, celle de M6 de 8,25 %, celle de Canal+ de 7,87 %. Mais, le groupe Alcatel Lucent en est à son troisième avertissement sur des objectifs financiers avec licenciements.

Le Président de la République, dans sa lettre de mission à sa ministre de la culture, demande que les aides publiques à la création favorisent une offre répondant à l'attente du public, ajoutant que des synergies trop longtemps différées doivent être mises en oeuvre pour France Télévision, avec après expertise des modifications de structure.

Voilà qui dit assez combien l'esprit des affaires prétend en imposer aux affaires de l'esprit. Si l'on y ajoute la tâche, confiée par l'Élysée à la Garde des sceaux, d'alléger et surtout, de dépénaliser le droit des affaires, on comprend désormais la convergence entre le Medef et le Gouvernement en vient à inventer le réel, comme au temps où Robert Hersant déclarait fièrement : « J'ai une loi d'avance. » De fait, les lobbies sont de plus en plus entreprenants, de plus en plus influents. Orange, SFR, et Bouygues, n'ont-ils pas obtenu, avec la loi de 2006, le marché de la téléphonie mobile personnelle, qui représente 50 millions d'usagers, alors même qu'ils avaient été condamnés par le Conseil de la concurrence pour entente illégale ?

Je le redirai inlassablement, parce que le mélange entre technologie et économie est aujourd'hui victorieux, comme une utopie qui « aurait réussi », Jules Vernes dans le réel, alors que l'utopie sociale s'est effondrée. Il faut démystifier ce phénomène, rejeter cette causalité fatale, cette technique instrumentalisée comme un fatum. Il faut rendre à chacun ce que réclame chaque soir, sur la scène des Bouffes du Nord, un personnage de la pièce de Joël Sommeral : « Je veux mon avenir ! »

Quand je pense qu'il y a quelques années, dans un colloque au Sénat, Alain Madelin déclarait sans rire : « Les nouvelles technologies sont naturelles comme la gravitation universelle ? », transformant leurs inventeurs en êtres subsidiaires.

Notre débat est un débat de société. Il a une dimension éthique. Ne laissons pas sous-traiter nos imaginaires, nos intimités, par la combinaison de la fatalité technologique et de la financiarisation du monde. Je l'aurai dit à la ministre si elle était venue, comme elle aurait du le faire. Je vous le dis à vous, monsieur Retailleau : pensez fort à ces propos lorsque vous participerez aux assises de la convergence audiovisuelle, le 23 octobre, au Sénat.

Mon utopie à moi est celle de Vitez, de Vilar, de l'immense Diderot des Lumières, c'est une alliance à construire entre forces du travail et forces de la création artistique, scientifique, technologique.

Un bien public rare comme les fréquences hertziennes doit-il, pour répondre aux attentes de la Commission européenne, être privatisé et mis aux enchères pour favoriser le marché de la téléphonie mobile ? Je cite encore le rapport Levy-Jouyet : « Cette possibilité de rebattre régulièrement les cartes est une exigence économique pour que le développement de technologies innovantes et prometteuses ne soit pas compromis par une protection excessive des situations acquises. » L'échec retentissant de la mise sur le marché des licences UMTS en Europe a pourtant coûté 300 milliards, l'équivalent du coût d'un réseau haut débit européen.

Le rapport Jouyet-Levy rappelle tranquillement que « l'expérience de l'UMTS ne doit pas conclure à exclure le bien-fondé de la procédure d'enchère comme mode d'attribution du droit d'accès aux ressources collectives ». Une telle affirmation est très grave même si elle ne concerne que les États-Unis.

En outre, il ne faut pas oublier que les dix années écoulées ont connues bien d'autres déboires. Ainsi, France Télécom et Vivendi, du temps de Michel Bon et de Jean-Marie Messier, ont bien failli faire faillite en 2001 : leurs dettes cumulées se montaient alors à 110 milliards. Ces deux grands champions avaient connu un pic de leurs investissements entre 1995 et 2005 puis ils les ont réduits de 2,8 à 2,2 milliards tandis que la part du chiffre d'affaire consacrée à l'innovation passait de 3,7 à 1,7 %. Notre collègue Retailleau rappelle d'ailleurs ces chiffres. Ces champions n'ont dû leur salut qu'à la vente de leurs bijoux de famille malgré le développement du mobile. Sans doute vous rappelez-vous de mes nombreuses interventions sur Vivendi : à l'époque, la majorité les a toutes écartées et elle a notamment refusé la création d'une commission d'enquête, comme elle l'a d'ailleurs fait il y a deux jours pour EADS. A l'époque, vous souteniez ces deux champions et aujourd'hui, vous voila repartis pour faire de même !

Après ce tableau noir, voici quelques propositions avec, à l'esprit, une pensée de Camus dans l'Homme révolté : « Au bout de ces ténèbres, une lumière est pourtant inévitable que nous devinions déjà et dont nous avons seulement à lutter pour qu'elle soit ».

Il est proposé un commissariat au numérique rattaché au Premier ministre : il existe déjà 150 structures de ce type, il y en aura donc une cent-cinquante-et-unième ! Pour réformer l'État, on peut faire mieux ! En fait, cette structure n'aurait pour but que de donner un seul interlocuteur numérique aux lobbies des téléphones mobiles. Nous voulons garder les instruments existants tout en les démocratisant et nous ne sommes pas favorables à la fusion entre le CSA et l'ARCEP. Si elle peut apparaître justifiée, elle reviendrait pourtant à marginaliser les questions de contenu.

Comme je l'avais déjà proposé lors du débat sur la télévision du futur, nous demandons une charte numérique qui permette de définir les droits d'accès, la solidarité, l'éthique, la responsabilité et le projet éducatif du numérique. Cette charte ferait place aux créations originales en prenant en compte la diversité des outils disponibles. Des assises réuniraient public et privé, s'élargiraient au monde, et d'abord à l'Europe, afin de garantir toutes leurs places à une information pluraliste et critique ainsi qu'au mariage de la « belle numérique » et de la « bête fabuleuse » comme le disait André Breton au sujet de la création. C'est ainsi qu'on donnera sens au passage au numérique et que sera respectée la dignité de chacune et de chacun. Il faut une ambition qui dépasse la seule vision experte. Il faut infléchir le devenir technoscientifique, car il ne suffit pas, à lui seul, à faire un monde humanisé, producteur de civilisation.

Nous devons relancer l'investissement, notamment dans l'industrie culturelle, dans la création artistique et la recherche. J'ai bien dit industrie et non pas finances.

Les fréquences hertziennes doivent être considérées comme un bien public au sein d'un service public : elles ne peuvent donc être vendues, privatisées, mises aux enchères. Un bien public peut se louer mais, en aucun cas, se vendre !

Le discours idéologique sur l'économie de l'immatériel souligne l'importance de la connaissance et de la culture dans la société et l'économie mais vise à les standardiser en actifs comptables pour les soumettre à une financiarisation généralisée. Au nom du dogme managérial dont traite si bien Pierre Legendre, le capitalisme cognitif vise à vampiriser toute la sphère de l'esprit et de l'imaginaire dans le travail, l'entreprise et dans la vie quotidienne. Or il est possible de penser et d'opposer un processus alternatif qui s'appuie sur la publicisation, la démocratisation et l'humanisation comme l'avaient proposés les États généraux de la culture. Les productions de l'esprit, de la culture de l'éducation et la création sont des biens de l'humanité. Il conviendrait de réfléchir à de nouveaux services publics en définissant de nouveaux droits fondamentaux. L'article premier serait ainsi rédigé : « La protection du vivant, de l'environnement et des produits de l'esprit constitue un cercle sacré. Il s'agit d'un bien commun de l'humanité, non marchand et inviolable ». Ce bien commun mondial pourrait être défini comme une res publica planétaire. Je crois en une utopie concrète grâce à une nouvelle définition de la solidarité et de la mutualisation, bref, à une association universelle de l'humanité. (Applaudissements à gauche)

M. Pierre Hérisson. - Je m'exprime au nom de la commission des affaires économiques et de mon groupe. Tout d'abord, je me réjouis de l'inscription de ce débat qui fait suite aux propositions du rapport d'information de la commission des affaires économiques sur la régulation du numérique. Nous pouvons ainsi traiter d'un sujet dont l'importance pour notre économie est considérable.

« Faire de la France une grande nation numérique », c'est ainsi que concluait Nicolas Sarkozy, Président de la République nouvellement élu, dans une tribune publiée par le Journal du Net. Même si le numérique n'a pas été un sujet majeur de la campagne électorale, les grands axes voulus par le Président de la République sont aujourd'hui connus et c'est pourquoi ce débat est opportun. Le développement du numérique représente en effet entre un demi point et un point de croissance supplémentaire. Réhabiliter le travail, comme le veut Nicolas Sarkozy, sera d'autant plus significatif dans le domaine des technologies de l'information et de la communication. La qualité de la couverture numérique de nos territoires est devenue aussi importante que celle du réseau routier ou de la desserte postale.

Rapporteur, avec Bruno Sido, de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, et de la loi du 10 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle, je me suis impliqué dans le domaine des technologies de l'information et de la communication, les TIC, et je suis avec intérêt les deux grands dossiers que sont la couverture de tout le territoire en téléphonie mobile et en Internet haut débit. C'est pourquoi j'approuve les conclusions du rapport d'information de mon collègue Retailleau.

M. Bruno Retailleau. - Merci !

M. Jacques Valade, président de la commission. - Rapport très intéressant !

M. Pierre Hérisson. - Dix ans après la création de l'ARCEP, le temps est venu de faire le bilan de cette autorité de régulation économique sectorielle et de dessiner ses perspectives d'évolution afin de renforcer les positions françaises dans ce secteur essentiel.

Il est en effet indispensable d'optimiser le potentiel économique du numérique. La question est d'actualité, à l'heure de la télévision mobile personnelle et de l'arrêt de la diffusion analogique des chaînes de télévision. La convergence du secteur des télécoms et de l'audiovisuel pose de nouveaux enjeux que le régulateur sectoriel ne pourra résoudre à lui seul. La fusion du CSA et de l'ARCEP est régulièrement évoquée mais notre rapporteur la récuse, ces deux autorités exerçant des métiers très différents. Il préconise plutôt la création d'un commissariat au numérique, pôle d'expertise et d'initiative, placé sous la tutelle du Premier ministre. Cette nouvelle structure permettrait de donner un pilotage politique aux services de l'État concernés par le numérique, mais éclatés entre ministères aux aspirations divergentes. Une coordination des forces permettrait de rattraper notre retard qui est d'autant plus regrettable que nous pourrions être en tête dans de nombreux secteurs de l'innovation : des ingénieurs de qualité, un tissu dense de PME innovantes, des positions de force dans certains secteurs comme la mobilité, la carte à puces, le logiciel libre, les logiciels embarqués, la simulation, le calcul à hautes performances. En outre, proportionnellement à notre PIB, nous investissons deux fois moins que les Américains dans les TIC. Si nous investissions autant que les leaders mondiaux, nous pourrions gagner un demi-point de croissance supplémentaire, et donc des milliers d'emplois.

Nous devons soutenir en priorité les PME puisque seules 50 % d'entre elles disposent d'un site web, contre 82 % en Allemagne et 77 % en Grande-Bretagne ou en Italie. Il est essentiel d'accroître la masse critique des entreprises innovantes, car sans innovation, pas de croissance. La politique du numérique et de l'innovation vont de pair et il faut davantage impliquer les collectivités territoriales, les entreprises, les centres de recherche, les universités, les régions et l'Europe.

La couverture numérique est un instrument essentiel d'aménagement du territoire car elle assure l'équité et la bonne répartition territoriale des infrastructures et des usages liés aux TIC. Les pouvoirs publics doivent donc saisir cette chance afin de soutenir la croissance et l'innovation.

A l'automne 2002, le Premier ministre M. Raffarin a pris la mesure de l'enjeu numérique et lancé le plan « Réseaux 2007 ». La vision claire qu'a de ce sujet majeur le Président de la République permet d'aborder l'étape suivante, qui sera déterminante. En s'impliquant davantage, l'État devra faire en sorte que le passage au tout-numérique ne laisse aucun territoire de côté ; il lui faudra anticiper les évolutions et fixer des règles claires d'usage des fréquences et lui-même réformer ses organes de régulation. Des millions de Français sont encore privés de la téléphonie mobile et de la TNT dans sa définition standard ; la fracture numérique n'a pas été réduite. La couverture du territoire doit être achevée.

