Programmation des finances publiques (Urgence) et Prélèvements obligatoires (Déclaration du Gouvernement)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 ainsi qu'une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur les prélèvements obligatoires et leur évolution.

Sur la proposition des commissions des finances et des affaires sociales, la Conférence des Présidents a décidé de joindre le débat sur les prélèvements obligatoires à la discussion générale de ce projet de loi.

Discussion générale commune

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.  - Pour la première fois, le Gouvernement présente au Sénat un projet de loi de programmation des finances publiques, conformément à la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. M. Woerth exposera, dans quelques instants, la façon dont le Gouvernement entend consacrer un effort sans précédent à l'assainissement des comptes publics. L'enjeu est de taille : seul un rétablissement de nos finances évitera que nous continuions à vivre à la charge de nos enfants et de nos petits-enfants. Je concentrerai donc mon intervention sur le contexte macroéconomique qui, au reste, ne sera pas sans conséquences sur les modalités d'assainissement des comptes publics.

Notre économie traverse une période difficile et ce projet de loi est un texte de crise. Pour moi, cette crise -peut-être en avez-vous une appréciation différente- est une crise des excès : excès de crédit, d'endettement, de complexité, de liquidités ; excès de volatilité et d'irrationalité.

Face à cette situation, la mobilisation rapide des pouvoirs publics européens, sous l'impulsion du Président de la République, Président de l'Union, a été exceptionnelle. Dès la mi-octobre, cette mobilisation s'est traduite en France par un plan de soutien pour sauvegarder l'accès au crédit des entreprises, donc pour sauvegarder l'emploi. Ce n'est donc pas un plan de sauvetage des banques mais un plan de sauvetage de l'économie -j'y insiste. Ce plan a, au reste, été adopté par quatorze pays européens, dont le Royaume-Uni ou encore l'Allemagne. Les premiers effets de ce plan sont visibles. L'évolution des taux d'intérêts, notamment, est le signe que le niveau des désordres et de la méfiance sur le marché des prêts entre banques a commencé de refluer.

Avant d'exposer les objectifs de croissance révisés à la baisse que le Gouvernement a fixés pour 2009 et 2010, je veux rappeler que la croissance était déjà négative au deuxième trimestre 2008 avec un taux de - 0,2 % dans la zone euro, et de - 0,3 % en France, en conséquence de l'envolée du cours du pétrole et des matières premières et des variations de l'euro durant l'hiver 2007-2008. L'activité s'était repliée en Allemagne de - 0,5 %, en Italie de - 0,3 % et au Japon de - 0,7 %. Au troisième trimestre, les États-Unis ont aussi enregistré une croissance négative de - 0,1 %. Début septembre, le Gouvernement avait donc retenu une hypothèse de croissance de 1 % du PIB pour 2009, l'hypothèse la plus basse depuis 24 ans ! C'est dire que nous n'étions pas particulièrement optimistes...

Les effets de la crise sur l'économie réelle se feront sentir durant plusieurs trimestres. Même si l'Europe a trouvé une réponse prompte, pertinente et pionnière -réponse qui a entraîné une modification du plan américain- et contribué à ramener la confiance sur les marchés, cette crise aura des séquelles durables.

Pour autant, face à ce choc, la situation économique et financière de l'Europe n'est pas celle des États-Unis. Le dire, ce n'est pas faire preuve d'optimisme béat mais s'en tenir à l'analyse des faits.

Les désordres interbancaires sont plus importants aux États-Unis ou en Grande-Bretagne, en raison du mode de régulation. En Europe, les agents restent solvables et sont surtout endettés à taux fixe : le taux d'endettement des ménages français est de 93,6 %, contre 130 % outre-Atlantique. Les banques européennes sont moins exposées aux activités de marché, leurs revenus provenant majoritairement d'activités de clientèle. Tout cela suggère une meilleure capacité à résister à un choc financier majeur.

Des éléments favorables sont aussi intervenus depuis septembre : le prix du baril de Brent est passé sous les 70 dollars, contre 148 en juillet. L'hypothèse d'un baril à 100 dollars, retenue pour le projet de loi de finances, doit donc être revue à 72 dollars, cours moyen en octobre. De même, l'hypothèse d'inflation sera ramenée de 2 % à 1,5 %. L'euro est passé au-dessous de 1,30 dollar, après un pic à 1,60 à la mi-juillet : l'hypothèse de change sera ramenée de 1,45 dollar à 1,33, cours moyen de l'euro en octobre. Nous devons nous adapter à la réalité. Cette évolution contribuera à soutenir les exportations et donc la croissance.

Le projet de loi de finances, dont le volet recettes a été arrêté début septembre, a été bâti sur une hypothèse de croissance de 1 % en 2009. Au total, les effets sur la croissance des bouleversements récents seront clairement défavorables. Comme je l'ai annoncé à l'Assemblée Nationale le 20 octobre, la croissance en 2009 pourrait s'établir entre 0,2 % et 0,5 % du PIB.

Mme Nicole Bricq.  - Et voilà !

Mme Christine Lagarde, ministre.  - De bons apôtres le contesteront, mais c'est une fourchette réaliste, confirmée par mes échanges avec nos partenaires lors du dernier conseil Ecofin...

Mme Nicole Bricq.  - Ce sera plus bas !

M. Guy Fischer.  - Bien sûr, là est la réalité ! (M. Jean-Pierre Fourcade s'exclame)

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Par contrecoup, la croissance pour 2010 est aussi révisée à 2 %. Le Gouvernement a souhaité que la Haute assemblée dispose dès aujourd'hui de l'ensemble des données nécessaires à l'examen du projet de loi de finances

Mme Nicole Bricq.  - Merci !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances.  - Très bien !

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Le Gouvernement soumettra les amendements qu'implique cette hypothèse.

Dans la situation actuelle, les anticipations des agents ont plus que jamais un effet sur la croissance : les économistes de tous bords en conviennent ! Gardons-nous de suivre certains instituts de sondages qui modifient sans cesse leurs estimations : à brûler aujourd'hui ce qu'ils adoraient hier, ces experts compromettent leur crédibilité !

Dans ce contexte sans précédent, notre prévision de croissance -la plus basse jamais retenue en France- est lucide : à situation exceptionnelle, prévision exceptionnelle. Elle ne se laisse pas aveugler par la technique des modélisateurs. Les leçons du passé ne sont pas d'un grand secours aujourd'hui.

La zone euro est structurellement mieux placée que les États-Unis pour traverser la crise. La méfiance sur le marché interbancaire y est d'ailleurs bien moindre. De nombreux pays européens qui auraient hier dédaigné de la rejoindre sont aujourd'hui plus lucides !

M. Alain Gournac.  - Eh oui !

Mme Nicole Bricq.  - C'est vrai.

Mme Christine Lagarde, ministre.  - En outre, la France a mis en oeuvre dès l'été 2007 d'importantes réformes structurelles pour réhabiliter le travail et renforcer l'investissement, qui s'inscrivent dans la stratégie de Lisbonne.

La réponse à la crise financière a été vigoureuse et rapide. Nous avons pris des mesures pour mettre fin à la thrombose qui risquait d'étouffer l'économie. D'une part, nous alimentons les banques en liquidités pour que l'économie continue à être financée, via une caisse de refinancement, garantie par l'État. Ce dispositif vient compléter le refinancement bancaire de court terme assuré par la banque centrale. D'autre part, nous renforçons les fonds propres des organismes financiers, dans la limite de 40 milliards. Les banques françaises sont suffisamment solides : il n'y a pas lieu pour l'État d'entrer à leur capital, comme cela s'est fait en Grande-Bretagne dans certains cas de détresse.

Nous avons également pris des mesures pour que les PME continuent à accéder au crédit. La France a demandé à la Banque Européenne d'Investissement d'augmenter de 50 % ses prêts aux PME : le dispositif a été mis en oeuvre en trois semaines, ce qui illustre la mobilisation européenne. Au plan national, le Président de la République a annoncé un plan de 22 milliards en faveur des PME, dont 17 milliards proviennent d'excédents d'épargne réglementée et 5 milliards de la Caisse des dépôts et d'Oseo.

