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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Questions orales

Droits de plantation

Perméthrine et apiculture

Irrigation de la vigne

Rentrée scolaire en Savoie

Justice fiscale

Travail dominical

Établissements pour personnes handicapées ou personnes âgées

Ordre des infirmiers

Rétinopathie diabétique

Don du sang

Orthophonistes

Sdis

Sécheresse de 2003

Travailleurs frontaliers avec le Luxembourg

Finances départementales

Taxes spécifiques dues par les étrangers

Observatoire de Haute-Provence

Groupes d'opposition et groupes minoritaires

Rappel au Règlement

Démocratie sociale (Conclusions de la CMP)

Discussion générale

Réforme des retraites (Dépôt d'une motion référendaire)

Démocratie sociale (Conclusions de la CMP - Suite)

Discussion générale (Suite)

Discussion des articles

Article 7

Article 8

Vote sur l'ensemble

Rappel au Règlement

Réforme des retraites (Procédure accélérée)

Discussion générale

Exception d'irrecevabilité

Question préalable

Renvoi en commission




SÉANCE

du mardi 5 octobre 2010

2e séance de la session ordinaire 2010-2011

présidence de M. Roger Romani,vice-président

Secrétaires : M. François Fortassin, M. Daniel Raoul.

La séance est ouverte à 9 h 40.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions orales.

Droits de plantation

M. Daniel Laurent.  - Le règlement européen de 2008 prévoit la suppression des droits de plantation à partir de 2015, avec prorogation possible jusqu'en 2018.

Le système actuel, selon les organisations professionnelles, est le meilleur moyen d'éviter la surproduction et ne coûte rien à la collectivité. La régulation de la production doit être globale et viser toutes les productions. Les viticulteurs charentais sont opposés à la disparition de cette réglementation.

Aujourd'hui, les décisions agricoles sont soumises à la codécision ; le Parlement européen a pris une position forte en faveur des vins d'appellation. Reste à convaincre une majorité d'État producteurs, ce qui exige une implication déterminée de la France. Comment le Gouvernement compte-t-il réunir une majorité qualifiée ou au moins une minorité de blocage sur ce sujet crucial pour l'avenir de la viticulture française, et singulièrement charentaise ?

Enfin, je m'inquiète de l'iniquité de la fiscalité qui pèse sur le pineau des Charentes. Des réunions de travail n'ont pas permis à ce jour d'avancer.

M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.  - La fiscalité du pineau est un sujet délicat sur lequel nous travaillons avec M. Baroin.

Je livre bataille depuis quatorze mois pour la régulation européenne des marchés agricoles, indispensables pour garantir le revenu des agriculteurs. Cette bataille est en passe d'être gagnée. Nous avons une position commune avec l'Allemagne et le Parlement européen s'est prononcé à une forte majorité dans le même sens ; le commissaire européen s'apprête à faire des propositions intégrant des moyens de régulation.

Le gouvernement français est totalement opposé à la libéralisation des droits de plantation. Cela permettrait qu'on fasse du « champagne » n'importe où !

J'ai demandé à Mme Vautrin un rapport sur les conséquences d'une telle libéralisation afin que nous disposions d'arguments techniques pour faire évoluer la Commission. Nous ferons front commun avec l'Allemagne. Cette libéralisation est une mauvaise idée.

M. Daniel Laurent.  - Merci de votre détermination. J'espère qu'elle aboutira.

Perméthrine et apiculture

M. Alain Fauconnier.  - Point de biodiversité sans abeilles ! Celles-ci ont été décimées durant l'hiver dernier, dans des conditions pires que ne traduisent les estimations. Dans l'Aveyron, 3 500 à 5 000 ruches ont été détruites. Face à cette mortalité extraordinaire, certains agriculteurs se sont adressés au CNRS dont les experts ont découvert la présence de perméthrine, un désinfectant utilisé dans la lutte contre la fièvre catarrhale ovine. Les abeilles ont besoin de matières azotées, qu'elles vont chercher dans les fumiers, à proximité des étables où la perméthrine est utilisée massivement.

