SÉANCE

du mercredi 9 juin 2010

112e séance de la session ordinaire 2009-2010

présidence de M. Bernard Frimat,vice-président

Secrétaires : M. Alain Dufaut, M. Jean-Noël Guérini.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Réseaux consulaires

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services.

Discussion générale

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation.  - Ce projet de loi porte l'une des réformes les plus importantes des chambres depuis leur création. Les débats à l'Assemblée nationale en témoignent. Les élus locaux connaissent l'importance des chambres dans les territoires. Leur réforme concerne au premier chef les entreprises. En réformant les chambres de commerce et d'industrie, le Gouvernement répond aux intérêts des entreprises, c'est-à-dire à la croissance et à l'emploi.

Cette réforme a été portée par les acteurs eux-mêmes : il y a eu une profonde concertation depuis plus de deux ans. De nombreux débats ont eu lieu. Une synthèse a été réalisée et a été adoptée à l'Assemblée française des CCI par 110 voix contre 58. L'Assemblée permanente des chambres de métier, pour ce qui la concerne, s'est prononcée favorablement à 94 %.

Ce projet de loi qui repose sur les grandes lignes approuvées par les deux réseaux est donc légitime. Depuis la présentation de ce texte en conseil des ministres, les députés ont veillé à équilibrer le dispositif. Ici, il en a été de même. Je tiens à saluer le travail de votre rapporteur, qui, professionnellement et comme élu, connaît bien le réseau consulaire. Je tiens également à remercier M. Doligé pour son travail.

Tous les sénateurs ont été sollicités, notamment par la minorité qui fut pressante, mais il ne faudrait pas pénaliser la majorité.

Ce projet de loi renforce l'échelon régional du réseau consulaire et simplifie le régime administratif de certaines professions administrées en application de la directive « services ». En matière de réforme du réseau consulaire, l'objectif était de le régionaliser et d'en améliorer la qualité. Nous n'avons pas voulu sacrifier la proximité.

Avec cette réforme, nous nous situons dans le droit fil de la précédente voulue par M. Dutreil. La régionalisation permettra à nos chambres de mutualiser un certain nombre de services comme l'informatique, la communication ou les systèmes de paie.

En concentrant les compétences, les chambres régionales seront plus performantes et répondront vraiment aux demandes des entreprises. Chaque chambre territoriale conserve bien évidemment ses spécificités.

Sans chambre régionale forte, les entreprises ne pourraient pas faire entendre leur voix et peser sur les politiques économiques régionales. La régionalisation permettra de réduire les prélèvements qui pèsent sur les entreprises, d'un montant global de 1,2 milliard.

Si les services publics cherchent à améliorer leur service à un moindre coût, il n'est pas anormal qu'il en aille de même pour les chambres qui devraient réduire la ponction de 120 millions.

La régionalisation ne se fera pas aux dépens des chambres locales.

Toutes conserveront une mission de service de proximité aux entreprises.

Votre commission propose un juste équilibre : les agents de droit public seront recrutés par les chambres régionales qui pourront donner une délégation permanente aux chambres territoriales pour le recrutement des agents de droit administratif. Grâce à l'Assemblée nationale, la spécificité de l'Ile-de-France a été reconnue.

Les chambres disposeront de ressources fiscales pérennes. M. Doligé en a encadré l'utilisation. Le Gouvernement remettra un rapport sur la période 2011-2013. Mais ces ressources fiscales ne représentent que 30 % des ressources totales des chambres.

Les CCI territoriales conserveront donc la plus grande part des ressources financières. Ce texte est le fruit d'un équilibre entre la nécessaire modernisation des chambres et les craintes exprimées par certains.

Le titre II simplifie le régime administratif de certaines professions et traduit les objectifs de la directive « services ». L'Assemblée nationale en a élargi la portée. La disposition la plus importante concerne les Marchés d'intérêts nationaux. Actuellement, un grossiste ne peut s'installer dans leur périmètre de référence que si une dérogation lui est accordée. L'Assemblée nationale a voulu supprimer ce régime et rendre possible toute installation ; il nous semble préférable de conserver le régime actuel, quitte à ce qu'il ne s'applique plus qu'aux plus gros.

Le projet de loi traite aussi des métiers réglementés comme ceux d'agent artistique et d'expert-comptable, sur lequel M. Cornu a déposé un amendement historique, afin d'en faciliter l'exercice.

En ces temps économiques difficiles, toute simplification favorable à la compétitivité est bienvenue. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Gérard Cornu, rapporteur de la commission de l'économie.  - « Cohérence et proximité » : tels sont les deux mots qui définissent la philosophie de ce projet de loi. Cette réforme s'inscrit dans un mouvement engagé depuis plusieurs mois. La loi Dutreil II de 2005 a organisé les chambres en réseau. Cependant, elle n'a pas eu les résultats escomptés car la fusion n'était pas encouragée. Le chantier a donc été relancé en 2008. Une très large concertation a été engagée qui a abouti à ce projet de loi. Il est temps que cette réforme soit adoptée. Alors que les entreprises sont confrontées à la mondialisation et que l'État s'applique la RGPP, il serait aberrant que le réseau consulaire reste à l'écart de ces mouvements. (Exclamations à gauche)

Malgré tout le soin mis à la préparation de ce texte, les résistances restent fortes. Les interrogations qui demeurent ont été prises en compte. J'ai reçu et écouté tous les acteurs. Il ne fallait cependant pas perdre de vue l'essentiel. La réforme du réseau devait avoir lieu et il ne fallait pas la différer.

Le maillage des chambres sera renforcé afin d'améliorer les services rendus aux entreprises. En tête de réseau, il y aura l'AFCCI.

Le système électoral est également modifié. Les CRCI étaient jusqu'à présent nommées par les CCI. Désormais, elles seront, elles aussi, élues.

Les missions des établissements de réseaux ont été mieux définies par l'Assemblée nationale, ainsi que les rôles particuliers du réseau en Ile-de-France. Le droit à l'expérimentation des CCI a été également reconnu. Je tiens à rendre hommage au travail de grande qualité de l'Assemblée nationale. Le texte adopté par la commission permet de l'améliorer encore.

Nous avons voulu que le budget des chambres de région soit adopté à la majorité simple pour éviter tout risque de blocage. Nous avons également précisé le mode de recrutement du personnel. Nous sommes en revanche revenus sur diverses dispositions adoptées à l'Assemblée nationale qui semblent d'ordre réglementaire, concernant les directeurs généraux et la limite d'âge.

