Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement aux questions d'actualité.

Crise boursière et situation de la Société générale

M. René Garrec .  - (Applaudissements sur les bancs UMP) La conjoncture mondiale est à la merci d'une contagion de la crise financière à l'économie réelle. Si l'épicentre de la crise se trouve aux États-Unis, l'Europe a peu de chances d'être épargnée. L'annonce par la Société générale de 7 milliards de pertes, dues pour l'essentiel à l'un de ses traders, va dans ce sens.

Mme Nicole Bricq.  - Deux milliards pour les subprimes !

M. René Garrec.  - Le retour de l'inflation, dû à la hausse des produits agricoles et à la flambée des cours du pétrole, était déjà perceptible cet automne. Les États-Unis craignent la récession, l'Europe l'inflation et un éventuel effet de second tour sur les salaires.

Selon vous, madame la ministre, quelles seront les conséquences de la crise actuelle sur l'économie de notre pays ? Faut-il revoir à la baisse les prévisions de croissance ? Enfin, comment calmer la légitime inquiétude de nos concitoyens, désorientés par les sombres pronostics diffusés par les médias ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi .  - La Société générale a annoncé ce matin avoir découvert une fraude massive commise par un de ses salariés, qui se traduit par des pertes de 4,9 milliards d'euros, qu'il faut distinguer des provisions prises pour pertes liées à la crise des subprimes. Nonobstant cette situation, la Société générale dégage néanmoins un résultat bénéficiaire. (M. Bodin s'exclame) Elle a par ailleurs lancé et sécurisé une augmentation de son capital de 5,5 milliards. Il n'y a donc pas lieu de s'inquiéter, ni de faire d'amalgame.

M. David Assouline.  - Tout va très bien !

Mme Christine Lagarde, ministre.  - J'ai demandé à la commission bancaire pourquoi, en dépit des contrôles, aucune malversation n'avait été décelée. J'ai également demandé à son président, le gouverneur de la Banque de France, de proposer des contrôles opérationnels additionnels pour éviter que ce type de situation ne se reproduise.

M. David Assouline.  - Trop tard !

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Pour le reste, les fondamentaux de l'économie française sont solides. (Exclamations à gauche) Je m'en réjouis, pour la France et les Français. (Applaudissements à droite)

M. Jacques Mahéas.  - Et le déficit du commerce extérieur ?

Mme Christine Lagarde, ministre.  - L'emploi reste très dynamique, avec 312 000 créations d'emplois en 2007. La consommation a progressé de 2 % en décembre, alors qu'elle baisse aux États-Unis. Enfin, la situation financière des ménages et des entreprises est saine. La loi Tepa, notre accélérateur de croissance en 2007, sera également notre amortisseur de choc en 2008. (Applaudissements à droite)

M. Guy Fischer.  - Mais non !

Politique économique de la France

M. Jean-Marc Todeschini .  - Ma question s'adresse à M. le Premier ministre, dont je relève l'absence alors qu'il est question de redonner son lustre au Parlement. (Exclamations indignées à droite)

L'industrie française va mal, le déficit du commerce extérieur atteint 40 milliards. Nous avons perdu 42 000 emplois industriels en un an, dont 11 % en Lorraine. Les décisions de Michelin à Toul, de Total à Carling, d'Inéos à Sarralbe sont emblématiques. Au Luxembourg, où le Premier ministre se rendra demain, des centaines de salariés de la sidérurgie, accompagnés d'élus, manifestent devant le siège d'Arcelor-Mittal. Le géant mondial de l'acier va en effet supprimer 600 emplois directs à Gandrange, ce qui signifie, à moyen terme, la fermeture de ce site. Au même moment, le milliardaire indien Mittal perçoit des dividendes record de 637 millions !

