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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Dépôt d'un rapport

Rappel au Règlement

Jeux d'argent et de hasard en ligne

Discussion générale

Questions cribles sur l'avenir des territoires ruraux

Jeux d'argent et de hasard en ligne (Suite)

Discussion générale (Suite)

Question préalable

Renvoi en commission

Discussion des articles

Article premier A

Articles additionnels

Article premier

Article 2

Article 3

Article 4

Article 4 bis

Article 4 ter A

Article 4 ter

Article 5

Article 6

Article 7

Article 8

Article 9

Article additionnel

Article 10

Article 11

Article 12

Article 13

Article 16

Article 17

Article 20

Article 21

Article 21 ter

Article 21 quater

Article 23

Article 25




SÉANCE

du mardi 23 février 2010

76e séance de la session ordinaire 2009-2010

présidence de M. Jean-Claude Gaudin,vice-président

Secrétaires : Mme Monique Cerisier-ben Guiga, M. Jean-Paul Virapoullé.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Dépôt d'un rapport

M. le président.  - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport 2009 sur l'état des lieux de l'emploi scientifique en France, en application de l'article L. 411-2 du code de la recherche.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il a été transmis à la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Il sera disponible au bureau de la distribution.

Rappel au Règlement

M. Jean-Pierre Sueur.  - Vous serez très sensible à ce rappel au Règlement, monsieur le président, étant donné votre attachement aux bonnes relations entre le nord et le sud de la Méditerranée.

J'appelle votre attention sur les conditions dans lesquelles une jeune fille, Melle Najlae Lhimer, élève en lycée professionnel à Olivet, dans le Loiret, résidant à Châteaurenard, dans le même département, a été expulsée vers le Maroc. Cette jeune fille est venue exposer aux forces de l'ordre qu'elle était victime de violences. Entrée en France avec sa mère, alors qu'elle était mineure, elle ne dispose certes pas de titre de séjour, mais votre Gouvernement, monsieur le ministre, insiste à juste titre sur la nécessité de lutter contre les violences faites aux femmes et il prend à juste titre des dispositions pour assurer leur protection. Dans ces conditions, pourquoi ne pas assister Melle Lhimer et lui apporter la protection nécessaire, ce qui aurait été beaucoup plus approprié que la mesure d'expulsion expéditive qui lui a été infligée ? Il est en outre tout à fait étonnant qu'une telle disposition ait pu être prise sans que le proviseur du lycée, ni le maire de la commune, soient consultés ni informés. D'ailleurs, cette jeune fille était bénévole dans la médiathèque communale. Aussi bien dans son lycée que dans sa commune, elle jouit d'une excellente réputation.

Je sollicite donc l'intervention de M. le ministre, et peut-être aussi celle du Président du Sénat : il n'est pas conforme à l'idée que nous nous faisons de la République française que, lorsqu'une personne de 19 ans vient solliciter de l'aide, suite à des violences qu'elle subit, la République l'expulse de manière aussi expéditive.

M. le président.  - Acte est donné de votre communication, monsieur le sénateur.

Jeux d'argent et de hasard en ligne

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne.

Discussion générale

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État.  - Nous examinons aujourd'hui un texte qui porte sur le sujet difficile et sensible des jeux d'argent et de hasard.

Pourquoi faut-il légiférer ? Notre législation date du XIXe siècle : elle organise le marché des jeux et elle protège l'ordre public. En somme, la tradition française autorise le jeu tout en le contrôlant. Vous connaissez ces circuits : il s'agit du pôle des casinos et de ceux des paris hippiques, confiés au PMU, et de la loterie d'État confié à la Française des Jeux. Mais cet équilibre, qui a perduré pendant plus d'un siècle, est remis en cause par la présence d'une offre de jeux en ligne qui se développe en dehors de tout cadre légal : internet a changé la donne. Chaque jour, 25 000 sites proposent des jeux dans tous les domaines : 5 % de Français jouent sur internet et le montant de leurs mises oscillent entre 3 et 4 milliards. Ce n'est donc pas la demande qui pose problème, mais bien l'offre pléthorique illégale. Les joueurs n'ont en effet plus besoin de se déplacer dans un casino, ou de se rendre à un guichet de la Française des Jeux ou du PMU : sur internet, ils peuvent parier, n'importe quand, n'importe comment et sur n'importe quoi. Cette jungle n'est plus acceptable, et le Gouvernement doit y apporter une réponse adaptée : il doit faire respecter l'État de droit et protéger nos concitoyens.

Face à cette situation, il est possible de choisir l'interdiction totale ou l'ouverture du marché des jeux la plus large possible. Ces deux attitudes conduisent à une impasse. La prohibition n'a jamais fonctionné, parce que le jeu fait partie de notre histoire. En outre, avec internet, la lutte serait perdue d'avance, comme l'est celle menée par les pays qui refusent de s'ouvrir à internet. D'ailleurs, les pays qui ont fait ce choix n'ont en rien éradiqué l'offre illégale. Ainsi, en Allemagne, depuis janvier 2008, le chiffre d'affaires des opérateurs légaux diminue car les parieurs privilégient les opérateurs illégaux. Les États-Unis ont fait également ce choix : or, le chiffre d'affaires du marché des jeux en ligne illégal a été évalué en 2007 à environ 9 milliards. On peut donc douter de cette stratégie.

Il serait, à l'inverse, irresponsable de choisir la liberté totale. L'absence de régulation conduit à des situations intenables pour les joueurs et pour leurs familles. Il suffit d'écouter les professionnels de la santé qui traitent des cas d'addiction, pour comprendre les ravages du jeu incontrôlé.

Entre ces deux solutions, il nous est apparu préférable de prévoir une ouverture maîtrisée, adaptée à la problématique de l'internet. J'entends dire que cette ouverture nous serait imposée par la Commission européenne, ou par une directive. Comme je l'ai dit en commission, nous n'ouvrons pas le marché des jeux en ligne pour faire plaisir à qui que ce soit. Nous ouvrons pour réguler un marché qui ne l'est plus. Nous ouvrons, car la tradition française est d'encadrer ce secteur, et pas de le regarder se développer sans rien faire. Nous nous inscrivons donc dans une continuité historique en adoptant notre modèle de régulation des jeux à leur évolution.

La réponse la plus adaptée consiste à assécher progressivement le marché noir des jeux en ligne, en créant une offre légale, qui obéit aux règles que vous aurez édictées, et d'y associer la lutte contre les sites illégaux, la lutte contre l'addiction et la protection des mineurs. C'est l'addition de ces outils qui permettra de lutter efficacement contre de tels sites. C'est le pari fait par l'Italie et qui commence à porter ses fruits.

Il y a urgence à rétablir l'État de droit en la matière. Il y a urgence à fixer les nouvelles règles du jeu pour les opérateurs qui souhaiteront accéder au marché français, il y a urgence à constituer des mécanismes de contrôle fixés par la loi. Chaque jour, de nombreux Français, notamment des mineurs, accèdent à ces types de jeux sans aucun contrôle. Mais, pour que ces règles s'appliquent, il faut que l'ouverture du marché réussisse, qu'elle soit suffisamment attractive pour les opérateurs qui souhaitent se conformer à la loi, sans pour autant que nos valeurs, les principes de protection de l'ordre public et de l'ordre social soient remis en cause. Nous prévoyons donc une véritable ouverture du marché des jeux en France, mais pas à n'importe quelle condition. Nous ne transigerons pas sur les risques d'addiction, de fraude et de blanchiment. Nous ferons attention aux mineurs. C'est pourquoi ce texte repose sur deux piliers indissociables : une offre de jeu sécurisée, contrôlée et régulée, et la mise en oeuvre de divers obstacles pour assécher le marché illégal.

J'en viens aux quelques points saillants du texte, sur lesquels nous avons beaucoup travaillé, notamment avec MM. François Trucy, Ambroise Dupont et Jean Arthuis.

L'ouverture sera limitée à certains types de paris : les paris sportifs, les paris hippiques et le poker. Il s'agit des jeux et des paris qui, à la fois, présentent les risques d'addiction les moins importants, et constituent l'essentiel de la demande sur internet. Ainsi, les machines à sous, avec lesquelles le risque de dépendance est très élevé, ne seront pas autorisées sur internet et demeureront sous le monopole des casinos.

Les paris sportifs seront autorisés sous la forme mutuelle, où les joueurs parient les uns contre les autres, mais aussi sous la forme du pari à cote, les joueurs pariant contre l'opérateur. Certains amendements visent à supprimer ce mode de pari. Mais il représente la quasi-totalité des paris sportifs, et ouvrir le marché sans l'autoriser serait assez vain. L'activité illégale perdurerait. Pour prévenir les risques de tricherie et de fraude, les sportifs et les dirigeants de clubs ne pourront parier sur les événements auxquels ils participent, et les paris sur des épreuves virtuelles seront interdits. Surtout, les fédérations sportives donneront leur avis sur les supports des épreuves soumis à pari.

La France, comme de nombreux pays, vit dans la tradition du pari hippique organisé sous la forme mutuelle -l'offre illégale ne concerne que ce type de paris. Nous avons donc écarté, ici, le pari à cote. Le troisième jeu autorisé sera le poker, qui connaît un succès considérable, représente les trois quarts des sommes misées sur internet et suscite moins d'addictions que les autres jeux de casino. Il était indispensable de le retenir.

Le texte définit les obligations des opérateurs et met en place les outils indispensables pour lutter contre l'activité illégale. Les opérateurs qui souhaiteront accéder au marché français des jeux en ligne devront obtenir un agrément pour cinq ans, renouvelable. Nous écartons le principe de reconnaissance mutuelle afin de décider nous-mêmes des critères d'autorisation. Nous voulons rester, si je puis dire, maîtres du jeu ! Mais il n'y aura pas de numerus clausus : tous ceux qui voudront entrer dans la légalité doivent pouvoir le faire. Plus les opérateurs légaux seront nombreux, moins les illégaux prospéreront. Nous créons une Autorité indépendante de régulation des jeux en ligne (Arjel) qui sera chargée d'attribuer les licences, de contrôler le respect des obligations et de lutter contre l'offre illégale. Les licences seront attribuées sur la base d'un cahier des charges très strict, qui reprendra les principes fixés dans la loi et dans les décrets. Les règles porteront sur la solidité financière, la moralité des opérateurs, le contrôle de l'identité des joueurs, la protection des mineurs, la traçabilité des informations de jeu, la lutte contre le blanchiment d'argent et les paradis fiscaux, la préservation de l'intégrité des compétitions. Bref, des obligations lourdes ! Les opérateurs seront tenus de communiquer en temps réel toutes les données de jeu conservées dans un dispositif technique sécurisé et localisé en France. En cas de manquement, l'agrément pourra être suspendu, voire retiré.

Contre les opérateurs illégaux, aucune disposition n'est efficace à 100 %, c'est leur combinaison qui est utile. Les opérateurs agréés -et eux seuls bien sûr- seront autorisés à faire de la publicité. Or, sur internet, l'absence de publicité est mortelle ! La publicité sera très encadrée, elle ne devra pas concerner les mineurs et sera assortie de messages de prévention. (M. Jean-Pierre Raffarin approuve) J'ai beaucoup travaillé sur ce sujet avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) qui vient de se doter d'un code de déontologie et de bonnes pratiques adapté au secteur des jeux.

Un site illégal pourra être bloqué sur injonction du juge, s'il n'obtempère pas après mise en demeure par l'Arjel. Les transactions financières entre les banques françaises des joueurs et les sites illégaux pourront être bloquées. Des cyber-patrouilleurs de la police et des douanes seront habilités à parcourir les sites illégaux et constater des infractions. Des amendes lourdes pourront être infligées. Les opérateurs illégaux aujourd'hui actifs en France ne bénéficieront pas de l'avance qu'ils auraient pu prendre : ils seront obligés de remettre à zéro leurs compteurs, ils ne pourront transférer les comptes existants sur un site agréé. Sur proposition du rapporteur Trucy, le texte prévoit des peines spécifiques, allant jusqu'au retrait de l'agrément, pour l'activité illégale d'un opérateur après l'entrée en vigueur du texte. C'est le juge qui prononcera la sanction, de sorte qu'elle soit juridiquement solide.

Le but est que les opérateurs légaux assèchent le marché illégal. Mais ce n'est pas suffisant. Il faut lutter contre l'addiction, protéger les mineurs et veiller à l'éthique des compétitions. Votre rapporteur a fait adopter un amendement fondamental qui vise à créer un comité consultatif des jeux portant sur l'ensemble du secteur des jeux en France. La lutte contre la dépendance aux jeux est un défi majeur. Le texte, de l'avis des professionnels de la lutte contre l'addiction, constitue une véritable avancée en matière de prévention et de soins. Le taux de retour aux joueurs sera plafonné, à la fois pour lutter contre le blanchiment et pour limiter la dépendance. Les opérateurs devront aussi prévoir sur leurs sites des modérateurs de jeu, afin de limiter le temps de jeu, informer les joueurs sur leurs pertes réelles ou potentielles et détecter les joueurs à problèmes. Une partie des recettes sociales sera destinée au financement de la lutte contre l'addiction, à la prévention et aux soins -je vous renvoie aux amendements du président About. Le texte renforce l'éthique des compétitions sportives : désormais, les paris légaux ne pourront porter que sur des compétitions et des types de résultats déterminés de concert avec les fédérations sportives, alors qu'aujourd'hui elles n'ont pas leur mot à dire !

Grâce au droit de propriété, le texte instaure des liens privilégiés entre le monde du sport et les opérateurs de paris ; les opérateurs illégaux seront marginalisés au profit d'opérateurs agréés, qui auront tout intérêt à lutter contre les épreuves ou les pratiques à risques, susceptibles de nuire à leur réputation. Le texte protège les joueurs français, qui prennent aujourd'hui des paris sur des sites appartenant à des réseaux mafieux, où ils peuvent être victimes d'escroqueries. Le texte tend également à empêcher l'accès des mineurs aux sites de jeux.

Enfin, cette ouverture exige une fiscalité à la fois compétitive et de nature à préserver les intérêts financiers de l'État. Deux impératifs difficiles à concilier... Les taux doivent être les mêmes par catégorie de jeux ou de paris, sur internet et dans le réseau physique, le PMU chez les buralistes ou le réseau de la Française des Jeux. Nous avons donc fixé le point d'équilibre à 7,5 % des mises pour les paris sportifs et hippiques et à 2 % des mises pour le poker, avec un plafond de 1 euro par donne. A ce niveau, nous préservons les recettes de l'État, la baisse des taux étant compensée par l'élargissement de l'assiette. J'attire votre attention sur le fait qu'il serait très dangereux pour le budget de l'État de modifier cet équilibre finement pesé.

Le projet de loi prévoit en outre un retour financier vers le monde du sport -sport professionnel mais aussi sport amateur et de haut niveau, par l'intermédiaire d'un prélèvement sur les paris sportifs, affecté au Centre national pour le développement du sport (CNDS).

Le Centre conservera naturellement le prélèvement de 1,8 % sur la loterie et le grattage, qui lui rapporte 163 millions d'euros par an. S'ajoutera un prélèvement de 1,3 % en 2010 -porté à 1,5 % en 2011, puis à 1,8 % en 2012- sur le jeu en ligne, sans aucun plafond.

J'en viens aux paris hippiques. Les opérateurs devront continuer à financer la filière équine, qui emploie 60 000 personnes et joue un rôle considérable dans l'aménagement du territoire. Ainsi, les sociétés mères de course se voient investies d'une mission de service public, financée par une taxe sur les paris hippiques en ligne, avec un taux compris entre 7,5 % et 9 %. Actuellement, les paris illégaux se multiplient, sans aucun retour financier pour les sociétés de courses.

Mais je ne serai pas complet si je n'ajoutais pas que le patrimoine...

M. Albéric de Montgolfier.  - Très bien !

M. Éric Woerth, ministre.  - ...bénéficiera d'une partie des recettes fiscales sur le poker en ligne, ce qui procurera jusqu'à 10 millions d'euros au Centre des monuments nationaux.

Je conclurai avec les délais : notre calendrier est tendu, mais réaliste. Le Gouvernement souhaite qu'une offre légale et compétitive puisse prospérer au détriment de l'offre illégale. Certains ont envisagé des autorisations temporaires, un danger majeur que je ne saurais accepter, car ces dispositions mettent en oeuvre un principe que ce texte contredit expressément : la reconnaissance mutuelle au sein de la Communauté européenne. Autoriser des opérateurs à intervenir sans pouvoir contrôler leur activité serait contraire à notre intention. Comment expliquera-t-on demain aux victimes de l'addiction que des sites ont été autorisés sans que les conditions d'agrément aient été respectées ?

Il n'y a qu'une façon d'ouvrir ce marché : adopter les règles strictes de ce texte, que vous avez enrichi au moyen d'amendements dont la plupart seront acceptés par le Gouvernement. (Applaudissements à droite et au centre)

M. François Trucy, rapporteur de la commission des finances.  - Ce projet de loi traite d'une ouverture du marché aux jeux en ligne, mais il règle aussi de nombreuses questions intéressant depuis longtemps tous les jeux de hasard. Il est important parce qu'il porte sur une activité à part.

Je voudrais en premier lieu faire comme les étudiants respectueux que nous étions au moment de défendre notre thèse : remercier nos maîtres. Je remercie donc M. Alain Lambert pour m'avoir précipité, il y a dix ans, dans cette curieuse marmite des jeux ; je remercie mon président, M. Jean Arthuis, pour son soutien précieux ; je n'oublie pas notre rapporteur général, M. Marini, qui me surveille avec attention lorsque je m'approche trop des champs de course et des intérêts de la sacro-sainte filière équine.

Plus d'un Français sur deux joue à un jeu de hasard ou d'argent. Tout suggère que cette tendance s'accentuera, avec une offre toujours plus pressante. Mesurez les désastres sociaux et personnels provoqués par l'addiction au jeu des individus pour qui un divertissement s'est mué en passion destructrice !

La prohibition n'étant jamais la solution, l'État doit réguler ce marché, mais aussi organiser une prévention efficace et secourir les accidentés du jeu.

Le texte s'attaque à ces problèmes sociaux avec la détermination qu'il emploie à réguler le marché. Les jeux, paris et poker en ligne constituent une véritable révolution pour ce monde, réglementé jusqu'ici au point de ressembler à un monopole. Jusqu'ici, l'État, quelle que soit sa tendance politique, a maintenu l'ordre public en ce domaine, mais a failli à ses missions de santé publique, sujet sensible où nous sommes consternés par l'absence quasi totale de recherche. La prise en compte officielle de l'addiction au jeu est trop molle. Les spécialistes de cette addiction sans drogue ne sont guère soutenus. Il vous appartiendra de juger si cette loi peut changer les choses en ce domaine, ce que votre rapporteur pense.

Ne faisons pas au Gouvernement le mauvais procès de croire qu'il présente cette loi pour avoir croisé le fer pendant des années avec la Commission européenne, qui voulait ouvrir à double battant le marché des jeux, car les difficultés qu'a rencontrées le Gouvernement en voulant convaincre la Commission qu'il fallait protéger l'ordre public et des filières économiques vitales ne sont pas ce qui motive la présentation de ce texte. Sa lecture scrupuleuse permet de constater qu'il traite l'ensemble des problèmes en cours.

Ainsi, le marché illégal des jeux en ligne s'est installé parce que les autorités bruxelloises ont mis en place les règlements permettant de faire observer sur internet les principes de santé publique et de sécurité auxquels tous les États membres sont attachés.

Le projet de loi propose d'organiser ce marché en agréant certains opérateurs via l'Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel), une autorité indépendante qui établira un cahier des charges exigeant, à même d'apaiser toutes vos craintes, qu'il s'agisse des mineurs, de la publicité ou de la lutte contre l'addiction. Sur les sites, des modérateurs de jeu interviendront et un numéro spécifique aidera les joueurs en détresse.

Les opérateurs agréés seront contrôlés en continu. Il en ira de même pour les poursuites contre les opérateurs illégaux.

Ce projet de loi tend à préserver les ressources de l'État, tout comme celles de la filière hippique. Celle-ci est habituée depuis toujours à recevoir du PMU des sommes considérables qui font vivre les sociétés hippiques et les 70 000 emplois directs -90 000 avec les emplois indirects- de cet important secteur économique. La loi conforte aussi les ressources drainées vers le sport amateur et le CNDS. Les sports professionnels bénéficieront d'un droit au pari sportif, que les organisateurs et opérateurs sportifs négocieront sous le contrôle de l'Arjel. Bien sûr, il existe d'autres bénéficiaires des prélèvements sur les jeux. Chacun d'entre eux a son intérêt pour la société et défend âprement ses intérêts.

L'examen des articles fiscaux sera complexe, car telle est la règle du genre, mais ces dispositions nous réservent d'autres difficultés, tout d'abord en raison d'amendements anodins en apparence mais qui peuvent déséquilibrer le dispositif ou conduire à des distorsions de concurrence condamnant cette loi à l'échec.

Vous allez vous prononcer sur un texte difficile, mais réaliste face aux turbulences d'un marché illégal désastreux ! Je ne dis pas comme Cocteau « puisque ces mystères nous dépassent, feignons d'en être l'organisateur » ; l'État doit adopter une stratégie de raison et de rigueur.

Mais ce texte est aussi très humain, car il se préoccupe enfin des mineurs et des personnes fragiles. C'est la première fois que l'on aborde officiellement l'addiction et le sort de ces victimes !

J'ai gardé pour la fin une raison supplémentaire qui incite la commission des finances à soutenir ce projet de loi. Monsieur le ministre, vous avez accepté de créer le Comité consultatif des jeux, que nous réclamions avec insistance depuis longtemps. Ainsi, sept ministères en charge du jeu, des parlementaires et des maires pourront travailler ensemble. Le Parlement ne sera plus le croupion du jeu !

L'Observatoire des jeux rassemblera les nombreuses personnes qualifiées indispensables pour lancer des études et conseiller utilement l'État. Quelle avancée ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. Nicolas About, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.  - Balzac ouvre La peau de chagrin en invoquant la « loi qui protège une passion essentiellement imposable », celle du jeu. Confirmant cette opinion, le présent texte autorise le jeu pour mieux taxer. Mais j'irai plus loin : en ce domaine, la taxation permet de moraliser, en limitant ses effets néfastes, une activité qui dépasse trop souvent le simple divertissement.

Chacun connaît les risques sanitaires et sociaux inhérents aux jeux de hasard et d'argent. Rembourser des dettes de jeux contractées en quelques jours peut prendre des années, avec des conséquences personnelles graves. Le jeu peut aussi devenir une passion pathologique justifiant une prise en charge médicale.

Pourtant, un obstacle considérable gêne l'approche sanitaire et sociale en ce domaine : bien que les premiers diagnostics cliniques de manie ou d'addiction, d'assuétude, remontent au XIXe siècle, on ignore encore le nombre de personnes touchées en France par le jeu excessif. Après les deux rapports d'information que notre collègue, M. Trucy, a consacrés aux jeux d'argent en France, qui dénonçaient notamment ce manque de connaissance, une expertise a été demandée à l'Inserm par M. Xavier Bertrand, alors ministre de la santé. Bien qu'elle constitue un outil fondamental pour comprendre les enjeux sanitaires, l'étude rendue en juillet 2008 n'apporte aucune connaissance épidémiologique. L'Observatoire français des drogues et toxicomanies a été saisi, mais ne devrait répondre qu'en 2011. En dehors de ce que nous apportent des associations comme SOS-joueurs, nous ignorons donc si le phénomène augmente ou s'il touche certaines catégories spécifiques de la population.

On peut estimer qu'un 1 % de la population est concerné par le jeu pathologique. Nous devons donc faire preuve d'une particulière prudence en abordant ce projet de loi. Il ne faut pas croire que les jeux en ligne suscitent des difficultés sanitaires ou sociales distinctes de celles que nous connaissons avec les jeux légaux existants.

A propos des enjeux sociaux, je souligne que la Française des Jeux et le PMU seront aussi opérateurs en ligne.

Ainsi, le PMU a annoncé son intention de se lancer dans le pari sportif.

Cette évolution va bouleverser la répartition qui existe depuis 1933 : actuellement, les produits des jeux « publics », accessibles aux revenus modestes, financent des projets publics, ce qui justifie le monopole d'État, tandis que le jeu « privé », organisé dans des casinos, s'adressant à un public supposé fortuné, peut être une simple activité commerciale. Avec l'ouverture du jeu sur internet, les opérateurs privés peuvent désormais atteindre la masse des joueurs à faibles revenus. Il est illusoire d'espérer interdire leur implantation ; on peut au mieux essayer de les réguler.

L'exemple américain laisse penser que le poids économique des jeux en ligne atteindra très rapidement celui des jeux actuels, et que leur modèle s'imposera. Or les jeux en ligne sont, pour l'essentiel, des jeux d'émotion, procurant des sensations fortes. Ce sont les plus addictifs, donc particulièrement dangereux pour la santé mentale.

Face à ce danger, le projet de loi prévoit les interdictions classiques -interdiction du jeu des mineurs, du jeu à crédit, des personnes signalées, possibilité de s'auto-interdire- et impose des obligations aux opérateurs en matière de « jeu responsable ». Ces pratiques se sont jusqu'ici développées de manière empirique, avec le Comité consultatif pour la mise en oeuvre de la politique d'encadrement des jeux et du jeu responsable (Cojer), créé en 1996, et, au PMU, une politique de prévention du jeu dit problématique. Il existe aussi des pratiques plus contestables, qui risquent surtout de servir d'alibi...

Le projet de loi oblige chaque opérateur à ouvrir pour chaque client un compte faisant apparaître les gains et pertes cumulés, accompagné de dispositifs de détection du jeu pathologique, messages d'alerte et accès à des services de conseil. En l'absence de critères d'évaluation, la prudence est toutefois de mise...

Le texte de la commission des finances apporte des précisions bienvenues. Le futur Comité consultatif des jeux, dont les compétences s'étendront à l'ensemble des jeux et auquel le Cojer sera intégré, prendra en compte les problématiques sociales et sanitaires. Il se verra notamment confier le contrôle des dispositifs de prévention mis en place par les opérateurs. Le dispositif de l'Assemblée nationale en matière de protection des personnes fragiles a également été précisé. La commission des affaires sociales a toutefois voulu aller plus loin : je défendrai des amendements qui augmentent les freins institutionnels à la pulsion de jouer. Depuis que les fumeurs doivent sortir du casino pour fumer, le chiffre d'affaires des établissements a chuté de 30 % : rompre l'emprise du jeu, ne serait-ce qu'un moment, suffit souvent à revenir à la raison.

Si certaines des mesures que je vous propose paraissent lourdes à mettre en place, elles sont proportionnées au bouleversement qu'entraîne ce projet de loi. Les jeux de hasard et d'argent ne sont pas des loisirs comme les autres ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis de la commission de la culture.  - Ce projet de loi nourrit des incertitudes et suscite une certaine inquiétude. Fallait-il légiférer ? Oui : on ne peut ignorer les possibilités et les risques d'internet. Fallait-il légiférer maintenant ? Le calendrier sportif l'impose. Mais nous jouons un jeu dangereux : un grain de sable suffirait à perturber l'horlogerie législative et réglementaire et à mettre en péril toute régulation crédible. L'Assemblée nationale et notre rapporteur ont fait un travail très approfondi, et je remercie M. Trucy de l'attention qu'il a portée à nos amendements.

La commission de la culture s'est penchée sur deux aspects : l'éthique du sport et les conséquences de la fin du monopole du PMU sur la filière équine. Cette dernière représente près de 90 000 emplois répartis sur l'ensemble du territoire. Nous proposerons de réduire la taxation des paris hippiques, afin qu'ils restent concurrentiels par rapport aux paris sportifs. Le différentiel de prélèvement, lié à l'importance de la redevance en faveur de la filière équine, se répercutera en effet sur les taux de retour au joueur...

Par ailleurs, la commission de la culture souhaite renforcer les moyens consacrés à la lutte contre le dopage.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Très bien !

M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis.  - Toutefois, lors du projet de loi de finances, le Sénat, tenant compte des difficultés du sport professionnel, avait supprimé un article affectant à l'Agence de lutte contre le dopage la contribution sur la cession des droits de diffusion de manifestations ou de compétitions sportives. Un prélèvement sur les mises des paris sportifs, à hauteur de 0,3 % et dans la limite de 4 millions, serait une excellente solution.

Enfin, la commission de la culture propose de renforcer l'indépendance et les pouvoirs de l'Autorité de régulation. L'octroi de la personnalité morale assoirait sa crédibilité vis-à-vis des opérateurs. Sous réserve de l'adoption de ses amendements, elle rendra donc un avis favorable à l'adoption du projet de loi. (Applaudissements à droite)

M. Bernard Vera.  - Les Français ne sont pas de gros joueurs : la moyenne des enjeux en France est inférieure à celle de l'Union européenne, et plus encore de la Grande-Bretagne, où l'on parie sur tout. Le jeu est une activité fort réglementée, avec, d'une part, un régime de droits exclusifs pour les courses hippiques, loteries et paris sportifs, et, d'autre part, un régime d'interdiction, avec des dérogations, pour les jeux de hasard avec mise en numéraire.

Le système de financement des courses hippiques par le PMU a permis le maintien d'une riche filière équine, qui fait de la France la référence en matière de préservation des races chevalines. Sans lui, nous aurions sans doute abandonné l'élevage de certaines races de trait et la plupart des hippodromes de province auraient fermé.

Or, nous avons autant d'hippodromes en France que dans l'ensemble des autres pays de l'Union et chacun de ces champs de courses est à l'origine d'une micro-filière économique dans son environnement immédiat. La force du PMU, c'est donc d'être un système mutualiste où l'on a proscrit le pari à cote fixe -où le joueur joue contre l'organisateur-, et un système désintéressé, puisque le PMU est un groupement d'intérêt économique associant l'ensemble des sociétés d'élevage, sans autre but lucratif que de dégager les moyens de préserver et développer la race chevaline.

Au chapitre des loteries, nous sommes dotés depuis une bonne trentaine d'années de la Française des Jeux qui, en s'appuyant sur la Loterie nationale, a développé, depuis, le Loto et, surtout, une grande quantité de jeux de loterie instantanée. Pour ne pas oublier un segment de clientèle potentielle, elle a aussi créé le Loto sportif, à base de paris sur des compétitions sportives et qui constitue la seule exception de paris à cote.

La clientèle du PMU et de la Française des Jeux est fort différente d'un support à l'autre. Et le Loto sportif intéresse une clientèle plus jeune que nombre d'autres supports proposés par le monopole public. Une loi encadrant ou prétendant encadrer le jeu virtuel vise notamment à repérer et fidéliser la clientèle ayant accès à internet.

Enfin, les jeux de hasard sont interdits en France sauf, par dérogation, dans les casinos des villes touristiques et thermales, cette dérogation ayant été étendue aux agglomérations de plus de 500 000 habitants, moyennant la mise en oeuvre d'un projet culturel associé. Les casinos français, nettement plus nombreux que les établissements équivalents dans nombre d'autres pays voisins, ont connu un surcroît d'activité avec l'autorisation d'exploiter des machines à sous et font l'objet d'une véritable lutte d'influence entre quelques groupes, de moins en moins nombreux, qui se partagent le marché. Nous comptons en effet 197 établissements, dont une cinquantaine dans l'orbite du groupe Partouche, 36 dans le groupe Barrière, 16 dans le groupe Tranchant, 21 dans le groupe franco-canadien Joa et 8 dans le groupe Émeraude. Derrière ces cinq principaux exploitants, restent quelques groupes de taille moyenne et quelques indépendants, gérant le plus souvent un seul établissement.

Les casinos français constituent une source non négligeable de revenus pour les collectivités territoriales où ils sont implantés, puisque les recettes tirées du produit brut des jeux dépassent les 300 millions d'euros pour les communes d'accueil. Somme qu'il convient de rapprocher des 916 millions de prélèvements fiscaux et des 250 millions de prélèvements sociaux. Les casinos, acteurs économiques incontournables des villes où ils sont implantés, y sont souvent l'un des principaux employeurs.

Dans notre pays, l'univers du jeu, particulièrement réglementé, ne souffre que de quelques dérogations, notamment pour des lotos dans le cadre d'activités touristiques locales, tout en constituant une filière économique entière, faisant travailler plus de 100 000 personnes. Cette réalité économique, maintes fois soulignée dans vos travaux antérieurs, monsieur le rapporteur, s'appuie notamment sur une forte filière « cheval », constituant 5 % des emplois dans l'agriculture et sur un réseau des casinos, qui emploient directement plus de 20 000 personnes.