Alors qu'une conférence mondiale des radiocommunications se tient en octobre à Genève, alors que le Gouvernement s'apprête -en tout cas nous l'espérons- à donner son mandat de négociation à l'Agence nationale des fréquences, la libération progressive des fréquences analogiques à partir de 2008 offre une opportunité stratégique pour l'aménagement numérique du territoire. Pour une grande partie des zones rurales, représentant 30 % de la population et 70 % du territoire, les technologies filaires, optiques, ou satellitaires ne permettent pas d'envisager une couverture haut débit au-delà de 512 kbit/s -ce qui est bien faible. De plus, les fréquences actuellement occupées par la téléphonie mobile de troisième génération sont si élevées qu'elles ne permettent pas d'envisager une couverture par les réseaux d'accès à Internet haut débit mobile.

Alors que les initiatives prises depuis cinq ans pour étendre l'ADSL et couvrir les zones blanches de la téléphonie mobile ont connu d'importants succès, une nouvelle fracture numérique risque d'apparaître entre les zones urbaines et les zones rurales. Pourtant, tous nos territoires ont besoin de débit et de mobilité ; ils ont soif de fréquences. La France numérique doit être aussi bien urbaine que rurale. C'est pourquoi l'Association des maires de France, dont je suis un des vice-présidents, a souhaité, le 27 septembre dernier, que la France s'engage activement dans les négociations européennes et internationales afin d'identifier une sous-bande de fréquences qui pourrait être affectée à la couverture du territoire par les réseaux fixes et mobiles d'accès à Internet haut-débit. A défaut, les discussions seraient durablement recentrées sur le seul usage audiovisuel, alors que la loi du 5 mars 2007 prévoit un choix ouvert ente les différents usages. Cette question est essentielle pour l'avenir économique de notre pays. (Applaudissements au banc des commissions)

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur. - Je veux vous dire ma satisfaction de ce riche débat et mes regrets de constater qu'il n'a pas l'audience qu'il mérite ...

M. Jean-François Le Grand. - La qualité est là !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Il est vrai qu'on pourrait faire la même remarque à propos d'autres débats et en d'autres lieux... Cela prouve qu'un effort de pédagogie est encore nécessaire pour faire comprendre les enjeux, qui sont aussi, comme l'a souligné M. Ralite, de société.

Je rends hommage à M. Retailleau, auteur de la question comme d'un rapport d'information remarqué.

Le sujet est complexe et passionnant, fondamental. Je peux vous assurer de la volonté du Gouvernement de prendre à bras le corps un dossier porteur d'enjeux socio-économiques aussi considérables. M. Retailleau l'a dit, le numérique est un domaine stratégique pour notre compétitivité, pour la réforme de l'administration, pour la croissance et l'emploi. Si les technologies numériques pèsent pour 25 % dans notre PIB, notre retard d'investissement -dans les équipements et les infrastructures, mais aussi dans les services- nous coûte un demi-point de croissance.

Le numérique est au coeur de la modernisation de l'action publique ; grâce à l'utilisation croissante des TIC, le défi pourra être relevé d'un État plus performant et moins coûteux. La France doit modérer sa dépense publique sans nuire à l'efficacité de ses services publics. (M. Retailleau approuve)

Le numérique concourt à l'aménagement du territoire. L'action publique ne doit pas être réservée à une partie seulement du territoire. Le plan de résorption des zones blanches lancé par le Premier ministre M. Raffarin en concertation avec les collectivités locales et les opérateurs a porté ses fruits. Grâce à un investissement de 170 millions d'euros -70 de l'État et 100 des opérateurs- 75 % des 3 000 communes identifiées en zone blanche ont été couvertes à mi-2007. Vous comprendrez que l'élu de Touraine que je suis est très attaché à ce que les efforts soient poursuivis.

S'agissant de la couverture en haut débit, le Gouvernement a mené une politique volontariste sur le dégroupage ; il a incité France Télécom à équiper tous ses répartiteurs de telle sorte que l'ADSL pénètre plus profondément le territoire ; il a favorisé le développement des technologies satellitaires et du courant porteur en ligne, octroyé les licences Wi max sous conditions de couverture de zones délaissées. Il a de même incité les collectivités à favoriser l'investissement des opérateurs sur leur territoire et demandé -officiellement...- (Sourires) à la Caisse des dépôts de les accompagner. L'objectif de quatre millions d'abonnés au très haut débit en 2012 n'est pas irréaliste. Il est heureux que France Télécom ait ouvert ses fourreaux à la location, ce qui permettra de diminuer le coût de déploiement de la fibre optique.

M. Bruno Retailleau. - C'est très positif.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Vous avez évoqué la création d'un Commissariat au numérique placé sous l'autorité du Premier ministre. Il est exact que de nombreux ministères interviennent dans ce domaine : économie et finances, culture, enseignement supérieur et recherche, budget...

Face à cette dispersion de l'action publique, l'idée d'un commissariat unique paraît donc séduisante d'autant que les questions en suspens sont diverses et d'importance -je pense notamment à celles de la TNT, du dividende numérique, du très haut débit avec le déploiement de la fibre jusque dans les logements ou encore de l'administration électronique.

Pour autant, une multiplicité de l'action publique reste inévitable, et même souhaitable. Ainsi, la direction générale de la modernisation de l'État a la charge de coordonner le développement de l'administration électronique. Mais que chaque ministère prenne des initiatives pour moderniser ses services et rapprocher l'État des entreprises et des citoyens est une bonne chose !

M. Bruno Retailleau. - Tout à fait !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Ensuite, affirmer qu'il n'existe pas de pilotage politique en matière de numérique est exagéré : le Premier ministre assure la cohérence de l'action publique à travers le comité interministériel pour la société de l'information. La question du dividende numérique le montre bien : les arbitrages ont tous été rendus en temps utile. (M. Bruno Retailleau, auteur de la question, M. Jacques Valade et M. Pierre Hérisson approuvent)

A ce propos, je suis d'ailleurs heureux de vous annoncer que le Premier ministre a décidé ce matin la position que défendra la France, représentée par l'Agence nationale des fréquences, lors de la prochaine conférence mondiale des radiocommunications : la bande UHF sera attribuée au service de radiodiffusion, et pour une petite partie au niveau international au service mobile. (Même mouvement) Autrement dit, le débat sur la répartition du dividende numérique et l'affection des fréquences libérées reste ouvert. (Même mouvement) Le Parlement y sera étroitement associé avec la mise en place d'une commission parlementaire du dividende numérique, composée de quatre sénateurs et de quatre députés.

M. Jacques Valade et M. Bruno Retailleau. - Nous avons déjà désigné nos représentants !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Je vous en félicite ! Le train des sénateurs est particulièrement véloce...

M. Bruno Retailleau. - Plus que celui des députés !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Pour ma part, je souhaite que ce débat soit l'occasion d'une réflexion approfondie sur la manière d'utiliser au mieux cette ressource rare.

Pourquoi ne pas autoriser les services de téléphonie mobile à utiliser la bande UHF seulement en 2011 ? Parce nous manquerions l'occasion de libérer une partie de la bande UHF lors du réaménagement des fréquences en 2011, prévu par le plan de Genève de 2006. Les industriels européens en seraient pénalisés, puisque leurs concurrents auraient eu le temps de rentabiliser leurs investissements sur leurs marchés domestiques.

La question n'est pas de trancher entre des ministres ou des autorités indépendantes, mais entre différents usages également légitimes.

M. Jacques Valade. - Très juste !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Cet arbitrage, qu'un commissariat unique existe ou non, sera rendu par le Premier ministre. Par ailleurs, une structure ad hoc a déjà été créée pour mener le travail d'instruction : le comité stratégique pour le numérique. Notons d'ailleurs que notre organisation n'a pas freiné le lancement de la télévision mobile personnelle. Après avoir réuni les acteurs concernés, j'ai récemment signé l'arrêté qui fixe les normes de diffusion de la télévision mobile, ce qui permettra au CSA de lancer un appel à candidatures avant la fin du mois. (On s'en félicite à droite) Dès 2008, nous pourrons suivre les exploits des équipes françaises sur nos téléphones mobiles !

A ce propos, je me réjouis que Viviane Reding, commissaire européenne aux télécommunications, souhaite accélérer le mouvement en matière de politique numérique. Nous devrons effectivement harmoniser sous peu les réglementations européennes. Nous veillerons à ce que cela ne soit pas l'occasion d'instituer un « super régulateur européen ». (On approuve à droite)

La dispersion de l'action publique ne nuit pas à l'efficacité.

M. Bruno Retailleau. - Ah ! Le travers gaulois...

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Nos performances le prouvent en matière de haut débit et de très haut débit -nous sommes parmi les premiers au niveau européen- et d'administration électronique, avec notamment le succès de la télédéclaration d'impôt. Certes, des progrès restent à faire en matière d'investissement des entreprises dans les technologies de l'information et d'équipement des ménages en informatique. Un commissariat unique permettra-t-il de mieux relever ces défis ? Cela n'est pas certain d'autant que sa création, si elle ne s'accompagne pas de la suppression des organismes existants, conduira une complexité accrue...

M. Bruno Retailleau. - Je propose de supprimer une dizaine d'organismes !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Malheureusement, les tentatives de création de guichet unique se soldent pour la plupart par un empilement des structures.

M. Bruno Retailleau. - Espérons que ce ne sera pas le cas pour l'ANPE et l'Assédic !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Nous verrons bien...

De plus, en créant un commissariat unique, nous prendrions le risque de casser les synergies existantes, matérialisées par la création du service des technologies et de la société de l'information au sein de la direction générale des entreprises en 1998, entre développement de l'administration électronique et réforme de l'État, action de réglementation et de régulation des marchés et soutien à la recherche et au développement.

En conclusion, la question de notre organisation en matière de politique numérique méritait d'être posée et je remercie M. Retailleau de l'avoir fait. Mais il faut rester prudent car le débat sur le numérique est fondamental pour notre économie et notre société, fondamental parce qu'il s'agit de relever le défi de la mondialisation.

Et ce défi, nous le surmonterons si nous utilisons pleinement les potentialités que nous offrent les nouvelles technologies de la communication. Tout le monde constate l'atonie de la croissance française -et monsieur Ralite, il ne s'agit pas là que de chiffres, ce sont des emplois, des revenus, du pouvoir d'achat qui sont en jeu. Le Gouvernement et sa majorité ont donc décidé d'aller résolument vers l'avenir que nous ouvrent ces technologies. (Applaudissements à droite)

M. le président. - Nous en avons terminé avec ce débat, intéressant, bien que parfois très technique.

Le débat est clos.

La séance est suspendue à 11h 15.

présidence de M. Roland du Luart,vice-président

La séance reprend à 15 heures.

Rappels au Règlement

M. Thierry Foucaud. - Un message électronique nous a informés ce matin que la commission des finances auditionnerait Mme Lagarde sur l'affaire EADS cet après-midi. Même si entendre Mme la ministre paraît opportun, nous élevons la plus vive protestation contre un horaire qui empêchera la majorité de nos collègues d'y assister. On peut s'étonner qu'il n'ait fallu qu'une semaine aux services de l'État pour examiner cette affaire, et élaborer le rapport qui sera rendu public à cette occasion. La méthode apparaît particulièrement discutable : les conditions de la transparence ne sont pas réunies et cette apparente précipitation ne permet pas un travail efficace des parlementaires, porteurs de l'intérêt général et expression de la volonté populaire. Ne faut-il pas rapprocher l'annonce par le groupe Lagardère d'un profit de 472 millions d'euros sur la cession de ses titres EADS de la perte subie par la Caisse des dépôts sur les obligations convertibles qu'elle a acquises?

Tout justifie plus que jamais notre demande de constitution d'une commission d'enquête.

M. le président. - Dois-je rappeler que la commission des finances est souveraine et que c'est toujours un honneur d'entendre Mme Lagarde ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances.  - Vos propos me surprennent. La commission des finances du Sénat est la première à avoir réagi ; elle a organisé des auditions, ouvertes à tous les sénateurs. Dès vendredi dernier, nous avons entendu M. Breton, puis, cette semaine, le directeur général et le directeur financier de la Caisse des Dépôts, ainsi que le président de la Sogead, la holding qui détient les participations dont il s'agit. Nous travaillons en temps réel de manière tout à fait transparente.