Pourtant, le site de Gandrange est viable et la sidérurgie a encore de l'avenir. Le Gouvernement a la responsabilité de l'accompagner. Lors de sa conférence de presse, le Président de la République n'a-t-il pas déclaré que « face à la montée en puissance de fonds spéculatifs extrêmement agressifs et de fonds souverains qui n'obéissent pas seulement à des logiques économiques, il n'est pas question que la France reste sans réagir » ? Que « la France doit protéger ses entreprises, leur donner les moyens de se défendre et de se développer » ? (« La question ! » à droite) « Une France sans industries, sans usines, sans ouvriers serait une France appauvrie. Tout ne peut pas être abandonné à un capitalisme financier livré à lui-même », a-t-il encore déclaré. (Marques d'impatience à droite) Ces belles paroles ne suffisent pas, il nous faut des actes !

M. le président.  - Posez votre question.

M. Jean-Marc Todeschini.  - Se contenter d'exiger d'Arcelor-Mittal un plan de revitalisation est une réponse inacceptable : en baissant les bras, le Gouvernement abandonne tout un territoire ! Gandrange peut être sauvé, mais les syndicats ont besoin de temps pour présenter un contre-projet industriel et social. (On s'agite à droite) Le Gouvernement va-t-il exiger de M. Mittal le gel des suppressions d'emplois envisagées ?

M. Masseret, président du conseil régional de Lorraine, a écrit au Président de la République.

Le Gouvernement va-t-il soutenir le plan lorrain de l'emploi durable, le Grenelle de l'industrie qu'il veut lancer et la solidarité nationale va-t-elle s'exercer ? (Applaudissements à gauche)

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi .  - La différence entre vous et moi est que vous vous concentrez sur les pertes d'emploi alors que je suis aussi attentive aux créations d'emploi.

M. Yannick Bodin.  - Allez le dire en Lorraine !

Mme Christine Lagarde, ministre.  - J'ai dit combien notre économie a créé d'emplois en 2007 ; elle a aussi créé 321 000 entreprises.

Mme Annie David.  - En Lorraine ?

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Nous n'avons pas attendu pour agir et pas plus tard que la semaine prochaine, le Président de la République recevra M. Lakshi Mittal, cette figure emblématique qui a racheté le site pour un franc symbolique en 1999 et y a maintenu 1 000 emplois. Le groupe Mittal a tenu à 47 % les engagements qu'il avait pris de créer 2 000 emplois et il en tiendra l'intégralité, nous y veillerons très attentivement. J'ajoute que le groupe s'est engagé à replacer tous les salariés concernés. (Applaudissements à droite)

M. David Assouline.  - On connaît...

Statut de Mayotte

M. Adrien Giraud .  - M. Estrosi a présenté hier en conseil des ministres une communication sur le statut de Mayotte. Je tiens à le remercier tout particulièrement d'avoir ainsi répondu à une attente des Mahorais. Voilà l'aboutissement d'un long combat qui s'est poursuivi durant un demi-siècle pour l'intégration la plus poussée aux institutions comme aux valeurs de la République.

La population de Mayotte a toujours été consultée sur l'évolution institutionnelle. J'ai déposé à l'automne une proposition de loi et le Président de la République s'était engagé en ce sens mais tant de promesses ont été faites qui n'ont pas été tenues...

M. Roland Courteau.  - Eh oui ! (Exclamations à droite)

M. Adrien Giraud.  - ...que je vous demande de nous dire si une consultation sera organisée avant la fin de l'année : elle assurerait l'apaisement et la sécurité aux Mahorais.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement .  - Je tiens à excuser M. Estrosi...

Mme Nicole Bricq.  - Il est à Nice ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - ...qui a effectivement présenté la communication dont vous parlez. Vous aurez l'occasion de le recevoir à Mayotte mardi prochain pour la signature d'un contrat de projet doté de 340 millions d'euros -un effort considérable.

