SÉANCE

du jeudi 18 décembre 2008

44e séance de la session ordinaire 2008-2009

présidence de M. Bernard Frimat,vice-président

Secrétaires : M. Jean-Noël Guérini, Mme Anne-Marie Payet.

La séance est ouverte à 9 h 35.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Projet de loi de finances rectificative pour 2008

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2008.

Discussion générale

M. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique.  - Je vous prie de bien vouloir excuser l'absence d'Éric Woerth, retenu à Strasbourg pour le vote par le Parlement européen du budget communautaire pour 2009.

J'ai l'honneur de vous présenter, une fois n'est pas coutume, le deuxième projet de loi de finances rectificative de l'année. Il ne faut pas s'en étonner : la crise que nous traversons appelle des réponses rapides, des réponses nouvelles à des situations sans précédent.

Nous avons prouvé cette réactivité, une première fois, au lendemain des événements qui ont menacé l'équilibre de notre système financier, avec le vote de la loi de finances rectificative pour le financement de l'économie en octobre. Nous en donnerons une autre preuve en débattant, dès janvier prochain, d'un collectif pour 2009 destiné à financer le plan de relance annoncé par le Président de la République.

Ce collectif budgétaire pour 2008 répond lui aussi à l'urgence de la situation ; c'est le support du volet fiscal du plan de relance, à travers les amendements adoptés la semaine dernière à l'Assemblée nationale. Je regrette les délais que ce choix vous laisse pour traiter ces sujets mais je sais pouvoir compter sur votre compréhension de la situation pour mener à bien ce débat. Nécessité fait loi et, en l'occurrence, loi de finances rectificative.

II s'agit de traduire sans délai les mesures fiscales de niveau législatif, annoncées il y a deux semaines et qui, pour certaines, s'appliquent dès le mois de décembre. Ce n'est toutefois pas la seule ambition de ce collectif ; j'en vois au moins deux autres : la maîtrise de la dépense, qui reste au coeur de notre politique budgétaire ; la rénovation en profondeur des relations entre l'administration fiscale et les contribuables.

La conjoncture pèse lourdement sur le déficit budgétaire en 2008 mais nous continuons à tenir la dépense Le projet de loi évalue le déficit budgétaire pour 2008 à 51,4 milliards -51,5 au sortir de son examen par l'Assemblée nationale. Ce chiffre est en hausse de 2 milliards par rapport à la prévision retenue en septembre et reprise dans le collectif pour le financement de l'économie. Par rapport à la loi de finances initiale, le déficit se trouve alourdi de presque 10 milliards. Cette dernière révision de 2 milliards traduit la réactualisation des prévisions de recettes fiscales depuis le début de l'automne, recettes que la détérioration de la situation économique nous conduit à revoir à la baisse. Cette baisse est essentiellement concentrée sur deux postes : moins un milliard d'impôt sur les sociétés et un autre milliard en moins de TVA du fait de l'augmentation accrue des remboursements et dégrèvements. Une partie de cette augmentation -0,6 milliard- tient, en réalité, à la restitution de la TVA collectée à tort sur les contributions d'exploitation versées par les régions à la SNCF, au titre des transports régionaux de voyageurs.

L'aggravation du déficit causée par ces moindres recettes fiscales ne nous autorise pas à relâcher, pour autant, l'effort sur la maîtrise de la dépense. Je mets naturellement à part les conséquences du choc d'inflation que nous avons connu en début d'année. Je fais référence ici à l'augmentation tout à fait exceptionnelle de la charge de la dette, sous l'effet, en particulier, de l'indexation des obligations assimilables du Trésor, de l'ordre de 4 milliards au-delà de l'évaluation retenue en loi de finances initiale. Le collectif confirme l'objectif de maîtrise de la dépense, à l'exception de ce dépassement ; il équilibre strictement les ouvertures de crédits par des annulations de même montant : 1,1 milliard de crédits est ainsi ouvert pour couvrir des besoins apparus en cours d'année et ils sont strictement compensés par 1,1 milliard de crédits annulés sur l'ensemble des missions du budget général, en priorité sur la réserve de précaution constituée au début d'année.

Je souligne l'effort particulier consacré à la remise à niveau de certaines dotations versées aux organismes de sécurité sociale pour financer des prestations ou exonérations de charges sociales : 800 millions sont ainsi ouverts pour éviter la reconstitution d'une dette, dont l'expérience montre toute la difficulté du remboursement -236 millions pour l'allocation adulte handicapé, 36 pour l'allocation parent isolé, 94 pour l'aide médicale d'État, 100 pour les aides personnelles au logement, 215 pour le remboursement des exonérations de cotisations sociale en outre-mer et, enfin, 90 pour les régimes de retraite de la RATP et de la SNCF. Cette énumération manifeste l'effort auquel nous nous astreignons et auquel il serait si tentant de se soustraire. La responsabilité des comptes publics ne nous permet plus de céder à cette facilité.

En complément de l'effort de remise à niveau des dotations versées à la sécurité sociale au titre de l'année 2008, nous procédons à un nouvel apurement de la dette ancienne vis-à-vis de différents régimes Le Gouvernement, poursuivant l'effort engagé l'an dernier, prévoit d'affecter le surplus du panier de recettes de la loi Tepa au remboursement de 750 millions de dettes anciennes. Ce sont, notamment, près de 400 millions que nous remboursons au régime des indépendants et 300 au régime de sécurité sociale de la SNCF.

Le Gouvernement n'abandonne rien de sa stratégie de maîtrise de la dépense publique ; ne voyez pas de contradiction avec les mesures que le Président de la République a annoncées il y a deux semaines à Douai, pour répondre à la crise. Il y a, d'un côté, une volonté toujours intacte de réforme afin de rendre un meilleur service public, tout en gagnant en productivité sur les charges de personnel et en réduisant les coûts de fonctionnement. Les travaux réalisés à l'occasion de la révision générale des politiques publiques ne sont pas devenus caducs. La programmation budgétaire pluriannuelle, alimentée par la RGPP, n'est pas davantage remise en cause dans sa recherche d'une plus grande efficacité de la dépense.

Mais il y a aussi, d'un autre côté, l'exigence d'une intervention active, adaptée et ciblée de l'État pour affronter et non pas subir la crise. Le plan de relance n'est pas un retour au laxisme budgétaire. Il est constitué de mesures à fort impact sur l'économie, ciblées sur des priorités bien identifiées et limitées dans le temps. Il est fondé sur une puissante accélération de l'effort d'investissement, lequel a été trop souvent considéré, par le passé, comme une variable d'ajustement budgétaire, en sacrifiant l'avenir. L'exécutif n'est pas schizophrène : c'est en améliorant l'efficacité de l'État, en réduisant ses coûts de fonctionnement qu'on préservera sa capacité de mobiliser les moyens nécessaires en période de crise. On le voit bien aujourd'hui.

Le prochain collectif nous donnera l'occasion d'en débattre.

La dépense reste donc maîtrisée, mais ce texte vise aussi à soutenir et relancer l'économie. Il contient les mesures fiscales annoncées il y a deux semaines par le Président de la République.

L'aggravation du déficit budgétaire ne fait que traduire le jeu des stabilisateurs automatiques dans une conjoncture économique dégradée. Laisser les recettes fiscales diminuer avec la baisse de croissance est une réponse rapide et puissante : nous ne voulons pas ajouter de la crise à la crise en cherchant à compenser les moindres recettes par une augmentation des prélèvements obligatoires.

Des mesures concrètes ont également été prises. Elles concernent d'abord le soutien à l'investissement. L'exonération de taxe professionnelle portera sur les investissements réalisés jusqu'au 31 décembre 2009, en attendant une réforme de plus grande envergure de la fiscalité locale, qui ne pénalise plus les investissements de nos entreprises. La mesure touchera également les entreprises bénéficiant du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée. Mais cette baisse des recettes de taxe professionnelle -1 milliard d'euros, tout de même- ne pèsera sur les finances publiques qu'à partir de 2011. L'accélération de l'amortissement des biens acquis ou fabriqués jusqu'au 31 décembre 2009 contribuera aussi à relancer l'investissement. Il y aura une sortie de crise et il ne faudrait pas renoncer à préparer l'avenir. L'État accélère ses investissements et il incite les entreprises à en faire autant.

Les amendements, à l'Assemblée nationale, ont également tendu à accélérer le remboursement aux entreprises de leurs créances sur l'État. En temps de crise financière, c'est un devoir pour la puissance publique ! Les entreprises pourront ainsi se voir restituer en 2009 les créances de crédit d'impôt recherche au titre des années 2005, 2006 et 2007. Près de 5 000 entreprises sont concernées, à plus de 90 % des PME. Les entreprises en situation de « carry back », c'est-à-dire déficitaires mais avec un crédit d'impôt sur les sociétés, seront remboursées dès 2009. Quant à celles qui estiment avoir trop versé d'acomptes en 2008 au vu de leur résultat fiscal, elles pourront demander le remboursement du trop versé dès le début de l'année, sans attendre la déclaration du mois d'avril. Enfin, toutes pourront opter pour le remboursement des crédits de TVA au mois le mois.

Des instructions ont été données aux services fiscaux et aux Urssaf afin qu'ils fassent preuve de la plus grande bienveillance à l'égard des entreprises en difficulté de trésorerie. Les règles pour l'inscription et la publicité du privilège du Trésor seront assouplies.

Nous n'oublions pas les ménages. Le prêt à taux zéro est doublé. Il contribuera à soutenir le secteur du logement. Les autres mesures, prime de solidarité active ou augmentation du budget de l'emploi par exemple, vous seront proposées dans le collectif de janvier.

Le texte comprend des dispositions pour renforcer la lutte contre la fraude et améliorer les relations entre le fisc et le contribuable. La modernisation de notre système fiscal doit se poursuivre. Contre la fuite vers les paradis fiscaux, notre arsenal juridique est insuffisant. Nous alourdirons les sanctions pour non-déclaration de comptes et allongerons le délai de prescription pour les revenus correspondants. Mais le fisc doit aussi savoir faire confiance aux contribuables de bonne foi. Tout un volet du collectif renforce la sécurité juridique, en suivant les recommandations du rapport Fouquet. Je songe à la refonte de la procédure de l'abus de droit : un point d'équilibre doit être trouvé entre sécurité et lutte contre les montages fiscaux abusifs. Désormais, le degré de participation au montage sera pris en considération. Le comité consultatif de répression des abus de droit s'ouvrira à des professionnels du droit et s'appuiera ainsi sur l'expertise d'avocats, de notaires, d'experts-comptables...

Je veux souligner une grande innovation : il s'agit de l'expérimentation, pour trois ans, d'un contrôle à la demande des déclarations de successions et de donations. Les contribuables pourront demander à l'administration de valider leur calcul des droits dus. A défaut de contrôle dans le délai d'un an, ce calcul ne pourra plus être remis en cause. Le texte comporte aussi des dispositions touchant le rescrit fiscal - élargi- le recouvrement de l'impôt ou la qualification des revenus, commerciaux ou non commerciaux, des professions libérales.

Toutes les améliorations à apporter ne relèvent pas de la loi. Il faut également changer les pratiques. Une expérimentation de la « garantie fiscale » sera conduite dans vingt brigades de vérification. Les vérificateurs doivent s'engager sur tous les points vérifiés et pas seulement sur ceux qui ont donné lieu à redressement. Les services fiscaux signaleront les erreurs que les contribuables ont commises à leurs dépens et non seulement celles commises aux dépens du Trésor : une révolution culturelle !

Côté dépenses, nous restons fermes sur la maîtrise des coûts de fonctionnement. Nous accélérons les seules dépenses d'investissement pour soutenir l'activité dans les mois à venir. Côté recettes, nous laissons jouer les stabilisateurs automatiques et nous ciblons l'effort sur des mesures à fort effet de levier sur l'investissement, l'emploi, la trésorerie des entreprises -car nous voulons éviter que des entreprises saines n'aient à souffrir des conséquences de la crise financière. Je sais pouvoir compter sur votre esprit de responsabilité pour examiner ce texte sans polémique inutile. Nous avons eu un débat en octobre sur les réponses à la crise financière. Nous en aurons un autre sur les mesures à prendre pour limiter les effets de cette crise sur l'ensemble de l'économie. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances.  - Ce collectif est long et complexe. J'espère que nous n'en rajouterons pas trop ! Le texte comporte un aspect budgétaire, puisqu'il fait le point sur l'exécution à quelques jours de la clôture. Mais il comprend aussi un volet législatif, des mesures en cours d'élaboration trouvant ici leur traduction, je songe à la redéfinition de l'abus de droit. En loi de finances, des rendez-vous ont été pris avec le Gouvernement, certains honorés, d'autres non -donnant alors lieu au renouvellement d'amendements...

D'autres dispositions sont plus novatrices, moins préparées : à celles-là, il est moins simple de réagir vite. La commission sera donc très sélective, car certains sujets ne lui semblent pas mûrs, le temps ayant manqué pour les étudier complètement. Nous serons vigilants, car les collectifs budgétaires, et plus encore cette année, sont des textes de tous les dangers. La tentation est parfois grande de traiter dans ce cadre les sujets les plus variés, quand le temps se raréfie à quelques jours de la fin des travaux parlementaires.

Une grande part du plan de relance annoncé à Douai le 4 décembre figure dans le projet de loi de finances rectificative. Résistance à la crise, réactivité : 10 milliards d'euros y sont consacrés, essentiellement en mesures fiscales.

Le plan de relance, dont nous examinerons plus spécialement en janvier les dispositions relatives au financement des infrastructures, me paraît en l'état bien calibré...

Mme Nicole Bricq.  - On verra !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - ... reposant pour l'essentiel, selon le modèle keynésien, sur un approfondissement du déficit en phase basse du cycle économique. La distinction entre « bonne » et « mauvaise » dette est peut-être un peu facile...

Mme Nicole Bricq.  - Mais non !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Elle oppose la dette consacrée au financement d'investissements amortissables ou d'acquisitions d'actifs financiers susceptibles d'être rétrocédés avec une plus-value, et celle qui finance les fins de mois, le fonctionnement, les dépenses non amortissables. Le plan de relance privilégie la bonne dette, comprenant notamment le déblocage de crédits à destination d'agents économiques, entreprises ou collectivités territoriales, qui pourront eux-mêmes investir. Le plan de relance est conforme à ce que souhaite la commission des finances comme aux principes énoncés par le commissaire européen aux affaires économiques et monétaires, M. Almunia : l'arme budgétaire doit être ciblée, rapide et temporaire.

Se posera cependant à l'avenir la question de la soutenabilité des déficits publics. La prévision pour 2008 est à présent de 51,4 milliards d'euros contre 41,2 en loi de finances initiale et 49,4 après le vote fin octobre du collectif pour le financement de l'économie. Nous connaissons la cause de ces écarts : charges financières supérieures de 4 milliards, recettes fiscales inférieures de 7, légère amélioration de 600 millions du solde des comptes spéciaux du Trésor. La norme de dépense est respectée, sauf pour les charges financières, qui ne sont pas compensées par la suppression ou le freinage d'autres dépenses.

Les économies mondiale, européenne, française sont plongées dans l'incertitude ; nous avons besoin de signaux favorables : le plan de relance peut en être un. Nous nous inquiétions il y a peu du niveau élevé des cours du pétrole, aujourd'hui plane le spectre de la déflation alors que le marché pétrolier est déprimé ; nous nous plaignions hier des taux de la BCE, ils sont aujourd'hui à un niveau historiquement bas -et on se plaint toujours ; enfin, ceux qui hier demandaient qu'on dépense toujours plus regrettent aujourd'hui qu'on utilise le déficit comme arme de politique économique.

Mme Nicole Bricq.  - L'État n'a plus de marges de manoeuvre !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  Il faut s'efforcer d'en dégager de manière imaginative : c'est ce que fait le Gouvernement.

Tels sont les éléments que je souhaitais souligner avant que nous nous enfoncions dans cet inventaire à la Prévert qu'est traditionnellement le collectif de fin d'année. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.  - La commission des affaires culturelles s'est saisie pour avis de trois dispositions de ce texte. Elle a examiné en premier lieu l'article 42 septies, introduit par l'Assemblée nationale avec l'accord du Gouvernement, qui reconduit pour trois ans l'avantage fiscal lié à l'investissement dans les sociétés de financement de l'industrie cinématographique et de l'audiovisuel (Sofica). Ce dispositif, qui arrivait à échéance le 31 décembre 2008, a un coût modeste au regard de ses retombées positives sur la production indépendante. En 2009, l'objectif sera de consolider son efficacité. En moyenne en 2007, 60,3 % des fonds placés, soit bien au-delà du minimum requis de 35 %, l'ont été sur des investissements indépendants. Sous réserve d'un amendement de précision, la commission a donné un avis favorable à l'adoption de cet article.

La commission a ensuite examiné l'article 44, qui traduit une des propositions du « plan de renouveau pour le marché de l'art », présenté par la ministre de la culture à la suite de la mission Béthenod. Il s'agit d'étendre aux entreprises individuelles ou professions libérales le bénéfice de l'avantage fiscal pour l'acquisition d'oeuvres originales d'artistes vivants ou d'instruments de musique, en contrepartie duquel ils doivent exposer l'oeuvre « dans un lieu accessible au public et aux salariés, à l'exception de leurs bureaux » ou s'engager à prêter l'instrument de musique à un artiste-interprète. L'Assemblée nationale, à l'initiative de son rapporteur général, a encadré de façon plus stricte l'obligation d'exposition, remettant en cause une disposition adoptée en 2005 à l'initiative du Sénat. La commission, qui s'est interrogée sur l'opportunité de ces mesures au regard du contexte économique actuel et de leur impact pour la création et à la diffusion des oeuvres, propose de les supprimer ; elle estime que la relance du marché de l'art mérite un examen plus approfondi.

La commission a enfin souhaité donner un avis sur l'article 44 bis qui indexe la redevance audiovisuelle sur l'inflation, disposition initialement prévue à l'article 19 du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle mais introduite dans le collectif à cause du retard pris par les débats sur l'audiovisuel. L'objectif est de garantir dès 2009 une recette supplémentaire pour France Télévisions. Nous défendons depuis longtemps cette indexation ; hommage doit être rendu à MM. Valade et de Broissia, qui ont eu raison avant tout le monde...