C'est cet équilibre, produit d'une législation mesurée, fondée sur l'interdiction et l'exclusivité, qui est aujourd'hui mise en cause avec l'ouverture à la concurrence du marché des jeux de hasard. Il avait pourtant jusqu'ici évité à notre pays les matchs truqués qui ont perverti le football européen.

Les jeux sont l'objet de prélèvements fiscaux et sociaux : la Loterie nationale a rapidement été le support de prélèvements au profit d'oeuvres caritatives tandis que des prélèvements étaient opérés sur le PMU en faveur de l'aménagement rural ou encore des haras. Le PMU a ainsi financé l'Assistance publique des hôpitaux de Paris, tandis qu'il est soumis, depuis 1976, à l'instar des jeux gérés par la Française des Jeux, à un prélèvement au profit du Centre national de développement du sport. Enfin, depuis sa création, les gains des joueurs, au PMU comme à la Française des Jeux, sont directement assujettis à la contribution sociale généralisée. Cette manne financière, dont la gestion est d'autant plus aisée qu'elle est gérée par deux entités disposant de l'exclusivité, est directement menacée par l'ouverture à la concurrence des jeux en ligne.

Nous avons, d'un côté, les partisans d'une ouverture réelle, conforme à l'esprit des textes européens, notamment du sacro-saint principe de concurrence libre et non faussée, qui rendrait possible ce qui est aujourd'hui interdit, moyennant une fiscalité adaptée, c'est-à-dire allégée. Nous en avons largement la trace dans le texte et c'est ce choix que semble avoir fait le Gouvernement, d'ores et déjà à la recherche -déficits publics obligent- de tout ce qui lui permettrait à la fois de diminuer les dépenses publiques et de trouver de nouvelles ressources fiscales, tout en continuant de tenir le discours, usé jusqu'à la corde, de la non-augmentation des impôts.

Et il y a, de l'autre côté, des gens qui ne souhaitent aucunement l'extension du casino national, et la mise en oeuvre d'une concurrence dangereuse pour l'ordre et la tranquillité publics, source d'addiction et d'illusions. Le succès des machines à sous, élément clé du chiffre d'affaires des casinos aujourd'hui, et celui des loteries instantanées, comme le Rapido, montrent que l'addiction intervient rapidement avec la sollicitation du joueur.

Ce risque, l'ont-ils mesuré, ceux qui veulent autoriser les jeux de hasard et d'argent en ligne pour éviter leur développement illégal ? C'est là d'ailleurs l'un des aspects pervers de ce texte : nombre des procédures de jeu qui y sont expressément décrites, nombre des critères d'encadrement qu'il prétend mettre en oeuvre vont rendre légal ce qui est aujourd'hui à la fois illégal et envahissant dans les boîtes aux lettres électroniques. Et plutôt que d'appliquer les textes de loi existants pour poursuivre les contrevenants, que fait-on? On donne un vernis de légalité à l'ensemble, on pose quelques règles minimales et on autorise quelques entités financières, déjà fortement présentes dans le circuit des jeux « en dur », à s'imposer plus encore. La promotion du jeu responsable, la protection de l'éthique sportive, tout cela passe au second plan. Le projet de loi se contente d'encadrer la concurrence, puisque les opérateurs pourront proposer des jeux, dans la limite du respect de l'ordre public et social. Pourtant, c'est justement en fonction de cet ordre public et social que notre pays a privilégié le monopole et non la concurrence, comme c'est d'ailleurs le cas chez nombre de nos voisins européens pour les jeux « en dur ». La Cour de justice des communautés européennes elle-même considère que le monopole public doit être privilégié pour lutter contre la corruption et la fraude. Chacun s'accorde, y compris la commission des affaires sociales, sur les dangers sanitaires et sociaux -addiction et surendettement- que comportent déjà les jeux et paris en ligne et sur les risques supplémentaires que fera naître l'ouverture à la concurrence. Si l'on y ajoute la corruption dans le sport et les courses, le trucage des matchs, le blanchiment d'argent, force est de constater que l'État ne peut se priver du contrôle des acteurs historiques du secteur. Les risques pour la santé et l'ordre publics ne devraient laisser personne indifférent, à commencer par l'État lui-même. Pourquoi ce qui a permis les paris clandestins avant même que n'existe l'internet ne serait plus possible maintenant que les transactions et les échanges sont facilités par l'électronique ?

Tout cela renforce notre opposition à toute autorisation de la publicité en faveur d'un opérateur de jeux ou de paris agréé. L'addiction au jeu peut être considérée comme une pathologie que le développement des jeux en ligne, comme le relève la commission des affaires sociales, tend à aggraver. Comment autoriser la publicité pour les jeux en ligne alors que la publicité a précisément pour fonction d'inciter à consommer ?

Nous ne pouvons pas plus accepter la généralisation des paris à cote. Le bookmaker a intérêt à voir perdre le joueur et, dans tous les cas, garde une marge sur les gains du joueur. La cote fixe augmente les profits et est source de tous les trucages, puisque les gains potentiels sont souvent plus attrayants que dans les paris mutuels. Le pari à cote fixe se résume trop souvent, comme on le voit outre-Manche, à de la fraude, de la corruption et des paris truqués. Dans 46 États des États-Unis, le pays le plus libéral, ce genre de pari est interdit, de même qu'au Japon. En Europe, le Totocalccio est un jeu mutualiste ainsi que La Quiniela, grand jeu espagnol sur le football. Les Pays-Bas ont également pris la sage décision d'interdire le pari à cote fixe. La France, si elle l'autorisait aujourd'hui, deviendrait un paradis pour les mafias et les opérateurs sans scrupules, et les citoyens les plus vulnérables feraient les frais de cette ouverture à la concurrence. Le législateur a le devoir, en raison des risques que la libéralisation fait courir à notre société en termes de santé publique, d'ordre public et de protection des mineurs, d'organiser par la loi, non pas l'ouverture régulée à la concurrence, mais la maîtrise publique de ce secteur. Nous ne suivrons donc pas le Gouvernement et le rapporteur de la commission des finances et nous voterons contre ce texte. (Applaudissements à gauche)

M. François Marc.  - Rien n'obligeait à légiférer sur ce sujet aujourd'hui, en tout cas pas l'Union européenne. D'ailleurs aucune étude d'impact digne de ce nom n'a véritablement été menée à ce jour. On peut craindre que, sous couvert de légalisation des jeux en ligne, ce texte, s'il est adopté en l'état, ait de redoutables effets pervers : généraliser une « morale de casino » dans notre pays ; ouvrir les vannes à une déferlante publicitaire particulièrement nocive pour les jeunes ; multiplier les addictions au jeu ; et, en définitive, à faire émerger une France de « perdants » puisque 98 % des joueurs sont des perdants... Après le slogan « Travailler plus pour gagner plus », on pourrait, si le sujet n'était si sérieux, évoquer le très inquiétant slogan : « Jouer plus pour perdre plus ».

L'Italie a précédé la France dans une libéralisation contrôlée. Or beaucoup parlent aujourd'hui d'échec à son propos. Il est encore temps pour nous de surseoir à l'adoption d'un tel projet de loi.

Dans le passé, l'attitude des pouvoirs publics français vis-à-vis des jeux a toujours été limitative, selon le triptyque prohibition-exceptions-exclusivité. Dans notre pays, le jeu n'est autorisé que par exception ; il est organisé dans le cadre de la Française des Jeux, du PMU et des casinos, avec autorisation du ministère de l'intérieur, avis de la Commission supérieure des jeux et protection de la police des jeux. Plusieurs tentatives de libéralisation ont été engagées ; elles ont toutes entraîné des troubles pour l'ordre public et une accentuation des addictions, si bien que l'on est revenu vers la loi restrictive de 1836.

Ce projet de loi prétend maintenir le principe de l'interdit sauf exception mais, en ouvrant vers le jeu de masse, il marquera la fin d'une longue tradition de restriction de l'offre de jeux d'argent. Ceux-ci ne sont pas des produits comme les autres, ils ne représentent pas une activité commerciale inoffensive. La France, nous dit-on, serait avec ce texte l'élève docile de l'Union européenne, elle respecterait le principe de la libre prestation des services et lutterait contre la prolifération des sites illégaux.

La réalité européenne est multiforme : vingt États autorisent les jeux en ligne, contre sept qui les interdisent ; treize États ont un marché des jeux en ligne libéralisé, six un monopole public, un a agréé un monopole privé. Autant dire que le droit communautaire abandonne aux États la fixation des règles. La Cour de justice européenne l'a répété à l'occasion de l'arrêt Santa Casa. La France peut donc soit interdire les jeux et paris en ligne, soit en conférer le monopole à une entité, soit retenir un nombre restreint d'opérateurs, soit encore libérer totalement ce marché. Avec ce texte, la France choisit clairement cette dernière possibilité.

Les arguments invoqués pour cette libéralisation ne sont guère convaincants. On va donner aux plus faibles, aux plus démunis, aux plus surendettés le droit de jouer toujours plus pour perdre toujours plus. (Murmures flatteurs sur les bancs socialistes) Un sondage de décembre dernier montre que, si 40 % des membres des catégories socioprofessionnelles supérieures déclarent jouer à des jeux d'argent, la proportion atteint 62 % chez les ménages modestes. Le hasard et le gain potentiel assorti symbolisent alors une forme de possible vers un quotidien meilleur. Le moral des Français reste faible, cela explique le succès des jeux d'argent auprès des personnes à revenus faibles et majoritairement inactives. La loi n'a pas à suivre ces personnes vulnérables, ni même à les accompagner ; son rôle est de réduire les risques sociaux en limitant la possibilité de perte.

Ce texte vise surtout à servir au plus vite les intérêts des nouveaux opérateurs, afin qu'ils touchent la manne publicitaire de la prochaine Coupe du monde de football. Voilà l'une des obsessions du gouvernement. Il y a des centaines de millions à gagner pour les opérateurs qui attendent impatiemment que le fromage tombe ! Depuis l'annonce de la libéralisation du marché, partenariats, accords et rachats se multiplient dans ce nouvel Eldorado.

L'ouverture à la concurrence des jeux en ligne pose la question de l'ordre public. Les nouveaux opérateurs européens affichent leur honorabilité mais les scandales ont été nombreux en Italie et au Royaume-Uni. Le Gouvernement est-il armé pour mener sérieusement les négociations liées à l'attribution des licences ? Rien n'est moins sûr. Loin de moraliser le capitalisme, vous proposez une économie de casino à mille lieues des soucis de « la France qui se lève tôt ». Un an après le naufrage de la finance spéculative, vous encouragez une économie spéculative qui met en avant les revenus du hasard au détriment des revenus du travail.

Mme Nicole Bricq.  - Très bien !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Cela, c'est vrai.

M. François Marc.  - Ce texte met en danger les circuits traditionnels de financement des filières hippiques et sportives. En développant des paris sportifs en ligne, le PMU ne sera plus simplement organisateur de paris hippiques ; les parieurs se concentreront sur les courses les plus médiatisées et les plus rentables, au détriment des 70 000 emplois dans les 250 petits hippodromes et les petites sociétés de courses qui font vivre notre territoire. En Italie, la baisse catastrophique des ressources a mis en péril la filière hippique.

L'ouverture du marché du jeu va entraîner une augmentation de l'offre. La mise en place d'une autorité administrative de régulation, l'Arjel, et la limitation du nombre de licences octroyées auront sans doute un effet limitant. La porte sera pourtant entr'ouverte, avec la légalisation de l'offre aujourd'hui illégale. On évoque une curieuse remise à zéro des compteurs, une amnistie... Le principal changement résidera dans l'envol d'un marché légitimé par la loi et alimenté par une publicité de masse. On évoque un montant de plus de 200 millions d'euros...

Le jeu en ligne crée une dépendance qu'aggravent la disponibilité permanente de l'offre à domicile et la possible répétition des mises. Comparable à la drogue chimique, le jeu en ligne cause un syndrome d'assuétude complet : accélération des mises, addiction à l'écran, augmentation des montants, perturbations personnelles et familiales, syndrome de sevrage en cas de privation. Cette addiction s'ajoute aux autres : 50 % des joueurs sont des buveurs excessifs et 60 % des tabagiques affirmés.

Ce texte est aussi dangereux pour l'équilibre financier de l'État. En l'absence de toute étude d'impact, le Gouvernement espère 5,5 milliards de recettes fiscales. Comme il diminue les taux, il compte sur une augmentation sensible des volumes. L'État aura tout intérêt à un développement accéléré des jeux.

M. Éric Woerth, ministre.  - Les volumes existent, ils sont dans l'illégalité.

M. François Marc.  - Du point de vue de la confusion des intérêts, le texte pose aussi problème. Les mêmes pourront avoir des droits exclusifs de diffusion, organiser de la publicité pour des opérateurs dont ils sont propriétaires ou parties prenantes, le tout à l'occasion de manifestations sportives pour lesquelles ils auraient obtenu des droits exclusifs en matière de paris. Pourquoi prendre de tels risques ? La jurisprudence européenne n'interdit pas la mise en place d'un monopole d'État. La Française des Jeux pourrait réguler le marché et freiner l'offre de jeu. Jusqu'à présent, l'État n'a pas joué son rôle de tutelle. Il a laissé la Française des Jeux et le PMU mener des politiques commerciales contraires à la santé publique. Il serait possible de restaurer cette tutelle défaillante et ainsi d'encadrer le volume et la nature de l'offre de jeux.

En ouvrant à la concurrence un domaine qui avait toujours été soumis au contrôle d'un monopole public, ce texte engage une transformation profonde de notre société et rompt avec la tradition républicaine. Sous la pression des différents opérateurs, on ira vers une dérégulation, un amoindrissement des protections, préjudiciable en premier lieu pour les petits parieurs et les plus faibles. L'État doit être le garant de la protection des citoyens. Dans le contexte actuel de crise financière, sociale, économique, on attend des arbitrages politiques qu'ils visent à favoriser l'intérêt général. Ce n'est pas ce que fait ce texte. Nous nous y opposerons. (Applaudissements à gauche)

M. Yvon Collin.  - Depuis plusieurs années maintenant, notre pays doit faire face à une importante offre illégale de jeux d'argent et de hasard sur internet. On dénombre ainsi près de 25 000 sites illégaux de jeux. Ce n'est évidemment plus admissible.

Les joueurs-consommateurs jouent sur des sites n'offrant aucune garantie et présentant des risques avérés de tricherie. Les opérateurs illégaux profitent de la situation au détriment de l'État, bien sûr, mais également des organisateurs de compétitions sportives.

Les jeux d'argent peuvent être dangereux. Ils présentent un risque important d'addiction et servent à blanchir l'argent sale. Mais le jeu existe et nul ici ne le condamne en tant que tel. Il est un divertissement. Ce qui le rend bon ou mauvais, c'est l'usage qui en est fait, et qui dépend de la loi. Tel est donc l'objet de notre discussion.

On évalue à 3 % de nos compatriotes le nombre des joueurs pathologiques ou problématiques. Les mesures de « jeu responsable » mises en place par les opérateurs eux-mêmes sans zèle excessif n'ont pas montré leur efficacité. Ce n'est qu'un droit pour les joueurs de jouer toujours plus pour perdre toujours plus, mais dans un cadre légal ! Reste donc à tenter de canaliser la demande des joueurs vers des prestataires licenciés et responsables, sous le contrôle de l'État. Celui-ci sera confronté à une augmentation légalisée de l'addiction aux jeux comme illusion collective d'améliorer son pouvoir d'achat, ainsi qu'à un renforcement des sites illégaux du fait de la non-compétitivité fiscale du système proposé.

D'autre part, un renforcement des sites illégaux du fait de l'inefficacité du dispositif fiscal retenu. Mieux vaudrait imposer, comme le propose mon groupe, le produit brut des jeux, qui correspond au chiffre d'affaires effectif des opérateurs, de 25 %. Ce mode de taxation, outre sa neutralité par rapport à la forme et au type de jeu, présente l'avantage de mieux lutter contre le marché noir. L'enjeu est, en effet, de mettre fin à l'offre illégale, soit en la réprimant soit en la régulant via les opérateurs nationaux existants. Les exploitants de casinos doivent bénéficier du développement des jeux en ligne, notamment du poker, dont ils pourraient devenir légitimement des prestataires. La fiscalité d'État sur les jeux est légitime, il faut de toute urgence mettre fin à la fraude, réguler. Depuis plus de dix ans, de nombreux parlementaires agissent pour qu'internet ne soit pas un espace de non-droit au prétexte qu'il est un réseau mondial. En s'appuyant sur la jurisprudence de la Cour de justice européenne, ce texte doit conforter le modèle français d'organisation des jeux et des paris.

A considérer l'article 52 qui reconnaît aux fédérations sportives un droit de propriété en matière de paris, la volonté affichée du Gouvernement de contrôler l'activité illégale cache une inquiétante propension à sous-estimer les méfaits d'une déréglementation excessive. Refusons ce mélange de genre entre sportifs et opérateurs qui augmenterait la tentation du dopage et de la corruption pour truquer les résultats ! D'autant que la mesure ne profiterait, de surcroît, qu'aux équipes sportives les plus puissantes. N'instillons pas le doute sur la sincérité des compétitions sportives ! Cela serait dangereux pour les valeurs et l'image du sport. Le texte ne prévoyant aucune mesure anti-concentration, la chaîne qui aura acquis les droits audiovisuels d'un championnat pourra diffuser, durant le match, de la publicité pour une société de paris en ligne qu'elle détiendrait partiellement ou totalement. L'incitation à jouer sera énorme ! Finies les valeurs éthiques du sport !

Monsieur le ministre, en matière de régulation des jeux en ligne, le groupe RDSE rejette l'immobilisme comme l'aventurisme. Si le texte, certes amélioré par la commission des finances, devait peu évoluer durant nos débats, la majorité de notre groupe, inquiète de l'insuffisante régulation proposée, s'abstiendra lors du vote final. (Applaudissements sur les bancs du RDSE, ainsi que sur les bancs socialistes)

M. Jean Louis Masson.  - Les jeux d'argent ont un point commun : le joueur est statistiquement perdant. Le jeu prospérant sur la naïveté, les États ont historiquement réglementé les jeux de hasard dans un double but : un but moralisateur pour prévenir l'addiction au jeu, qui menace l'équilibre de la société, et un but plus financier, trouver de nouvelles ressources fiscales. Or, si je suis par principe contre les jeux d'argent, j'approuve ce texte, élaboré en application de la réglementation européenne. Le monopole sur les jeux ne se justifie plus, car il ne repose plus sur un souci moralisateur, le souci de l'intérêt général. On autorise aujourd'hui la Française des Jeux et le PMU à faire de la publicité éhontée ! J'y vois la preuve que le seul objectif poursuivi, c'est se faire de l'argent sur le dos des joueurs. Dans ce contexte, l'assouplissement imposé par l'Europe est tout à fait pertinent.

Avec l'ouverture des jeux à la concurrence, il faudra redoubler de vigilance sur la fraude, les pratiques malhonnêtes. La libéralisation des jeux va avoir des conséquences importantes sur le sport, un secteur déjà gangrené par l'argent. Déjà, des matchs de foot sont truqués en Belgique ou en France, des joueurs sont achetés... Demain, ce sera pire lorsque les sommes en jeu seront décuplées, ce sera la porte ouverte à tous les trafics !

Ces scandales gigantesques à venir seront d'ailleurs dans la continuité de ce que je dénonçais déjà il y a dix ans en tant que député. Même la Française des Jeux n'est pas propre ! Il existe, en effet, une martingale qui repose non sur la probabilité de gagner, mais sur la somme en jeu. Les numéros les moins joués rapportent trois à quatre fois plus que les autres. Pour exemple, de nombreuses personnes jouant leur date de naissance, les chiffres compris entre un et douze divisent par trois ou quatre le montant du gain si le numéro est tiré. Or la Française des Jeux fait la sourde oreille et refuse de publier la liste des numéros les plus fréquemment joués, comptant sur les gros tirages pour attirer les parieurs. Voilà un petit exemple de manque de transparence que je voulais donner dans le temps très réduit qui m'est imparti en tant que sénateur non inscrit. Il donne un avant-goût de ce qui nous attend demain lorsque l'on pariera sur les matchs de foot !

M. Albéric de Montgolfier.  - Ce texte est le résultat d'un long travail de notre commission et, notamment, de son rapporteur M. Trucy, qui n'a pas attendu la mise en demeure de 2006 ou l'avis motivé de 2007 de la Commission européenne pour stigmatiser, dans ses rapports de 2002 et de 2006, l'obsolescence de notre réglementation et la faiblesse de notre législation dans le domaine.

Tout d'abord, la fin du monopole de la Française des Jeux et du PMU.

Aujourd'hui 5 000 sites illégaux accessibles depuis la France proposent des jeux en ligne ; plus de 3 milliards d'euros y sont misés chaque année. Les casinos, qui contribuent au financement des communes, sont soumis à une réglementation complexe et souffrent eux aussi de la concurrence du poker en ligne.

Il est donc nécessaire d'ouvrir ce marché à la concurrence, de légaliser les jeux en ligne tout en les encadrant. Car si le Gouvernement veille à la sécurité publique en luttant contre la fraude, les impératifs de santé publique sont négligés. Les problèmes d'addiction n'ont fait l'objet d'aucune étude spécialisée. Ce projet de loi apporte enfin une réponse à ce problème. A son actif, il faut aussi citer l'interdiction des jeux aux mineurs, la lutte contre le blanchiment et l'encadrement de la publicité. Le groupe UMP s'en félicite et espère que ce texte rencontrera un assentiment général.

Seuls les paris sportifs et hippiques et le poker en ligne seront légalisés. Les jeux les plus addictifs, notamment de pur hasard, demeureront interdits. Une part des recettes fiscales et sociales tirées des jeux servira à financer la lutte contre la dépendance, par le biais notamment de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé. La limitation du taux de retour aux joueurs devrait réduire les risques.

Afin d'éviter le blanchiment, le projet de loi interdit aux opérateurs de jeux de s'établir dans des paradis fiscaux et oblige les joueurs à détenir un compte bancaire en France. Une autorité de régulation indépendante sera chargée d'attribuer les licences. Le groupe UMP ne tient pas à ce que la personnalité morale lui soit accordée, car il n'est peut-être pas opportun de la détacher entièrement des services de l'État. Il ne souhaite pas non plus que le taux de prélèvement diffère entre paris hippiques et paris sportifs, car le dispositif proposé résulte déjà d'un compromis. Toutefois, au cas où la filière hippique verrait ses ressources se tarir, une clause de revoyure prévoit le dépôt d'un rapport au Parlement qui pourra procéder aux adaptations nécessaires : M. le rapporteur y veillera. Nous qui représentons les territoires sommes très attachés à la filière hippique qui est un rouage essentiel de l'aménagement du territoire et crée entre 60 000 et 90 000 emplois.

L'arrivée d'environ 30 à 50 nouveaux opérateurs aurait dû se solder par une augmentation des recettes fiscales, à laquelle la commission des finances eût été sensible. Mais le taux de prélèvement sur les mises a été réduit, ce que l'on peut regretter.

Un mot sur le calendrier. Il est impensable que les nouvelles dispositions ne s'appliquent pas à la Coupe du monde de football qui s'ouvrira en juin en Afrique du Sud, ce qui reviendrait à laisser le champ libre aux sites illégaux et à tuer dans l'oeuf ce projet de loi. J'ai donc déposé à titre personnel un amendement prévoyant une autorisation temporaire pour les opérateurs ayant déposé une demande d'agrément auprès de l'Arjel et répondant aux conditions requises. Je sais la commission des finances et le Gouvernement réticents. Mais cet amendement vise à inciter le Gouvernement à publier au plus vite les décrets d'application de cette loi et l'Arjel à faire preuve de célérité dans la délivrance des agréments.

La majorité du groupe UMP soutiendra l'essentiel de ce texte. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Jacques Lozach.  - Ce projet de loi comporte bien des incohérences et des dangers. Son objet même est paradoxal, puisqu'il vise à la fois à libéraliser et à réglementer le secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne. En réalité, la libéralisation l'emporte. L'Europe ne l'impose pourtant pas : l'arrêt Santa Casa du 8 septembre 2009 a autorisé le Portugal, au nom du principe de subsidiarité, à restreindre la libre circulation des services de jeux. En février 2009, un rapport du Parlement européen sur l'intégrité des jeux en ligne soulignait déjà que les procédures engagées par la Commission contre les États-membres ne remettaient pas en cause l'existence de monopoles ou de loteries nationales. Il faut cesser de s'abriter sous le parapluie de l'Europe, car il est loin d'être imperméable !

Ce sont les lacunes de notre droit et l'usage de plus en plus répandu des nouvelles technologies qui nous obligent à légiférer. Mais une autre solution était possible. Pourquoi ne s'être pas appuyé sur les deux opérateurs historiques, la Française des Jeux et le PMU, qui gèrent leur domaine à la satisfaction de tous, plutôt que d'ouvrir les vannes à une dizaine d'opérateurs qui se partageront 80 % du marché ? L'objectif affiché de ce texte est de lutter contre l'offre illégale. Pourquoi donc ne pas en donner les moyens aux autorités de régulation ?

Les dispositions relatives à la lutte contre la dépendance sont également insuffisantes. Les grandes fortunes du secteur ont su se faire entendre... Le Gouvernement veut aller vite, pour ne pas voir lui échapper la manne de la Coupe du monde de football : M. le ministre l'avouait lui-même devant la commission des finances de l'Assemblée nationale. Dans ces conditions, les impératifs de santé publique passent au second plan. Chacun sait pourtant que les jeux en ligne sont particulièrement addictifs : face à un ordinateur, un joueur connaît mal ses limites et ne respecte pas les mêmes règles qu'en société. Le professeur Denis Alland rappelait dans Libération le 16 décembre dernier que la dépendance aux jeux se trouve toujours aggravée par la permanence d'une offre à domicile. Stefan Zweig, dans Le Joueur d'échecs, avait su trouver les mots pour décrire la dépendance : « La passion de gagner, de vaincre, de me vaincre moi-même devenait peu à peu une sorte de fureur : je tremblais d'impatience, car l'un des deux adversaires que j'abritais était toujours trop lent au gré de l'autre (...) Cette monomanie a fini par m'empoisonner le corps autant que l'esprit. »

L'addiction a un coût pour la société, plus précisément pour la sécurité sociale. Aujourd'hui les personnes dépendantes au jeu sont environ 300 000. Ce texte risque de les multiplier : le contribuable paiera.

Le monde du sport, représenté par le Comité national olympique, n'a pas non plus été entendu. La pérennité des financements est en danger. Le prélèvement sur les mises des paris sportifs ne rapportera cette année qu'à peine plus de 10 millions d'euros au Centre national pour le développement du sport (CNDS), soit le prix de deux ou trois gymnases... Au total, le budget du CNDS s'élèvera à environ 203 millions d'euros au lieu des 277 millions prévus par la loi de finances. Lors du débat à l'Assemblée nationale, vous avez déclaré, monsieur le ministre, que le monde du sport demandait plus de moyens. Que ne les lui accordez-vous ! Pourquoi ne pas avoir établi une étude d'impact, conformément aux engagements pris lors de la dernière révision constitutionnelle et à la loi organique du 15 avril 2009 ? Sans doute parce qu'elle aurait mis en évidence les défauts de ce texte. On est loin des objectifs ambitieux affichés le 6 octobre par la secrétaire d'État chargée des sports !

La situation est d'autant plus préoccupante que, compte tenu de l'évolution des pratiques, le produit du prélèvement sur la Française des Jeux risque de diminuer de moitié.

Ainsi, le CNDS deviendrait beaucoup plus dépendant du prélèvement sur les mises en ligne. Pour financer le sport français, les autorités vont-elles inciter nos concitoyens à parier leurs économies en ligne ? Nous nous verrions contraints d'encourager la dépendance pour financer le mouvement sportif, alors que le Gouvernement prétend lutter contre l'addiction !

Ce projet de loi risque de mettre à mal la solidarité au sein du mouvement sportif. Tout d'abord, rien n'est prévu pour la redistribution des dividendes des jeux en ligne entre les différents sports et les différentes fédérations. L'article 52 aurait dû être plus précis sur ce point. Une fois encore, les sports les plus médiatiques, comme le football ou le tennis, vont se tailler la part du lion et ne laisseront que des miettes aux autres disciplines. Une occasion de rééquilibrage entre les activités a été perdue. La possibilité pour les associations ou les sociétés sportives de négocier des contrats avec les opérateurs de jeux en ligne menace la cohésion du modèle sportif français, car elle va semer le trouble au sein des fédérations et du mouvement sportif.

Ce texte risque de multiplier les fraudes et les délits d'initiés. En autorisant les paris à cote et les paris sur les phases de jeux, les rencontres sportives pourront être truquées. Ce risque s'est déjà vérifié à de nombreuses reprises chez nos voisins européens. Ce marché des jeux mobilisant des masses financières considérables, il suscitera bien des tentations d'où l'impérieuse nécessité de garantir aux parieurs l'intégrité des résultats. Ce n'est pas par hasard si Bruxelles évoque la création d'une Agence européenne de lutte contre les paris truqués. Si parier sur la minute d'un match de football à laquelle sera marqué le premier but ne pose pas spécialement de problèmes, parier sur la minute du premier coup franc, par exemple, est beaucoup plus inquiétant. Rien ne nous garantit qu'un joueur ne pariera pas à cinquante contre un sur sa propre faute, à la minute qu'il aura choisie !

En outre, les joueurs, les arbitres et les membres des fédérations ne devraient pas pouvoir prendre part aux paris en ligne, ce que ne prévoit pas le texte. L'article 23 précise en effet que les éventuelles interdictions seront établies par voie réglementaire. De même, les conflits d'intérêts risquent d'être nombreux, notamment entre les diffuseurs, les fédérations sportives et les équipes. A cet égard, TF1 a récemment pris le contrôle du site eurosportBET.com. Or, ces sites sponsorisent souvent les plus grandes équipes de football européennes, et ils ont déjà signé des contrats avec des clubs français. D'éventuels conflits d'intérêt ne sont donc pas exclus. Les pouvoirs conférés à l'Arjel ne nous rassurent pas. Ce texte prétend instaurer une régulation alors qu'il ne prône que la libéralisation.

Dans le numéro de février 2010 de la Revue parlementaire, vous déclariez, monsieur le ministre : « C'est un risque pour la sauvegarde de l'ordre public car la lutte contre le blanchiment n'est pas suffisamment assurée, un risque pour la lutte contre l'addiction car ces opérateurs n'ont aucune obligation à respecter en la matière, un risque pour l'ordre social puisque les mineurs ne sont pas protégés, mais aussi un risque pour les finances publiques puisqu'ils échappent à toute taxation ». Cette phrase définit précisément les défauts de votre projet de loi qui met en danger l'ordre public et qui défend une conception de la société et de l'argent que nous ne partageons pas. Vous exposez nos concitoyens à un risque accru d'addiction aux jeux et les quelques dispositions prévues pour protéger les mineurs ne les dissuaderont pas de jouer en ligne.

De même, ce texte est une aberration en termes de finances publiques. Les nouvelles recettes seront bien loin de compenser les futures dépenses, notamment le financement du sport amateur dont les besoins sont immenses.

Enfin, ce texte nous propose une vision de la société fondée sur une conception très libérale de son économie, avec peu de gagnants et beaucoup de perdants, le tout assorti d'un sens moral plus que contestable. Il n'est pas certain que sanctifier le jeu et la notion d'argent facile soit le meilleur moyen de préparer les jeunes générations aux défis qui les attendent. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Yves Daudigny.  - Depuis que j'ai l'honneur de siéger dans cette Haute assemblée, je me suis impliqué dans de nombreux projets de réforme présentés par ce Gouvernement. Dans tous les textes où nos établissements et services publics étaient en cause, j'ai vu des intérêts privés commerciaux profiter de ces réformes sans garantir de retombées positives pour la collectivité. Ainsi en a-t-il été de la mutation du service public hospitalier, de l'abandon du fret de proximité aux opérateurs privés ou de la transformation du statut de La Poste. A chaque fois, ces réformes ont été menées tambour battant, sous couvert de RGPP et d'efficience, pour sauver un organisme public asphyxié par le désengagement de l'État.