Le renforcement de l'échelon régional des chambres de métier est nécessaire. Les fusions seront encouragées mais pas imposées. Les établissements hostiles à la fusion conservent la personnalité morale. La réforme est ainsi devenue plus acceptable. Les compétences des chambres de métiers et de l'artisanat des régions seront renforcées alors que les chambres départementales exerceront leur mission dans le cadre stratégique défini par le niveau régional.

M. François Marc.  - Il y aura deux administrations au lieu d'une !

M. Gérard Cornu, rapporteur.  - Enfin, on devrait mutualiser certaines fonctions supports au niveau régional. Cette réforme du CMA s'est faite dans un contexte apaisé, sur la base d'un large accord initial.

Le titre II transpose la directive « services » à des professions réglementées : celles liées aux marchés d'intérêt national, les agents artistiques, les experts-comptables, la gérance-mandat et les débits de boissons. Votre commission a peu modifié ce titre II.

Grâce aux nombreux amendements adoptés par la commission et grâce à ceux que nous allons voter, ce texte sera équilibré et bénéficiera aux réseaux consulaires. Je vous invite à le soutenir. (Applaudissements à droite)

M. Éric Doligé, rapporteur pour avis de la commission des finances.  - Je vous suis reconnaissant, monsieur le ministre, pour les compliments que vous nous avez adressés, à M. Cornu et à moi-même. Le financement des réseaux sera régionalisé. Notre saisine est justifiée par l'ajout des 7 ter et 10 bis à l'Assemblée nationale.

En juillet, André Ferrand, rapporteur spécial de la mission « Économie » a proposé une réforme de la taxe affectée au réseau consulaire. En outre, des propositions ont été faites pour tirer les conséquences de la suppression de la taxe professionnelle. M. Marini a proposé lors de l'examen de la loi de finances, à l'article 79, une réforme pour pérenniser la ressource fiscale des CCI.

La taxe additionnelle sur la taxe professionnelle représente 27 % du total prélevé pour financer les CCI. Ce prélèvement obligatoire pèse sur plus de deux millions d'entreprises. Pour les chambres de métier, cette taxe représente 25 % du total et pèse sur 900 000 artisans.

Je vous rapporte la position de la commission des finances, qui n'est pas forcément la mienne. La réduction de la ressource fiscale, en réduisant les prélèvements obligatoires, permettra d'améliorer la compétitivité de notre économie.

Il faut inscrire la gestion des réseaux dans un cercle budgétaire vertueux. L'utilisation des ressources fiscales doit être justifiée, grâce à une comptabilité analytique. Il faut prévoir un financement du réseau consulaire pérenne. Le dispositif prévu par l'Assemblée nationale est satisfaisant. Une double taxe sera créée : chaque CCIR en bénéficiera. Les taux pourront augmenter, mais la progression sera encadrée.

Sans remettre en cause l'architecture globale des députés, votre commission des finances proposera divers amendements techniques pour mieux cerner le dispositif et préciser le périmètre des missions financières.

Enfin, à partir de 2013, les agents publics seront transférés aux CCIR, sans que la ressource fiscale suffise à financer leurs salaires. Les CCIP devront donc transférer une partie de la taxe qu'elles perçoivent. Mais comme rien n'était prévu, votre commission a déposé un amendement pour prévoir ce financement.

M. Claude Bérit-Débat.  - C'est compliqué ! (Sourires)

M. Éric Doligé, rapporteur pour avis.  - Alors que la réforme des chambres de métiers laisse à chacune la liberté de fusionner dans une chambre régionale, celle des CCI est moins ambitieuse. On en est resté au milieu du gué.

Au cours des auditions, j'ai constaté des oppositions à cette réforme. La gouvernance des CCI prévue ne fait pas consensus. (Approbations et applaudissements sur les bancs socialistes) Votre commission s'en remet à celle de l'économie sur la question des CCI, qui nous a semblé compliquée.

M. Daniel Raoul.  - Une usine à gaz !

M. Éric Doligé, rapporteur pour avis.  - Je remercie la commission de l'économie d'avoir accepté nos amendements. La commission des finances a fait son travail en toute loyauté et transparence. (Applaudissements à droite)

M. Daniel Raoul.  - C'est laborieux !

Mme Odette Terrade.  - Quel objectif pour ce texte ? Appliquer la RGPP aux réseaux consulaires et tirer les conséquences de la réforme des collectivités territoriales ! Il s'agit de réduire le coût du réseau, grâce à la régionalisation.

Leur budget global s'élève à 4 milliards. Ces établissements gèrent 90 aéroports, 120 ports commerciaux, des centres commerciaux, des incubateurs d'entreprises... Ils assurent la formation de 500 000 élèves.

La réforme proposée ne fait pas consensus. Le conseil des présidents des CCI déplore que la centralisation régionale oublie les atouts territoriaux, spécificités du terrain et juge la réforme précipitée et incohérente. Un ancien président de l'ACFCI estime que celle-ci vise non à « moderniser » le réseau, mais à le « tuer ». Les syndicats sont critiques. Et la commission des finances s'est montrée très réservée sur un projet dont les deux volets ajoutent à l'incohérence.

Vous proposez une régionalisation totale du réseau, avec une tutelle politique, une tutelle financière et une tutelle sociale. Cette démarche autoritaire et centralisatrice est inacceptable. En Ile-de-France, où un dispositif spécifique est prévu, c'est encore pire. Il faudrait laisser le choix aux actuelles chambres de commerce de s'affilier ou non à la chambre régionale.

Au fil des lois, l'échelon départemental est dépecé, alors qu'il nous paraît le plus satisfaisant, et conforme au principe de subsidiarité.

Votre régionalisation s'inscrit ainsi dans la logique de la RGPP. Nous n'avons rien contre les économies, mais celles que vous proposez touchent systématiquement les services publics et l'aménagement du territoire !

Votre souci d'alléger toujours plus les charges des entreprises, sans aucune contrepartie, est indécent quand les salariés doivent toujours travailler plus pour gagner moins.

La rédaction de l'article 7 est déplorable : de telles dispositions, fondées sur un principe contestable, devraient relever de la loi de finances.

La centralisation pose de gros problèmes pour la mobilité des agents concernés. L'uniformisation des règlements intérieurs se fera nécessairement dans le sens le plus défavorable aux salariés.

Si le réseau consulaire a effectivement besoin d'être modernisé, vos propositions ne sont pas un vrai progrès. Une vraie modernisation passerait par une nouvelle gouvernance, par la réforme de conditions de représentativité qui datent de 1953, par un renforcement des missions de service public, notamment dans le domaine de la formation professionnelle -alors que la tendance est à l'augmentation des prestations payantes.