Vous le savez bien, la mise en place d'une commission d'enquête est longue et lourde. Avant d'avoir désigné ses membres à la proportionnelle, qu'ils aient élu leur bureau et qu'ils disposent d'un secrétariat, il s'écoule trois semaines, voire un mois. Référez-vous à la commission d'enquête que l'Assemblée nationale vient de mettre en place sur la libération des infirmières bulgares et rappelez vous la date à laquelle ces malheureuses ont retrouvé leur pays.

Ce que nous faisons est plus utile, plus concret, plus ouvert et plus opérationnel. M. Foucaud a assisté à chaque séance, il est intervenu. Chacun connaît son assiduité et nous souhaitons que les membres de son groupe jouent le rôle qui est le leur dans la suite de nos travaux.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Puisque l'opposition est interpelée, je veux dire que les sénateurs savent très bien qu'une commission d'enquête et une audition de la commission des finances ne sont pas la même chose. La reconnaissance des droits du Parlement consiste non à autoriser chacun à assister à des auditions organisées selon le bon vouloir de la commission des finances mais à constituer une commission d'enquête, laquelle dispose d'autres moyens. J'ajoute qu'interrogé ce matin à propos de la commission d'enquête sur la libération des infirmières bulgares, M. Axel Poniatowski a déclaré : « Si l'on n'a rien à cacher, il n'y a aucune raison de refuser une commission d'enquête ». Votre exemple était mal choisi, monsieur le rapporteur général : si vous refusez notre demande, c'est que vous avez quelque chose à cacher.

Mme Nicole Bricq. - J'en donne acte à la commission des finances, le président Arthuis a annoncé hier matin à l'issue des auditions qu'il examinait la possibilité d'en organiser une avec Mme Lagarde sur le rapport qu'elle a demandé. Nous avons convenu que cela se ferait au moment où la ministre serait disponible. Malgré l'initiative de la commission des finances, dont je salue la diligence, mon groupe soutient la demande d'une commission d'enquête. C'est ainsi que ma demande d'audition des représentants du groupe Lagardère et de ceux d'Ixis est encore sans réponse alors qu'une commission d'enquête dispose d'autres moyens d'investigation et que les personnes auditionnées prêtent serment.

Droit communautaire dans les domaines économique et financier (Urgence)

M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion en urgence du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans les domaines économique et financier.

Discussion générale

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.  - A l'heure où la France fait son retour en Europe, je suis heureuse de vous présenter un projet qui nous permettra de transposer plusieurs directives et de mettre notre droit en conformité avec des règlements européens déjà en vigueur. La meilleure preuve de notre attachement à l'Europe est de respecter ses règles. On ne peut pas faire de grands discours et prendre de mauvaises habitudes. Nous devons montrer l'exemple pour que nos concitoyens respectent l'État. Voilà pourquoi nous avons déclaré l'urgence sur ce texte.

L'Europe offre à la France une formidable chance. Portant sur l'assurance, la finance et les télécommunications, ce texte illustre les grandes lignes du projet européen : plus de garanties pour les individus, plus de mobilité pour les personnes et une meilleure régulation.

Plus de garanties pour les individus, ce doit être une évidence dans une société aussi prospère que la nôtre. L'Europe n'est-elle pas la patrie des individus ? Or on consomme aujourd'hui, on épargne pour demain et l'on s'assure pour après-demain. Aussi l'article 10 adapte-t-il un règlement de 2004 : les services de l'État pourront user de leur pouvoir d'injonction et d'action en cessation devant la juridiction civile, même quand aucune sanction pénale n'est prévue. Première destination mondiale, la France aura ainsi les moyens de contribuer à la lutte contre les publicités mensongères et les clauses abusives des contrats.

Ainsi, des Français ont fait des achats sur Internet auprès d'un antiquaire anglais... qui encaissait le règlement mais ne livrait pas la marchandise. Désormais les victimes s'adresseront directement à la DGCCRF qui contactera son homologue sur place. Et réciproquement si, par exemple, des touristes britanniques subissent une escroquerie en France. Les moyens de la DGCCRF seront accrus en conséquence. De même dans l'immobilier, à la demande des professionnels eux-mêmes, les procédures de contrôle seront renforcées.

L'article 6 supprime toute base légale à la non-rémunération des dépôts. Certes, un arrêté de 2005 a déjà tiré les conséquences de la jurisprudence communautaire. Mais la Commission européenne demande à la France d'aller plus loin et d'inscrire dans la loi que l'interdiction de rémunération est prohibée. Avec cet article, nous espérons faire émerger une concurrence dont les premiers bénéficiaires seront les clients.

En transposant la directive « homme, femme », l'article 9 rappelle le principe de non discrimination en fonction du sexe dans les assurances. Mais la loi ne peut abolir toutes les différences entre hommes et femmes. (Sourires) Et nous pouvons inscrire dans notre droit la possibilité pour les assureurs de proposer des contrats distincts aux représentants des deux sexes, en s'appuyant sur des critères statistiques. C'est une pratique tarifaire courante dans notre pays, comme en Allemagne ou au Royaume-Uni. Si la prime d'assurance décès peut être moins chère pour les femmes, c'est que celles-ci vivent généralement plus longtemps. La prime d'assurance automobile peut être plus élevée pour les hommes, parce que leurs accidents sont en moyenne plus graves que ceux des femmes. Preuve qu'il y a des injustices de nature dont il est juste que les assureurs puissent tenir compte. (Même mouvement)

La mobilité, pour les personnes, implique de pouvoir se déplacer sans inconvénients, travailler à l'étranger dans de bonnes conditions, communiquer à des prix raisonnables d'un pays à l'autre, bénéficier des mêmes services sur l'ensemble du territoire européen. Le projet de loi achève la transposition de la directive assurance automobile. Un assureur ne pourra plus résilier un contrat de responsabilité civile automobile, ou modifier la prime, au motif que le véhicule séjourne dans un autre État membre.

Travailler à l'étranger est possible depuis longtemps. Mais ce sont quinze directives différentes qui assurent la reconnaissance des qualifications professionnelles ! L'article 5 habilite donc le Gouvernement à transposer la directive qui harmonise et simplifie tous les textes précédents. Plus de cent professions relèveront désormais de la même base. La circulation des personnes qualifiées en Europe deviendra plus simple pour les citoyens, plus sûre pour les États.

Pour téléphoner sans se ruiner d'un pays européen à l'autre, un règlement de juin dernier impose déjà aux opérateurs des plafonds tarifaires. Mais ce règlement ne s'applique pas au sein d'un même pays, entre les territoires ultramarins et la métropole par exemple. Ainsi un Roumain en vacances en Martinique paye aujourd'hui ses appels vers Paris moins cher qu'un commerçant nantais venu pour affaires. Notre texte y remédie.

Une meilleure régulation pour les marchés, c'est peut-être la tâche la plus urgente des gouvernements européens. Je tire deux leçons essentielles de la crise de cet été. Notre place financière a montré ses atouts, résistant mieux que d'autres. Nos efforts de sécurité et de stabilité ont payé. La régulation n'entrave pas le bon fonctionnement du marché, elle l'améliore. On l'a constaté aussi, les turbulences n'ont épargné personne. Aucune réglementation, aucun barrage ne met aujourd'hui un pays à l'abri. C'est que la régulation est par nature transnationale. Pour être bien protégé, il faut s'ouvrir. Pour tirer son épingle du jeu, il faut jouer à plusieurs.

Notre politique de régulation doit reposer sur trois piliers. Intégration de la place, parce que la régulation est plus efficace sur un marché non cloisonné. Transparence, pour que la régulation s'appuie sur des informations connues de tous. Compétitivité, enfin, car une régulation intelligente attirera les investisseurs étrangers. L'article 7 vise à transposer les directives marchés d'instruments financiers (MIF) et « Bâle Il ». La directive MIF supprime la centralisation des ordres sur les marchés réglementés. La concurrence entre bourses européennes en sera accrue et les frais de transaction réduits. La fusion entre le NYSE et Euronext l'a montré : on est plus fort quand on n'est pas seul.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Tout à fait !

Mme Christine Lagarde, ministre. - La directive MIF renforce les moyens de coopération entre superviseurs européens. Et au niveau international, « Bâle Il » modernise les règles prudentielles du système bancaire, en garantissant une meilleure adéquation entre fonds propres et niveau de risque. A terme, toutes les banques du monde devraient être soumises à ces « principes de précaution universels ».

Plus de compétitivité : j'ai décidé de mettre en place un haut comité chargé d'identifier les freins au développement de la place de Paris et de proposer des solutions. Oui, Paris peut redevenir la grande place financière qu'elle était encore il y a quelques années -et même concurrencer Londres- en offrant un environnement plus agréable...

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Moins de brouillard !

Mme Christine Lagarde, ministre. - ...plus sûr et plus stable qu'ailleurs. L'article 2 habilite le Gouvernement à moderniser le cadre juridique applicable aux fonds communs de créances, notamment à élargir leur objet à la titrisation des risques d'assurance, aujourd'hui malaisée à réaliser en France. Les assureurs tireront demain parti du dynamisme des marchés financiers. Le coût de la réassurance baissera. A l'heure où la titrisation suscite tant de débats, montrons qu'elle est possible et profitable, dans un cadre réglementaire sérieux. L'agrément unique par l'autorité du pays d'origine permettra en outre d'exercer l'activité de réassurance dans l'ensemble de l'espace économique européen.

Le strict respect des normes européennes ne s'oppose pas à l'élaboration d'une véritable politique économique pour notre pays, pragmatique dans ses moyens mais fondée sur des convictions fortes. Parce que nous croyons à l'individu, nous voulons lui donner tous les moyens de s'épanouir. Parce que nous croyons à l'Europe, nous voulons lever les derniers obstacles à la libre circulation des personnes. Parce que nous croyons au capitalisme, nous voulons trouver pour les marchés la meilleure régulation possible. (Applaudissements à droite)

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Se situant quelque part entre transposition et habilitation, ce texte est d'apparence ingrate : cela ne saurait décourager la commission des finances qui le prend très au sérieux. Notre place est souvent à Bruxelles, auprès des services de la commission, quand les idées naissent et risquent de déboucher sur de nouvelles normes. Notre droit n'est plus le droit positif auquel nous étions accoutumés, il est de plus en plus influencé par un corpus de jurisprudences qui chaque année se précise davantage. Notre rôle est d'être au fait de ces sujets pour que le Parlement et le Gouvernement soient informés des enjeux.

Quand on transpose, on est au bout de la chaîne. Les enjeux d'aujourd'hui sont les textes communautaires en cours d'élaboration, qui appelleront les transpositions de demain. La commission des finances a, à plusieurs reprises, souhaité intervenir dans les débats ; nous nous sommes efforcés de jouer un rôle dans tout le processus qui a conduit à ce texte communautaire.

Bien des sujets techniques ne peuvent être mis en forme que dans le cadre d'habilitations soumises au Parlement par le Gouvernement. Je rappelle une nouvelle fois que la procédure des ordonnances n'est pas un dessaisissement total du Parlement car celui-ci vote l'habilitation sur la base de principes et ratifie en amendant au besoin.

Ce projet de loi comporte deux séries de dispositions, les unes d'ordre économique, les autres strictement financières. Les articles 3 et 4 ne présentent que des avantages puisqu'ils devraient apporter de meilleures conditions tarifaires pour les communications téléphoniques. L'article 10 tire les conséquences du règlement communautaire d'octobre 2004 ; Mme la Ministre nous a convaincus.

Pas, en revanche, pour l'article 5, qui porte sur les conditions dans lesquelles un étranger communautaire peut venir exercer son métier sur notre territoire. Plus d'une centaine de professions sont concernées et nous ne connaissons pas le contour exact de cette disposition. Nous voudrions être sûrs que l'on ne va pas démonter nos protections plus que les autres. (M. Fourcade approuve) Nous connaissons les difficultés, les corporatismes ; la commission Attali fait peur à certaines professions. Il faudra donc nous éclairer et nous rassurer pour que nous n'en restions pas à notre amendement de suppression.