Les choses sont extrêmement simples. Le Président de la République l'a rappelé, à l'issue des élections de mars, le conseil général, s'il le souhaite, adoptera une résolution pour que Mayotte devienne un département-région. Dans ce cas, le Gouvernement français veillera à organiser dans les douze mois un vote, un référendum à l'issue duquel le Parlement sera saisi. L'ensemble de ce processus pourra être accompli avant fin 2008. Ce gouvernement, lui, aura tenu l'engagement que tant d'autres gouvernements avaient pris. (Applaudissements à droite et au centre)

Politique économique et financière

M. Jean-François Voguet .  - (Applaudissements sur les bancs CRC) Après les cadeaux fiscaux aux plus riches (« Ha ! » à droite) et l'aveu d'impuissance du Président de la République sur le pouvoir d'achat, il est temps de changer de politique : 56 % des Français sont mécontents de la vôtre et la crise boursière aura des répercussions considérables sur l'emploi et le pouvoir d'achat ; les petits porteurs paieront l'addition. Vous avez offert aux actionnaires du CAC 40 les milliards brûlés dans la spéculation. (« Oh ! » à droite)

Il faut d'urgence une autre politique pour que les gens puissent se logent dignement, accéder à la culture, se soigner, vivre et vieillir sans inquiétude. C'est possible pour peu qu'on renforce l'intervention solidaire de la puissance publique et qu'on cesse de vider les caisses de l'État au profit des spéculateurs. Il est nécessaire de redynamiser les entreprises publiques et de s'appuyer sur de puissants services publics. En soutenant massivement les manifestations, c'est cette nouvelle politique que les Français attendent. Ils sont inquiets, ils ne vous font plus confiance.

La crise est « saine et salubre », avez-vous déclaré. Devons-nous redouter un plan de rigueur et quelles mesures comptez-vous prendre contre les fonds prédateurs et pour réduire les pouvoirs de la banque centrale européenne ?

Pour soutenir notre économie, allez-vous favoriser les emplois durables, stables et bien rémunérés et allez-vous augmenter les salaires, les allocations, les minima sociaux et les pensions de retraite ? (Murmures courroucés à droite)

Les Français attendent une action volontaire et résolue dans ces domaines. Telle est la rupture qu'ils appellent de leurs voeux ! (Applaudissements sur les bancs CRC et sur divers bancs socialistes)

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi .  - Tout d'abord, concernant le texte que vous avez voté cet été sur le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat (Tepa)...

Mme Nicole Bricq.  - Funeste texte !

Mme Christine Lagarde, ministre.  - ...je veux rappeler que 90 % de son financement est destiné aux heures supplémentaires, aux crédits d'impôts sur les intérêts d'emprunts servant à acheter une habitation principale et aux abattements sur les successions : la quasi-totalité de nos concitoyens sont concernés par ces mesures. (On en doute à gauche tandis qu'on applaudit à droite) Je me félicite de l'entrée en vigueur de ce texte et, comme je vais régulièrement sur le terrain, j'ai pu constater que de nombreuses entreprises ont recours aux heures supplémentaires. (Nouveaux applaudissements à droite ; exclamations à gauche) Fin novembre, plus de 50 % des entreprises de plus de dix salariés avaient utilisé ce mécanisme : ça marche !

Les fondamentaux de notre économie sont solides et elle se développera si nous améliorons la compétitivité des entreprises, l'employabilité des salariés et l'attractivité du territoire. Nous augmentons la productivité grâce aux heures supplémentaires, nous fluidifions le marché du travail grâce à la fusion entre l'ANPE et les Assedic. (Exclamations à gauche) Enfin, le crédit impôt recherche prévu dans la loi de finances pour 2008 améliorera encore l'attractivité de notre pays qui est un des tous premiers mondiaux en ce domaine. (Nouvelles exclamations prolongées à gauche) Qu'allons-nous faire en 2008 ? Poursuivre dans la même direction pour réformer la France et redonner du pouvoir d'achat aux français ! (Applaudissements à droite et sur divers bancs au centre)

Huiles usagées

M. Aymeri de Montesquiou .  - Les huiles usagées constituent-elles un déchet ou une ressource ? La réponse est évidente : avec trois litres d'huile usagée, on produit deux litres d'huile de base. Nos voisins allemands et italiens ont mis en place un réseau d'usines de régénération qui leur fournit des huiles de base de haute performance au coût d'autant plus compétitif que le prix du baril de pétrole flirte avec les 100 dollars. La Chine elle-même est en train de construire dix-huit unités de régénération !