Outre ces mesures d'urgences, le Gouvernement a approfondi et accéléré les réformes structurelles -soutenues au Sénat quand d'autres les vilipendaient- afin de renforcer notre compétitivité en mobilisant le travail et l'investissement. Réhabiliter la valeur travail, grâce au revenu de solidarité active, à l'accélération de la mise en place de Pôle emploi, à 100 000 contrats aidés pour les publics les plus fragiles, avec un accompagnement renforcé et une insertion dans l'entreprise, à l'extension du contrat de transition professionnelle aux bassins d'emploi en difficultés, à la réforme de la formation professionnelle.

Pour renforcer l'investissement, nous avons augmenté le crédit d'impôt recherche, exonéré de taxe professionnelle les nouveaux investissements, créé un fonds stratégique d'investissement pour investir dans l'avenir.

Au service de cette politique, notre politique fiscale se place sous le signe de la stabilité du taux de prélèvements obligatoires à 43,2 % du PIB jusqu'en 2012. Nous n'augmenterons pas le poids global des impôts, même si les recettes publiques venaient à fléchir du fait de la situation économique. Les mesures que nous avons décidées se traduiront par une baisse nette de 43,5 % à 43,2 %, soit plus de 10 milliards de prélèvements sur l'ensemble de la législature et elles sont ciblées sur nos priorités politiques : le travail, l'innovation, la participation des salariés aux résultats.

Certains prélèvements augmenteront néanmoins afin de financer le RSA et l'audiovisuel public, de redresser les comptes de la sécurité sociale ou de mettre en place une fiscalité environnementale. Lors de l'examen du projet de loi de finances, nous examinerons le plafonnement global des niches fiscales, ce que votre majorité avait voté, mais qui n'avait pas pu être appliqué à cause du recours de l'opposition devant le Conseil constitutionnel.

Mme Nicole Bricq.  - Ça va être de notre faute ? Incroyable !

M. Aymeri de Montesquiou.  - C'est vrai !

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Avec la crise d'octobre, nous sommes entrés dans une nouvelle ère, qui nécessite une approche exceptionnelle des hypothèses de croissance. Je vous ai annoncé que celles pour 2009 et 2010 étaient sensiblement revues à la baisse. Je vous ai expliqué en quoi cette révision était responsable et lucide à l'heure où les agents économiques manquent de repères clairs et où les experts, déboussolés, ne parviennent pas à dégager des principes de réalité. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.  - Face à l'incertitude de l'environnement actuel, l'État doit rétablir la confiance. Pour cela, le Président de la République et le Gouvernement ont pris des mesures pour lutter contre la crise. Mais rétablir la confiance ce n'est pas seulement agir aujourd'hui, c'est également dire ce que l'on fera demain. Dans la tourmente que traverse la planète, il faut que l'action du Gouvernement soit clairement définie à moyen terme, pour pouvoir servir de repère, de point d'appui. Ce projet de loi de programmation des finances publiques répond à ce besoin. J'avais souhaité cette innovation pour nos finances publiques dès notre arrivée, dans un souci de bonne gouvernance. Le Sénat aussi, d'ailleurs. Elle se révèle aujourd'hui indispensable car elle donne une vision globale de toute la sphère publique durant toute la législature.

Pour jouer pleinement son rôle, il faut naturellement que cette loi soit la plus précise possible. C'est pourquoi nous vous présentons des hypothèses de croissance révisées et une trajectoire de recettes modifiées en conséquence. Comme je m'y étais engagé, les dépenses n'ont pas été modifiées au-delà de l'incidence mécanique de la charge d'intérêt et des dépenses indexées. Ces dépenses traduisent donc toujours une volonté de maîtrise durable de la dépense publique, mais nous ne réduisons pas les missions des ministères pour compenser les plus faibles recettes. Cela nous conduit donc à afficher des déficits plus importants.

Cette loi de programmation tient donc compte des effets de la crise et elle traduit une maîtrise sans précédent des dépenses, les détaillant par mission sur trois ans. Elle dégage aussi des principes de gouvernance qui précisent nos actions si les évolutions macroéconomiques et financières étaient différentes de ce que nous prévoyons aujourd'hui. Dans la situation d'incertitude actuelle, c'est évidemment primordial.

Enfin, vous allez voter un programme qui auparavant était directement envoyé à Bruxelles. C'est une avancée majeure dans l'association du Parlement à la gestion de nos finances publiques et au respect de nos engagements.

Dés la présentation de ce projet de loi de programmation et du projet de loi de finances à l'Assemblée, j'ai dit que nous tiendrions compte de l'évolution de la situation économique : la crédibilité et la sincérité ne se négocient pas. Ces projets de lois étaient d'une parfaite sincérité lorsqu'ils ont été déposés : une croissance de 1 % en 2009 était alors l'hypothèse partagée par tous les économistes. J'entends naturellement qu'au cours des débats ces lois conservent leur sincérité et leur réalisme. Mais ce n'est pas une tâche facile : la sincérité, cela ne veut pas dire changer de prévisions tous les matins en fonction du cours de bourse. Comme je l'ai dit à l'Assemblée, le budget n'est pas mark to market. Nous avons voulu disposer de quelques semaines de recul pour prendre en compte des données nombreuses et souvent contradictoires, et en dégager la tendance la plus probable. Après des analyses détaillés et précises, le Gouvernement revoit aujourd'hui ses prévisions de croissance : 0,5 % en 2009, 2 % en 2010 et 2,5 % en 2011 et 2012.

J'en ai bien évidemment tiré toutes les conséquences en termes de recettes et de déficits car nous n'avons pas l'intention de modifier la progression réelle des dépenses, ni de compenser par des augmentations de recettes la faiblesse de la conjoncture.

La volonté de vous apporter le plus vite possible les conclusions les plus récentes de nos travaux m'empêche de vous fournir dès aujourd'hui jusqu'au dernier détail. L'examen du projet de loi de finances nous en donnera l'occasion. La vingtaine d'amendements que nous présentons dès aujourd'hui vous permettront néanmoins d'avoir une idée précise de la situation.

Le collectif budgétaire sera présenté au conseil des ministres du 19 novembre et il permettra de faire le point sur les recettes et les dépenses. Je réduirai sans doute les recettes fiscales de l'État d'environ 2 milliards, notamment au titre de l'impôt sur les sociétés et de la TVA. Le ralentissement de la masse salariale pèsera également sur les recettes sociales. Au total, c'est un peu plus de 3 milliards de recettes en moins, soit 0,2 point de PIB. Le déficit initialement prévu à 2,7 sera donc revu à 2,9 points de PIB.

Cette révision s'explique par une prévision de recettes la plus honnête possible car, en ce qui concerne les dépenses, elles reposent sur le strict respect des votes du Parlement, à l'exception des charges de la dette qui ont subi l'évolution de l'inflation au cours de l'année 2008.

Pour 2009, la révision de la croissance et de certains impôts qui sont particulièrement affectés par les évolutions récentes, comme l'impôt sur les sociétés, me conduit à une révision du solde public d'environ 9 milliards, soit 0,4 point de PIB. La prévision initiale de déficit public de 2,7 est donc revue à 3,1 points de PIB.

Nous n'avons pas pour autant l'intention de nous affranchir du Pacte de stabilité et de croissance. Le Commission européenne a d'ailleurs répété qu'elle tiendrait compte des circonstances exceptionnelles que l'Europe traverse pour examiner la situation. Il s'agit simplement de laisser les recettes s'adapter à la crise.

L'important, c'est de maintenir l'effort sur la dépense, aujourd'hui, mais aussi demain, quand la croissance sera revenue, pour ne pas retomber dans les errements du passé. C'est la clé pour assainir nos finances publiques. Ce dépassement du seuil des 3 points de PIB doit naturellement être temporaire, et notre effort sur la dépense nous permettra de retourner à 2,7 points de PIB dès 2010. Avec un retour à une croissance de 2,5 % en 2011 et 2012, la maîtrise de la dépense permettrait une nette amélioration du déficit, à 1,9 point de PIB en 2011 et 1,2 point en 2012.