La redevance stagne depuis 2001 : comment s'étonner que le service rendu par les télévisions publiques ne se soit pas amélioré ? Comment s'étonner que les chaînes publiques ne parviennent pas produire des programmes de grande d'envergure, alors que le montant de la redevance française est inférieur de plus de 80 euros à la redevance britannique ? Chacun en a aujourd'hui pris conscience. Il était temps, car les télévisions, notamment publiques, sont confrontées à court terme à des défis majeurs, le passage à la haute définition ou la mise en place de services innovants comme la vidéo à la demande.

Quant à la suppression de la publicité sur le service public audiovisuel après 20 heures, entérinée mardi par le conseil d'administration de France Télévisions, c'est une chance historique pour améliorer les programmes et renforcer la distinction entre chaînes publiques et privées ; l'indexation de la redevance s'en impose d'autant plus.

La commission sur la nouvelle télévision publique a évalué les besoins de financement supplémentaires de France Télévisions pour 2009 à 650 millions d'euros : les pertes de recettes publicitaires à 450 millions d'euros et les coûts de mise en place de l'entreprise unique et de son modèle de développement à 200 millions par an, sans tenir compte de l'impact financier des programmes supplémentaires remplaçant la publicité. En projet de loi de finances, 450 millions d'euros ont été garantis à France Télévisions pour compenser la suppression de la publicité ; nous nous félicitons que le législateur ait pris ses responsabilités. L'indexation dégagera 40 millions supplémentaires.

Nous sommes cependant bien loin des 200 millions nécessaires pour le développement du groupe. Les économies réalisées grâce aux synergies de l'entreprise unique ne permettront pas à court terme de donner à France Télévisions le nouvel élan que nous appelons de nos voeux. L'indexation de la redevance n'y suffira pas.

C'est pourquoi la commission des affaires culturelles a réfléchi sans tabou à l'actualisation et à la modernisation de son assiette et son taux. Elle est parvenue à la conclusion qu'en attendant des mesures plus ambitieuses il fallait donner un coup de pouce à la redevance en relevant légèrement son montant et en permettant qu'il soit arrondi à l'euro supérieur après indexation. Cela dégagera 40 millions supplémentaires en 2009 au bénéfice de tous les téléspectateurs.

Une porte s'ouvre puisque, ce matin, le Premier ministre a admis la nécessité d'une réflexion sur la modernisation de la redevance.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - C'est encourageant !

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. - La commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 44 bis sous réserve de l'adoption de ces deux amendements. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.  - La commission des affaires économiques s'est elle aussi saisie pour avis de cet article, qui a quelque chose à voir avec le projet de loi sur l'audiovisuel que nous étudierons en janvier. C'est l'ex-article 19 dudit projet que, pour les raisons que l'on sait, le Gouvernement a retiré et inséré ici. Il s'agit de faire porter la charge du nouveau financement de l'audiovisuel public aux opérateurs de télécommunications et aux fournisseurs d'accès à internet, qui ressortissent à notre champ de compétence. Les 450 millions qui vont manquer à l'audiovisuel public seraient ainsi compensés à 85 % par une taxe de 0,9 % sur ces opérateurs.

Or il y a très peu de liens entre leurs activités et les images de la télévision. Sur les 42 milliards de chiffre d'affaires que réalise ce secteur, 37 viennent de la téléphonie. Cela n'a rien à voir avec l'image ! Et pourtant ces opérateurs participent déjà au financement du Compte de soutien à l'industrie cinématographique et à la production audiovisuelle (Cosip) ; ils s'acquittent donc déjà d'une charge au bénéfice de la télévision.

Il est bon que la télévision publique dépende de moins en moins de la publicité ; ce n'est donc pas la finalité de cette réforme que nous contestons. Mais cette taxe est lourde : ses 0,9 % équivalent à 7 % des investissements annuels de ces opérateurs, ce n'est pas négligeable. Nous souhaitons donc en revenir au taux de 0,5 % qu'avait suggéré la commission Copé.

C'est la redevance qui doit être la ressource pivot de l'audiovisuel public ; elle peut d'autant plus être dynamique qu'elle est inférieure de 45 euros à la moyenne européenne. La commission des affaires économiques s'associe donc à la commission des affaires culturelles pour demander dans l'immédiat que la redevance rattrape ce qu'elle a perdu en 2008 par rapport à l'inflation.

Je souhaite aussi intervenir à propos de l'article 30 et de l'amendement déposé par notre rapporteur général, selon lequel les plates-formes d'e-commerce devraient informer l'administration fiscale sur tout vendeur réalisant douze transactions et 5 000 euros de recettes dans l'année. Vous posez ainsi un gros problème à l'industrie numérique, sur laquelle on ne cesse de taper en France, alors que les États-Unis d'Obama fondent leur relance dessus. Le numérique est un formidable gisement de croissance !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Il ne doit pas devenir un formidable moyen d'évasion fiscale !

M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis.  - Nous sommes à un début prometteur pour un certain nombre d'activités. On avait admis que, sauf affaire de piratage, il ne pouvait y avoir transmission de données sans contrôle du juge. Ici, elle est massive ! C'est en outre créer une inégalité de traitement : je ne serai pas soumis au même régime sitôt que j'aurai vendu ma voiture plus une douzaine de livres par e-commerce plutôt que par petite annonce dans un journal !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - L'intention de la commission est de poser un problème. Le numérique joue un rôle de plus en plus important, il va se substituer à beaucoup de modes de transaction traditionnels. Quand la technologie est très évolutive, le droit et la fiscalité doivent suivre cette évolution. On ne peut quand même pas imaginer que des professionnels de la vente sur internet échappent à toute charge fiscale !

M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis.  - Nous ne demandons pas une dérogation pour l'e-commerce, c'est votre amendement qui en crée une à son détriment ! Nous avons voté une disposition essentielle avec le statut d'auto-entrepreneur ; elle concerne aussi l'e-commerce. Le numérique ne connaît pas les frontières ; si on lui fait subir des discriminations en France, nos opérateurs partiront pour l'Irlande. (Applaudissements sur certains bancs à droite et au centre)

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Ils sont déjà au Luxembourg...

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.  - Je m'exprime au nom de la commission des affaires sociales à partir des observations de la Mecss. Nous nous saisissons comme l'an dernier du collectif, de la même manière que la commission des finances se saisit pour avis du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Entre loi de financement et loi de finances, il faut essayer de trouver le meilleur équilibre et nous nous efforçons, avec la commission des finances, de régler les problèmes qui se posent.

Le collectif ouvre des crédits sur des lignes de dépenses destinées à la sécurité sociale et régulièrement sous-dotées. Selon nos informations, c'est à peu près ce qui serait nécessaire : Éric Woerth a bien respecté les engagements pris devant le Sénat. La dotation de l'AAH progresse de 36 millions, ce qui correspond à la revalorisation de 3,9 % de cette allocation ; la dotation de l'API augmente de 94 millions, soit une ouverture cinq fois inférieure à celle de l'année précédente -le Gouvernement a visé beaucoup plus juste ; l'API reçoit 36,5 millions- là, le ministre des comptes publics « peut mieux faire » car, s'il répond aux besoins de 2008, ceux de 2007 restent pendants : comment le Gouvernement compte-t-il apurer cette dette de 300 millions ?

Quant aux exonérations ciblées de charges, les budgets de l'emploi et de l'outre-mer étaient insuffisants : 2005 et 2006 s'étaient clôturés avec un manque d'un milliard, et 1,7 milliard pour 2007. Les dotations initiales pour 2008 avaient été sous-évaluées et, si le collectif prévoit 215 millions pour l'outre-mer, rien n'est inscrit pour l'emploi. Il manque pourtant 900 millions, ce qui n'est pas négligeable. Quelles sont vos intentions, monsieur le ministre ? Éric Woerth n'a pas manqué de vous renseigner sur les intentions du Gouvernement. Pourrez-vous aussi nous dire où en est le Gouvernement sur l'adossement du régime de retraite de la RATP, pour le report duquel il prévoit 106 millions ?

Les allègements de charges sur les heures supplémentaires prévus par la loi Tepa étaient compensés par une part de la taxe sur les véhicules de société, par la contribution sociale sur les bénéficies de sociétés ainsi que par la TVA sur les producteurs de boissons alcoolisées. Le rendement de ce panier de recettes excédant d'un milliard les pertes de recettes pour la sécurité sociale, le Gouvernement a prévu d'en réduire le champ pour rembourser une partie de sa dette à l'égard du régime social des indépendants et du régime SNCF, ce qui est conforme aux engagements du ministre. Cependant, après cet apurement, il restera 536 millions de dettes à l'égard du régime agricole et, pour le régime général, 1,7 milliard au titre de 2007 et 1,2 milliard au titre de 2008. Comment le Gouvernement assainira-t-il définitivement cette situation ? La loi de programmation des finances publiques a identifié l'enjeu et nous nous félicitons que le collectif apporte les précisions nécessaires pour que la Cour des comptes puisse lever ses réserves à la certification des comptes de l'État. Si le collectif 2008 témoigne du souci du Gouvernement d'améliorer les relations financières de l'État et de la sécurité sociale, nous devons rester vigilants et éviter qu'une dette ne se reconstitue.

Au bout du bout, la commission des affaires sociales a estimé pouvoir donner un avis favorable sous réserve de cinq amendements. Il s'agit d'abord de rétablir deux mesures annulées par le Conseil constitutionnel comme des cavaliers sociaux mais auxquelles la commission tient : la réforme de l'indemnité temporaire de retraite outre-mer, sur laquelle nous avons eu un très long débat et le recentrage du crédit d'impôt famille. Nous voulons également améliorer l'accès à la garantie de risque locatif et obtenir un document transversal sur la lutte contre les drogues et les toxicomanies.

Nous avions voté l'an dernier le principe d'un document annuel récapitulant les dépenses publiques pour la famille. Or nous ne l'avons pas reçu. Nous insistons sur l'impérieuse nécessité de nous le communiquer le plus vite possible.

Je suis sûr que M. Santini saura répondre avec précision à toutes ces questions afin que la commission des affaires sociales soit bien informée et que je n'aie pas à intervenir dans ce débat l'an prochain... D'avance, merci. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Michèle André.  - Nous abordons cette discussion générale dans un contexte en total décalage avec les prévisions retenues : la croissance s'effondre, l'inflation rogne le pouvoir d'achat des ménages, le déficit du commerce extérieur s'aggrave, les comptes publics ne sont plus maîtrisés, le déficit budgétaire s'emballe, la dette publique explose.

Voici le second collectif de l'année et déjà un autre est annoncé pour janvier : quels sont les bons chiffres ? Vous aviez prévu une croissance de 2,5 %, elle serait de 0,9 % ; l'inflation devait être de 1,6 %, mais elle atteindrait 2,9 % ; le pouvoir d'achat devait progresser de 2,5 %, qui reviendrait à 1 % mais beaucoup constatent qu'il baisse ; le déficit du commerce extérieur passerait de 40 milliards à 55 milliards ; le déficit budgétaire devait être de 42 milliards, il a été relevé à 49 milliards en octobre puis à 51 en décembre mais vous avez annoncé hier qu'il serait réajusté à 67 milliards fin 2008 et l'on fonce vers les 80 milliards en 2009 -on en perd le souffle...

M. François Marc.  - Eh oui !

Mme Michèle André.  - La crise financière peut justifier certaines mesures mais elle a surtout accentué la situation dont le Gouvernement est comptable, avec ses choix à courte vue, injustes et inefficaces...

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Rien que ça !

Mme Michèle André.  - On annule 1,8 milliards de crédits, dont 65 millions pour l'enseignement scolaire. Après avoir supprimé tant de postes, est-il légitime d'annuler d'autres crédits de l'éducation nationale : n'y a-t-il pas assez de fermetures de classes ou d'écoles, de suppressions de postes Rased ? Vous retirez 400 millions à l'enseignement supérieur...

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - En forte augmentation...

Mme Michèle André.  - ...et 230 millions à l'écologie et au développement durable. Pourquoi rogner sur les dépenses d'avenir, qui représentent pour notre pays une chance de sortir de la crise et de rester dans le peloton de tête des nations ? Cela ne devrait même pas être un sujet de débat entre nous.

Il manquait 6,7 milliards en loi de finance initiale ; cette sous-budgétisation n'était-elle pas destinée à faire bonne figure avant la présidence française du conseil européen ? Vous affectez 750 millions de taxes et ouvrez autant de crédits pour apurer la dette de l'État envers la sécurité sociale mais celle-ci reste de 3 milliards, que vous ne prévoyez nulle part de régler.

Malgré une sous-budgétisation de 5 milliards au bas mot, le défit budgétaire va encore s'aggraver de 15 milliards en raison du plan de relance. Il devrait s'élever à 80 milliards fin 2009 contre 42 milliards fin 2007, et encore est-ce à recettes fiscales constantes, ce qui n'est pas acquis.

La défiscalisation des heures supplémentaires n'était pas une bonne idée...

Mme Nicole Bricq.  - Quatre milliards !

Mme Michèle André.  - Selon les études les plus sérieuses, la loi Tepa n'a pas eu d'effet sur le nombre d'heures supplémentaires. En revanche, en cette période de montée du chômage, elle ne profite qu'à ceux qui ont un travail au détriment de ceux qui sont au chômage. La montée de l'intérim et du chômage technique soulignent l'inanité d'un choix aussi saugrenu que l'idée selon laquelle leur temps de travail dépendrait des salariés et non des carnets de commandes.

Selon l'Insee, la défiscalisation des heures supplémentaires pourrait avoir détruit de 11 000 à 66 000 emplois. La Dares constate que le nombre d'heures travaillées est au niveau de celui de 2006 : la mesure a créé un effet d'aubaine, 4 milliards ont été jetés par les fenêtres ! Il faudrait au moins que les entreprises ne cumulent pas les avantages de la loi Tepa avec ceux relatifs au chômage partiel !

La déductibilité des intérêts d'emprunts n'est pas une bonne chose, car elle revient à demander aux salariés de troquer d'éventuelles augmentations de salaires contre des crédits, mais aussi parce qu'elle alourdit notre déficit de 2 milliards.

Côté recettes, au « péché originel » des 15 milliards du paquet fiscal, s'ajoute le dégrèvement permanent de la taxe professionnelle pour les investissements nouveaux effectués d'octobre 2008 à décembre 2009, qui annonce la fin de cette taxe.

Pour sauver le système bancaire, le Gouvernement a dépensé 360 milliards, mais il mobilise 26 milliards pour le plan de relance : la comparaison est édifiante. En plus des 6 milliards de recapitalisation et des 40 milliards garantis par le collectif d'octobre, un amendement nous propose d'avaliser une garantie supplémentaire de 6 milliards pour Dexia : rien ne nous dit qu'on ne devra pas y revenir encore !

Le 4 décembre à Douai, le Président de la République a présenté un plan de relance qui consiste principalement, sur le plan fiscal, à accélérer le paiement des créances que les entreprises détiennent sur l'État. Le 8 décembre, Mme Lagarde nous annonçait que plusieurs mesures seraient intégrées au collectif : le doublement du prêt à taux zéro, le remboursement anticipé de crédits impôt recherche, le remboursement d'impôt sur les sociétés et de crédits de TVA, l'amortissement accéléré pour l'impôt sur les sociétés et l'instauration d'un report en arrière au titre de ce même impôt. Le conseil des ministres du 19 décembre examinera l'ensemble des autres mesures dont le Parlement sera saisi en janvier.

Ces mesures représentent une dizaine de milliards. Avec les autres dépenses, l'État devra financer 20 à 30 milliards courant janvier, ce qui nécessitera des émissions supplémentaires d'emprunts. Le plan de relance n'est qu'une accélération de remboursements, donc des dépenses qui auraient été effectuées de toute façon. Nous vivons au rythme des annonces, mais les plans qui se succèdent négligent systématiquement le soutien direct à la consommation des ménages. La Commission européenne, pourtant, recommande des dépenses ciblées sur les ménages, par une augmentation des transferts et une réduction temporaire du taux de TVA.

Nous présenterons plusieurs amendements.

D'abord, pour recentrer le prêt à taux zéro sur les ménages qui en ont le plus besoin.

M. Jean-Louis Carrère.  - Très bien !

Mme Michèle André.  - Nous proposerons d'appliquer une TVA de 5,5 % aux acquisitions et travaux dans des logements pour les ménages ayant eu recours au prêt à taux zéro, ce qui renforcera l'efficacité sociale de cette mesure : elle bénéficiera aux primo-accédants dont les ressources ne dépassent pas les plafonds de ressources du logement social.

M. Jean-Louis Carrère.  - C'est le bon sens !

Mme Michèle André.  - Nous vous proposerons encore de supprimer l'amortissement « Robien » au 31 décembre 2009. Les logements construits sous ce régime ne correspondent pas souvent aux besoins, ils sont généralement de taille insuffisante et hors zones de tension sur le marché du logement, au point que certains restent vides.

Nous vous proposerons également d'achever le mouvement de déliaison des taux de la fiscalité locale, indispensable du fait des pressions qui vont s'exercer sur les collectivités locales avec les transferts non compensés de compétences.

Enfin, nous vous proposerons que le nombre d'emplois perdus pris en compte dans les zones de restructuration de la défense, comprenne aussi les emplois indirects et que le seuil soit abaissé pour que toutes les communes concernées par la réforme bénéficient de l'aide fiscale. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Louis Carrère.  - Très bien !

M. Christian Gaudin.  - Les semaines se suivent et se ressemblent pour les sujets que nous abordons ; cependant, je crains qu'elles ne s'opposent, et même que chacune n'annule la précédente ! Nous examinons notre quatrième loi de finances depuis le mois d'octobre, avec chaque fois des prévisions de croissance et des perspectives différentes. Cette valse des lois de finances ne paraît pas devoir s'arrêter, mais elle est le signe que l'État s'adapte rapidement aux évolutions du monde, dans une période tourmentée où nos concitoyens, nos entreprises et nos collectivités locales ont besoin d'être protégés.

Le déficit budgétaire associé au collectif de fin d'année va s'élever à 51,4 milliards, soit 2 milliards de plus que la prévision retenue dans la loi de finances rectificative du 16 octobre dernier, 9,7 milliards de plus qu'en loi de finances initiale et 13 milliards de plus que le déficit d'exécution de la loi de finances pour 2007. Les prévisions de recettes fiscales pour 2008, annoncées lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2009, sont réduites de 2 milliards, soit une baisse globale de 7 milliards par rapport à la loi de finances initiale. Les impôts les plus sensibles à la conjoncture voient leurs recettes les plus atteintes : 1 milliard pour l'impôt sur les sociétés, 1,1 milliard pour la TVA. L'impôt sur le revenu baisse de 300 millions.