Or telle n'est pas la raison d'être de ce nouveau projet de loi. S'il se propose d'ouvrir le monopole actuel des jeux d'argent aux opérateurs privés, il ne répond à aucune nécessité curative pour nos opérateurs historiques : PMU et Française des Jeux se portent bien, alimentent les recettes de l'État, participent au financement de la filière sportive, créent des emplois, contribuent à l'aménagement du territoire.

Vous avez successivement avancé, monsieur le ministre, d'autres raisons pour justifier cette réforme. Vous avez d'abord argué d'un impératif européen de libéralisation du marché. Mais vous avez été démenti par l'arrêt du 8 septembre 2009 de la Cour de justice des communautés européennes qui confirme que les raisons impérieuses d'intérêt général priment celles du marché et autorisent les États à maintenir une organisation monopolistique des jeux d'argent. Changement de pied, vous avez alors estimé que seule l'ouverture serait à même d'assécher l'offre illégale de jeux en ligne. Ceci est mathématiquement impossible : que pèseront 50, ou même 500 opérateurs agréés par l'Arjel face aux 25 000 sites illégaux actuels ? Il est surprenant de prétendre que l'Arjel serait à même de réaliser ce que l'État ne fait pas lui-même. L'argument est donc irrecevable.

De mauvais esprits ont prétendu établir un lien rétrospectif entre les dirigeants de grandes entreprises privées, notamment des médias et télécommunications, qui spéculent déjà sur la manne des paris en ligne, et un groupe de dîneurs anodins réunis autour du Président de la République un soir de mai 2007. Seul le hasard a permis que dirigeants et dîneurs soient les mêmes. Il suffit au surplus de ne plus clairement faire la part entre le domaine public et le domaine privé pour n'y voir aucun conflit d'intérêt.

La représentation nationale mérite de meilleures explications que ces faux-semblants et, hors l'hypothèse farfelue de satisfaire aux intérêts privés de quelques-uns, aucun motif d'intérêt général ne vient expliquer la nécessité que nous aurions de légiférer en faveur d'une libéralisation des jeux d'argent et des paris en ligne. Vous nous servez un discours rassurant d'une ouverture encadrée et ambitieuse qui n'exclue pas de « servir de modèle à une régulation européenne des paris en ligne ». A cet égard, l'article premier A emporterait l'adhésion s'il ne reflétait un double langage. L'encadrement strict qu'il prévoit sur les jeux d'argent et de hasard suffit à inscrire dans la loi le principe du monopole actuel. Strict signifie en effet : « qui ne laisse aucune liberté ». La conséquence nécessaire et logique de cette stricte condition serait de confier l'organisation des jeux d'argent et des paris aux opérateurs historiques. Eux seuls seraient à même de garantir la mise en place d'un encadrement strict. Mais pour l'instant, on en reste à une pétition de principe !

En réalité, les modalités de cette ouverture suscitent de fortes inquiétudes. Elle présente, en premier lieu, le risque évident d'assécher, non pas le jeu illégal, mais bien plutôt la filière hippique et la Française des Jeux. Ce risque est tel que les députés ont ajouté un alinéa destiné à « éviter toute déstabilisation économique des filières concernées ». Mais la régulation prévue par ce projet devra encore être enrichie pour devenir aussi « crédible et équilibrée » que vous le prétendez. Ainsi, il faudra supprimer le pari à cote fixe et l'attribution d'agréments allégés pour la Coupe du monde. En outre, l'entrée en vigueur de la loi ne devra pas être l'occasion d'une ouverture amnistiante pour tous ceux qui opèrent aujourd'hui illégalement.

De plus, la multiplication des opérateurs et la rentabilité des agréments sont conditionnées à l'augmentation constante du nombre de joueurs en ligne, d'où un risque accru d'addiction. De même, baisser le taux de prélèvement implique d'élargir l'assiette, donc le nombre de joueurs. Michel Lejoyeux, chef de service en psychiatrie à l'hôpital Bichat, estime « qu'il existe une règle simple pour toutes les addictions : l'augmentation de l'offre augmente le risque qu'une personne potentiellement dépendante le devienne ». Il se dit particulièrement inquiet de l'impact des nouvelles publicités qui vont apparaître.

Ce projet de loi marque une rupture importante. Une ouverture, même mesurée, abaisse de quelques degrés les impératifs d'ordre public et social que le monopole accordé au PMU et à la Française des Jeux avait permis de faire respecter. Vous devrez céder toujours plus aux opérateurs jusqu'à l'ouverture complète.

Ce projet de loi signe inéluctablement la disparition de nos opérateurs historiques. Est-il besoin d'exposer les conséquences économiques et sociales qu'entraînerait l'étouffement du secteur hippique ? Dans mon département, la filière du trot illustre bien cet ancrage dans le territoire.

Sans rien méconnaître de la nécessité d'avoir recours à l'internet, mais parce que nous en connaissons aussi les méfaits, nous devons en limiter dans certains domaines l'usage. Le net est un plaisir solitaire alors que les jeux d'argent et de hasard en dur obligent encore le joueur à sortir de chez lui pour se rendre au PMU ou au café-tabac. Au-delà des risques de la toile pour la santé publique, une autre question nous sépare : celle du vouloir faire vivre ensemble ! Nous nous opposerons donc à ce texte. (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Rien ne va plus ! (Sourires)

M. Éric Woerth, ministre.  - M. Trucy a évoqué le nombre d'emplois de la filière hippique. Si j'en crois le rapport 2008 du PMU, elle génère 70 000 emplois directs et indirects, ce qui est considérable. Vous tenez beaucoup au comité consultatif des jeux que vous proposez de créer. Vous avez également évoqué le calendrier de ce texte.

Certains disent « nous travaillons dans l'urgence » ou « vous bradez la discussion pour que le système soit en place lors de la Coupe du monde de football ». Cela est peut-être vrai mais songeons que nous discutons de cela depuis juin 2008, quand le projet de loi a été présenté en conseil des ministres. L'Assemblée nationale a examiné le texte il y a quelques mois, c'est au tour du Sénat à présent. Comment prétendre que nous avançons trop vite ? Le débat a prospéré. A cet égard, je remercie M. Trucy de son travail. M. About a attiré notre attention sur les aspects sanitaires et sociaux : et nous ne nous sommes pas contentés d'en prendre une pincée pour en saupoudrer ce qui serait un pâté de cheval. (Sourires) Nous avons examiné les divers sujets, contrôle, addiction, rapport social au jeu, cas des mineurs ou des personnes fragiles... Le texte reprend les propositions des professionnels familiers de ces questions, c'est pourquoi il est équilibré et protecteur.

Oui, monsieur Dupont, le calendrier est tendu ; mais il est tenable. Le texte sera adopté fin mars, promulgué en avril, tandis que seront publiés les décrets d'application et constituée l'autorité de régulation. Puis, en mai, les candidatures seront instruites -et les agréments octroyés, par conséquent, dans les délais prévus.

En matière de fiscalité, il n'y a pas une vérité. Mais je souligne que le réseau du PMU conservera plus d'argent, le taux de prélèvement étant abaissé. Quant à l'État, il se rattrapera sur le volume, non pas qu'il incite à jouer plus, mais parce que le jeu se fera dans la légalité. Mettons un terme à cette course du gendarme et des voleurs, à laquelle la puissance publique gagne si rarement. Prétendre qu'il existe aujourd'hui un monopole de l'État sur les jeux, c'est se masquer la réalité ! Nous faisons passer une activité de l'ombre à la lumière, rien de plus.

M. François Marc.  - La réalité, c'est la misère des gens !

M. Éric Woerth, ministre.  - Je veux aussi dire à M. Vera que la publicité, émanant d'opérateurs qui respectent les règles, est protectrice ; quant aux contrebandiers, nous en aurons raison. Le pari à cote représente la quasi-totalité du pari sportif et ne pas l'inclure reviendrait à laisser prospérer l'offre illégale sur internet.

Que la France soit l'élève docile de la Commission européenne n'est pas la réalité. Notre pays est depuis longtemps attaqué sur cette question : le contester, c'est méconnaître le sujet. La seule solution raisonnable est de séparer le bon grain de l'ivraie. Vous dites que nous faisons le jeu des opérateurs privés...

M. François Marc.  - Oui !

M. Éric Woerth, ministre.  - ...et de l'argent sale. Ce sont des propos insultants. Comme si les opérateurs de jeu étaient des voyous ! Comme si vous étiez détenteurs de la morale ! Tout cela est agaçant. (On s'offusque sur les bancs socialistes)

Il n'est pas scandaleux d'être entrepreneur ou salarié de droit privé et de travailler sur internet, dès lors qu'on exerce son activité légalement. (Mme Nicole Bricq soupire) J'ajoute que la remise des compteurs à zéro n'est pas une amnistie, c'est un nouveau départ, sur de nouvelles bases.

M. le président.  - Monsieur le ministre, d'impérieuses contraintes techniques m'obligent à interrompre vos réponses.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance, suspendue à 16 h 55, reprend à 17 heures.

Questions cribles sur l'avenir des territoires ruraux

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur l'avenir des territoires ruraux.

L'auteur de la question et le ministre disposent chacun de deux minutes. Une réplique d'une minute au maximum peut être présentée soit par l'auteur de la question, soit par un membre de son groupe politique.

M. Michel Teston.  - A l'issue des assises de la ruralité, le chef de l'État a prononcé le 9 février un discours sur la nouvelle économie rurale, mais deux constats nous font douter qu'il souhaite passer aux actes.

Tout d'abord, il n'y a jamais eu autant de textes défavorables aux territoires ruraux que depuis 2002, a fortiori depuis 2007. Ainsi, la révision générale des politiques publiques (RGPP) supprime des postes dans les gendarmeries au moment où la nouvelle carte judiciaire complique l'accès à la justice. Dans les services publics industriels et commerciaux, on réduit la desserte des gares et on transforme à un rythme accéléré les bureaux de poste en agences postales ou en relais postaux.

Parallèlement, l'État ne fait rien pour améliorer la présence médicale ou paramédicale, alors que la loi Hôpital, patients, santé, territoires (HPST) poursuit le démantèlement du système de soins.

Comment ne pas rappeler qu'il a fallu attendre le grand emprunt pour voir l'État s'engager en faveur du haut et du très haut débit ? Au demeurant, les entreprises et les habitants des territoires ruraux figureront encore en 2020 parmi les 30 % non desservis.

La seconde raison de notre scepticisme tient au fait que le Président de la République a passé sous silence la charte sur l'organisation de l'offre de services publics et au public en milieu rural, signée en juillet 2006 par M. de Villepin, alors Premier ministre. Ignorée depuis la fin du printemps 2007, cette charte pourrait contribuer à maintenir des services rendus à la population, mais elle doit devenir contraignante.

Le Gouvernement est-il disposé à le faire ? Est-il prêt aux actes concrets assurant l'avenir des territoires ruraux ?

M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire.  - Au moins, vous ne donnez ni dans la modération, ni dans l'optimisme.

M. Daniel Raoul.  - Il est objectif.

M. Michel Mercier, ministre.  - Vous avez dressé un tableau excessif.

Les assises des territoires ruraux et les conclusions que le Président de la République en a tirées dans le discours prononcé à Morée apportent des réponses pragmatiques et concrètes.

Ainsi, le Président de la République a annoncé que les crédits seraient disponibles chaque année pour des maisons médicales pluridisciplinaires, dont 250 ouvriront en trois ans. Un internat sera créé pour former des médecins généralistes ruraux. Ces décisions seront consacrées par un comité interministériel d'aménagement du territoire qui se réunira d'ici le mois d'avril sous la présidence du Premier ministre.

Simultanément, la charte sur l'organisation de l'offre de services publics et au public en milieu rural sera rendue opposable.

Enfin, les territoires ruraux disposeront tous de liaisons internet à haut débit.

Plutôt qu'une énième loi sur les territoires ruraux, je veux que la population constate sur place des améliorations concrètes.

M. Jean-Jacques Lozach.  - Si l'avenir des services publics est à l'image des vingt dernières années, il est sinistre car l'égalité des chances et la péréquation régressent.

Vous avez ignoré le rapport que MM. Belot et François-Poncet ont consacré en 2004 à la péréquation. Le 18 février, j'ai entendu Mme Lagarde déclarer que les Hauts-de-Seine devaient aider la Creuse. Je l'entends depuis vingt ans, mais cette obligation doit être imposée par la loi !

Le recul de la péréquation explique la déception suscitée par le discours du Président de la République.

M. Gérard Le Cam.  - L'avenir des territoires ruraux est devenu récemment une préoccupation majeure du Gouvernement : l'association des maires ruraux a regretté « des délais trop courts et une organisation précipitée ».

En 2004, M. Gaymard a présenté la loi relative aux territoires ruraux comme le texte qui allait relancer le monde rural. Ce fut un échec cuisant.

Aujourd'hui, M. Mercier veut des territoires d'innovation, mais sa rhétorique délicieuse ne dissimule guère l'énormité des atteintes portées par la droite au monde rural. Vous pouvez toujours afficher de beaux objectifs, la réalité est que vous avez affaibli ces territoires, qui vous sont si chers. Heureusement, nombre de collectivités territoriales ont servi d'amortisseur face à la destruction des services publics par l'État. Et c'est à ces collectivités que le Gouvernement s'attaque en les dépouillant de leurs ressources et de leurs compétences !

La présence postale se réduit à des points de contact n'offrant aucun service bancaire. L'État se désengage de la desserte des territoires enclavés. La fracture numérique touche 31 % de la population et 70 % du territoire ; les espaces ruraux sont les grands oubliés. Les soins ne sont plus assurés lorsque 182 blocs opératoires sont menacés, lorsque la fermeture de maternités touche les zones rurales de plein fouet.

Monsieur le ministre, êtes-vous disposé à pratiquer une politique prenant le contre-pied de ce que fait votre Gouvernement, pour assurer enfin aux territoires ruraux un avenir qui ne soit pas la désertification ? (Applaudissements à gauche)

M. Michel Mercier, ministre.  - Vous avez raison sur un point : les territoires ruraux constituent une préoccupation majeure du Gouvernement, qui élabore la politique la plus concrète possible après les assises auxquelles 90 000 personnes ont participé. Il ne s'agit pas de proposer une nouvelle loi, mais de prendre des mesures concrètes.

En matière de présence postale, je répète que la France est le seul pays où la loi garantisse l'existence de 17 000 points de contact.

M. René-Pierre Signé.  - Jusqu'à quand ?

M. Michel Mercier, ministre.  - Jusqu'à ce que vous votiez une loi y mettant fin, ce que nous ne vous proposerons jamais, car la présence postale est un véritable besoin pour la population !

Contre la fracture numérique, le Gouvernement mobilisera le grand emprunt. Une mission a été confiée sur ce point au sénateur Maurey. Nous recevons très vite les premiers projets émanant des collectivités territoriales. (Applaudissements à droite)

Mme Mireille Schurch.  - Avec 96 médecins généralistes pour 100 000 habitants, l'Allier a la couverture la plus faible de l'Auvergne ; et c'est le conseil général qui propose une bourse pour attirer de jeunes médecins ! Comment le centre hospitalier de Montluçon pourra-t-il retrouver l'équilibre avec un déficit supérieur à 7 millions d'euros ? En deux ans, 15 % des bureaux de poste ont été fermés. Le tribunal de commerce de Moulins a disparu. On ne compte plus les suppressions de train, alors que la ligne nationale reliant Paris à Ussel est abandonnée.

Le Conseil d'État a qualifié d'erreur manifeste la fermeture du tribunal de grande instance de Moulins ; les habitants de l'Allier pourraient en faire autant à propos de vos mesures qui dessinent un avenir sombre pour nos départements ruraux !

M. Claude Biwer.  - Le Président de la République a annoncé une série de mesures en faveur des territoires ruraux, cinq ans après le vote d'une loi sur le développement de ces mêmes territoires, qui n'a pas obtenu les résultats espérés.

En effet, la réalité du monde rural est marquée en premier lieu par la dépendance envers les transports individuels. Pensez-vous que la taxe carbone ou le covoiturage apportent des solutions pertinentes au besoin de parcourir dix kilomètres pour aller à la pharmacie ou chez le boucher ?

Le monde rural souffre d'une atonie économique, car trop d'administrations interviennent en appui à la création ou à l'implantation d'entreprises. Tout cela devrait être simplifié. Le Gouvernement pourrait-il accompagner les collectivités territoriales qui réalisent de louables efforts d'implantation ? Je souhaite qu'une véritable péréquation soit organisée. Mieux : il faudrait instituer des zones franches rurales.

En matière d'offre de soins, pourquoi ne pas jouer sur le numerus clausus ? Enfin, les infrastructures routières et ferroviaires, le haut débit sont indispensables. Merci des solutions que vous voudrez bien apporter.

M. Michel Mercier, ministre.  - Vous avez posé suffisamment de questions pour occuper toute une séance... (Sourires)

Le Gouvernement est prêt à agir sur la péréquation, je l'ai dit lors du débat sur la taxe professionnelle, et devant la commission des finances du Sénat. Dans son discours de Morée, le Président de la République s'est engagé à améliorer l'équité des dotations de l'État aux collectivités locales. La prochaine loi de finances sera l'occasion de faire un premier pas.

En matière d'accès aux soins, l'augmentation du numerus clausus ne produirait pas d'effets avant dix ans ! Mieux vaut un système de bourses pour attirer les étudiants en milieu rural : le Président de la République en a annoncé 400. La formation à travers les internats ruraux, les maisons pluridisciplinaires sont d'autres pistes. N'oublions pas que sur dix diplômés en médecine, un seul s'installe comme médecin libéral ! (M. Jean-Paul Emorine applaudit)

M. Claude Biwer.  - J'ai conscience que ces évolutions prendront du temps, mais elles répondent à des besoins manifestes. Les inquiétudes, les espoirs sont réels. Une meilleure équité dans la DGF serait bienvenue. Il faut souvent de longues années avant que les lois votées soient appliquées... Nous espérons une action rapide ! (Applaudissements sur les bancs UC)

M. François Fortassin.  - Monsieur le ministre, je vous donne acte d'avoir lancé les assises des territoires ruraux, qui ont rassemblé plus de 80 000 personnes, et dont le Président de la République a annoncé les principales préconisations à Morée : accessibilité améliorée des zones rurales, initiatives innovantes dans le transport individuel, développement économique, consommation de produits locaux et circuits courts, amélioration des services publics, soutien au très haut débit, modernisation des commerces et de l'artisanat, pour laquelle il est souvent difficile de mobiliser le Fisac. Une idée : on pourrait couvrir les parkings des supermarchés et les grands entrepôts de panneaux photovoltaïques, dont les bénéfices seraient reversés au Fisac départemental pour soutenir les commerces dans les bourgs ruraux.

Quels moyens comptez-vous mettre en oeuvre pour honorer ces engagements ? Faute de quoi, le discours du Président de la République n'aurait été qu'une brillante allocution à quelques semaines d'élections qui s'annoncent difficiles pour lui... (Applaudissements à gauche)

M. Michel Mercier, ministre.  - Merci d'avoir rappelé les ambitions du Président de la République pour le monde rural ! Je reçois tout à l'heure une entreprise qui pense s'installer dans l'un des départements les plus touchés par la crise, et qui fabrique précisément des panneaux photovoltaïques souples pour les toits d'usines et de grands magasins : vous aurez peut-être satisfaction !

Le Ciadt se réunira fin avril pour acter et financer un certain nombre de mesures. Nous avons l'obligation de réussir ! Certaines sont d'application immédiate, comme les pôles d'excellence rurale : 190 dossiers ont été déposés ! Les opérateurs de téléphonie mobile se sont engagés, sous l'autorité de l'Arcep, à couvrir toutes les zones rurales en 3G d'ici 2013. Le sénateur Maurey est par ailleurs chargé de faire des propositions, au-delà du grand emprunt, pour financer le très haut débit.

M. François Fortassin.  - Le ministre ne m'a que partiellement répondu... Pour équiper le territoire national en fibre optique, il faudrait tout le grand emprunt ! Je ne doute pas que M. Maurey fera preuve d'imagination...

M. Rémy Pointereau.  - L'avenir des territoires ruraux passe par des mesures nouvelles, mais aussi par l'amélioration des dispositifs existants. Les zones de revitalisation rurale (ZRR) contribuent depuis 1995 à créer de l'activité dans nos territoires grâce à des exonérations fiscales et sociales. Si nous voulons tous attirer des entreprises dans nos territoires, la priorité est d'abord de retenir les activités et les emplois existants. Or l'exonération fiscale sur les bénéfices en ZRR ne profite qu'aux entreprises nouvelles, définies de manière fort restrictive. Un jeune qui reprend une entreprise locale ne participerait-il pas à la revitalisation du territoire ? Un récent rapport des corps d'inspection de l'État propose ainsi d'étendre l'exonération fiscale à ceux qui reprennent une entreprise ou étendent son activité. Monsieur le ministre, vous avez montré votre capacité d'écoute dans le cadre des assises des territoires ruraux. Vous cherchiez des mesures de bon sens : je vous en fournis une ! (Applaudissements à droite)

M. Michel Mercier, ministre.  - Le dispositif des ZRR, qui coûte 400 millions par an en exonérations sociales et 100 millions en exonérations fiscales, peut en effet être amélioré. La transmission des entreprises est un sujet essentiel pour le maintien des artisans et des PME en zone rurale. Le Président de la République a confié à M. Novelli et à moi-même le soin de trouver une solution ; nous y travaillons avec le ministère de l'économie. Le Ciadt d'avril permettra d'avancer sur ce sujet essentiel.

M. Rémy Pointereau.  - Je suis satisfait de cette réponse. Il faut libérer les énergies dans nos territoires. La boîte à outils est là, mais il faut assouplir les dispositifs ! Les ZRR répondent à des besoins, mais souffrent d'un manque de notoriété. Une meilleure communication, ainsi qu'une évaluation, seraient facteurs de lisibilité.

Mme Josette Durrieu.  - L'espace rural, c'est 70 % du territoire, 14 millions d'habitants, 4 millions de foyers, un quart des emplois industriels. Comment assurer l'accès de tous au haut débit, qui est un enjeu majeur ? Sur les 4,5 milliards du Fonds national pour le numérique, seul un milliard sera consacré à l'espace rural peu dense : c'est très insuffisant ! La répartition ? 250 millions pour la desserte de 750 000 foyers en cinq ans ; 750 millions pour des projets d'initiative publique. Il faut bien distinguer desserte et collecte. Pour les Hautes-Pyrénées, nous avons signé la semaine dernière un contrat : 29 millions pour l'équipement et l'investissement ; coût global : 60 millions.

Dans quelle proportion l'État prend-il en charge la dépense pour la collecte et s'agira-t-il de prêts ou de subventions ? Comment l'intègrera-t-il dans les projets d'infrastructure engagés ? Quels seront les critères de sélection des projets par le Fonds national ? Quelle place sera donnée au numérique à l'école, à l'expérimentation, à la santé et la télémédecine, à l'information géographique ? Internet est un puissant levier économique, social et territorial. On n'a pas le droit de susciter de faux espoirs, on a l'obligation de satisfaire une demande légitime et de respecter un droit. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Michel Mercier, ministre.  - Merci de vos questions précises qui montrent votre grande connaissance du problème.

M. Simon Sutour.  - J'espère qu'il y en aura autant à mon égard.

M. Michel Mercier, ministre.  - Je vous écouterais volontiers tous et vous répondrais volontiers à tous mais le temps me manque et je suis sans cesse interrompu par M. Signé... (Sourires)

L'objectif du Gouvernement, c'est le très haut débit pour tous mais cela ne se fera pas en cinq minutes d'un coup de baguette magique. Dès juillet dernier, le Premier ministre a demandé aux préfets d'établir avec les élus locaux et les opérateurs des schémas de couverture numérique. Une aide de 3 millions a été accordée aux préfets pour bâtir ces schémas. Quant aux 750 millions du grand emprunt ils serviront à amorcer la pompe mais seront évidemment insuffisants. Nous sommes en phase de consultation avec les élus mais il est clair que nous voulons que les territoires ruraux soient desservis, non pas après les autres, mais en même temps que les autres et nous viendrons vous en parler régulièrement.

M. Michel Boutant.  - Il y a une réelle incompréhension entre le Gouvernement et le monde rural, sacrifié sur l'autel de la rentabilité. Comment, sans péréquation, la ressource fiscale de 20 % de la population pourrait-elle permettre d'équiper 80 % du territoire ? Alors, qu'en même temps, les collectivités du monde rural sont amenées à contribuer au financement de grands équipements nationaux comme les TGV... Vous scindez ainsi la France en deux parties dont l'une se contente de suivre le progrès de loin. Avec la réforme territoriale vous cassez son initiative, vous abandonnez et désespérez un monde rural déjà mis à mal par les crises du lait, des fruits et légumes et des prix agricoles en général. (Applaudissements à gauche)

M. Jacques Blanc.  - Je vous invite, au nom de ma Lozère, à organiser le prochain Ciadt dans ce territoire de montagne.

L'avenir des territoires ruraux est aussi conditionné par la politique européenne. Nous sommes dans la période clé où se prépare le budget d'après 2013. Le traité de Lisbonne avait fait de la cohésion territoriale une priorité. Comment cela se concrétisera-t-il dans ce budget ? Il est capital de réaffirmer l'exigence d'une politique prenant en compte non seulement les besoins des pays entrants mais aussi les disparités infrarégionales et les handicaps naturels dont souffrent certains territoires, notamment les zones de montagne.

A Saragosse, monsieur le ministre, vous avez rencontré vos homologues européens. Pouvez-vous réaffirmer la volonté de la France de défendre une politique de cohésion territoriale au niveau européen ? Dans le passé, l'Europe a eu une telle politique. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre. (Applaudissements sur certains bancs à droite)

M. Michel Mercier, ministre.  - Les fonds structurels sont importants pour la France et, même si elle est contributeur net, elle bénéficiera de ces fonds à hauteur de 14 milliards d'ici 2013. A Saragosse, nous avons affirmé la position française : toutes les régions doivent pouvoir bénéficier de ces fonds structurels. Les ministres des 27 pays se sont tous prononcés pour le maintien de la politique de cohésion territoriale et pour l'accès de toutes les régions aux fonds structurels. La politique territoriale est une ambition nouvelle en Europe, notamment pour les pays nordiques. Il nous faut maintenant la faire partager.

M. Jacques Blanc.  - Merci pour le combat que vous devez mener. La Lozère est prête à devenir le laboratoire expérimental d'un programme européen. Nous devons nous mobiliser, avec le Comité des régions d'Europe pour voir traduire dans le budget communautaire la volonté inscrite dans le traité de Lisbonne de faire de la politique de cohésion territoriale une chance pour le monde rural et les régions de montagne.

M. Simon Sutour.  - Quatorze milliards d'euros, dont 800 millions pour le Languedoc-Roussillon pour la période 2007-2013, voilà ce que les territoires français et en particulier les territoires les plus fragiles comme les zones rurales, risquent de perdre à partir de 2014 si l'on en croit le document non officiel de la Commission européenne qui préfigure les orientations du budget pour 2014-2020. Le détricotage des politiques communes est en marche, fonds de cohésion et politique agricole sont en grand danger.

Si pour l'heure aucun chiffre n'est avancé, il semble néanmoins que la Commission européenne présidée par M. Barroso, dont la nomination à un second mandat a été soutenue par le gouvernement français, liquide purement et simplement la politique régionale européenne et, par là même, le concept de cohésion économique, sociale et territoriale. En éliminant l'objectif « compétitivité régionale et emploi », elle propose, ni plus ni moins, de supprimer les fonds européens dans seize États membres sur 27, soit dans 200 régions sur 273. Il y a un paradoxe entre la consécration par le traité de Lisbonne du principe de cohésion territoriale et le fait que la Commission souhaite aujourd'hui renier ce principe fondamental dans les budgets qui permettent justement de financer cet objectif. Comment est-il possible pour les régions fragiles, en retard de développement, frappées par la crise ou en reconversion industrielle de « rattraper » leur retard et se remettre à niveau si elles ne sont pas justement aidées par le Feder, le FSE et le Feader ?

L'efficacité des fonds européens n'est plus à démontrer. Leur suppression agrandirait le fossé qui se creuse entre nos concitoyens et Bruxelles. La suppression de la politique de cohésion serait l'estocade portée aux territoires ruraux !

Le Gouvernement a-t-il conscience de ce danger ? Qu'attend-il pour agir ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Michel Mercier, ministre.  - Le document auquel vous faites allusion n'est pas officiel. Ce n'est donc pas un document, et c'est tant mieux.

Le gouvernement français, ni aucun autre, n'a pas demandé la suppression de la politique de cohésion territoriale. Le Gouvernement y est très attaché, y compris parce qu'il s'agit d'une des rares politiques européennes qui soit visible aux yeux de nos concitoyens. L'Europe est souvent décriée : là elle agit concrètement. Je suis allé à Saragosse affirmer notre volonté d'une politique de cohésion territoriale pour toutes les régions.

M. Simon Sutour.  - Au nom de la commission des affaires européennes, je suis allé avec Yann Gaillard voir le directeur du budget à Bruxelles. En réalité, tout dépend du pourcentage du PIB affecté à cette politique de cohésion. On en est à 1,13 % du PIB. Avec cela, on ne pourra rien faire ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. le président.  - Je vous remercie, monsieur le ministre (applaudissements à droite et au centre) d'avoir bien voulu répondre à ces questions qui seront retransmises sur France 3, tard dans la nuit... parce que nous sommes concurrencés par les Jeux olympiques.

La séance est suspendue à 17 h 45.

présidence de M. Jean-Claude Gaudin,vice-président

La séance reprend à 18 h 5.

Jeux d'argent et de hasard en ligne (Suite)

Discussion générale (Suite)

M. le président.  - Nous reprenons la discussion du projet de loi sur les jeux d'argent. J'ai été obligé de vous interrompre, monsieur le ministre, j'en suis désolé. Peut-être voudrez-vous achever votre intervention ?

M. Éric Woerth, ministre.  - J'avais à peu près tout dit : je continuerai en répondant aux motions de procédure.

La discussion générale est close.

Question préalable

M. le président.  - Motion n°163, présentée par M. Vera et les membres du groupe CRC-SPG.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne (n° 210, 2009-2010).

M. Thierry Foucaud.  - A compter du 11 juin, un événement sportif d'intérêt planétaire va se dérouler sans décalage horaire pour notre pays : la Coupe du monde de football, organisée pour la première fois en Afrique, sur les terrains sud africains. Dans cette perspective, il conviendrait d'adopter au plus vite une loi dont l'examen au Sénat n'a que trop tardé. Quitte à faire perdre son sens au droit parlementaire, notre rapporteur a dit souhaiter que l'Assemblée nationale adoptât conforme le texte du Sénat, en vue d'une promulgation avant le coup d'envoi du premier match de cette compétition.

Le problème est que ce texte mal ficelé est dangereux et semble ne constituer que le moyen pour quelques groupes financiers de réaliser de juteux bénéfices sans supporter trop de contraintes, alors que le secteur connaît une relative stagnation, le volume des enjeux ne progressant plus.

Nul ne saurait aller contre les vertueuses déclarations de principe que contiennent les premiers articles. Non, vendre du rêve et exploiter les illusions, ce n'est pas une activité ordinaire. Oui, la pratique du jeu peut conduire à l'addiction, peut menacer l'ordre public, peut contribuer au lessivage d'argent venu des trafics les plus divers. Ces remarques rappelleront à ceux qui ne l'auraient pas remarqué que certains des casinos les plus productifs sont situés à la frontière de pays où le secret bancaire le dispute à l'hypocrisie sur les dépôts opérés dans les établissements de crédit, entre Monaco, le Luxembourg et la Suisse.

Mais une fois rappelés ces grands principes, on se livre à l'un des exercices favoris de la loi française : oublier l'intérêt général au profit de certains intérêts particuliers. Pas de disposition relative à la mise en location, à titre onéreux, des actifs incorporels de nos grands clubs sportifs sans la volonté de quelques-uns de louer leur nom et leur image à quelque opérateur de paris sportifs en ligne. Pas de facilitation de la mise en place des jeux en ligne s'il n'y avait cette évidence, qui saute aux yeux au terme d'une promenade cybernétique sur les sites des principaux groupes casinotiers, que ces acteurs sont d'ores et déjà prêts pour le moment où cela sera pleinement autorisé. Ils ont déjà noué les alliances nécessaires à l'exploitation la plus rentable possible de cette nouvelle poule aux oeufs d'or. L'ouverture à la concurrence sera donc toute relative.

