Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Le président du Sénat est en déplacement dans la Vienne ; j'ai donc l'honneur de présider cette séance.

Hôtel de la marine

M. Nicolas Alfonsi .  - Ma question pourrait paraître subalterne... La Cour des comptes a insisté sur le manque de transparence qui prévaut pour la vente des biens de l'État. Je ne conteste pas la nécessité de certaines cessions mais je ne peux accepter la privatisation de certains bijoux de famille. S'il est un bâtiment rare qui ne saurait être privatisé inconsidérément, c'est bien l'Hôtel de la marine. Imagine-t-on de Gaulle ou Mitterrand donner leur aval à une telle opération ? La commission nationale des monuments historiques s'est émue.

De quoi parle-t-on ? D'appels d'offres, de projets d'hôtels de luxe qui n'ont d'autre finalité que de soustraire à la nation un monument historique sans prix. Dites-moi qu'en aucune manière le Gouvernement n'autorisera le détournement de ce palais qui appartient à notre histoire et à la nation ! (Applaudissements sur de nombreux bancs)

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État .  - La cession des biens immobiliers de l'État s'inscrit dans une perspective de restauration de l'équilibre budgétaire et dans la plus grande transparence. La liste des 1 700 sites concernés est disponible sur internet.

Pour l'Hôtel de la marine, les critères sont particulièrement rigoureux. Il ne s'agit pas d'un bijou de famille de l'État mais d'une propriété appartenant à chaque contribuable. De multiples verrous ont été posés. En tout état de cause, cet hôtel restera propriété de l'état-major de la marine jusqu'en 2014, date de son transfert à Balard. Il n'y aura, je vous l'assure, qu'un bail emphytéotique qui permettra le retour dans le patrimoine de l'État. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Paul Raoult.  - Scandaleux ! Quand vend-on Versailles ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Et le Palais du Luxembourg ?

Loi de finances

Mme Nathalie Goulet .  - Depuis des mois, M. Arthuis alerte le Gouvernement sur l'emballement de la dette, qui atteint aujourd'hui 1 500 milliards. Le Parlement a été appelé à voter des lois de finances irréalistes. Nos craintes portent désormais sur la crédibilité des hypothèses économiques. Quel plan, selon quel calendrier, soumis au contrôle du Parlement, le Gouvernement envisage-t-il ? Quelles mesures pour réduire des niches fiscales d'efficacité douteuse, entre le dispositif Copé, le crédit d'impôt recherche, aux effets d'aubaine, la loi Tepa, le taux réduit de TVA pour la restauration et autres mesures ?

Entre le dire et le faire, il y a un monde. Si les choses sont claires, vous pourrez compter sur notre soutien.

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État .  - Le calendrier ? La première étape est la réforme des retraites. La deuxième commencera bientôt avec le débat d'orientation sur les finances publiques. La troisième étape, ce sera l'élaboration, comme de coutume, des lois de finances et de financement avec pour objectif de réduire le déficit de 8 % à 3 % du PIB, soit 40 milliards. Les arbitrages sont en cours. Cet objectif est intangible.

La méthode, maintenant : il s'agit d'abord de réduire la dépense. Du côté des niches, nous espérons gagner entre 8,5 et 10 milliards.

Nous serons justes, avec discernement, pour protéger les plus fragiles, quitte à n'être pas spectaculaires. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Réforme des retraites

M. Claude Domeizel .  - La méthode employée pour la réforme des retraites est contestable. On cite souvent la Suède en exemple. Mais on a cherché, là-bas, le consensus en prenant le temps de la concertation. Vous pratiquez le mépris. A l'égard des manifestants, à l'égard des électeurs, puisque le candidat Sarkozy avait promis qu'il ne toucherait pas à l'âge de la retraite, promesse répétée après son élection, mépris à l'égard de ceux qui ont eu des emplois pénibles, pour les femmes, pour les parlementaires auprès de qui on s'était engagé à ne pas toucher au Fonds de réserve des retraites (FRR) avant 2020.