Vous avez annoncé hier un déficit budgétaire à 79,3 milliards, soit 3,9 % du PIB pour 2009. La différence avec les 54,1 milliards que nous avons votés la semaine dernière tient aux prévisions de moindres recettes liées, ainsi qu'à la mise en oeuvre de 9,2 milliards de mesures fiscales du plan de relance. A la lumière de ces variations, on s'interroge sur l'utilité et la valeur de la loi de programmation que nous avons adoptée il y a quelques semaines...

Avec 120 articles, ce collectif est encyclopédique, au point de faire oublier la fonction traditionnelle d'un tel instrument : celle de régulariser les montants des crédits et de procéder aux ouvertures et aux annulations de crédits nouveaux en fonction de l'exécution de la loi de finances initiale.

L'essentiel du texte tient aux mesures fiscales du plan de relance de l'économie, qui privilégie utilement l'investissement, plutôt que la consommation.

La croissance est avant tout fonction de la régularité de l'investissement. Si la Chine a un taux de croissance de 10 à 12 %, c'est parce qu'elle investit 50 % de son produit intérieur brut. Avec moins de 10 % en France, l'économie ne progresse pratiquement plus. La crise aura donc servi d'électrochoc positif car nous avons compris qu'il fallait investir pour l'avenir de notre production et de notre recherche.

La crise actuelle est due à trois phénomènes : la crise bancaire et financière venue des États-Unis, la légère récession provoquée par la hausse vertigineuse de l'énergie et des matières premières et, enfin, la lente évolution du système marquée, depuis 1972, par une série de crises et par la fin du plein emploi. Nos économies paient aujourd'hui l'immoralité des pratiques bancaires, immobilières et assurantielles.

Les États-Unis ont voulu renforcer le capitalisme, en incitant chacun à devenir propriétaire. Les banques ont prêté de 100 à 120 % de la valeur du bien, persuadées de la hausse permanente de l'immobilier. La crise venant, 1,7 million de familles y ont été expropriées en 2007 !

Parallèlement, les rémunérations des traders et des directeurs de banque ont explosé tandis que les autorités de contrôle se montraient défaillantes. L'éthique et le capitalisme sont-ils conciliables ? L'ultralibéralisme, c'est le refus des règles. Or, la crise actuelle démontre que l'État doit être un régulateur. Le plan de sauvetage des banques en France, en Europe, mais aussi aux États-Unis démontre qu'en dernier ressort, seul l'État peut garantir les dépôts bancaires.

Le « laisser-faire laisser-aller » ne peut plus diriger notre politique économique. La réforme de la gouvernance du secteur financier sera gage de la bonne santé de notre économie. A l'initiative de l'UC, notre assemblée a débattu la semaine dernière de la prévention du surendettement.

Moralisation et responsabilisation sont primordiales si l'on veut sortir définitivement de la crise. (Applaudissements au centre ; Mme Monique Papon applaudit aussi)

Mme Marie-France Beaufils.  - Contrairement au projet de loi de finances rectificative d'octobre et à celui que nous allons examiner en janvier, ce collectif est une sorte de loi d'état des lieux de la réalisation de la loi de finances initiale pour 2008. Le collectif d'octobre a été privé d'une partie de sa portée, puisque dès l'adoption, à la hussarde, de ce texte, les déficits publics s'aggravaient, aboutissant à une dérive de plus de 9 milliards. Ce texte prévoit 2 milliards de déficit supplémentaires, portant celui-ci au-delà de la barre symbolique des 50 milliards, mais ce n'est rien comparé aux prévisions de déficit pour 2009 de plus de 79 milliards !

Avec ce collectif, la sincérité du budget 2008 est sujette à caution. M. le rapporteur général rejoint la Cour des comptes sur les mouvements de crédits opérés par voie administrative dont la ratification est demandée dans le collectif, observant « qu'au-delà de certains progrès réalisés vers une budgétisation plus exhaustive en loi de finances initiale (...) les défaillances manifestes et persistantes de la budgétisation en loi de finances initiale ». La Cour considère que les sous-évaluations ayant donné lieu à des ouvertures de crédits supplémentaires par décret d'avance s'établissent en 2008 à 1,1 milliard et ce montant ne prend pas en compte celles proposées par ce projet de loi. Elle estime aussi que d'autres sous-évaluations de crédits dans la loi de finances initiale pour 2008 nécessiteront un abondement d'ici à la fin de l'exercice, ou entraîneront des reports de charges importants sur l'exercice 2009. Elle relève ainsi 4,6 milliards au titre des montants restant à payer aux régimes de la sécurité sociale, dont seulement 1,5 milliard a fait l'objet de mesures proposées dans le collectif pour 2008. Notre collègue Vasselle aura du mal à avoir gain de cause !

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis.  - Il y a des progrès !

Mme Marie-France Beaufils.  - La Cour des comptes, comme votre commission des finances, regrette que diverses insuffisances n'aient pas été corrigées dans le projet de loi de finances pour 2009, notamment les 3 milliards restant à payer aux régimes de la sécurité sociale. De même, les crédits destinés aux opérations extérieures, la prime de Noël et l'augmentation de l'allocation aux adultes handicapés n'ont pas été budgétés. Au final, la Cour relève que « la détermination des crédits inscrits dans la loi de finances initiale se caractérise par des défaillances réitérées, sur des dotations dont les besoins sont pourtant bien connus, alors que les insuffisances de crédits qui en résultent sont significatives au regard du solde figurant dans la loi de finances. Ce constat est d'autant plus préoccupant que les montants concernés serviront de base à l'établissement d'un budget triennal ».

Pour quelles raisons les remarques des commissions des finances des deux assemblées et de la Cour des comptes ne conduisent pas le Gouvernement à améliorer ses prévisions budgétaires et à mettre un terme aux sous-budgétisations ?

Pourquoi la majorité continue-t-elle à voter les lois de finances alors qu'elles n'ont que peu de rapport avec la réalité ? Les remboursements de TVA sont pourtant faciles à anticiper ! Et que dire des allègements fiscaux accordés sans preuve de leur efficacité et qui grèvent les recettes budgétaires ?

A écouter certains, la crise économique aurait pris tout le monde de court. Mais avant que les châteaux de cartes de Wall Street ne s'écroulent, la situation économique et sociale n'était pas si florissante que cela ! Il y avait, depuis de longues années, plus de deux millions de chômeurs, sans compter ceux opportunément radiés des listes. On enregistrait aussi près de neuf millions de travailleurs sous-payés et des dizaines de milliers de mal logés ! Un bon tiers de nos compatriotes ne pouvaient plus se soigner, faute de couverture santé complémentaire. Et que dire des plans sociaux, des plans de restructuration, qui remettaient en cause l'emploi et l'activité industrielle ? La faiblesse de la croissance en 2007 et le sensible ralentissement de l'activité en 2008 n'ont pas attendu l'escroquerie de M. Madoff ni le rachat de Freddie Mac et Fannie Mae pour éviter un dépôt de bilan !

En France, contrairement aux annonces du Gouvernement, la croissance n'est plus au rendez-vous depuis la fin 2007. Et si Dexia, PSA, Renault, Amora, Sanofi Aventis et d'autres encore sont en grandes difficultés, c'est sans doute en partie dû aux politiques économiques que vous avez menées. Le déficit budgétaire prévu dans ce collectif est la conséquence du désastre fiscal de la loi Tepa et de la loi de finances initiale pour 2008. Vous êtes en effet obsédés par la réduction des dépenses publiques, par la distribution de cadeaux fiscaux aux plus riches et par les exonérations de cotisations sociales. En revanche, vous vous montrez incapables de prendre en compte les aspirations du monde du travail. Cette loi ne prévoit aucune mesure pour défendre le pouvoir d'achat, ni pour augmenter les salaires. Quant au relèvement des retraites, il attendra sans doute la négociation sur la pénibilité du travail qu'on nous annonçait après la réforme de 2003 !

Bien évidemment, nous ne voterons pas ce collectif. (Applaudissements à gauche)

M. Philippe Dallier.  - Ce projet de loi de finances rectificative s'inscrit dans un contexte tout à fait exceptionnel. Il s'agit du deuxième collectif budgétaire de l'année, le premier ayant été promulgué le 16 octobre afin de soutenir le secteur financier, et il précède une troisième loi de finances rectificative annoncée pour janvier. Trois collectifs en moins de quatre mois, c'est beaucoup, mais à situation exceptionnelle, réponse exceptionnelle !

Ce projet de loi comporte les traditionnelles et diverses mesures d'ordre fiscal, mais aussi un certain nombre d'autres dispositions introduites dans l'urgence afin de faire face à la crise actuelle. Certes, il n'est jamais agréable de légiférer dans de telles conditions, mais, nécessité fait loi.

Ces mesures s'inscrivent dans le cadre du plan de relance de l'économie annoncé à Douai, le 4 décembre, par le Président de la République. Le collectif de janvier sera destiné à les financer et le texte dont nous entamons aujourd'hui l'examen contient certaines des dispositions fiscales dudit plan.

C'est ainsi que le projet de loi initial, composé de 64 articles, s'est considérablement étoffé à l'Assemblée nationale, qui en a adopté 54 nouveaux, issus d'amendements du Gouvernement et de la commission des finances, destinés à inscrire sans attendre dans ce texte le volet fiscal du plan de relance.

Si nul ne peut se réjouir de l'aggravation du déficit qui sera la conséquence de ce plan, il est cependant permis de distinguer, comme le fait notre rapporteur général, entre un mauvais déficit, lié au financement de dépenses de fonctionnement récurrentes et un déficit sinon bon, justifiable, qui finance des dépenses d'investissement favorables à la croissance et à l'emploi.

M Woerth nous a annoncé hier que le déficit de la France atteindrait 80,9 milliards en 2009, soit près de 4 % du PIB. C'est une forte augmentation par rapport au texte que nous examinons aujourd'hui, qui porte, en 2008, le déficit budgétaire à 51,4 milliards, ce qui constitue déjà une dégradation de 9,7 milliards par rapport à la loi de finances initiale pour 2008 et de 2 milliards par rapport à la loi de finances rectificative du 16 octobre 2008.

Nous notons cependant avec satisfaction que, conformément à ses engagements, le Gouvernement tient le cap de la maîtrise des dépenses, hors l'augmentation exceptionnelle et contrainte de 4 milliards des charges d'intérêt de la dette.

Au-delà de mesures améliorant la sécurité juridique des contribuables, de lutte contre la fraude fiscale ou encore en faveur du développement durable, dont il se félicite, le groupe UMP se réjouit des dispositifs de soutien aux investissements. Ainsi, l'exonération de taxe professionnelle sur les investissements réalisés jusqu'au 31 décembre 2009 est une excellente initiative, même si les élus locaux peuvent s'inquiéter que l'on touche une nouvelle fois à cette taxe... Car le débat sur la nécessaire réforme des collectivités locales et de leur financement est ouvert qui remettra à plat, en 2009, un système à bout de souffle. De même, l'accélération du remboursement aux entreprises des créances qu'elles détiennent sur l'État est primordiale dans un contexte où nos entreprises ont parfois du mal à assurer leur trésorerie auprès du système bancaire.

D'autres mesures fiscales liées au plan de relance devraient avoir un impact positif. Je pense à la fin de l'inscription automatique des privilèges, à la majoration d'un demi-point des coefficients d'amortissement dégressif ou au doublement du prêt à taux zéro pour l'achat d'un logement neuf acquis en 2009, mais aussi à la garantie apportée par l'État à un portefeuille de titres de Dexia, qui devrait permettre de finaliser la cession à l'acquéreur américain de la compagnie d'assurances FSA, activité nouvelle présentant des risques majeurs alors que les marchés ont considérablement évolué avec la crise.

J'en viens à certains dispositifs qui ont appelé l'attention de notre groupe. Ainsi de la nouvelle aide exceptionnelle à l'investissement locatif, destinée à remplacer le dispositif Borloo-Robien.

L'Assemblée nationale a adopté un dispositif de crédit d'impôt de 25 % du prix de revient des logements, avec un plafond de 300 000 euros, soit une réduction d'impôt maximale par opération d'achat de 75 000 euros, étalée sur neuf ans, à raison de 15 000 euros la première année et 7 500 euros les suivantes.

Si ce dispositif, que les députés ont préféré au renforcement du régime Borloo-Robien, présente l'avantage d'être plus lisible et d'inciter les investisseurs aux revenus moyens, qui s'étaient progressivement détournés de l'immobilier locatif, à revenir sur ce secteur, on peut craindre, cependant, un effet d'aubaine sur les promesses d'achat de 2008, puisque la réduction d'impôt s'applique aux acquisitions de 2009. Aussi la commission des finances estime-t-elle préférable de viser les promesses de vente signées à compter du 1er janvier prochain. Se pose également la question du coût de cette mesure...

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Bonne question !

M. Philippe Dallier.  - ... qui devrait être plus onéreuse. Mais le seul impératif n'est-il pas celui de l'efficacité ?

Si au cours des quatre dernières années, sur 400 000 logements construits annuellement, entre 60 000 et 70 000 l'ont été dans le cadre des régimes fiscaux Borloo-Robien, les estimations pour 2008 font apparaître que seuls 20 000 à 30 000 logements pourraient être financés à ce titre. La question du choix de l'instrument fiscal le mieux adapté à la relance du marché de l'immobilier locatif engage donc un vrai débat, qui ne doit pas cependant nous conduire à adopter une mesure transitoire dont le coût serait mal cerné. Le groupe UMP souhaite donc, monsieur le ministre, que vous puissiez pleinement éclairer notre assemblée avant qu'elle ne se prononce.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Très bien !

M. Philippe Dallier.  - Autre question, celle de la liaison partielle des taux des impôts locaux. L'Assemblée nationale a rétabli la liaison entre le taux de taxe professionnelle et les taux des taxes ménages. Nous y sommes fermement opposés.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Comme la commission des finances.

M. Philippe Dallier.  - La déliaison des taux est une revendication ancienne des élus locaux que nous sommes et que nous représentons. Le principe même de la liaison des taux, qui suppose une suspicion à l'égard des élus locaux, est contestable, même si nous savons pourquoi elle avait été instituée, en son temps. Aussi nous félicitons-nous que notre commission des finances souhaite revenir au mécanisme originel de déliaison.

En revanche le groupe UMP est plus réservé sur l'opportunité de la suppression, envisagée par la commission des finances, de l'article 6 du collectif, qui fixe le cadre budgétaire de gestion par l'État des quotas de CO2.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - C'est un amendement d'appel sur une question dont il faudra débattre.

M. Philippe Dallier.  - Alors même que la présidence française vient d'obtenir un compromis historique...

Mme Nicole Bricq et M. Jean-Louis Carrère.  - Le mot est un peu fort !

M. Philippe Dallier. - ... un compromis historique en Europe pour l'adoption du paquet climat énergie, et dont je relève que même les socialistes l'ont salué à Strasbourg, (Mme Nicole Bricq et M. Jean-Louis Carrère protestent) il est essentiel de préserver l'intégrité du dispositif proposé par le Gouvernement, qui évite tout biais concurrentiel entre de nouvelles installations émettrices de CO2 et celles déjà en place et prépare le secteur électrique aux nouvelles règles à venir tout en préservant la compétitivité de l'industrie française.

Notre groupe se féliciterait donc que notre rapporteur général accepte, d'un oeil bienveillant, de reconsidérer de manière plus favorable sa position sur ce point.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Comme cela est joliment tourné !

M. Philippe Dallier.  - Enfin, le maire que je suis souhaite évoquer la question du traitement par les communes des demandes et de la délivrance des cartes nationales d'identité et des passeports.

Dans une décision de 2005, le Conseil d'État avait indiqué que seule la loi pouvait confier aux maires la mission de recueillir les demandes de titres et de les délivrer. Or, en 1999 et en 2001, le Gouvernement avait confié cette mission aux maires par décret. Cette erreur de droit a été depuis source d'un important contentieux, entraînant les communes dans de longues procédures.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Elles ont eu gain de cause contre l'État.

M. Philippe Dallier.  - L'amendement du Gouvernement adopté par l'Assemblée nationale a retenu le principe d'une indemnisation de toutes les communes sur la base de 2 euros par titre émis ces quatre dernières années, sauf dans le cas de contentieux non encore tranchés.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Et pour l'avenir ?

M. Philippe Dallier.  - La question reste en effet posée. Pour l'heure, cette solution permet d'éviter à l'État une double indemnisation. Nous nous félicitons, monsieur le ministre, de l'accord auquel vous êtes parvenu, qui permet de sortir du contentieux en donnant une base légale à la délivrance des titres d'identité par les maires.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - A condition de ne pas sacrifier l'avenir.

M. Philippe Dallier.  - Le groupe UMP votera ce collectif budgétaire sincère, pragmatique et réactif. (Applaudissements à droite)

M. Aymeri de Montesquiou.  - « Les champions de la finance sont comme les perles d'un collier -quand l'une d'elles tombe, les autres suivent », écrivait Henrik Ibsen. S'il serait abusif de conclure que ce sont des perles que nous ramassons aujourd'hui, cette boutade n'en illustre pas moins la crise financière que nous traversons, la plus grave, disent les économistes, depuis celle de 1929. Originaire des États-Unis, elle a de fait très vite atteint toutes les places boursières, exigeant des États une grande réactivité pour tenter d'enrayer une débâcle qui touche à présent l'économie réelle, entreprises et personnes.

Ce contexte exceptionnel nous amène à examiner ce second collectif budgétaire, après celui du 16 octobre dernier pour le financement de l'économie, qui apportait la garantie de l'État au système bancaire, Le texte qui nous est soumis aujourd'hui s'applique à l'économie réelle et met en oeuvre les premières mesures fiscales -d'un montant de 10,5 milliards, soit près de la moitié des dépenses prévues- du plan de relance de l'économie annoncé par le Président de la République le 4 décembre dernier. Il préfigure aussi le prochain collectif attendu en janvier 2009 et dont le conseil des ministres va délibérer ce vendredi.

Je reprendrais volontiers à mon compte une observation de notre rapporteur général, partagée par la Cour des comptes, sur les sous-budgétisations de l'exercice 2008, insuffisamment corrigées dans le projet de loi de finances pour 2009 et figurant au collectif. En tiendrez-vous compte, monsieur le ministre ?