Le groupe Lucien Barrière s'est développé parce qu'il a obtenu l'autorisation d'exploiter des machines à sous, mais aussi parce qu'il a racheté les actifs et les casinos détenus par le groupe Accor. Le groupe Partouche a fait main basse sur la Compagnie européenne de casinos, avant de racheter les cinq établissements détenus par Didot Bottin. Voilà comment on construit deux groupes pesant chacun 30 % du marché.

L'ouverture à la concurrence des jeux d'argent et de hasard, le développement du poker virtuel, des courses de chevaux simulées et des paris sportifs à cote aurait une origine européenne, du côté du traité de Lisbonne, dernière mouture des textes fondateurs. Une fois encore, au motif que notre pays a ratifié ce texte -sans consultation de la population et même en effaçant dans un Congrès vite expédié le vote du 29 mai 2005-, nous devrions nous plier à l'application pleine et entière du sacro-saint principe de la « concurrence libre et non faussée », dont les contours sont précisés par l'article 49 du traité de l'Union consolidé, relatif à la liberté d'établissement.

Pour autant, l'Europe prévoit, à l'article 52 dudit traité, une exception à ce principe qui autorise les États membres à s'opposer, entre autres, à la publicité pour l'alcool et le tabac -d'où l'euro-compatibilité de la loi Evin- et à l'établissement d'une entreprise étrangère « pour des raisons d'ordre public, de sécurité publique ou de santé publique ». Avec l'ouverture à la concurrence des jeux, nous sommes en plein coeur du sujet ! Pour acheter du rêve, certains sont prêts à tout, ce qui cause des problèmes bien réels pour leur entourage. Si la législation européenne avance vers l'indépassable horizon radieux de la concurrence libre et non faussée à coups de directives et de sommets, elle progresse également avec la jurisprudence de la Cour européenne de justice qui s'est enrichie, depuis que ce projet de loi a été déposé à l'Assemblée nationale, de l'arrêt Santa Casa da Misericordia relatif aux jeux et paris au Portugal. Des opérateurs de paris sportifs, attirés par le marché juteux des paris sur les matchs de football si populaires de la Liga Portuguesa, avaient attaqué les droits exclusifs de Santa Casa, une institution d'origine religieuse créée au XVIIe siècle pour financer des oeuvres charitables. La Cour de justice, dans sa décision du 8 septembre dernier, leur a donné tort en affirmant qu'un État peut refuser l'installation d'un opérateur en matière de jeux de hasard et d'argent et, d'autant plus, si ceux-ci sont en ligne, et qu'il peut faire obstacle à cet opérateur, soit parce que ce dernier est installé dans un autre pays de l'Union ou présent par le biais d'une succursale, soit parce que son installation serait contraire à l'intérêt public. Or Santa Casa finance, au Portugal, des orphelinats, des hôpitaux, des établissements pour handicapés ; de même la loterie nationale, en Espagne, est organisée au profit des aveugles. La France peut faire valoir que les loteries, qui ont été organisées pour la construction de l'église Saint-Sulpice et du Panthéon, financent aujourd'hui les Hôpitaux de Paris, l'adduction d'eau en milieu rural, l'élevage des chevaux de course sans oublier le développement des pratiques sportives.

Au vu des derniers chiffres de la Française des Jeux, du PMU et des casinos, l'ouverture à la concurrence risque de ne pas se traduire par l'augmentation des mises mais par une redistribution des cartes entre opérateurs, sans doute au détriment de l'équilibre du secteur économique. A la vérité, la dématérialisation des transactions entraînera celle des emplois, depuis les éleveurs jusqu'aux Points Courses du PMU, derniers commerces de nos villages ruraux. Les risques sont réels pour l'ensemble des activités liées aux droits exclusifs, notamment le développement de la pratique sportive. On dit que le jeu virtuel va attirer une nouvelle clientèle, les 18 à 40 ans, et que la loi permettra de faire le ménage dans l'offre illégale. Pour nous, cette loi n'a d'autre but que de complaire à certains intérêts financiers, à quelques personnalités choisies en haut lieu. Ne bouleversons pas un système pour un autre qui présente moins d'avantages pour la collectivité !

M. François Trucy, rapporteur.  - Pour la commission, les jeux, n'étant pas une activité comme les autres, doivent faire l'objet d'une surveillance particulière, difficile, coûteuse mais indispensable. (« Très bien ! » à droite) Croyez-vous que le système actuel soit parfait ? Nous en avons réclamé la réforme en 2002, puis en 2006. La commission, dans sa majorité, pense que ce texte protégera mieux non seulement les accidentés du jeu, dont le groupe CRC semble ignorer la fragilité devant les jeux en ligne, avec le fichier des interdits de jeu, opérationnel dès le premier jour de l'ouverture à la concurrence, mais aussi les mineurs si à l'aise pour contourner les interdictions parentales sur la toile. Monsieur Foucaud, comment pouvez-vous supporter la multiplication des sites illégaux qui ne respectent rien ?

Il est temps d'encadrer et de moraliser le secteur des jeux en ligne ; il serait inacceptable que le Parlement se dérobe. Le groupe socialiste lui-même, par la voix de M. Marc, reconnaît qu'il faut faire quelque chose. La majorité de la commission des finances, convaincue de la nécessité de ce projet de loi, vous invite à rejeter la motion. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Éric Woerth, ministre.  - Je suis de l'avis du rapporteur : il est urgent d'agir. Pourquoi avoir peur ? La situation est devenue intolérable, et tous les pays s'y attaquent : certains ont interdit les jeux en ligne, sans succès, d'autres ont choisi le laisser-faire, ce qui n'est guère satisfaisant. Nous avons voulu élaborer un texte pondéré, qui libéralise le secteur tout en le réglementant. Bientôt, d'importantes manifestations sportives draineront beaucoup d'argent, comme récemment certains tournois de tennis et matchs de football. Plusieurs pays ont déjà cédé aux pressions qui s'exercent de toute part. La France a tenu à faire respecter ses lois, mais il est temps de les faire évoluer. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Thierry Foucaud.  - Naturellement il faut faire quelque chose : nous y reviendrons au cours de la discussion. Mais ce texte ne nous convient pas.

La motion n°163 n'est pas adoptée.

Renvoi en commission

M. le président. - Motion n°32, présentée par M. Marc et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la Commission des finances le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne (n° 210, 2009-2010).

M. Claude Bérit-Débat.  - Les jeux d'argent en ligne sont un sujet complexe, qui nous force à nous interroger sur la définition du jeu et sa légalité, sur la conception de l'intérêt général qui est la nôtre, sur la dimension morale de l'action publique, sur les moyens de lutter contre l'addiction, mais aussi sur le financement du sport. Toute nouvelle loi devrait être soigneusement pesée. Pourtant on a l'impression que les jeux sont faits : 5 000 sites illégaux sont d'ores et déjà accessibles, des millions de Français les fréquentent, le montant des mises s'élève à plus de 2 milliards d'euros et connaîtra dans les années à venir une croissance à deux chiffres. Peut-on se priver de cette manne ? Il faudrait donc se résoudre à l'inévitable, et ouvrir le secteur à la concurrence pour mieux le réguler. Le Parlement, en l'occurrence, apparaît comme un empêcheur de tourner en rond...

Le pragmatisme dont se prévaut le Gouvernement, c'est le renoncement de l'État à exercer ses missions fondamentales, au nom d'intérêts économiques. Ce projet de loi élaboré dans la précipitation comporte bien des zones d'ombre, ce qui justifie son renvoi en commission.

La situation actuelle est ubuesque : les jeux en ligne sont interdits, mais des millions de Français s'y adonnent impunément. La perspective de la Coupe du monde de football aiguise les appétits. Les opérateurs ont bien de la chance, car pour leur complaire l'État revient sur un principe historique du droit français : alors qu'auparavant l'interdiction du jeu était le principe et son autorisation l'exception, l'inverse sera désormais vrai. La résignation du Gouvernement face à l'évolution de la société et des techniques a de quoi surprendre : il s'est montré beaucoup plus volontariste et coercitif à l'occasion de la loi Hadopi !

L'Europe imposait-elle un changement de notre réglementation ? Non. La CJCE a rappelé dans son arrêt Santa Casa qu'un monopole ne pouvait être établi qu'en vue de l'intérêt général, de manière proportionnée et non discriminatoire : cette jurisprudence n'impose pas de mettre fin au monopole de la Française des Jeux et du PMU, mais de le justifier.

Le Gouvernement prétend lutter contre l'addiction. Mais la libéralisation du secteur provoquera l'augmentation de l'offre, et encouragera par conséquent le jeu. Est-ce vraiment conforme à l'intérêt général ? Le Gouvernement l'affirme, avec un certain dogmatisme car les quelques garde-fous paraissent bien insuffisants pour empêcher le développement de la dépendance. Il eût été possible au contraire d'étendre les monopoles au secteur des jeux en ligne.

Nous ne disposons même pas d'une véritable étude d'impact, contrairement à ce qu'impose la Constitution. J'y vois un nouveau signe de la précipitation avec laquelle ce texte a été rédigé. Ses effets, il est vrai, sont prévisibles : hausse des profits pour les uns, désastre pour les autres...

Encore une fois, la libéralisation produira une augmentation mécanique et massive des addictions. Or les moyens de lutte contre ce phénomène sont insuffisants : une fenêtre d'avertissement sur un écran ne suffit pas à dissuader un « accro »... Le projet de loi limite le montant des mises, pas leur fréquence. Le Gouvernement n'a prévu que des réponses a posteriori, au lieu d'élaborer des solutions a priori propres à empêcher les Français de tomber dans l'engrenage du jeu. Aucune étude approfondie n'a été menée à ce sujet. La somme versée à l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé n'est qu'une goutte d'eau par rapport au montant des profits prévisibles. L'addiction a pourtant un coût social !

Le modèle économique des jeux en ligne est d'une efficacité redoutable : le contrôle exercé par quelques opérateurs sur la télévision, la publicité et les jeux en ligne fait craindre un véritable conditionnement des esprits. Le Gouvernement prendra peut-être la mesure du danger quand il apprendra qu'en Australie, le coût de la prise en charge des addictions est supérieur aux recettes fiscales !

Pour ne pas pénaliser les opérateurs, le Gouvernement ne veut pas soumettre les jeux en ligne au même niveau de fiscalité que les jeux en dur. Or l'essor des premiers devrait entraîner un effondrement de 2 milliards d'euros des recettes tirées des seconds. Pour compenser cette perte, le Gouvernement compte sur l'effet volume : il aura tout intérêt à ce que les Français jouent toujours plus...

Quant à l'Arjel, son coût annuel de fonctionnement est estimé par la commission des finances à 10 millions d'euros alors que la baisse des prélèvements sur la Française des Jeux et le PMU représentera 5 millions. Pour que l'Arjel soit financée, il faudra donc soit que le contribuable paie de sa poche, soit que les Français jouent davantage. C'est surréaliste !

La définition des jeux de cercle qui figure dans le projet de loi est trop large et pourrait s'appliquer à d'autres jeux que le poker. Est-ce à dire que le Gouvernement prévoit d'autoriser tous les jeux de cercle en ligne dans un avenir proche ?

Intéressons-nous maintenant au financement du sport amateur. La CNDS devait être dotée en 2010 d'un budget de 227 millions d'euros, dont la majeure partie devait provenir du prélèvement hors paris sur la Française des Jeux.

Le basculement du jeu physique vers internet réduira mécaniquement de moitié ce montant. Pour rester à niveau constant, il faudra donc plus de joueurs en ligne pour financer le sport amateur, alors qu'il a besoin de mesures de financement solides et moralement acceptables.

Il y aura inégalité entre les petits et les gros clubs, et inégalité aussi entre petites et grosses fédérations. Les grands clubs de football et de rugby accapareront la manne.

Enfin, le texte consacre une pratique tout à fait pernicieuse : les crédits extrabudgétaires. Le Centre des monuments nationaux sera ainsi doté d'un prélèvement sur les jeux de 10 millions. La commission de la culture s'en réjouit. Hier, les crédits extrabudgétaires étaient prévus pour le sport, aujourd'hui pour la culture et le patrimoine. A qui le tour, demain ?

On comprend mieux pourquoi le Gouvernement veut aller vite : certes, il y a des impératifs tels que la Coupe du monde. Mais il y a aussi d'autres raisons. Condamné à aller vite, le Parlement n'aura pas le temps de corriger tous les défauts de ce texte. J'ai commencé cette intervention en disant que le Parlement était l'empêcheur de tourner en rond des paris en ligne. Or, en tant que législateurs, nous devons agir de manière responsable. Le Sénat ne doit pas être mis devant le fait accompli : au Gouvernement de prouver le bien-fondé de ses choix. Nous sommes loin du compte. C'est pourquoi je demande le renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs socialistes. M. Bernard Vera applaudit aussi)

M. François Trucy, rapporteur.  - Je suis atterré par les propos de M. Bérit-Débat. J'ai bien noté que seule la commission des finances du Sénat aurait mal travaillé, contrairement aux commissions des affaires sociales et de la culture.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Nous avons pourtant beaucoup moins bien travaillé que vous ! (Sourires)

M. François Trucy, rapporteur.  - Je veux pourtant vous apporter certaines preuves de notre bonne volonté, si ce n'est de notre talent : les 136 auditions que j'ai menées ont sans doute été insuffisantes. D'ailleurs, M. Marc estime dans l'objet de la motion que les auditions n'ont pas eu lieu. Eh bien si, 300 personnes ont été auditionnées, mais sans doute pour rien et 400 heures auront été ainsi perdues en vain. Quel gaspillage ! Les enquêtes et expertises menées l'auront été en pure perte. Les interminables séances de travail avec les ministères n'ont servi à rien. Ridicules, les deux volumes du rapport de la commission des finances ! Un renvoi en commission signifierait aussi qu'à côté du travail insuffisant du rapporteur, la commission des finances n'aurait pas non plus rempli ses obligations et pas su défendre son point de vue face au Gouvernement. Aucun de ses 65 amendements n'avait la moindre utilité...

Mais, au fait, quel a été le comportement du groupe socialiste ? A-t-il participé aux travaux de la commission ? Il a refusé de présenter ses amendements devant elle, préférant les réserver à la séance publique. Mme Bricq a expliqué que présenter des amendements en commission était un piège. Défendre ses opinions, c'est tomber dans un piège ? Affronter la discussion serait un piège ? Par son attitude, le groupe socialiste a perdu une chance d'améliorer le travail en commission, celui qui compte le plus puisqu'il est exempt des effets de manche réservés à la séance publique.

Lorsque nous avons examiné les 58 articles en commission, nous avons eu 58 silences du groupe socialiste.

Devant la commission, M. Marc a dit : « Il y a dans ce texte, sans doute nécessaire, un certain nombre de dispositions qui sont aujourd'hui nécessaires du fait que l'internet a ouvert complètement le champ ». Il a encore dit : « Oui pour la protection accrue, pour la sauvegarde apportée en matière de santé publique et de lutte contre l'addiction ». Mais alors, nous sommes d'accord ! Pourquoi ne pas en discuter ? Où voyez-vous cette libéralisation de l'accès aux jeux que vous dénoncez ? Croyez-vous vraiment que les activités de la Française des Jeux et du PMU n'entrent pas dans le champ du libéralisme ?

Ce projet de loi veut en revanche mettre un terme à la jungle illégale qui s'est développée. M. Marc estime enfin que « les opérateurs ne seront pas toujours très regardants sur les questions d'ordre public ». Il a raison, mais le texte encadre strictement les activités de ces opérateurs.

Votre attitude est tactique et elle n'a pas grand-chose à voir avec le texte. Parce qu'elle estime que le travail en amont a été correctement effectué et qu'il est indispensable d'en débattre, la commission vous demande donc de rejeter cette motion. (Applaudissements à droite)

M. Éric Woerth, ministre.  - Même avis.

La motion de renvoi en commission n°32 n'est pas adoptée.

Discussion des articles

Article premier A

Les jeux d'argent et de hasard ne sont ni un commerce ordinaire, ni un service ordinaire ; dans le respect du principe de subsidiarité, ils doivent faire l'objet d'un encadrement strict au regard des enjeux d'ordre public, de sécurité publique et de protection de la santé.

L'amendement n°153 rectifié bis n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°49, présenté par M. Marc et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après les mots :

service ordinaire

insérer une phrase ainsi rédigée :

. Leur organisation est confiée, par l'État, à des personnes morales titulaires de droits exclusifs en matière d'offre publique de jeux et de paris, conformément aux dispositions de l'article 5 de la loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux, de l'article 136 de la loi du 31 mai 1933 portant fixation du budget général de l'exercice 1933 et de l'article 42 de la loi n°84-1208 du 29 décembre 1984 de finances pour 1985.

M. François Marc.  - Comme je viens d'être cité par M. le rapporteur, je veux lui dire qu'aucune étude d'impact n'a été menée. Nous sommes dans le flou le plus total et je lui répondrai tout à l'heure.

Le monopole a constitué la garantie la plus efficace contre toute dérive de blanchiment, de corruption ou de concurrence déloyale. Récemment la décision Santa Casa da Misericordia de Lisboa de la Cour de justice des communautés européennes a permis d'éclairer en partie les États membres sur la possibilité qui pouvait leur être accordée de maintenir, au nom de l'application du principe de subsidiarité, un monopole pour les jeux et paris, même en ligne. Nous reprenons cette jurisprudence qui autorise le législateur français à étendre le monopole d'État aux jeux sur internet. Cette solution garantirait au mieux l'intérêt général, la protection des citoyens et les impératifs de santé publique.

Alors que nous avons sans cesse dénoncé l'existence de sites illégaux, nous nous apprêtons à leur octroyer une base légale au nom de la libre concurrence en faisant fi des objectifs d'ordre public que le législateur devrait toujours garder à l'esprit.

Nous souhaitons confier l'organisation des jeux et paris en ligne et en dur à la Française des Jeux et au PMU qui ont fait leurs preuves. Il est surprenant de laisser des sociétés gagner énormément d'argent en exploitant justement ces savoirs-faires élaborés au fil des ans par ces deux organismes dotés de droits exclusifs, phénomène qui s'apparente à une pratique de concurrence abusive.

La situation qui prévaut en Europe nous conduit à considérer que tout est possible, puisque les États ont des pratiques extrêmement différentes en ce domaine.

Enfin, M. Barnier, nouveau commissaire au marché intérieur, a récemment déclaré que d'ici la fin de l'année il y aurait un texte d'orientation européen sur les jeux en ligne. Il serait souhaitable d'attendre ce texte.

M. le président.  - Amendement n°164, présenté par M. Trucy, au nom de la commission des finances.

Remplacer les mots :

doivent faire l'objet

par les mots :

font l'objet

M. François Trucy, rapporteur.  - Amélioration rédactionnelle : il convient d'employer l'indicatif législatif à valeur impérative. M. Charasse proposait le même amendement tout à l'heure, mais il n'a malheureusement pas pu le défendre car il a d'autres occupations. (Sourires)

M. le président.  - Amendement n°50, présenté par M. Marc et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par les mots :

et des mineurs

M. Jean-Jacques Lozach.  - A défaut d'être entendus, nous proposons cet amendement de repli pour rappeler un des objectifs de l'encadrement des jeux d'argent et de hasard : il est indispensable de faire référence à la protection des mineurs.

Les jeunes, surtout les garçons, sont attirés par certains jeux, notamment le poker, qui sont sources d'addiction, surtout lorsqu'ils sont livrés à eux-mêmes face à un écran. Ils perdent alors toute notion du temps et du monde réel.

Les mineurs constituent l'une des cibles privilégiées des publicités, très agressives, pour ce type de jeux. Ainsi, les opérateurs proposent, en guise d'appel, une première mise gratuite.

Certaines associations luttant contre les addictions aux jeux ou de protection de l'enfance face aux nouveaux médias nous ont indiqué que des enfants jouaient souvent dès l'âge de 13 ans et que leurs parents en prenaient conscience trop tard.

Le phénomène est en train de s'amplifier avec les jeux en ligne comme le poker en ligne valorisé par les people !

M. le président.  - Amendement n°112, présenté par M. Vera et les membres du groupe CRC-SPG.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

En conséquence, un monopole public est chargé de l'exploitation des jeux donnant lieu à des paris d'argent.

M. Bernard Vera.  - En application du principe de subsidiarité, la France peut retenir les règles les plus strictes et les plus protectrices. La jurisprudence européenne le permet. Nous ne sommes pas obligés de subir sans broncher l'ouverture à la concurrence... sauf si nous voulons voir tarir les financements du sport de masse, de l'adduction d'eau, de l'élevage équin, etc. Amputer les recettes des casinos obligera aussi les collectivités à augmenter les prélèvements fiscaux.

Comme il est de tradition que les impôts sur les jeux financent des services d'intérêt général, il faut réaffirmer le monopole sur cette activité.

M. François Trucy, rapporteur.  - Les amendements n°s49 et 112 sont comparables. Il est réconfortant d'entendre dire autant de bien de l'église catholique portugaise, c'est une preuve d'ouverture d'esprit de la part de nos collègues... Entendre dire autant de bien des monopoles est rare également. Ou peut-être ai-je vieilli en perdant le contact avec les réalités économiques dans notre pays ? (On se récrie à droite) Quant à la mention de la protection des mineurs, pourquoi pas ? Qu'en pense le Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre.  - Nous nous sommes posé la question d'une régulation par le monopole. Mais la solution n'est pas juridiquement très sûre... Je rappelle aussi que Santa Casa est un cas très particulier et que les deux tiers des jeux en ligne au Portugal se font sur des sites illégaux.

Croire qu'il suffit de prohiber les sites illégaux, c'est ignorer la puissance des opérateurs et de l'activité sur internet. Les Allemands ont interdit totalement les jeux d'argent en ligne, or il y en a autant qu'ailleurs. Les Italiens ont régulé cette activité et 95 % des jeux en ligne se font sous la protection de la loi, de l'ordre moral, social, républicain. Revenir au monopole est une fausse bonne idée. Défavorable aux amendements n°s49 et 112. Avis favorable aux n°s164 et 50.

M. Claude Bérit-Débat.  - Le rapporteur ironise... Heureusement que M. le ministre est plus ouvert au débat.

Il ne s'agit pas de nous arc-bouter en toutes circonstances au monopole : la concurrence est une réalité et si nous voulions l'oublier, la Commission européenne se chargerait de nous la rappeler. Mais le jeu n'est pas un secteur comme les autres. Le problème n'est pas d'être pour ou contre la concurrence mais de faire respecter l'ordre public et l'intérêt de nos concitoyens. Et de ce point de vue, on ne saurait prétendre que des opérateurs privés surveillés par une autorité valent mieux qu'un monopole, car celui-ci comporte d'autres obligations que purement économiques. On peut répondre que Santa Casa est un cas particulier ; mais cet exemple prouve que le monopole est possible, lorsqu'il est justifié.

Le ministre a une position cohérente : dès lors que l'État favorise le développement des jeux parce qu'il y gagne des rentrées fiscales, le monopole ne lui semble pas nécessaire... Mais on peut avoir une autre conception de l'intérêt général. Et on peut refuser la société de casino qui se profile. Le monopole est précisément le moyen de réaliser d'autres ambitions.

M. Bernard Vera.  - Je suis convaincu que les Français ont beaucoup plus à perdre qu'à gagner à l'ouverture à la concurrence. L'argument selon lequel il est illusoire de prétendre poursuivre les contrevenants sur internet ne vaut pas. Il vise seulement à légitimer votre objectif d'offrir un cadre légal souple aux opérateurs, en échange de recettes fiscales complémentaires, qui favoriseront la débudgétisation dans les futures lois de finances. Votre opposition au monopole n'a d'autre motivation. Et tant pis si l'emploi dans le secteur hippique ou la restauration doit en souffrir. Les sommes que les Français parient ont atteint un palier. Favoriser les jeux en ligne, c'est organiser la captation du volume qui va au secteur institutionnel des jeux.

L'amendement n°49 n'est pas adopté.

L'amendement n°164 est adopté, ainsi que le n°50.

L'amendement n°112 n'est pas adopté.

L'article premier A, modifié, est adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.

Après l'article 1er A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Est un jeu de hasard un jeu, payant ou gratuit, où le hasard prédomine sur l'habileté et les combinaisons de l'intelligence pour l'obtention du gain.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Il faut donner ici une définition légale des jeux de hasard, afin d'éviter qu'échappent à la régulation les multiples loteries qui se présentent comme des jeux d'intelligence. Je rectifie l'amendement pour en retirer les mots « ou gratuit ».

L'amendement n°1 rectifié, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°93, présenté par M. Marc et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement présente, dans les plus brefs délais, une étude d'impact du présent projet de loi relatif à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne.

M. François Marc.  - Il s'agit d'un secteur d'activité très particulier. Modifier ses équilibres n'est pas anodin. Le monopole se justifie par des nécessités d'ordre public et social.

Il faut donc évaluer les conséquences de ce texte pour la protection des mineurs, la prévention de l'addiction, la lutte contre le blanchiment d'argent et la fraude fiscale. Il en va de même pour les conséquences sur les recettes fiscales ou sociales.

J'ajoute qu'une étude d'impact doit obligatoirement être jointe à tout projet de loi depuis le 1er septembre 2009, même si je sais que le présent texte est antérieur à cette date,.

L'étude d'impact doit exposer l'articulation du texte avec le droit européen, décrire ses modalités d'application dans le temps, exposer les conditions d'application aux collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution, mais aussi évaluer conséquences économiques, financières, sociales et environnementales, ainsi que les coûts et bénéfices financiers attendus pour chaque catégorie d'administration publique. Enfin, doivent y figurer les consultations menées avant la saisine du Conseil d'État.

Dommage que rien de tel ne nous ait été présenté.

La semaine dernière, nous avons voté un collectif où il était précisé que le déficit de l'État s'établirait à 150 milliards d'euros : record battu ! Or le présent texte supprime des recettes pour 2 milliards d'euros sur 5,5 milliards ! Et nul ne peut dire comment compenser ce manque à gagner. Cet argument financier suffirait à légitimer une demande d'étude d'impact, qui mettrait fin à une grave lacune.

M. François Trucy, rapporteur.  - C'est un sujet important.

Le principe des études d'impact a été introduit par la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, mais il a été rendu applicable par la loi organique du 15 avril 2009, alors que ce projet de loi a été transmis le 30 mars à l'Assemblée nationale.

Sur le fond, la commission des finances réagit en fonction de la clause de revoyure.

Mme Nicole Bricq.  - C'est à la mode !

M. François Trucy, rapporteur.  - Lorsqu'elle est présentée à l'appui d'un projet de loi, l'étude d'impact dresse l'état des lieux. En l'occurrence, tout figure dans le rapport.

M. Éric Woerth, ministre.  - Bien que ce projet de loi ne soit pas soumis à la loi organique relative aux études d'impact, il a fait l'objet d'un travail extrêmement approfondi. Nous avons rencontré des opérateurs et les responsables du secteur du monopole, les associations familiales et les médecins spécialistes des addictions. Nous nous sommes intéressés à ce qui se faisait à l'étranger. Nous avons rencontré des représentants du casino et de la filière équestre.

A en juger par les réactions des uns et des autres, il semble que nous soyons arrivés à un équilibre satisfaisant.

Tout cela fait l'objet d'une analyse très circonstanciée.

Un rendez-vous est prévu dans dix-huit mois, pour rectifier d'éventuelles erreurs.

Il me semble que vous devriez avoir satisfaction quant au sérieux du travail.

M. François Marc.  - Je tiens à rassurer le ministre et le rapporteur : nous ne mettons pas en cause l'analyse de la situation présente et passée, mais il y a suffisamment d'éléments nouveaux et de points d'interrogation sur l'avenir des jeux en ligne pour que le Parlement prenne le temps de la réflexion avant de faire évoluer la législation en ce domaine pas comme les autres.

Aujourd'hui, on nous presse d'aller vite en raison de la Coupe du monde de football !

M. Philippe Marini.  - Il faut éviter l'évasion fiscale !

M. François Marc.  - M. Barnier, un commissaire européen que vous connaissez bien, doit présenter un texte d'orientation d'ici la fin de l'année. Le projet de loi sera-t-il dans les clous ?

D'autre part, comment assurer l'équilibre financier global ? C'est un sujet grave !

Enfin, j'ai cité les divers éléments que doit comporter une étude d'impact. J'ajoute que selon le Pr Mark Griffiths, qui enseigne à l'université Nottingham Trent, la proportion de personnes addictives passe de 0,5 % à 5 % des joueurs lorsque le jeu est en ligne. Par précaution, nous devrions aborder le sujet avec beaucoup de précautions, surtout en pensant aux gens modestes : ce sont eux qui jouent le plus.

M. Éric Woerth, ministre.  - L'Europe ne va pas proposer de texte d'ici la fin de l'année, car Bruxelles étudie la situation -parfois intenable !- qui prévaut dans les États membres. Pour l'instant, il n'y a aucun accord sur les grandes lignes d'un texte européen.

Par ailleurs, les jeux en ligne existent déjà. Nous n'allons donc créer aucune addiction supplémentaire. Au contraire, la légalisation permettra une certaine maîtrise. Le monopole légal actuel est concurrencé par des jeux illégaux en ligne que nous voulons réguler, car l'addiction est bien pire dans ce cas.

L'amendement n°93 n'est pas adopté.

La séance est suspendue à 19 h 30.

présidence de M. Bernard Frimat,vice-président

La séance reprend à 21 h 30.

M. le président.  - Nous poursuivons l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne. Nous en sommes parvenus à l'article premier.

Article premier

I.  -  La politique de l'Etat en matière de jeux d'argent et de hasard a pour objectif de limiter et d'encadrer l'offre et la consommation des jeux et d'en contrôler l'exploitation afin de :

1° Prévenir les phénomènes d'addiction et de protéger les mineurs ;

2 ° Assurer l'intégrité, la fiabilité et la transparence des opérations de jeu ;

3° Prévenir les activités frauduleuses ou criminelles ainsi que le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ;

4° Veiller au développement équilibré et équitable des différents types de jeu afin d'éviter toute déstabilisation économique des filières concernées.

II.  -  (Non modifié) Compte tenu des risques d'atteinte à l'ordre public et à l'ordre social, l'exploitation des jeux d'argent et de hasard est placée sous un régime de droits exclusifs délivrés par l'Etat.

Pour les mêmes motifs, sont soumis à un régime d'agrément, dans les conditions prévues par la présente loi, les jeux et les paris en ligne qui font appel au savoir-faire des joueurs et, s'agissant des jeux, font intervenir simultanément plusieurs joueurs.

III. - 1° Il est institué auprès du Premier ministre un comité consultatif des jeux ayant compétence sur l'ensemble des jeux d'argent et de hasard. Il est chargé de centraliser les informations en provenance des autorités de contrôle et des opérateurs de jeux, d'assurer la cohérence de la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard au regard des objectifs généraux mentionnés au I et d'émettre des avis sur l'ensemble des questions relatives à ce secteur et sur l'information du public concernant les dangers du jeu excessif.

2° Le comité comprend un collège composé de dix-neuf membres dont le secrétariat est assuré par les services du Premier ministre. Il est présidé par un membre du Parlement.

Il comprend également un observatoire des jeux composé de huit membres, et deux commissions consultatives dont les membres peuvent être membres du collège. Ces deux commissions sont chargées de mettre en oeuvre, respectivement, la politique d'encadrement des jeux de cercles et de casinos et celle des jeux et paris sous droits exclusifs.

3° Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions de désignation des membres des différentes formations du comité et définit leurs modalités de saisine, d'organisation et de fonctionnement.

M. le président.  - Amendement n°40, présenté par Mme Payet et MM. Détraigne et Merceron.

Alinéa 1

Remplacer les mots :

et la consommation

par les mots :

, la consommation et la publicité

Mme Anne-Marie Payet.  - Je propose que la politique de l'État, en plus de limiter et d'encadrer l'offre et la consommation de jeux d'argent et de hasard, vise à en limiter la publicité. On estime que 30 millions de nos compatriotes ont tenté leur chance à ces jeux en 2006, les encours sont passés de 98 millions en 1960 à 37 milliards aujourd'hui, les mises auraient bondi de 77 % en sept ans pour la Française des Jeux, de 91 % pour le PMU sur les hippodromes et de 75 % dans les casinos : la publicité n'y est pas pour rien ! Or, l'excès de jeux d'argent et de hasard peut entraîner de la paupérisation, du surendettement, des problèmes familiaux, des divorces, de l'addiction à l'alcool et aux drogues. Les jeux sur internet sont nocifs et ils provoquent une addiction plus forte, car il est plus facile et plus confortable d'y jouer chez soi qu'en public. En France, entre 400 000 et 800 000 personnes joueraient sur internet, c'est considérable !