Ajoutons à cela les dégâts causés par le frelon asiatique. Que compte faire le Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.  - Le Gouvernement est déterminé à défendre l'apiculture et à lutter contre la mortalité des abeilles. Des travaux de recherche ont été conduits, que le ministère soutient. La perméthrine, utilisée pour lutter contre la fièvre catarrhale ovine, a été soumise à enquête épidémiologique. Aucune corrélation n'a été établie avec la mortalité des abeilles. Les enquêtes se poursuivent, des dispositifs de vigilance sont en place. Nous veillerons à ce que la lutte contre la fièvre catarrhale n'ait pas d'incidence sur la mortalité des abeilles. Sur le frelon asiatique, une étude devrait nous permettre de faire le point sur ce phénomène nouveau et son impact d'ici la fin 2010.

M. Alain Fauconnier.  - Merci. Les apiculteurs sont inquiets. Aujourd'hui, le biotope des abeilles est plus confortable en ville qu'en campagne !

Irrigation de la vigne

M. Roland Courteau.  - La filière viticole du Languedoc-Roussillon, frappée par une crise sans précédent par sa durée et son intensité, souhaite retrouver de la compétitivité tout en préservant la qualité de ses productions. L'irrigation de la vigne en serait l'un des moyens. Pour la profession, il s'agit de répondre de façon ciblée à la demande des marchés, de garantir la qualité et de sécuriser la viticulture dans un contexte de réchauffement climatique.

Revenus en chute libre, arrachages massifs : des pans entiers de l'économie du Languedoc-Roussillon sont menacés. Pour développer l'irrigation, la filière a besoin de financements européens, ce qui suppose une modification du programme de développement rural hexagonal : comptez-vous transmettre à l'Union européenne une demande soutenue par de nombreux parlementaires comme par les présidents des conseils généraux et du conseil régional ? Vous devez recevoir des représentants de la profession aujourd'hui. Quelle suite réserverez-vous à cette demande ?

M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.  - Le projet hydraulique agricole européen est un plan de soutien européen visant à réduire la pression sur les ressources hydrauliques ; pour en bénéficier, les projets présentés doivent être économes en eau -création de retenues, modernisation des réseaux...

J'ai conscience des difficultés de la filière viticole en Languedoc-Roussillon. Je veux construire avec elle des projets qui lui permettent de bénéficier du programme européen. Une première modification du PDRH a été transmise en août 2010. Le ministère est là pour aider la région à faire des propositions qui relèvent du PDRH et répondent bien à l'objectif de réduction de la pression hydraulique. J'espère une issue favorable.

Il faut également poursuivre les efforts pour gagner en compétitivité ; beaucoup a déjà été fait : allégement du coût du travail, réorganisation de la filière... Je suis là pour accompagner la filière dans sa modernisation, conquérir des parts de marché, notamment en Asie.

M. Roland Courteau.  - Le projet Aqua Domitia serait de nature à aider la filière.

Rentrée scolaire en Savoie

M. Thierry Repentin.  - La rentrée scolaire en Savoie illustre les mauvaises orientations prises au niveau national, avec la réduction du nombre d'emplois vie scolaire et d'auxiliaires de vie scolaire (AVS) -suppressions de postes apprises parfois à la veille de la rentrée ! Outre 32 médiateurs de vie scolaire, sont supprimés des postes d'enseignant dans les Rased, au détriment des élèves les plus en difficulté. Malgré les prescriptions de la maison départementale des personnes handicapées, nombre d'enfants ne sont pas accompagnés et la professionnalisation des AVS n'est toujours pas effective.

A cela s'ajoutent un taux important de remplacements non assurés et la suppression au niveau national de 16 000 postes d'enseignants. Cette rentrée a vu l'arrivée de stagiaires sans formation préalable et une précarisation accrue du métier d'enseignant, les principaux de collège devant parfois se transformer en chasseurs de tête auprès de Pôle emploi. Des précaires sans formation adaptée ne font pas de bons remplaçants !

Je vous demande de réexaminer la situation de la Savoie.