Même si vous avez mis trop de temps à reconnaître votre bourde (exclamations à droite) par rapport aux femmes fonctionnaires qui ont eu trois enfants, vous l'avez fait, sans aller au bout : votre brutalité persiste.

Je ne vous pose pas de question, sachant trop bien votre habileté à esquiver les réponses. Je vous laisse libre de me répondre, ou pas. (Applaudissements à gauche)

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique .  - Vous ne me posez pas de question mais je vais vous répondre. La Suède a baissé de 3 % le montant des pensions. Si c'est ce que vous voulez, dites-le ! Soyez conséquents ! (Exclamations à gauche, applaudissements à droite)

Du mépris ? Le parti socialiste n'a jamais proposé la moindre réforme des retraites. (Mêmes mouvements) En 1993, vous vous êtes opposés au projet Balladur ; en 2003, vous avez combattu la réforme Fillon ; idem en 2010 pour celle de ce gouvernement. Vous avez un mépris formidable pour la réalité.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Et vous pour le peuple !

M. Eric Woerth, ministre.  - Dans tous les pays du monde, quelle que soit la couleur du gouvernement, on réforme les retraites en jouant sur l'âge.

Nous faisons une réforme courageuse pour sauver la retraite par répartition, fondée sur la réalité et juste pour ceux qui ont commencé jeunes et eu un travail pénible. (Applaudissements à droite)

M. René-Pierre Signé.  - Il y a les riches et les pauvres !

Moralisation du capitalisme

M. Michel Billout .  - Dans le climat politique délétère, le G20 de Toronto est passé presque inaperçu, alors qu'on était censé prendre d'importantes décisions, à commencer par la taxation des banques. A part la mise en garde du président Obama contre l'austérité européenne, on n'a rien vu. Ne nous parlez pas de la microscopique taxe bancaire avec l'Allemagne et la Grande-Bretagne, dont le produit annoncé par Mme Lagarde équivaudra au coût de l'organisation du sommet de Toronto...

Faut-il attendre le prochain sommet pour moraliser enfin le capitalisme ? Quand nombre de ministres sont pris la main dans le pot de confiture pour leur proximité avec la haute finance, comment être crédible ? Il faut faire en sorte que soit coupé tout lien entre politique et grandes puissances financières, pour éviter tout conflit d'intérêt. Le ferez-vous avant la présidence française du G20 ?

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État .  - Je ne répondrai que sur le G20. Il a été décidé à Toronto de réfléchir à l'instauration d'une taxe sur le secteur financier.

M. Paul Raoult.  - La réflexion risque d'être longue !

M. François Baroin, ministre.  - France, Royaume-Uni et Allemagne, cela ne fait pas un mince ensemble.

Une autre avancée concerne la recherche d'une taxation sur les transactions financières pour financer la lutte pour la protection de l'environnement et contre le changement climatique.

Troisième avancée : la mise en oeuvre opérationnelle de la gouvernance économique mondiale.

Enfin, avancée sur le système monétaire international pour rééquilibrer l'activité économique et créer des emplois. Ce sommet aura donc été utile pour préparer les sommets de Séoul et de Paris.

RGPP

M. Adrien Gouteyron .  - Je veux dire un mot à M. Woerth que nous connaissons depuis longtemps ; je puis certifier de sa rigueur morale. (Applaudissements sur les bancs UMP) La meute n'aurait pas été lâchée contre lui s'il n'était pas en charge du dossier majeur des retraites. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Les effectifs de la fonction publique se sont accrus en proportion plus grande que son efficacité. La première étape de la RGPP a décloisonné certaines administrations et permis des économies de 5 milliards. Les 500 mesures envisagées ont été réalisées à 90 %.

Pour la période 2011-2013, vous prévoyez une nouvelle étape avec des économies de 10 milliards. Quelles seront vos mesures ? !