Nous vous proposons, en conséquence, que l'État limite la publicité pour les jeux d'argent et de hasard. Ce serait préférable à des formules du type « jouez avec modération » ou « l'abus de jeux est dangereux pour la santé », dont on sait déjà l'inefficacité !

M. François Trucy, rapporteur.  - Nous connaissons votre combat contre l'addiction à l'alcool, madame Payet, et nous partageons votre souci légitime de limiter les jeux d'argent et de hasard. Votre amendement est-il utile pour autant ? L'article 4 bis vous donne en fait satisfaction, puisqu'il encadre précisément le recours à la « communication commerciale », expression utilisée par ce texte à la place du vocable de publicité. Retrait, sinon rejet.

M. Éric Woerth, ministre.  - Nous partageons votre objectif, madame la sénatrice, et l'article 4 bis répond à vos préoccupations. J'ai demandé un rapport au CSA sur la question de la publicité ; l'encadrement prévu est très strict.

Mme Anne-Marie Payet.  - Je maintiens cependant mon amendement, l'État doit s'occuper de la publicité, il est important de l'écrire dans la loi.

M. François Marc.  - Cet amendement va dans le bons sens. Les jeux vont se développer considérablement grâce à la libéralisation, les addictions avec ! On parle de 30 à 50 opérateurs, la concurrence sera très vive et on estime que le montant de la publicité pour les jeux atteindrait 200 millions par an : c'est considérable. Cette déferlante va peser sur les comportements, en particulier des jeunes, et il faut encadrer la publicité le plus strictement possible : nous voterons cet amendement.

M. Éric Woerth, ministre.  - Cet amendement ne pose qu'un principe général. Ce qui compte, c'est le dispositif d'encadrement de la publicité : l'article 4 bis est très précis en la matière ! Vous avez satisfaction !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Je pense également que votre amendement est satisfait, ma chère collègue, aussi bien par l'article 4 bis que par le premier alinéa de l'article que nous examinons : la politique de l'État vise à limiter et à encadrer l'offre et la consommation des jeux, et la publicité en fait partie ! Les opérateurs historiques feraient d'ailleurs bien de calmer leurs ardeurs dans ce domaine.

M. Claude Bérit-Débat.  - Si, comme vous le dites, l'encadrement de l'offre et de la consommation des jeux inclut la publicité, pourquoi ne pas le dire ? Cet amendement est utile !

Mme Anne-Marie Payet.  - Je ne comprends pas ce qui gêne la commission et le Gouvernement : si le premier alinéa vise la publicité, pourquoi ne pas l'écrire ?

M. Éric Woerth, ministre.  - Je ne suis pas gêné, mais soucieux de bien écrire la loi. Or l'objectif de ce texte n'est pas d'encadrer la publicité sur les jeux, mais d'ouvrir le marché des jeux, et la publicité est un moyen de cette ouverture, qui se trouve encadré par l'article 4 bis.

L'amendement n°40 n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°2, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.

Alinéa 2

Remplacer les mots :

les phénomènes d'addiction

par les mots :

le jeu excessif ou pathologique

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Limiter la prévention aux phénomènes d'addiction, c'est intervenir seulement dans la phase pathologique de dépendance, alors que la prévention doit commencer dès l'apparition du jeu excessif.

Il faut distinguer l'assuétude, qui n'est pas encore pathologique, de l'addiction, où l'on a dépassé le stade de la prévention ! Selon l'Inserm, la part de la « mauvaise habitude » serait deux à cinq fois supérieure à celle du jeu pathologique.

M. le président.  - Amendement n°94, présenté par M. Marc et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2

Remplacer les mots :

d'addiction

par les mots :

de jeu problématique, d'addiction, de co-vulnérabilité

M. Jean-Jacques Lozach.  - Le jeu problématique précède l'addiction : la fréquence et le montant des mises augmentent... En le prévenant, on peut éviter les dérives addictives. La co-vulnérabilité, quant à elle, est la tendance des victimes d'une addiction à en subir d'autres : 36 % des joueurs en ligne fument, contre 27 % des joueurs « en dur ». De même, les joueurs en ligne boivent davantage que les joueurs « en dur ». Enfin, surendettement et dépression sont également des conséquences ou des facteurs aggravant la dépendance. Nous proposons une application plus stricte du principe de précaution.

M. François Trucy, rapporteur.  - L'amendement n°2, et nous le regrettons, supprime le terme « addiction », qui donne des repères. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Défavorable à l'énumération de l'amendement n°94, d'autant que « co-vulnérabilité » est une innovation lexicale... Le phénomène de co-addiction est connu, mais est-ce vraiment l'affaire de la loi ?

M. Éric Woerth, ministre.  - Favorable à l'amendement n°2, défavorable à l'amendement n°94.

L'amendement n°2 est adopté.

L'amendement n°94 devient sans objet.

M. le président. - Amendement n°51, présenté par M. Marc et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par les mots :

et de favoriser le financement et le développement du sport

M. Claude Bérit-Débat.  - Les paris sportifs ne concernent pas tous les sports. Ce sont les évènements les plus médiatiques qui drainent les paris. Si le président de la ligue professionnelle de football se frotte les mains, celui de la fédération de badminton n'attend pas grand-chose de cette légalisation...

Il y là un choix à faire : nous pouvons laisser les fédérations, voire les clubs, discuter de gré à gré avec les opérateurs de paris en ligne, ou permettre à chaque fédération de bénéficier d'une part des accords conclus. Une politique volontariste de redistribution des gains aiderait les fédérations sportives confidentielles à renforcer leur attractivité. Si l'on comprend qu'il faille aider la filière équine, on voit mal pourquoi l'État ne se donnerait pas les moyens de renforcer la pratique sportive en général.

En Italie, les clubs de foot négocient directement les droits télévisés avec les diffuseurs, ce qui a renforcé les inégalités entre clubs. Il serait préjudiciable de n'évaluer l'utilité sociale d'un sport qu'à l'aune de son rendement financier ! C'est pourquoi l'État doit veiller au développement du sport et à son financement.

M. François Trucy, rapporteur.  - Le prélèvement au profit du CNDS traduit l'objectif de non-déstabilisation de la filière sport. La commission s'en remet à l'avis du Gouvernement.

M. Éric Woerth, ministre.  - Défavorable : il y a un reversement au sport. L'Assemblée nationale a adopté un amendement semblable concernant la filière hippique. Il est clair que le monde du sport est tout aussi concerné.

M. Claude Bérit-Débat.  - Mon amendement n'enlève rien au texte ! La manne des jeux en lignes profitera avant tout au football, au tennis, au sport de haut niveau en général. Les crédits du CNDS, alimentés par la Française des Jeux, sont en baisse depuis trois exercices : 200 millions au plus pour 2010. Je crains que le sport amateur n'en pâtisse.

L'amendement n°51 n'est pas adopté.

L'amendement n°154 rectifié bis n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°113, présenté par M. Vera et les membres du groupe CRC-SPG

Alinéa 7

Supprimer cet alinéa.

M. Thierry Foucaud.  - L'ouverture à la concurrence des jeux en ligne n'est pas une obligation !

M. François Trucy, rapporteur.  - Cet amendement contrevient à l'objectif de la loi. Devant une offre prolifique, il faut une façade légale.

M. Éric Woerth, ministre.  - Avis défavorable.

M. Thierry Foucaud.  - Certains grands opérateurs européens se plaignent déjà de l'insuffisante ouverture du marché français, par exemple du refus des paris à cote fixe. Le ministre a le beau rôle : celui du libéral modéré, contre une gauche qui serait conservatrice ! Les cartes pourraient être plus équitablement distribuées... L'ensemble de la filière du jeu, partie intégrante de l'industrie du tourisme et du loisir, sera affectée par l'ouverture des jeux en ligne. Qui se rendra encore dans les casinos des bords de mer, les villes thermales, à Deauville ou à Forges-les-Eaux ?

Si l'on joue aux courses en ligne, plus besoin de se rendre à l'hippodrome ni même au café du coin prendre son petit « jaune », son café ou son blanc le dimanche matin. A-t-on pensé au nombre d'emplois qui sont ainsi menacés ? On peut l'évaluer à 120 000 ! Encore des emplois qui s'ajouteront à tous ceux perdus ces dernières années !

L'amendement n°113 n'est pas adopté.

L'article premier, modifié, est adopté.

Article 2

I. - Le pari hippique et le pari sportif s'entendent de paris comportant un enjeu en valeur monétaire où les gains éventuels des joueurs dépendent de l'exactitude de leurs pronostics portant sur le résultat de toute épreuve hippique ou compétition sportive réelle légalement organisée en France ou à l'étranger.

II. - Le pari en la forme mutuelle est le pari au titre duquel les joueurs gagnants se partagent l'intégralité des sommes engagées, réunis dans une même masse avant le déroulement de l'épreuve, après déduction des prélèvements de toute nature prévus par la législation et la réglementation en vigueur et de la part de l'opérateur, ce dernier ayant un rôle neutre et désintéressé quant au résultat du pari.

Le pari à cote s'entend du pari pour lequel l'opérateur propose aux joueurs, avant le début des compétitions sportives ou au cours de leur déroulement, des cotes correspondant à son évaluation des probabilités de survenance des résultats de ces compétitions sur lesquels les joueurs parient. Le gain est fixe, exprimé en multiplicateur de la mise et garanti aux joueurs par l'opérateur.

M. le président.  - Amendement n°52, présenté par M. Marc et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

M. François Marc.  - Nous voulons supprimer la possibilité d'organiser des paris à cote. Ce type de paris consiste, pour l'opérateur, à fixer un indice numérique représentant les chances d'un sportif de remporter une compétition. La cote d'un pari indique le gain possible pour un joueur. Ainsi, en pariant 10 euro sur une cote de 3,3, le gagnant réalise un gain de 33 euros dont il faudra déduire sa mise, soit 23 euros de gains nets. Ce type de paris, dont toutes les règles reposent entre les mains d'une seule personne, est source potentielle de corruption. L'opérateur, dans un pari à cote hippique, a intérêt à ce que le parieur perde et, donc que le cheval sur lequel il a beaucoup misé n'arrive pas. L'opérateur est censé être neutre mais, dans le cas du pari à cote, le gain qu'il peut escompter est lié à la perte des joueurs.

Le pari à cote est, d'autre part, constitutif d'un délit d'initié perpétuel, surtout compte tenu des imbrications autorisées par le texte de loi. On ne voit pas à quel titre il serait légalisé quand le délit d'initié est prohibé sur le marché boursier. Rappelez-vous le scandale, chez nos voisins transalpins, du Totonero dans les années 1970-1980 : les joueurs de foot pariaient sur leurs propres matchs !

Si une brèche est déjà ouverte avec Cote et Match, exploité par la Française des Jeux, point n'est besoin de l'agrandir. De nombreux États ont déjà interdit les paris à cote fixe : les Pays-Bas, le Japon, 46 des 52 États des États-Unis.

Le rapporteur nous a dit avoir énormément travaillé ce sujet ; il a donc dû réunir une grande information. Je serais heureux qu'il nous fasse connaître avec précision les conséquences des paris à cote fixe, en particulier sur l'éthique sportive.

M. le président.  - Amendement identique n°114, présenté par M. Vera et les membres du groupe CRC-SPG.

M. Bernard Vera.  - Le pari à cote fixe a existé en France jusqu'au développement des paris mutuels, singulièrement sur les courses hippiques, qui, avec la création du PMU, ont constitué de longue date le plus sûr moyen de prévenir les paris clandestins tout en favorisant les activités équines. La mutualisation a évité les abus qu'une relation exclusive entre un parieur seul et un organisme de paris peuvent entretenir. Dans le pari à cote fixe, le problème réside dans le fait que c'est le bookmaker qui jouit des informations les meilleures, ce qui apparente la pratique de la cote fixe au délit d'initié en matière financière.

Ce type de paris favorise clairement l'addiction des joueurs. D'autant qu'on peut aller très loin et, à propos d'un match de football, parier, outre sur le score final, sur le nombre de joueurs expulsés pour acte d'antijeu, le nombre de remplaçants entrant en jeu, le nombre de corners, de pénaltys, de cartons jaunes ou rouges... Ne favorisons pas de telles pratiques, qui vont conduire rapidement à une addiction les joueurs les plus perméables au marketing des opérateurs.

M. le président.  - Amendement n°53, présenté par M. Marc et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 3, première phrase

Supprimer les mots :

ou au cours de leur déroulement

M. François Marc.  - Cet amendement de repli tend à interdire au moins les prises de paris pendant le déroulement de l'épreuve. Cette pratique est très addictive, avec des paris en cours d'épreuve qui peuvent se multiplier jusqu'au résultat.

Le rapporteur écrit dans son rapport que ce type de « formule, très attractive, est susceptible de conquérir une part de marché significative ». C'est reconnaître que le législateur va inciter les citoyens à prendre de tels paris en ligne.

M. François Trucy, rapporteur.  - Le ministre a répondu mieux que je ne saurais le faire : le pari à cote fixe est le plus utilisé dans le monde pour les paris sportifs ; nous devons en tenir compte. Notre avis est donc défavorable.

Le live betting est un produit attractif, mais ce n'est pas parce qu'une formule de pari est très attractive qu'elle serait ipso facto addictive. Et l'on en sait pas toujours à l'avance dans quelle mesure elle le sera. Quand la Française des Jeux, qui dispose d'un monopole d'État, a lancé le Rapido, elle le pensait très attractif, pas addictif. Un médicament ne reçoit son autorisation de mise sur le marché qu'après une expérimentation de plusieurs années ; pour un jeu, on ne prend pas tout ce temps.

M. Éric Woerth, ministre.  - Nous avons longuement étudié la question et essayé de répondre avec le plus grand pragmatisme. Sur le sport, les paris sont organisés à cote fixe ; la Française des Jeux le fait elle-même en ligne avec Cote et Match...

Le vrai problème, c'est de déterminer les conditions dans lesquelles on réalise ce mode de pari, qui n'est pas, en tant que tel, générateur de fraudes. Il s'agit de savoir qui peut jouer -pas un organisateur, car il serait initié- et sur quel événement exactement -pas sur le moment où un footballeur tire pour la première le maillot d'un adversaire, car c'est facile à organiser. Ce qu'il faut, c'est éviter tout ce qui pourrait favoriser la manipulation et la corruption. Il reviendra aux fédérations sportives de préciser ce qu'il est possible de mettre en paris et ce qui est trop facilement manipulable.

Quant aux paris pendant le déroulement de l'épreuve sportive, ils représentent la moitié des paris en ligne actuellement. C'est la logique d'internet. Cela ne convient sans doute pas à tous les sports mais cela doit être possible avec certains.

L'amendement n°52, identique à l'amendement n°114, n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°53.

L'article 2 est adopté.

Article 3

Les mineurs même émancipés ne peuvent prendre part à des jeux d'argent et de hasard dont l'offre publique est autorisée par la loi, à l'exception des jeux de loterie mentionnés aux articles 5, 6 et 7 de la loi du 21 mai 1836 portant prohibition des loteries.

Les opérateurs de jeux d'argent et de hasard légalement autorisés sont tenus de faire obstacle à la participation de mineurs même émancipés aux activités de jeu ou de pari qu'ils proposent. Ils ne peuvent financer l'organisation ou parrainer la tenue d'événements à destination spécifique des mineurs.

Les opérateurs de jeux ou de paris en ligne mettent en place, lors de toute connexion à leur site, un message avertissant que les jeux d'argent et de hasard sont interdits aux mineurs. La date de naissance du joueur est exigée au moment de son inscription, ainsi qu'à chacune de ses visites sur le site de l'opérateur.

M. le président.  - Amendement n°47 rectifié bis, présenté par M. Gilles, Mlle Joissains, Mmes Rozier et Henneron, M. B. Fournier, Mme Bout, MM. Martin, Alduy, César, Leroy, Grignon et Béteille, Mme Papon, M. Guerry, Mme Sittler, M. Bécot, Mme Bruguière, MM. Doublet, Laurent, J.P. Fournier, Etienne, Couderc, Lefèvre, Vasselle et Gouteyron, Mme B. Dupont et MM. Leclerc, Dufaut, Villiers, Revet et Chauveau.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

L'autorité de régulation des jeux en ligne retire l'agrément prévu à l'article 16 à tout opérateur de jeux ou de paris en ligne qui ne respecterait pas ces obligations.

Mme Janine Rozier.  - Les mineurs sont des proies faciles, il est du devoir du législateur de les protéger réellement. Pour ce faire, nous proposons une sanction exemplaire à l'encontre des opérateurs qui ne respectent pas leurs obligations, le retrait de l'agrément, en attendant que le projet de carte d'identité électronique par chiffrement, seule protection véritablement efficace pour les mineurs, voie le jour. Sans doute faudra-t-il également impliquer les fournisseurs d'accès dans ce processus.

M. François Trucy, rapporteur.  - Que tant de sénateurs aient signé cet amendement montre toute l'importance de la prévention et de la protection des mineurs ! L'article 35 vous donne entière satisfaction, madame Rozier : il prévoit une procédure de sanctions à l'encontre de tout opérateur agréé qui ne respecterait pas les obligations législatives, dont celles prévues à l'article 3, les dispositions réglementaires et le cahier des charges de l'Arjel, qui seront fort contraignants. Retrait ?

Mme Janine Rozier.  - Merci de ces explications. Je n'insiste pas.

L'amendement n°47 rectifié bis est retiré.

L'article 3 est adopté.

Article 4

Ne peuvent être proposés au public les paris sportifs à la cote dans lesquels le montant maximal de la perte potentielle est, hors application des prélèvements et déductions prévus ou autorisés par la loi, supérieur au montant de la mise.

M. le président.  - Amendement n°54, présenté par M. Marc et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

M. François Marc.  - Nous demandons la suppression de cet article par coordination avec l'amendement n°52, afin d'interdire les paris à cote, sources de corruption dans les épreuves hippiques. Cela dit, nous nous réjouissons de l'interdiction des paris à la fourchette ou spread betting dans cet article, primordiale pour la protection des joueurs.

M. François Trucy, rapporteur.  - Pris isolément, cet amendement va à l'encontre du but recherché : supprimer cet article reviendrait à autoriser le spread betting et le betting exchange. Nous avons longuement débattu de la question des paris à cote à l'article 2, je n'y reviens pas. L'avis est défavorable.

M. Éric Woerth, ministre.  - Même avis. J'ai déjà expliqué ma position sur les paris à cote. Le Gouvernement est défavorable au spread betting et au betting exchange parce que ces formes de paris ne permettent pas au joueur de mesurer exactement sa perte.

L'amendement n°54 n'est pas adopté.

M. le président.  - Je rappelle que la langue des débats est le français...

Amendement n°115, présenté par M. Vera et les membres du groupe CRC-SPG.

Rédiger ainsi cet article :

L'organisation et la prise de paris à cote est prohibée.

M. Thierry Foucaud.  - Amendement de coordination.

M. le président.  - Amendement n°9, présenté par M. A. Dupont, au nom de la commission de la culture.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Ne peut être proposé au public un système d'échange ou d'intermédiation ou de bourse de paris hippiques ou sportifs, dans lequel les parieurs s'échangent des paris.

M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis.  - Il faut proscrire clairement les bourses de paris ou betting exchange, qui ouvrent la porte à des paris truqués et à des opérations de blanchiment, sont difficilement taxables et rendent impossible l'application des règles relatives au taux de retour aux joueurs. Raison supplémentaire de l'interdire : le betting exchange, selon les dernières études, présente un risque d'addiction plus élevé que les autres paris.

M. François Trucy, rapporteur.  - La commission est hostile à l'amendement n°115, pour les raisons déjà exposées. La commission partage l'opinion de M. Dupont concernant les bourses de paris, mais s'en remet à l'avis du Gouvernement.

M. Éric Woerth, ministre.  - Même avis à l'amendement n°115. Le texte interdit déjà formellement les bourses de paris, non en les nommant -car le texte pourrait être vite daté en cas de modification de l'appellation- mais en visant leurs caractéristiques. Il est précisé au dernier alinéa de l'article 2 que « l'opérateur propose aux joueurs, avant le début des compétitions sportives ou au cours de leur déroulement, des cotes correspondant à son évaluation », ce qui exclut les bourses. A l'article 4, sont interdits : « les paris sportifs à la cote dans lesquels le montant maximal de la perte potentielle est supérieur au montant de la mise », manière d'exclure également les paris à fourchette. Enfin, l'interdiction des bourses de paris ressort très clairement des débats parlementaires. Retrait ?

M. Thierry Foucaud.  - Dans le pari à cote, contrairement au pari mutuel, l'intérêt de l'opérateur est de voir les joueurs perdre afin de ramasser leurs mises. Autrement dit, il n'y a pas redistribution, mais accumulation de capital sur les pertes des joueurs. Cette forme de paris, très addictive, est dangereuse pour la santé et l'ordre publics et nuit à l'éthique sportive. Au reste, des dizaines d'États américains ont interdit cette forme de paris. Les scandales liés à la prise de paris à cote entachent le monde du sport et la sincérité des grandes compétitions au Royaume-Uni. Dans les années 1970, où n'existaient que les paris clandestins « en dur », les paris à cote avaient déjà conduit certains pays à sanctionner des clubs sportifs. Récemment, aux États-Unis, la prestigieuse NBA de basketball a été le théâtre de paris illégaux, encouragés par des arbitres et entraîneurs indélicats, notamment de Sacramento.

Soit, la Française des Jeux développe déjà un système de paris à cote, appelé « Cote et Match ». Mais celui-ci ne représente que 2,5 % de son chiffre d'affaires en 2007, contre 24 % pour le jeu Rapido ; chiffre d'affaires dont elle consacre une part importante au paiement des prélèvements sociaux et fiscaux auxquels elle est soumise. Pour préserver les joueurs et l'éthique des jeux à la française, nous invitons le Sénat à voter notre amendement n°115.

M. Éric Woerth, ministre.  - Je n'ai pas conclu tout à l'heure sur l'exchange betting : sous bénéfice des précisions que j'ai apportées, je souhaite que M. Dupont retire son amendement.

Monsieur Foucaud, plutôt que d'opposer les paris mutuels, vertueux, aux paris à cote, considérés comme les ferments de tous les vices, il faut distinguer ce qui est légal et ce qui ne l'est pas. Les jeux les plus addictifs sont interdits, les autres autorisés mais contrôlés.

L'amendement n°115 n'est pas adopté.

M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis.  - Mon amendement avait pour seul but de faire réaffirmer au ministre ses intentions. Satisfait, je le retire.

L'amendement n°9 est retiré.

L'article 4 est adopté.

Article 4 bis

Toute communication commerciale en faveur d'un opérateur de jeux d'argent et de hasard légalement autorisé est :

1° Assortie d'un message de mise en garde contre l'addiction au jeu, ainsi que d'un message faisant référence au système d'information et d'assistance prévu à l'article 21 ter ;

2° Interdite dans les publications à destination des mineurs ;

3° Interdite sur les services de communication audiovisuelle et dans les programmes de communication audiovisuelle présentés comme s'adressant aux mineurs au sens de l'article 15 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ; 

4° Interdite dans les services de communication au public en ligne à destination des mineurs ;

5° Interdite dans les salles de spectacles cinématographiques lors de la diffusion d'oeuvres accessibles aux mineurs.

Un décret précise les modalités d'application des 1°, 2°, 4° et 5°.

Une délibération du Conseil supérieur de l'audiovisuel précise les conditions de diffusion, par les services de communication audiovisuelle, des communications commerciales mentionnées au premier alinéa, notamment les modalités d'application du 3°.

M. le président.  - Amendement n°116, présenté par M. Vera et les membres du groupe CRC-SPG.

Rédiger ainsi cet article :

Toute communication commerciale directe ou indirecte, à l'exception de la Française des Jeux et du Pari mutuel urbain, en faveur d'un opérateur de jeux ou de paris et à destination du public est prohibée.

M. Bernard Vera.  - Nous sommes nombreux à nous soucier de l'addiction provoquée par le marketing. Comme naguère les agences de renseignement téléphonique, qui ont presque toutes disparu, les opérateurs de jeux en ligne vont certainement se livrer une âpre bataille publicitaire pour contrôler un marché étroit -1,2 milliard d'euros seulement à l'horizon 2015. Leurs frais publicitaires dépasseront bientôt leurs dépenses structurelles. Les casinotiers, la Française des Jeux et le PMU en ont les moyens, même si les dépenses de marketing pèseront sur l'emploi et les salaires. Mais beaucoup d'opérateurs agréés n'y survivront pas : il faudra après cette guerre ramasser les cadavres...

Il faut au moins éviter que la publicité ne favorise l'addiction : tel est l'objet de cet amendement et des suivants. C'est pourquoi nous proposons d'interdire la publicité pour les jeux en ligne dans les salles de cinéma et sur la voie publique, où elle risquerait de toucher des mineurs.

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.

Alinéa 2

Remplacer les mots :

l'addiction au jeu

par les mots :

le jeu excessif ou pathologique

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Cet amendement de coordination tire, comme plusieurs autres, les conséquences de l'adoption de l'amendement n°2 à l'article premier.

M. le président.  - Amendement n°55, présenté par M. Marc et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Interdite dans les publications distribuées gratuitement ;

M. Michel Sergent.  - La publicité pour les jeux de hasard en ligne est à nos yeux extrêmement nocive, et nous nous réjouissons que le projet du Gouvernement et la navette parlementaire l'aient interdite lors des manifestations et sur les supports destinés aux mineurs. Nous proposons d'étendre cette prohibition aux journaux gratuits, distribués auprès d'un large public qui comprend des mineurs et des personnes peu fortunées, rendues vulnérables par une publicité agressive. Cela importe d'autant plus que les journaux gratuits ne sont financés que par la publicité.

M. le président.  - Amendement n°56, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Interdite dans les programmes des sociétés nationales de programmes visées au I, III et IV de l'article 44 et de la société visée à l'article 45 de la loi 86-1067 du 30 septembre 1986  relative à la liberté de communication ;

M. Michel Sergent.  - M. Assouline m'a chargé de défendre cet amendement, qui tend à interdire la publicité pour les jeux en ligne sur les chaînes de télévision et les antennes radiophoniques publiques. Au nom de l'ordre public et de la santé publique, on ne peut admettre que le service public audiovisuel incite à des pratiques addictives !

C'est d'autant moins opportun que la régie publicitaire de France Télévisions vient d'être cédée à une personnalité impliquée dans l'organisation des jeux en ligne et la production audiovisuelle, M. Stéphane Courbit, ce qui pourrait provoquer une distorsion de concurrence au profit des sociétés dirigées par l'intéressé. Il est déjà malsain que le même homme soit chef de la régie publicitaire d'une chaîne pour laquelle il produit des émissions... J'ajoute que Betclic, l'une des filiales de Mangas gaming, société détenue à 75 % par M. Courbit, vient de conclure un partenariat avec la Juventus de Turin et sponsorise déjà plusieurs équipes nationales de football. Sports, jeux, médias et publicités sont ainsi regroupés entre les mêmes mains : c'est l'amorce d'une « berlusconisation » à la française... Un tel cumul d'activités serait impossible outre-Manche et outre-Atlantique.

Si donc nous n'interdisons pas la publicité pour les jeux en ligne sur les chaînes de l'audiovisuel public, nous allons au-devant de graves contentieux et nous attirerons les foudres des instances européennes !

M. le président.  - Amendement n°104, présenté par M. Marc et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

2° bis Interdite dans les programmes d'un service de communication audiovisuelle qui détient tout ou partie du capital d'une entreprise opérateur de jeux ou de paris en ligne ;

M. Jean-Jacques Lozach.  - L'amendement vise à empêcher que des alliances mercantiles se nouent entre des sociétés de jeux en ligne et des groupes de communication audiovisuelle, ce qui nuirait aussi bien à l'honnêteté de l'information qu'à la tranquillité de l'auditeur ou du téléspectateur. Parmi les antennes de radio, RTL, Europe 1, RMC et Oui FM sont déjà en train de conclure des accords avec des opérateurs de jeux en ligne pour profiter du juteux marché publicitaire et envisagent de créer des émissions « pédagogiques » pour les auditeurs-joueurs, comme celles qui prolifèrent déjà entre 18 heures et 22 heures... Il n'est pas sain que la rentabilité prenne le pas sur l'information et la qualité des programmes, que l'auditeur ne soit appréhendé que comme cible commerciale. D'ailleurs les jeux en ligne, par l'addiction qu'ils suscitent, sont assimilables à l'alcool, au tabac, à la drogue. C'est pourquoi il faut interdire toute publicité pour ce type de jeux à la radio et à la télévision.

Il serait d'ailleurs anormal qu'une même société détienne une part du capital d'un club et d'un opérateur de paris et contrôle en outre la publicité sur une chaîne qui dispose des droits exclusifs de retransmission. Voilà qui ressemblerait à une « concurrence maîtrisée », autrement dit à un monopole privé ! (M. Roland Courteau approuve) Les fédérations sportives devraient pouvoir interdire à des opérateurs d'organiser des jeux, s'ils sont liés à une société de télévision qui dispose des droits exclusifs de retransmission.

Cette concentration serait « pousse-au-jeu » : les commentateurs eux-mêmes inciteraient les auditeurs à parier. Elle éliminerait en outre toute concurrence, car qui voudrait écouter un match sur une petite radio plutôt que de le regarder à la télévision où seraient proposés des paris ?

Fera-t-il des paris proposés par la radio périphérique en question ou des paris sur la chaîne de télévision qui a les droits exclusifs de retransmission ? Tout conduit à la concentration.

M. le président.  - Amendement n°103, présenté par M. Marc et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

2° bis Interdite dans les émissions de télévision consacrées aux sports et aux compétitions et aux manifestations sportives ;

M. Jean-Jacques Lozach.  - Cet amendement rejoint le précédent. De nombreux magazines télévisés diffusés à des heures de grande écoute sont consacrés à toutes sortes de sports. Les téléspectateurs sont déjà conditionnés par la publicité à l'achat de produits dérivés des équipes qu'ils soutiennent. Ce mélange des genres est préjudiciable à l'honnêteté de l'information et à la tranquillité du consommateur. C'est pourquoi, il faut empêcher que des alliances mercantiles entre des sociétés de jeux en ligne et des groupes de médias audiovisuels ne se nouent.

En outre, les mineurs, qui sont nombreux à suivre ces émissions, ne doivent pas être soumis à la pression publicitaire des paris et jeux en ligne. Il convient donc de les en protéger.

M. le président.  - Amendement n°101, présenté par M. Marc et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

2° bis Interdite durant les retransmissions de compétitions et de manifestations sportives dans un service de télévision ;

M. Claude Bérit-Débat.  - Nous sommes toujours dans la même logique : nous demandons l'interdiction de toute publicité pour les jeux de hasard en ligne lors des retransmissions de compétitions et de manifestations sportives, afin d'assurer la protection des mineurs.

Avec ce texte, le téléspectateur risque d'être harcelé par la publicité pour les sites de jeux, compte tenu de la lutte acharnée à laquelle ces sites vont se livrer pour attirer le plus de joueurs possible.

M. le président.  - Amendement n°102, présenté par M. Marc et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

2° bis Interdite dans les demi-heures qui précèdent et suivent les retransmissions de compétitions et de manifestations sportives dans les services de télévision ou de radiodiffusion ;

M. Claude Bérit-Débat.  - Il convient d'interdire dans les demi-heures qui précèdent et qui suivent les retransmissions de compétitions et de manifestations sportives toute publicité pour les jeux en ligne. On protègera ainsi les mineurs et, plus généralement, les téléspectateurs de sollicitations publicitaires intempestives.

Le décret du 24 décembre 2008 relatif à l'allongement de la durée publicitaire sur les chaînes privées les a autorisées à passer de six à neuf minutes les écrans publicitaires par heure et à diffuser davantage de publicité en passant à l'heure glissante, ce qui permet de diffuser jusqu'à 18 minutes de publicité à certaines heures. Il convient donc de protéger le téléspectateur du harcèlement des spots publicitaires. En outre, les opérateurs de jeux en ligne visent une clientèle familiale. Comme le dit Patrick Le Lay : « L'objectif est qu'une famille dépense par mois dans les jeux en ligne autant que pour un abonnement de la télévision payante ou à la téléphonie mobile ». Il faut donc protéger le téléspectateur pour lui éviter l'addiction et l'endettement.