M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.  - M. Chatel m'a prié de le suppléer. Dans un contexte budgétaire contraint, le Gouvernement a choisi de concentrer les moyens sur les élèves les plus en difficulté. Si le nombre de médiateurs est en recul, aucun élève handicapé ne se trouve aujourd'hui sans auxiliaire de vie scolaire individuel.

Des difficultés ont pu être constatées en début de rentrée, parce que la reconstitution du vivier a été difficile faute de candidatures reçues par Pôle emploi ; mais les recrutements ont repris à un rythme normal.

En un an, le nombre d'AVS est passé, en Savoie, de 16 à 19 ; le nombre de contrats aidés a augmenté ; deux classes adaptées ont été créées. Vous voyez que l'accompagnement des élèves handicapés reste une priorité du Gouvernement.

Les Rased comportent autant de postes que l'année précédente. S'agissant de la situation des non titulaires, M. Chatel étudie de nouvelles pistes avec les organisations syndicales. Personne ne restera sans réponse.

M. Thierry Repentin.  - Je regrette l'absence de réponse sur l'explosion du nombre de nouveaux « professeurs », sortis sans formation de Pôle emploi et appelés du jour au lendemain à exercer. Quant aux contrats aidés... Plus de cent personnes se sont retrouvées grugées alors qu'un poste leur avait été promis ! (M. Roland Courteau approuve) Cette précarisation, notamment au collège, est inadmissible.

Justice fiscale

M. Marcel Rainaud.  - L'objectif de ramener le déficit de 8 à 6 % est louable mais la réduction des dépenses doit s'accompagner d'une réflexion sur les recettes. La suppression d'un fonctionnaire sur deux est un recul historique de l'État, qui abandonne progressivement certaines de ses fonctions régaliennes. Le Gouvernement table sur la non-reconduction du plan de relance et un rattrapage de recettes en sortie de crise, à quoi s'ajoute le coup de rabot de 10 milliards sur les niches fiscales, disposition injuste dès lors que le bouclier fiscal n'est pas remis en cause ! (M. Roland Courteau approuve)

Selon l'OFCE, l'impact sur les ménages serait de 4,1 milliards d'euros, auxquels il faudrait ajouter les 3,4 milliards répercutés sur eux par les entreprises des efforts qui leur sont demandés, ce qui leur ferait supporter 75 % de la charge, tandis que le Gouvernement s'entête à maintenir un bouclier fiscal qui privilégie les plus aisés. Ce, alors que le plan de réforme des retraites est lui aussi injuste et déséquilibré.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés.  - Le retour à 6 % de déficit en 2011 suppose un effort sans précédent que le Gouvernement fait porter sur les dépenses, sans augmenter les impôts. Le recours à de nouveaux prélèvements aurait un effet négatif sur la croissance. La réduction des niches fiscales et sociales représente environ 10 milliards ; le Gouvernement s'est attaché à ce que l'effort soit équitablement réparti ; les bénéficiaires du bouclier fiscal y participeront, comme participeront au financement de la réforme des retraites les plus hauts revenus et les revenus du capital.

Le bouclier fiscal répond d'abord à un principe d'équité fiscale, reconnu par le Conseil constitutionnel. L'impôt ne doit pas être confiscatoire. En outre, 52 % des bénéficiaires du bouclier ont un revenu inférieur à 1 000 euros par mois.

L'équité fiscale ne se mesure pas à l'aune d'un seul dispositif ; n'oublions pas que 15,6 des 36 millions de foyers fiscaux français ne paient pas l'impôt sur le revenu et que 43 % du produit de celui-ci est acquitté par 500 000 contribuables.

M. Marcel Rainaud.  - Nous sommes loin des promesses de 2007 : hausse du pouvoir d'achat et baisse des impôts !

Travail dominical

M. Hervé Maurey.  - Lors du débat sur le projet de loi relatif au travail dominical, j'avais attiré l'attention sur la nécessaire harmonisation des situations. Mon amendement avait été retiré, pour obtenir un vote conforme, en contrepartie d'engagements du Gouvernement à transmettre aux parlementaires des informations précises sur l'application de la loi, les contreparties offertes aux salariés et les mesures envisagées d'harmonisation. Le document fourni ne dit rien de tout cela.