Si l'exercice est traditionnel, le contexte exceptionnel fait de ce collectif un véritable instrument politique de relance. Il porte le déficit 2008 à 51,4 milliards, soit 10 milliards de plus que la loi de finances initiale. Quand, à ce rythme, retrouverons-nous l'équilibre ? Le déficit pour 2009 est évalué, avant plan de relance, à 3,1 points du PIB par le Gouvernement, mais à 5 points par la commission des finances.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - C'est une hypothèse extrême.

M. Aymeri de Montesquiou.  - Le dépassement de la charge de la dette, de 4 milliards, certes déjà pris en compte par le précédent collectif, s'ajoute aux 7 milliards de moins-values des recettes. C'est dire les incertitudes dans lesquelles nous sommes, et qui imposent plus que jamais d'éviter tout dérapage des dépenses.

Alors que la croissance était estimée à 1,9 % en janvier et à moins 0,6 % en décembre 2008, nous continuons de tabler, comme toujours, sur des taux par essence optimistes. Je suggère, une nouvelle fois, d'élaborer un budget fondé sur une croissance zéro.

Le plan de relance voulu par le Président de la République est basé sur l'investissement. Il déclarait le 4 décembre : « La meilleure politique de relance possible c'est celle qui soutient l'activité d'aujourd'hui et qui prépare la compétitivité de demain. La meilleure façon d'affronter la crise c'est de la regarder comme l'exigence d'une formidable accélération de l'investissement » C'est en effet le moyen le plus vertueux pour relancer l'économie, car il ne relance pas les importations et, donc, il favorise l'emploi. Ce plan mobilise l'ensemble des instruments macroéconomiques, l'investissement public, en particulier celui des collectivités, comme la fiscalité des entreprises.

Le soutien de la consommation fait débat. Parmi nos partenaires européens, seul le Royaume-Uni a massivement baissé la TVA. Une telle décision risque de détourner la relance recherchée vers l'importation de produits de consommation. Nous avons trop souvent connu cet effet pervers pour l'oublier. Plutôt que le levier de la consommation, c'est celui de l'épargne et de l'investissement qu'il convient d'actionner. Il est donc positif que ce collectif soutienne l'économie via l'aide aux entreprises, entre autres par un dégrèvement de la taxe professionnelle, à hauteur de la valeur locative des équipements et des biens immobiliers neufs acquis entre le 23 octobre 2008 et le 31 décembre 2009, ainsi que par l'exonération de la taxe professionnelle des investissements réalisés sur la même période. Ce collectif ne perd pas non plus de vue l'impératif de développement durable et concerne ainsi les populations et les territoires fragilisés, comme les zones touchées par le redéploiement des armées.

Les mesures prises sont « ciblées, rapides et temporaires », elles coûtent ponctuellement mais n'engagent pas sur le long terme, elles n'hypothèquent pas l'avenir. Comme l'indique notre rapporteur général, « une relance est deux fois plus efficace si elle est réalisée au niveau de l'ensemble de l'Union européenne que si elle est réalisée seulement en France ».Si nos voisins européens ont voulu être aussi réactifs que nous, ils n'ont pas toujours fait exactement les mêmes choix car chaque situation économique et budgétaire est spécifique. Le déficit public de l'Allemagne est nul et celui de l'Espagne est de 1,6 point de PIB. Ces pays disposent donc de marges de manoeuvre, ce qui n'est pas le cas de la France et du Royaume-Uni dont les déficits sont de 3 et 4 points de PIB. Les montants des plans de relance respectifs sont donc très divers : ils représentent 0,4 point de PIB pour l'Italie, 1,7 pour l'Espagne et 1,3 pour la France qui se situe donc dans la moyenne.

Il faut le répéter : la coordination entre les États membres et l'Union est indispensable pour définir des principes clairs et des mesures coordonnées à l'échelle européenne. (M. Jean-Louis Carrère applaudit) L'intervention des gouvernements a été globalement coordonnée et a permis de réagir dans l'urgence, notamment sous l'impulsion du Président Sarkozy, comme chacun a pu le reconnaître.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Tout à fait !

M. Aymeri de Montesquiou.  - Cette unité des Européens face à la crise a démontré son efficacité par l'adoption du plan d'action par le Conseil et par la représentation de l'Union au G20 de Washington où les positions européennes de transparence et de responsabilité du système financier mondial ont prévalu.

Le Directeur général du BIT, Juan Somavia, a exprimé un point de vue convergeant : « Nous subissons les spasmes d'un système financier qui a perdu le cap sur le plan éthique. Nous devons revenir à la fonction première et légitime de la finance, qui est de promouvoir l'économie réelle, de prêter aux entrepreneurs qui investissent, innovent, créent des emplois, produisent (...) Le temps est à l'audace, la pensée et l'action innovantes ». Ce collectif n'est que l'amorce de cette feuille de route. Souhaitons que le début de 2009 permette de remettre l'économie sur les rails de la croissance et de l'emploi, après avoir purgé le système financier de ses inquiétantes faiblesses structurelles. Le Président de la République a souhaité de grandes ambitions pour l'Europe, qui effacent les égoïsmes nationaux ; ces ambitions peuvent aussi s'appliquer à la France, pour effacer les corporatismes en cette période de crise.

Je voterai ce collectif budgétaire. (Applaudissements sur divers bancs à droite et sur plusieurs bancs au centre)

M. André Santini, secrétaire d'État.  - Je remercie le rapporteur général ainsi que MM. Dallier et Montesquiou d'avoir salué la réactivité avec laquelle le Président de la République et le Gouvernement agissent dans cette crise contre laquelle, par-delà nos clivages politiques, nous savons agir collectivement. La réponse que nous avons apportée ensemble à la crise financière est, de ce point de vue, exemplaire.

En revanche, le plan de relance de l'économie, que nous mettons en oeuvre, pour partie, dès ce collectif, fait ressortir davantage de divergences entre les bancs. Nul ne conteste la nécessité d'accentuer l'effort d'investissement, lequel aide non seulement à faire repartir la machine économique mais aussi à mieux préparer l'avenir et la compétitivité de nos entreprises pour demain, à la sortie de la crise. Pour reprendre l'expression du rapporteur général, c'est de la « bonne dette » -Je ne puis m'empêcher de citer le baron Louis évoquant la bonne finance !

L'accent mis sur l'investissement ne doit pas faire oublier l'effort considérable déjà réalisé en faveur du pouvoir d'achat. Mesdames André et Beaufils, le Président de la République et le Gouvernement ne sont pas restés inactifs ! Qui peut dire que le soutien au revenu est inexistant quand l'ensemble des transferts sociaux -retraites, famille, logement, chômage- va augmenter de 4,5 % en 2009 ? Presque trois points de plus que l'inflation ! Au-delà des chiffres, il y a des mesures concrètes : la revalorisation de l'allocation adulte handicapé et du minimum vieillesse cet automne, la mise en place du RSA et son anticipation par le versement de la prime de solidarité active de 200 euros au printemps prochain, le doublement du PTZ et l'aide au financement de 30 000 Pass foncier pour soutenir l'accession sociale.

Pourquoi toujours revenir sur la loi Tepa ? Qui peut aujourd'hui critiquer ce que désignent ces quatre lettres -travail, emploi, pouvoir d'achat ? (Murmures improbateurs à gauche) Il serait irresponsable de la remettre en cause alors que nous traversons une crise sans précédent. Madame André, six millions de salariés bénéficient d'heures supplémentaires, dont le nombre a augmenté de 40 %. Quant au crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt, chacun reconnaît qu'il est bienvenu dans l'état actuel du marché immobilier.

Monsieur Gaudin, le plan de relance est à la mesure de la crise...

Mme Nicole Bricq.  - Non !

M. André Santini, secrétaire d'État.  - ... et, il n'y a malheureusement pas de surprise, il contribuera à aggraver le déficit de 2009. En même temps, ce n'est pas un chèque en blanc sur l'avenir. Les 26 milliards mobilisés dans ce plan financent des mesures de trésorerie cruciales pour les entreprises dans la conjoncture actuelle, mais ce sont des mesures temporaires. Ce plan sert aussi à financer de l'investissement, qui soutiendra notre croissance potentielle. Enfin, les gains de productivité de l'État et l'efficacité de la dépense publique demeurent nos objectifs : le plan n'affecte pas nos efforts structurels d'assainissement financier. Le déficit public atteindrait 3,9 points de PIB en 2009 mais notre déficit resterait proche de 1 point de PIB en 2012. C'est là l'essentiel.

Monsieur de Montesquiou, vous proposez d'élaborer le budget sur une croissance zéro pour éviter de tomber dans des prévisions exagérément optimistes. Je ne crois pas qu'on puisse accuser le Gouvernement de ce travers. En septembre, nous avons construit le projet de loi de finances 2009 sur la base d'une prévision de croissance, prudente à l'époque, de 1 %. Après l'évolution de la conjoncture, nous avons actualisé les prévisions de recettes fiscales et en avons tiré les conséquences dans le présent collectif et la loi de finances initiale pour 2009.

Mesdames André et Beaufils et aussi monsieur de Montesquiou, vos critiques sur la sincérité de la budgétisation en 2008 et 2009 s'appuient, notamment, sur le rapport de la Cour des comptes. II y a un vice dans le raisonnement qui consiste à comptabiliser dans le recensement des insuffisances de la loi de finances initiale les dettes de l'État constituées au titre des exercices antérieurs. Cette critique ne traduit pas la réalité des efforts engagés depuis l'an dernier par ce gouvernement. Je ne dis pas que tout est parfait mais l'honnêteté oblige à dire que beaucoup a été fait. Là où, par défaut d'ouverture de crédits, nous avions enregistré sur la seule année 2007 une dette record de 1,7 milliard vis-à-vis de la sécurité sociale, nous ouvrons en collectif 0,8 milliard de crédits, sans compter les progrès effectués dès la construction du projet de loi de finances 2008. Les efforts ont été accentués dans le budget pluriannuel 2009-2011. La budgétisation du projet de loi de finances 2009 a donné lieu à une remise à niveau de plus de 1,1 milliard en faveur de dotations chroniquement sous-budgétisées.

Merci, monsieur Vasselle, d'avoir souligné notre souci d'améliorer les relations financières entre l'État et la sécurité sociale, par un réel effort de budgétisation des dotations versées. Globalement, nous aurons stabilisé la dette État-sécurité sociale en 2008.

Madame Morin-Desailly et monsieur Retailleau, l'indexation de la redevance audiovisuelle, défendue par certains depuis longtemps, est maintenant intégrée dans ce collectif. Ce sera une ressource additionnelle de 40 millions pour les organismes audiovisuels.

Madame Morin-Desailly, je vous remercie de vos propos sur les Sofica. C'est un utile outil que le Gouvernement souhaite prolonger. Sur le mécénat des entreprises, il aurait préféré qu'on s'en tienne à son texte mais il comprend votre point de vue et s'y ralliera. Pour la redevance, il convient de respecter un équilibre : nos concitoyens comprendraient qu'on l'indexe sur le coût de la vie, mais pas qu'on en augmente le taux.

Sur le numérique, monsieur Retailleau, le Gouvernement partage votre préoccupation : nous sommes parvenus à un bon équilibre avec la création d'un droit de communication sur les opérateurs internet. Mais les propos du rapporteur général semblent présager, peut-être, d'une issue heureuse lors du débat sur l'amendement de la commission.

Monsieur Dallier, j'ai noté votre soutien à l'article 6, relatif au compte de commerce pour la gestion des quotas de CO2, mesure qui respecte l'accord historique sur le paquet « Energie-climat » du dernier Conseil européen. Je soutiens votre appel au rapporteur pour qu'il revoie sa position.

Je vous remercie de soutenir notre solution concernant le traitement des cartes d'identité et passeports. Les communes en seront les bénéficiaires. (Applaudissements au centre et à droite)

La discussion générale est close.

Question préalable

M. le président.  - Motion n°155, présentée par M. Vera et les membres du groupe CRC-SPG.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2008 (n° 134, 2008-2009).

M. Bernard Vera.  - La crise économique s'approfondit chaque jour. Que faut-il faire ? Le collectif budgétaire aurait dû être une réponse à cette question. Or il est seulement un texte de circonstance, un exercice obligé, coincé entre le collectif d'octobre, 360 milliards d'euros pour sauver la rentabilité des banques, et le collectif de janvier, celui du « plan de relance ». Le projet de loi de finances rectificative se borne donc à solder les comptes de l'exercice 2008 tels que la situation économique les a modifiés. Alors pourquoi ce texte ordinaire, rituel parlementaire de fin d'année civile, a-t-il à ce point enflé, de 64 articles à 117 ?

Les priorités, manifestement, ne sont pas les mêmes pour tout le monde. L'article 7 nous ramène au débat de la loi Tepa, puisqu'il enregistre l'échec relatif des heures supplémentaires défiscalisées : il subsisterait un milliard d'euros de ressources disponibles. Le nombre d'heures supplémentaires déclarées serait inférieur aux prévisions d'au moins 20 %. Il est vrai que la mode est plutôt au chômage partiel... Les effets de la loi Tepa en sont réduits d'autant. Les seules dispositions de ce texte qui ont trouvé pleinement à s'appliquer sont la réforme des donations et les réductions d'impôt pour les contribuables de l'ISF. Ce n'est pas le travail qui a bénéficié de la loi Tepa, mais bien la rente et le capital.

Le Gouvernement a intégré dans le collectif quelques-unes des dispositions -celles à caractère fiscal- du plan de relance. L'article 18 quater crée une sorte de super Robien, ouvrant une réduction d'impôt sur le revenu de 75 000 euros sur neuf ans. A qui s'adresse cette dépense fiscale de 675 millions d'euros, plus que les crédits consacrés, au sein de la mission « Ville et Logement », à la construction de logements locatifs sociaux ? Les locataires éligibles seront les mêmes que ceux des dispositifs Robien et Borloo, certainement pas les sans-abri... Ce qui est sûr en revanche, c'est que les bénéficiaires de cette coûteuse mesure fiscale seront les plus aisés, ceux qui paient au moins 15 000 euros d'impôt sur le revenu, parce qu'ils perçoivent plus de 6 200 euros en salaire par mois : moins de 2 % des contribuables, donc. A défaut de solution au problème du logement, c'en est une, immédiate, au problème du rendement de l'épargne des plus favorisés. Les efforts continuent en matière d'optimisation fiscale -et tant pis pour le soutien direct à l'activité économique. Il est vrai qu'un secteur va recevoir un sérieux coup de fouet : celui du conseil en montages financiers et immobiliers. Le contribuable pourra investir jusqu'à 300 000 euros. Les petits épargnants quant à eux pourront toujours souscrire des parts de sociétés civiles de placement immobilier... Les vendeurs de logements sur plan ont donc encore de beaux jours devant eux.

Comme si ce très gros coup de pouce à l'investissement immobilier ne suffisait pas, une mesure est prise en faveur des donations et successions : elle porte sur les transmissions de parts de groupements fonciers agricoles ou de baux ruraux. La mesure n'a pas été estimée et ne profite qu'à un nombre réduit de contribuables.

Le collectif comporte une nouvelle mise en cause de la taxe professionnelle. Elle privera les collectivités locales de ressources fiscales importantes ; et pour quel impact sur la situation économique ? Les annonces de plans sociaux massifs ont-elles cessé ? La dépense fiscale n'est pas un bon outil de relance économique. Pour un coût d'environ 1 200 millions d'euros en année pleine, celle-ci aura peu de portée réelle pour les entreprises, alors qu'elle pèsera lourd sur les finances publiques : deux points de déficit public ! A-t-on seulement songé à empêcher que les investissements visant à substituer du capital matériel à des emplois soient admis au bénéfice de l'exonération ? Allons-nous accepter de financer cette exténuante recherche du profit ?

Le projet de loi comporte logiquement des dispositions relatives à l'affectation des crédits publics. Il intègre de nombreuses annulations : plusieurs dizaines de millions d'euros sont ainsi distraits de la mission « Ville et Logement » : 130 millions d'euros sur le programme « Rénovation urbaine » et 170 millions sur le programme « Développement de l'offre de logement ». Les mal logés n'ont qu'à attendre, la régulation budgétaire passe avant tout.

Les suicides sont de plus en plus fréquents dans nos établissements pénitentiaires, mais plus de 65 millions d'euros de crédits de la justice sont supprimés, au nom de l'annulation de la réserve de précaution. Les ouvertures de crédit visent essentiellement à pallier des sous-estimations manifestes dès le vote de la loi de finances initiale.

La banque franco-belge Dexia, grâce aux dispositions du collectif d'octobre, dispose de la garantie de l'État sur une partie de ses engagements. Le montant pourra atteindre près de 4,7 milliards d'euros si Dexia enregistre une perte significative sur les actifs qu'elle cèdera dans le cadre de son plan de redressement. L'État n'a pas 300 millions d'euros à consacrer au logement social, mais il est capable d'en trouver seize fois plus pour préserver une banque dont la privatisation a été un échec. Dexia cherchera sans doute, de surcroît, à se refaire une santé sur le dos des collectivités locales, en majorant sa marge financière. Dans tous les cas, ce sont les contribuables, locaux ou nationaux, qui en seront les victimes.

C'est pourquoi nous vous proposons d'adopter notre motion. (Applaudissements sur les bancs CRC-SPG)

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Nous avons consacré beaucoup de temps et d'énergie à préparer notre discussion d'aujourd'hui. Nous avons examiné les propositions et initiatives du Gouvernement et de nos collègues, y compris du groupe CRC. Il serait fort dommage que tout ce travail ait été accompli en pure perte ! La commission présente en outre des amendements visant à améliorer la rédaction, concrétiser des mesures envisagées, défendre les intérêts des collectivités locales : y renoncer serait frustrer l'enthousiasme des membres de la commission et les intérêts légitimes qu'elle entend protéger. Rejet de la motion.

M. Alain Gournac.  - Ah oui !

M. André Santini, secrétaire d'État.  - Avis conforme à celui de la commission.

Mme Nicole Bricq.  - Un plan de relance a été annoncé, qui vise à justifier le dérapage budgétaire comme celui de la sécurité sociale, lesquels représenteront en 2009 environ 5 % du PIB. Nous ne nous en réjouissons pas... Mais nous contestons la faculté de ce plan à relancer l'activité à court terme comme à préparer l'avenir.