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État.   - L'État étant le premier employeur, il doit être un meilleur employeur. Il faut donc supprimer 100 000 postes de fonctionnaires.

M. Guy Fischer.  - Les pauvres paieront !

M. François Baroin, ministre.  - La voilure de l'État a été réduite sans qu'il soit porté atteinte à la qualité du service rendu, grâce par exemple à l'informatique.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Et les enseignants ?

M. François Baroin, ministre.  - Plus de 10 millions de contribuables ont fait leur déclaration d'impôt sur internet. L'État se modernise et devient un meilleur employeur.

Le même esprit nous anime avec la simplification et l'usage des nouvelles technologies pour la deuxième vague : ces 150 mesures devraient faire économiser 10 milliards. (Exclamations à gauche, applaudissements à droite)

M. Paul Raoult.  - Dépérissement de l'État.

Affaire Bettencourt

M. Gérard Miquel .  - Je me garderai de mettre en cause l'intégrité d'un ministre. Le jugement de l'opinion, qui peut être sévère...

M. René-Pierre Signé.  - Il l'est !

M. Gérard Miquel.  - ...se fait dans un temps bref. Un certain nombre de responsables politiques, de l'opposition et de la majorité, vous proposent de prendre pour règle une incompatibilité entre fonctions ministérielles et celle de trésorier d'un parti.

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est ce que dit M. Juppé !

M. Gérard Miquel.  - Le slogan présidentiel de la République irréprochable ne doit pas rester lettre morte. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement .  - Que reprochez-vous à M. Woerth, sinon d'appartenir au Gouvernement et de mener une réforme difficile, mais nécessaire ? (Exclamations à gauche)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Répondez sur le fond !

M. Luc Chatel, ministre.  - Vous lui reprochez d'être intervenu en faveur de Mme Bettencourt.

M. Paul Raoult.  - Ce n'est pas la question posée ! 

M. Luc Chatel, ministre.  - M. Woerth est trésorier de l'UMP ? Que n'avez-vous protesté lorsque M. Emmanuelli, trésorier du parti socialiste, présidait l'Assemblée nationale ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

Vous lui reprochez d'avoir bénéficié d'un versement d'une personne physique. (Exclamations à gauche : « Ce n'est pas la question ! »)

En fait, vous ne savez quoi inventer pour tenter de discréditer M. Woerth, sa réforme et le Gouvernement et donnez libre cours à votre imagination. Quel dommage de ne pas utiliser votre inventivité dans l'intérêt général ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Paul Raoult.  - La question était correcte, la réponse ne l'est pas.

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est léger !

Traitement des fonctionnaires

Mlle Sophie Joissains .  - Malgré la crise, vous venez de relever de 0,5 % le point d'indice des salaires de la fonction publique alors que dans d'autres pays, on envisage la baisse de ces traitements. Pouvez-vous expliquer votre politique salariale pour les années à venir ? (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Les salaires évoluent à la baisse.

M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique .  - D'abord, M. Woerth avait pris l'engagement il y a deux ans d'augmenter le point d'indice de 0,5 % au 1er juillet 2010. La parole de l'État doit être respectée. (Rires à gauche)

Ensuite, il n'en va pas ainsi dans d'autres pays, où l'on prévoit une baisse ou le gel des rémunérations.

Cette augmentation du point d'indice a eu lieu en 2000, 2004 et 2006, avec des hausses de 2,5 %, 1,8 % et 1,7 %.

Enfin, nous continuerons de prendre des mesures catégorielles et de mettre en place la rémunération au mérite. Ces mesures sont justes et responsables. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. René-Pierre Signé.  - Ils ont tous les culots !

TVA dans la restauration

M. Jean-Jacques Mirassou .  - La baisse du taux de TVA dans la restauration devait être compensée par une baisse des prix et des créations d'emplois. La première atteint tout au plus 3 %. M. Novelli nous parle de 21 700 emplois supplémentaires, alors que le secteur crée en moyenne 15 000 emplois par an.