Comme nous l'avions promis, nous tirons en toute transparence les conséquences de la crise que nous traversons. Ces révisions confortent la sincérité du projet de loi de programmation des finances publiques. Compte tenue de l'incertitude actuelle, nul ne peut prétendre que les hypothèses retenues seront exactement vérifiées. Je continuerai donc à avoir, plus que jamais, un dialogue étroit avec votre commission des finances sur les évolutions en cours d'année.

Les révisions effectuées étaient nécessaires, mais elles ne remettent pas en cause les engagements forts en termes de dépense et de gouvernance qui figurent dans ce projet et dont la colonne vertébrale, quelle que soit la conjoncture du moment, est de réaffirmer la réduction du poids exorbitant de la dépense.

La maîtrise de la dépense nous permettra en effet de profiter d'un retour à meilleure fortune de l'économie internationale. Tout regain de croissance aura alors des effets positifs puissants et rapides sur nos finances publiques. D'ailleurs, c'est la maîtrise de la dépense qui garantit la solvabilité de l'État. Le plan de financement de l'économie fonctionne essentiellement via des emprunts garantis par l'État : en temps de crise, il est le seul à qui les marchés acceptent encore de prêter, le seul en qui les marchés ont confiance.

Or cette confiance se justifie par le rétablissement structurel de nos finances publiques, que seule une action déterminée sur la dépense peut garantir. Il n'y a aucune contradiction entre la lutte contre les dépenses inefficaces et le plan de refinancement de l'économie. Pour que l'État soit solvable et puisse jouer tout son rôle, il faut accepter de le réformer et d'être économe de l'argent public.

On nous a reproché notre manque de cohérence : nous aurions trouvé 360 milliards pour les banques -voire les banquiers, car les commentaires sont allés jusqu'à la caricature- alors que nous prônons la maîtrise des dépenses. Je ne puis laisser dire une telle contrevérité, je ne peux laisser comparer ce chiffre aux dépenses du RSA, comme cela a été fait : le renflouement auquel nous procédons ne se fait pas à fonds perdus.

M. Guy Fischer.  - Les dépenses du RSA sont donc pour vous à fonds perdus ?

M. Éric Woerth, ministre.  - Notre plan ne pèse pas sur les finances publiques. Nous n'avons pas créé un fonds où les banques seraient invitées à puiser. Quant aux 40 milliards de prise de participation, ils seront certes financés par l'emprunt, mais avec cette contrepartie que constituent les actifs, tandis que la garantie de l'État n'est pas non plus une dépense et sera même payante.

Les seules vraies dépenses que nous engageons tiennent à la charge du passé et visent la recherche de l'efficacité. Le passé, de fait nous rattrape. La dette n'a cessé de s'accroître en 30 ans, tandis que le temps est révolu où l'on pouvait parier sur une baisse des taux : depuis 18 mois, il n'y a plus de « bonnes surprises ». Cette année, la charge de la dette augmentera de 4 milliards : c'est considérable. Le passé nous rattrape aussi par la démographie. Les dépenses de pension augmentent avec l'arrivée de la génération du baby boom à l'âge de la retraite. Nous avons prolongé, en 2003, la durée des cotisations. Nous avons mis en place un plan senior. Un état des lieux doit être dressé en 2008.

Pour le reste des dépenses, l'effort de maîtrise est sans précédent. Nous avons construit pour trois ans trois budgets successifs dans lesquels les dépenses de retraite sont stabilisées en valeur, les dotations sous-évaluées -je pense notamment aux remboursements à la sécurité sociale et aux opérations extérieures- remises à niveau, le financement du Ffipsa (Fonds de financement des prestations sociales agricoles) et de l'Afitf (Agence pour le financement des infrastructures de transport de France) clarifiés. Ce travail, mené par le Gouvernement sous la vigilance du Premier ministre, a requis, croyez-le, une grande volonté politique.

Je m'étais engagé à diviser par deux le rythme de la dépense publique en euros constants. Cet objectif, poursuivi depuis plusieurs années, n'avait jamais été réalisé : il l'est cette année, avec 1 % de croissance de la dépense publique. Grâce à la maîtrise des dépenses de l'État hors charge de la dette, ainsi que des dépenses de santé, 10 milliards d'économie seront réalisés chaque année. Les dépenses de personnel, d'intervention et de fonctionnement de l'État sont stabilisées sur la législature et l'augmentation de la dotation aux collectivités est limitée à l'inflation. Si cela avait été fait depuis dix ans, le budget serait à l'équilibre, et notre discours pourrait être tout autre. Car en ces matières, c'est la persévérance plus que la chute de pression qui compte.

Nous recherchons l'efficacité de la dépense dans tous les domaines. Pour la première fois, un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ne sera pas remplacé, ce qui représente 30 600 emplois. En un an, nous aurons fait autant que sur les cinq dernières années, sans pour autant reporter la charge sur les opérateurs, dont les effectifs baisseront de plus de 1 000 en 2009. C'est aussi grâce à cette méthode que nos collègues garderont les moyens de leur politique, sans disposer pourtant des quelque 14 milliards qu'ils réclamaient tout d'abord. C'est grâce à elle que nous serons en mesure de reconnaître l'effort des fonctionnaires, qui bénéficieront de 50 % des économies ainsi réalisées. Avec André Santini, nous avons mis fin à cette pratique aberrante qui consistait à négocier le point d'indice de la fonction publique alors que le budget était déjà voté. Nous avons agi très en amont, et pour trois ans.

Il n'était pas possible d'exempter les collectivités de l'effort ainsi réalisé. (Mouvements divers) En dépit de la complexité du jeu entre l'État et les collectivités territoriales, nous respectons nos engagements : les concours de l'État suivront la même norme d'évolution que les dépenses globales de l'État, indexées sur l'inflation. Pour 2009 cependant...

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Pour 2009 ?

M. Éric Woerth, ministre.  - ...exceptionnellement...

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Exceptionnellement, je souligne.

M. Éric Woerth, ministre.  - ...ils progresseront plus rapidement que l'inflation, puisque son taux prévisionnel a été ramené de 2 % à 1,5 %. Pour respecter la règle, il aurait fallu aligner les concours de l'État sur ce taux révisé à la baisse. Nous ne le faisons pas. Cela n'empêchera sans doute pas les élus que vous êtes de réclamer davantage... Nous ne pourrons vous suivre. Nous n'irons donc ni à la hausse, ni à la baisse.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Très bonne chose, y compris pour les collectivités.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - (Applaudissant) Très bonne nouvelle !

M. Éric Woerth, ministre.  - Au sein de cette enveloppe, priorité a été donnée à l'investissement puisque le FCTVA est préservé et progresse de 660 millions. J'ajoute que l'État a répondu présent pour le sauvetage de Dexia, en garantissant son refinancement... Je ne doute pas que l'effort sera accepté, parce qu'il est juste.

Cet effort porte aussi sur la sécurité sociale. En 2009, la conjoncture pèsera sur la progression des cotisations et le déficit du régime général, mais l'effort sur la dépense permettra de limiter la dégradation à 2 milliards. Quant à l'Ondam, il restera fixé à 3,3 % par an. Entre optimisme de façade et résignation, il est une voie médiane. La tenue des dépenses en 2008 en témoigne.

M. Guy Fischer.  - Et en 2012 ?

M. Éric Woerth, ministre.  - Mais ce n'est pas seulement par la loi que nous irons vers l'équilibre. C'est aussi par le changement des comportements et l'effort sans relâche des gestionnaires : l'efficacité ne doit pas passer par pertes et profits, au motif que seule compte la qualité.