M. le président.  - Amendement n°106, présenté par M. Marc et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

2° bis Interdite dans les émissions de radiodiffusion consacrées aux compétitions et aux manifestations sportives ;

M. Claude Bérit-Débat.  - A la radio, diverses émissions sont consacrées au football aux heures de grande écoute. Or, les auditeurs sont déjà conditionnés par la publicité à l'achat de produits dérivés des équipes qu'ils soutiennent.

Mais le mélange des genres est préjudiciable à l'honnêteté de l'information et à la tranquillité de l'auditeur. Pour cette raison, il faut empêcher que des alliances mercantiles entre des sociétés de jeux en ligne et des groupes de médias audiovisuels ne se nouent.

En outre, il faut éviter que les mineurs soient soumis à la pression publicitaire des paris et des jeux en ligne.

M. le président.  - Amendement n°105, présenté par M. Marc et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

2° bis Interdite dans les services d'une société de communications électroniques offrant un service de téléphonie mobile, qui détient tout ou partie du capital d'une entreprise opérateur de jeux ou de paris en ligne ;

M. Yves Daudigny.  - Les principaux groupes médias et télécoms s'intéressent de très près au futur marché des jeux en ligne. Les paris en ligne vont en effet être un moyen de rentabiliser l'acquisition de droits sportifs pour des groupes tels qu'Orange.

Ces groupes vont donc s'orienter vers des partenariats stratégiques avec des acteurs qui maîtrisent la technologie afin de pénétrer rapidement le marché. Ainsi, la chaîne anglaise Sky propose des offres de paris sur internet, sur le mobile et sur la télévision interactive, par l'intermédiaire de sa branche Skybet.

Après TF1, M6, et Canal+, Orange s'intéresse aux jeux en ligne. Grâce à internet et à la télévision mobile, les opérateurs de téléphonie mobile envisagent des partenariats relatifs aux jeux et paris en ligne, pour ne pas rater ce lucratif marché publicitaire.

Alors que les jeux et les paris en ligne sont assimilables, par l'addiction qu'ils génèrent, à l'alcool, au tabac et aux drogues, il convient d'interdire toute communication commerciale pour ce type de jeux aux sociétés de communications électroniques offrant un service de téléphonie, et ayant des participations dans une société de jeux ou de paris en ligne.

M. le président.  - Amendement n°117, présenté par M. Vera et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Interdite sur la voie publique ;

M. Bernard Vera.  - Il est défendu.

M. le président.  - Amendement n°118, présenté par M. Vera et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Interdite en salles de spectacles cinématographiques ;

M. Bernard Vera.  - Il est également défendu.

M. le président.  - Amendement n°41, présenté par Mme Payet et MM. Détraigne et Merceron.

Alinéa 7

Compléter cet alinéa par les mots :

, ainsi que les restrictions éventuellement apportées à ces communications commerciales dans les départements où les phénomènes d'addiction au jeu sont particulièrement importants.

Mme Anne-Marie Payet.  - Une étude récente de l'Observatoire régional de la santé montre une plus forte addiction aux jeux de hasard à la Réunion où la mise moyenne par habitant dépasse de 12 % celle de la métropole. D'autres départements métropolitains dépassent d'ailleurs la moyenne nationale. En général, il s'agit de département où le taux de chômage est élevé.

Le jeu représente une part de rêve, c'est le mythe de l'Eldorado. Pour reprendre les mots d'un sociologue : « Cette dimension alchimiste par laquelle on espère transformer un morceau de papier en or fonctionne encore mieux en temps de crise ».

Malgré la crise, les Réunionnais ont joué l'an dernier plus qu'en 2008 : 299 millions de mises. Parallèlement, le surendettement explose. Le rapport de l'Inserm précise que les habitués des casinos sont à 41 % des inactifs, retraités ou sans emploi. Le rapport souligne aussi le double rôle joué par l'État, à la fois promoteur du jeu et protecteur des citoyens.

Avec cet amendement, la restriction de la publicité sur les jeux serait possible, mais de façon exceptionnelle, dans les départements où les phénomènes d'addiction au jeu sont particulièrement importants car il est essentiel de protéger les populations fragiles, la publicité ne pouvant que les inciter à dépenser leurs maigres revenus.

M. François Trucy, rapporteur.  - L'avis est favorable à l'amendement n°3, car il est cohérent avec ce qui a été fait à l'article premier.

Les amendements n°s55, 56, 101, 102, 103, 106, 116, 117 et 118 tendent tous au même but : soit une interdiction totale de la publicité en faveur des jeux de hasard, quel que soit le support, soit une interdiction plus spécifique pendant les émissions sportives ou la retransmission d'évènements sportifs. L'avis est défavorable car ce texte présente un dispositif équilibré en matière de publicité, enrichi par l'Assemblée nationale et par votre commission des finances : il vise à faire de la publicité un outil privilégié de promotion de l'offre légale au détriment des sites illégaux, tout en encadrant celle-ci pour protéger les populations les plus vulnérables.

Les amendements n°s104 et 105 relèvent d'une autre logique, mais la commission y est tout aussi défavorable car ce n'est pas parce qu'une chaîne de télévision fait de la publicité pour un opérateur de jeux dont elle détient des parts de capital que l'organisation du pari sera truqué. Nous voulons tous que les jeux et paris de demain ne soient pas entachés de fraudes. Mais le monde des jeux a toujours connu des fraudes : il a fallu longtemps pour que le PMU éradique les courses truquées et la Française des Jeux a connu des problèmes à cause de certains de ses revendeurs.

Enfin, si la chaîne diffuse des messages publicitaires en faveur d'un opérateur de jeux dans des conditions plus favorables, elle s'expose à des sanctions.

J'en viens à l'amendement n°41 : comment faire pour déceler que tel ou tel département est particulièrement vulnérable ? Il y a encore peu de temps, on ne disposait même pas de cartographie de l'alcool ou du tabac en France. En matière épidémiologique, nous n'avons pas de données fiables. Nous partageons votre préoccupation, mais nous souhaitons le retrait de votre amendement.

M. Éric Woerth, ministre.  - Je commencerai par le n°116. Je me suis déjà beaucoup exprimé sur le sujet. Chasser le jeu illégal au profit du jeu légal, c'est précisément l'objet de la publicité ; ce n'est pas un problème de support. Au cinéma, on ne pourra bien sûr pas diffuser de publicité pour les sites de jeu lors des projections de films pour enfants. Avis défavorable, comme au n°117, pour les mêmes raisons. Avis favorable à l'excellent amendement n°3 qui vise le jeu excessif. Défavorable au n°55 car le jeu autorisé, celui qui a pignon sur rue, doit être favorisé. Je ne suis pas non plus favorable au n°56 qui interdit la publicité à la télévision ou à la radio. Nous verrons comment les choses évoluent.

Avec son amendement n°41, Mme Payet pose un vrai problème, que nous ne savons pas vraiment résoudre. Dans votre département, dans d'autres peut-être, l'addiction serait plus forte, par exemple pour des raisons culturelles. Une clause de rendez-vous étant prévue dans dix-huit mois, je propose de confier l'étude de ce phénomène au comité consultatif, en utilisant les données informatiques. S'il est possible de déterminer l'origine géographique des joueurs en ligne, peut-être pourrons-nous dresser une carte géographique de la sensibilité à l'addiction au jeu, puis, éventuellement, adapter les règles ou le message publicitaire.

S'agissant du n°104, j'avoue ne pas saisir où se situe le conflit d'intérêt. L'opérateur qui détient des informations sur les comportements des joueurs peut sans doute orienter le jeu, mais tel n'est pas le cas visé ici. Jamais un opérateur ne fera de publicité exclusivement pour ses propres sites de jeu, car il en résulterait un manque à gagner dans les recettes publicitaires ; le refus de vente est en outre interdit ! Défavorable, comme aux amendements n°s102, 106, 118, 117, 103 et 105.

M. Bernard Vera.  - Nous ne pouvons agir sur l'offre illégale, ouvrons le marché à la concurrence et nous détournerons les joueurs des sites illégaux grâce à la publicité. Quel aveu d'impuissance... L'action de l'autorité de régulation aura-t-elle la moindre efficacité ?

Sous couvert de protéger les joueurs, vous les exposez à une publicité intensive : les opérateurs réinvestissent la moitié de leurs gains dans des stratégies commerciales de grande envergure. Vous affirmez vouloir protéger la santé et l'ordre public mais vous poursuivez un objectif purement mercantile de concert avec les grands groupes, qui auront tendance à long terme à se concentrer.

L'amendement n°116 n'est pas adopté.

L'amendement n°3 rectifié est adopté.

M. François Marc.  - Le rapporteur et le ministre jugent nos amendements sans intérêt. Dans la discussion générale, le ministre nous a dit : « le marché n'est plus régulé ». Mais faisons les comptes : on estime à 25 milliards d'euros le chiffre d'affaires des jeux, 22 relevant du PMU, de la Française des Jeux, des casinos, catégories totalement régulées, et environ 3 étant attribués aux jeux en ligne, dont un à un opérateur reconnu. Restent 2 milliards d'euros d'activité non régulée, 10 % du marché. Donc, l'argument de faire basculer le jeu illégal vers le cadre légal ne vaut pas.

A court terme, une énorme vague de publicité, 200 millions d'euros, va déferler. Tous les supports seront mobilisés, en particulier les journaux gratuits. La publicité va toucher tout le monde par ses messages agressifs. Nous souhaitons donc introduire des précautions et des verrous supplémentaires. Nous ne sommes pas d'accord avec votre philosophie mais il faut au moins l'encadrer ! Je déplore le conditionnement des esprits par ces messages agressifs.

Encore une fois, une demande ne portant que sur un dixième des jeux actuels ne saurait justifier un déferlement publicitaire.

M. Éric Woerth, ministre.  - Heureusement, le marché est encore en grande partie légal ! En effet, grâce à la perspective de l'ouverture, de nombreux opérateurs sont restés l'arme au pied en attendant de venir sur le marché français.

Avec un chiffre d'affaires compris entre 2 et 3 milliards d'euros, le marché illégal brasse déjà des sommes colossales bien que nous ayons réussi jusqu'ici à contenir le phénomène, mais l'essentiel de la croissance future viendra des jeux en ligne, car le marché en dur marque le pas.

Ne mélangez pas tout. En ligne, le partage entre jeu légal et illégal correspond sensiblement à un tiers-deux tiers. On pense qu'aujourd'hui 5 % des Français jouent en ligne et toujours plus de gros joueurs passent à internet.

Je ne prétends pas qu'il n'y aura rien à faire en matière de publicité, car je suis sensible à vos amendements, mais il serait prématuré d'être plus restrictif aujourd'hui. La publicité permettra aux bons jeux de chasser les mauvais. Il y en aura sans doute beaucoup au début, comme lors de toute ouverture de marché.

Je vous rappelle que le huitième alinéa de l'article 4 bis charge le Conseil supérieur de l'audiovisuel de préciser les conditions de la diffusion publicitaire par les médias audiovisuels. En outre, le CSA et l'Autorité de régulation de la publicité évalueront conjointement les conséquences de la publicité pour les jeux et paris en ligne, conformément à l'article 4 ter A. Ce rapport jouera un rôle majeur pour évaluer l'influence de la publicité sur l'addiction. Après dix-huit mois, nous pourrons adopter si besoin d'autres mesures de régulation.

M. Claude Bérit-Débat.  - M. le ministre veut que le jeu légal chasse l'illégal. Soit, mais il refuse tous nos amendements, ainsi que ceux de Mme Payet, pourtant destinés à protéger les mineurs et prévenir l'addiction.

L'article 4 bis concerne surtout la publicité destinée aux mineurs, mais toutes les classes d'âge regardent un match de football ou de rugby. Il est donc inutile d'attendre l'application de la clause de revoyure.

L'amendement n°55 n'est pas adopté, non plus que les amendements n°s56, 104, 103, 101, 102, 106, 105, 117 et 118.

Mme Anne-Marie Payet.  - Commentant l'amendement n°41, M. le ministre a dit que les outils d'étude n'existaient pas. Or, on connaît au moins la mise moyenne par habitant dans chaque département. Un seuil d'écart à la moyenne nationale justifiant de limiter la publicité dans tel département.

Le surendettement a augmenté de 69 % à la Réunion, contre 17 % en métropole. Simultanément, les mises par habitant sont très supérieures à la moyenne nationale.

M. Éric Woerth, ministre.  - L'addiction, ce n'est pas une mise moyenne, c'est la frénésie de jouer conduisant à enchaîner les mises. Il y a sans doute une certaine corrélation entre le montant de la mise moyenne par habitant et la richesse du département ; il faut bien sûr s'interroger sur la situation lorsque la mise est supérieure à la moyenne, alors que les revenus sont moins importants, mais l'addiction est un phénomène compliqué. Pour le mesurer, il faudrait surtout connaître le nombre de fois où un joueur joue.

Il reste que votre logique est intéressante.

M.Nicolas About, rapporteur pour avis.  - J'ai indiqué à la tribune que l'étude confiée à l'Observatoire français des drogues et toxicomanies serait disponible en 2011, peu avant l'application de la clause de revoyure.

Selon les régions, il faudra peut-être agir sur la publicité ou sur la prévention du jeu pathologique, mais M. le ministre a raison de dire que la mise moyenne ne suffit pas à caractériser le jeu pathologique. Je suggère le retrait de l'amendement, pour réexaminer le problème lors de la revoyure.

L'amendement n°41 n'est pas adopté.

L'article 4 bis, modifié, est adopté.

Article 4 ter A

Un rapport du Conseil supérieur de l'audiovisuel, élaboré en concertation avec l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité, évalue les conséquences de la publicité en faveur des jeux d'argent et de hasard. Il est remis au Parlement dans un délai de dix-huit mois à compter de la date d'entrée en vigueur de la présente loi.

M. le président. - Amendement n°10 rectifié, présenté par M. Ambroise Dupont, au nom de la commission de la culture.

Première phrase 

Remplacer les mots :

l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité,

par les mots :

les organismes d'autorégulation mis en place dans le secteur de la publicité

M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis.  - Il ne me paraît pas souhaitable que la loi place l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité sur le même plan que le Conseil supérieur de l'audiovisuel. Une formule plus large permettra d'inclure d'autres organismes qui pourraient voir le jour ultérieurement.

L'amendement n°10 rectifié, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°57, présenté par M. Marc et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Dans son rapport annuel, le Conseil supérieur de l'audiovisuel évalue l'évolution et les incidences de la publicité en faveur des jeux d'argent et de hasard.

M. Michel Sergent.  - Les jeux en ligne vont connaître un essor très rapide, peut-être vaut-il mieux ne pas attendre dix-huit mois avant d'en faire un premier bilan, mais demander au CSA d'inclure ce bilan dans son rapport annuel. Il rendrait ainsi compte des cibles de la publicité, de son incidence, des comportements des joueurs et des addictions.

M. François Trucy, rapporteur.  - Le CSA remettra un rapport dans dix-huit mois, en concertation avec ARPP, il sera alors temps de décider d'un rendez-vous annuel : retrait, sinon rejet.

M. Éric Woerth, ministre.  - Le CSA pourrait effectivement intégrer cette étude dans son rapport annuel...

M. Michel Sergent.  - C'est ce que nous demandons !

M. Eric Woerth, ministre.  - ...mais après une première période de dix-huit mois, qui paraît nécessaire pour mesurer les premiers effets de l'ouverture.

M. François Trucy, rapporteur.  - C'est un plaisir de donner satisfaction à M. Marc et à son groupe !

L'amendement n° 57 est adopté.

L'article 4 ter A, modifié, est adopté.

Article 4 ter

Quiconque émet ou diffuse, par quelque moyen que ce soit, une communication commerciale non conforme aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 3 et de l'article 4 bis est puni d'une amende de 100 000 euros. Le tribunal peut porter le montant de l'amende au quadruple du montant des dépenses publicitaires consacrées à l'opération illégale.

Les associations dont l'objet statutaire comporte la lutte contre les addictions, régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans à la date des faits, peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile pour les infractions aux dispositions de l'article 4 bis. Peuvent exercer les mêmes droits les associations de consommateurs mentionnées à l'article L. 421-1 du code de la consommation ainsi que les associations familiales mentionnées aux articles L. 211-1 et L. 211-2 du code de l'action sociale et des familles.

L'amendement n°155 rectifié bis n'est pas défendu.

L'article 4 ter est adopté.

Article 5

Au sens de la présente loi :

1° Le jeu et le pari en ligne s'entendent d'un jeu et d'un pari dont l'engagement passe exclusivement par l'intermédiaire d'un service de communication au public en ligne. Ne constitue pas un jeu ou un pari en ligne le jeu ou le pari enregistré au moyen de terminaux servant exclusivement ou essentiellement à l'offre de jeux ou à la prise de paris et mis à la disposition des joueurs dans des lieux publics ou des lieux privés ouverts au public ;

2° Est un opérateur de jeux ou de paris en ligne toute personne qui, de manière habituelle, propose au public des services de jeux ou de paris en ligne comportant des enjeux en valeur monétaire et dont les modalités sont définies par un règlement constitutif d'un contrat d'adhésion au jeu soumis à l'acceptation des joueurs ;

3° Un joueur ou un parieur en ligne s'entend de toute personne qui accepte un contrat d'adhésion au jeu proposé par un opérateur de jeux ou de paris en ligne. Toute somme engagée par un joueur, y compris celle provenant de la remise en jeu d'un gain, constitue une mise ;

4° Un compte de joueur en ligne s'entend du compte attribué à chaque joueur par un opérateur de jeux ou de paris en ligne pour un ou plusieurs jeux. Il retrace les mises et les gains liés aux jeux et paris, les mouvements financiers qui leur sont liés, ainsi que le solde des avoirs du joueur auprès de l'opérateur.

M. le président.  - Amendement n°119, présenté par M. Vera et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 2, seconde phrase

Supprimer les mots :

exclusivement ou essentiellement

M. Thierry Foucaud.  - Nous voulons éviter que les cafés internet ne deviennent des plates-formes de jeux et de paris : nous allons dans le sens de la santé publique !

M. François Trucy, rapporteur.  - En excluant ainsi les jeux en ligne à partir des cybercafés, vous allez bien au-delà de ce texte : avis défavorable.

M. Éric Woerth, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°119 n'est pas adopté.

L'article 5 est adopté.

Article 6

I.  -  Par dérogation aux dispositions de l'article 4 de la loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux, toute personne peut organiser, dans les conditions fixées par la présente loi, la prise de paris hippiques en ligne dès lors qu'elle est titulaire de l'agrément prévu à l'article 16 de la présente loi en tant qu'opérateur de tels paris.

Ces paris ne peuvent porter que sur les réunions de courses figurant sur une liste établie suivant des modalités définies par voie réglementaire. Cette liste détermine également les réunions de courses pouvant servir de support à des paris complexes en ligne.

II.  -  Seules sont autorisées l'organisation et la prise de paris hippiques en ligne en la forme mutuelle enregistrés préalablement au départ de l'épreuve qui en est l'objet. Les règles encadrant la prise de paris en la forme mutuelle ne font pas obstacle au recours, par les opérateurs de paris agréés, à des mécanismes d'abondement des gains, sous réserve que cette pratique demeure ponctuelle et n'ait pas pour effet de dénaturer le caractère mutuel des paris.

M. le président.  - Amendement n°120, présenté par M. Vera et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

M. Bernard Vera.  - En incluant les paris hippiques dans le « package » des paris en lignes, le Gouvernement veut donner un vernis de légalité à des opérateurs qui n'attendent qu'un signe pour entrer sur notre marché sans investir dans des établissements de paris. La réglementation européenne ne nous oblige en rien à ouvrir nos paris à la concurrence et nous devons protéger les quelque 70 000 emplois liés à la filière hippique : non seulement dans les villes organisatrices de courses, mais encore dans les territoires où l'on élève les chevaux de course, où l'on cultive le fourrage, où l'on fabrique des selles, des harnais, autant de secteurs où l'activité est largement financée par les mises des joueurs.

M. François Trucy, rapporteur.  - Cet amendement contrevient à l'objectif de l'ouverture maîtrisée à la concurrence des paris hippiques en ligne : avis défavorable.

M. Éric Woerth, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°120 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°58, présenté par M. Marc et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 1

Rédiger ainsi cet alinéa :

L'organisation de prise de paris hippiques en ligne est confiée, par l'Etat, à titre exclusif, aux personnes morales visées à l'article 5 de la loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux.

M. Claude Bérit-Débat.  - Ce texte met en place un arsenal inutile et son application risque d'être source de corruption, de conflits d'intérêt. Nous préférerions confier l'organisation exclusive des paris hippiques au PMU qui détient un monopole de fait, depuis 1931. La réglementation européenne ne nous oblige nullement à ouvrir le secteur à la concurrence : les directives « Services », de 2006, et « Commerce électronique », de 2000, ont exclu les jeux en ligne de leur champ d'application.

Plusieurs décisions récentes nous ont confirmé que le monopole français détenu par le PMU pour l'organisation des paris hippiques était conforme au droit européen. En septembre 2009, l'arrêt de la CJCE Santacasa de la Misericordia de Lisboa a confirmé que la réglementation d'un État membre pouvait, au nom du principe de subsidiarité, interdire à un opérateur privé de proposer des jeux d'argent et de hasard en ligne et autoriser cet État à maintenir un monopole.

Le PMU a élaboré progressivement un véritable savoir-faire que d'autres opérateurs prétendent exploiter, alors que la fiabilité des jeux n'a jamais été remise en cause.

Ne désorganisons pas ces jeux ! Le financement de la filière hippique pâtira du moindre rapport de la taxation des jeux en ligne et les opérateurs bénéficieront d'un avantage inacceptable, par rapport aux opérateurs des jeux en dur. Ce texte privilégie les intérêts de ces nouveaux opérateurs, qui sont déjà souvent partie prenante dans les médias ou le sport, au détriment de ceux de la filière hippique.

M. François Trucy, rapporteur.  - Vous voulez maintenir le monopole : avis défavorable.

M. Éric Woerth, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°58 n'est pas adopté.

L'amendement n°108 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°11 rectifié, présenté par M. A. Dupont, au nom de la commission de la culture.

Alinéa 2, première et seconde phrases

Après le mot :

courses

insérer (deux fois) les mots :

et les courses

M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis.  - Nous proposons de prévoir l'établissement de listes de courses ouvertes aux paris, et pas seulement de réunions de courses. Une réunion de courses comporte plusieurs courses : certaines d'entre elles peuvent être désignées individuellement comme support pour la prise de paris, sans nécessairement que toutes les courses de la réunion le soient.

M. François Trucy, rapporteur.  - Cet amendement concilie la rédaction initiale avec celle de l'Assemblée nationale. Avis favorable.

M. Éric Woerth, ministre.  - Favorable.

L'amendement n°11 rectifié est adopté.

L'article 6, modifié, est adopté.

Article 7

I.  -  Par dérogation aux dispositions des articles 1er et 2 de la loi du 21 mai 1836 précitée et de l'article 1er de la loi n° 83-628 du 12 juillet 1983 relative aux jeux de hasard, toute personne titulaire de l'agrément prévu à l'article 16 de la présente loi en tant qu'opérateur de paris sportifs en ligne peut organiser, dans les conditions prévues par la présente loi, la prise de tels paris. Ces paris sportifs ne peuvent porter que sur l'une des catégories de compétitions définies par l'Autorité de régulation des jeux en ligne suivant des modalités définies par voie réglementaire.

II.  -  Les types de résultats supports des paris ainsi que les phases de jeux correspondantes sont fixés, pour chaque sport, par l'Autorité de régulation des jeux en ligne suivant des modalités définies par voie réglementaire.

III.  -  Les règles encadrant la prise de paris en la forme mutuelle ne font pas obstacle au recours, par les opérateurs de paris agréés en application de l'article 16, à des mécanismes d'abondement des gains, sous réserve que cette pratique demeure ponctuelle et n'ait pas pour effet de dénaturer le caractère mutuel des paris.

M. le président.  - Amendement n°121, présenté par M. Vera et les membres du groupe CRC-SPG

Supprimer cet article.

M. Thierry Foucaud.  - L'organisation de paris sportifs en ligne, faiblement contrôlée, ne peut conduire qu'à des abus.

M. François Trucy, rapporteur.  - L'ouverture à la concurrence est la meilleure façon de réguler le secteur. Avis défavorable.

M. Éric Woerth, ministre.  - Défavorable.

L'amendement n°121 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°59, présenté par M. Marc et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 1

Rédiger ainsi cet alinéa :

L'organisation de prise de paris sportifs en ligne est confiée, par l'État, à titre exclusif, aux personnes morales visées à l'article 136 de la loi du 31 mai 1933 portant fixation du budget général de l'exercice 1933 et à l'article 42 de la loi n° 84-1208 du 29 décembre 1984 de finances pour 1985.

M. Yves Daudigny.  - Cet amendement réserve à La Française des Jeux un droit exclusif à l'organisation des jeux d'argent et de hasard en ligne. Depuis la loi du 31 mai 1933, les loteries et les paris sportifs relèvent d'un monopole d'État et La Française des Jeux a développé de nombreux jeux, qui financent le mouvement sportif par le biais du CNDS.

Elle compte être opérateur de jeux en ligne pour les paris sportifs et le poker en ligne, mais pas pour les paris hippiques. II aurait donc été bien plus simple de maintenir les deux monopoles existants en dur : Française des Jeux et PMU ! D'autant que l'arrêt de septembre 2009 de la CJCE a confirmé le principe de subsidiarité en la matière, et précisé que les États étaient libres d'ouvrir ou non le secteur à la concurrence...

Enfin, les nouveaux opérateurs en situation concurrentielle ont obtenu une fiscalité très avantageuse, soi-disant pour ménager leur économie supposée fragile. Il n'y aura donc vraisemblablement plus de fonds suffisants pour abonder le CNDS...

M. le président.  - Amendement n°61, présenté par M. Marc et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 1

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

L'organisation de paris sur les compétitions de football masculin amateur n'est pas autorisée.

M. Jean-Jacques Lozach.  - Cet amendement vise à prévenir les risques de corruption, à limiter les pressions sur des joueurs plus malléables que des professionnels, à éviter que des non-professionnels puissent parier sur des compétitions auxquelles ils participent. L'amendement s'en tient au football masculin, car pour le football féminin de haut niveau, le distinguo entre pratique professionnelle et amateur est plus difficile à établir.

M. François Trucy, rapporteur.  - L'amendement n°59 est contraire à l'objet même du projet de loi : avis défavorable.

L'amendement n°61 a jeté la commission des finances dans une grande perplexité. Pourquoi ne viser que le football masculin amateur ?

M. Albéric de Montgolfier.  - Discrimination ! (Sourires)

M. François Trucy, rapporteur.  - La notion d'amateurisme est aléatoire : dans le football dit amateur, les joueurs le sont rarement ! Retrait ?

M. Éric Woerth, ministre.  - Défavorable à l'amendement n°59.

Quant à l'amendement n°61, pourquoi s'en tenir au football masculin ? Pourquoi pas un amendement pour le tennis, ou d'autres sports ? Non que je vous y encourage... (Sourires) La liste des compétitions qui pourront faire l'objet de paris sera arrêtée après avis des fédérations. Elle définira dans le détail la nature des compétitions concernées. La différence entre sport amateur et professionnel n'est pas toujours très nette...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Les amateurs ne sont pas plus corruptibles que les professionnels ! (M. le ministre approuve)

M. Yves Daudigny.  - Nous sommes en profond désaccord sur la philosophie même de ce texte. L'objet de la loi n'est pas de lutter contre le jeu illégal, mais bien d'ouvrir les jeux en ligne à des groupes privés !

L'amendement n°59 n'est pas adopté.

M. Jean-Jacques Lozach.  - Vous traitez avec beaucoup de légèreté la question de l'objet des paris en ligne, alors que l'on sait que 80 à 90 % des paris porteront sur le football et le tennis ! Le distinguo entre pratique amateur et professionnelle est une vraie question, et sera source d'imbroglios !

M. Éric Woerth, ministre.  - Nous n'avons pas traité la question avec légèreté, au contraire !

M. François Trucy, rapporteur.  - C'est moi qui étais visé ! (Sourires)

M. Éric Woerth, ministre.  - Mais non ! Le rapporteur est toujours excellent, le ministre mauvais : c'est un principe fondamental de toute discussion parlementaire. (Sourires)

Nous arrêterons une liste ; si nécessaire, elle évoluera en fonction des problèmes rencontrés. C'est le rôle de l'Arjel ; la régulation sera mobile.

L'amendement n°61 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°122, présenté par M. Vera et les membres du groupe CRC-SPG

Après l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les paris sportifs à cote sont prohibés.

M. Thierry Foucaud.  - Dans les paris à cote, le vainqueur est toujours connu : c'est l'organisateur !

Si un club comme le FC Barcelone remporte la plupart de ses matchs, les hiérarchies ne sont pas aussi tranchées dans tous les sports ! Parfois, il suffit d'une chute de neige pour que la donne change...

Pour peu que les paris touchent des sports aussi éthiques que la boxe professionnelle, avec ses quatre fédérations et ses combats à Las Vegas, ou que la boxe thaï, on a de quoi s'inquiéter !

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par M. A. Dupont, au nom de la commission de la culture.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Seules sont autorisées l'organisation et la prise de paris sportifs en ligne en la forme mutuelle ou à cote au sens de l'article 2 de la présente loi.

M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis.  - Amendement de clarification : cela va mieux en le disant !

M. François Trucy, rapporteur.  - Si le groupe socialiste juge que ma précédente réponse était trop légère, je le prie de m'en excuser : il va de soi que je prends au sérieux ses arguments. Mais parfois un peu d'humour ne fait pas de mal...

Défavorable à l'amendement n°122 : bis repetita non placent.

Favorable au n°12 : il est bon d'enfoncer le clou.

M. Éric Woerth, ministre.  - Défavorable à l'amendement n°122, favorable au n°12 qui précise bien les choses.

L'amendement n°122 n'est pas adopté.

L'amendement n°12 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°60, présenté par M. Marc et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2

Rédiger ainsi le début de cet alinéa :

Les types de paris autorisés qui ne peuvent porter que sur les résultats finaux des compétitions ou des manifestations sportives, sont fixés...

M. Jean-Jacques Lozach.  - Nous voulons interdire les paris sur des phases de jeu ; ceux-ci ne doivent porter que sur le résultat final de la compétition. Le pari sur les phases de jeu ouvre trop grand la porte à la corruption. Le footballeur pourrait parier sur le premier coup franc qu'il va tirer. Tout le monde a présents à l'esprit les scandales récents, comme en tennis l'affaire Davydenko.

M. François Trucy, rapporteur.  - L'affaire Davydenko n'a pas encore été jugée ; il faut donc être prudent quand on l'évoque.

La rédaction proposée par cet amendement est très excessive et les risques de « fuites de parieurs » sont réels. Qu'est-ce que le résultat de la compétition ? La proclamation du champion de France ?

M. Éric Woerth, ministre.  - Défavorable à l'amendement. On peut parier sur autre chose que des résultats, du moment que ce n'est pas manipulable. Au tennis, on peut perdre un point sans perdre le match...

Regardons dans les différents pays comment ils ont arrêté les choses : ce peut être le nombre de points, le nombre de sorties de ballon...

L'amendement n°60 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°123, présenté par M. Vera et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

M. Thierry Foucaud.  - Nous ne souhaitons pas que se développent des pratiques qui favoriseraient l'addiction. Allez faire un tour en ligne, visitez les opérateurs illégaux -que ce texte va légaliser- vous verrez les diverses façons dont on accroche le joueur. C'est du marketing classique, sans doute. A ceci près que, selon les termes mêmes de cette loi, le jeu n'est pas un commerce ni un service ordinaire.

M. François Trucy, rapporteur.  - Nous approuvons les intentions de cet amendement que nous aurions pu accepter s'il n'était de suppression. Il est trop restrictif. Le texte actuel encadre correctement la possibilité de recours à des mécanismes d'abondement des gains, en précisant que cette pratique doit demeurer ponctuelle et ne doit pas avoir pour effet de dénaturer le caractère mutuel des paris. Défavorable donc.