La crise financière de l'été n'est pas seulement celle des subprimes : l'onde aurait aussi bien pu venir d'ailleurs. Nous vous soutiendrons au nom de la compétitivité du territoire national. Je le rappelle après ce qui a été décidé par la commission des finances de l'Assemblée nationale sur la fiscalité des valeurs mobilières, nous avons un objectif essentiel, qui mérite beaucoup de sacrifices : l'attractivité de notre territoire. C'est la seule solution pour élargir la masse globale de richesse sur laquelle peut compter ce pays, et l'État pour lever des taxes. Mieux vaut taxer une assiette large qu'une étroite ! (M. Charles Pasqua approuve)

La supervision est un élément clé de l'attractivité, c'est un équilibre entre attractivité et sécurité : il faut beaucoup de mouvement et aussi de transparence. L'originalité de la crise financière de l'été aura été le caractère à la fois transversal et global de l'onde de choc. La banque de Saxe a ainsi perdu l'essentiel de ses fonds propres parce qu'elle avait souscrit à un fonds monétaire dynamique qui avait des actifs dans des dérivés financiers qui étaient eux-mêmes tenus par des emprunteurs non solvables. Les risques n'étant plus limités par les frontières, il faut faire évoluer les principes de la régulation, qui ont encore un caractère très vertical. Les banques, les assurances, les marchés financiers, à chaque fois une autorité de contrôle. Ces autorités, bien sûr, se coordonnent mais les règles qu'elles appliquent restent propres à chaque secteur, ce qui peut faire obstacle à une prise en compte globale et réaliste des risques.

La commission des finances souhaite qu'on réfléchisse à une évolution de notre architecture de régulation. Le président Arthuis et moi différons parfois un peu sur l'avenir de l'Union mais, pas sur ce sujet : nous considérons que les régulateurs devront se rapprocher aux plans national et européen.

Les régulateurs devraient se rapprocher, tant au plan national qu'au plan européen.

La BCE a besoin d'avoir tous les tableaux de bord, toutes les données issues du système de régulation, pour assurer une intervention bien proportionnée, suffisamment réactive, et qui suscite la confiance du marché et des professionnels. S'il convient de se garder de critiquer la BCE dans l'exercice de responsabilités précisément décrites par le traité, et qu'elle est obligée d'assumer, reste que deux difficultés structurelles demeurent. Outre le caractère diffus des systèmes de régulation, le flou, voire le vide dans lequel se trouvent certains interlocuteurs importants, dont les agences de notation, pour apprécier la réalité des risques, pose problème. Lors de la discussion du projet de loi sur la sécurité financière, en 2003, quand je sollicitais, au nom de la commission, certaines compétences pour l'AMF, que je demandais qu'elle délivre périodiquement un rapport, votre prédécesseur me répliquait que les agences de notation n'étaient en somme que des prestataires privés rémunérés par les entreprises, et ne pouvaient entrer dans le système de régulation. « Circulez, il n'y a rien à voir. » Aujourd'hui, éclairé par l'observation des phénomènes récents, notamment ceux de cet été, on se rend compte que l' AMF peine à produire son rapport sur ces agences, auxquelles on a demandé, comme cela est logique, de conserver leurs archives quelques années.

La BCE a certainement besoin de s'appuyer sur un dispositif plus complet et plus pertinent mais surtout, elle gagnerait beaucoup à être plus transparente dans ses analyses, à livrer des comptes rendus, comme le font d'autres banques centrales, de ces réunions internes, à faire connaître régulièrement quelle est son analyse de l'évolution des marchés pour la faire porter non seulement sur son objectif de maîtrise de l'inflation mais aussi sur les niveaux de valorisation des actifs à risques.

La crise de la fin de l'été devrait nous servir de leçon : est-on certain qu'il n'y a pas, sur le territoire de la zone euro, de poches à risques, comme on l'a vu pour l'immobilier américain, de bulles susceptibles d'éclater sur tel ou tel segment de marché ? La Banque centrale devrait mener un examen régulier et communiquer sur les appréciations issues des délibérations de ses instances.

Il serait certes préjudiciable de caricaturer les interventions de la BCE : trop souvent, on assiste à une absence convenue de dialogue entre les parties. Mais qui oserait dire que tout est parfait dans la mise en oeuvre du système de l'euro, que l'on n'a pas besoin de plus de transparence dans l'analyse de la situation économique ? C'est cette approche qui nous sortira des débats convenus et préparera, pour notre pays, dans la perspective de la présidence de l'Union, en 2008, une place au coeur de l'Europe. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Nicole Bricq. - Les textes portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire sont souvent disparates. Celui-ci n'échappe pas à la règle. Certains articles sont bons, d'autres le sont moins, d'autres pas du tout, quand ils ne sont pas carrément dangereux.

Est bon tout ce qui a trait à l'extension des droits des consommateurs. Comme en matière d'environnement, l'Union européenne nous oblige à avancer dans le bon sens. Je pense aux articles 1,3 et 10. L'article 6 autorise la rémunération des comptes courants, sujet qui a fait couler beaucoup d'encre. Il prend acte de la jurisprudence européenne, dont l'arrêt Caixa condamne la réglementation française.

M. Philippe Marini, rapporteur. - Tout à fait.

Mme Nicole Bricq. - Et nous attendons toujours que les banques de détail, dont les frais ne cessent d'augmenter, donnent à chaque titulaire de compte un relevé annuel de leurs frais. C'est ce que fait la Grande-Bretagne, où les tarifs sont plafonnés à l'année.

L'article 9 laisse perdurer une discrimination qui, même si elle se veut positive, est contraire au principe d'égalité inscrit dans les directives européennes. M. Marini relève, dans son rapport, que la Halde n'a pas été consultée. Saisie par Mme Schillinger, qui s'étonnait de voir vanter, dans une publicité, les tarifs préférentiels d'assurance automobile accordés aux jeunes femmes, la Haute autorité a pris, en avril 2007, une délibération appelant l'attention sur la nécessité de veiller, lors des travaux de transposition, à la réduction des écarts de tarifs d'assurances, notamment quand celles-ci sont rendues obligatoires par le législateur. Pour être intervenue, lorsque j'étais députée, sur le sujet épineux du travail de nuit, j'insiste sur la nécessité d'assurer l'égalité dans tous les domaines, y compris celui de l'assurance.

Notre rapporteur nous propose d'ajouter un article additionnel après l'article 8, visant à introduire une procédure de récusation d'un membre de la commission des sanctions de l'AMF. Sans doute son attention aura été attirée par des cas précis dont il s'expliquera...

Les articles 2 et 5, sur lesquels je concentrerai mon propos, tendent à autoriser le gouvernement à légiférer par ordonnance. C'est une procédure dont aucun parlementaire n'aime voir abuser, même si elle peut parfois satisfaire l'intérêt général. Encore faut-il que l'habilitation soit suffisamment encadrée, que son objet ne soit pas laissé a une appréciation technicienne et que la portée en soit pleinement appréciable. Notre rapporteur général juge l'habilitation sur les qualifications professionnelles demandée à l'article 5 hâtive et tardive, relevant que le Parlement n'a à aucun moment été associé aux travaux des services de l'État, s'inquiétant des incertitudes sur la libre prestation de services et de l'absence d'élément comparatif de la variable de transposition qu'utilisent les autres États. Il note en outre que l'on ne dispose pas de la liste des professions visées. Toutes ces raisons l'ont conduit à proposer un amendement de suppression de l'article, comme l'a fait le groupe CRC. Nous l'approuvons.

L'article 2 tend à habiliter le Gouvernement à transposer la directive réassurance et à organiser le régime des fonds communs de créances qui deviennent fonds communs de titrisation, en l'attente de la directive dite Solvability II, qui refondra la régulation prudentielle de l'Union européenne.

Tout au long des négociations, la France a insisté sur l'importance de ce secteur pour la stabilité financière et sur le degré élevé de sécurité qu'elle souhaitait. L'activité de réassurance étant internationale, l'harmonisation du traitement des réassurances extérieures à l'Union est une question clé, de même que celle de la clause de nantissement. Surtout, la question de la titrisation est centrale dans le contexte de turbulence financière que nous avons connu cet été. Le battement d'ailes du papillon a été l'insolvabilité des ménages à Sacramento et Détroit, qui a contraint la BCE à injecter des centaines de milliards d'euros sur le marché monétaire.

Au moment même où nous débattons, nous ne pouvons encore chiffrer avec exactitude les conséquences de cette crise sur les économies.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - C'est vrai !

Mme Nicole Bricq. - Mais il est évident que la croissance des deux prochaines années s'en trouvera affectée. En injectant des liquidités, la BCE s'est portée au secours des banques et des établissements de crédit qui ne pouvaient plus échanger entre eux et les places bancaires s'en trouveront durablement affectées. L'extrême sophistication du traitement du risque a eu une place essentielle dans l'enchainement fatal dont le déroulement est désormais bien connu. L'inventivité financière étant sans limite, on se trouve en présence de produits identiques à des pâtes feuilletées dont chaque couche présente un niveau de risque différent et plus le risque est élevé, meilleure est la rémunération du preneur. Le fait de ne plus savoir ce que l'on a en portefeuille conduit à la défiance dans un secteur où la confiance est vitale. Or c'est dans le secteur de la réassurance que l'on nous demande d'ouvrir en grand les vannes de la titrisation.

Notre rapporteur nous demande de ne pas jeter l'opprobre sur une catégorie d'acteurs et de faire la part des choses entre la mutualisation et la diffusion ou la dispersion des risques et il nous demande d'adopter l'article 2 au nom de la compétitivité de la place de Paris. Je n'ignore pas que l'Île-de-France et Paris sont partenaires au sein du pôle de compétitivité mondiale « finance innovation ». Cela ne justifie pas pour autant que nous votions cet article alors que les leçons de la crise bancaire en matière de régulation publique n'ont pas été tirées. Nous ne saurions faire le dos rond en attendant la prochaine crise décennale -le rythme en est désormais régulier, une bulle chassant l'autre.

Nous sommes loin de la destination originelle de la titrisation puisque nous sommes passés d'une logique de financement à l'éloignement du risque pour celui qui le couvre initialement. Dans le domaine de l'assurance, la titrisation existe déjà avec les catbonds d'Axa qui sont des titres affectés au risque de catastrophe naturelle. La même compagnie a lancé en 2006 un programme de couverture du risque de surmortalité et une nouvelle génération de titrisation de portefeuille automobile. La directive permettra d'ouvrir des marchés autrement plus larges en permettant un total accès à ces produits, ce qui banalise le transfert de risque pour les sociétés d'assurance. En raison du rapprochement des techniques bancaires et assurantielles, il s'agira de sélectionner les risques les plus profitables et de permettre une appréciation de la valeur boursière des sociétés d'assurance.

Nous ne pensons pas qu'il faille bouleverser le schéma traditionnel de réassurance et nous mettons en garde le Gouvernement qui veut légiférer par ordonnance. Ce faisant, il encourage la recherche des gains boursiers sans avoir réglé la question de la responsabilité des agences de notation vis-à-vis des investisseurs, sans donner aux autorités publiques le moyen de connaître les bilans en temps réel, sans attendre que l'Europe se dote d'un superviseur à l'échelle de l'Union.

J'ai bien noté, Mmdame la ministre, que lors de la réunion du G7 de la semaine prochaine, vous plaiderez en faveur d'une réglementation plus contraignante sur ces fameux véhicules et que vous demanderez une standardisation des degrés de sécurité. Nous souhaitons que vous soyez entendue. Mais compte tenu des intérêts en jeu, cela demandera du temps. La puissance publique doit avoir son mot à dire. Je ne suis pas d'accord avec vous, madame la ministre, lorsque vous dites que l'information sera disponible lors des autorisations de mise sur le marché. Il nous faudra contrôler étroitement les acteurs financiers pour nous assurer qu'ils ne prennent pas de risques excessifs que la collectivité devrait prendre en charge par la suite, comme l'a fait la BCE lors de la récente crise financière.

En attendant, vous nous demandez un blanc-seing pour avancer dans une financiarisation déjà bien excessive. Nous le refusons nettement.

M. Jean-Pierre Fourcade. - Ce projet de loi de transposition est complexe, technique, mais je tiens, au nom du groupe UMP, à vous donner acte, madame la ministre, de l'avoir rapidement présenté au Parlement ce qui nous permet de rattraper notre retard en matière de transposition, retard qui nous est régulièrement reproché par les instances européennes.

Ce texte couvre divers domaines : la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs, l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes -j'eusse aimé qu'on veillât aussi à l'égalité entre les jeunes et les moins jeunes car les assurances surtaxent les jeunes, ou leurs parents. (Sourires) Dans le domaine financier, ce texte tire les conséquences législatives d'une jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes concernant la rémunération des comptes courants et il complète le dispositif de transposition en matière d'information sur les émetteurs dont les valeurs mobilières sont admises à la négociation sur un marché réglementé. Dans le domaine des télécommunications, il améliore la circulation de l'information et garantit les droits des personnes. Je suis particulièrement sensible au fait que ce projet de transposition améliore les pouvoirs de la direction que j'ai eu l'honneur de diriger et permet une meilleure protection des consommateurs.