Nous reprenons la dette du régime des salariés et des exploitants agricoles ; nous apportons des recettes nouvelles à l'assurance maladie et à l'assurance vieillesse ; nous fixons un objectif de dépenses. L'État peut-il faire plus ? Pour parvenir au respect de l'Ondam, l'effort de tous est requis, des partenaires sociaux aux personnels soignants, du Gouvernement aux caisses d'assurance maladie. Cessons de considérer que le dépassement de l'Ondam est de droit !

Cet effort marqué sur la dépense publique constitue une avancée majeure de la loi de programmation. Il importait cependant de le calibrer. Une baisse trop brutale, surtout en temps de crise, aurait pu provoquer une « dépressurisation ». L'effort doit être mesuré et régulier : tout excès favoriserait non la reprise mais la « recrise »...

Les dépenses prioritaires doivent ainsi être renforcées. Les investissements dans la recherche et l'enseignement supérieur, dans l'environnement conformément aux préconisations du Grenelle, dans la valorisation du travail sont véritablement porteurs d'avenir. Des moyens sans précédent, à hauteur de 1,8 milliard supplémentaire par an, sont consacrés à la recherche et à l'enseignement supérieur, pour le financement des chantiers engagés à l'initiative du Président de la République : autonomie des universités, excellence de la recherche publique, mobilisation de la recherche privée. L'effort en faveur des infrastructures augmentera de près de 6 % en 2009, soit, avec les partenariats publics-privés, un quasi-doublement des investissements entre 2007 et 2011.

Côté recettes, si nous ne compenserons pas, nous l'avons dit, la faiblesse de la conjoncture par des hausses d'impôts, nous ne camperons pas non plus dans l'immobilisme. Les mesures fiscales doivent être équilibrées. L'intérêt général commande d'accepter que certains impôts augmentent pour que d'autres puissent baisser. Cela ne doit pas faire oublier que la baisse des prélèvements a atteint, depuis le début de la législature, le niveau historique de 10 milliards. Sécuriser les dépenses est crucial. La loi de programmation est particulièrement novatrice sur ce chapitre. Elle permet de prévoir pour la première fois une évolution pluriannuelle. La loi prévoit désormais une évaluation des crédits d'impôt, un objectif annuel de dépenses fiscales et l'assurance qu'on met un terme à la prolifération des niches fiscales et sociales.

Votre rapporteur a fait de nouvelles propositions allant dans ce sens et nous les accueillerons favorablement, notamment celle rendant les niches fiscales « à durée déterminée ». Ces règles sur les dépenses fiscales sont une avancée majeure dans la maîtrise des finances publiques. Par le passé, les dépenses étaient encadrées par la seule norme de dépense budgétaire, le fameux « zéro volume ». Mais force est de constater que cette norme a été contournée par le développement de la dépense fiscale. Après l'élargissement de la norme l'année dernière et les rebudgétisations, c'est donc un nouveau pas que nous accomplissons dans notre gouvernance des finances publiques, qui corrige les effets pervers des règles du passé.

Ce projet de loi de programmation traduit une véritable stratégie, sortant du cadre strictement annuel et du seul budget de l'État, en sécurisant les recettes et en inscrivant la réforme de l'État dans la durée. Il prend en compte la situation difficile que nous connaissons, car rien ne serait pire que de la nier. Il peut donner lieu à une discussion éclairée et responsable de nos finances publiques. A mes yeux, il montre le chemin pour préparer au mieux l'avenir : un effort sans précédent, durable, documenté sur la dépense publique nous permettra de traverser cette crise et d'assainir à terme nos finances publiques. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances.  - Je salue tout d'abord les deux exposés qui viennent de nous être faits, et particulièrement leur effort de sincérité et de transparence. L'appréciation du contexte macroéconomique est toujours délicate lorsqu'il s'agit d'élaborer un document budgétaire, qu'il soit annuel ou pluriannuel, et, trop souvent, on entend le Gouvernement s'approprier des prévisions de croissance. Quand le Gouvernement parle de sa prévision de croissance, il fait une erreur ! Il n'y a pas de taux de croissance du Gouvernement, pas plus que de taux de croissance du Parlement : il y un taux de croissance qu'on constatera a posteriori, et c'est le seul vrai. Il nous faut donc travailler sur des hypothèses de croissance, ou plutôt sur diverses hypothèses macroéconomiques -le prix de l'énergie, par exemple, ou les parités monétaires. Allant au bout du raisonnement, il nous faudrait, pour chaque grande donnée macroéconomique, non pas nous focaliser sur un chiffre mais plutôt se proposer une fourchette. C'est ce que vient de faire Mme la ministre, pour la première fois, en tablant sur une fourchette de croissance de 0,2 à 0,5 %. C'est enfin reconnaître que l'aléa existe et que rien ne garantit que les conjoncturistes des banques et des organismes internationaux soient plus éclairés que ceux de l'Insee ou du Conseil d'analyse économique. Pour une loi de programmation triennale, nous devons réfléchir sur la base des données d'un monde incertain... Je salue donc cet exercice de sincérité et j'espère qu'à l'avenir, pour les recettes, dépenses et soldes, on ne raisonnera plus qu'en termes de fourchettes. Si la situation est médiocre, on n'engagera qu'un minimum de dépenses, qu'on augmentera si elle est meilleure. Nous avons donc là un budget transparent -y compris pour la sécurité sociale-, susceptible de s'adapter à la conjoncture.

Le Gouvernement est fondé à mettre l'accent sur des normes de dépenses car seule la dépense publique centralisée peut être contrôlée. Donc, seules les dépenses de l'État, de ses démembrements et des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale doivent obéir aux normes proposées par le Gouvernement et votées par le Parlement. Il existe d'autres dépenses publiques, non centralisées, celles des collectivités locales ; les conseils municipaux, généraux, régionaux ou de communautés votent des dépenses équilibrées par leurs ressources et leur fiscalité. Mais les chiffres ne sont pas de même nature que ceux des dépenses publiques centralisées et la commission présentera un amendement à ce sujet.

Pour les collectivités territoriales, le ministre du budget vient d'annoncer une avancée concrète : en 2009, l'augmentation de l'enveloppe globale des concours de l'État sera supérieure de 0,5 point à une inflation de 1,5 %, ce qui représente 275 millions supplémentaires. Monsieur le ministre, vous nous avez entendus avant même le débat budgétaire. Étant maire et président d'une communauté de communes, vous savez bien qu'en période de basse conjoncture, voire de récession, c'est vers les collectivités territoriales qu'on se retourne pour les investissements ou les dépenses de solidarité. Ce sont elles qui, pour les entreprises comme pour les personnes, jouent le rôle d'amortisseurs à la crise. Cet apport de 275 millions sera donc le bienvenu.

« L'agencisiation » de l'État présentait un risque d'évasion des dépenses ordinaires, hors du budget global de l'État, vers diverses institutions publiques. En 2009, les effectifs affectés à ce démembrement se verront appliquer les règles de base de la fonction publique. Mais la dépense fiscale reste une grande tentation pour les ministres dépensiers.

M. Jean-Pierre Fourcade.  - On en a voté une nouvelle la semaine dernière !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Heureusement, le Sénat est là pour veiller au bon comportement des finances publiques et la commission a déposé des amendements à ce sujet.

La révision des hypothèses macroéconomiques conduit mécaniquement à une série d'amendements que la commission des finances devra examiner lors d'une suspension de séance. Il est important que le Sénat soit le lieu d'un vrai débat.