M. le ministre nous dit que les syndicats sont consultés ; ils ne semblent pas avoir été entendus...

Suite à l'adoption de l'amendement Vautrin relatif aux MIN, élus et professionnels s'inquiètent. Le monopole actuel n'existe que dans vos fantasmes ! L'existence d'un périmètre de référence est justifié par des considérations d'intérêt général, l'aménagement du territoire, la sécurité sanitaire, l'environnement. Vous voulez que les Metro et autres Cash and cary viennent s'installer aux portes des MIN, pour y imposer une concurrence déloyale. Les marchés agricoles ont besoin de régulation, nous en avons suffisamment discuté lors de la LMA. Et je ne parle pas du devenir des 26 000 salariés des MIN.

Le groupe CRC-SPG ne peut adopter en l'état un texte inspiré par une volonté de reprise en main autoritaire des institutions territoriales. (Applaudissements sur les bancs CRC-SPG)

M. Nicolas About.  - Mon groupe soutient l'esprit de la réforme des réseaux consulaires. Des réflexions sont menées depuis longtemps pour renforcer l'échelon régional ; le fruit est mûr, il est temps de le cueillir.

Les CCI exercent des compétences fortes en matière économique : appui à la création et au développement des entreprises, aide à l'accomplissement des formalités administratives, gestion de centres de formation ; 620 000 personnes sont formées par leur réseau, dont 100 000 apprentis. Elles gèrent 80 aéroports et 60 ports maritimes ; leur budget de 4 milliards d'euros est bien employé.

Les chambres consulaires sont le bras armé des régions dans l'action économique ; il est donc dans l'ordre des choses de procéder à leur régionalisation. A Dubaï, on connaît mieux « Paris » ou « la Bretagne » que tel ou tel département.

Aujourd'hui, les chambres régionales ne sont que des instances de coordination, tandis que les dispositifs d'appui et d'accompagnement des entreprises sont décidés et financés par les conseils régionaux. Le déséquilibre actuel des parties au contrat nourrit l'insatisfaction de ces derniers. La régionalisation des chambres permet à la région d'avoir un interlocuteur régional.

Si nous nous opposerons à toute proposition qui viendrait à éroder les compétences des chambres régionales, il importe que celles-ci conservent un lien serré avec le terrain : les chambres territoriales ne doivent pas être reléguées au rang de simples antennes

Je déplore le fait que le budget ne soit plus voté à la majorité qualifiée. C'est la décision stratégique par excellence... Il y va de l'acceptation des décisions de la chambre régionale par les chambres territoriales.

Représentant des Yvelines, je tiens à ce que la régionalisation soit uniforme donc qu'aucune exception ne soit faite pour les chambres d'Ile-de-France. Certains d'entre nous auraient volontiers envisagé une mutualisation plus aboutie des services, des dispositifs d'appui, des supports, des actions de formation...

Ce projet de loi, en outre, transpose partiellement la directive « services » : le caractère protégé de certaines professions nuit à tous. L'Europe est une chance. (M. le ministre renchérit) Rien ne justifie le maintien de monopoles, pas même pour les MIN. C'est pourquoi notre groupe soutient la solution adoptée par l'Assemblée nationale et confirmée par la commission.

J'approuve donc ce texte et salue l'excellent travail du rapporteur. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Bariza Khiari.  - Je rends hommage aux CCI. Dans mes fonctions antérieures au ministère du tourisme, j'ai travaillé avec elles ; en tant que responsable d'une entreprise familiale, j'ai vu quel rôle essentiel ces chambres jouaient dans l'intérêt des acteurs économiques. Je salue leur expertise.

Le débat sur la réforme des réseaux consulaires a pris une tournure étonnante. Autant les choses se sont passées dans la sérénité pour les CMA, autant les choses auront été difficiles pour les CCI. L'incohérence du texte comme l'application de la RGPP inquiètent élus et professionnels. Et la commission des finances du Sénat annonce que, si elle avait été saisie au fond, elle aurait rejeté ce projet de loi.

Pourtant, le réseau est, dans son ensemble, convaincu de la nécessité de cette réforme. Les ambiguïtés juridiques actuelles ont des conséquences sur leur mode de gouvernance.

Il reste à appliquer des règles financières claires, selon la Cour des comptes elle-même. La loi Dutreil n'est pas si décevante que vous le dites : en cinq ans, le réseau est passé de 175 chambres à 148 ; à la fin de l'année, il ne devrait en rester que 126. Je ne connais aucune structure capable de réduire ainsi sa voilure de 30 % en si peu de temps !

Au fur et à mesure des auditions, nos réticences initiales se sont transformées en doutes. Le relatif consensus qui prévalait alors s'est fissuré... Le dispositif dérogatoire pour l'Ile-de-France n'est pas acceptable ; la mise sous tutelle des chambres départementales se traduira nécessairement par une captation d'une partie de leurs ressources et de leurs capacités d'initiative par la chambre régionale.

Le texte initial relevait d'une logique pure de régionalisation ; l'Assemblée nationale s'est souciée de proximité. Mais la contradiction entre les deux logiques est devenue trop forte... La masse salariale va augmenter, mais les ressources publiques sont à la baisse ; certaines chambres seront étranglées.

Si le texte était voté en l'état, l'organisation du réseau, ses conditions de financement -entre transferts et contre-transferts-, son statut seraient kafkaïens, entre chambres territoriales, métropolitaines, régionales, sans que les frontières de compétences soient claires.

Les réactions témoignent d'une profonde inquiétude devant ce texte qui réussit l'exploit de ne satisfaire ni la RGPP, ni les réseaux consulaires. Jamais jusqu'alors, monsieur le ministre, votre point de vue n'a manqué de cohérence ; je ne retrouve pas aujourd'hui le pragmatisme que j'ai pu apprécier dans le passé... La maîtrise de ce texte vous aurait-elle échappé, entre revirements et contradictions ? Ou visez-vous en réalité l'objectif de la commission Attali, 22 chambres régionales assorties de succursales sans consistance ? La seule conséquence claire est l'accélération de la disparition de l'échelon départemental : vous inventez le conseiller territorial consulaire !

M. le président.  - Veuillez conclure.

Mme Bariza Khiari.  - Quant à la directive « services », pourquoi ne pas la transposer par une loi-cadre ? En y procédant au compte-gouttes, on escamote toute possibilité de débat démocratique. Voici en outre que l'on veut satisfaire les désirs d'une grande chaîne de distribution. Une fois n'est pas coutume, je souhaiterai le retour au texte initial du Gouvernement. (Applaudissements à gauche)

Mme Anne-Marie Escoffier.  - La refonte du réseau consulaire était inéluctable, tant s'étaient distendus ses liens avec le terrain. Le statu quo ne pouvait durer. Dans mon département, les CCI de Millau et de Rodez avaient prévu en 2006 un « rapprochement », qui aurait dû avoir lieu avant le printemps 2009 ; mais c'était sans compter avec les querelles et le report des élections consulaires...