Une fois de plus, le Gouvernement n'a pas tenu un engagement obtenu contre le retrait d'un amendement. (M. Roland Courteau fait écho)

Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés.  - Un bilan de la mise en oeuvre de la loi sera effectué par le comité de suivi parlementaire, présidé par M. Méhaignerie. M. Woerth lui a adressé un document de suivi, le directeur du travail a été auditionné. En ce qui concerne les périmètres de consommation exceptionnelle, un tiers des demandes de dérogation déposées dans les préfectures sont le fruit d'accords collectifs -c'est le cas à Plan de Campagne-, les autres relevant d'une décision de l'employeur confirmé par référendum interne.

Dans les communes d'intérêt touristique et thermales, nombre de salariés travaillant le dimanche bénéficiaient déjà de contreparties conventionnelles. De grands groupes, comme Décathlon, offrent les mêmes contreparties à tous les salariés, quel que soit le lieu de travail.

La plupart des accords prévoient une majoration de 100 % des heures travaillées le dimanche. En outre, les garanties conventionnelles ou légales s'appliquent aux dérogations temporaires accordées par le préfet.

M. Hervé Maurey.  - Vous confirmez l'excessive disparité des situations. Je réitère donc ma demande d'une analyse d'ensemble. L'harmonisation des situations demeure une exigence. Vous dites que des éléments ont été transmis au comité de suivi ; j'espère que tous les parlementaires en seront destinataires.

Établissements pour personnes handicapées ou personnes âgées

M. Jean-Pierre Michel.  - Les suppressions de crédits médico-sociaux gérés par la CNSA en 2010 se traduisent par un certain désordre. La signature de l'État n'est plus honorée dans toutes les régions. Il est regrettable que le lancement des ARS soit obéré par de tels dysfonctionnements.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés.  - Je tiens à vous rassurer. Il va de soi que les engagements de l'État seront honorés. Les retards pris sont dus au fait que 2010 est une année de transition. Dorénavant, la construction des budgets répondra à une méthodologie nouvelle, grâce à laquelle des anticipations seront possibles. Les crédits de l'année en cours seront désormais inscrits dans l'Ondam médico-social selon cette méthodologie et ventilés par les ARS. Il fallait remédier à une sous-consommation des crédits, qui a donné lieu à une enquête conjointe de l'IGF et de l'Igas.

Une enveloppe de l'ordre de 30 millions a été notifiée en septembre dans les régions afin de répondre à la situation que vous dénoncez.

M. Jean-Pierre Michel.  - Merci de cette réponse, qui était fort attendue. J'ai cru comprendre que l'État allait honorer ses engagements ; j'espère que les difficultés qu'ont connues les différentes régions seront ainsi résolues.

Ordre des infirmiers

M. Alain Milon.  - Créé par la loi di 21 décembre 2006, l'ordre des infirmiers s'est progressivement mis en place. Cette institution nécessaire subit à la fois l'obstruction des pouvoirs publics et les invectives des syndicats. Une récente proposition de loi, qui semble acceptée par le Gouvernement, réserverait l'ordre aux seuls infirmiers libéraux. Comment comptez-vous faire respecter la loi créant cet ordre ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.  - J'ai hérité de cet ordre, dont le niveau de cotisation posait problème. Il ne pèse pas sur les deniers publics ? Encore heureux ! Sinon, ce ne serait plus un ordre !

Je répète, comme il avait été dit lors des débats parlementaires, que la cotisation de 75 euros est excessive et ne devrait pas excéder les 20 euros. Je n'ai cessé de conseiller à l'ordre d'agir dans ce sens, ce qu'il ne veut pas entendre.

Il n'y a pas la moindre obstruction de ma part, bien au contraire ! J'ai reçu à plusieurs reprises la présidente de l'ordre. Aucun geste n'a été fait par l'ordre pour se faire accepter par les infirmiers. Que serait un ordre qui ne se ferait pas accepter par ceux qu'il est censé représenter ? Je ne doute pas que l'ordre entendra enfin mon appel.