Ce débat doit tout à la fois se situer dans l'actualité immédiate et ouvrir des perspectives car il convient d'agir avec continuité et persévérance afin qu'un euro de dépense fiscale soit traité exactement de la même manière en prévision et en réalisation qu'un euro de crédit. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.  - On a fini par en prendre l'habitude, les médias considèrent que la messe est dite lorsque le débat a eu lieu à l'Assemblée nationale et ils font assez rarement mention des travaux du Sénat. Nous montrerons prochainement, pourtant, qu'il est une force de proposition et que si ses suggestions ne sont pas toujours retenues immédiatement, elles le sont souvent l'année suivante par le Gouvernement ou par l'Assemblée nationale. (Marques d'approbation au banc des commissions)

Je veux rendre hommage aux ministres qui nous ont réservé l'expression de leur volonté de jouer la transparence, la crédibilité et le réalisme des prévisions macroéconomiques. Nos concitoyens n'auraient d'ailleurs pas compris qu'on ne tînt pas compte de la crise financière et que l'on en restât aux prévisions de cet été. Je salue donc la rapidité avec laquelle le Gouvernement a mis en oeuvre la révision constitutionnelle du 23 juillet dernier. Nous l'appelions de nos voeux et les dernières conférences des finances publiques l'avaient préparée.

Ce projet comporte des règles de gouvernance proches de celles que nous avions préconisées, notamment à travers la proposition de loi organique que j'avais déposée avec le président About et qui a été votée par le Sénat le 22 janvier. Le Parlement est conduit à apprécier une stratégie globale en matière de finances publiques. C'est un progrès par rapport à la transmission confidentielle d'un programme de stabilité à la Commission européenne. Avoir accès à ces perspectives marque une avancée. En effet, nous ne pouvions jusqu'ici discuter en termes généraux que des prélèvements obligatoires et, quelque utile que soit l'exercice, il ne concerne qu'un aspect du sujet. Pour les dépenses, la réflexion se poursuivait à l'occasion de chaque projet de loi de finances et de financement de la sécurité sociale.

Nous étions plus avancés en matière sociale grâce à l'annexe B du projet de loi de financement de la sécurité sociale, que nos critiques avaient déjà permis d'améliorer. Malgré ses limites en termes de fiabilité, cette annexe a le mérite de montrer des tendances et de proposer une trajectoire.

Le contexte économique est exceptionnel mais, même majeures, les incertitudes ne remettent que partiellement en cause la pertinence de l'exercice. Aucun institut n'est capable d'évaluer l'impact de la crise -vous verrez dans mon rapport les multiples précautions avec lesquelles l'OFCE présente les deux scénarios envisagés dans ses dernières perspectives. L'hypothèse centrale est celle d'une augmentation de la masse salariale estimée à 3,5 % en 2009 et 4,6 % pour les trois années suivantes. Or la masse salariale représente les trois quarts des recettes de la sécurité sociale et un point représente 2 milliards de recettes. Il sera donc plus difficile de revenir à l'équilibre en 2012. Je l'ai évoqué en commission, le rendez-vous sera peut-être repoussé en 2013. Espérons que la conjoncture sera plus favorable, mais restons prudents.

Le rapport indique trois éléments indispensables : disposer de bases financières assainies, traiter les situations structurelles de déficit et clarifier les relations financières entre l'État et la sécurité sociale. Ils sont traités de manière imparfaite -j'y reviendrai la semaine prochaine. Le transfert de la dette sociale à la Cades sera effectué cette année mais il entraînera une fragilisation du Fonds de solidarité vieillesse ; malgré des progrès, la dette de l'État envers la sécurité sociale atteint 5 milliards, mais vous avez annoncé en commission un remboursement de 1,5 milliard ; le déficit du Ffipsa n'est pas totalement réglé.

La dégradation conjoncturelle accroît les risques sur le montant de la dette, aussi ai-je bien noté votre souci de coller aux besoins en dotations. Vous avez insisté sur la maîtrise des dépenses. L'objectif n'est chiffré que pour l'assurance maladie. L'Ondam progresserait de 3,3 % sur l'ensemble de la période. En maintenant cette prévision, vous consentez le même effort pour la sécurité sociale que pour les collectivités territoriales. L'objectif d'une progression inférieure à celle du PIB est ambitieux mais pas hors de portée -on l'a atteint en 2008, malgré un léger dérapage. Mais il faudra économiser 2 milliards chaque année pour une progression tendancielle des dépenses de 7 milliards. On ne peut avoir la même maîtrise pour les dépenses de santé que pour celles de l'État. Il est donc impératif de mobiliser toutes les marges d'efficience, tant pour les soins de ville que pour l'hôpital. Si nous avons déjà obtenu des résultats pour les premiers, nous restons sur notre faim à propos des seconds. Des économies peuvent être réalisées, mais ce ne sera pas facile.

Les dépenses des autres branches doivent se contenter de quelques paragraphes -pourquoi être trois fois plus disert sur le budget de l'État que sur la sécurité sociale ? On dispose de peu de prévisions pour la branche vieillesse malgré un déficit de 5 milliards. L'évolution des dépenses de retraite dépendra des progrès dans l'emploi des seniors et du point d'étape prévu en 2010. Il semble cependant que la principale raison qu'ont les salariés d'anticiper leur départ à la retraite tienne au manque de lisibilité.

La sécurisation des recettes dépend d'un retour de la croissance comme de la préservation des recettes actuelles mais je m'interroge sur de nouvelles recettes ainsi que sur le basculement des cotisations Unedic vers la branche vieillesse.

Si la conjoncture se retourne, les recettes ne seront pas au rendez-vous. Quelle que soit son évolution, rien n'empêche de travailler à préserver les recettes existantes, en veillant à ne pas multiplier les exemptions d'assiette, les exonérations de charges et autres niches sociales. Cela n'a pas été vraiment le cas en 2008, puisque sept niches supplémentaires, qui n'ont pas été compensées, ont été créées au fil des lois ordinaires. La commission des affaires sociales s'intéresse à cette question depuis longtemps ; elle a successivement proposé, avant même que l'Assemblée nationale et le Gouvernement ne s'en emparent, la taxation des stock-options, l'instauration d'une flat tax sur les niches sociales et la limitation par la loi de la création d'exonérations de charges dans les lois ordinaires : ce fut l'objet de sa proposition de loi. A chaque fois, nos initiatives ont été repoussées... avant d'être finalement adoptées.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Vous êtes un précurseur !

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis.  - Nous ferons de nouvelles propositions dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, comme l'extension du forfait social de 2 % à l'ensemble des assiettes exemptées et le ciblage des allègements de charges sur les entreprises de moins de cinquante salariés. N'est-il pas temps d'avoir un débat sur les 25 milliards d'exonérations -pour les seuls allègements Fillon ? Quel est leur réel impact sur l'emploi ? N'y a-t-il pas des effets d'aubaine ?

M. Guy Fischer.  - C'est évident !

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis.  - Dans la grande distribution, par exemple ?

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales.  - Mais oui !

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis.  - Ne favorisent-elles pas le développement du temps partiel...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales.  - Et des salaires en dessous du Smic...

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis.  - ...et les travailleurs pauvres ? Le débat mérite d'être engagé.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - C'est certain.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis.  - Je vous renvoie d'ailleurs au rapport de la Cour des comptes sur le sujet.

La commission des affaires sociales se réjouit que le Gouvernement se tienne à des règles de bonne gouvernance et d'encadrement des dépenses fiscales et sociales telles que les définit l'article 11 du projet de loi de programmation, en regrettant toutefois qu'elles ne s'appliquent que l'an prochain. A titre d'exemple, le Gouvernement nous propose dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 un dispositif de prise en charge des frais de transport exonérés de toute charge sociale -sans compensation. Est-ce bien cohérent ?

M. Guy Fischer.  - Non !

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis.  - L'article 10 du texte ne semble pas tout à fait respecté. (M. Éric Woerth, ministre, le nie) Vous nous l'expliquerez... Les nouvelles règles doivent être appliquées par tous, ministres comme parlementaires.