Il est temps de sortir du silence assourdissant qui s'est instauré depuis quatre ans alors même que le pays a le plus grand besoin d'une économie dynamique. L'arrivée du moins de ce projet de loi devrait tarir les querelles !

Commerce, artisanat et agriculture sont difficilement dissociables. On aurait pu rapprocher leurs chambres, et sceller ainsi leur complémentarité.

Que viennent faire les professions cosmétiques dans un projet de loi aussi fondamental que celui-ci ?

Les enrichissements apportés par nos rapporteurs devraient apaiser les inquiétudes. La logique régionale prend tout son sens avec l'association de tous les acteurs. Il n'en reste pas moins que le critère de proximité ne doit pas s'effacer devant les exigences d'économie d'échelle et de rationalisation. L'équilibre a été recherché ; je ne doute pas que le nouvel échelon régional saura trouver les voies de dialogue avec le niveau local.

La disposition sur la limite d'âge à 65 ans des présidents pose le problème général du principe même de la limite d'âge. A 65 ans, on peut être en pleine activité. Il n'est que de regarder ici... (Sourires)

Les professions réglementées... La suppression du monopole des MIN est opportune, dans une logique d'aménagement du territoire et du développement durable. Elle est dans l'intérêt des tout petits producteurs, que nous voulons défendre.

Subrepticement, l'article 13 ouvre aux experts-comptables la possibilité d'exercer des activités juridiques à titre principal. Les barreaux n'ont pas été consultés ! Au-delà de cette mauvaise manière, cette mesure est dangereuse sur le plan juridique, et pourrait, dans les territoires ruraux, fragiliser les avocats dans leur rôle de défenseurs des plus démunis. Le droit et les chiffres doivent rester séparés !

Notre groupe sera attentif au sort réservé aux différents amendements ; il dira, par son vote, sa confiance dans cette institution renouvelée au service de notre économie et de ses territoires. (Applaudissements)

M. Jean Louis Masson.  - Avec ce projet, Metz subira encore une nouvelle avanie de la part du Président de la République et du Gouvernement, après avoir perdu 6 000 emplois dans le cadre des restructurations militaires -record de France ! Quand on a choisi le siège de Pôle emploi, on a choisi une autre ville. Les effets de manche du Président de la République, on connaît ! Il a promis de revenir à Gandrange, de revenir à Metz, on ne l'y a pas vu ! A Dieuze, il a fait des promesses, mais on n'a rien vu non plus ! Ce qu'on a vu, ce sont des charcutages électoraux extravagants : aux dires du Conseil constitutionnel, la Moselle est le département exemplaire des magouilles électorales du Gouvernement.

Ce gouvernement et ce Président de la République sont les plus impopulaires de la Ve République.

M. Roland Courteau.  - C'est vrai !

M. Jean Louis Masson.  - M. Sarkozy est au fond du trou, et il gratte encore ! (Vives exclamations sur les bancs UMP) Comme des millions de Français, comme des milliers de Mosellans, nous ne supportons plus ces gesticulations, ce bling-bling à tous les étages ! (Exclamations à droite)

M. Christian Cambon.  - C'est indécent !

M. Jean Louis Masson.  - Vous verrez bien aux prochaines sénatoriales ! On comptera les billes !

Cette façon de traiter un département et une ville est inconvenante. C'est avec un enthousiasme que je ne dissimule pas que je voterai contre ce projet de loi !

M. Christian Cambon.  - Qu'il aille siéger à gauche !

M. Roland Courteau.  - Voilà qui est carré...

M. Jean-François Mayet.  - Cette réforme a aussi la vertu de faire faire des économies en supprimant des doublons. Il fallait moderniser un réseau indispensable à nos entreprises ; attention toutefois à ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain.

Les chambres de commerce sont les mieux placées pour aider les entreprises dans leur territoire. L'action de terrain ne peut se déplacer vers le niveau régional. Je regretterai toujours de n'avoir pu réunir au niveau départemental les trois chambres de commerce, d'agriculture et d'artisanat.

Il est indispensable que les CCI régionales garantissent l'égalité de traitement entre chaque département ; cela passe par une répartition satisfaisante des droits de vote et des ressources budgétaires.

Pourquoi ne pas avoir regroupé les diverses chambres qui existent dans les départements ? Je voterai ce texte. (Applaudissements sur plusieurs bancs à droite)

M. Jean-Pierre Fourcade.  - Chacun connaît les CCI et les chambres de métiers. Je salue les présidents des chambres de métiers qui ont porté cette réforme et qui montrent tout leur sérieux, contrairement à ce qui se fait du côté des CCI. (Approbations à gauche)

Concernant ces dernières, il y avait deux systèmes possibles : prendre acte des propositions de la commission Attali, qui voulait en réduire le nombre : 173 chambres, c'est beaucoup trop, alors que 50 chambres départementales ou interdépartementales suffiraient. Ce n'est pas l'option qui a été retenue : il est prévu de rassembler au niveau régional les CCI, afin de mieux les encadrer. Nous prélevons une taxe additionnelle sur le CTE pour financer les CCI. Il est normal que les CCIR la perçoivent.

Il s'agit tout de même de 1,2 milliard ! Pourquoi ne pas avoir prévu des chambres régionales avec des délégations ? C'est ce qui se passe dans certains départements comme dans le mien, et cela marche très bien. On aurait ainsi pu avoir 26 CCIR et des délégations, mais vous n'avez pas voulu aller jusque-là.

La commission de l'économie a proposé divers amendements qui vont dans le bon sens. Il était temps de trouver une formule satisfaisante pour les entreprises et les chambres de commerce.

Pour l'Ile-de-France, deux solutions étaient possibles : soit un statut uniforme pour toute la France, soit une formule particulière. Les Hauts-de-Seine sont ravis de la situation actuelle. Pourquoi prévoir une chambre territoriale dans ce département ? L'objectif est de renforcer la compétitivité des entreprises, pas de maintenir tel ou tel directeur, quel que soit son âge...et je parle en connaissance de cause ! (Sourires)

Je voterai le texte proposé par la commission sans autres amendements que ceux acceptés par le Gouvernement. Je tiens à rendre hommage au remarquable travail de notre rapporteur. (Applaudissements à droite)

M. Claude Bérit-Débat.  La discussion sur l'avenir des collectivités territoriales nous avait préparés à ce débat : le pouvoir vient d'en haut. Fini les CCI autonomes ; osons l'oxymore : place au centralisme régional. Tout vient d'en haut et tant pis pour les CCIT qui avaient voulu proposer des solutions innovantes.