La mécanique du crédit continue de dérailler, les banques n'ont toujours pas nettoyé leurs bilan et chaque semaine apporte de mauvaises nouvelles sur les créances douteuses qu'elles possèdent. Le plan de relance ne suffira pas à régler ces questions. En refusant de s'impliquer, soit par recapitalisation directe, soit en étant présent dans le conseil des banques qu'il va aider, l'État s'est privé de toute possibilité d'action. La baisse des taux d'intérêt de la BCE ne suffira pas plus. Enfin, la composante « demande » du plan de relance est trop modeste ; la mesure n'a pas été prise d'une récession qui sera autrement sévère qu'en 1993.

Le Président de la République et le Gouvernement font le pari risqué d'une récession courte et de faible ampleur. Il eût fallu un plan plus équilibré, qui utilisât l'arme fiscale en direction des ménages modestes ; mais la majorité ne veut pas renoncer aux mesures idéologiques de l'été 2007... Quant aux dispositions censées favoriser l'investissement, ce ne sont que des versements anticipés ; et les 11,5 milliards du programme d'investissements publics gelés jusqu'à présent ne feront que limiter la chute de l'activité en 2010 ou 2011.

Ce collectif ne passera pas l'année 2008 ; celui qu'on nous annonce pour le début 2009 pourrait bien ne pas être le dernier. Si l'on ajoute à tout cela l'insincérité des comptes dénoncée par la Cour des comptes, la question préalable n'est pas infondée. Mais comme nous voulons défendre nos amendements et vous dire tout le mal que nous pensons de ce texte, nous nous abstiendrons.

En application de l'article 59 du Règlement du Sénat, la motion n°155 est mise aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 212
Majorité absolue des suffrages exprimés 107
Pour l'adoption 24
Contre 188

Le Sénat n'a pas adopté.

Discussion des articles (Première partie)

Article premier

I. - Pour 2008, les fractions de tarif de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers mentionnées au premier alinéa du I de l'article 40 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 sont fixées comme suit :

(En euros)

Région

Gazole

Supercarburantsans plomb

Alsace

4,53

6,40

Aquitaine

4,00

5,66

Auvergne

4,87

6,90

Bourgogne

3,87

5,49

Bretagne

4,27

6,03

Centre

3,80

5,38

Champagne-Ardenne.

4,34

6,15

Corse

4,94

6,99

Franche-Comté

5,32

7,54

Île-de-France

11,33

16,01

Languedoc-Roussillon

3,93

5,56

Limousin

7,37

10,42

Lorraine

4,54

6,43

Midi-Pyrénées

4,46

6,31

Nord-Pas-de-Calais

6,44

9,12

Basse-Normandie

4,68

6,61

Haute-Normandie

4,80

6,79

Pays-de-la-Loire

3,81

5,38

Picardie

4,83

6,83

Poitou-Charentes

3,98

5,64

Provence-Alpes-Côte-d'Azur

3,61

5,12

Rhône-Alpes

3,89

5,51

II. - Il est versé en 2008 à la région Alsace un montant de 3 223 634 € au titre de la compensation, pour la période 1999-2008, des charges de personnel résultant du transfert aux régions de la compétence en matière de formation professionnelle continue des jeunes de moins de vingt-six ans en application de l'article 49 de la loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993 quinquennale relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle.

III. - 1. Il est prélevé en 2008, au titre de l'ajustement du montant du droit à compensation pour les exercices 2005, 2006, 2007 et 2008 relatif au transfert des aides aux étudiants des écoles et instituts de formation des professions paramédicales et de sages-femmes en application des articles L. 4151-8 et L. 4383-4 du code de la santé publique, un montant de 661 587 € sur le produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers versé aux régions Alsace, Auvergne, Franche-Comté et Pays-de-la-Loire en application de l'article 40 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 précitée.

2. Il est versé en 2008 à la collectivité territoriale de Corse et aux régions de métropole, à l'exception de l'Alsace, de l'Auvergne, de la Franche-Comté et des Pays-de-la-Loire, au titre du transfert des aides aux étudiants des écoles et instituts de formation des professions paramédicales et de sages-femmes en application des articles L. 4151-8 et L. 4383-4 du code de la santé publique, un montant de 26 263 465 € relatif aux exercices 2005, 2006, 2007 et 2008.

3. Il est versé en 2008 à la collectivité territoriale de Corse et aux régions de métropole, à l'exception des régions Alsace, Languedoc-Roussillon, Pays-de-la-Loire, Picardie et Poitou-Charentes, au titre du transfert des aides aux étudiants des formations des travailleurs sociaux en application de l'article L. 451-3 du code de l'action sociale et des familles, un montant de 9 343 865 € relatif aux exercices 2005, 2006, 2007 et 2008.

4. Il est versé en 2008 aux régions de métropole, en application de l'article 95 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, un montant de 336 900 € correspondant à la compensation, au titre des charges de fonctionnement, du coût des licences de l'Institut géographique national et des serveurs informatiques qui sont nécessaires à l'exercice de la compétence relative à l'inventaire général du patrimoine culturel.

5. Il est versé en 2008 aux régions Bretagne, Limousin, Nord-Pas-de-Calais et Provence-Alpes-Côte-d'Azur un montant de 281 583 € au titre de l'ajustement de la compensation versée en 2007, résultant du transfert des agents non titulaires du ministère de l'agriculture et de la pêche en application des articles 82 et 110 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 précitée.

6. Il est versé en 2008 à chacune des régions Bretagne et Haute-Normandie, en application de l'article 82 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 précitée, une somme de 8 413 € au titre de la compensation des postes devenus vacants en 2007 et qui participent à l'exercice des compétences transférées dans le domaine des lycées maritimes.

7. Il est versé en 2008 aux régions, au titre de la gestion 2008 et en application des articles 82 et 119 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 précitée, un montant de 14 593 903 € correspondant à l'ajustement de la provision inscrite dans la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008 pour la compensation au titre, d'une part, des postes d'agents techniciens, ouvriers et de service (TOS) et de gestionnaires de TOS du ministère de l'éducation nationale devenus vacants en 2007 et, d'autre part, du transfert au 1er janvier 2008 des agents TOS et des gestionnaires de TOS.

IV. - Les diminutions opérées en application du 1 du III sont imputées sur le produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers attribué aux régions concernées en application de l'article 40 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 précitée. Elles sont réparties conformément à la colonne A du tableau ci-après.

Les montants correspondant aux versements prévus par les 2 à 7 du III sont prélevés sur la part du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers revenant à l'État. Ils sont répartis, respectivement, conformément aux colonnes B à G du tableau suivant. (cf. tableau)

Mme Marie-France Beaufils.  - Mon intervention vaudra pour les articles premier et 2. La véritable question qui mine les relations entre l'État et les collectivités territoriales, c'est la dérive continue des charges transférées non compensées. Qu'il s'agisse du RMI devenu RSA, de la prise en charge de la dépendance des personnes âgées, du patrimoine scolaire ou du réseau routier, on assiste à un délestage de l'État sur les acteurs locaux. Au moment où certains s'interrogent sur le mille-feuille territorial, il importe de se replacer du point de vue des citoyens et de leurs besoins. Qu'attend-on pour confier à la sécurité sociale la gestion d'un cinquième risque, financé par des cotisations solidaires, pour prendre en charge la dépendance des personnes âgées ? Qu'attend-on pour qu'en matière d'action sociale l'État reprenne à son compte ce que les départements ne peuvent assumer du fait de l'extrême disparité de leurs moyens et de leurs situations financières ? La même remarque vaut pour le transfert du patrimoine scolaire et des personnels qui y sont employés.

Une analyse critique des transferts de compétences est nécessaire, en recherchant le meilleur mode de financement, celui dont l'assiette est la plus large tout en étant la moins pesante, celui dont l'affectation est la plus juste et la plus universelle. Nous disons oui à une centralisation intelligente quand elle couvre le champ naturel de l'intervention de la collectivité nationale, et oui à une décentralisation quand la proximité est la meilleure solution pour répondre aux besoins collectifs.

L'article premier est adopté.

Article 2

I. - Pour 2008, les fractions de tarif de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers mentionnées au cinquième alinéa du III de l'article 52 de la loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005 sont fixées à 0,539 € par hectolitre s'agissant des supercarburants sans plomb et à 0,380 € par hectolitre s'agissant du gazole présentant un point éclair inférieur à 120° C.

Pour la répartition du produit de ces taxes en 2008, les pourcentages fixés au tableau figurant au même III sont remplacés par les pourcentages fixés à la colonne A du tableau figurant au IV du présent article.

II. - 1. Il est versé en 2008 au département de la Nièvre un montant de 147 734 € correspondant à une correction du montant des crédits versés en 2006 et 2007 en application de l'article 82 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

2. Il est versé en 2008 respectivement aux départements de l'Allier et du Tarn-et-Garonne, au titre de la gestion 2008 et en application de l'article 95 de la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux, un montant de 1 859 € et un montant de 1 508 € correspondant à l'indemnisation des jours acquis au titre du compte épargne-temps par les agents des services déconcentrés du ministère de l'agriculture et de la pêche qui concourent à l'exercice des compétences transférées dans le domaine de l'aménagement foncier.

2 bis. Il est versé en 2008 au département de la Seine-Saint-Denis, au titre de la gestion 2008 et en application des articles 18 et 104 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 précitée, un montant de 24 384 € correspondant à l'indemnisation des jours acquis au titre du compte épargne-temps par les agents des services déconcentrés du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire qui concourent à l'exercice des compétences dans le domaine des routes départementales et des routes nationales d'intérêt local.

2 ter. Il est versé en 2008 aux départements, au titre de la gestion 2008 et en application des articles 51, 56, 57 et 65 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 précitée et de l'article 52 de la loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité, un montant de 24 498 € correspondant à l'indemnisation des jours acquis au titre du compte épargne-temps par les agents des services déconcentrés des ministères chargés de la santé et de l'action sociale qui concourent à l'exercice des compétences dans le domaine du revenu minimum d'insertion, du fonds d'aide aux jeunes, des centres locaux d'information et de coordination, des comités départementaux des retraités et personnes âgées, du fonds de solidarité pour le logement et des fonds d'aide eau-énergie.

3. Il est versé en 2008 aux départements un montant de 24 951 992 € au titre de la compensation financière des charges résultant, en 2007 et 2008, de l'allongement de la durée de la formation initiale obligatoire des assistants maternels et de l'instauration d'une formation d'initiation aux gestes de secourisme en application de l'article L. 421-14 du code de l'action sociale et des familles.

3 bis. Il est versé en 2008 aux départements, au titre de la gestion 2008 et en application des articles 18 et 104 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 précitée, un montant de 4 826 326 € correspondant à la compensation des postes d'agents titulaires et non titulaires devenus vacants en 2007 et qui participent à l'exercice des compétences transférées dans le domaine des routes départementales et des routes nationales d'intérêt local.

3 ter. Il est versé en 2008 aux départements, au titre de la gestion 2008 et en application des articles 82 et 119 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 précitée, un montant de 18 185 941 € correspondant à l'ajustement de la provision inscrite dans la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008 pour la compensation au titre, d'une part, des postes d'agents techniciens, ouvriers et de service (TOS) et de gestionnaires de TOS du ministère de l'éducation nationale devenus vacants en 2007 et, d'autre part, du transfert au 1er janvier 2008 des agents TOS et des gestionnaires de TOS.

3 quater. Il est versé en 2008 aux départements, au titre de la gestion 2008 et en application des articles 65 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 précitée et 52 de la loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003 précitée, un montant de 811 080 € correspondant à la compensation des postes devenus vacants entre la date du transfert de la compétence et la date du transfert de service et afférents aux compétences transférées dans le domaine du revenu minimum d'insertion et du fonds de solidarité pour le logement. 

4. Les montants mentionnés aux 1, 2, 2 bis, 2 ter, 3, 3 bis, 3 ter et 3 quater sont prélevés sur la part du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers revenant à l'État et se répartissent conformément à la colonne B, s'agissant des montants mentionnés aux 1, 2, 2 bis, 2 ter et 3, et conformément aux colonnes C à E, s'agissant respectivement des montants mentionnés aux 3 bis, 3 ter et 3 quater, du tableau figurant au IV.

III. - Au dernier alinéa du III de l'article 52 de la loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 précitée, les mots : « le produit de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance attribué » sont remplacés par les mots : « la somme des produits de la taxe sur les conventions d'assurance et de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers », et les mots : « d'une part du produit de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance revenant à l'État » sont remplacés par les mots : « d'une part du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers revenant à l'État ».

IV. - Les ajustements mentionnés aux I et II se répartissent conformément au tableau suivant. (cf. tableau)

M. le président.  - Amendement n°74, présenté par M. Marc et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

I. - Rédiger comme suit le III de cet article :

III. - Le dernier alinéa du III de l'article  2 de la loi n° 2004-1484 du 30  décembre 2004 de finances pour 2005 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Si le produit de la taxe intérieure sur les produits pétroliers attribué pour une année donnée à un département en application du pourcentage de la fraction de tarif applicable à ce département pour cette même année représente un montant inférieur à son droit à compensation pour l'année considérée, tel que défini au I. de l'article 119 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 précitée, la différence fait l'objet d'une attribution à due concurrence d'une part du produit de taxe intérieure sur les produits pétroliers revenant à l'État. »

II. - La perte éventuelle de recettes résultant pour l'État du III est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. François Marc.  - L'article 2 peut sembler anodin ; il risque cependant d'entraîner une baisse de recettes pour les départements. Le Gouvernement peut-il se permettre de retirer le dernier souffle d'air financier qui leur restait ?

Le financement des compétences transférées aux départements a été réglé en 2005 par l'attribution d'une fraction du produit de la taxe spéciale sur les contrats d'assurance (TSCA), calculée en rapportant le montant des charges transférées à l'assiette nationale de la taxe en 2004. Si, au fur et à mesure des transferts, des ajustements ont été nécessaires, le calcul est resté fondé sur cette assiette. Ce choix-ci devait permettre aux départements de bénéficier du dynamisme de la recette entre 2004 et l'année de perception. Une clause de garantie a été prévue en cas de baisse de l'assiette, afin d'assurer le respect du droit à compensation, mais la TSCA a toujours été dynamique. Afin de financer de nouveaux transferts de compétences, l'assiette a été considérablement élargie en 2008 ; mais comme cela ne suffisait pas, la loi de finances pour 2008 a attribué aux départements une fraction du produit de la TIPP.

Le problème est que l'assiette de la TIPP ne cesse de baisser ; une clause de garantie était nécessaire, ce que prévoit l'article 2. Mais c'est là que le bât blesse : au lieu de prévoir une clause spécifique, à l'instar de celle relative à la TSCA, le Gouvernement propose une clause globale qui mutualise les deux recettes. Ce qui se traduira mécaniquement par la disparition progressive du surplus dont ont pu bénéficier les départements du fait du léger dynamisme de la TSCA. Le droit à compensation intégrale des départements risque de ne plus être assuré que par l'attribution d'une quasi-dotation appelée à stagner. Est-il raisonnable en temps de crise de réduire encore les recettes des conseils généraux ?

Cet amendement propose la mise en place d'une clause de garantie pour les départements, qui sont en première ligne face aux conséquences sociales de la crise.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - La commission considère que le mécanisme de l'article 2 respecte le principe constitutionnel de juste compensation, alors que cet amendement propose une double compensation intégrale, pour la Tipp et pour la TSAC. Ce serait multiplier par deux la compensation ! Défavorable.

M. André Santini, secrétaire d'État.  - Cet amendement ne demande pas une simple compensation mais bien un surcroît de recettes fiscales. Le Gouvernement a trois raisons de s'y opposer.

D'abord, le montant du droit à compensation est d'ores et déjà garanti par une dotation au cas où les recettes de Tipp et de TSAC viendraient à baisser.

Ensuite, ce droit à compensation est un montant global calculé chaque année, qui ne peut être découpé selon les recettes qui le fournissent. C'est d'ailleurs un produit fiscal global qui est versé au budget du département.

Enfin, cet amendement conduirait à une double garantie de compensation. Retrait, sinon rejet.

M. François Marc.  - Nous ne considérons pas que les départements émargeraient deux fois ! Nous tentons de résoudre un problème posé par la coexistence de deux taxes, l'une dynamique, l'autre en régression. La double garantie que nous réclamons est justifiée par notre conviction que les départements seront perdants dans le temps.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis.  - Il faudrait faire largement connaître la teneur de l'argument ministériel : si les recettes fiscales attendues ne sont pas suffisantes, il y a dotation. La compensation est donc bien réelle. Ne laissons plus les présidents de conseils généraux faire accroire à l'opinion publique que les augmentations d'impôts qu'ils décident seraient motivées par l'insuffisance des recettes ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. Christian Cambon.  - Delanoë !

M. Michel Charasse.  - Cet amendement revient à demander que les recettes des collectivités territoriales ne baissent pas quand celles de la TIPP baissent ! Le problème des transferts de charge et de leur compensation est un faux problème ; en tant que membre de la commission d'évaluation des charges, j'atteste que l'État a donné pour les transferts de charges exactement ce qu'il dépensait pour le même poste avant le transfert, comme après les lois Defferre. Mais le raisonnement est plombé parce que la commission d'évaluation des charges n'a jamais été saisie de la question du revenu minimum d'insertion et de l'APA, qui, eux, ne sont pas couverts et qui explosent.

Dans la situation difficile que connaissent les finances publiques, nous ferions mieux de cesser de discutailler à l'infini sur de faux problèmes, pour aborder cette question majeure qu'est le financement du revenu minimum d'insertion et de l'APA. Sans ces deux dépenses, les départements ne seraient pas contraints de relever leurs impôts de 8 à 15 % comme ils le font.

Je suggère à la commission des finances, quand elle sera moins bousculée, de constituer un groupe de travail sur cette question. Si l'État avait joué correctement le jeu, nous n'aurions pas ce débat tous les ans !

Mme Marie-France Beaufils.  - Nous voterons cet amendement. Effectivement, une partie des dépenses est compensée, mais toujours avec retard ! La dotation prévue au projet de loi de finances pour 2009 sera insuffisante, ce qui va mettre les collectivités territoriales en grande difficulté. D'ailleurs, l'État a fini par reconnaître après coup que certaines charges ne sont pas compensées, comme par exemple les actes de l'état civil à la charge des communes.

L'amendement n°74 n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté.