Depuis 1940, le raffinage des huiles usagées était considéré en France comme un gisement d'énergie et une contribution au respect de l'environnement. Mais nous avons renoncé de façon inexplicable à un outil de régénération très performant, lorsque Mme Royal était ministre de l'environnement. (Exclamations à droite)

M. Charles Revet.  - Eh oui !

M. Aymeri de Montesquiou.  - Mais à toute pécheresse, miséricorde. (Sourires) Nous pourrions au moins livrer ces huiles usagées aux régénérateurs de la Communauté, plutôt que de les brûler.

Pourquoi la Commission nationale des aides persiste-t-elle à verser des aides aux collecteurs alors que ces huiles peuvent être vendues à des prix très supérieurs au coût payé pour la collecte ? Pourquoi cette commission refuse-t-elle que soient livrées ces huiles usagées aux usines de régénération de la Communauté ? Pourquoi permet-elle que ces huiles soient utilisées comme combustibles, ce qui est contraire à la réglementation, tout en les subventionnant ? En un mot, pourquoi ne pas contribuer aux économies d'énergie et préserver l'environnement en régénérant ces huiles ? (Applaudissements à droite)

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie .  - Vous touchez ici un sujet complexe qui illustre les enjeux du Grenelle de l'environnement. Le traitement des huiles usagées poursuit plusieurs objectifs : la protection de l'environnement et de la santé et la bonne utilisation de la ressource. Le traitement des huiles usagées figure d'ailleurs dans le code de l'environnement : aujourd'hui, 50 % sont régénérées et nous cherchons à accroître encore ce taux. Les aides sont de deux ordres : à la régénération pour compenser la différence de coût entre l'utilisation des huiles usagées et la synthèse des nouvelles huiles, et à la collecte : leurs barèmes sont régulièrement réévalués pour éviter toute situation de rente.

Le soutien à la collecte permet de récupérer les petites quantités d'huiles usagées qui, sinon, finiraient dans les égouts. Leur montant permet de compenser le coût de la collecte et il évite les discriminations entre les entreprises qui recyclent les huiles.

Rien n'interdit non plus de régénérer nos huiles usagées dans d'autres pays de l'Union. Il y a, c'est vrai, des problèmes en Europe : une réflexion est en cours pour que le principe de préférence à la régénération s'impose.

Dans l'esprit du Grenelle de l'environnement, nous allons identifier les freins qui nous empêchent d'améliorer le taux de régénération pour parvenir à un niveau plus satisfaisant. (Applaudissements à droite)

Commission Attali

M. Benoît Huré .  - (Applaudissements à droite) La commission présidée par Jacques Attali a présenté hier son rapport au Président de la République. Sur la forme, la situation de notre pays et les engagements du Président de la République appelaient ce genre d'initiative. Nous avons connu en leur temps d'autres rapports d'experts, restés lettres mortes. Autre époque, autre ambition, autre détermination, mais toujours des experts ! Sur le fond, si nous avons tous conscience que l'impulsion est bienvenue et la pertinence de certaines propositions évidente, d'autres, en revanche, ont de quoi nourrir la polémique. La suppression progressive des départements, source de gaspillage et « refuge d'élus pour avoir des postes », est une ineptie (applaudissements sur divers bancs à droite) prouvant que certains experts sont déconnectés de la réalité du terrain et qu'ils ont un profond mépris pour le suffrage universel. (Mêmes mouvements) Les départements ont, au contraire, une politique fiscale et un endettement des plus raisonnables, et ils consacrent souvent plus du tiers de leur budget à l'investissement, réalisant ainsi 30 % des investissements publics.

Les départements sont fortement impliqués dans le soutien au développement économique, plus peut-être que les régions. (Applaudissements sur les bancs UMP) Au fil du temps, les conseils généraux se sont vu confier la mise en oeuvre des politiques publiques de solidarité et le versement des prestations correspondantes.