Ce projet de loi est intéressant mais ce serait une erreur de n'y voir qu'un texte technique, sans réelle portée normative ou conséquence concrète. La politique européenne reste encore trop isolée de la vie politique nationale, alors que l'une et l'autre sont de plus en plus imbriquées et que la première pèse de plus en plus sur la seconde. Cette tendance lourde conduit à une forme de marginalisation des parlements nationaux qui voient leur champ de compétence et leur pouvoir législatif se réduire. Vous nous demandez, madame la ministre, de vous permettre de transposer par ordonnance. Mme Bricq vous a dit que le Parlement n'y était pas très favorable. Il faut pourtant l'accepter lorsqu'il s'agit de directives qui améliorent le fonctionnement du marché, mais il faut que les parlementaires s'impliquent plus dans les questions européennes, notamment en amont du processus de décision communautaire. Le Sénat dispose déjà d'une antenne à Bruxelles et d'une délégation pour l'Union européenne. En outre, toutes nos commissions tiennent compte, lorsqu'elles examinent un projet de loi, de l'adaptation de notre législation à la dimension européenne.

Dans le cadre de la modernisation de nos institutions et du travail parlementaire que nous appelons de nos voeux, nous attendons avec impatience les propositions de la commission Balladur. Les États doivent conserver évidemment des marges de manoeuvre, notamment par le jeu des options. Mais dans le domaine financier, le diable niche bien souvent dans les détails. (M. le rapporteur général s'exclame)

Comme nous y invite notre excellent rapporteur général, nous devons regarder de façon précise les conséquences des directives que l'on nous demande de transposer afin de comprendre quelles en seront les conséquences pratiques. Si les dispositions relatives aux consommateurs, aux clients bancaires, aux automobilistes vont dans le bon sens, l'article 5 relatif aux qualifications professionnelles pose problème puisqu'il remet partiellement en cause les professions règlementées. Il faudra bien sûr un jour s'occuper de ces professions, mais je trouve aujourd'hui un peu rapide que le Gouvernement nous demande de traiter de ce problème par ordonnance pour transposer la directive de 2005. Comme l'a dit courtoisement notre rapporteur général, nous attendons qu'il nous dise ce qu'il envisage de faire sur cette question.

De même, vous avez traité, madame la ministre, de la question de la régulation des marchés financiers en rappelant l'importante crise financière de l'été dernier qui nous a épargné un peu plus que les autres car notre système bancaire fut moins imprudent en matière de placements à risque.

Notre rapporteur général souhaite une coopération renforcée entre les autorités de régulations nationales, et il propose d'associer formellement l'AMF au processus de reconnaissance des organismes externes d'évaluation de crédit par la commission bancaire. Les différents organismes de notation devront également modifier leurs approches et leurs méthodes de jugement. J'attends les recommandations du rapport qui sera prochainement publié sur le sujet.

Est traitée enfin la question de la régulation de la gouvernance des marchés financiers aux plans européen et mondial. M. Marini a évoqué de manière habile l'insuffisante information de la Banque centrale européenne (BCE) ; il est clair que celle-ci n'est pas aussi réactive que la Fed américaine, l'analyse de leurs comportements respectifs sur une longue période le montre aisément. A défaut de critiques, nous sommes fondés à suggérer des adaptations. En matière de taux de change, la BCE est quelque peu paralysée par son attachement aux doctrines chères, en leur temps, à la Deutsche Bank et à la Banque de France.

Nous savons, madame la ministre, pouvoir compter sur votre volonté de dialogue avec la représentation nationale. Nous soutenons votre action au niveau international comme votre conduite de la politique ambitieuse de modernisation économique et fiscale voulue par le Président de la République. Si nous avons passé sans trop de difficulté les turbulences récentes, nous devons en tirer toutes les conséquences en termes de régulation, d'information et de transparence. Le groupe UMP votera ce texte. (Applaudissements à droite)

M. Thierry Foucaud. - Voici un nouveau texte destiné à inscrire dans notre droit des décisions d'essence communautaire -à l'élaboration desquelles gouvernements et parlements nationaux participent peu. Son examen aurait mérité un autre débat que celui que nous avons aujourd'hui. Une large part de la législation transposée est subie, qui ne fait que mettre en application les grandes orientations de l'Union européenne, celles-là mêmes que le peuple français a rejetées en 2005. Pour faire bonne mesure, plusieurs articles du présent texte proposent une transposition par voie d'ordonnance, procédure dont les gouvernements récents ont usé et abusé -pas moins de 196 fois entre 2002 et 2006, 85 pour la seule année 2005, déjà 14 en 2007.

Les textes transposés visent pour l'essentiel à permettre l'instauration d'un marché des capitaux et des services d'investissement libre, transparent et sécurisé -au sens, bien sûr, où l'entendent les libéraux de Bruxelles. M. Marini relève d'ailleurs dans son rapport les préoccupations légitimes des différents acteurs face à une intégration toujours plus grande des activités financières. On a vu, avec la crise des subprimes aux États-Unis, les risques systémiques d'une telle intégration. Au-delà du cas de Northern Rock, on sait que nombre d'établissements de crédit, y compris en France, risquent de subir des pertes importantes.

Les conditions du débat, comme le fond du texte, nous conduisent à rejeter celui-ci.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article 1er

Le code des assurances est modifié ainsi qu'il suit :

I. - Avant le premier alinéa de l'article L. 124-3, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable. » ;

II. - Le premier alinéa de l'article L. 211-1 est ainsi modifié :

1° Les mots : « terrestre à moteur, ainsi que ses remorques ou semi-remorques, » sont supprimés et les mots : « lesdits véhicules » sont remplacés par les mots « celui-ci » ; 

2° Il est ajouté une phrase ainsi rédigée : « Pour l'application du présent article, on entend par « véhicule » tout véhicule terrestre à moteur, c'est-à-dire tout véhicule automoteur destiné à circuler sur le sol et qui peut être actionné par une force mécanique sans être lié à une voie ferrée, ainsi que toute remorque, même non attelée. » ;

III. - L'article L. 211-4 est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Cette assurance ne peut être résiliée et sa prime ne peut être modifiée au motif d'un séjour du véhicule dans un État membre de la Communauté européenne autre que la France pendant la durée du contrat. » ;

2° Le dernier alinéa est supprimé.

IV. - Après l'article L. 211-4, il est inséré un article L. 211-4-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 211-4-1. - Le véhicule est réputé avoir son lieu de son stationnement habituel en France :

« 1° Lorsqu'il porte une plaque d'immatriculation qui lui correspond et qui a été délivrée par les autorités françaises ;

« 2° Lorsque, bien que soumis à l'obligation d'immatriculation en France, il est dépourvu de plaque d'immatriculation ou porte une plaque qui ne lui correspond pas ou ne lui correspond plus et que l'accident survient sur le territoire français ;

« 3° Lorsqu'il n'est pas soumis à l'obligation d'immatriculation et que la personne qui en a la garde est domiciliée en France. »

V. - Aux deuxièmes phrases des articles L. 351-6-1 et L. 362-3, les mots : « , qui sont exclusives de toute opération d'assurance pour le compte de l'entreprise qu'il représente au titre de la gestion des sinistres, » sont supprimés ;

VI. - L'article L. 421-1 est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. L. 421-1. - I. - Le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages indemnise, dans les conditions prévues aux 1° et 2° suivants, les victimes ou les ayants droit des victimes des dommages nés d'un accident survenu en France dans lequel est impliqué un véhicule au sens de l'article L. 211-1.

« 1° Le fonds de garantie indemnise les dommages résultant d'atteintes à la personne :

« a) Lorsque le responsable des dommages est inconnu ;

« b) Lorsque le responsable des dommages n'est pas assuré, sauf par l'effet d'une dérogation légale à l'obligation d'assurance ;

« c) Lorsque l'assureur du responsable est totalement ou partiellement insolvable, dans les situations non couvertes par les dispositions de la section 6 du présent chapitre ;

« 2° Le fonds de garantie indemnise les dommages aux biens, dans les conditions et limites fixées par un décret en Conseil d'État :

« a) Lorsque le responsable des dommages est inconnu, sous réserve que l'accident ait causé une atteinte à la personne ;

« b) Lorsque le responsable des dommages est identifié mais n'est pas assuré, sauf par l'effet d'une dérogation légale à l'obligation d'assurance ;

« c) Lorsque l'assureur du responsable est totalement ou partiellement insolvable, dans les situations non couvertes par les dispositions de la section 6 du présent chapitre.

« Dans le cas d'un accident impliquant un véhicule expédié d'un État membre de la Communauté européenne vers la France et survenant dans les trente jours suivant l'acceptation de la livraison du véhicule par l'acheteur, le fonds de garantie est tenu d'intervenir au titre du b du 1° et du b du 2° quel que soit l'État membre sur le territoire duquel survient l'accident.

« Lorsqu'il intervient au titre du c du 1° et du c du 2° ci-dessus pour prendre en charge, pour le compte de l'entreprise en liquidation, le règlement des dommages mentionnés à l'article L. 211-1, le fonds de garantie ne peut exercer aucun recours contre les assurés et souscripteurs de contrats pour le recouvrement des indemnités qu'il a versées.

« II. - Le fonds de garantie indemnise également, dans les conditions prévues aux 1° et 2° suivants, les victimes ou les ayants droit des victimes de dommages nés d'un accident de la circulation causé, dans les lieux ouverts à la circulation publique, par une personne circulant sur le sol ou un animal.

« 1° Le fonds de garantie indemnise les dommages résultant d'atteintes à la personne :

« a) Lorsque la personne responsable du dommage est inconnue ou n'est pas assurée ;

« b) Lorsque l'animal responsable du dommage n'a pas de propriétaire ou que son propriétaire est inconnu ou n'est pas assuré ;

« 2° Le fonds indemnise les dommages aux biens, dans les conditions et limites fixées par décret en Conseil d'État :

« a) Lorsque la personne responsable du dommage est identifiée mais n'est pas assurée ;

« b) Lorsque la personne responsable du dommage est inconnue, sous réserve que l'accident ait causé une atteinte à la personne ;

« c) Lorsque le propriétaire de l'animal responsable du dommage n'est pas assuré ;

« d) Lorsque l'animal responsable du dommage est identifié mais n'a pas de propriétaire ;

« e) Lorsque l'animal responsable du dommage n'est pas identifié, sous réserve que l'accident ait causé une atteinte à la personne.

« III. - Lorsque le fonds de garantie intervient au titre du I et II du présent article, les indemnités doivent résulter soit d'une décision juridictionnelle exécutoire, soit d'une transaction ayant reçu l'assentiment du fonds de garantie.

« Lorsque le fonds de garantie intervient au titre du I et II du présent article, il paie les indemnités allouées aux victimes ou à leurs ayants droit qui ne peuvent être prises en charge à aucun autre titre lorsque l'accident ouvre droit à réparation. Les versements effectués au profit des victimes ou de leurs ayants droit et qui ne peuvent pas donner lieu à une action récursoire contre le responsable des dommages ne sont pas considérés comme une indemnisation à un autre titre.

« IV. - Le fonds de garantie est également chargé de gérer et de financer, à compter de l'exercice 2003, les majorations de rentes prévues à l'article 1er de la loi n° 74-1118 du 27 décembre 1974 relative à la revalorisation de certaines rentes allouées en réparation du préjudice causé par un véhicule terrestre à moteur et à l'article 1er de la loi n° 51-695 du 24 mai 1951 portant majoration de certaines rentes viagères, au titre des états justificatifs certifiés. Les créances relatives aux majorations de rentes visées au présent alinéa se prescrivent dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Le fonds peut contrôler sur pièces et sur place l'exactitude des renseignements fournis par les organismes débirentiers.

« V. - Le fonds de garantie peut financer, selon des modalités et dans des limites fixées par décret en Conseil d'État, des actions visant à réduire le nombre des accidents de la circulation et à prévenir l'absence d'assurance de responsabilité civile automobile.

« VI. - Le fonds de garantie est l'organisme chargé des missions mentionnées aux articles L. 424-1 à L. 424-7. »

M. le président. - Amendement n°1, présenté par M. Marini au nom de la commission.

Dans le premier alinéa du texte proposé par le IV de cet article pour l'article L. 211-4-1 du code des assurances, après les mots :

son lieu de

supprimer le mot :

son 

L'amendement rédactionnel n°1, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article premier, modifié, est adopté.