Les acteurs des réseaux se sont passionnés en 2008 pour une réforme, mais pas pour celle que nous propose le Gouvernement ; c'est pourquoi ils s'estiment dupés. Entendons leurs réticences car nous transformons l'organisation de nos territoires. En matière d'organisation territoriale, la proximité est la clé du succès. Or, cette réforme va briser l'élan des CCIT. La régionalisation risque d'accentuer l'inégalité des territoires entre eux. La proximité sera remplacée par l'éloignement, l'innovation par la pesanteur bureaucratique et l'efficacité par le formalisme administratif. Est-on sûr que la régionalisation s'impose ? Les CCIT sont mises sous tutelle, ce que je constate. En outre, la régionalisation n'a pour objectif que de réaliser des économies.

Vos arguments ne sont pas recevables, d'après la commission des finances elle-même. Le transfert des agents aux chambres régionales devra être financé par les CCIT ! Tout ce système est kafkaïen.

Ce texte martèle l'idée que l'échelon départemental n'a plus sa place. La proximité, le lien social et l'ancrage local ont perdu toute valeur à vos yeux. La réorganisation du réseau engagé ces dernières années ne serait pas suffisante selon vous. Pourtant, les regroupements ont été nombreux : la CCI de Dordogne est issue de la fusion de celles de Périgueux et de Bergerac, longtemps antagonistes. La création d'un pôle interconsulaire a permis une véritable mutualisation de divers services, d'où des économies d'échelle. Cet exemple prouve que l'échelon départemental peut être le vecteur d'un profond changement au bénéfice de l'économie.

Je défendrai dans ce débat une certaine conception des territoires. Ils ne sont pas un anachronisme ni un facteur d'immobilisme, mais une chance pour la France. (Applaudissements à gauche)

M. François Fortassin.  - Ce projet de loi vise à rationaliser l'organisation administrative du réseau consulaire. Le niveau régional des chambres est renforcé, conformément à la RGPP. Nous ne nous y opposons pas, mais quelle sera l'efficacité de cette réforme ? Le niveau régional est une atteinte à la décentralisation, qui doit rapprocher le citoyen de l'opérateur. Dès lors qu'on recentralise au niveau régional, ne va-t-on pas transformer une coquille vide en usine à gaz ? (Sourires) Certes, une rationalisation était souhaitable, mais fallait-il imposer cette évolution ?

J'en viens aux experts-comptables. On veut leur donner la possibilité d'assister les personnes physiques. Mais ce système ne risque-t-il pas de porter atteinte à la profession d'avocat ? Le citoyen risque d'en être le grand perdant.

Enfin, j'approuve la suppression des monopoles des MIN. Les producteurs sont la variable d'ajustement et il y a un véritable racket dans ce domaine. J'appuierai donc la position de la commission.

J'évoque pour mémoire les massages faciaux. Vous voulez simplifier les choses, mais la « chirurgie esthétique » n'existe pas officiellement, au contraire de la chirurgie réparatrice. Du moins, monsieur le ministre, n'avez-vous pas mentionné certains salons de massage ... (Rires et applaudissements)

M. Alain Fouché.  - Élu de la Vienne, je connais un certain nombre de responsables de CCI, dans mon département et dans d'autres. Je puis vous le dire sans ambages : ce sont les chambres départementales qui font le travail. On aurait pu les pousser à se rapprocher mais je crains que cette réforme ne fasse reculer la proximité ; le besoin de mutualisation ne peut tout justifier. Les chambres régionales recouvrent 3 % des recettes et les départements 97 % ; vous voulez inverser les choses, je ne suis pas sûr que ce soit pertinent.

Quand on gouverne, on gère son budget et son personnel. Je souhaite être entendu. (Applaudissements sur certains bancs à droite)

M. Marc Daunis.  - En tant qu'élu local ayant pu apprécier le travail des CCI, je m'associe à l'hommage de Mme Khiari. Je vous rappelle que Sophia-Antipolis a été créé grâce à une CCI.

Le Gouvernement souhaite réorganiser le paysage consulaire pour plus d'efficacité et de rationalité. L'objectif est louable, mais sera-t-il atteint ? Dans le contexte actuel, qui serait défavorable à la mutualisation des dépenses ? Encore faut-il que cela se traduise par une réelle efficacité pour les entreprises. Les situations sont diverses : soyons pragmatiques ; nous ne pouvons nier le fait local. M. Fourcade a raison de regretter que ce qui a été fait pour les chambres de métiers ne l'ait pas été pour les CCI.

Vous nous avez présenté ce texte comme le fruit d'un consensus. Pourtant, par lettre du 8 juin, le conseil des présidents des CCI nous invite à corriger les incohérences du texte. S'agit-il de la bronca de dangereux terroriste ? (Sourires)

L'organisation régionale du réseau est possible si l'on garde un outil de terrain. Évitons de créer une usine à gaz et de déséquilibrer les rapports entre CCIR et CCIT.

Nous essayons d'améliorer ce texte qui a été tricoté et détricoté. (Applaudissements à gauche)

M. Bernard Saugey.  - Que souhaitons-nous ? Une réforme juste, équilibrée et efficace. Les conditions ne sont pas réunies dans ce projet de loi.

En ce qui concerne la répartition des compétences, il faut appliquer le principe de subsidiarité : chaque chambre départementale doit pouvoir recruter sans demander l'accord de la région.

La mise à disposition des personnels nouveaux doit être de droit. Quant au personnel privé, son recrutement ne doit pas être limité mais étendu à toutes les activités.

En ce qui concerne les ressources fiscales, le problème initial reste entier. La solution retenue est complexe et la commission des finances a fait part de ses plus extrêmes réserves. (Mme Nicole Bricq le confirme) Il faut encore simplifier le mécanisme retenu. Les élus doivent garder la main sur les taux ; il ne faut pas non plus passer du tout local au tout régional.

Pour les élections, le texte de l'Assemblée nationale est contradictoire. Deux élections simultanées sont prévues qui risquent d'aboutir à des incohérences.

Ce texte a mis le feu entre des personnes qui étaient auparavant amies.

M. François Marc.  - C'est la guerre !

M. Bernard Saugey.  - Le 25 novembre, il y a certes eu vote mais ses résultats seraient inversés s'il avait lieu aujourd'hui !