M. Éric Woerth, ministre.  - Il peut y avoir des reports de gains. C'est d'ailleurs déjà le cas. Pour le reste, les articles 7 et 25 alinéa 14 de ce projet de loi sont assez explicites contre les gratifications financières. Défavorable à l'amendement.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Les pratiques visées là méritent une attention particulière. On proclame qu'on veut lutter contre l'addiction au jeu et l'on tolère que quelques dizaines d'euros soient mis à la disposition de ceux que l'on veut accrocher, pour les engager à jouer. Qu'est-ce d'autre que cet « abondement des gains » ? On est à la limite du supportable, à la frontière de l'hypocrisie.

M. Thierry Foucaud.  - Je remercie le président Arthuis d'apporter de l'eau à mon moulin. Notre amendement ne supprime pas l'article mais seulement un de ses alinéas, monsieur le rapporteur !

M. François Trucy, rapporteur.  - C'est pareil !

L'amendement n°123 n'est pas adopté.

L'article 7 est adopté.

Article 8

I.  -  (Non modifié) En matière de paris en ligne sur les épreuves hippiques ou sportives, sont seules autorisées l'organisation et la prise de paris enregistrés en compte par transfert de données numériques exclusivement par l'intermédiaire d'un service de communication au public en ligne, à l'initiative du joueur connecté directement au site de l'opérateur agréé.

II.  -  Les catégories de paris sportifs et hippiques autorisés, les principes régissant leurs règles techniques et la proportion maximale des sommes versée en moyenne aux joueurs par rapport aux sommes engagées par type d'agrément sont fixés par décret.

M. le président.  - Amendement n°124, présenté par M. Vera et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

M. Bernard Vera.  - Nous avons indiqué que nous étions plus que réservés sur la mise à disposition de l'espace cybernétique pour quelques groupes financiers engagés dans l'univers des jeux et paris. Cet article renvoie au domaine réglementaire la définition des règles d'organisation de ces paris sportifs et hippiques.

Quels types de paris seront autorisés ? Les opérateurs en ligne pourront-ils proposer les mêmes paris que les exploitants historiques ? Les paris sportifs en direct ou live betting, fort différents du Loto sportif que nous connaissons aujourd'hui, risquent fort d'être légalisés quand le décret sera élaboré après négociation entre l'État et les opérateurs. L'ouverture à la concurrence des jeux dans les autres pays s'est traduite par le développement des supports addictifs, que rien dans ce texte ne vise à parer.

M. François Trucy, rapporteur.  - Supprimer cet article qui définit les catégories de paris ouverts à la concurrence, c'est empêcher la libéralisation du secteur, l'objet même de ce texte. L'avis ne peut donc qu'être défavorable.

M. Éric Woerth, ministre.  - Même avis : quel dommage de supprimer cet article qui prévoit également un plafonnement du taux de retour aux joueurs !

M. Bernard Vera.  - Monsieur le rapporteur, la définition des catégories de paris ouverts à la concurrence n'est pas précisée dans cet article, mais renvoyée à un décret. D'où l'intérêt de cet amendement !

L'amendement n°124 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°13, présenté par M. A. Dupont, au nom de la commission de la culture.

Alinéa 2

Après le mot :

joueurs

insérer les mots :

, y compris la contre-valeur des lots en nature attribués,

M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis.  - Pour limiter les pratiques de vente à perte, il est prévu qu'un décret fixera « la proportion maximale des sommes reversées en moyenne aux joueurs par rapport aux sommes engagées par type d'agrément ». Cette disposition, limitée à la proportion des sommes reversées aux joueurs, me semble aisément contournable car, dans la pratique, les opérateurs abondent les comptes joueurs avec des offres promotionnelles, déjà évoquées, et des bonus, en numéraire ou en nature. D'où cet amendement.

M. François Trucy, rapporteur.  - La commission est sensible au souci de M. Dupont d'encadrer le taux de retour aux joueurs. De fait, augmenter le TRJ, c'est contourner la loi, raison pour laquelle nous avons prévu d'intégrer dans ce taux les bonus en numéraire. Pour autant, la commission est perplexe devant la difficulté que représente la détermination de la contre-valeur du lot en nature. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre.  - Le Gouvernement est plutôt favorable sous réserve que le décret précise la nature du type de lots et un seuil. (« Très bien ! » au banc de la commission)

M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis.  - Monsieur le ministre, ce serait très pédagogique car cela ferait ressortir le lien entre bonus et TRJ.

L'amendement n°13 est adopté.

L'amendement n°109 n'est pas défendu.

L'article 8, modifié, est adopté.

Article 9

I.  -  Par dérogation aux dispositions de l'article 1er de la loi n°83-628 du 12 juillet 1983 précitée, toute personne titulaire de l'agrément prévu à l'article 16 de la présente loi en tant qu'opérateur de jeux de cercle en ligne peut organiser, dans les conditions prévues par la présente loi, de tels jeux.

II.  -  Pour l'application du I, seuls peuvent être proposés en ligne les jeux de cercle constituant des jeux de répartition reposant sur le hasard et sur le savoir-faire dans lesquels le joueur, postérieurement à l'intervention du hasard, décide, en tenant compte de la conduite des autres joueurs, d'une stratégie susceptible de modifier son espérance de gains.

Seuls sont autorisés les jeux de cercle entre joueurs jouant via des sites d'opérateurs titulaires de l'agrément prévu à l'article 16.

III. - Les mises sont enregistrées en compte par transfert de données numériques exclusivement par l'intermédiaire d'un service de communication au public en ligne, à l'initiative du joueur connecté directement au site de l'opérateur agréé.

IV.  -  Les catégories de jeux de cercle mentionnées au II ainsi que les principes régissant leurs règles techniques sont fixés par décret.

M. le président.  - Amendement n°62, présenté par M. Marc et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

M. Yves Daudigny.  - Nous voulons supprimer la possibilité d'organiser des jeux de cercle en ligne, qui sont aujourd'hui l'apanage des casinos et des cercles de jeux. Le plus célèbre d'entre eux est le poker, très prisé par des vedettes, mais l'on peut également citer le black jack ou encore le baccara. Ce texte, qui en donne une définition ouverte, n'encadre pas leur organisation en ligne. Le poker sur les sites illégaux se taille un succès croissant auprès de très jeunes joueurs, souvent mineurs. Pas moins de 700 000 Français pratiqueraient déjà ce jeu en ligne. Il serait malsain de valoriser le bluff, le mensonge qui fonde ces jeux auprès d'enfants !

M. le président.  - Amendement identique n°125, présenté par M. Vera et les membres du groupe CRC-SPG

M. Thierry Foucaud.  - J'ajoute que l'organisation de jeux de cercle en ligne facilitera le blanchiment d'argent car les opérateurs se montreront peu soucieux de l'origine des sommes jouées. Au reste, il est peu satisfaisant pour le législateur que les catégories de jeux virtuels autorisées soient, comme à l'article 8, renvoyées à un décret dont l'élaboration sera négociée entre l'État et les opérateurs.

M. François Trucy, rapporteur.  - Tout d'abord, ce n'est pas l'État qui négociera avec les opérateurs, mais l'Arjel. Ensuite, l'appréciation que porte M. Daudigny sur le poker me semble excessive, il n'y a pas que du bluff et du mensonge dans ce jeu. Enfin, qu'il existe des centaines de milliers de joueurs de poker en ligne prouve qu'il est urgent d'encadrer cette activité ! Rejet.

M. Éric Woerth, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°62, identique à l'amendement n°125, n'est pas adopté.

L'article 9 est adopté.

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°64, présenté par M. Marc et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Avant l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les personnes morales titulaires d'une autorisation relative à un service de radio ou de télévision délivrée conformément aux articles 29, 29-1, 30, 30-1 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, les personnes physiques ou morales détenant le contrôle ou la prise en location-gérance d'une publication de presse ne peuvent solliciter un agrément en tant qu'opérateur de jeux ou de paris en ligne.

M. Jean-Jacques Lozach.  - Nous sommes déjà intervenus sur les risques de conflits d'intérêts entre les différentes activités que pourra mener le titulaire d'un agrément d'opérateur de jeux en ligne. La société de jeux en ligne Betclic a récemment annoncé un partenariat avec la Juventus alors que Stéphane Courbit, qui en possède 75 % des parts, est déjà sponsor de l'OM et l'OL ! Ce même Stéphane Courbit, qui a débuté sa carrière comme producteur dans les médias en tant que propriétaire d'Endemol, vient d'acheter la régie publicitaire de France Télévisions ! Ce cumul d'activités est de nature à susciter de réelles inquiétudes. Même chose pour TFI qui a acquis les 50 % du capital d'Eurosportbet qu'il ne détenait pas via sa filiale Eurosport, auprès du fonds d'investissement de Patrick Le Lay, l'ancien PDG de TF1... Il n'est pas opportun d'accorder à ces acteurs majeurs du secteur de l'audiovisuel la possibilité de solliciter un agrément d'opérateur de jeux en ligne.

M. François Trucy, rapporteur.  - S'il est légitime de vouloir prévenir les conflits d'intérêts, je ne comprends pas, en l'espèce, où se situe le conflit d'intérêt. Le PMU possède une chaîne de télévision sans que personne n'y trouve rien à redire. Les acteurs des médias n'ont aucun moyen d'influencer le résultat d'une épreuve sportive. Retrait ?

M. Éric Woerth, ministre.  - Dans quel but jetez-vous ainsi des noms ? Où est le problème ? Comment des propriétaires de médias pourraient-ils orienter une compétition ? J'aimerais en savoir plus ! Le Gouvernement est défavorable.

L'amendement n°64 n'est pas adopté.

Article 10

L'entreprise sollicitant l'agrément en tant qu'opérateur de jeux ou de paris en ligne justifie de l'identité et de l'adresse de son propriétaire ou, s'il s'agit d'une personne morale, de son siège social, de sa structure juridique, de l'identité et de l'adresse de ses dirigeants. Elle fournit les éléments relatifs à des condamnations pénales, déterminées par le décret mentionné au III de l'article 16, ou des sanctions administratives, mentionnées à l'article 35, dont elle-même, son propriétaire ou, s'il s'agit d'une personne morale, un de ses dirigeants ou de ses mandataires sociaux a, le cas échéant, fait l'objet.

Dans le cas où l'entreprise est constituée en société par actions, elle présente l'ensemble des personnes physiques ou morales qui détiennent plus de 5 % de son capital ou de ses droits de vote ainsi que, le cas échéant, la ou les personnes qui la contrôlent directement ou indirectement, au sens de l'article L. 233-16 du code de commerce.

L'entreprise justifie de ses moyens humains et matériels et communique l'ensemble des informations comptables et financières de nature à attester sa solidité financière et sa capacité à assumer les investissements nécessaires au respect de ses obligations légales et réglementaires. S'il s'agit d'une entreprise individuelle, elle présente les montants des actifs détenus par l'entrepreneur et des dettes qu'il a contractées.

L'entreprise sollicitant l'agrément ne peut avoir son siège social, une filiale ou un équipement dans un Etat ou territoire non coopératif au sens de l'article 238-0 A du code général des impôts.

Toute modification de ces éléments intervenant postérieurement à l'agrément est portée à la connaissance de l'Autorité de régulation des jeux en ligne dans les conditions prévues au V de l'article 16.

M. le président.  - Amendement n°126, présenté par M. Vera et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 2

Remplacer les mots :

plus de 5 % de son capital ou de ses droits de vote

par les mots :

son capital ou ses droits de vote

M. Bernard Vera.  - L'article 10 impose aux opérateurs des obligations déclaratives très peu contraignantes. Nul besoin d'une représentation légale en France, sous forme de filiale ou de succursale : seules sont interdites les sociétés implantées dans des pays ou des territoires dits non coopératifs. Certains opérateurs bien connus ont leur siège social dans des pays très libéraux en termes de secret bancaire -Luxembourg, Autriche, Pays-Bas...- et sont implantés dans des territoires où les contrôles sont limités, comme la principauté de Monaco. Les opérateurs seront seulement contraints d'avoir une représentation bancaire en France. L'obligation qui leur est faite à l'article 18 d'ouvrir un site dédié aux activités de paris en ligne et connecté au réseau français n'emporte aucune contrainte de domiciliation.

Pourtant la plus grande transparence doit régner au sujet du capital social de ces entreprises : tous les détenteurs de parts doivent être connus. Les jeux ne sont pas des services ordinaires. La Française des Jeux, qui n'est tenue à rien, rend depuis longtemps publique la liste de ses actionnaires, depuis l'État qui détient 72 % de son capital social jusqu'à la mutuelle du Trésor qui en détient 1 %.

M. François Trucy, rapporteur.  - Cet amendement est disproportionné et irréaliste. L'Arjel ne pourra jamais connaître l'identité de tous les actionnaires : cela supposerait que la société elle-même les connaisse tous ; or, en droit français, la plupart des petits porteurs sont inscrits « au porteur » et non « au nominatif » et restent donc anonymes.

Rappelons pour vous satisfaire que la commission des finances a renforcé la transparence en prévoyant que le seuil de 5 % s'appliquerait non seulement aux parts de capital détenues, mais aussi aux droits de vote, car vous avez raison de dire que les unes importent autant que les autres. Avis défavorable.

M. Éric Woerth, ministre.  - Même avis. L'Arjel doit savoir qui contrôle la société. Peu lui importe l'identité des petits porteurs.

L'amendement n°126 n'est pas adopté.

L'article 10 est adopté.

Article 11

L'entreprise sollicitant l'agrément présente la nature, les caractéristiques et les modalités d'exploitation, d'organisation ou de sous-traitance du site de jeux en ligne et des opérations de jeu ou de pari en ligne qu'elle entend proposer au public, ainsi que les caractéristiques des plateformes et logiciels de jeux et de traitement de paris qu'elle compte utiliser.

Elle décrit, pour chaque jeu proposé, le processus de traitement des données de jeu ainsi que les moyens permettant que ces données soient, en temps réel ou différé, mises à la disposition de l'Autorité de régulation des jeux en ligne.

Elle donne connaissance des contrats de fourniture ou de sous-traitance d'opérations de jeu ou de pari en ligne qu'elle a conclus.

Elle souscrit l'engagement de donner aux représentants habilités de l'Autorité de régulation des jeux en ligne l'accès au local où se trouve le support matériel de données mentionné à l'article 22.

Elle justifie de sa capacité à maintenir la conformité des jeux qu'elle propose à la réglementation qui leur est applicable. Elle désigne la ou les personnes, domiciliées en France, qui en sont responsables.

Elle communique, à titre d'information, dans l'hypothèse où elle opère légalement dans son Etat d'établissement pour une même catégorie de jeux ou de paris en ligne, les exigences et, en général, la surveillance réglementaire et le régime des sanctions auxquels elle est déjà soumise dans cet Etat.

M. le président.  - Amendement n°65, présenté par M. Marc et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2

Rédiger ainsi le début de cet alinéa :

Tout jeu proposé est soumis à déclaration auprès de l'Autorité de régulation des jeux en ligne. L'entreprise décrit, pour chaque jeu proposé, ...

M. François Marc.  - Cet amendement est destiné à faciliter la vie des agents de l'Arjel en garantissant la qualité des jeux. Le projet de loi prévoit que les opérateurs devront, pour obtenir l'agrément, décrire les principales caractéristiques de leurs jeux. C'est bien, mais c'est insuffisant, car rien ne les empêchera de modifier ces jeux ou d'en proposer d'autres une fois l'agrément obtenu. Il serait préférable que l'Arjel ait un droit de regard sur tous les jeux proposés, et que ceux-ci soient soumis à déclaration préalable.

M. François Trucy, rapporteur.  - L'amendement est satisfait : le premier alinéa de l'article impose à tout opérateur candidat d'exposer à l'Arjel la nature, les caractéristiques et les modalités d'exploitation des jeux ou des paris qu'il compte proposer au public, de la même façon que les sociétés de gestion de portefeuille doivent présenter un programme d'activité à l'Autorité des marchés financiers. Nous préférons notre formulation à la vôtre, qui ne fait référence qu'aux jeux et élude les paris. Retrait.

M. Éric Woerth, ministre.  - L'article répond aux préoccupations de M. Marc.

M. François Marc.  - J'en doute. L'amendement est maintenu.

L'amendement n°65 n'est pas adopté.

L'article 11 est adopté.

Article 12

L'entreprise sollicitant l'agrément précise les modalités d'accès et d'inscription à son site de tout joueur et les moyens lui permettant de s'assurer de l'identité de chaque nouveau joueur, de son âge, de son adresse et de l'identification de ses moyens de paiement. Elle s'assure également, lors de l'ouverture initiale du compte joueur et lors de toute session de jeu, que le joueur est une personne physique, en requérant l'entrée d'un code permettant d'empêcher les inscriptions et l'accès de robots informatiques.

Elle peut proposer au joueur provisoirement et de manière limitée, une activité de jeu d'argent ou de pari en ligne avant vérification des éléments prévus au premier alinéa. Cette vérification et celle de la majorité du joueur conditionnent toutefois la validation du compte joueur et la restitution de son éventuel solde créditeur.

Elle justifie, auprès de l'Autorité de régulation des jeux en ligne, compte tenu de la date de transmission des documents d'ouverture de compte, du processus assurant qu'un compte joueur est ouvert à tout nouveau joueur ou parieur avant toute activité de jeu ou de pari et, pour les personnes autres que celles visées à l'article 57, que cette ouverture et l'approvisionnement initial par son titulaire sont intervenus postérieurement à sa date d'agrément. 

L'ouverture d'un compte joueur ne peut être réalisée qu'à l'initiative de son titulaire et après sa demande expresse, à l'exclusion de toute procédure automatique.

Le compte joueur ne peut être crédité que par son titulaire au titre des approvisionnements qu'il réalise dans les conditions définies au présent article ou par l'opérateur agréé qui détient le compte, soit au titre des gains réalisés par le joueur, soit à titre d'offre promotionnelle.

L'approvisionnement d'un compte joueur par son titulaire ne peut être réalisé que directement à partir d'un compte de paiement ouvert auprès d'un prestataire de services de paiement établi dans un Etat membre de la Communauté européenne ou un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention contenant une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales. Seuls peuvent être utilisés les instruments de paiement mentionnés au chapitre III du titre III du livre Ier du code monétaire et financier.

Les avoirs du joueur auprès de l'opérateur ne peuvent être reversés que sur un seul compte de paiement, tel que mentionné à l'alinéa précédent, ouvert par le joueur. Le joueur communique à l'opérateur les références de ce compte de paiement lors de l'ouverture de son compte joueur. Le reversement de ces avoirs ne peut être réalisé que par virement vers ce compte de paiement.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.

Avant l'alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles un numéro d'identification unique est attribué à chaque joueur. Ce numéro est demandé par les opérateurs agréés pour chaque ouverture de compte.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - La faculté donnée aux joueurs d'ouvrir un compte auprès de chaque opérateur interdit de contrôler des sommes dépensées. La commission des affaires sociales propose que chaque joueur dispose d'un numéro unique : c'est déjà le cas en Italie pour les jeux en ligne, et c'est envisagé en Belgique pour tous les jeux. Cela faciliterait l'identification des joueurs et la prévention de l'addiction.

M. François Trucy, rapporteur.  - La mesure préconisée par M. About sera peut-être très utile à l'avenir. Mais, malgré son apparence séduisante, elle présente bien des difficultés. Vérification faite, les Belges ne l'envisagent pas. En France, il faudrait obtenir l'autorisation de la Cnil et résoudre divers problèmes techniques. Retrait. Toutefois, M. le ministre ayant prévu une clause de revoyure, la commission des finances pourrait se charger d'un rapport sur l'application de la loi ; dans ce cadre, la proposition de la commission des affaires sociales fera naturellement l'objet d'un examen très attentif.

M. Éric Woerth, ministre.  - Je partage l'avis du rapporteur. Une telle mesure faciliterait sans doute l'identification des joueurs et la prévention des risques, mais elle est contraire à la culture de notre pays. En Italie, on utilise un identifiant unique pour diverses activités, et pas seulement pour les jeux. En France, nous n'avons que le numéro d'immatriculation à la sécurité sociale. Or les jeux ne sont pas encore remboursés par la sécurité sociale... (Sourires) Je ne ferme aucune porte, mais cette mesure serait très difficile à mettre en oeuvre. Sous le bénéfice de ces explications, je sollicite le retrait de cet amendement.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Qu'en termes galants ces choses-là sont mises ! L'amendement est retiré.

L'amendement n°4 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°111, présenté par M. About.

Alinéa 1, première phrase

Après les mots :

de son adresse et de l'identification

rédiger ainsi la fin de cette phrase :

du compte de paiement sur lequel sont reversés ses avoirs.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Cet amendement, comme les amendements n°s91 et 92, tend à autoriser le paiement au moyen de cartes prépayées. J'en profite pour annoncer le retrait de l'amendement n°5.

L'amendement n°5 est retiré.

M. le président.  - Amendement identique n°161 rectifié ter, présenté par Mme Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier.  - L'article 12 impose aux opérateurs sollicitant l'agrément de l'Arjel d'expliquer comment ils comptent assurer l'identification des joueurs, nécessaire pour assurer la sécurité des transactions, la protection des mineurs contre l'addiction et la lutte contre la fraude et le blanchiment.

Or, la rédaction du premier alinéa n'apporte pas toutes ces garanties. Il est important que l'opérateur puisse vérifier le lien de concordance entre l'identité du joueur et celle du détenteur du compte de paiement.

M. François Trucy, rapporteur.  - Avis favorable sur ces deux amendements identiques.

M. Éric Woerth, ministre.  - Même avis. Les associations de consommateurs y sont favorables : des études montrent, au Royaume-Uni, que de tels dispositifs permettent de contrôler l'addiction. En revanche, tous les opérateurs de jeux sont assujettis à l'obligation de vigilance et de déclaration, tous les joueurs sont identifiés et le projet de loi verrouille le reversement de leurs avoirs : ceux-ci ne peuvent être versés que sur un compte préalablement déclaré, ce qui permet d'éviter le blanchiment.

Les amendements identiques n°s111 et 161 rectifié ter sont adoptés.

M. le président.  - Amendement n°165, présenté par M. Trucy, au nom de la commission des finances.

I. - Alinéa 2

Supprimer cet alinéa

II. - Après l'alinéa 4, insérer un alinéa ainsi rédigé :

L'opérateur agréé de jeux ou de paris en ligne peut proposer au joueur, de manière provisoire, une activité de jeu d'argent ou de pari en ligne avant vérification des éléments mentionnés au premier alinéa. Cette vérification et celle de la majorité du joueur conditionnent toutefois la validation du compte joueur et la restitution de son éventuel solde créditeur.

M. François Trucy, rapporteur.  - La rédaction actuelle du dispositif de compte joueur provisoire est ambiguë en ce que le pronom « elle » fait implicitement référence à l'entreprise mentionnée au premier alinéa, soit une entreprise qui sollicite un agrément. Or ce dispositif ne saurait être mis en oeuvre par des opérateurs non agréés.

De plus, il est préférable de retenir le caractère « provisoire » de ce compte, plutôt que « provisoire et de manière limitée », qui est un peu redondant. Afin de respecter la logique de l'article, l'alinéa correspondant est déplacé après le quatrième alinéa.

L'amendement n°165, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°95, présenté par M. Marc et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Dans le cas contraire, elle clôture les comptes de ses clients et elle leur rembourse les soldes restant.

M. Claude Bérit-Débat.  - Nous proposons la suppression des fichiers de clients constitués et exploités illégalement par certains opérateurs non autorisés avant l'ouverture du marché des jeux et des paris en ligne.

Cette disposition est d'autant plus indispensable que les opérateurs qui ont illégalement offert des paris ou des jeux en ligne et ont ainsi constitué des fichiers de clients n'ont jamais respecté la moindre obligation. Il faut donc imposer la suppression de ces fichiers et exiger la clôture des comptes déjà ouverts afin d'éviter toute réinscription automatique de ces clients. Une telle amnistie ne serait en effet pas acceptable.

M. François Trucy, rapporteur.  - Cet amendement est satisfait par la procédure de remise à zéro des compteurs prévue à l'article 12 : tout opérateur qui sollicite l'agrément doit justifier que l'ouverture et l'approvisionnement initial des comptes sont intervenus après l'agrément. Les dispositions prévues par l'Assemblée nationale à l'article 16 ont été supprimées car elles présentaient un risque constitutionnel sérieux, puisque l'Arjel devait procéder elle-même à la qualification de faits pénalement répréhensibles. En contrepartie, le régime pénal a été substantiellement renforcé à l'article 47. Je demande donc le retrait.

M. Éric Woerth, ministre.  - Même avis.

M. Claude Bérit-Débat.  - Je ne vais pas retirer cet amendement car les explications de M. le rapporteur ne m'ont pas convaincu.

L'amendement n°95 n'est pas adopté.

L'amendement n°149 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°91, présenté par M. About.

Alinéa 6, première phrase

Remplacer les mots :

que directement à partir d'un compte de paiement ouvert auprès d'un

par les mots :

qu'au moyen d'instruments de paiement mis à disposition par un

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Il est défendu.

M. le président.  - Amendement n°33, présenté par M. Gournac.

Alinéa 6, première phrase

Après les mots :

directement à partir

insérer les mots

d'une carte prépayée, émise par un établissement de crédit agréé par la Banque de France et d'un montant plafonné par voie réglementaire, ou

M. Alain Gournac.  - Il convient d'autoriser les cartes prépayées en encadrant leur mise en circulation. Elles constituent en effet un moyen de lutte contre l'addiction au jeu. Encore faut-il que le montant en soit sérieusement plafonné. Il y a eu des engagements pour que l'on ne dépasse pas 100 euros.

Ne restons pas prisonniers des idées reçues : il n'est pas impossible, dans un pays de droit, de concilier la liberté de jouer, le développement économique, l'innovation technologique et la prise en compte d'un certain nombre de contraintes afin de protéger l'individu.

Il est enfin très important que l'agrément de la Banque de France soit requis pour toute société émettrice de cartes prépayées. Un tel agrément en garantira en effet le sérieux et écartera tout soupçon à son égard.

Je souhaite que le réseau des buralistes puisse assurer la vente au public de ces cartes prépayées. Leur proximité avec nos concitoyens mérite d'être soutenue, notamment dans les territoires ruraux.

M. François Trucy, rapporteur.  - Au départ, la commission des finances était assez réservée : elle craignait que la traçabilité des opérations financières ne soit pas parfaite. Il ne faudra pas que les cartes prépayées dépassent les 100 euros, sinon il y aurait un risque de blanchiment. Avis favorable sur les deux amendements.

M. Éric Woerth, ministre.  - Je préfère l'amendement n°91 qui me semble plus complet. Il serait en effet souhaitable que ces cartes soient vendues par les buralistes. Si vous en êtes d'accord, monsieur Gournac, nous en restons à l'amendement n°91.

L'amendement n°91 est adopté.

L'amendement n°33 devient sans objet.

M. le président.  - Amendement n°34, présenté par M. Gournac.

Alinéa 6

Compléter cet alinéa par les mots :

ou dans le règlement n°2002-13 du 21 novembre 2002 relatif à la monnaie électronique et aux établissements de monnaie électronique.

M. Alain Gournac.  - Cet amendement technique s'inscrit dans la suite logique du précédent. Dès lors que l'on autorise la monnaie électronique, en l'occurrence les cartes prépayées, il convient de viser les textes qui lui sont applicables. Or, si la réglementation des services de paiement issue de la transposition de la directive « Services de paiement » a été insérée dans le code monétaire et financier par l'ordonnance du 15 juillet 2009, les dispositions spécifiques à la monnaie électronique relèvent encore en grande partie du règlement 2002-13 qui a transposé en France les dispositions de la directive du 18 septembre 2000 concernant la monnaie électronique.

M. François Trucy, rapporteur.  - La commission est embarrassée par les références au règlement 2002-13 : elle souhaite le retrait.

M. Éric Woerth, ministre.  - Même avis : la précision n'est pas utile car la référence au code monétaire et financier suffit, puisqu'elle inclut les cartes prépayées. En outre, il semblerait que la directive relative à la monnaie électronique sur laquelle s'appuie le règlement auquel vous faites référence soit en cours de révision.

L'amendement n°34 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°110, présenté par M. Gournac.

Après l'alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

A chaque approvisionnement du compte joueur, l'opérateur de jeux ou de paris en ligne est tenu de transmettre les informations relatives au compte joueur qui a fait l'objet de l'approvisionnement au prestataire de services de paiement émetteur de l'instrument de paiement utilisé. Un décret en Conseil d'État détermine les informations qui devront être communiquées et seront conservées conformément à la durée réglementaire.

M. Alain Gournac.  - Je propose de renforcer la traçabilité des transactions en couplant la vérification faite par l'opérateur de jeu à celle réalisée par le prestataire de paiement.

Tous les paiements, toutes les transactions feront l'objet d'une traçabilité précise, allant au-delà des exigences anti-blanchiment.

M. François Trucy, rapporteur.  - La traçabilité est déjà bien garantie dans le texte ! Votre amendement n'est, en outre, pas opérationnel. Sans compter le coût supplémentaire induit. Retrait.

M. Éric Woerth, ministre.  - Même avis. On peut employer, pour jouer, des cartes à prépaiement : c'est l'essentiel.

L'amendement n°110 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°92, présenté par M. About.

Alinéa 7, première phrase

Remplacer les mots :

, tel que mentionné à l'alinéa précédent, ouvert par le joueur

par les mots :

ouvert par le joueur auprès d'un prestataire de services de paiement établi dans un Etat membre de la Communauté européenne ou un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention contenant une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales

M. Nicolas About.  - Rédactionnel, je m'en suis déjà expliqué.

L'amendement n°92, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.

L'article 12, modifié, est adopté.

Article 13

L'entreprise sollicitant l'agrément précise les modalités d'encaissement et de paiement, à partir de son site, des mises et des gains.

Elle justifie de la disposition d'un compte ouvert dans un établissement de crédit établi dans un Etat membre de la Communauté européenne, ou un Etat partie à l'Accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention contenant une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, sur lequel sont exclusivement réalisées les opérations d'encaissement et de paiement liées aux jeux et paris qu'elle propose légalement en France.

Elle justifie de sa capacité à assumer ses obligations en matière de lutte contre les activités frauduleuses ou criminelles, en particulier le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. 

L'entreprise demandant l'agrément accrédite, s'il y a lieu, un représentant en France conformément à l'article 302 bis ZN du code général des impôts.

Elle précise l'organisation lui permettant d'assurer la déclaration et le paiement des versements de toute nature dus au titre de l'activité pour laquelle elle sollicite l'agrément.

M. le président. - Amendement n°96, présenté par M. Marc et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

L'opérateur de jeux ou de paris en ligne sollicitant l'agrément ne remet au joueur un chèque de gain que lorsqu'il y a eu effectivement enjeu et gain, attesté par un bon de paiement. Un processus de vérification est prévu à cet effet.

M. Jean-Jacques Lozach.  - Il s'agit de mieux assurer la sécurité des flux financiers et de lutter contre le blanchiment.

M. François Trucy, rapporteur.  - Défavorable : afin de mieux lutter contre le blanchiment, le projet de loi vise à supprimer tout versement par chèque ou espèces : nous conservons exclusivement les virements de compte à compte.

M. Éric Woerth, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°96 n'est pas adopté.

L'article 13 est adopté, ainsi que les articles 14 et 15.

Article 16

I.  -  (Non modifié) L'agrément pouvant bénéficier aux opérateurs de jeux ou de paris en ligne mentionnés aux articles 6, 7 et 9 est délivré par l'Autorité de régulation des jeux en ligne. Il est distinct pour les paris hippiques, les paris sportifs et les jeux de cercle en ligne. Il est délivré pour une durée de cinq ans. Il est renouvelable. Il n'est pas cessible.

L'agrément est subordonné au respect par le bénéficiaire du cahier des charges, mentionné à l'article 15, qui lui est applicable et des autres obligations énoncées dans la présente loi.

II.  -  Ne peuvent demander l'agrément prévu au I, ou son renouvellement, que les opérateurs de jeux ou de paris en ligne dont le siège social est établi soit dans un Etat membre de la Communauté européenne, soit dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention contenant une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales.

Toutefois, les opérateurs de jeux ou de paris en ligne établis dans un Etat ou territoire non coopératif, tel que défini à l'article 238-0 A du code général des impôts, ou contrôlés, au sens de l'article L. 233-16 du code de commerce, par une société établie dans un tel Etat ou territoire, ne peuvent demander l'agrément prévu au I.