N'est-il pas paradoxal qu'à l'heure où l'on veut réduire la fracture territoriale, on prétende supprimer l'échelon de proximité qui permet de mettre en oeuvre la péréquation ? L'aménagement du territoire peut prendre d'autres formes, notamment celle d'une réflexion sur la taille de nos régions, qui ne leur a pas permis d'acquérir le poids des collectivités territoriales européennes de même niveau. Ainsi que l'a rappelé Mme le ministre de l'intérieur, « D'autres pistes ont été proposées pour rationaliser l'organisation de l'État, notamment par M. Lambert. Sur ce point aussi, la Conférence nationale devrait permettre des avancées ».

Si nous ne voulons pas que ce rapport Attali au mieux reste lettre morte, au pire vire à une tragédie à laquelle le « tout ou rien » préconisé par son auteur donnerait lieu, il est urgent, monsieur le ministre, de nous préciser comment vous entendez l'utiliser et si les élus locaux et le Parlement, qui procèdent du suffrage universel, seront consultés sur le choix des réformes ? (Applaudissements sur les bancs UMP et sur plusieurs bancs au centre)

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur.   - Le Président de la République s'est réjoui de la remise, hier, du rapport Attali (« Ah ! » à gauche), fruit des travaux d'une commission transpartisane (on ironise sur les bancs socialistes) réunissant des personnalités de tous horizons, y compris d'autres pays.

Sur les axes qui fondent ce rapport, nous pouvons nous entendre : il s'agit de donner à notre pays le point de croissance qui lui manque, et d'atteindre le chiffre de 5 % de chômeurs, soit le plein emploi, à l'horizon 2012. C'est un rapport consensuel (on se gausse sur les bancs CRC) qui ne demande rien d'autre que plus de liberté économique et plus de concurrence. (Exclamations à gauche)

Vous m'interrogez sur la méthode. Le Gouvernement se réunira en séminaire début février pour hiérarchiser les propositions. Cependant, le Président de la République a d'emblée déclaré qu'il n'était pas question de supprimer les départements.

M. David Assouline.  - Le temps d'une élection en tout cas...

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - Vous pouvez donc être rassuré.

M. Jean-Pierre Michel.  - Les pharmaciens aussi !

M. David Assouline.  - Et les taxis !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - Au-delà, il a rappelé que le Parlement jouera tout son rôle, ce qui est bien le moins dans une démocratie. Notre base de travail ? La recherche de ce point de croissance qui se fera avec détermination et sagacité. (Applaudissements sur plusieurs bancs UMP)

Crise financière

Mme Nicole Bricq .  - Alors que la crise qui sévit aux États-Unis s'est rapidement propagée à la sphère financière, désormais globalisée, la Société générale annonce un nettoyage de ses comptes rendu nécessaire non seulement par la crise des subprimes mais par une fraude colossale, de l'ordre de 40 à 50 milliards, dont elle a été victime. (Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, conteste ce montant)

Situation très grave, dont nous ne sommes informés que par la presse ! Pourtant, le ministre des comptes publics est venu mardi devant notre commission des finances nous parler de l'exécution budgétaire de la loi de finances pour 2007. Il a avancé des chiffres relatifs aux rentrées fiscales dues à l'impôt sur les sociétés de la sincérité desquels nous lui demanderons raison ! (Exclamations à droite) Car une réunion secrète avait eu lieu dimanche, sous l'égide du gouverneur de la Banque de France, que le Gouvernement, mardi, ne pouvait ignorer. Nous vous en demanderons des comptes ! (Mêmes mouvements)

En attendant, toutes les hypothèses de croissance sont revues à la baisse. Le gouvernement allemand vient de ramener ses prévisions à 1,7 % au lieu de 2,1 %. Tous les conjoncturistes s'accordent sur un pronostic de croissance, pour la France, de 1,5 à 1,7 % pour 2008.