Article 2

Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d'ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la date de publication de la présente loi, les dispositions relevant du domaine de la loi nécessaires pour transposer la directive 2005/68/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2005 relative à la réassurance et modifiant les directives 73/239/CEE et 92/49/CEE du Conseil ainsi que les directives 98/78/CE et 2002/83/CE et pour moderniser le cadre juridique applicable aux fonds communs de créances et notamment élargir leur objet à la titrisation des risques d'assurance.

Le projet de loi portant ratification de cette ordonnance est déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du troisième mois suivant la publication de cette ordonnance.

M. le président. - Trois amendements sont en discussion commune.

Amendement n°9, présenté par M. Foucaud et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

M. Thierry Foucaud. - Cet article autorise le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour transposer une directive européenne relative aux activités de réassurance. Toutes les entreprises de réassurance, quel que soit leur pays d'origine, pourront demain, pourvu qu'elles respectent leurs règles prudentielles nationales, proposer leurs services dans tous les États de l'Union. Le recours à la titrisation d'un certain nombre de titres détenus par ces mêmes entreprises, s'il peut être interprété comme une avancée -toute relative eu égard aux évolutions récentes- pour la place de Paris doit surtout être considéré comme un outil de plus mis à la disposition des opérations financières les plus discutables. Est-on certain de la qualité des mesures prudentielles prises par chacun des pays membres de l'Union européenne ? Ne risque-t-on pas de nouvelles mésaventures financières ?

Pour ces motifs, nous demandons la suppression de l'article 2.

M. le président. - Amendement identique n°12, présenté par Mme Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

Mme Nicole Bricq. - J'ai dit, dans la discussion générale, les raisons de forme et de fond qui nous conduisent à proposer la suppression de l'article 2.

Mme la ministre, comme sa majorité, insistent volontiers sur la nécessité de transposer rapidement les directives ; mais certaines sont transposées plus vite que d'autres ! Mme Keller a justement rappelé qu'en matière d'environnement, notre retard était très grand -le contentieux en la matière en témoigne. N'allons pas tirer prétexte ici de l'urgence quand, là, on n'évoquerait que des contretemps...

M. le président. - Amendement n°2, présenté par M. Marini au nom de la commission.

Compléter le premier alinéa de cet article par les mots :

, en veillant à une information transparente et sincère des investisseurs

 

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Les acteurs de la titrisation ont été désignés, de manière excessive à mes yeux, comme responsables de la crise de cet été. La technique suppose cependant une évolution des modes de régulation et une information aussi détaillée et sincère que possible.

D'où notre amendement visant à inscrire clairement dans le texte l'objectif d'une information sincère et transparente poursuivi par le Gouvernement. Avis défavorable aux amendements identiques n°s9 et 12.

J'en viens à des considérations plus générales sur la titrisation. La fiducie, créée par la loi du 19 février 2007, offre un cadre plus sécurisé pour la titrisation que le fonds commun de créance, et demain, le fonds commun de titrisation. Madame la ministre, quelle sera l'articulation entre ces différents outils ? Par ailleurs, notre commission déplore que la qualité de fiduciaire ait été limitée aux établissements de crédit, aux entreprises d'investissement et aux entreprises d'assurances. Si cette qualité était étendue aux professions juridiques réglementées, cela encouragerait le développement de la fiducie. Cette position est partagée par notre commission des lois, qui avait défendu un amendement en ce sens.

Enfin, quelques mots sur l'attractivité de la place de Paris. Le lancement du Haut Comité de Place, dont je me réjouis, permettra de la renforcer. Nous marquerons des points dans la concurrence avec Londres en utilisant au mieux nos avantages compétitifs -je pense notamment à la grande technicité de nos mathématiques financières. Ne négligeons pas ces facteurs de richesse et d'innovation. La commission des finances y reviendra lors de l'examen de la loi de finances en proposant la création d'un régime fiscal adapté aux hauts cadres financiers pour attirer les talents et, partant, de nouvelles recettes fiscales.

Madame la ministre, pouvez-vous nous apporter des compléments d'information sur ces deux sujets ?

Mme Christine Lagarde, ministre. - Le Gouvernement est défavorable aux amendements n°s9 et 12, car il nous faut transposer la directive « réassurance » pour réformer les opérations de titrisation. En revanche, avis favorable à l'amendement n°2 : nous souscrivons pleinement à l'objectif d'une meilleure information.

Monsieur Marini, s'agissant des turbulences financières que nous avons connues cet été, je partage votre analyse : on a eu trop tendance à l'attribuer au marché hypothécaire américain, aux subprimes, mais l'élément déclenchant aurait pu venir d'ailleurs. Par parenthèse, cet épisode montre qu'il y a bien urgence, madame Bricq, à mieux réguler des instruments financiers déjà utilisés. Cette crise s'est propagée par capillarité et transformée en crise de liquidités, c'est-à-dire au premier chef en crise de confiance. La sous-évaluation des risques par les agences de notation est certainement en cause. C'est pourquoi, sous l'impulsion du Président de la République et de Mme Merkel, une dizaine de propositions a été soumise à l'Ecofin pour améliorer la gouvernance des agences de notation, notamment en mettant fin aux éventuels conflits d'intérêts, et établir des codes de bonne pratique -l'appropriation des mécanismes par les acteurs est toujours un gage de réussite. Nous suggérons, entre autres, de rendre obligatoires la consultation de certains documents ou encore l'analyse des liquidités pour établir la notation. La plupart de nos partenaires européens se sont ralliés à cette initiative franco-allemande, que nous porterons collectivement lors de la prochaine réunion du FMI fin octobre.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Très bien !

Mme Christine Lagarde, ministre. - Durant cette crise, la France a été préservée des turbulences qu'ont connues les marchés américain, allemand et anglais. La Banque de France, grâce à la relation étroite qu'elle entretient avec notre organe de régulation, la commission bancaire, a pu rapidement se réapprovisionner, à la différence des petits épargnants anglais, qui ont dû faire la queue aux portes des banques. Bref, il faut adopter cet article 2 car la France, compte tenu de la situation actuelle, bénéficie d'un bon indice de sécurité et d'un bon système de régulation.

J'en viens au renforcement de l'attractivité de la place de Paris. La première étape était de réunir les acteurs de place et les collectivités de Paris et d'Ile-de-France pour obtenir notre labellisation comme pôle de compétitivité mondial -Mme Bricq y a fait allusion-, ce qui fut fait avec la création de « finance innovation » en juillet dernier. Deuxième étape : le lancement d'un Haut Comité de Place pour tirer parti de nos atouts. En effet, la France peut compter, outre la qualité de ses infrastructures et la splendeur du pays, sur sa capacité à accueillir les investissements étrangers ou encore sur les bonnes relations qu'entretient la Banque de France avec l'autorité de régulation bancaire ou la Banque centrale européenne, sur la qualité de ses acteurs, avec notamment les meilleures formations en matière de mathématiques financières. Si nous voulons rivaliser avec Londres, il s'agit de conserver nos jeunes talents qui sont, pour l'heure, poussés à prendre l'Eurostar, non par goût pour les charmes du brouillard londonien (M. Philippe Marini, rapporteur général, sourit), mais pour le régime fiscal qu'on leur réserve au Royaume-Uni ! (Applaudissements à droite et au centre)

L'amendement n°9, identique à l'amendement n°12, n'est pas adopté.

L'amendement n°2 est adopté.

L'article 2, modifié, est adopté, le groupe socialiste votant contre.

L'article 3 est adopté, ainsi que l'article 4.

Article 5

Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le gouvernement est autorisé à prendre par voie d'ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la date de publication de la présente loi, les dispositions relevant du domaine de la loi nécessaires pour transposer la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, ainsi que les mesures d'adaptation de la législation liées à cette transposition.

Le projet de loi portant ratification de cette ordonnance est déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du troisième mois à compter de la publication de cette ordonnance.

M. le président. - Amendement n°3, présenté par M. Marini au nom de la commission.

Supprimer cet article.

M. Philippe Marini, rapporteur général - La directive relative à la reconnaissance réciproque des professions règlementées couvre les professions soumises à une condition de qualification professionnelle, mais pas toutes. Quinze directives doivent être remplacées par une seule ! Le diable étant dans les détails, nous sommes vigilants.

La nouvelle directive s'organise autour de deux libertés : la libre prestation de services, temporaire et occasionnelle, et le libre établissement. L'article 5 permet de transposer par ordonnance cette directive qui doit entrer en vigueur le 20 octobre 2007. Nous ne sous sommes pas précipités pour la transposer, mais peut-être nos partenaires n'ont-ils pas fait mieux.

La commission propose de supprimer cet article. D'abord parce que les conditions du travail de transposition, tardif et hâtif, ne lui paraissent pas satisfaisantes, en ce qu'elles ne lui permettent pas d'apprécier l'impact des modifications requises sur plus de 120 professions ! Ensuite parce que la rédaction trop générale de l'habilitation ne donne aucune garantie quant aux principes retenus. La directive met en place un système de non vérification des qualifications, fondé sur la confiance mutuelle. Nous sommes ici dans le « droit mou ». Ce principe de non vérification fait l'objet de restrictions dans les secteurs de la santé, de la sécurité publique ou en matière d'information des consommateurs.

Les principes retenus par le Gouvernement devraient concilier trois nécessités : le nécessaire maintien d'un haut niveau de protection du consommateur et la préservation de l'intérêt général ; la possibilité de faciliter l'accès aux professions règlementées -ce dont s'occupe la commission confiée à M. Attali, dont nous n'avons pas encore reçu les conclusions, et cela nous gênerait de prendre des mesures qui préjugeraient de l'avis de cette excellente instance... la cohérence, enfin, avec les intentions de transposition des autres États, car il ne serait pas juste que nos concitoyens effectuant des prestations à l'étranger soient soumis à davantage de contraintes que les ressortissants d'autres États membres venant en France.

C'est pourquoi nous proposons de souscrire une police d'assurance en supprimant cet article. Cela dit, comme nous ne tenons pas spécialement à la payer, nous sommes prêts à reconsidérer notre position si vous nous rassurez.

M. le président. - Amendement identique n°10, présenté par M. Foucaud et les membres du groupe CRC.

M. Thierry Foucaud. - Je partage certains propos du rapporteur général. Nous nous heurtons là au même problème qu'à l'article 2. On nous demande d'autoriser le recours à une ordonnance alors que nous ne disposons d'aucune évaluation précise du champ de l'habilitation, du nombre et de la nature des professions concernées. Certains professionnels se sont inquiétés des conditions de cette transposition. Aucune garantie n'est prévue. Par simple application du principe de précaution, nous demandons la suppression de cet article.

Mme Christine Lagarde, ministre. - La directive s'applique aux professions dites « règlementées », mais toutes ne sont pas concernées : celles qui participent à l'exercice de l'autorité publique, par exemple, les notaires, les commissaires priseurs, ou les huissiers. De même sont exclus les transporteurs, les intermédiaires d'assurance, les avocats ou les gens de mer, régis par d'autres textes. Pour la liberté d'établissement, la directive se traduira par un simple toilettage mais, pour la libre prestation de service, un statut minimal sera mis en place qui permettra de vérifier la qualification professionnelle. Chaque ministère négociera les conditions de transposition avec les professions de son ressort et, le travail ne faisant que commencer, il serait délicat de préjuger de la liste exacte des professions concernées. J'aurai ainsi affaire aux coiffeurs et M. Borloo aux moniteurs d'auto-école. Le ministère de l'économie, des finances et de l'emploi assurera la synthèse. La commission Attali a décidé de se donner jusqu'à la fin de l'année. Les autres pays européens ne sont pas tellement plus avancés que nous. Je proposerai qu'on nous laisse le temps de la concertation pour que tous les citoyens européens soient traités de la même façon.

Il convient de se concerter, sans précipitation, avec les professions françaises.

J'aurais dû l'indiquer tout à l'heure, la fiducie peut être très utile pour la titrisation mais elle a rencontré peu de succès. Pourquoi cela ? Ce n'est pas éluder le débat que d'en rechercher les causes avant d'ouvrir le bénéfice de cet instrument très utilisé à l'étranger aux professions règlementées.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Je vous remercie pour ces explications. Trois principes sont essentiels. La durée, d'abord. L'habilitation est prévue pour six mois alors que vous nous dites que le processus ne fait que commencer et que nos partenaires ne sont pas plus en avance que nous. Un délai d'un an serait plus réaliste. La concertation, ensuite. L'article d'habilitation devrait s'y référer et ce n'est pas encore le cas. La réciprocité enfin. Il convient d'ouvrir les options en fonction de l'état du marché et de ne pas nous découvrir plus vite que les autres.