Le projet de loi comporte des défauts majeurs si l'on veut un texte de progrès et pas de régression. Les avancées sont notables mais restent insuffisantes. Ce texte aurait dû venir devant nous après la réforme des collectivités territoriales. L'argument des élections ne tient pas. J'espère que de la discussion naîtra la lumière, pour aboutir à la paix des braves ; sinon, je ne vois pas comment nous pourrions adopter ce texte en l'état. (Applaudissements sur certains bancs à droite, au centre et à gauche)

M. Daniel Raoul.  - Je n'ai pas grand-chose à rajouter à ce que vient de dire M. Saugey, ni d'ailleurs à ce qu'a dit M. Doligé, ou du moins à ce qu'il a laissé entendre : ses contorsions pour avaler de nouvelles couleuvres étaient telles que je craignais pour lui un tour de rein ! (Sourires)

Ce projet de réforme, qui a été adopté il y a deux ans par l'assemblée générale des CCI, marque une recentralisation. Vous avez construit une véritable usine à gaz qui conduit à la perte de l'autonomie financière des chambres départementales.

Ce que vous dites sur la délégation de personnel ne tiendra pas une minute devant les prud'hommes : le véritable employeur, c'est le payeur !

Pourquoi ne pas avoir adopté la même méthode que pour la réforme des chambres des métiers et de l'artisanat, qui était consensuelle ?

J'ai du mal à vous suivre, monsieur le rapporteur : quand on arrête un projet, il faut mettre les moyens en face ! Pourquoi faudrait-il deux majorités différentes pour voter le projet et le budget ?

Quid sur la place des CCID ? Que se passera-t-il à Nantes si une chambre métropolitaine est créée ? On va casser ce qui marche. Pourquoi ne pas faire confiance à la subsidiarité et au niveau local ?

Pendant près d'un an, vous avez travaillé sur la directive européenne, monsieur le ministre. Mais ce texte a été sabordé par un amendement de la grande distribution. Nous aurions dû tirer l'expérience de ce que l'on a connu avec la loi LME. Il faut sur ce point en revenir au texte initial.

Sur la première partie, nous aurions souhaité un texte d'équilibre et d'apaisement et non pas un projet de recentralisation. C'est pourquoi nous vous proposerons de voter une motion de renvoi en commission pour y travailler. (Applaudissements à gauche)

M. Christian Cambon.  - Avec ce texte, le Gouvernement souhaite améliorer le service rendu aux entreprises. Nous soutenons cette ambition.

En tant qu'élu du Val-de-Marne, j'approuve le dispositif prévu pour l'Ile-de-France qui fera la part belle à la formation et à l'accompagnement des chefs d'entreprise et des salariés.

J'émets toutefois deux réserves : la première, sur la solution retenue pour la Seine-et-Marne et de l'Essonne ; je suis solidaire de mes collègues de ces départements, mais nous en reparlerons.

La seconde concerne le périmètre des marchés d'intérêt national, les MIN. Rungis est le deuxième employeur du département après l'aéroport d'Orly. Il commercialise près de 20 % des produits frais en France, ce qui en fait le premier marché mondial des produis frais. Son rayonnement international est indéniable. L'article 11 initial était le fruit d'une concertation entre le Gouvernement et les professionnels. A l'Assemblée nationale, un amendement a totalement supprimé le périmètre de référence des MIN. Les grossistes de la grande distribution vont en profiter pour se développer et écarter la concurrence.

Huit établissements d'une grande chaîne allemande sont déjà installés en Ile-de-France, ce qui va bouleverser la donne. Les petits producteurs vont être évincés. Est-ce ainsi que nous viendrons en aide aux petits producteurs qui se battent pour une production alimentaire de qualité ?

On nous parle d'inciter à la concurrence, mais le modèle du MIN est apprécié par tous les producteurs et acheteurs. Les modèles des grandes centrales d'achat, c'est moins de concurrence et moins de producteurs. L'amendement que je vous présenterai vise à revenir au texte initial du Gouvernement. Pourquoi affaiblir le modèle des MIN et renforcer encore les grandes centrales d'achat ? Il revient au Sénat de protéger une structure que le monde entier nous envie. (Applaudissements sur la plupart des bancs)

M. Serge Dassault.  - Ce projet de loi a le grave inconvénient de priver les CCI d'Essonne et de Seine-et-Marne de leur statut d'établissement public, ce qui n'est pas acceptable... (« Très bien ! » sur les bancs socialistes) ...alors qu'elles travaillent de façon remarquable. Il faut préserver leur efficacité, qui ne doit pas être noyée dans une organisation décentralisée.

Les conséquences de la perte du statut d'établissement public seraient désastreuses : atteinte à la démocratie locale, éloignement de la prise de décision, limitation de l'action territoriale... Ces conséquences seraient d'autant plus marquées que les intérêts divergent fortement entre une petite couronne très urbanisée et une grande couronne aux préoccupations rurales et industrielles.

On va faire disparaître le lien partenarial. Les chambres de commerce de l'Essonne et du Val-de-Marne ne pourraient plus contractualiser. Je soutiens donc l'amendement de M. Houel, notre collège de Seine-et-Marne. La CCI de l'Essonne fait un travail remarquable.

M. Bernard Vera.  - C'est vrai.

M. Serge Dassault.  - Notre département est le lieu d'une bonne collaboration entre les acteurs économiques locaux. Nous ne pouvons revenir en arrière.

M. Bernard Vera.  - Très bien !

M. Serge Dassault.  - Préservons leur liberté d'action ! (Applaudissements à gauche et sur de nombreux bancs UMP)

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - Le nombre d'interventions témoigne de l'intérêt que suscite ce texte ; les amendements de la commission sont de grand intérêt. M. le rapporteur a justement souligné que le régime des directeurs généraux des CCI est fixé par le règlement et non par la loi. Il y a quelques semaines, subsistaient encore près de 150 CCI, ce qui montre le caractère imparfait de la réforme Dutreil. Le mouvement de rationalisation et le regroupement doivent se poursuivre, c'est un des objets de ce projet de loi. Les chambres territoriales resteront les interlocuteurs de proximité des entreprises.

M. François Marc.  - Ce n'est pas possible !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - L'échelon territorial conservera la personnalité morale et ses ressources propres, soit 70 % de l'ensemble.

M. François Marc.  - Sous tutelle !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - Selon le propos sévère...

M. Claude Bérit-Débat.  - ...mais juste !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - ...de M. Bérit-Débat, la « recentralisation régionale » serait un « jeu de dupes ». Il faut faire confiance aux acteurs locaux et aux élus des entreprises. M. Fourcade a, à juste titre, souligné la qualité de l'action de la CCIP dans les Hauts-de-Seine. J'ai aussi beaucoup apprécié les propos de M. About.

J'ai mal distingué ce que M. Masson pensait de ce texte précis.

M. Gérard Cornu, rapporteur.  - Il n'est pas là !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - Qu'il soit rassuré : la spécificité de l'Alsace- Moselle sera préservée, conformément à la loi de 1924.