Dès l'été dernier, nous nous étions inquiétés, à l'occasion de la discussion de la loi Tepa - projet funeste-, du manque d'anticipation sur les risques de crise. Nous vous avons réitéré nos inquiétudes lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2008 et du projet de loi de finances rectificative. Votre réponse, madame la ministre, est restée immuable : confiance, la croissance sera au rendez-vous. La chose est patente ! La confiance s'est muée en défiance, et les 3 % sont largement hors de portée !

Les membres de l'opposition, comme ceux de la majorité, vous ont interrogée à plusieurs reprises sur les effets de la crise. Ni les uns ni les autres n'ont obtenu de réponse comme si, tel le nuage de Tchernobyl, la tourmente s'était aimablement arrêtée à nos frontières. Les parlementaires ont droit à la vérité que leur avait promise le candidat Sarkozy. Or, vous n'avez cessé de louvoyer sur les problèmes de fond.

Le choc du réel doit vous rendre à vos responsabilités. Quelle est la stratégie du Gouvernement ? Quels moyens entend-il mettre en oeuvre pour réagir ? Les Français ont le droit de savoir ! Si vous vous dérobez une fois encore, ils sauront que ce sera à eux, après les municipales, de faire les frais de votre incohérence, de votre imprévoyance, et de votre incompétence ! (Applaudissements à gauche)

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi .  - J'ai trop de respect, madame le sénateur, pour vos compétences techniques pour croire que vous ignorez l'erreur manifeste que vous venez de faire sur le montant des pertes de la Société générale.

Mme Nicole Bricq.  - J'ai parlé du montant des engagements sur lesquels porte la fraude.

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Elles s'élèvent, pour celles qui sont imputables à la fraude, à 4,9 milliards, auxquels s'ajoutent 2 milliards de provisions sur pertes. La Société générale a immédiatement lancé et sécurisé une augmentation de capital de 5,5 milliards. Et l'exercice 2007 reste bénéficiaire.

Vous m'accusez de louvoyer et me menacez du jugement des Français. Je vous réplique, car je suis têtue, que j'ai toujours gardé le cap. (Applaudissements sur les bancs de l'UMP)

Ce cap, c'est celui de la compétitivité de la France, de la productivité de nos entreprises, de l'employabilité des salariés et de l'attractivité de notre territoire. C'est la seule politique qui vaille si nous voulons que la France reste en tête dans le jeu de la mondialisation. Avec la loi Tepa votée cet été, à laquelle 50 % des entreprises ont eu recours dès le deuxième mois d'application, les salariés voient la différence sur leur fiche de paie à la fin du mois (exclamations à gauche) et d'autres mesures en ce sens, notamment celles sur le rachat des RTT, un nouveau climat dans les entreprises, la modification du marché du travail, seront bientôt adoptées.

M. Jean-Pierre Bel.  - Vous ne répondez pas à la question !

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Nous avons un cap et nous le tenons ! (Applaudissements à droite et au centre)

Réforme de la fonction publique (I)

Mme Jacqueline Panis .  - La France connaît une nouvelle journée de grève, suite à l'appel de certains syndicats de la fonction publique, engendrant d'importants désagréments pour nos concitoyens. (M. Guy Fischer s'exclame) Chacun connaît l'urgence et la nécessité de procéder à la réforme de l'État et de la fonction publique. Pour modifier les idées reçues si profondément ancrées dans les esprits, il faudrait remplacer le terme de réforme par celui de progrès. (Marques d'ironie sur les bancs communistes) Que veulent les fonctionnaires ? Comme la majorité des Français, ils veulent simplement améliorer leur pouvoir d'achat et leurs conditions de travail. Toutefois, je regrette que ce mécontentement se traduise, encore une fois, par des manifestations, alors que s'est ouverte une conférence nationale sur l'avenir de la fonction publique le 1er octobre 2007.

M. Guy Fischer.  - Vous pensez vraiment que cela suffira ?

Mme Jacqueline Panis.  - Malgré la volonté de moderniser la fonction publique en instaurant un dialogue sincère avec les fonctionnaires, des manifestations ont lieu aujourd'hui à Paris et en province.