Si le texte conciliait mieux ces trois principes, peut-être pourrions-nous cheminer ensemble et ne pas en rester sur un refus d'habilitation, alors que nous ne pourrions légiférer pour chacune des cent vingt professions.

M. Jean Arthuis, président de la commission. - Si la ministre répond à ces préoccupations, je demanderai une suspension de séance pour réunir la commission et préparer une nouvelle rédaction.

Mme Christine Lagarde, ministre. - Ces trois principes me paraissent légitimes : sur la durée d'un an, vous avez raison ; la concertation avec les cent-vingt professions est de bon aloi et de bonne politique ; le Président de la République évoque souvent le principe de réciprocité en matière internationale.

La séance est suspendue à 17h 5.

Elle est reprise à 17h 20.

L'amendement n°10, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°3 rectifié, présenté par M. Marini au nom de la commission.

Rédiger ainsi le premier alinéa de cet article :

Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d'ordonnance, dans un délai de douze mois à compter de la date de publication de la présente loi, les dispositions relevant du domaine de la loi nécessaires pour transposer la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, ainsi que les mesures d'adaptation de la législation liées à cette transposition, en veillant notamment, en concertation avec les professionnels, à ne renoncer à la levée des options en matière de libre prestation de services que lorsque la réciprocité le justifie.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Figurent dans cette rédaction le délai de douze mois et les notions de concertation et de réciprocité.

L'amendement n°3 rect. accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 5, modifié, est adopté.

Article 6

M. Thierry Foucaud. - Cet article traduit dans le droit français un texte européen mais aussi une décision de la Cour de justice des communautés européennes rendue à la demande d'un établissement financier catalan. Tout obstacle à la rémunération des comptes courants est donc levé dans notre pays.

Aujourd'hui, peu d'établissements de crédit proposent une telle rémunération, à l'exception notable des caisses d'épargne. Cette rémunération devient une arme commerciale pour attirer de nouveaux clients, mais les taux sont faibles. Un établissement britannique propose 3 %, à concurrence de 10 000 euros par an. Coïncidence ? Les services bancaires courants de cette banque sont parmi les plus coûteux de la place ! La rémunération des comptes courants risque fort de s'accompagner d'un nouveau relèvement des tarifs sur les services bancaires ordinaires. Une rémunération alléchante est proposée à quelques clients fortunés, compensée par une nouvelle hausse du coût sur les prestations fournies à tous les autres... Nous ne pouvons guère nous opposer à des dispositions induites par la réglementation européenne et par un arrêt de la Cour de justice -mais pourquoi ne transpose-t-on pas avec la même célérité en droit du travail la convention internationale de l'OIT ?

Et où en sommes-nous des services bancaires de base et du droit d'accès des plus défavorisés à ces services ? La garantie du droit au compte est mise en oeuvre pour environ 100 000 personnes ; mais combien d'autres sont frappées d'interdit bancaire et exclues des services bancaires ? Il serait temps d'instaurer un véritable service bancaire universel, comme le demandent les associations familiales et les associations de consommateurs. Les établissements peuvent l'assumer : leurs profits excèdent parfois 20 % de leur produit d'activité.

L'article 6 est adopté.

Article 7

Les ordonnances suivantes sont ratifiées :

I.- Ordonnance n°2004-504 du 7 juin 2004 portant transposition de la directive 2001/17/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 mars 2001 concernant l'assainissement et la liquidation des entreprises d'assurance ;

II.- Ordonnance n°2004-1382 du 20 décembre 2004 portant adaptation de dispositions législatives relatives à la comptabilité des entreprises aux dispositions communautaires dans le domaine de la réglementation comptable ;

III.- Ordonnance n°2007-544 du 12 avril 2007 relative aux marchés d'instruments financiers ;

IV.- Ordonnance n°2007-571 du 19 avril 2007 relative aux établissements de crédit, aux entreprises d'investissement et aux sociétés de crédit foncier.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - La transposition de la directive MIF aura un impact très concret et étendu sur l'organisation des prestataires de services d'investissement. La clientèle des banques va percevoir directement les effets, notamment par la classification en trois catégories -non professionnels, professionnels, contreparties éligibles- qui détermine le niveau des obligations de conseil des prestataires et de responsabilité du client, par la communication aux clients et l'application de politiques de « meilleure exécution » des ordres et de « meilleure sélection » des intermédiaires et par l'application des tests d' « adéquation » ou de « caractère approprié », selon la nature du service fourni, garantissant que le service ou instrument financier proposé est conforme aux besoins et compétences du client. En outre, la directive MIF intègre des dispositions améliorant la gestion des conflits d'intérêts.

Certaines banques communiquent auprès de leurs clients sur ces thèmes. Il faut donc se féliciter de ce qu'une directive communautaire en matière financière ait un impact direct sur les relations courantes avec la clientèle, en particulier celle de détail, et ne vise pas uniquement les professionnels des marchés, comme cela fut par exemple le cas avec les directives OPA ou « transparence ». Pouvez-vous nous assurer que les intermédiaires financiers seront soumis à une obligation réelle d'information et de conseil à l'égard de la clientèle non professionnelle ?

Je serais également intéressé par votre point de vue sur l'organisation des infrastructures de marché et l'impact de la nouvelle concurrence des plates-formes multilatérales et systèmes internalisés de négociation, en particulier au regard d'une éventuelle fragmentation des ressources en liquidité. Le nouvel ensemble NYSE-Euronext va devoir faire face à la concurrence cumulée de Londres et des plates-formes de négociation en préparation, telle que Turquoise, qui fédère sept des plus grandes banques d'investissement du monde. Comment cette place transatlantique peut-elle à la fois attirer de nouveaux émetteurs des pays émergents, continuer à réduire les frais de transaction, préserver la cotation actuelle et développer le marché des petites et moyennes valeurs Altemext, au détriment de son concurrent britannique AIM ? Comment voyez-vous, madame, l'évolution de cet ensemble ?

M. le Président. - Amendement n°11, présenté par M. Foucaud et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

M. Thierry Foucaud. - Nous ne pouvons accepter cet article de ratification d'ordonnances.

M. le Président. - Amendement n°4, présenté par M. Marini au nom de la commission.

Supprimer le I de cet article.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Amendement de coordination.

M. le Président. - Amendement n°5, présenté par M. Marini au nom de la commission.

Rédiger comme suit le IV de cet article :

IV. - 1 Sous réserve des modifications figurant au 2, l'ordonnance n°2007-571 du 19 avril 2007 relative aux établissements de crédit, aux entreprises d'investissement et aux sociétés de crédit foncier.

2 Le premier alinéa du texte proposé par le 3° de l'article 1er de l'ordonnance n°2007-571 du 19 avril 2007 précitée pour l'article L. 511-44 du code monétaire et financier est ainsi rédigé :

« La Commission bancaire et l'Autorité des marchés financiers établissent conjointement et tiennent à jour la liste des organismes externes d'évaluation de crédit dont les évaluations peuvent être utilisées par les établissements de crédit et les entreprises d'investissement pour les besoins de la mise en oeuvre de la réglementation prévue par l'article L. 511-41. Elles précisent pour chaque organisme les échelons de qualité de crédit auxquelles correspondent les évaluations réalisées. »

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Il s'agit ici de la reconnaissance par la commission bancaire des organismes externes d'évaluation de crédit. Sept organismes, dont la Banque de France, la Coface et trois grandes agences de notation sont déjà concernés. Ces agences de notation ont souvent été critiquées. Tout en souhaitant qu'elles soient mieux régulées, nous souhaitons que l'on évite tout excès en la matière car les responsabilités sont souvent partagées, à l'intérieur de ce continuum de diffusion des risques que forment les marchés. Ne faisons pas de ces agences des boucs émissaires. Même les investisseurs institutionnels n'ont pas toujours été assez regardants.

Vous avez fait, madame, des propositions au nom de la France et nous espérons que des progrès auront été réalisés d'ici la prochaine assemblée générale de Bretton Woods. Reste que ces agences jouent de facto un rôle régulateur. Notre amendement insiste sur la nécessité de la coordination avec l'AMF, qui doit être associée à la reconnaissance, afin de sortir de cette bien française verticalité corporatiste.

Défavorable à l'amendement n°11.

Mme Christine Lagarde, ministre. - Défavorable aussi à l'amendement n°11 : ces ordonnances mettent la législation française en harmonie avec le droit communautaire.

Merci pour l'amendement n°4. Sur le n°5, en revanche, je vous demanderai un retrait car nous sommes en train d'amener les agences de notation à formuler des propositions pour améliorer la qualité de leur notation en fonction de critères nouveaux. Dans l'atmosphère actuelle d'excellente coopération, il ne serait pas bon de modifier le dispositif pour le moment. La directive MIF est un enjeu très important pour la place de Paris.

Son activité financière représente de 4,5 % à 5 % du PIB ce qui n'est pas négligeable. Elle concerne plus de 750 000 personnes, dont les emplois sont localisés en France et il est important qu'ils y restent. L'attractivité de la place de Paris est donc déterminante.

La transposition de la directive, qui introduit la concurrence en interdisant tout monopole, permettra en effet aux banques de constituer entre elles des plates formes fonctionnant comme des places réglementées. Je crois cependant savoir que le projet Turquoise, que vous avez évoqué, ne fonctionne pas aussi bien que ne le souhaiteraient ses initiateurs : les places historiques gardent toute leur attractivité.

Pour la protection des épargnants, la directive amène les opérateurs à traiter attentivement le profil de leurs clients. À cela s'ajoute le principe de la meilleure exécution. Le projet de loi de finances nous conduira à évoquer les moyens financiers et fiscaux mis en oeuvre par telle ou telle place pour y parvenir.

S'agissant de la concurrence entre les places, j'observe qu'Amsterdam, qui appartient désormais à Euronext, a très rapidement tiré parti des opportunités à sa disposition. Je me suis engagée, le 5 octobre, sur la création, pour développer l'attractivité de la place de Paris, d'un nouveau compartiment où seules compteront les obligations d'informations posées par la réglementation européenne -qui n'impose pas le recours au français, dès lors que les opérations y seront réservées aux seuls professionnels.

La directive permettra donc d'appliquer des mécanismes de sécurité, de transparence, de mise en concurrence des opérateurs sans favoriser la fragmentation de l'activité qu'entraîne la création de plates formes. La fluidité est essentielle au bon fonctionnement des marchés financiers.

L'amendement n°11 n'est pas adopté.

L'amendement n°4 est adopté.

L'amendement n°5 est retiré.

L'article 7, modifié, est adopté.

Article 8

I. - Le I de l'article L. 233-7 du code de commerce est modifié comme suit :

Au premier alinéa, après les mots : « sur un marché réglementé » sont insérés les mots : « d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ».

II. - Le II de l'article L. 233-8 du code de commerce est modifié comme suit :

1° Après les mots : « Les sociétés » sont insérés les mots : « mentionnées au I de l'article L. 233-7 » ;

2° Après les mots : « sur un marché réglementé » sont insérés les mots : « d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ».

III. - A l'article L. 233-13 du code de commerce, après les mots : « des deux tiers » sont insérés les mots : « des dix-huit vingtièmes. »

IV. - Au premier alinéa de l'article L. 233-14 du code de commerce, après les mots : « sur un marché réglementé » sont insérés les mots : « d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ».

V. - L'article L. 451-1-5 du code monétaire et financier est modifié comme suit :

1° Au premier alinéa, les références : « L. 451-1-1 et L. 451-1-2 » sont remplacées par les références : « L. 451-1-1 et L. 451-1-2 du présent code et aux articles L. 233-7 à L. 233-9 du code de commerce, » ;

2° Au premier alinéa, après les mots : « violation par l'émetteur » sont insérés les mots : « ou par la personne tenue à l'information mentionnée au I de l'article L. 233-7 du code de commerce » ;

3° Au second alinéa, les mots : « l'émetteur ou les établissements financiers chargés du placement » sont remplacés par les mots : « l'émetteur, les établissements financiers chargés du placement ou la personne tenue à l'information mentionnée au I de l'article L. 233-7 du code de commerce » ;

4° Au second alinéa, le mot : « périodique » est supprimé.