M. Alain Milon.  - Je crains que l'existence même de l'ordre ne finisse par être mise en cause et, par contamination, celle des autres ordres.

Rétinopathie diabétique

Mme Muguette Dini.  - La rétinopathie diabétique est la première cause de cécité chez les moins de 60 ans. Sa prévalence augmente avec la durée du diabète. Or, moins de la moitié des diabétiques consultent régulièrement un ophtalmologiste. Sans doute les médecins généralistes sont-ils insuffisamment sensibilisés, les ophtalmologistes trop peu nombreux et l'examen désagréable.

Il faudrait inscrire la rétinographie sans mydriase différée à la classification commune des actes médicaux (CCAM) puisque la haute autorité de santé en a approuvé le principe. Qu'attend-on ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.  - Le diabète progresse sans qu'un malade sur cinq ait été dépisté. Il a été montré qu'un diagnostic précoce permettait de prévenir diverses complications du diabète, dont la rétinopathie.

La loi de santé publique de 2007 avait posé un objectif chiffré : 80 % des diabétiques devaient subir un examen ophtalmologique annuel. On en est loin.

La direction générale de la santé a saisi le HAS sur le développement de la rétinographie différée. Les travaux sont en cours. J'en espère l'aboutissement à très court terme.

Mme Muguette Dini.  - J'ai été alertée par l'association Valentin Haüy. La prévention serait bien moins coûteuse que la prise en charge de la cécité.

Don du sang

M. Guy Fischer.  - Je suis particulièrement impatient de connaître votre sentiment sur une question que je vous ai déjà posée à diverses reprises, et qui émeut les donneurs de sang dont je suis.

En juin 2008, les industriels producteurs de médicaments dérivés du sang prélevé à l'étranger sous rémunération ont plaidé contre la gratuité du don -une spécificité qui honore notre pays. Or, le 14 novembre 2008, une société suisse, fabricant des produits issus de sang rémunéré, annonçait avoir remporté un marché avec le service de santé des armées, en contradiction avec notre code de la santé publique.

Nous aurions contredit notre éthique par négligence ? Je ne puis croire que ce soit par choix !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.  - Vous êtes donneur de sang, moi aussi. Nous avons en tout cas ce point commun. Le Laboratoire du fractionnement et des biotechnologies ne peut mettre sur le marché des médicaments obtenus à partir de sang rémunéré, sauf exceptions très encadrées dont chacun comprendra la nécessité.

Dans le cas que vous évoquez, le médicament était issu de sang non rémunéré ; cela a été vérifié par l'Afssa.

Des situations exceptionnelles peuvent justifier l'appel à d'autres fournisseurs, dans le respect du mieux disant ; cela ne remet pas en cause notre principe.

M. Guy Fischer.  - Votre réponse ne me surprend ni ne me rassure. De telles affaires surviennent trop fréquemment.

Un groupe autrichien collecte contre rémunération en Autriche et en Tchéquie. Cela aurait été réalisé avec votre accord. Un tel précédent ouvre un boulevard aux multinationales aux dents longues.

Orthophonistes

Mme Nicole Bonnefoy.  - Les 18 000 orthophonistes assurent la prévention, l'évaluation, le traitement, l'étude scientifique des troubles de communication à tous les âges de la vie, en particulier face au cancer, à l'autisme et à la maladie d'Alzheimer.

Cette profession a toujours respecté ses engagements conventionnels. Or les charges professionnelles augmentent tandis que la formation universitaire en quatre ans n'est pas sanctionnée par un mastère et que le salaire est à peine supérieur au Smic. Cette cure d'austérité est insupportable.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.  - Il appartient aux syndicats d'orthophonistes de négocier avec l'Uncam -dont je ne doute pas qu'elle reconnaîtra le rôle des orthophonistes.

D'importantes mesures ont déjà été prises ; je pense à la nomenclature publiée au Journal officiel de décembre 2006 ; à l'avenant du 15 novembre 2007, qui revalorise la lettre de référence. Les honoraires moyens d'un libéral s'élevaient en moyenne, en 2008, à 49 575 euros. Chaque praticien peut toucher 700 euros par an pour la formation continue. Les contrats de bonne pratique ont été prorogés jusque fin 2010.