M. Yannick Bodin.  - Le mécontentement grandit !

Mme Jacqueline Panis.  - Monsieur le ministre, où en est la réforme de l'État et quels sont les premiers résultats de la conférence nationale sur l'avenir de la fonction publique ?

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique .  - A mi-journée, tout semble indiquer que le taux de participation des fonctionnaires à cette grève, même s'il faut attendre les résultats définitifs, a été très inférieur à celui enregistré lors de la journée du 20 novembre. Le taux a été de 13,2 % contre 21 % pour les trois fonctions publiques, de 20,6 % contre 32,6 % pour la fonction publique d'État...

M. Guy Fischer.  - C'est faux !

M. David Assouline.  - Changez de comptables !

M. Éric Woerth, ministre.  - ...de 7 % contre 12 à 15 % dans la fonction territoriale qui intéresse particulièrement les sénateurs, de 11,73 % contre 10,88 % dans la fonction hospitalière. Contrairement à ce qu'espéraient les organisations syndicales, la grève a donc été peu suivie.

Cette grève est une mauvaise réponse aux vrais enjeux de la modernisation de la fonction publique. Dès juin dernier, avec M. Santini, nous avons voulu comprendre pourquoi les fonctionnaires ne se sentaient pas bien en regardant, au-delà de la question salariale, leur statut : la place des fonctionnaires dans la société, le regard qu'ils portent sur leur travail, l'évolution du service public depuis cinquante ans, leur capacité de développement professionnel. Pour cela, nous avons créé des lieux de dialogue et nous sommes en train de trouver les solutions. S'agissant du pouvoir d'achat, nous avons décidé une augmentation globale de l'indice et nous réunirons les partenaires sociaux le 18 février prochain pour une énième négociation sur les salaires de 2008. Par ailleurs, le Premier ministre, avec M. Santini et moi-même, travaillera dès le mois de février sur l'agenda social de la fonction publique. Après les élections municipales et, je l'espère, dès l'été, nous lancerons des négociations sur l'entrée dans la fonction publique, la mobilité, le parcours professionnel ou encore le traitement, avec la création à côté de la rémunération automatique à l'indice et à l'ancienneté, d'une autre rémunération au mérite et au volume d'heures travaillées avec le compte épargne-temps. Bref, nous ne ménageons pas nos efforts pour la fonction publique ! (Applaudissements à droite et au centre)

Réforme de la fonction publique (II)

M. Gérard Roujas .  - Une nouvelle fois, les fonctionnaires ont décidé une journée d'action pour défendre le service public et rappeler au Président de la République ses promesses de campagne sur le pouvoir d'achat. Non seulement votre budget pour 2008 a supprimé 23 000 emplois, dont 11 200 dans l'éducation nationale, mais vous voulez encore imposer le service minimum dans les écoles primaires aux communes alors qu'elles n'en ont pas les moyens ! Des maires, issus de toutes les tendances, m'ont fait part de leurs interrogations sur la définition constitutionnelle, législative et réglementaire de ce nouveau transfert de responsabilités.

J'en reviens à la fonction publique. Monsieur le ministre, les Français attendent et veulent des services publics qui fonctionnent. En guise de réponse, vous attaquez le statut des fonctionnaires, comme s'il était un boulet alors qu'il pourrait être un instrument de rénovation. Hier, à l'Assemblée nationale, vous avez évoqué une « garantie individuelle de pouvoir d'achat ». Ce n'est pas une bonne solution : elle ne permet pas d'assurer la transparence et l'égalité de traitement et constitue une remise en cause du principe de la négociation collective.

Monsieur le ministre, voulez-vous moderniser la fonction publique contre les fonctionnaires et les élus locaux ou comptez-vous mener un véritable dialogue avec eux ? (Applaudissements à gauche)

M. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique .  - (Applaudissements à droite) Monsieur le sénateur, je vous remercie de me donner le loisir de compléter la réponse de M. Woerth. Cette grève, nous le répétons, ne constitue pas une réponse adaptée. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame) Du reste, les fonctionnaires, conscients qu'elle constitue une gêne pour les plus modestes, l'ont peu suivie. Les mesures prises par M. Darcos, selon les sondages, étaient attendues et indispensables. Avec M. Woerth, nous avons entamé les négociations depuis octobre. Nous respectons les organisations syndicales. Le climat, vous l'avez senti, est celui de l'écoute et de l'échange.