Article 3

Par dérogation aux dispositions de l'article L. 2334-24 du code général des collectivités territoriales, une fraction d'un montant de 85 millions d'euros du produit des amendes forfaitaires de la police de la circulation est affectée, à hauteur de 50 millions d'euros, au solde de la dotation d'aménagement prévue à l'article L. 2334-13 du même code mis en répartition en 2009 et, à hauteur de 35 millions d'euros, au titre de 2008 à l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances régie par les articles L. 121-14 à L. 121-18 du code de l'action sociale et des familles afin de financer la réalisation d'actions de prévention de la délinquance dans les conditions définies à l'article L. 2215-2 du code général des collectivités territoriales.

Par dérogation aux dispositions de l'article L. 2334-24 du même code, une fraction d'un montant de 50 millions d'euros du produit des amendes forfaitaires de police de la circulation routière encaissé au titre de 2008 est mise en réserve et n'est pas prise en compte dans le montant à répartir au titre de 2008.

M. le président.  - Amendement n°118, présenté par M. Vera et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Marie-France Beaufils.  - Cet étrange dispositif consiste à rattraper le coup sur la moindre progression d'un élément de la dotation d'aménagement -en l'occurrence, la dotation de solidarité rurale- tout en organisant la possibilité pour l'État de se libérer des contraintes budgétaires à venir.

Premier temps de l'opération : on se rend compte qu'en loi de finances initiale pour 2009, on a oublié de majorer la dotation de solidarité rurale et l'on décide donc de lui affecter 50 millions, non pas tirés du budget général par prélèvement de recettes, comme il serait normal de le faire, mais pris sur le montant des amendes de police des collectivités. On a besoin de 35 autres millions pour financer les actions de prévention de la délinquance menées par l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances.

Les actions éligibles au Fonds interministériel pour la prévention de la délinquance portent notamment sur la vidéo-protection sur la voie publique et le raccordement des centres de supervision urbaine aux services de police ou de gendarmerie, en référence au plan national de développement de la vidéo-protection. Toutefois, la participation de l'État aux frais d'installation ou d'extension des systèmes de vidéo-protection ne peut excéder un taux de 50 % sauf exception justifiée par les circonstances locales. En outre, seuls les équipements de vidéo-protection donnant sur la voie publique et ses abords peuvent être financés. A deux reprises depuis sa création, le FIPD a bénéficié pour son financement d'un prélèvement sur les recettes des amendes forfaitaires de police.

La loi de finances rectificative pour 2006 a attribué 50 millions, à titre exceptionnel, un effort dont le rapporteur général observait qu'il avait in fine été supporté par les collectivités territoriales. Vous rééditez cette opération pour financer une vidéo-surveillance inefficace. Vous piochez dans les ressources des collectivités territoriales pour une dépense qui n'a que peu de rapport avec la vocation de l'agence. Si vous cherchez une recette dynamique, prenez plutôt dans le produit des radars !

Quant au deuxième paragraphe, il met en réserve 50 millions destinés aux collectivités et que le Gouvernement, dans sa grande bonté, utilisera peut-être pour les collectivités : étrange innovation que cette solidarité par anticipation !

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances.

Rédiger comme suit le premier alinéa de cet article :

Par dérogation aux dispositions de l'article L. 2334-24 du code général des collectivités territoriales, une fraction d'un montant de 85 millions d'euros du produit des amendes forfaitaires de la police de la circulation est affectée au solde de la dotation d'aménagement prévue à l'article L. 2334-13 du même code mis en répartition en 2009.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Dans la rédaction issue de l'Assemblée nationale, le premier alinéa affecte 50 millions au solde de la dotation d'aménagement de la DGF pour 2009 et 35 millions au Fonds interministériel de prévention de la délinquance géré par l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances. Il est de notre devoir d'observer que cette affectation confirme la pratique du passage par un opérateur, l'Agence pour la cohésion sociale et l'égalité des changes, pratique qui n'est pas définitive mais qui a été trois fois renouvelée. Je me tourne vers l'un des initiateurs de la loi organique relative aux lois de finance : ce n'est pas conforme aux principes de la Lolf...

M. Michel Charasse.  - Voilà !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Cette affectation contribue à l'agencisation de l'État, à son démembrement ; il faut le dire ou changer la toute récente loi organique.

En minimisant leurs recettes, cette pratique fait peser sur les collectivités territoriales le poids du financement du Fonds interministériel de prévention de la délinquance. De surcroît, la rédaction ne garantit pas, comme c'était le cas en 2007, que le coût de la mesure sera neutralisé pour les collectivités.

Enfin, la commission des finances n'a reçu aucune justification sur la situation financière du fonds.

Dans ces conditions, nous vous proposons de supprimer cette affectation. Mais peut-être serons-nous convaincus par les explications du ministre... (Sourires)

Avis défavorable à l'amendement n°118.

M. André Santini, secrétaire d'État.  - Le Fonds interministériel pour la prévention de la délinquance est un outil majeur. L'article permettra de développer la vidéo-surveillance, qui est une priorité du Président de la République. Je souhaite donc le retrait ou le rejet de l'amendement n°118. La vidéo-protection sera mise en place de manière concertée avec les collectivités. Je vous prie de considérer que ce plan de développement sert la protection de nos concitoyens, qui est une priorité majeure.

Le choix de l'Assemblée nationale d'affecter 35 millions au Fonds interministériel de prévention de la délinquance au lieu des 60 millions prévus, et 50 millions au solde de la dotation d'aménagement de la DGF est un bon équilibre. Les 35 millions du Fonds constituent un minimum puisqu'il a dépensé l'an dernier 38 des 40 millions qui lui avaient été affectés et que les communes ont déjà dépensé 36 millions sur 2009. Je demande donc respectueusement au rapporteur général de retirer son amendement.

L'amendement n°1 est retiré.

L'amendement n°118 n'est pas adopté.

L'article 3 est adopté, ainsi que les articles 4 et 5.

Article 5 bis

I. - L'article 104 de la loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007 est ainsi modifié :

1° Le b du 2° du I est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, le mot : « Si » est supprimé, et les mots : « est positif, il est opéré un » sont remplacés par les mots : « donne lieu à » ;

b) Le dernier alinéa est supprimé ;

2° Au 4° du I, les mots : « ou de l'abondement » sont supprimés ;

3° Le b du 2° du II est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, le mot : « Si » est supprimé, et les mots : « est positif, il est opéré un prélèvement » sont remplacés par les mots : « donne lieu à un abondement » ;

b) Le dernier alinéa est supprimé ;

4° À la fin du dernier alinéa du 3° du II, les mots : « est à la charge de l'État » sont remplacés par les mots et une phrase ainsi rédigée : « fait l'objet d'un titre de perception émis chaque année par le préfet de la région Guadeloupe durant le mois de janvier de l'année considérée, pour paiement au plus tard six mois après son émission. Par exception, pour la récupération du trop-versé en 2008, il est émis deux titres de perception, l'un en 2009, l'autre en 2010, portant chacun sur un montant de 2 814 129 €. » ;

5° Au 4° du II, les mots : « du prélèvement ou » sont supprimés.

II. - Par dérogation au 2° du III de l'article 104 de la loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007, la garantie de la dotation forfaitaire à verser à la collectivité de Saint-Martin en 2009 et en 2010, en application du deuxième alinéa de l'article L. 6364-3 du code général des collectivités territoriales, est diminuée chaque année de 2 092 042 €, au titre de la récupération du trop-versé en 2008.

III. - L'article L. 3443-2 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Au deuxième alinéa, le montant : « 2 946 393 € » est remplacé par le montant : « 2 350 099 € » ;

2° Au 1°, le montant : « 1 042 072 € » est remplacé par le montant : « 350 896 € » ;

3° Au 2°, le montant : « 1 904 321 € » est remplacé par le montant : « 1 999 203 € » ;

4° Le dernier alinéa est supprimé.

IV. - L'article L. 4434-8 du même code est ainsi modifié :

1° Au deuxième alinéa, le montant : « 566 368 € » est remplacé par le montant : « 654 503 € » ;

2° Le dernier alinéa est supprimé.

V. - Le deuxième alinéa de l'article L. 6264-5 du même code est ainsi modifié :

1° Après le mot : « Guadeloupe », sont insérés les mots : « et la commune de Saint-Barthélemy » ;

2° Les années : « 1996 » et « 2007 » sont remplacées respectivement par les années : « 1997 » et « 2006 ».

VI. - L'article L. 6364-5 du même code est ainsi modifié :

1° À la fin du deuxième alinéa, le montant : « 2 470 689 € » est remplacé par le montant : « 2 653 706 € » ;

2° Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ce montant correspond au montant annuel moyen des crédits consacrés par la région Guadeloupe au lycée de Saint-Martin et par le département de la Guadeloupe aux collèges de Saint-Martin entre 1997 et 2006 inclus ; ce montant intègre l'indexation consécutive à l'application du taux de croissance de la formation brute de capital fixe des administrations publiques associé aux projets de loi de finances pour 2007 et 2008. » ;

3° Le troisième alinéa est ainsi rédigé :

« En 2009, le montant alloué à la collectivité de Saint-Martin est équivalent à celui de 2008. » ;

4° Au quatrième alinéa, l'année : « 2009 » est remplacée par l'année : « 2010 ».

VII. - Après la première phrase du dernier alinéa de l'article 51 de la loi n° 2004--639 du 2 juillet 2004 relative à l'octroi de mer, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« En 2009, 2010 et 2011, la dotation globale garantie mentionnée à l'article 47 est répartie entre les communes de la Guadeloupe et la collectivité de Saint-Martin et le montant versé à la collectivité de Saint-Martin est calculé par application au montant qui lui a été versé en 2008 au titre de l'octroi de mer d'un taux d'abattement de 10 % en 2009, de 40 % en 2010 et de 70 % en 2011. »

M. Michel Magras.  - L'article 5 bis soulève une interrogation de fond. Les liens qui unissent Saint-Barthélemy à la République sont solides : c'est par un référendum que l'île a souhaité redevenir française alors que Louis XVI l'avait échangée contre un hangar dans un port suédois. Jusqu'en 1963, elle a été complètement délaissée par l'État qui n'y a jamais été si présent que depuis l'autonomie. Mais ce statut s'inscrit dans une culture de la responsabilité car nos élus assumaient les compétences de l'État, de la région et du département de sorte que le statut est la reconnaissance législative de ce qui se pratiquait de manière dérogatoire.

L'autonomie suppose des moyens financiers. Or Saint-Barthélemy souffre des clichés mais offre d'abord une vitrine de l'excellence française et, si les ressources transférées excédaient les compétences visées par le statut, nous savions aussi que la commune assumait seule le port, l'aéroport, le ramassage des élèves et jusqu'à la nourriture des gendarmes mobiles ou encore le traitement des déchets. Il fallait bien financer pour cela car les dotations de l'État n'ont jamais dépassé 8 % du budget de la commune.

On nous a accusés de ne pas payer l'impôt mais nous avons appris qu'ils représentent 11 200 000 euros, alors que l'État demande à la collectivité 5,6 millions, soit 20 % de son budget, dont 2,9 millions iront au département de la Guadeloupe. Beaucoup d'entre vous gèrent des collectivités, ils me comprendront. Prélever 20 % du budget pendant deux ans puis 15 %, c'est en pleine crise réduire toute marge d'investissement ! Que devient le principe de libre administration des collectivités locales, si on les oblige à des choix qu'elles n'auraient pas opérés ?

Saint-Barthélemy ne cherche pas à se dérober, elle conteste les proportions car ses chiffres ne coïncident pas avec ceux du ministère du budget. Gérer sans dotation de l'État est une chose, mais le faire avec des dotations négatives en est une autre, surtout pour une collectivité dotée de l'autonomie.

Mme Nicole Bricq.  - L'article 5 bis nous paraît inconstitutionnel, parce qu'il oblige la Guadeloupe à verser à Saint-Martin une partie de l'octroi de mer : la loi ne peut, sans méconnaître le principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales, imposer à une collectivité de verser une partie de ses ressources fiscales à une autre collectivité locale.

M. le président.  - Amendement n°46 rectifié, présenté par MM. Magras et Hyest, Mme Michaux-Chevry et MM. Virapoullé, Fleming et Cointat.

Supprimer le 4° du I de cet article.

M. Michel Magras.  - Devant la commission d'évaluation des charges, le 9 juillet dernier, le président du conseil territorial a demandé au directeur des services fiscaux si les montants d'impôts recensés correspondaient aux activités exclusivement générées à Saint-Barthélemy ou si elles intégraient également l'impôt éventuellement perçu par l'administration fiscale sur des activités extérieures à la collectivité ; le directeur des services fiscaux a répondu que le calcul portait sur l'ensemble des contribuables ayant déclaré leur domicile à Saint-Barthélemy, quel que soit le lieu d'origine de leurs revenus.

C'est sur cette base que le potentiel fiscal de Saint-Barthélemy a été évalué pour connaître le montant des ressources transférées.

Monsieur le ministre, vous savez que l'État ne nous a pas transféré la totalité de sa fiscalité perçue à Saint-Barthélémy.

J'en suis une preuve vivante : je paie mes impôts sur mon activité de sénateur à l'État, alors que je suis un résident fiscal de Saint-Barthélemy ! Comme moi, tous les résidents fiscaux de Saint-Barthélemy continuent à payer à l'État leurs impôts sur les activités exercées et les biens situés à l'extérieur de la collectivité. L'État continue à percevoir ses impôts sur toutes les personnes présentes sur l'île depuis moins de cinq ans ainsi que sur toutes les personnes et sociétés domiciliées à Saint-Barthélemy aux seules fins de bénéficier des abattements fiscaux de la Guadeloupe alors que leur activité s'exerce en métropole. On a vu dans ce cas des loueurs de bateaux sur la Seine ou des fabricants de rail, dont toute l'activité était en métropole.

Nous ne demandons pas que ces recettes fiscales que l'État continue à percevoir nous soient restituées, car nous estimons qu'elles ne nous appartiennent pas.

Mais si vous estimez nous avoir transféré tout le potentiel fiscal de Saint-Barthélemy, alors il faudra que l'État verse à la collectivité les sommes encaissées des contribuables domiciliés sur son territoire et y compris au titre de la CSG ou de la CRDS, voire des taxes sur la Française des jeux ! Ce serait logique, alors pourquoi ne pas l'intégrer dans les calculs actuels ?

Cet article 5 bis place la collectivité en situation de payer une deuxième fois ce que l'État continue de percevoir. Voyez la dotation de construction et d'équipement scolaire : en 2007, elle était de 1 042 072 euros, vous la réduisez cette année à 350 096 euros alors que la commission consultative évalue les charges à 91 097 euros. C'est bien la preuve que les évaluations sont contestables et qu'elles méritent un réexamen des sommes inscrites !

Les chiffres du département de la Guadeloupe et ceux de la commission d'évaluation ne concordent pas, personne ne peut dire qui a raison. La collectivité et la population de Saint-Barthélemy ne demandent aucune dotation à l'État : nous l'avons décidé l'an dernier et c'est acquis. Nous ne voulons pas faire perdre un centime à l'État et nous ne voulons pas être accusés de vouloir le beurre et l'argent du beurre.

Ce que nous vous demandons c'est de ne pas nous obliger à payer à vie à l'État et au département de la Guadeloupe des sommes dont nous avons la certitude que nous ne les devons pas !

Une telle démarche détruirait le travail réalisé depuis plus de dix ans, mettrait en péril l'avenir de notre petite collectivité en brisant toute notre stratégie de croissance et développerait un sentiment d'injustice et de révolte au sein de notre population.

De plus, cet article porte atteinte au principe même de la libre administration des collectivités territoriales.

Je ne cherche nullement à troubler la cohésion du groupe ni à m'en prendre au Gouvernement, je ne veux que donner le temps nécessaire à réviser le calcul.

M. le président.  - Amendement n°59 rectifié, présenté par MM. Magras, Fleming et Hyest, Mme Michaux-Chevry et MM. Virapoullé et Cointat.

I. - Dans le 4° du I de cet article, remplacer les mots :

chaque année

par les mots :

en 2009 et en 2010

II. - Supprimer la dernière phrase du même 4°.

III. - Compléter le II de cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Du montant de la diminution pour l'année 2009, visée au premier alinéa, vient en déduction le montant de la compensation intégrale des pertes de recettes résultant pour la collectivité de Saint-Martin de l'application des critères de domiciliation fiscale définie au 1° du I de l'article L.O. 6314-4, prévue à l'article L.O. 6380-1 du code générale des collectivités territoriales, non versée en 2008.

M. Michel Magras.  - Repli. Je propose le remboursement du trop-perçu en deux ans, comme pour Saint-Martin.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Cet article applique le principe d'équilibre des charges et des recettes à la nouvelle collectivité d'outre-mer de Saint-Barthélemy. D'après mes informations, que le Gouvernement confirmera ou infirmera, la commission consultative a évalué précisément les charges et les ressources transférées, et c'est en vertu de ses évaluations que le chiffre de 5,6 millions est demandé à Saint-Barthélemy. Qu'en pense le Gouvernement ? La commission se ralliera à sa position, sur les deux amendements.

M. André Santini, secrétaire d'État.  - L'an dernier, lors de l'examen du collectif 2007 sur la création de la collectivité de Saint-Barthélemy, le Gouvernement avait proposé un article indiquant qu'un transfert de ressources supérieur aux charges transférées ne serait pas repris à la nouvelle collectivité ; l'Assemblée nationale l'avait accepté, mais en demandant de rétablir l'équilibre en 2008. Vous aviez alors vous-même souligné l'importance de l'équilibre entre les charges et les ressources transférées, d'autant que le principe est appliqué à Saint-Martin.

L'article 5 bis dispose, conformément à ce qu'a souhaité le Parlement l'an dernier, que Saint-Barthélemy rembourse 5,6 millions de trop-perçu, à répartir entre l'État et la Guadeloupe. Cette somme, le Gouvernement y a veillé, correspond très exactement au montant calculé par les commissions d'évaluation des charges. Dans ces conditions, Il me paraît difficile d'accorder une règle plus favorable à Saint-Barthélemy qu'à Saint-Martin, alors que Saint-Barthélemy a choisi de supprimer pratiquement tous ses impôts directs. Cependant, je vous apporterai tous les éléments complémentaires d'information que vous jugerez utiles et je m'engage à ce que le Gouvernement rectifie sa position, si des éléments nouveaux le justifiaient. Retrait, sinon rejet.

M. Michel Magras.  - Nous savons pertinemment que les chiffres de la commission consultative doivent être modifiés ! Nous ne voulons pas priver l'État de ses ressources, mais avec ces 5,2 millions, nous serons les seuls Français à acheter leur citoyenneté ! Je maintiens mes amendements.