La commission des affaires sociales donnera un avis favorable à ce projet de loi, sous réserve que le Gouvernement s'engage pour l'avenir à mieux étayer les projections de dépenses sociales, à entamer une réflexion sur la croissance des dépenses vieillesse, à respecter le nouvel objectif constitutionnel d'équilibre des comptes publics et à redéposer un texte de programmation si les hypothèses macroéconomiques devaient être corrigées -j'ai compris que ce serait le cas cet après-midi. Merci à tous de contribuer à un meilleur équilibre de nos comptes sociaux. (Applaudissements au centre et à droite)

présidence de Mme Catherine Tasca,vice-présidente

Mme la présidente.  - Nous devons suspendre à 11 h 55 pour l'hommage rendu aux sénateurs et fonctionnaires morts pour la France. Est-il raisonnable de reprendre la séance à 12 h 15 ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Plusieurs d'entre nous ont des obligations qui les contraindront à quitter l'hémicycle vers 12 h 30. Il me paraît sage de ne reprendre la séance que vers 15 heures, étant entendu que la commission doit se réunir à 14 h 45 pour examiner les amendements que le Gouvernement vient de déposer pour tenir compte de la révision de hypothèses macroéconomiques.

Mme la présidente.  - Nous reprendrons donc à 15 h 15. (Assentiment)

M. Albéric de Montgolfier - Je me réjouis de cette discussion générale commune, qui nous permet d'avoir une vue plus cohérente de la stratégie gouvernementale. Chaque année, le Gouvernement transmet à Bruxelles une programmation pluriannuelle des finances publiques ; le groupe UMP se félicite que, pour la première fois, la représentation nationale en soit saisie, en application de la révision constitutionnelle de juillet dernier. L'action du Gouvernement sera ainsi plus transparente.

Nous examinons ce texte dans un contexte économique et financier très dégradé, face auquel le Gouvernement fait preuve de réalisme en révisant à la baisse ses hypothèses de croissance. Mais la conjoncture ne doit pas nous faire renoncer à la maîtrise des dépenses publiques ; le groupe UMP salue à ce titre la détermination et le volontarisme du Gouvernement, qui s'est fixé un objectif ambitieux, la division par deux du taux de croissance en volume de la dépense publique, et au premier chef de celui de la dépense de l'État. Où en est, à ce propos, la révision générale des politiques publiques ? Quelles en sont les perspectives budgétaires ?

Reste que les deux tiers des efforts de maîtrise seront demandés à la sécurité sociale et aux collectivités territoriales. M. Vasselle a bien souligné les enjeux sur le premier point. Pour le second, le Gouvernement souhaite pérenniser l'indexation des concours de l'État sur l'inflation, et même un peu au-delà. Le taux de progression des dépenses des collectivités territoriales est ramené à 1,25 % en moyenne sur la période 2009-2012 -ce que la commission des finances juge peu réaliste, notamment pour les départements confrontés à une forte croissance de leurs dépenses sociales comme l'APA.

Nous acceptons que les collectivités territoriales participent à l'effort de maîtrise des dépenses publiques, sous réserve que l'État mette fin aux transferts de charges larvés et clarifie ses relations avec elles. Nous nous félicitons à ce titre de la volonté du Président de la République de clarifier compétences et structures des échelons territoriaux.

Il faudra veiller à ne pas pénaliser l'investissement, surtout en période de mauvaise conjoncture, ce qui impose de faire porter l'effort de maîtrise avant tout sur le fonctionnement. Nous saluons la décision du Gouvernement de ne pas engager une réforme précipitée des critères d'attribution du Fonds de compensation de la TVA (FCTVA). Il ne faut pas oublier que l'investissement public est aux trois quarts le fait des collectivités territoriales.

Nous retenons de la programmation la volonté du Gouvernement de maîtriser durablement les dépenses publiques, crédits budgétaires comme dépenses fiscales. Malgré les incertitudes de la conjoncture, c'est dans un esprit de responsabilité que le groupe UMP aborde l'examen de ce projet de loi. (Applaudissements à droite)

M. Aymeri de Montesquiou.  - Face aux difficultés de l'économie mondiale, la seule politique qui vaille est celle de la vérité et de l'action, vérité pour gagner la confiance des Français, action parce que l'État doit incarner responsabilité et régulation.

Fruit d'un excès d'endettement et de complexité, mais aussi de cupidité et de volatilité, une spirale irrationnelle de défiance a contrecarré la politique originelle du Président de la République, dont l'énergique réactivité tend à rétablir la confiance.

A l'évidence, les réformes structurelles doivent se concentrer principalement sur le secteur bancaire, afin que les circuits financiers soient de nouveau mis au service de la croissance, des entreprises et des Français.

La loi de programmation pluriannuelle et le projet de budget pour 2009 reposent sur deux idées simples : maîtriser les dépenses publiques et protéger nos recettes. Ainsi, la loi de programmation propose de reconduire les dépenses réelles jusqu'en 2012, ce que notre collègue M. Lambert avait suggéré dans son rapport. Il est plus aisé de réformer pour dépenser mieux lorsqu'une visibilité sur trois ans incite les gestionnaires à rechercher des économies et à redéployer des crédits. La crise actuelle a démontré que la dépense publique ne devait pas faire l'objet de clivages idéologiques. Nos voisins incitent à de saines comparaisons, même s'il reste vrai que, la France n'étant pas seulement une entreprise, nous ne pouvons ignorer l'apport indispensable de la dépense publique à la réduction des inégalités.

Avec une inflation à 2 %, la hausse des dépenses en volume est limitée à 7 milliards d'euros, dont il ne reste rien après l'accroissement des charges de pension -soit 2,4 milliards de la dette- pour 3 milliards, du prélèvement en faveur de l'Union européenne -qui avoisinera 500 millions, du concours de l'État aux collectivités locales- soit 2 milliards supplémentaires sur 55, enfin des charges de personnel -qui augmenteront de 300 millions.

Nous devons donc nous appuyer sur la révision générale des politiques publiques, puisque cette recherche systématique d'efficacité des dépenses donnera la possibilité de ne pas remplacer la moitié des départs à la retraite dans la fonction publique, réduisant ainsi les effectifs de 30 600 emplois. Il faut savoir que, depuis le début de la décentralisation en 1982, les collectivités territoriales ont créé 500 000 postes sans baisse corrélative dans la fonction publique d'État.

Mais nous devons maîtriser l'ensemble des dépenses publiques, seul gisement d'économies à exploiter sans modération. Avec une progression moyenne en volume supérieure à 2 % par an sur la longue période, cet ensemble atteignait 52,4 % du PIB en 2007. Les dépenses de l'État représentaient 300 milliards, la protection sociale coûtant 450 milliards et les collectivités locales intervenant pour plus de 200 milliards. D'où certaines évolutions inscrites dans le projet de loi de programmation. Ainsi, l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) progresserait de 3,3 % de 2009 à 2012, les dotations aux collectivités locales s'accroîtraient de 2 %, soit un demi-point de plus que le rythme prévisionnel de l'inflation. Par conséquent, nous devons dépenser 10 milliards de moins d'ici 2020. A cette fin, le Gouvernement doit mettre en oeuvre, dès 2008, un ajustement structurel des finances publiques réduisant leur poids de 0,5 % du PIB chaque année. Le rétablissement des comptes publics est indispensable pour que nous cessions de transférer une charge budgétaire toujours plus lourde sur nos enfants et nos petits-enfants.

Si les recettes ne sont pas au rendez-vous, le déficit progressera, mais le souci de notre compétitivité interdit de compenser les moins-values de recettes par une fiscalité accrue. Il est donc juste d'inscrire la loi de programmation dans le cadre d'un taux stable de prélèvements obligatoires.

Notre système fiscal doit être au service de la croissance, la baisse des prélèvements obligatoires n'interdisant pas de mener à bien certains projets de justice sociale, par exemple le revenu de solidarité active (RSA). Dès juillet 2007, nous avons mis en place des dispositifs nous permettant de mieux affronter la crise.

Désormais, les réformes structurelles doivent, je le répète, mettre les circuits financiers au service de la croissance des entreprises. L'argent des banques doit-il produire de l'argent ou oeuvrer au développement des entreprises ? Nous voulons que la Bourse redevienne vertueuse, l'argent investi étant au seul service du développement des entreprises et de l'emploi. A cette fin, je propose une taxe inversement proportionnelle à la durée de l'investissement pour briser les allers-retours spéculatifs.