Telle est la réalité des chiffres, qui montrent le caractère contestable de cette mesure prise il y a un an.

Pourquoi avoir fait une telle impasse sur 2,5 milliards ? Sans doute y a-t-il un rapport avec la campagne d'adhésion lancée par l'UMP auprès des restaurateurs. (Applaudissements à gauche)

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État .  - La baisse de la TVA sur la restauration était une mesure d'équité, voulu déjà par le Président Chirac, face aux fast food qui bénéficiaient du taux à 5,5 %.

Nous sommes favorables à la stabilité fiscale, car nous avons besoin de stabilité pour obtenir des résultats. Ce secteur est celui qui a créé le plus grand nombre d'emplois cette année. Il y a eu un accord avec les syndicats -sur lequel la gauche est restée étonnamment silencieuse- pour accroître les salaires, baisser les prix et créer des emplois.

Quand nous pourrons faire le bilan, le Gouvernement rendra des comptes, les restaurateurs aussi. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. David Assouline.  - Donnez-nous des adresses de restaurants où les prix ont baissé !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Même la droite n'applaudit guère...

Qualité de l'air

Mme Colette Mélot .  - Le ministère de l'écologie a lancé un état des lieux pour diagnostiquer la pollution résiduelle qui pourrait subsister dans d'anciens sites industriels sur lesquels des établissements scolaires ont été construits.

Élus et parents pourraient s'inquiéter. Pouvez-vous les rassurer ? (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie .  - Cette opération s'inscrit dans l'ensemble de celles qui touchent à la qualité de l'air. Il s'agit de surveiller les 2 000 établissements concernés sur un total de 200 000.Le diagnostic pourra prendre entre trois et cinq ans ; si besoin est, des travaux seront réalisés ; si besoin est, avec la participation de l'État. L'expérience étrangère montre que ces cas sont rarissimes. Il s'agit là d'une opération préventive.

Tarifs autoroutiers

M. Ladislas Poniatowski .  - J'espère que les vacanciers n'auront pas de mauvaises surprises en arrivant aux péages. En 2008, la Cour des comptes avait dénoncé des hausses excessives, des écarts entre tronçons et l'opacité des sociétés autoroutières.

M. Guy Fischer.  - Il ne fallait pas les brader ! (Approbations à gauche)

M. Ladislas Poniatowski.  - Les sociétés autoroutières ont obtenu une augmentation de 0,5 % en 2010. Mais comme il s'agit d'une autorisation moyenne pondérée, elles augmentent faiblement les secteurs peu fréquentés et fortement les secteurs les plus fréquentés. Cela donne de beaux résultats : elles ont dégagé 2,3 milliards de bénéfice l'an dernier ! Je suis ravi que ces sociétés gagnent de l'argent, mais ne pourraient-elles diminuer les tarifs là où les investissements sont amortis depuis longtemps ? Enfin, la Cour des comptes a dénoncé des écarts tarifaires allant de 1 à 4 selon les tronçons ; ils ont encore augmenté !

Que comptez-vous faire pour remédier à ces problèmes ? (Applaudissements sur tous les bancs)

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie .  - C'est une question d'actualité, à la veille des départs en vacances ! Le péage sert à payer l'investissement, l'entretien, les constructions nouvelles et les mises aux normes. C'est à l'usager de participer à ces financements, pas au contribuable.

L'évolution des tarifs est fixée par le contrat de concession ; les sociétés proposent des augmentations qui sont soumises à l'accord du Gouvernement. M. Bussereau a créé un comité d'usagers autoroutiers, dans lequel siège notamment le sénateur Pierre. Ce comité épluchera les demandes d'augmentation. (Applaudissements à droite)

M. Guy Fischer.  - Ce dispositif n'est pas satisfaisant !

La séance, suspendue à 15 h 55, reprend à 16 h 15.