L'amendement n°46 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°59 rectifié.

L'article 5 bis est adopté.

La séance est suspendue à 13 heures.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 15 heures.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement aux questions d'actualité.

Visite à Paris d'un représentant du Hezbollah libanais

M. Jean-Pierre Plancade .  - Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères. La France reçoit en ce moment un représentant du Hezbollah libanais, dans le cadre du programme d'accueil des « personnalités d'avenir ». Cette invitation m'interpelle : était-on obligé pour dialoguer d'inviter pendant plusieurs jours, aux frais de l'État, un membre d'une organisation terroriste, alors que la France et des Français ont été victimes des actions de cette organisation ? Peut-être M. le ministre a-t-il obtenu des contreparties à cette main tendue, par exemple l'application de la résolution des Nations unies demandant le désarmement de cette organisation terroriste ? Ou peut-être s'est-il converti à la Realpolitik et considère-t-il que le Hezbollah sera demain le maître du Liban, puisqu'il s'agit d'un programme d'avenir ? Les accords de Doha constituent certes une avancée, mais celle-ci est fragile, et elle ne justifiait pas cette invitation.

Je souhaiterais donc que le Gouvernement nous dise comment il entend lutter contre le terrorisme et protéger nos concitoyens de ce fléau, de cette menace qui pèse chaque jour un peu plus sur la paix et la tranquillité du monde. (Applaudissements sur les bancs RDSE)

M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie .  - Je comprends votre émotion. Mais il ne s'agit pas d'une réception officielle : le ministère des affaires étrangères a décidé d'inviter un certain nombre de personnalités de tous les pays, dans une démarche diplomatique qui vise à obtenir des informations sur la situation politique de ces pays et à développer notre politique d'influence. Cela n'implique en rien une reconnaissance du Hezbollah.

Je conçois que le fait que ce professeur d'université libanais ait des liens avec cette organisation vous interpelle. Mais la France a besoin de contacts, même avec le Hezbollah -qui est d'ailleurs présent au Parlement libanais- afin de savoir ce qui se passe sur place et de transmettre des messages. Cela ne signifie pas que la France considère le Hezbollah comme une organisation « d'avenir ».

Pour faire évoluer le monde, nous avons besoin de parler avec chacun : c'est le souhait du Président de la République et du Gouvernement. Nous voulons avoir une diplomatie universelle, dans l'intérêt de la France et du monde, dans l'intérêt de la paix. (« Très bien ! » et applaudissements à droite)

Menace terroriste en France

M. Christian Gaudin .  - Ma question s'adresse à Mme le ministre de l'intérieur. La découverte, mardi, de cinq bâtons de dynamite dans un grand magasin parisien a ravivé la conscience de la menace terroriste dans notre pays. D'après ce que nous en savons, il ne s'agissait que d'un avertissement. Les explosifs n'étaient assortis d'aucun dispositif de mise à feu et les services de sécurité ont été avertis par une lettre de revendication : une bien curieuse lettre, signée d'un groupe jusqu'ici inconnu de vos services, le Front Révolutionnaire afghan, et réclamant le départ des troupes françaises d'Afghanistan avant la fin du mois de février 2009. Depuis, de nombreux spécialistes ont semblé écarter la piste islamiste.

Madame la ministre, vous avez annoncé que l'enquête avançait vite. Où en est-elle, et disposez-vous d'éléments nouveaux ?

On a pu entendre par ailleurs quelques dissonances au sein du Gouvernement sur le degré de risque qui pèse aujourd'hui sur notre pays : la France est-elle, oui ou non, particulièrement exposée ?

Enfin nous savons que, suite à l'incident du Printemps-Haussmann, vous avez pris des mesures de renforcement de la sécurité. Après avoir vu hier les directeurs généraux de la police et de la gendarmerie, le préfet de police, les responsables des services de renseignement, des représentants de la RATP, de la SNCF, des Aéroports de Paris et des grands magasins, pouvez-vous préciser la nature de ces mesures, en particulier pour les quelques jours qui nous séparent de Noël ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales .  - J'ai déjà eu l'occasion de le dire plusieurs fois : si la France n'est pas plus exposée que d'autres pays à la menace terroriste, elle ne l'est pas moins. Nous restons donc vigilants. Nous disposons d'un dispositif éprouvé de sécurisation, et nous nous appuyons sur nos services de renseignement.

Mais il faut aussi pouvoir s'adapter aux risques changeants. A la suite des attentats de Bombay, j'ai donc décidé d'un exercice qui aura lieu lundi prochain, afin de savoir si nous sommes en mesure de faire face à des prises d'otages simultanées dans plusieurs villes.

En ce qui concerne l'alerte de mardi dans un grand magasin, ce sont des explosifs assez anciens qui ont été retrouvés, d'un type utilisé dans les travaux publics, donc dans le domaine civil ; il n'y avait pas de risque d'explosion, comme vous l'avez rappelé. Cela ne signifie pas qu'il ne faille pas être vigilant. J'ai immédiatement décidé de renforcer les dispositifs de sécurité mis en place dès le 1er décembre afin de faire face aux risques particuliers en cette période de fêtes. Des forces mobiles supplémentaires sont venues renforcer les patrouilles, et des militaires ont été mobilisés dans le cadre du plan Vigipirate.

La réunion d'hier a permis de faire le point sur la situation et d'instaurer un nouveau dispositif de suivi : les personnalités concernées se réuniront trois fois par semaine en présence du préfet de police à Paris, du préfet de région en province. Nous avons également décidé de renforcer la sécurité dans les grands magasins, en procédant au contrôle aléatoire des sacs, et en éloignant des entrées sensibles les véhicules en stationnement. Les contrôles avant l'ouverture des magasins ou le départ des trains seront également rendus plus systématiques.

Toutes ces dispositions n'ont qu'un but : assurer la protection des Français et des touristes pour qu'ils passent des fêtes de Noël en toute sécurité. (Applaudissements à droite et au centre)

Avenir de la gendarmerie

M. Jean-Louis Carrère .  - (« Ah ! » sur divers bancs) Ma question concerne la gendarmerie et donc la sécurité de tous nos concitoyens. J'ai déjà longuement discuté avec vous, madame la ministre et, avec toute la courtoisie que je vous dois, je connais déjà vos réponses.

Voix à droite.  - Pourquoi poser la question ?

M. Jean-Louis Carrère.  - Il y a des choses que Mme la ministre ignore peut-être et c'est pourquoi je m'adresse à M. le Premier ministre. Voici une note de Matignon, de son cabinet, même si certains la qualifient de nulle et non avenue. Or, elle se révèle d'une actualité brûlante puisqu'elle annonce et prépare la fermeture, à partir de 2009, de quatre écoles de gendarmerie sur huit. Malgré les multiples dénégations, la note en question avait vu juste. Il y a quelques jours, nous avons appris, et M. Raffarin nous l'a confirmé, que c'était effectivement le cas. Plus grave encore, selon cette note que je vous remettrai, monsieur le Premier ministre...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il l'a !

M. Jean-Louis Carrère.  - ... serait prévue la fermeture de 175 brigades territoriales sur 1 700, soit plus de 10 % ! De même, il est envisagé de supprimer quinze escadrons de gendarmerie mobile sur 128 ! (Exclamations à droite)

Ma question est simple et n'est pas celle d'un groupe politique, mais celle du Sénat tout entier au Gouvernement. Pouvez-vous nous assurer, monsieur le Premier ministre, qu'il n'y aura pas de fermeture de brigades ni de dissolution d'escadrons de gendarmerie en 2009 ? Ou alors, donnez-nous la liste précise des fermetures prévues par la cure d'amaigrissement à laquelle vous comptez soumettre la gendarmerie. Tous les élus de nos territoires attendent votre réponse. (Applaudissements à gauche)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales .  - (« Non ! non ! » sur les bancs socialistes, tandis qu'on applaudit à droite) Avec une courtoisie au moins égale à la vôtre, je vais vous redire, monsieur Carrère, en présence de M. le Premier ministre, ce que je vous ai déjà dit avant-hier et hier encore. Effectivement, il y a eu une note de travail rédigée en interne par un membre du cabinet du Premier ministre, note qui devait servir de base de travail...

M. Jean-Louis Carrère.  - Ah ! Vous voyez !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Mais bien sûr, elle existe ! D'ailleurs, vous l'avez largement utilisée, et de façon quelque peu biaisée, 48 heures avant les élections sénatoriales dans un certain nombre de départements... (On le confirme avec indignation à droite)

M. Jean-Louis Carrère.  - Pas dans les Landes !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - ... alors même que vous saviez qu'il ne s'agissait que d'hypothèses de travail. Ainsi, la fermeture d'écoles de gendarmerie était prévue depuis longtemps. En revanche, cette note cite des écoles qui n'ont pas été fermées. C'est aussi la preuve qu'il ne s'agit que d'un document de travail qui a été contredit par la suite. Ce sera la même chose pour les fermetures de gendarmeries que vous avez évoquées. Vous savez que je n'ai qu'une parole. Or, j'ai dit et redit à la Haute assemblée que je tenais à la présence des gendarmeries dans les zones fragiles. J'ai également dit, lors de l'examen du budget, que les gendarmes seraient recentrés sur leur coeur de métier, ce qui permettra, en les dégageant de tâches administratives, de les reverser dans les brigades. La présence de la gendarmerie dans les zones rurales continuera à être assurée.

Ce n'est pas en répétant dix fois des contrevérités qu'elles cesseront d'être fausses ! (Applaudissements à droite et sur divers bancs du centre)

M. Jean-Louis Carrère.  - Répéter, c'est de la pédagogie !

Réforme du lycée

Mme Brigitte Gonthier-Maurin .  - En septembre dernier, sur France 2, évoquant la réforme du lycée, M. Darcos invitait les lycéens à s'emparer du débat.

M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale.  - C'est ce qu'ils ont fait !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Ils vous ont pris au mot. A tel point que leur mobilisation, associée à celle des enseignants, des parents d'élèves et de toute la communauté éducative, vous conduit à repousser cette réforme qui, selon vous, serait « l'otage d'un mouvement social, n'ayant pas grand-chose à voir avec des questions pédagogiques ».

M. Xavier Darcos, ministre.  - Je le crois !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Ce qui vous inquiète, c'est que la politique du Gouvernement se dévoile de plus en plus : la déconstruction du service public, dont celui de l'éducation est un maillon, comme le détricotage du code du travail.

Mais, dans notre pays, l'exigence d'égalité et d'équité prend de l'ampleur. Or ce sont les services publics qui réduisent les inégalités. A l'école, la mobilisation s'exprime de diverses manières : manifestations, « réveillons revendicatifs » dans des lycées, « nuits blanches » dans des écoles primaires et désobéissance civique. Des enseignants du primaire déclarent publiquement, au risque de sanction, qu'ils n'appliqueront pas votre réforme.

Mon groupe défendra d'ailleurs l'abrogation de la loi sur le service minimum le 20 janvier.

Pour calmer l'inquiétude, vous annoncez un plan national de formation des enseignants pour compenser la suppression de 3 000 postes dans les réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté.

M. Xavier Darcos, ministre.  - Pas la suppression, mais la sédentarisation !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Mais avec quels moyens ? Les crédits pour la formation des enseignants diminuent, budget après budget.

Vous dites que les suppressions de postes n'affecteront pas l'encadrement pédagogique. Comment expliquer alors aux parents qu'à force de suppressions de stagiaires, l'ANPE doit recruter des CDD, à 8,71 euros de l'heure, pour assurer les remplacements ? Il faut mettre un terme aux caricatures ! (Exclamations et rires à droite)

M. Alain Gournac.  - C'est l'Humanité dimanche !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Les enseignants, les parents d'élèves, les lycéens ne refusent pas la réforme, mais ils rejettent celle que vous voulez, parce qu'elle est à l'opposé des besoins de notre système éducatif. (Exclamations sur les mêmes bancs)

M. le président.  - Votre question !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Quand, monsieur le ministre, allez-vous repartir à zéro, non seulement pour le lycée mais pour toute l'école ? (Applaudissements sur les bancs CRC-SPG et sur divers bancs socialistes)

M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale .  - Vous me demandez ce que nous allons faire pour les lycées.

M. Jacques Mahéas.  - Les ouvrir le dimanche !

M. Xavier Darcos, ministre.  - Je vais répéter ce que j'ai déjà dit à plusieurs reprises : nous allons reprendre les choses à zéro. (On ironise à gauche)

M. René-Pierre Signé.  - C'est une marche arrière !

M. Xavier Darcos, ministre.  - Ensemble, nous allons rouvrir la totalité du dossier et prendre le temps de parler, afin qu'on ne dise pas que cette réforme est faite à la va-vite et qu'elle ne prend pas en compte l'intérêt des lycéens.

Je reste très attaché à certains principes intangibles. (Exclamations à gauche)

Ces principes, ce sont que tous les lycéens aient une culture commune, qu'ils puissent choisir une ou deux options et recevoir une aide personnalisée, un soutien quand ils rencontrent des difficultés, qu'ils bénéficient d'un « second choix » en cas de grande difficulté dans une option, tout cela afin d'éviter l'échec scolaire.

Un « système injuste », dites-vous : mais qui pourrait se satisfaire de la situation actuelle ? Les statistiques de l'OCDE publiées il y a deux jours...

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Ah non !

M. Xavier Darcos, ministre.  - ... montrent que le système le plus injuste, parce que le plus lié aux déterminations sociales...

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Ne discréditez pas le système français au nom de critères anglo-saxons ! Vous êtes un ministre français, tout de même !

M. Xavier Darcos, ministre.  - ... c'est le nôtre, avec celui de la République tchèque. Il est donc légitime de chercher à mettre en place un système plus adapté.

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Ce que vous faites n'est pas correct ! Un ministre de l'éducation nationale qui discrédite l'éducation nationale !

M. Xavier Darcos, ministre.  - Cette réforme est fondée sur des principes acceptés par les représentants des diverses catégories de personnels et des lycéens. Il apparaît aujourd'hui que des explications supplémentaires sont nécessaires : nous les donnerons, mais les objectifs de la réforme ne seront pas modifiés, pour le bien de la Nation. Nous travaillons pour l'avenir.

Vous êtes des élus, vous ne sauriez confondre la nécessité de discuter avec les lycéens et ce qui se passe ici et là actuellement. Et je déplore que des élus, et tout le parti socialiste, encouragent les débordements auxquels nous assistons. (Protestations à gauche) Quand ils feront plus tard le bilan, les lycéens verront bien qui, de ce Gouvernement ou de l'opposition, les a vraiment aidés. (Applaudissements à droite)

Bilan de la présidence française de l'Union

M. Philippe Dominati .  - Dans quelques jours prendra fin la présidence française de l'Union européenne. Elle a été marquée par l'activité du Président de la République. Durant les évènements des six derniers mois, l'Europe s'est montrée unie et forte sur la scène internationale. (Rires à gauche)

M. René-Pierre Signé.  - Pas pour la relance !

M. Philippe Dominati.  - Cela tient au style du Président, reconnu à Strasbourg par tous les parlementaires. Ce furent six crises majeures, et six succès majeurs pour la diplomatie française ! La crise institutionnelle ouverte par le « non » irlandais trouvera peut-être une solution avec l'annonce d'un nouveau référendum. La crise militaire russo-géorgienne est à présent presque oubliée. La crise financière et économique, qui reçoit aujourd'hui l'attention de tous les gouvernements du monde, a été gérée. Trois dossiers sensibles ont été traités avec efficacité. (Marques d'ironie à gauche)

M. Jean-Luc Mélenchon.  - La question !

M. René-Pierre Signé.  - C'est laborieux...

M. Philippe Dominati.  - L'Union pour la Méditerranée a été lancée, l'immigration a fait l'objet d'un accord -quand on prédisait au ministre de l'immigration un cheminement bien difficile. Enfin, l'accord sur le climat...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Vous en faites trop...

M. Jacques Mahéas.  - La question ! (On renchérit à gauche)

M. Philippe Dominati.  - Le Gouvernement pourrait-il nous indiquer quelles perspectives diplomatiques ont été ouvertes...

M. Jacques Mahéas.  - Sur le climat ?

M. Philippe Dominati.  - Je songe à la notion de gouvernance économique, qui n'existait quasiment pas auparavant, à la gestion de la zone euro...

M. le président.  - Achevez de poser votre question.

M. Philippe Dominati.  - ... et à la défense commune. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. François Fillon, Premier ministre .  - (Applaudissements à droite) Un débat a eu lieu ici il y a huit jours pour évoquer les délicats dossiers du dernier conseil européen de l'année. Chacun s'accorde à reconnaître qu'un accord sur la lutte contre le réchauffement climatique avait une faible probabilité d'aboutir. Tout le monde doit donc se réjouir du résultat, obtenu grâce au travail remarquable de Jean-Louis Borloo et des équipes de la présidence française, grâce au soutien, également, du Parlement européen. L'accord marquera plus que tout le reste la présidence française, car il est historique : pour la première fois de grands pays développés se fixent des objectifs contraignants, une diminution de 20 % d'ici 2020 des émissions de CO2 et une augmentation de 20 % des énergies renouvelables. Cet accord était vital pour espérer en obtenir un autre, mondial celui-là, l'an prochain à Copenhague. Nous avons eu le soutien de 600 députés européens sur 700, notamment les membres du parti populaire européen, des socialistes et des Verts. Le compromis est satisfaisant.

M. Alain Gournac.  - Eh oui !

M. François Fillon, Premier ministre.  - La voie d'une ratification par l'Irlande du traité de Lisbonne est ouverte. Au peuple irlandais, à présent, de prendre ses responsabilités : pour notre part, nous avons convaincu l'ensemble des pays européens de faire des concessions pour rendre possible un nouveau débat.

Nos objectifs en matière de politique de défense étaient ambitieux, si l'on considère qu'il n'y a guère d'identité de vues en Europe, ni de grande volonté de faire. Or un engagement a été pris à l'unanimité pour augmenter les capacités globales de défense de l'Union. Et les principaux pays concernés se sont engagés à mettre sur pied une force de 60 000 hommes.

M. Jean-Louis Carrère.  - Et le temps de parole ? Il est dépassé !

M. François Fillon, Premier ministre.  - Je souligne aussi l'unanimité autour du pacte pour l'immigration : la thèse française de l'immigration choisie a été reprise...