Les orthophonistes qui réalisent un taux de télétransmissions de 75 % bénéficient d'une indemnité de 300 euros par an.

Le caractère universitaire des diplômes ne dépend pas de mon ministère... Les orthophonistes bénéficient d'un passage en catégorie A dès lors que le processus de leur formation aura été rénové -ce qui ne se réduit pas à une question de nombre d'années d'études : un diplôme universitaire appelle une refonte complète de la formation. Il ne saurait être question de délivrer des diplômes au rabais.

Sdis

Mme Esther Sittler.  - Les contributions aux Sdis sont généralement calculées par habitant ; or les bases retenues sont des chiffres déjà anciens, issus du recensement de 1999. En outre, l'indice des prix à la consommation a diminué de 0,65 % entre juillet 2008 et 2009.

Cela fait que les recettes des Sdis augmentent sensiblement moins que les charges qu'ils supportent pour accomplir leurs tâches.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer.  - Les lois de 2002 et 2004 font du département le contributeur principal aux ressources des Sdis. Il n'a pas paru opportun d'émettre un signal inflationniste. Rien n'interdit aux élus d'utiliser comme référence la précision d'inflation annexée au projet de loi de finances. Il convient de privilégier la maîtrise des dépenses publiques, s'agissant des Sdis aussi.

Mme Esther Sittler.  - Le Bas-Rhin n'est pas connu pour être un département dispendieux ! La fin du bénévolat a renchéri le coût de la sécurité civile -d'autant que nous avions un grand nombre de pompiers volontaires. Le président de notre conseil général est bien conscient des nécessités de l'heure et c'est l'un des rares à ne pas se révolter contre l'État ! Il saura agir dans l'intérêt de la sécurité civile et du département.

Sécheresse de 2003

Mme Claire-Lise Campion.  - Le Gouvernement n'a toujours pas donné suite à notre débat du 1er avril sur l'indemnisation des sinistrés de la sécheresse de 2003. Ceux-ci attendent toujours que l'on se soucie d'eux, et les préfectures n'ont toujours pas reçu d'instructions en leur faveur pour la répartition des reliquats, évalués à 1,7 million d'euros.

Le 28 août, les associations des victimes ont été reçues à Bercy, où il leur fut confirmé que rien n'avait été engagé. Où en est-on ? Donnez-nous des réponses précises, des dates, des engagements !

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer.  - Conscient de l'ampleur de la sécheresse de 2003, le Gouvernement a, dans la loi de finances pour 2006, prévu des crédits pour les sinistrés qui n'auraient pas eu droit aux indemnisations classiques.

La majorité des préfets ne sont toujours pas en mesure d'évaluer les crédits nécessaires, faute d'avoir reçu les justificatifs des paiements effectués par les sinistrés, qui sont encore en situation de légitime désarroi. Le ministère s'interroge sur la possibilité de fixer une date limite.

Mme Claire-Lise Campion.  - Je vous remercie de cette réponse très inquiétante mais ne puis accepter ce propos sur la non-production de justificatifs. De nombreux dossiers complets ont déjà été fournis.

Travailleurs frontaliers avec le Luxembourg

M. Jean-Marc Todeschini.  - Je regrette l'absence de M. Lellouche, s'agissant du Luxembourg...

La loi grand-ducale du 18 juin dernier modifie dans un sens restrictif le versement des allocations familiales, au détriment des 70 000 Lorrains travaillant au Luxembourg. Cette loi d'un État souverain crée une inégalité entre salariés en fonction de leur nationalité. Reviendrez-vous sur les modalités de calcul de l'allocation différentielle ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer.  - Veuillez excuser M. Lellouche. Celui-ci a engagé, dès son arrivée au ministère, une réflexion sur la situation des régions transfrontalières. Un rapport, remis au Premier ministre en juin, dresse des constats édifiants. La réforme de la politique d'allocations familiales du gouvernement luxembourgeois pose des questions en matière de libre circulation des travailleurs. Une allocation différentielle (ADI) peut être versée par les caisses pour compenser la différence entre les prestations versées en France et à l'étranger. La réforme récente de calcul de l'ADI rétablit l'égalité de traitement.