Le revenu de solidarité active, la promotion de l'intéressement et de la participation, enfin la conditionnalité des allégements de charges contribuent au retour à l'emploi et à une redistribution plus équilibrée les richesses. Ces éléments de stabilisation économique sont aussi des facteurs de la justice sociale.

La loi de programmation apporte des innovations profondes : les baisses d'impôts devront absolument être compensées ; la dépense fiscale doit devenir une variable d'ajustement. Mais notre débat sur les prélèvements obligatoires prend cette année une dimension particulière en raison de la conjoncture et parce qu'il se déroule dans le cadre de la révision générale des politiques publiques.

Je tiens à souligner la combinaison de moins en moins lisible des prélèvements sociaux et fiscaux : depuis la fin des années 1970, le total des prélèvements s'est accru de sept points de PIB, dont 6,2 pour les administrations de la sécurité sociale.

Toute réforme fiscale devra reposer sur la combinaison d'une assiette d'imposition large, voire universelle, assortie d'un taux bas : appliquons la pensée de Raymond Barre pour moderniser nos prélèvements.

A ce propos, je formulerai deux constats. Notre fiscalité locale est archaïque, chacun en convient, mais la substitution de dotations d'État aux impôts locaux déresponsabiliserait les élus. Ensuite, le financement de la protection sociale repose essentiellement sur le travail, trop d'allégements des charges ayant été concédés aux grandes entreprises sans effet durable sur l'emploi, la Cour des comptes vient de le rappeler. Il faudra désormais concentrer les exonérations sur les petites et moyennes entreprises.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis.  - Très bien !

M. Aymeri de Montesquiou.  - Le Président de la République veut dispenser de taxe professionnelle les nouveaux investissements, en dotant les collectivités territoriales d'une ressource de substitution cohérente. Cette modification inquiète les élus locaux qui se demandent comment financer leurs infrastructures. Il faudra inventer un impôt moderne et performant, sans doute avec une assiette plus large. Ce débat aura lieu au sein de la commission chargée d'examiner l'évolution des institutions locales.

On parle de la nécessaire réorganisation de la finance mondiale. Cet objectif s'applique également à notre système fiscal, qui doit tendre à ce que les impôts soient économiquement efficaces et socialement justes. Aujourd'hui, les taux sont trop élevés, les assiettes trop étroites et les niches bien trop nombreuses, au point que certains contribuables fortunés peuvent échapper à toute imposition. Dans une démocratie éprise de justice, la fiscalité ne doit être ni confiscatoire ni spoliatrice, mais nul contribuable percevant des revenus ne peut s'exonérer de l'impôt.

La maîtrise de la dépense est indispensable pour équilibrer les finances publiques, avant de réduire les prélèvements obligatoires, rendant ainsi la France plus attractive. Avec un pourcentage du PIB de 6,2 % supérieur à la moyenne de la zone euro, notre pays gaspille 117,3 milliards supplémentaires, qui couvriraient largement le déficit et permettraient d'investir dans les infrastructures ou d'accroître les dépenses sociales. La loi de programmation propose d'indexer les dépenses sur l'inflation jusqu'en 2012 ; pourquoi ne pas s'en tenir à la reconduction des crédits en euros courants, à l'exception des retraites ?

La crise financière ne doit pas nous détourner de l'objectif d'équilibre, car c'est lui qui nous rendra des marges d'action. Yes, we can !  (Applaudissements au centre et à droite)

Rappel au règlement

Mme Nicole Bricq.  - Je proteste au nom de mon groupe contre l'organisation de ce débat, qui réduit au minimum les temps de parole -identiques- attribués à chaque groupe alors que nous examinons un sujet majeur, ce que les ministres et les rapporteurs ont constaté.

Mme la présidente.  - Je vous donne acte de ce rappel.

Discussion générale commune (Suite)

Mme Nicole Bricq.  - La nouvelle rédaction de l'article 34 de la Constitution nous enjoint d'examiner la programmation des finances publiques et des prélèvements obligatoires à l'horizon 2012.

Madame la ministre, monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir présenté devant le Sénat, et non devant la presse, comme mauvaise habitude en a été prise, des perspectives de croissance révisées. Pour autant, celles-ci ne résistent pas aux faits et, comme disait un homme célèbre, « les faits sont têtus »... Nous ne croyons pas à ces nouvelles hypothèses. Rien ne nous convainc : ni l'objectif d'un retour à l'équilibre en 2012, ni la prévision de croissance révisée, ni le niveau du déficit, ni le niveau de la dette. (On le déplore au banc des commissions) Au reste, M. Woerth a lui-même reconnu la vulnérabilité de ces prévisions.

Monsieur le rapporteur général, pour rebondir sur votre intervention, je dirai que ce que l'on peut reprocher au Gouvernement, c'est de continuer à retenir une seule hypothèse quand il faudrait élaborer plusieurs scénarios...

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis.  - Déposez un amendement !

Mme Nicole Bricq.  - Pour ce qui est des prélèvements obligatoires, le Gouvernement, renonçant à l'engagement pris durant la campagne présidentielle de réduire leur taux de quatre points de PIB, prévoit de les stabiliser, ce qui, par parenthèse, confirme nos inquiétudes de l'an passé.

Au fait, le Gouvernement doit répondre à deux questions. Tout d'abord, comment atteindre les objectifs fixés ? Et, au vu des choix effectués en 2007, on peut se demander : au détriment de qui et de quoi ? Ensuite, et c'est la question essentielle à mes yeux : comment aborder la sortie de crise ?

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Très bien !

Mme Nicole Bricq.  - Côté dépenses, monsieur Woerth, vous continuez d'insister sur leur compression, même si vous avez modéré le ton employé à l'Assemblée nationale. La règle, que vous avez fixée pour trois ans, de limiter à l'inflation les dépenses de l'État et les dotations aux collectivités territoriales, sera redoutable, compte tenu de la progression des dépenses sociales liées au vieillissement de la population -je pense notamment aux pensions des fonctionnaires- et de la dette. Aux dires mêmes du rapporteur général, les prévisions concernant les collectivités territoriales sont « irréalistes ».

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - C'est vrai !

Mme Nicole Bricq.  - Côté recettes, on note un plafonnement depuis plusieurs années, bien avant que la croissance ne soit négative. Les dépenses fiscales, dont on connaît l'impact négatif, doivent être plafonnées et, pour ce faire, évaluées. Notre commission des finances doit ici jouer tout son rôle. Encore faudrait-il arrêter, en ces temps difficiles, de créer des niches fiscales !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, et M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Exact !

Mme Nicole Bricq.  - La semaine dernière, M. Xavier Bertrand a repoussé un amendement de la commission des finances défendu par M. Dassault...

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Et voté à l'unanimité !

Mme Nicole Bricq.  - ...visant à supprimer le nouveau crédit d'impôt pour encourager l'intéressement et la participation.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Eh oui !

Mme Nicole Bricq.  - Si ce dispositif fonctionne, il ne coûtera pas moins de 1 milliard en année pleine... Bref, il y a contradiction entre les actes et les paroles, d'autant que certaines dépenses sont malvenues dans le contexte de crise. Consacrer 4 milliards à l'exonération des heures supplémentaires alors que le taux de chômage augmente est absurde : ce dispositif décourage les entreprises d'embaucher...

M. Guy Fischer.  - Bien sûr !

Mme Nicole Bricq.  - Il faut donc laisser l'idéologie au vestiaire...

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis.  - En matière d'idéologie, vous n'avez guère de leçons à donner !

Mme Nicole Bricq.  - ...et consacrer nos moyens à soutenir l'économie et l'emploi. On peut appliquer le même raisonnement au bouclier fiscal. (M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis, s'exclame) Avant la crise, nos résultats étaient déjà moins bons que ceux de nos voisins européens. Malgré la crise, vous conservez la même hypothèse de travail en vous contentant de remplacer un zéro par un deux et en vous affranchissant de vos engagements...