M. Jean-Louis Carrère.  - Quatre minutes, ce n'est pas une réponse, mais de la propagande !

M. François Fillon, Premier ministre.  - Le plan de relance européen valide aussi les priorités françaises : investissement et réformes structurelles.

M. Jean-Louis Carrère.  - Trop long !

M. François Fillon, Premier ministre.  - Je rends hommage à M. Haenel qui, à la tête de votre délégation, a joué un rôle considérable dans tout le travail accompli. Nous avons surtout fait la démonstration que l'Europe souffrait moins d'un problème institutionnel que d'un manque de volonté politique !

M. Jean-Louis Carrère.  - Plus de quatre minutes !

M. François Fillon, Premier ministre.  - Le Gouvernement s'exprime quand il le veut. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean-Louis Carrère.  - Il y des règles à respecter lors des questions d'actualité.

M. François Fillon, Premier ministre.  - Le Gouvernement s'exprime comme il l'entend et sait faire preuve, lui, de tolérance et de respect envers autrui.

M. Jean-Louis Carrère.  - Il s'exprime mal.

Services d'urgence

M. René-Pierre Signé .  - L'association des médecins urgentistes Amuf a appelé le 17 novembre à un arrêt de travail à compter du 1er décembre ; c'est une grève symbolique, sans impact sur la prise en charge des malades. Les urgentistes protestent contre la forte augmentation de leur temps de travail, les restrictions budgétaires, les suppressions de postes -20 000 emplois supprimés dans les hôpitaux- les fermetures de services, notamment de Samu et de Smur. Ils demandent que leurs horaires soient reconnus et payés comme il se doit, eux qui travaillent plus de 70 heures consécutives. Leur métier n'est pas de routine mais épuisant, humain, à haute responsabilité.

Le lien entre le médecin et le malade, si nécessaire, est entravé par la rigueur de la tarification à l'activité ; le métier se déshumanise progressivement. Le ministère de la santé soutient que les urgences ont bénéficié depuis une dizaine d'années des moyens les plus importants au sein de l'hôpital, ce que conteste l'Amuf, qui met en avant la faible augmentation du nombre des intervenants et l'encombrement croissant des services, la médecine libérale étant onéreuse et difficile d'accès.

On touche là du doigt la politique du Gouvernement, qui ne voit pas ou ne veut pas voir l'inquiétante dégradation de notre système de santé. La France ne peut plus s'enorgueillir de son système de protection sociale ni même de sa sécurité sanitaire, qui n'est plus assurée en milieu rural que par les sapeurs-pompiers.(Mme la ministre lève les bras au ciel)

La grève a été largement suivie. Elle est approuvée par une majorité de nos concitoyens et une large intersyndicale, et sera suivie d'une journée de mobilisation pour la défense de l'hôpital public, marque de l'exaspération et de la colère des médecins et des personnels. Ils ne veulent plus travailler dans des conditions dégradées au détriment de la sécurité des patients.

M. le président.  - Veuillez poser votre question !

M. René-Pierre Signé.  - L'étranglement financier de l'hôpital atteint les limites du supportable, d'autant que nombre d'établissements sont accablés par des déficits importants. Voici ma question : la dégradation des services de soins hospitaliers a-t-elle été perçue ? Malades et médecins peuvent-ils attendre une amélioration de leur fonctionnement, en particulier de celui des urgences ? (Applaudissements à gauche)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative .  - Vous avez tort de relayer les slogans d'une association non représentative, d'ailleurs désavouée par les quatre organisations représentatives des praticiens hospitaliers. (Applaudissements à droite)

Nous avons fait des efforts intenses ces trois dernières années en faveur des urgences, créé 5 200 postes et 7 500 lits. Contrairement à ce que vous avez dit, le nombre de services d'urgence a augmenté, pour atteindre aujourd'hui 647 ; dans votre département, à Clamecy, j'ai d'ailleurs créé cette année une antenne de Smur héliporté. (On s'amuse à droite)

Il faut noter que 80 % des personnes accueillies aux urgences pourraient être traitées d'une autre façon. Nous allons continuer à agir, en amont en trouvant des solutions au problème de la démographie médicale, dont nous débattrons prochainement dans le cadre de la loi « Hôpital-patients-santé-territoires » ; et en aval pour améliorer les relations entre l'hôpital et les structures accueillant les personnes âgées ou handicapées. La rénovation des services d'urgence se poursuivra dans le cadre du plan « Hôpital 2012 », ainsi que l'appui organisationnel. Savez-vous qu'à l'hôpital Ambroise Paré de Boulogne, le temps d'accueil des personnes âgées a pu être réduit de 25 %, les hospitalisations de courte durée après accueil aux urgences de 50 %, et que le temps d'attente pour les urgences vraies a été réduit à néant ?

Je recevrai les urgentistes la semaine prochaine, j'installerai dans les premiers jours de janvier le Conseil national des urgences. Sachez que nous écoutons les professionnels et que nous faisons tout pour améliorer les services. (Applaudissements à droite)

Inégalités hommes-femmes dans les pays du Sud

Mme Joëlle Garriaud-Maylam .  - Voilà déjà 30 ans que la communauté internationale a fait le constat d'une inégalité croissante entre les hommes et les femmes, notamment en Afrique. Les femmes africaines ne perçoivent que 10 % des richesses, 2 % des crédits, 5 % des terres, alors qu'elles effectuent plus de 66 % du travail et produisent plus de la moitié des richesses. De nombreuses études ont montré que la réduction des inégalités entre les hommes et les femmes était un facteur puissant de croissance et de développement.

La coopération française agit sur le terrain, grâce aux hommes et aux femmes qui mettent à son service leur talent et leur détermination. Avec son expertise « Projets », la France doit faire des femmes des acteurs du développement -je pense au microcrédit, à l'éducation des enfants et des jeunes filles en particulier. Notre pays est porteur de valeurs et a signé de nombreux engagements internationaux.

Dès votre prise de fonctions, vous avez placé l'égalité entre les sexes et l'autonomisation des femmes au coeur de votre action. Quelles mesures avez-vous déjà prises en ce sens et quelles autres comptez-vous prendre ? (Applaudissements à droite)

M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie .  - Je tiens d'abord à vous remercier pour votre engagement personnel.

Il est bon, dans un contexte de crise internationale où l'on parle beaucoup de politique intérieure, de poser la question de la solidarité envers les pays du Sud. Le Président de la République a rappelé à Doha que ces pays ne doivent pas être les plus touchés par la crise.

Sur la question que vous posez, le Premier ministre a souhaité, pour que notre pays tienne ses engagements, que la question du genre soit véritablement traitée au sein de nos politiques de coopération. C'est ainsi que 20 millions seront dédiés à la position des femmes dans la société africaine. Pour m'être rendu à Kibera, ce bidonville de la banlieue de Nairobi où vivent 800 000 personnes, je puis vous dire qu'il est là-bas des femmes merveilleuses qui tirent la communauté vers le haut en oeuvrant au service de l'agriculture urbaine. Nous mettrons des moyens au service de ce genre d'action. Toutes nos politiques de coopération comporteront un volet consacré au genre.

Nous finançons d'ores et déjà deux projets, celui de la maternité de Kaboul et une opération d'assainissement au Burkina-Faso. Nos 30 ambassades en Afrique disposent d'une enveloppe spécifique pour lancer des appels à projets centrés sur le rôle de la femme. En Afrique subsaharienne, ce sont les femmes qui mettent en oeuvre 80 % des microcrédits, dont les remboursements sont normalement assurés à 95 %.

Vous avez raison, madame la sénatrice, de leur porter une attention toute particulière. J'ai moi-même annoncé ce matin une série d'actions concrètes : l'avenir de l'Afrique passe par les femmes de ce continent. (Applaudissements à droite et sur plusieurs bancs au centre)

Régularisation des sans-papiers de l'intérim

M. Jean Desessard .  - Je m'inquiète à nouveau, monsieur le ministre de l'immigration, des 88 travailleurs intérimaires sans-papiers qui sont en grève active depuis le 3 juillet dernier, devant l'agence d'intérim qui les emploie, Man BTP, dans le 10e arrondissement de Paris.

Je vous remercie tout d'abord de votre réponse rapide à ma lettre du 11 décembre dernier où je demandais qu'une solution soit trouvée avant la fin de l'année. Mais votre réponse reste insuffisante au regard de l'urgence.

Il est temps de changer notre regard sur les travailleurs migrants. Où est le scandale, où est l'inacceptable ? Dans le fait que ces personnes soient venues en France pour travailler et nourrir leurs familles ? Ou bien dans l'existence de réseaux clandestins qui profitent, sur un marché du travail underground, de la situation de ces travailleurs ? Où est le scandale, l'inacceptable ? Vient-il de ces travailleurs sans frontières qui abandonnent leur pays pour venir construire nos routes, nos écoles et nos hôpitaux ? Ou bien des boursicoteurs sans frontières qui spéculent et s'enrichissent sans rien produire pour la société ? (Protestations à droite ; marques d'approbation à gauche)

Cessez enfin de considérer ces travailleurs comme des délinquants et regardez leur mouvement de grève comme celui de salariés comme les autres, qui se battent pour la reconnaissance et le respect de leurs droits. Ce combat nous concerne tous, car il s'agit de lutter contre le travail au noir et l'exploitation de la clandestinité, en particulier pour les travaux illégaux tel le traitement de l'amiante sans protection.

Les critères que vous avez retenus pour les travailleurs sans-papiers et qui ont permis de régulariser plus d'un millier d'entre eux, ne s'appliquent pas au cas des intérimaires, qui pourtant travaillent en France depuis plus de 8 ans pour certains, sont appréciés des chefs d'équipes qui reconnaissent la qualité de leur travail et de leur savoir-faire, et font régulièrement appel à eux sur leurs chantiers.

La totalité de ces salariés intérimaires dont j'évoquais la situation ont aujourd'hui des promesses d'embauches de Vinci, Eiffage et Rabot Dutilleul et de l'entreprise d'intérim Man BTP.

Êtes-vous prêt à régulariser leur situation avant la fin de l'année ? (« Non ! » sur plusieurs bancs UMP) Ce geste prouverait que l'urgence est bien à la lutte contre le travail clandestin et non à la répression des sans-papiers qui ont osé porter au grand jour leur situation. (Vifs applaudissements à gauche)

M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire .  - Je vous remercie, monsieur le sénateur, d'avoir souligné que je vous ai fait une réponse sur le fond sous moins de six jours. Le Gouvernement avance sur ce sujet délicat guidé par un principe simple et lisible : un étranger en situation irrégulière a vocation à être reconduit dans son pays d'origine, sauf raisons liées à une situation humanitaire, sanitaire, économique et sociale.

Il est possible, sur le fondement de l'article 40 de la loi de 2007, que vous n'avez, soit dit en passant, que très mollement soutenue, (rires à droite) de procéder à la régularisation de travailleurs immigrés sous réserve qu'ils disposent d'un vrai contrat de travail, dans un métier sous tension et que l'entreprise s'engage à acquitter les taxes dues au recrutement de travailleurs étrangers.

On avait annoncé 50 000 voire 100 000 dépôts de dossiers. Il n'y en a eu en tout et pour tout que 3 500, qui ont été examinés au cas par cas et ont donné lieu à la régularisation d'un peu plus de 1 000 personnes.

La situation des intérimaires étant particulière, elle mérite une attention particulière. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat le confirme) Il n'est pas question de régulariser tous ceux qui sont employés dans ce secteur, sachant que certains ne sont embauchés que pour quelques heures et n'ont aucune perspective d'intégration. On peut en revanche l'envisager pour ceux qui ont de réelles perspectives, soit qu'ils bénéficient d'un contrat de mission, soit que les entreprises s'engagent à leur fournir un volume de travail équivalent, par exemple, à un Smic mensuel.

Si vous prenez l'opinion à témoin, monsieur le sénateur, choisissez de bons critères ! Je puis vous citer deux enquêtes d'opinion, l'une, du Parisien-Aujourd'hui en France, qui fait apparaître que 68 % des Français approuvent l'examen au cas par cas, l'autre, publiée par Métro il y a quelques jours, et qui montre que 83 % des Français considèrent que la lutte contre l'immigration illégale est prioritaire ou indispensable. (Protestations à gauche)

Le Gouvernement répond à ces attentes, en s'appuyant sur un principe de justice. (Exclamations à gauche ; applaudissements à droite)

M. Alain Gournac.  - Très bien !

Lutte contre la délinquance

M. Jacques Gautier .  - Les médias et à l'instant même nos collègues ont évoqué les menaces à l'encontre d'un grand magasin parisien et les mesures que vous avez prises, madame la ministre de l'intérieur, pour renforcer la présence policière dans les secteurs commerciaux, les gares, les aéroports. C'est là, de fait, un volet essentiel de votre action. Mais les citoyens s'intéressent surtout à la délinquance quotidienne, qui ne fait pas la une des journaux.

Madame le ministre, je crois savoir que vous avez atteint en dix-huit mois les objectifs biennaux ambitieux que vous avait fixés le Président de la République en ce domaine, ce qui se traduit par une amélioration sensible sur le terrain. (M. Jacques Mahéas le conteste)

Avec quelques jours d'avance, pourriez-vous dresser un bilan de votre politique et indiquer ses futures orientations ? Pour conclure, merci de votre engagement auprès des forces de sécurité et de nos concitoyens ! (Exclamations sarcastiques à gauche ; applaudissements à droite)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Une brosse à reluire de première catégorie !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales .  - Après les bons résultats enregistrés entre 2002 et 2007, nous connaissons effectivement, grâce à l'action des policiers et des gendarmes, un recul de la délinquance de proximité de 11,7 % depuis dix-huit mois, soit un résultat meilleur que l'objectif fixé à 10 %, ce qui correspond à 130 000 victimes de moins. Durant la même période, la délinquance générale a également diminué de 4,2 % pour un objectif de 4 %. Les progrès sont également sensibles en matière de taux d'élucidation, ce dont l'on ne peut que se réjouir car l'arrestation d'un suspect par les forces de l'ordre est la première justice rendue aux victimes ! (Exclamations à gauche) Nous avons atteint un taux d'élucidation de 38 %, l'objectif étant de 40 %. Aurais-je la cruauté de rappeler que ce taux était de 21 % en 2001 ?

M. Alain Gournac.  - Eh oui !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Ces progrès s'expliquent, entre autres, par le recentrage des forces de l'ordre sur la lutte contre l'économie souterraine et la drogue, dont le trafic est à l'origine de nombreux actes de délinquance dans les quartiers. On peut également citer le déploiement des unités territoriales de quartiers et des compagnies de sécurisation dans les quartiers sensibles, que nous poursuivrons en 2009, de même que nous mettrons l'accent sur la police scientifique et technique qui joue un rôle essentiel en matière d'élucidation.

M. Jacques Mahéas.  - Les violences progressent ! L'Observatoire national de la délinquance l'a confirmé !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Nous allons donner aux forces de l'ordre davantage de moyens pour qu'elles remplissent mieux encore leur mission...

M. Jacques Mahéas.  - D'où sortent vos statistiques ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Je ne doute pas que le Sénat me soutiendra en adoptant le projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure ! (Applaudissements à droite)

M. Alain Gournac.  - Très bien !

M. Jacques Mahéas.  - Je doute de vos résultats !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - On connaît les vôtres, voyez les nôtres ! (Applaudissements à droite)

Devenir de l'école maternelle

Mlle Sophie Joissains .  - (Applaudissements à droite) Monsieur le ministre de l'éducation, vos propos sur l'école maternelle, avez-vous affirmé devant notre assemblée, ont été sortis de leur contexte...

M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale.  - Absolument !

Mlle Sophie Joissains.  - ... et détournés de leur sens. Je connais votre attachement à l'école maternelle et votre respect pour les enseignants... (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat en doute)

M. René-Pierre Signé et M. Jean-Pierre Sueur.  - La question est téléphonée !

Mlle Sophie Joissains.  - Mais, malgré cette mise au point, je constate chaque jour les craintes qu'a suscitées cette campagne de désinformation selon laquelle vous voudriez réduire d'une année le cycle des apprentissages premiers alors que vous venez d'en écrire le programme.

Monsieur le ministre, quelle place accordez-vous à la maternelle dans votre réforme de l'école primaire ? (Bravo ! et applaudissements à droite)

M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale .  - Je comprends l'émotion des familles...

M. Xavier Darcos, ministre.  - ... qui, à cause d'une vidéo tronquée, ont cru que je voulais supprimer l'école maternelle...

M. René-Pierre Signé.  - C'est effectivement ce que vous voulez !

M. Xavier Darcos, ministre. - Comment penser qu'un élu depuis vingt ans, qui est père et grand-père et a toujours oeuvré dans ses fonctions pour l'école veuille réduire le métier de professeurs en école maternelle à celui de puéricultrice ?

M. Jacques Mahéas.  - C'est d'auxiliaires de puériculture dont vous avez parlé !

M. Xavier Darcos, ministre.  - Mes propos ont été détournés à des fins purement politiques !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Vraiment ? (Sourires à gauche)

M. Xavier Darcos, ministre.  - Personne ne doute de mon attachement à l'école maternelle ! (Applaudissements à droite) J'ai reçu aujourd'hui l'association générale des enseignants des écoles et classes maternelles, l'Ageem, avec qui j'ai signé une déclaration commune...

M. Jacques Mahéas.  - Et pourquoi ne pas recevoir plutôt les syndicats ?

M. Xavier Darcos, ministre.  - ... qui prévoit un meilleur pilotage pédagogique au niveau territorial, une garantie d'accès pour tous les enfants à la maternelle, un plan de formation pour les enseignants qui entrent dans le métier et ceux qui veulent continuer à se former, des documents pédagogiques et un guide à l'attention des parents.

M. Jacques Mahéas.  - Et les enfants de 2 à 3 ans ? Vous n'en voulez plus !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Et les suppressions de poste ?

M. Xavier Darcos, ministre.  - Pourquoi, dans ce pays, n'est-il pas possible de débattre sereinement des questions scolaires ? Pourquoi faut-il insulter la raison ? (Protestations à gauche) Je regrette ces méthodes. Et, tout à l'heure, j'ai dit aux représentants de l'Ageem, qui ont lancé une pétition qui a reçu beaucoup de signatures : vous avez la mienne ! (Applaudissements à droite où M Jean-Pierre Raffarin prodigue ses encouragements au ministre)

La séance est suspendue à 16 heures.

présidence de Mme Catherine Tasca,vice-présidente

La séance reprend à 16 h 15.