M. Doligé a raison de souhaiter une comptabilité analytique, pour vérifier le bon usage des fonds publics. Mme Khiari aurait dû l'entendre et moins craindre : le pragmatisme du ministre n'a pas disparu !

L'affectation des ressources fiscales au niveau régional est la clé de cette réforme ; là-dessus, nous sommes en désaccord avec M. Saugey. Cela n'empêchera pas que 90 % des ressources resteront gérées au niveau local.

M. François Marc.  - Il faudra le prouver !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - En ce qui concerne les ressources humaines, les CCIR seront employeurs d'agents de droit public. Il y aura délégation permanente au niveau local ; MM. Fouché et Saugey doivent être rassurés. Le salaire sera versé par les chambres régionales.

Les conditions du dialogue social ne changeront pas considérablement. Je partage toutefois l'analyse de Mme Terrade sur la question de la représentativité. J'ai reçu les organisations syndicales le 31 mai et j'approuverai là-dessus l'amendement du rapporteur.

Malgré ses efforts soutenus, la France n'a pas encore transposé la directive « services ». Nous devons le faire sous peine de condamnation pour manquement. Nous préférons adopter des dispositions sectorielles plutôt qu'une loi-cadre, pour une simple question de visibilité. Un rapport a été déposé en janvier, précisant l'état actuel de transposition des directives. Tous les États membres n'ont pas fait cet effort de transparence.

S'agissant des MIN, je répète que le Gouvernement est favorable à un assouplissement mais veut maintenir un périmètre de protection pour les plus grandes entreprises. Il serait absurde que les petites surfaces commerciales soient réglementées et pas les grosses !

Je rassure M. Fortassin sur les experts-comptables : l'amendement ne fait que régulariser une pratique effectivement répandue. Il y a là-dessus un accord national entre l'Ordre des experts-comptables et le Conseil national des barreaux.

Ce texte est peut-être « immature », comme l'accuse M. Raoul, mais il a subi une gestation de deux ans ! Loin d'être bridée, la créativité locale est consacrée par l'article 7 qui ouvre le droit à l'expérimentation.

Je remercie M. Cambon de son soutien aux objectifs de la réforme. M. Dassault défend énergiquement les intérêts de l'Essonne.

« Il faut que tout change pour que rien ne bouge » est-il dit dans le film Le Guépard ; n'en faisons pas un alibi ! (Applaudissements à droite)

La discussion générale est close.

Question préalable

M. le président.  - Motion n°126, présentée par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services (n° 508, 2009-2010).

M. Michel Billout.  - Le Gouvernement réduit encore la part des services publics ; nous voici donc au coeur de votre politique d'austérité. Peu vous importe le service public, seuls comptent à vos yeux les critères de Maastricht. Vous refusez de chercher des ressources du côté de l'ISF ou du bouclier fiscal, et préférez vous en prendre aux dépenses des CCI.

Alors que celles-ci ont un rôle important à jouer au niveau local, vous les éloignez du terrain. Vous allez priver les territoires de relais, tout en procédant à des licenciements massifs au nom de la rationalisation.

De manière exceptionnelle, la commission des finances a émis des critiques contre ce texte. La rareté d'une telle prise de position en fait le poids.

Pour respecter la recommandation 297 du rapport Attali, vous recentralisez systématiquement l'échelon départemental, quand bien même la réforme territoriale est loin d'être adoptée.

Le titre II concerne diverses professions réglementées, afin d'assouplir leurs conditions d'exercice. Vous voulez libéraliser totalement l'activité de placement des travailleurs. Nous pourrions en discuter si vous ne preniez pas pour une évidence acquise que seule la libéralisation vaut. La suppression du périmètre de référence des MIN remet en cause l'existence même de ceux-ci. Ce n'est pas la concurrence sauvage qui ira dans le sens de l'intérêt des collectivités, ni du service public.

Vous transposez par petites touches la directive « services », avec toujours le même résultat : la suppression des services publics au profit du « marché ». Le rapport Bizet sur la transposition de cette directive est éclairant : « cette transposition ne doit pas servir de prétexte à la cristallisation des mécontentements de tous ordres. Mieux vaut instiller plusieurs dispositions de nature technique à l'occasion de l'examen de divers projets de loi... Cette méthode éviterait les polémiques stériles. » Vous appliquez ce conseil quand les autres États ont choisi la loi-cadre qui permet au Parlement de débattre.

Le peuple français est soumis à une austérité sans précédent. Avec la monnaie unique, l'Union a renoncé à des instruments d'action comme les taux de changes et les taux d'intérêt ; elle va ainsi à l'échec. C'est Joseph Stiglitz qui le dit et cet économiste est loin d'être marxiste !

Moins de justice de proximité, moins d'enseignants dans les écoles, moins de soignants dans les hôpitaux - est-ce une avancée ? Et votre rigueur, quand l'appliquerez-vous aux grands groupes, aux banques et aux parachutes dorés ?

Nous persistons dans notre opposition absolue à la directive « services ». (Applaudissements à gauche)

M. Gérard Cornu, rapporteur.  - La transposition des directives est une obligation juridique. Quant à l'architecture globale du projet de loi, on ne peut pas dire qu'il n'y aurait pas eu de concertation !

M. Bernard Vera.  - Et avec les salariés ?

M. Gérard Cornu, rapporteur.  - Défavorable à la motion.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - Même avis.

Mme Nicole Bricq.  - Il y aurait motif à voter cette question préalable, car la réorganisation des CCI crée conflictualité, pas entre gauche et droite, mais entre les acteurs eux-mêmes, à l'intérieur de la majorité sénatoriale, conflictualité qui s'exprime dans le hiatus entre gouvernance et réorganisation.

Pourquoi ne pas laisser aux réseaux consulaires la même liberté qu'aux chambres des métiers ? Pourquoi l'Ile-de-France aurait-elle un statut d'exception ? A cause d'un accord de dernière minute ? Entre qui et qui ?

Pourquoi la motivation qui guide le Gouvernement - « faire des économies »- au nom de la tristement fameuse RGPP- est-elle contredite par le texte lui-même qui comporte un « risque mécanique d'augmentation des coûts », comme l'écrit M. Doligé ?

S'il faut choisir entre coquille vide et usine à gaz, il resterait à voter la question préalable. Pourquoi le Gouvernement persévère-t-il dans l'erreur ?