VI. - Il est inséré dans la section 2 du chapitre Ier du titre V du livre IV du code monétaire et financier un article L 451-2-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 451-2-1. - L'information mentionnée au I de l'article L. 233-7 du code de commerce est également donnée lorsque la société a son siège statutaire hors du territoire de l'Espace économique européen et relève de la compétence de l'Autorité des marchés financiers pour le contrôle du respect de l'obligation prévue à l'article L. 451-1-1 du présent code. Sont alors applicables les dispositions des articles des II, IV, V et VII de l'article L. 233-7, ainsi que des articles L. 233-8, L. 233-9, L. 233-10, L. 233-10-1, L. 233-11 et L. 233-12 du code de commerce. »

M. Philippe Marini, rapporteur. - Cet article qui porte sur l'obligation de transparence de l'information sur les valeurs mobilières me donne l'occasion de revenir sur une question écrite que j'ai déposée il y a un moment déjà sans obtenir de réponse, sur les conditions surprenantes dans lesquelles se déroule l'offre publique déposée par le groupe Mittal Steel N.V., en vue de contrôler l'intégralité du capital d'Arcelor SA, société qui demeure cotée sur le marché Eurolist d'Euronext Paris, avec un flottant représentant environ 38,5 millions d'actions pour 5,7 % du capital de l'entreprise et 2,5 milliards d'euros de capitalisation. Or, l'offre déposée auprès des autorités de marché fait apparaître une parité de 8 actions Mittal Steel N.V. pour 7 actions Arcelor SA, soit une dégradation de près de 40 % de la parité offerte en 2006 -11 actions Mittal Steel N.V. pour 7 actions Arcelor SA. Une telle révision unilatérale de la parité d'échange serait, si elle était admise par l'autorité compétente, un précédent préoccupant pour le traitement des actionnaires minoritaires en France. Alors que les actions Arcelor SA sont pour l'essentiel cotées sur le marché de Paris, c'est, étonnamment, le seul régulateur luxembourgeois qui serait compétent pour valider le projet de fusion, ainsi que l'émission des titres offerts et leur admission à la cote. Se pose un réel problème d'information et de traitement équitable des actionnaires sur la place de Paris, et si cette situation, sans doute formellement conforme aux directives européennes en vigueur, n'en est pas moins profondément choquante.

L'initiateur ne se livre-t-il pas à un détournement du droit communautaire en conduisant une OPA sur une société régie par le droit d'un État membre, et alors que les titres sont essentiellement cotés sur un marché régi par un autre État membre, puis, quelques mois après, en faisant une seconde offre, portant sur les mêmes titres, et à des conditions différentes de celles de l'opération initiale, alors que le droit boursier de l'État siège du principal marché ne le permettrait pas ? Cette opération ne contrevient-elle pas à l'esprit et à la lettre des textes en vigueur et ne risque-t-elle pas de constituer un fâcheux précédent ?

Mme Christine Lagarde, ministre. - Je m'engage, monsieur le rapporteur général, à répondre en détail avant la fin de la semaine à votre question sur la dernière étape de l'opération de fusion entre Mittal et Arcelor. Je précise que le groupe se porte bien et que les rapports sociaux y sont harmonieux.

L'offre avait été soumise à l'autorisation boursière des autorités belges, françaises et luxembourgeoises en vertu de leur droit respectif. L'opportunité de sortir du capital sur une base volontaire a été donnée ensuite aux actionnaires minoritaires d'Arcelor en novembre 2006, selon les parités de l'offre initiale. Mittal avec 93,7 % des titres reste en dessous des 95 % exigés par la loi luxembourgeoise pour un retrait obligatoire de la cote. La dernière étape, la fusion entre Arcelor et Arcelor-Mittal relève de la compétence de Luxembourg, puisque les deux sociétés sont luxembourgeoises. La parité de la fusion sera soumise aux experts indépendants de la place, appelés « réviseurs », qui jugerons sans doute comme cela est de coutume à partir d'évaluations. Seuls les tribunaux luxembourgeois seront compétents pour apprécier une éventuelle contestation de cette parité.

L'article 8 est adopté.

Article additionnel

M. le président. - Amendement n°6, présenté par M. Marini au nom de la commission.

Après l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le III de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, il est inséré un III bis ainsi rédigé :

« III bis. - Dans les conditions fixées par décret en Conseil d'État, la récusation d'un membre de la commission des sanctions est prononcée à la demande de la personne mise en cause s'il existe une raison sérieuse de mettre en doute l'impartialité de ce membre. »

M. Philippe Marini, rapporteur. - Cet amendement introduit une nouvelle faculté de récusation d'un membre du comité de sanction de l'AMF, par parallélisme avec ce qui existe dans les juridictions civiles, pénales et administratives.

Mme Christine Lagarde, ministre. - Favorable.

L'amendement n°6 est adopté et devient article additionnel.

L'article 9 est adopté.

Article 10

I. - L'article L. 141-1 du code de la consommation est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. L. 141-1. - I. - Sont recherchées et constatées dans les conditions fixées par les articles L. 450-1, L. 450-2, L. 450-3, L. 450-4, L. 450-7, L. 450-8, L. 470-1 et L. 470-5 du code de commerce, les infractions ou manquements aux dispositions prévues au présent code par :

« 1° La section I : « Publicité », la section II : « Ventes de biens et fournitures de prestations de services à distance », la section III : « Démarchage », la section VIII : « Publicité et pratiques commerciales concernant les préparations pour nourrissons » et la section IX : « Contrat de jouissance d'immeuble à temps partagé » du chapitre Ier du titre II du livre Ier ;

« 2° La section III : « Ventes ou prestations à la boule de neige » et la section IV : « Abus de faiblesse » du chapitre II du titre II du livre Ier ;

« 3° La section V : « Les crédits affectés » et la section VII : « Sanctions » du chapitre Ier du titre Ier du livre III ;

« 4° La section VII : « Sanctions » du chapitre II du titre Ier du livre III ;

« 5° La section I : « Le taux d'intérêt » et la section III : « Rémunération du vendeur » du chapitre III du titre Ier du livre III ;

« 6° Le chapitre II : « Dispositions diverses » du titre II du livre III ;

« 7° La section VI : « Crédit hypothécaire garanti par une hypothèque rechargeable » du chapitre III du titre Ier du livre III ;

« 8° La section VII : « Sanctions » du chapitre IV du titre Ier du livre III.

« II. - Sont recherchées et constatées dans les mêmes conditions qu'au I, à l'exception des pouvoirs d'enquête de l'article L. 450-4 du code de commerce, les infractions ou manquements aux dispositions prévues au présent code :

« 1° Le chapitre III : « Prix et conditions de vente » du titre Ier du livre Ier ;

« 2° La section V : « Ventes ou prestations avec primes », la section VI : « Loteries publicitaires » et la section XI : « Contrats de services de communication électronique » du chapitre Ier du titre II du livre Ier ;

« 3° La section I « Refus et subordination de vente ou de prestation de services » et la section II : « Ventes et prestations de services sans commande préalable » du chapitre II du titre II du livre Ier et l'article R. 122-1 ;

« 4° La section I : « Protection des consommateurs contre les clauses abusives » du chapitre II du titre III du livre Ier ;

« 5° Le chapitre III : « Interprétation et forme des contrats » du titre III du livre Ier ;

« 6° Le chapitre VI : « Reconduction des contrats » du titre III du livre Ier ;

« 7° Le chapitre Ier : « Dispositions générales » du titre Ier du livre II.

« III. - Sont également recherchées et constatées dans les conditions fixées au I du présent article les infractions ou manquements aux dispositions :

« 1° Du titre III : « Des sanctions pénales » de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce ;

« 2° De l'article 4 du titre Ier : » Des rapports entre bailleurs et locataires » du chapitre Ier: « Dispositions générales » de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 modifiée tendant à améliorer les rapports locatifs ;

« 3° De la section I : « Dispositions générales » et de la section II : « Contrat de vente de voyages et de séjours » du chapitre Ier du titre Ier du livre II du code du tourisme ;

« 4° Du titre II : « Du commerce électronique » de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique.

« IV. - Le secret professionnel ne peut être opposé aux agents agissant dans le cadre des pouvoirs qui leur sont conférés par le présent article.

« V. - Les agents habilités à constater les infractions ou manquements aux obligations mentionnées aux I, II et III du présent article peuvent, après une procédure contradictoire, enjoindre au professionnel, en lui impartissant un délai raisonnable, de se conformer à ces obligations, de cesser tout agissement illicite ou de supprimer toute clause illicite.

« VI. - L'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation peut également demander à la juridiction civile ou, s'il y a lieu, à la juridiction administrative, d'ordonner, le cas échéant sous astreinte, la suppression d'une clause illicite ou abusive dans tout contrat ou type de contrat proposé ou destiné au consommateur. Elle peut, après en avoir avisé le procureur de la République, agir devant la juridiction civile, pour demander au juge d'ordonner, au besoin sous astreinte, toute mesure de nature à mettre un terme aux manquements à des obligations contractuelles ou aux agissements illicites mentionnés aux I, II et III du présent article. Les modalités de mise en oeuvre de ces procédures sont fixées par décret en Conseil d'État. »

II. - L'article L. 3351-8 du code de la santé publique est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. L. 3351-8. - Les agents habilités de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes veillent au respect des dispositions de l'article L. 3323-2 ainsi que des règlements pris pour son application. Ils procèdent à la recherche et à la constatation des infractions prévues par ces textes dans les conditions fixées par les I, IV, V et VI de l'article L. 141-1 du code de la consommation. »

M. le président. - Amendement n°13, présenté par le Gouvernement.

Dans le deuxième alinéa du I (1°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 141-1 du code de la consommation :

après les mots :

pour nourrissons

remplacer le mot :

et

par :

,

et après les mots :

à temps partagé »

insérer les mots :

et la section XII : « Contrats de fourniture d'électricité ou de gaz naturel »

Mme Christine Lagarde, ministre. - Cet amendement vise à corriger une erreur matérielle dans la nouvelle rédaction de l'article L. 141-1 du code de la consommation, qui ne reprend pas les dispositions protégeant les intérêts du consommateur pour les contrats souscrits avec un fournisseur d'électricité ou de gaz naturel. Il permet aux pouvoirs publics de continuer à s'assurer du respect par les opérateurs des règles d'information et de protection des consommateurs dans un secteur qui vient de s'ouvrir à la concurrence et qui concerne des besoins essentiels de la population.

L'amendement 13, accepté par la commission, est adopté ainsi que l'article 10, modifié.

Article 11

Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d'ordonnance, dans un délai expirant le dernier jour du douzième mois suivant la publication de la présente loi, les mesures relevant du domaine de la loi, permettant, d'une part, de rendre applicables, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de la présente loi dans les îles Wallis et Futuna, ainsi qu'en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française pour celles qui relèvent de la compétence de l'État, et, d'autre part, de procéder aux adaptations nécessaires en ce qui concerne les collectivités de Mayotte, de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin.

M. le président. - Amendement n°7, présenté par M. Marini au nom de la commission.

Après les mots :

Saint-Barthélemy

rédiger comme suit la fin de cet article :

, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Il convient de n'oublier aucune de nos îles lointaines.

L'amendement n°7, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 11, modifié, est adopté.

Le projet de loi, modifié, est adopté

Mise au point au sujet d'un vote

M. Jean-Pierre Fourcade. - A l'occasion du scrutin n°11 relatif au projet de loi autorisant la ratification de l'accord sur l'application de l'article 65 de la convention sur la délivrance des brevets européens, M. Pasqua a été porté votant pour alors qu'il voulait voter contre.

M. le président. - Je vous en donne acte.

Prochaine séance, mardi 16 octobre 2007 à 16 heures.

La séance est levée à 18 heures.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du Mardi 16 octobre 2007

Séance publique

A SEIZE HEURES

- Discussion du projet de loi (n° 437, 2006-2007) relatif à la mise en oeuvre des dispositions communautaires concernant le statut de la société coopérative européenne et la protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur.

Rapport (n° 22, 2007-2008) de M. Louis Souvet, fait au nom de la commission des affaires sociales.

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DÉPÔTS

La Présidence a reçu :

- le rapport d'information fait par MM. Thierry Foucaud et Bertrand Auban au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur l'enquête de la Cour des comptes relative au service des pensions ;

- le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la lutte contre la corruption, renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement ;

- le projet de loi présenté par Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, renforçant les mesures de prévention et de protection des personnes contre les chiens dangereux, renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.