III.  -  (Non modifié) Tout refus d'agrément ou de renouvellement est motivé. L'agrément ou son renouvellement ne peut être refusé que pour un motif tiré de l'incapacité technique, économique ou financière du demandeur de faire face durablement aux obligations attachées à son activité ou de la sauvegarde de l'ordre public et des nécessités de la sécurité publique.

Le refus peut également être motivé par la circonstance que l'opérateur demandeur a été frappé d'une des sanctions prévues à l'article 35 ou que l'entreprise, son propriétaire ou, s'il s'agit d'une personne morale, un de ses dirigeants ou de ses mandataires sociaux a fait l'objet d'une condamnation pénale devenue définitive relevant des catégories énumérées par décret en Conseil d'Etat.

IV.  -  La décision d'octroi de l'agrément indique les caractéristiques de l'offre de jeux ou de paris en ligne autorisée, ainsi que, le cas échéant, les obligations particulières imposées au titulaire, compte tenu des spécificités de son offre de jeux ou paris et de son organisation, pour permettre l'exercice du contrôle de son activité par l'Autorité de régulation des jeux en ligne.

V.  -  (Non modifié) Toute modification apportée aux informations constitutives de la demande d'agrément doit être communiquée à l'Autorité de régulation des jeux en ligne dans un délai fixé par le décret en Conseil d'Etat prévu au VI. Les modifications susceptibles d'affecter les éléments inhérents à la demande d'agrément, et notamment tout changement significatif dans la détention du capital de l'opérateur ou dans sa situation financière, peuvent conduire l'Autorité de régulation des jeux en ligne, par décision motivée, à inviter l'opérateur à présenter une nouvelle demande d'agrément dans un délai d'un mois.

V bis.  -  (Non modifié) Lors de la procédure d'examen des demandes d'agrément, l'Autorité de régulation des jeux en ligne prend en considération les éléments, mentionnés au sixième alinéa de l'article 11, que l'opérateur sollicitant l'agrément lui a, le cas échéant, communiqués. 

V ter.  -  (Non modifié) L'Autorité de régulation des jeux en ligne établit et tient à jour la liste des opérateurs de jeux ou de paris en ligne titulaires de l'agrément prévu au I, en précisant les catégories de jeux ou de paris autorisées. Cette liste est publiée au Journal officiel.

VI.  -  Un décret en Conseil d'Etat prévoit les modalités de délivrance des agréments.

M. le président.  - Amendement n°67, présenté par M. Marc et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'alinéa 4, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Les opérateurs de jeux ou de paris en ligne autre que ceux mentionnés à l'article 57 ayant exercé cette activité à destination de joueurs résidants en France, préalablement à l'entrée en vigueur de la présente loi, ne peuvent demander l'agrément prévu au I qu'après avoir transmis, à l'Autorité de régulation des jeux en ligne, les documents justifiant de la clôture des comptes de ces joueurs.

M. François Marc.  - Aujourd'hui le secteur des jeux en ligne est totalement opaque ; c'est pourquoi nous préférerions confier un droit exclusif d'organisation des jeux en ligne aux organisateurs de paris en dur. Quoi qu'il en soit, les opérateurs ayant exercé illicitement ne sauraient continuer leur activité sans repasser par la case départ ! Ils doivent avoir fermé tous les comptes avant de solliciter l'agrément.

M. François Trucy, rapporteur.  - Le principe est vertueux mais le temps presse et il ne faudrait pas ralentir la procédure d'agrément. Le texte prévoit déjà des garde-fous. Que pense le Gouvernement de cet intéressant amendement ?

M. Éric Woerth, ministre.  - Les choses sont claires : à la promulgation de la loi, les compteurs sont remis à zéro. L'opérateur attend son agrément et ensuite seulement peut à nouveau exploiter son site. S'il l'exploite hors agrément, au juge de déterminer la sanction. Restons-en là.

M. François Marc.  - Je comprends l'argument mais il faut un degré d'exigence particulier à l'égard de ces opérateurs. Dans Le Figaro, journal que l'on ne saurait qualifier d'anarchiste, je lis : « Le leader mondial du poker sur internet sera candidat. Mais Poker Star n'a pas attendu les autorisations légales pour attirer les joueurs. » Un juteux marché de 300 millions d'euros se profile. Or, certains opérateurs ont des fichiers, des joueurs déjà répertoriés...

L'amendement n°67 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°66 rectifié, présenté par M. Marc et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 5

Remplacer les mots :

et des nécessités de la sécurité publique

par les mots :

, des nécessités de la sécurité publique et de la lutte contre le jeu excessif ou pathologique 

M. François Marc.  - L'article mentionne les motifs de refus d'agrément : incapacité technique ou financière, incapacité à assurer la sécurité et l'ordre publics, à faire face à ses obligations... Je veux ajouter : incapacité à lutter contre l'addiction. Nous nous sommes tous inquiétés de ce risque. La solitude du joueur devant son écran augmente l'addiction mais aussi les autres pathologies, comme la difficulté à communiquer, l'alcoolisme, la drogue.

M. François Trucy, rapporteur.  - Tout à fait favorable, après la rectification rédactionnelle que les auteurs ont acceptée.

M. Éric Woerth, ministre.  - Également favorable.

L'amendement n°66 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°68, présenté par M. Marc et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 5

Après les mots :

de la sauvegarde de l'ordre public

insérer les mots :

, de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme

M. François Marc.  - Il faut vérifier également la capacité à lutter contre le blanchiment et le financement du terrorisme. Le rapporteur a fait inscrire ces deux objectifs à l'article premier. L'intention est louable. Mais il faut confier une mission de suivi à l'Arjel en la matière, car une grande opacité subsistera dans les jeux en ligne à l'avenir ; il est donc important de bien encadrer l'octroi de l'agrément.

M. François Trucy, rapporteur.  - L'amendement contient des choses intéressantes. Qu'en pense le Gouvernement ?

L'amendement n°68, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°107, présenté par M. Arthuis.

Alinéa 10, seconde phrase

Compléter cette phrase par les mots :

et dans un quotidien national traitant de l'actualité hippique pour les agréments délivrés pour les paris hippiques, ou de l'actualité sportive pour les agréments délivrés pour les paris sportifs.

M. Jean Arthuis.  - La liste des opérateurs agréés sera publiée au Journal officiel, mais tous les joueurs ne sont pas des lecteurs assidus de cet organe d'information... Ajoutons un quotidien national traitant de l'actualité hippique ou de l'actualité sportive -selon la catégorie d'agrément.

M. François Trucy, rapporteur.  - L'amendement est intéressant dans son principe. Le Gouvernement est-il d'accord ?

M. Éric Woerth, ministre.  - Éleveurs et entraîneurs lisent sans doute quotidiennement le Journal officiel... Toutefois, si vous jugez utile d'ajouter une publication dans un quotidien hippique ou sportif, je n'y vois que des avantages.

L'amendement n°107 est adopté.

L'article 16, modifié, est adopté.

L'article 17 A est adopté.

Article 17

I (nouveau).- Toute entreprise titulaire de l'agrément d'opérateur de jeux et paris en ligne prévu à l'article 16 respecte les obligations prévues aux articles 10 à 14.

II (nouveau).- Dans un délai de six mois à compter de la date de mise en fonctionnement du support prévu à l'article 22, l'opérateur de jeux ou de paris en ligne transmet à l'Autorité de régulation des jeux en ligne un document attestant de la certification qu'il a obtenue, laquelle porte sur le respect par ses soins des obligations relatives aux articles 22 et 29. Cette certification est réalisée par un organisme indépendant choisi par l'opérateur au sein d'une liste établie par l'Autorité de régulation des jeux en ligne. Le coût de cette certification est à la charge de l'opérateur de jeux ou de paris en ligne.

III (nouveau).- Dans un délai d'un an à compter de la date d'obtention de l'agrément prévu à l'article 16, l'opérateur de jeux ou de paris en ligne transmet à l'Autorité de régulation des jeux en ligne un document attestant de la certification qu'il a obtenue, laquelle porte sur le respect par ses soins de l'ensemble de ses obligations légales et réglementaires. Cette certification est réalisée par un organisme indépendant choisi par l'opérateur au sein de la liste visée au I. Le coût de cette certification est à la charge de l'opérateur de jeux ou de paris en ligne.

Elle fait l'objet d'une actualisation annuelle.

IV (nouveau).- En cas de manquement, par un opérateur, aux obligations législatives et réglementaires applicables à son activité, l'Autorité de régulation des jeux en ligne le met en demeure de s'y conformer et de se soumettre à une nouvelle certification dans les conditions mentionnées au II de l'article 35.

M. le président.  - Amendement n°127, présenté par M. Vera et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 3, première phrase

Après la référence :

article 16

insérer les mots :

puis, tous les deux ans à compter de cette date

M. Thierry Foucaud.  - Pour faciliter le contrôle que les autorités doivent exercer sur les opérateurs, il est proposé que chacun d'entre eux obtienne tous les deux ans une certification délivrée par un organisme indépendant. Ce bilan de santé serait la meilleure façon de vérifier le respect des obligations qui leur incombent.

M. François Trucy, rapporteur.  - Cet amendement est satisfait par le projet de loi, qui plus est avec une certification annuelle !

M. Éric Woerth, ministre.  - En effet, M. Foucaud a doublement satisfaction.

L'amendement n°127 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°166, présenté par M. Trucy, au nom de la commission des finances.

Alinéa 3, deuxième phrase

A la fin, remplacer la référence :

I

par la référence :

II

L'amendement de coordination, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 17, modifié, est adopté.

L'article 18 est adopté, ainsi que l'article 19.

M. le président.  - Amendement n°182, présenté par le Gouvernement.

Dans l'intitulé de ce chapitre

Remplacer les mots :

l'addiction au jeu

par les mots :

le jeu excessif ou pathologique

L'amendement de coordination, accepté par la commission, est adopté.

Article 20

L'opérateur de jeux ou de paris en ligne titulaire de l'agrément prévu à l'article 16 est tenu de faire obstacle à la participation aux activités de jeu ou de pari qu'il propose des personnes interdites de jeu en vertu de la réglementation en vigueur ou exclues de jeu à leur demande. Il interroge à cette fin, par l'intermédiaire de l'Autorité de régulation des jeux en ligne et dans le respect des dispositions de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, les fichiers des interdits de jeu tenus par les services du ministère de l'intérieur. Il clôture tout compte de joueur dont le titulaire viendrait à être touché par une interdiction ou une exclusion.

Il prévient les comportements d'addiction par la mise en place de mécanismes d'auto-exclusion, de modération et de dispositifs d'autolimitation des dépôts et des mises. Il communique en permanence à tout joueur fréquentant son site le solde instantané de son compte. Il informe les joueurs des risques liés à l'addiction au jeu par le biais d'un message de mise en garde, ainsi que des procédures d'inscription sur les fichiers des interdits de jeu tenus par les services du ministère de l'intérieur. Un arrêté du ministère de la santé précise le contenu de ce message de mise en garde.

M. le président.  - Amendement n°167, présenté par M. Trucy, au nom de la commission des finances.

Alinéa 1, dernière phrase :

Remplacer les mots :

compte de joueur

par les mots :

compte joueur

L'amendement rédactionnel, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°183, présenté par le Gouvernement.

I. - Alinéa 2, première phrase

Remplacer les mots :

d'addiction

par les mots :

de jeu excessif ou pathologique

II. - Alinéa 2, troisième phrase

Remplacer les mots :

à l'addiction au jeu

par les mots :

au jeu excessif ou pathologique

L'amendement de coordination, acceptée par la commission, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°97, présenté par M. Marc et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

L'opérateur titulaire de l'agrément prévu à l'article 16 consacre 0,5 % de son chiffre d'affaires à des actions directes de prévention, de soins et de recherche labellisées par le ministère de la santé.

M. Yves Daudigny.  - Nous abordons ici la participation des opérateurs aux opérations de santé.

Certains d'entre eux se sont déjà engagés à financer des centres de déontologie ou des actions de prévention, mais nous proposons d'imposer aux opérateurs agréés de verser 0,5 % de leur chiffre d'affaires à des actions directes de prévention, de soins ou de recherche labellisées par le ministère de la santé.

M. François Trucy, rapporteur.  - L'amendement est satisfait par l'ensemble des prélèvements sociaux opérés sur les jeux. En particulier, l'article 40 du projet de loi institue deux prélèvements dont les produits respectifs seront reversés à l'Inpes et à l'assurance maladie.

Pour éviter tout conflit d'intérêts, nous préférons un financement par prélèvements sociaux. Lorsque certains opérateurs traditionnels comme les casinos étaient seuls en course pour financer des actions de prévention ou de soins, il valait mieux qu'ils ne s'adressent pas à des sociétés créées pour l'occasion mais ne garantissant pas de bonnes pratiques.

La commission des finances repousse un amendement qui porterait atteinte à un équilibre fiscal très délicat.

M. Éric Woerth, ministre.  - M. le rapporteur a raison. Il n'est pas opportun que les opérateurs choisissent les bénéficiaires de leur contribution.

Le Gouvernement souhaite un prélèvement plafonné utile à la prévention et aux soins. Nous en rediscuterons à l'article 40.

L'amendement n°97 est retiré.

L'article 20, modifié, est adopté.

Article 21

L'opérateur de jeux ou de paris en ligne titulaire de l'agrément prévu à l'article 16 rend compte dans un rapport annuel, transmis à l'Autorité de régulation des jeux en ligne, des actions qu'il a menées et des moyens qu'il a consacrés pour promouvoir le jeu responsable et lutter contre l'addiction au jeu.

Il rend également compte annuellement à la même autorité des résultats des contrôles qu'il a réalisés en matière de lutte contre les activités frauduleuses ou criminelles ainsi que le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

M. le président.  - Amendement n°184, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 1

Remplacer les mots :

l'addiction au jeu

par les mots :

le jeu excessif ou pathologique

L'amendement de coordination rédactionnelle, accepté par la commission, est adopté.

L'article 21, modifié, est adopté.

L'article 21 bis est adopté.

Article 21 ter

Le groupement d'intérêt public Addictions drogues alcool info service propose, dans le cadre de ses missions et moyens actuels, un n° d'appel téléphonique dédié à l'addiction au jeu. Cet appel est facturé à l'abonné au prix d'un appel local.

M. le président.  - Amendement n°185, présenté par le Gouvernement.

Rédiger ainsi cet article :

Un n°d'appel téléphonique est mis à la disposition des joueurs excessifs ou pathologiques et de leur entourage par les pouvoirs publics sous la responsabilité de l'institut national de prévention et d'éducation pour la santé. Cet appel est facturé à l'abonné au prix d'un appel local.

M. Éric Woerth, ministre.  - Le groupement d'intérêt public vient d'adopter une nouvelle désignation. Mieux vaut une formulation plus anonyme.

L'amendement n°185, accepté par la commission, est adopté.

L'article 21 ter, modifié, est adopté.

Article 21 quater

Le jeu à crédit est interdit.

Il est interdit à tout opérateur de jeux titulaire de l'agrément mentionné à l'article 16 ainsi qu'à tout dirigeant, mandataire social ou employé d'un tel opérateur de consentir des prêts d'argent aux joueurs ou de mettre en place directement ou indirectement des dispositifs permettant aux joueurs de s'accorder des prêts entre eux.

Le site de l'opérateur agréé de jeux en ligne ne peut contenir aucune publicité en faveur d'une entreprise susceptible de consentir des prêts d'argent aux joueurs ou de permettre le prêt entre joueurs ni aucun lien vers le site d'une telle entreprise.

M. le président.  - Amendement n°129, présenté par M. Vera et les membres du groupe CRC-SPG.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Le non-respect de cette interdiction peut conduire au retrait de l'agrément prévu à l'article 16.

M. Bernard Vera.  - L'interdiction théorique des jeux à crédit est concrètement battue en brèche aujourd'hui, notamment par les sites qui offrent la première mise à leurs clients. Il faut donc introduire une sanction immédiate avec le retrait automatique de l'agrément.

J'ajoute que le jeu à crédit fausse la concurrence, et constitue l'une des formes les plus achevées de l'addiction.

M. François Trucy, rapporteur.  - L'amendement est satisfait par l'article 35 du projet de loi, qui interdit en particulier les jeux à crédit.

M. Éric Woerth, ministre.  - Je partage l'objectif de l'amendement, notamment l'interdiction du jeu à crédit, mais pas l'introduction de sanctions automatiques.

M. Bernard Vera.  - M. le ministre nous dit que la commission des sanctions, prévue à l'article 33, prendra les sanctions adaptées, M. le rapporteur nous dit que nous sommes satisfaits par l'article 35. Pourquoi ne pas inscrire, dès cet article, que toute infraction sera sanctionnée immédiatement par un retrait de l'agrément ? Ce serait plus dissuasif !

M. Éric Woerth, ministre.  - Il faut respecter une échelle de sanctions.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Quand un joueur se voit mettre à disposition 50 euros, n'est-ce pas un crédit ?

M. Éric Woerth, ministre.  - Il n'a pas à les rembourser, c'est une mise.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Je comprends mieux, ce n'est donc pas un prêt...

M. François Marc.  - A ce jeu là, on devient vite débiteur !

L'amendement n°129 n'est pas adopté.

L'article 21 quater est adopté.

L'article 22 est adopté.

Article 23

I.  -  Le propriétaire, les dirigeants, les mandataires sociaux et le personnel d'un opérateur de jeux ou de paris en ligne titulaire de l'agrément prévu à l'article 16 ne peuvent engager, à titre personnel, directement ou par personne interposée, des mises sur des jeux ou des paris proposés par cet opérateur.

Les fédérations délégataires doivent intégrer au sein du code de leur discipline des dispositions ayant pour objet d'empêcher les acteurs de la compétition sportive d'engager, directement ou par personne interposée, des mises sur des paris reposant sur cette compétition et de communiquer à des tiers des informations privilégiées, obtenues à l'occasion de leur profession ou de leurs fonctions, et qui sont inconnues du public.

Les sociétés-mères de courses de chevaux, définies à l'article 2 de la loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux, doivent intégrer au sein du code des courses de leur spécialité des dispositions ayant pour objet d'empêcher les jockeys et les entraîneurs participant à une épreuve hippique d'engager, directement ou par personne interposée, des mises sur des paris reposant sur cette épreuve et de communiquer à des tiers des informations privilégiées, obtenues à l'occasion de leur profession ou de leurs fonctions, et qui sont inconnues du public.

Les organisateurs privés tels que définis à l'article L. 331-5 du code du sport édictent les obligations et les interdictions relatives aux paris sportifs qui sont imposées aux sportifs ou équipes qui participent à leurs manifestations sportives. Ils sont chargés de veiller à l'application et au respect desdites obligations et interdictions.

II.  -  L'opérateur de jeux ou de paris en ligne titulaire de l'agrément prévu à l'article 16 transmet à l'Autorité de régulation des jeux en ligne les contrats de partenariat conclus avec des personnes physiques ou morales organisant des courses hippiques, compétitions ou manifestations sportives ou y prenant part dès le moment où il propose des jeux ou paris sur lesdites courses hippiques, compétitions ou manifestations sportives.

III.  -  L'opérateur de jeux ou de paris en ligne titulaire de l'agrément prévu à l'article 16 dont le propriétaire, l'un des dirigeants, mandataires sociaux ou membres du personnel détient un intérêt, personnel ou lié à sa participation dans une personne morale, dans une course hippique, compétition ou manifestation sportive, sur laquelle il organise des jeux ou paris, en fait la déclaration auprès de l'Autorité de régulation des jeux en ligne.

IV. - Il est interdit à tout opérateur de jeux en ligne titulaire de l'agrément prévu à l'article 16 de détenir le contrôle au sens de l'article L. 233-16 du code de commerce, directement ou indirectement, d'un organisateur ou d'une partie prenante à une compétition ou manifestation sportive sur laquelle il organise des paris. De même, il est interdit à tout organisateur et à toute partie prenante à une compétition ou manifestation sportive de détenir le contrôle au sens de l'article L. 233-16 du même code, directement ou indirectement, d'un opérateur de jeux ou de paris en ligne proposant des paris sur les événements qu'il organise ou auxquels il participe. Un décret précise les conditions de détention indirecte.

V.  -  Tout conflit d'intérêt constaté par l'Autorité de régulation des jeux en ligne suite aux déclarations préalablement citées ou suite à un contrôle fait l'objet d'une sanction dans les conditions prévues à l'article 35, lorsqu'il est proscrit par la présente loi et imputable à un opérateur titulaire de l'agrément prévu à l'article 16.

M. le président.  - Amendement n°69, présenté par M. Marc et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

Les dirigeants et employés des associations et sociétés sportives visées au titre II du livre I du code du sport ainsi que ceux des fédérations et des ligues professionnelles visées au titre III du livre I du même code, les acteurs et entraîneurs d'une compétition sportive ne peuvent engager, à titre personnel, directement ou par personne interposée, des mises sur des jeux ou sur des paris, proposés par un opérateur titulaire de l'agrément prévu à l'article 16, relatifs à la discipline sportive à laquelle ils collaborent ou participent.

M. Claude Bérit-Débat.  - Pour éviter les conflits d'intérêts, nous proposons d'interdire à tous les acteurs de la chaîne sportive de miser dans des rencontres sportives où ils ont des intérêts directs. Dans d'autres pays, on a vu des joueurs de football engager des paris dans des matchs où ils jouaient eux-mêmes, il faut éviter de telles dérives. A l'heure où des opérateurs de paris achètent des clubs sportifs, le législateur doit prendre ses responsabilités.

M. François Trucy, rapporteur.  - La commission souhaite également prévenir les conflits d'intérêts, mais votre amendement est partiellement satisfait par l'article 23. De plus, il serait excessif d'interdire aux employés des clubs de football de parier pour leur club ; pourquoi ne pas l'interdire aussi aux femmes de ménage travaillant dans les locaux du club ? Retrait, sinon rejet.

M. Éric Woerth, ministre.  - Nous préférons laisser les fédérations s'organiser, en prévoyant les sanctions adéquates dans leur code de discipline.

M. Claude Bérit-Débat.  - Votre réponse ne me satisfait pas, car l'article 23 est trop vague : le renvoi au code de discipline n'interdira pas les paris pour toute la chaîne sportive. Nous ouvrons une brèche qui est à l'origine de bien des dérives à l'étranger, où l'on essaie de légiférer pour la combler : mieux vaudrait l'éviter dès aujourd'hui !

L'amendement n°69 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°70, présenté par M. Marc et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

Les dirigeants et employés des sociétés-mères de courses de chevaux définies à l'article 2 de la loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux, les propriétaires de chevaux, les jockeys et les entraîneurs participant à une épreuve hippique ne peuvent engager, à titre personnel, directement ou par personne interposée, des mises sur des paris reposant sur cette épreuve, ni communiquer à des tiers des informations privilégiées obtenues à l'occasion de leur profession ou de leur fonction et qui sont inconnues du public.

M. Claude Bérit-Débat.  - Nous encadrons la prise d'intérêt comme précédemment, mais pour les courses hippiques.

M. François Trucy, rapporteur.  - Retrait, sinon rejet, comme précédemment.

M. Éric Woerth, ministre.  - Aujourd'hui, les entraîneurs peuvent prendre des paris sur leurs chevaux, pourquoi ne le pourraient-ils plus en ligne ? Il est très difficile de truquer une course pour la gagner : la victoire n'est jamais garantie. Avis défavorable.

M. Claude Bérit-Débat.  - Nous maintenons l'amendement, par cohérence, et parce que vous ne comprendriez pas que nous ne demandions pas pour les courses hippiques, ce que nous avons demandé pour les autres compétitions sportives !

L'amendement n°70 n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°71, présenté par M. Marc et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

Les personnes physiques ou morales de droit privé, définies à l'article L.331-5 du Code du sport, leurs dirigeants et employés ne peuvent engager, à titre personnel, directement ou par personne interposée, des mises sur des jeux ou des paris, proposés par un opérateur titulaire de l'agrément prévu à l'article 16, relatifs à la discipline sportive à laquelle ils collaborent ou participent.

M. Jean-Jacques Lozach.  - Nous voulons empêcher les conflits d'intérêts à l'occasion de paris, pour toutes les disciplines sportives : le législateur doit prendre ses responsabilités.

M. François Trucy, rapporteur.  - Retrait, sinon rejet.

M. Éric Woerth, ministre.  - La rédaction de cet alinéa pourrait être précisée, mais votre rédaction n'est guère satisfaisante : avis défavorable.

L'amendement n°71 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°72, présenté par M. Marc et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 5

Remplacer les mots :

transmet à l'Autorité de régulation des jeux en ligne les contrats de partenariat conclus

par les mots :

ne peut conclure de contrat de partenariat

M. Jean-Jacques Lozach.  - L'amendement interdit tout contrat de partenariat entre les organisateurs de manifestations sportives ou de courses et les opérateurs de jeux en ligne. Il s'agit d'éviter certaines dérives récentes...

M. François Trucy, rapporteur.  - Amendement excessif : sponsoring n'entraîne pas a priori corruption ! Les exemples étrangers n'ont pas révélé d'affaires de ce type. Les nouveaux opérateurs ont le droit de se faire connaître, y compris par des opérations de parrainage.

M. Éric Woerth, ministre.  - Avis défavorable. Le sponsoring est au coeur du financement du sport ; les contrats seront visés par l'Arjel.

L'amendement n°72 n'est pas adopté.

L'article 23 est adopté, ainsi que l'article 24.

Article 25

I.  -  L'Autorité de régulation des jeux en ligne est une autorité administrative indépendante.

Elle veille au respect des objectifs de la politique des jeux et des paris en ligne soumis à agrément sur le fondement des articles 6, 7 et 9.

Elle exerce la surveillance des opérations de jeu ou de pari en ligne et participe à la lutte contre les sites illégaux et contre la fraude.

Elle peut proposer au Gouvernement des clauses de cahiers des charges correspondant à chaque type de jeux ou paris.

Elle rend un avis sur tout projet de texte relatif au secteur des jeux en ligne soumis à agrément que lui transmet le Gouvernement. À la demande du président de l'une des commissions permanentes prévues à l'article 43 de la Constitution, l'avis de l'autorité sur tout projet de loi est rendu public.

Elle peut proposer au Gouvernement les modifications législatives et réglementaires qui lui paraissent nécessaires à la poursuite des objectifs de la politique des jeux d'argent et de hasard mentionnés à l'article 1er.

II.  -  (Non modifié) L'Autorité de régulation des jeux en ligne instruit les dossiers de demande d'agrément des opérateurs de jeux ou de paris en ligne et délivre les agréments en veillant au respect des objectifs de la politique des jeux d'argent et de hasard mentionnés à l'article 1er.

III.  -  L'Autorité de régulation des jeux en ligne fixe les caractéristiques techniques des plateformes et des logiciels de jeux et de paris en ligne des opérateurs soumis au régime d'agrément.

Elle homologue les logiciels de jeux et de paris utilisés par les opérateurs.

Elle évalue périodiquement le niveau de sécurité proposé par les plateformes de jeux des opérateurs.

Elle détermine, en tant que de besoin, les paramètres techniques des jeux en ligne pour l'application des décrets prévus aux articles 8 et 9.

L'Autorité de régulation des jeux en ligne s'assure de la qualité des certifications réalisées en application de l'article 17 et peut proposer au Gouvernement la modification de la liste des organismes certificateurs.

IV.  -  (Non modifié) L'Autorité de régulation des jeux en ligne évalue les résultats des actions menées par les opérateurs agréés en matière de prévention des conduites d'addiction et peut leur adresser des recommandations à ce sujet.

Elle peut, par une décision motivée, limiter les offres commerciales comportant une gratification financière des joueurs.

V.  -  En vue du contrôle du respect par les opérateurs des dispositions législatives et réglementaires et des clauses du cahier des charges, le président de l'autorité peut conclure au nom de l'Etat des conventions avec les autorités de régulation des jeux d'autres Etats membres de la Communauté européenne ou d'autres Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen pour échanger les résultats des contrôles réalisés par ces autorités et par elle-même à l'égard d'opérateurs de jeux ou de paris en ligne.

VI.  -  (Non modifié) L'autorité présente chaque année au Président de la République, au Premier ministre et au Parlement un rapport public rendant compte de l'exécution de sa mission.

M. Thierry Foucaud.  - Une fois de plus, on crée une autorité indépendante qui contribue à démembrer la puissance publique dès lors qu'un secteur est ouvert à la concurrence. L'Arjel va se substituer à l'administration. Les ministères des finances, de l'intérieur et de l'agriculture seront parties prenantes des contrôles sur les opérateurs historiques et les jeux en ligne ordonnancés par une autorité indépendante... Opérateurs historiques qui seront également visés par l'Arjel !

On nous vante l'indépendance de ces autorités indépendantes -mais les fonctionnaires ne sont-ils pas indépendants par nature ? Pourquoi n'avoir pas confié aux administrations rompues à ces questions le soin d'instruire les demandes d'agrément des opérateurs de jeu en ligne ?

Au demeurant, si les autorités administratives étaient efficaces, l'Arcep aurait réagi face aux publicités vantant les sites de paris illégaux, ou mis en demeure les fournisseurs d'accès qui s'en font le support !

Difficile de faire confiance à une autorité indépendante pour réguler un marché qui sera capté par un petit nombre d'opérateurs choisis, ni pour obtenir de certaines fédérations sportives le droit d'exploiter les paris découlant des compétitions qu'elles organisent... Nous ne pouvons qu'exiger d'elle qu'elle veille au moins au respect de l'éthique sportive !

M. le président.  - Amendement n°15, présenté par M. A. Dupont, au nom de la commission de la culture.

Alinéa 1

1° Remplacer le mot :

administrative

par le mot :

publique

2° Compléter cet alinéa par les mots :

dotée de la personnalité morale

M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis.  - Il s'agit de doter l'Arjel de la personnalité morale, sur le modèle de l'AMF. Alors que deux opérateurs publics en situation de monopole vont prendre position sur le secteur des jeux en ligne, il apparaît légitime de garantir l'indépendance et l'impartialité de la nouvelle autorité de régulation. Risques d'addiction, blanchiment, trucages contribuent à la réputation sulfureuse du secteur des jeux. Le régulateur doit être au-dessus de tout soupçon ! L'octroi de la personnalité morale permettra à l'Arjel de contracter, de posséder un patrimoine propre et d'ester en justice, tout en la rendant pleinement responsable de ses décisions.

C'est une doctrine constante de la commission de la culture depuis plusieurs années.

M. François Trucy, rapporteur.  - L'article 28 permet déjà au président de l'Arjel d'ester directement en justice.

L'Arjel ne dispose pas de l'autonomie financière, étant pour partie financée par une subvention budgétaire. L'octroi de la personnalité morale imposerait à l'Arjel de contracter une assurance responsabilité civile.

Les trois quarts des autorités administratives indépendantes n'ont pas la personnalité morale, sans pour autant que leur indépendance soit contestée. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre.  - Avis défavorable, pour des raisons de délais : créer une autorité indépendante dotée de la personnalité morale prend beaucoup de temps, or nous n'en avons pas ! En outre, ce n'est pas nécessaire pour garantir son indépendance. La Cnil, la Halde ou le Médiateur de la République, pour ne citer qu'eux, ne bénéficient pas de la personnalité morale.

L'État reste bien le régulateur. Si nécessaire, nous ferons le point lors de la clause de rendez-vous...

M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis.  - Je suis partagé : la commission était très attachée à cet amendement, mais l'argument de la rapidité me touche. Le ministre n'est pas contre le principe de la personnalité morale : nous en reparlerons lors de la clause de revoyure.

L'amendement n°15 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°179, présenté par M. Trucy, au nom de la commission des finances.

Alinéa 4

Rédiger comme suit cet alinéa :

Elle propose aux ministres compétents le cahier des charges mentionné au deuxième alinéa de l'article 15.

L'amendement de cohérence, accepté par le Gouvernement, est adopté.

Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 24 février 2010, à 14 h 30.

La séance est levée à 2 heures.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du mercredi 24 février 2010

Séance publique

A 14 HEURES 30 ET LE SOIR,

- Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne (n° 29, 2009-2010).

Rapport de M. François Trucy, fait au nom de la commission des finances (n° 209, 2009-2010).

Texte de la commission (n° 210, 2009-2010).

Avis de M. Nicolas About, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 227, 2009-2010).

Avis de M. Ambroise Dupont, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (n° 238, 2009-2010).