Mais nous nous abstiendrons car le déficit de préparation et d'ambition dont a parlé M. Doligé serait mieux comblé par un renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Bernard Vera.  - Guidée par le seul impératif de la RGPP, cette réforme a été menée dans la précipitation, sans qu'on ait pris soin de consulter les salariés. La disposition sur l'Ile-de-France a été adoptée par l'Assemblée nationale sans la moindre recherche de consensus. Les CCI d'Essonne et de Seine-et-Marne ont un poids tel qu'il serait inimaginable de transférer leurs tâches vers la chambre régionale.

Nombre de présidents de CCI perçoivent cette réforme adoptée sans concertation comme une menace. L'application aveugle de la RGPP ignore totalement l'atout majeur que représente la proximité.

La commission des finances a émis un avis très réservé, au point de faire savoir qu'elle aurait émis un avis négatif si elle avait été saisie au fond. Le financement des charges de personnel ne sera pas assuré avec le transfert des agents vers les CCIR. La commission des finances a aussi souligné le manque de cohérence dans le nouveau statut des agents, entre la région et le département. Cela risque d'être un moyen d'imposer la mobilité, avant des licenciements...

Vous ne pouvez rester sourds au concert de protestations contre ce texte ! Si notre question préalable devait être rejetée, nous voterions cependant la motion de renvoi en commission.

La question préalable n'est pas adoptée.

Renvoi en commission

M. le président.  - Motion n°10 rectifiée bis, présentée par Mme Khiari et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire le chapitre 1er du titre Ier et l'article 18 du titre III du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services (n° 508, 2009-2010).

M. François Marc.  - Une réforme s'impose et ce projet de loi comporte des avancées certaines. Un volet toutefois reste inabouti, celui concernant les CCI. Nous avons entendu nombre de protestations contre l'éloignement des CCI, contre l'affaiblissement des missions de services publics.

Le texte de l'Assemblée nationale a suscité un désaccord profond entre les deux commissions du Sénat saisies. Il y avait unanimité à la commission des finances pour juger ce texte inabouti. Voilà une situation inédite ! Il faut chercher un compromis, c'est l'objet de notre motion de renvoi en commission.

Les CCI ne sont plus dans un état d'esprit à approuver majoritairement le texte dans l'état où il est aujourd'hui : selon un président de CCI, qui représente la majorité, ce projet de loi a été trop modifié, ce qui l'a dénaturé et rendu incohérent et inapplicable.

Dans ces conditions, que faire ? La première solution serait d'essayer d'amender ce texte sur tous les points qui font problème. Nous savons hélas que la navette ne nous laisserait que des satisfactions fugitives. Une clause de revoyure ? On voit à propos de la taxe professionnelle ce qu'il en est de telles promesses.

Nous proposons la mise en place d'une commission spéciale, conformément à l'article 16 du Règlement du Sénat, en cas de conflit de compétence entre commissions, pour élaborer un compromis entre les deux commissions, qui fasse avancer ce texte.

Mme Nicole Bricq.  - C'est le bon sens ! (Applaudissements à gauche)

M. Gérard Cornu, rapporteur.  - C'est considérer que la commission des finances serait tout aussi compétente que la commission de l'économie.

M. Daniel Raoul.  - Nous n'avons jamais dit cela !

M. Gérard Cornu, rapporteur.  - Cette réforme est proposée à la suite d'une large concertation. L'initiative a donc été laissée aux élus.

En ce qui concerne les CCI, le comité directeur de l'AFCCI s'est prononcé le 16 septembre 2008 en faveur d'une approche régionale.

Une certaine contestation est compréhensible, mais l'avant-projet du texte de loi a été adopté le 14 avril 2009 par 70 % de l'Assemblée générale extraordinaire des CCI.

M. Daniel Raoul.  - Vous ne tenez pas compte des votes doubles !

M. Gérard Cornu, rapporteur.  - Le texte a été enrichi par l'Assemblée nationale, par la commission et le sera par nos travaux. Il y a urgence. Les chambres de métiers veulent que les élections se fassent avant la fin de l'année.

M. Daniel Raoul.  - Nous aussi !

M. Gérard Cornu, rapporteur.  - Vous voulez tout renvoyer à plus tard !

M. Daniel Raoul.  - C'est faux !

Mme Bariza Khiari.  - C'est un renvoi partiel !

M. Gérard Cornu, rapporteur.  - Le texte est relatif à des sujets de la compétence de la commission de l'économie. L'existence d'aspects financiers...

Mme Nicole Bricq.  - Et fiscaux !

M. Gérard Cornu, rapporteur.  - ...ne justifie pas la saisine au fond de celle des finances.

Mme Nicole Bricq.  - Le Président de la République dit le contraire !

M. Gérard Cornu, rapporteur.  - Elle s'est saisie pour avis...

M. Daniel Raoul.  - Elle a rejeté le texte !

M. Gérard Cornu, rapporteur.  - ...et elle a proposé des amendements qui ont tous été repris par la commission de l'économie. Un renvoi en commission serait défavorable à nos entreprises et au réseau. J'y suis défavorable.

M. Éric Doligé, rapporteur pour avis.  - Il ne faut pas laisser croire que nos deux commissions ne sont pas en phase. Nous n'avons examiné que les problèmes financiers. Pour le personnel, nous avons proposé une solution acceptée par la commission de l'économie. Nous avons dit que nous voulions améliorer le système tel qu'il nous était présenté, mais que si nous avions été saisis au fond...

M. Claude Bérit-Débat.  - Ce sont des contorsions !

M. Éric Doligé, rapporteur pour avis.  - Sur les douze amendements des finances, aucun n'a été rejeté par la commission de l'économie.

L'Assemblée nationale a voté pour ce projet de loi.

M. Claude Bérit-Débat.  - Cela ne nous engage pas. Nous sommes au Sénat, ici !

M. Éric Doligé, rapporteur pour avis.  - Une majorité des CCI s'est également prononcée pour cette réforme. Les commissions du Sénat y sont également favorables, puisque nous avons dit que nous nous en remettions à l'avis de la commission de l'économie.

M. Daniel Raoul.  - Que dit donc la page 30 de votre rapport ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement souhaite que le débat se poursuive. Le renvoi en commission nous ferait perdre un temps précieux. Dire qu'il n'y a plus d'accord au sein des CCI n'est pas conforme à la réalité. Nous leur avons demandé d'élaborer une réforme qui a recueilli un accord majoritaire. Cela fait deux ans que la concertation a lieu. Ne perdons pas de temps et examinons ce projet de loi.

A la demande du groupe socialiste, la motion n°10 rectifiée bis, est mise aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Le groupe de l'Union centriste et la réunion administrative des non-inscrits ont délégué leur vote au groupe UMP.

Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 327
Majorité absolue des suffrages exprimés 164
Pour l'adoption 138
Contre 189

Le Sénat n'a pas adopté.