Le Gouvernement a conclu, le 26 janvier, une convention créant une commission sur la coopération transfrontalière, à laquelle il veut associer les élus. Il a proposé aux présidents de la région lorraine, des conseils généraux et aux députés des trois circonscriptions concernées d'y siéger pour négocier ce dossier.

M. Jean-Marc Todeschini.  - Je regrette que M. Lellouche ne m'ait pas répondu personnellement. Le Luxembourg est souverain mais en l'occurrence, il crée une discrimination entre travailleurs sur son sol, qui tous contribuent à sa richesse. Le gouvernement français doit agir rapidement pour défendre ses ressortissants.

Finances départementales

M. Jean-Jacques Lozach.  - Lors de la deuxième conférence sur les finances publiques, le Président de la République a annoncé une stabilité en valeur des concours de l'État aux départements. Le rapport Jamet met en évidence la situation financière difficile de ceux-ci. Certains, dont la Creuse, sont particulièrement touchés par l'augmentation des dépenses sociales et les transferts de charges non compensés, sachant que le levier fiscal a disparu.

Le Gouvernement n'a pas tenu ses engagements : la clause de revoyure sur les mécanismes de péréquation n'a pas été respectée. Il y aura un effet de ciseaux.

Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.  - Le Gouvernement a traduit dans le projet de loi de finances les décisions prises lors de la Conférence sur les finances publiques. La nécessaire stabilité en valeur doit s'accompagner de péréquation. Aucun département ne verra sa DGF baisser.

La clause de revoyure sur la taxe professionnelle a été reportée au présent projet de loi de finances afin de disposer des dernières simulations et de tirer parti des rapports parlementaires.

Les départements dont le potentiel financier est inférieur à la moyenne nationale bénéficient de la hausse des DMTO, évaluée à 39 % en 2010.

Le Premier ministre a annoncé à l'ADF un moratoire sur les normes pour mettre un frein à leur effet inflationniste. Après la réforme des retraites, la réforme de la dépendance permettra de relever ce défi démographique.

M. Jean-Jacques Lozach.  - La situation difficile des départements ruraux exige des mesures structurelles. Je doute que le frémissement des droits de mutation suffise...

Taxes spécifiques dues par les étrangers

Mme Claudine Lepage.  - En application du décret du 24 juin 2010, le montant de délivrance d'un titre de séjour augmente de 13 %, et celui de son renouvellement de 57 %.

Ces taxes s'ajoutent à toutes les autres taxes, que les étrangers paient comme les nationaux, créant une inégalité de traitement au détriment des plus pauvres et précaires. C'est pratiquer des saignées pour financer les transfusions ! A-t-on mesuré les conséquences pour les Français établis hors de France, à la merci de mesures de rétorsion des gouvernements étrangers ?

Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.  - Veuillez excuser M. Besson. L'OFII a succédé à l'Anaem et remplacé le système complexe de redevances par un système plus simple de taxes. Ces nouveaux tarifs ne sont ni les plus bas ni les plus élevés d'Europe. Cette augmentation que vous évoquez ne concerne qu'une partie des étrangers : ni les étudiants, que nous tenons à accueillir en grand nombre, ni les réfugiés ne sont concernés. L'OFII met en oeuvre les contrats d'intégration et offre une formation civique et linguistique aux arrivants.

Les migrants familiaux bénéficient aussi -gratuitement- de mesures pour faciliter leur intégration.

Le régime des taxes devait être adapté. La priorité du Gouvernement est d'assurer l'intégration des immigrants légaux.

Mme Claudine Lepage.  - Un Français résidant à Taïwan s'est dit choqué par le traitement réservé à son épouse taïwanaise, qui a dû payer une taxe de 340 euros puis, quelques mois après, une taxe de renouvellement de 110 euros ! Les époux étrangers ne doivent pas être considérés comme une ressource financière par l'État !