J'en viens à la dette, dont on a curieusement peu parlé aujourd'hui, contrairement aux autres années. Pour le Gouvernement, la dette ne serait aggravée que par le déficit et diminuerait pour atteindre 61,8 % du PIB en 2012. Cela suppose une stabilisation du déficit et un retour à une croissance de 2,5 % dès 2010, une hypothèse quelque peu optimiste... Si l'on tient compte du ralentissement économique et de ses effets sur les dépenses sociales, la dette pourrait en fait atteindre 68 % en 2012. Sans compter que, même si les 40 milliards prévus ne sont pas utilisés, les mesures de recapitalisation des banques pèseront sur la charge de la dette. Résultat : le service de la dette pourrait devenir le premier budget de l'État, devant celui de l'éducation nationale. Il est donc temps de revoir l'orientation de nos finances publiques ! J'ajoute sur ce point, madame la ministre, que nous aimerions être associés au suivi du plan d'urgence, comme vous vous y étiez engagée lors de l'examen de la loi de finances rectificative.

Enfin, venons-en aux prélèvements obligatoires. Leur efficacité n'est pas fonction de leur seul niveau, mais aussi de leur assiette et de leur finalité. Outre le transfert des responsabilités de l'État sur la sécurité sociale et les collectivités territoriales, vous n'avez eu de cesse d'amoindrir la progressivité de l'impôt et, partant, la justice fiscale. En vérité, en pleine crise, vous vous privez de ressources nécessaires. Le seul levier d'action sur lequel vous jouez est la maîtrise des dépenses, comme y a lourdement insisté M. Woerth devant l'Assemblée nationale en présentant le budget d'abord comme une « autorisation de dépense ». Au contraire, il aurait fallu lancer une politique de soutien fiscal active...

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis.  - Et vous pensez que l'on va dynamiser l'économie comme cela...

Mme Nicole Bricq.  - M. le rapporteur général voit juste lorsqu'il indique au début de son rapport que la fiscalité ne restera pas à l'écart de la remise à plat et de la remise en cause des idées reçues. En revanche, je ne partage pas son scepticisme sur la réhabilitation de l'impôt. Nous sommes à un moment charnière : en Europe, la concurrence au moins-disant fiscal a vécu sans que le tabou sur l'impôt soit pour autant levé.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Et quel tabou !

Mme Nicole Bricq.  - Notre système fiscal est aujourd'hui bâti sur des ménages et les entreprises captives...

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis.  - Pas mal !

Mme Nicole Bricq.  - ...quand les grandes entreprises mondialisées et les plus haut revenus développent des stratégies d'évitement de l'impôt. Prenons garde à ce que l'impôt ne soit pas perçu comme illégitime. Il doit refléter un choix de justice sociale. C'est vrai au niveau national, comme au niveau européen.

Quant à la sortie de crise, elle devra passer, si possible, par un retour à notre seuil de croissance potentielle afin d'augmenter durablement le pouvoir d'achat. En visant le moyen terme, il faut promouvoir l'éducation, la formation et la recherche. Pour ce faire, il faut supprimer les mesures rentières prises par ce Gouvernement et celui qui l'a précédé, réinstaurer la progressivité de l'impôt, évaluer et plafonner les niches fiscales. La réduction progressive des baisses de charges consenties aux grands groupes économiserait des dizaines de milliards. En attendant, mobilisons l'épargne privée pour financer le plan d'aide au secteur du bâtiment.

Malheureusement, de tout cela, nous ne trouvons pas trace dans ce texte. Vous nous proposez une hypothèse macroéconomique intenable, des recettes à périmètre constant, un effort entièrement porté par les collectivités territoriales -ce qui est étonnant vu la part, 13 % , qu'elles prennent dans l'investissement public !

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis.  - La rigueur ne doit pas seulement s'appliquer à l'État !

Mme Nicole Bricq.  - Ce premier examen d'une loi de programmation augure mal de la suite. Nous nous y opposerons ! (Applaudissements à gauche)

M. Christian Gaudin.  - Ce projet de loi, malgré sa portée normative limitée, concourt à une gestion plus vertueuse des finances publiques. Néanmoins, s'il a le mérite d'exister sur la forme, il est dépassé car rédigé avant la crise. Malgré les réponses volontaristes des gouvernements, les perspectives initiales ne sont pas totalement réalistes. Madame Lagarde et monsieur Woerth, vous n'en êtes pas responsables. Je salue, au reste, l'initiative que vous avez prise en début de séance de présenter des objectifs révisés.

Comment encadrer les dépenses en se fondant sur des taux d'inflation qui ne peuvent être tenus ?

On voit ici toute la difficulté des lois de programmation en matière de finances publiques, les prévisions se périmant très vite. Ce texte a toutefois le mérite de créer un climat budgétaire vertueux. Vertu financière dont nous savons le Gouvernement doté !

La loi de programmation pour 2009-2012 permet au Parlement de tracer le chemin vers l'équilibre des comptes des administrations. La Constitution fait désormais référence au principe d'équilibre des comptes des administrations publiques, ce qui englobe l'État, les organismes de sécurité sociale et les collectivités territoriales. Elle affirme pour la première fois la nécessité de concilier les exigences de la pluriannualité budgétaire et de l'équilibre des comptes. Le redressement de nos finances publiques doit être atteint d'ici 2012 sans augmenter les impôts et les charges, uniquement par la maîtrise des dépenses. L'affectation d'éventuels surplus budgétaires au désendettement sera bienvenue.

Pour 2007, le taux de prélèvements obligatoires s'élève à 43,3 %, en baisse par rapport à 2006. Selon notre rapporteur général, il devrait se stabiliser, voire diminuer légèrement. On peut regretter que ce taux reste trop élevé, en comparaison avec l'Allemagne ou le Royaume-Uni. S'il semble difficile de diminuer les prélèvements obligatoires, tant les contraintes financières sont importantes, les augmenter serait toutefois contreproductif.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis.  - Très bien !

M. Christian Gaudin.  - L'articulation entre financements sociaux et fiscaux est de moins en moins lisible : sur une hausse globale de 7 % depuis la fin des années 70, 6,2 % proviennent de la sécurité sociale. Dans ce contexte de forte socialisation des besoins, nous nous félicitons du tassement des taux de prélèvements obligatoires car il faudra faire face au vieillissement de la population.

Seule la maîtrise de la dépense publique autorisera le retour à l'équilibre, puis une baisse des prélèvements obligatoires. La crise actuelle ne doit pas nous détourner de cet objectif.

Plus que le niveau, c'est la structure des prélèvements obligatoires qui pose problème. Le Président de la République rappelait récemment que les prélèvements publics sur les entreprises représentaient près de 15 % du PIB en France, contre 11,5 % dans les autres pays de la zone euro. Cet écart, qui représente plus de 70 milliards, handicape nos entreprises et le poids de la fiscalité ternit l'attractivité de notre pays. Ne pourrait-on flécher de manière encore plus encadrée les crédits accordés aux banquiers à destination des entreprises ? Envisagez-vous de diminuer les prélèvements publics sur nos entreprises, notamment les plus innovantes ?

Le rapport sur le financement des PME, qui vient de vous être remis, propose onze mesures et dénonce la pénurie de bons projets innovants. Nos PME doivent collaborer plus étroitement avec les centres de recherche, notamment à vocation mondiale. En France, 1 % seulement des PME deviennent des grands groupes, contre 7 % en Europe et 25 % en Amérique du Nord. Il est urgent d'amplifier la politique de financement par projet, en renforçant le rôle de l'Agence nationale de la recherche (ANR) : le financement de l'ANR doit atteindre 35 %, contre 28 % aujourd'hui.

Il faut soutenir les jeunes entreprises innovantes, flécher les aides et les investissements dans leur direction, revoir les aides fiscales à l'investissement, développer les garanties financières, réduire les délais de paiement.

Dans cette période d'incertitude, nous devons aider nos entreprises. L'avenir dépend de l'attention que les pouvoirs publics porteront à l'innovation et à l'attractivité de notre pays. (Applaudissements au centre et à droite)