Éric Woerth a dit que le point d'indice augmenterait le 1er février. Ce n'est pas une nouvelle négligeable même si le point d'indice est en train de se transformer en crocodile empaillé. (Rires à droite, marques de perplexité à gauche) Mais oui, le point d'indice ne représente plus que le tiers des augmentations salariales, contre les deux tiers pour le glissement vieillesse technicité. Quand il y a 2,9 milliards de plus par an et que l'on nous dit que l'on n'a pas été augmenté, ce n'est pas vrai.

Le débat sur la modernisation est engagé. Les groupes de travail avec les partenaires sociaux se sont réunis. Le Premier ministre aura l'occasion d'échanger avec les organisations syndicales sur l'agenda social. Jamais il n'y avait eu autant de dialogue social, jamais on n'avait autant avancé depuis un quart de siècle. (Applaudissements à droite)

Modernisation du marché du travail

M. Ambroise Dupont .  - (Applaudissements à droite) Monsieur le ministre, vous avez reçu hier les signataires de l'accord sur la modernisation du marché du travail. Ils vous ont présenté leurs conclusions qui sont le résultat des négociations engagées il y a six mois. C'est aussi l'application directe de la loi de modernisation du dialogue social. Je ne peux que m'en réjouir puisque nous l'avons votée dans cette assemblée en janvier 2007.

On a qualifié cet accord d'historique. De fait, il a été signé par quatre des cinq confédérations syndicales et par l'ensemble des représentants des employeurs. N'en déplaise aux esprits chagrins, c'est la preuve que la culture de la négociation, du compromis et de la responsabilité trouve sa place dans l'histoire de nos relations sociales.

Cet accord doit donner un nouvel élan au marché du travail, le redynamiser. Il est temps d'adapter les règles aux attentes des Français et aux évolutions de notre économie. La flexisécurité à la française offre de nouvelles perspectives aux employés et aussi à ceux qui créent l'emploi. Nous voulons que ce soit au bénéfice de tous.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous dire comment ces avancées vont être mises en oeuvre ? Je vous remercie de bien vouloir nous apporter des précisions, en particulier sur un sujet qui me tient à coeur car il répond à une aspiration profonde et légitime des Français : la sécurisation des parcours professionnels. (Applaudissements sur les bancs UMP et sur quelques bancs au centre)

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité .  - Le dialogue social se renforce dans notre pays. C'est un tournant important : toutes les organisations patronales et quatre syndicats sur cinq ont signé cet accord sur la « réforme du marché du travail ». Chacun peut ainsi prendre sa part de cette réforme. Il y a là une volonté politique mais aussi syndicale : avec une méthode nouvelle, moderne, apaisée, nous avons une belle réforme à la clé. D'autres viendront, comme celle de la formation professionnelle, dont s'occupera Mme Lagarde, et celle de l'assurance chômage.

Un projet de loi va vous être soumis. Chacun aura à coeur de respecter l'autonomie des partenaires sociaux, et donc leur accord. Si l'on se félicite de sa signature, on ne le casse pas, on ne le change pas lorsque vient l'heure de sa traduction législative. Nous aurons des réunions techniques avec les signataires pour mettre au point le projet de loi, et celui-ci vous sera soumis au printemps. Oui, la sécurité des parcours professionnels se trouve améliorée : un salarié qui sort d'une entreprise n'aura plus à chercher une mutuelle et les indemnités de licenciements seront doublées. La durée des stages sera désormais prise en compte.

En sortant ainsi de la culture du conflit, nous mettons en oeuvre une méthode gagnante pour tous les Français et pour la démocratie sociale, qui ne demandait qu'à être renforcée. (Applaudissements sur les bancs UMP)