Observatoire de Haute-Provence

M. Claude Domeizel.  - L'Observatoire de Haute-Provence (OHP) serait rattaché à une structure de service qui centraliserait les pôles de recherche. L'OHP risque-t-il de devenir un simple site d'observation et de perdre son caractère de lieu de recherche pluridisciplinaire ? Le personnel et les élus locaux sont inquiets.

Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.  - Créé en 1936, l'OHP a élargi ses activités. Il sera regroupé, au 1er janvier 2012, avec l'université d'Aix-Marseille pour créer l'institut Pythéas. L'OHP restera le site pluridisciplinaire de référence. Son intégration dans la nouvelle structure va renforcer son rôle.

Les cinq chercheurs seront rattachés administrativement à l'université de Marseille mais resteront localisés à Saint-Michel l'Observatoire. Loin de réduire l'activité de l'OHP, nous voulons l'intégrer dans un ensemble à visibilité internationale.

M. Claude Domeizel.  - Merci de cette réponse rassurante. Vous comprendrez que, dans un contexte de RGPP, toute annonce de fermeture ou de rattachement d'un service à Marseille soit source d'inquiétude !

La séance est suspendue à 12 heures.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 14 h 30.

Groupes d'opposition et groupes minoritaires

M. le président.  - En application de l'article 5 bis de notre Règlement, j'ai reçu les déclarations des présidents de groupe qui souhaitent être reconnus comme groupes au sens de l'article 51-1 de la Constitution.

Mme Borvo Cohen-Seat, président du groupe CRC-SPG, et M. Bel, président du groupe socialiste, m'ont fait connaître que leurs groupes se déclarent comme groupes d'opposition.

M. About, président du groupe de l'Union centriste, et M. Collin, président du groupe du RDSE, m'ont, quant à eux, informé que leurs groupes se déclarent comme groupes minoritaires.

Chacun de ces groupes pourra donc, au cours de la session, bénéficier des droits attribués aux groupes d'opposition et minoritaires par la Constitution et notre Règlement, notamment dans le cadre des journées mensuelles réservées.

Rappel au Règlement

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - (L'oratrice, comme la plupart des membres du groupe CRC, est ceinte d'une écharpe tricolore) Un débat essentiel pour notre pays s'ouvre aujourd'hui, le débat sur les retraites. Ce débat, vous n'avez cessé de le refuser, avec les syndicats d'abord, ensuite en coupant court aux débats à l'Assemblée nationale. Il paraît que M. de Raincourt voudrait limiter notre discussion à 85 heures, les députés ayant eu droit à 75 heures, jusqu'au coup de force du président Accoyer.

Nous voulons aller au fond du débat !

M. About parle de potion amère que les enfants sont, après coup, contents d'avoir bue.

M. Guy Fischer.  - C'est odieux.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Quel mépris pour le peuple ! Nous comptons sur vous, monsieur le président, pour que soit respecté le Règlement du Sénat, rien que mais tout le Règlement. (Applaudissements à gauche)

Démocratie sociale (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions de la CMP sur le projet de loi complétant les dispositions relatives à la démocratie sociale issues de la loi du 20 août 2008.

Discussion générale

M. Alain Gournac, rapporteur pour le Sénat de la CMP.  - La CMP du 30 septembre est parvenue à un texte commun sur le projet de loi de démocratie sociale, qui devrait régler un problème resté en suspens lors de la réforme d'août 2008, celui de la mesure de l'audience syndicale dans les entreprises de moins de 11 salariés, où ne sont pas élus de représentants du personnel.

Le Sénat avait approuvé le principe de la création de commissions après en avoir précisé le champ d'intervention. L'Assemblée nationale les a supprimées. La question a donné lieu à des débats passionnés en CMP, disproportionnés à l'enjeu.

J'ai consulté les syndicats et discuté avec mon homologue de l'Assemblée nationale, ainsi qu'avec M. Woerth.

Un compromis a été trouvé. Ne pouvant courir le risque que les salariés ne voient pas l'intérêt de voter, nous avons élaboré une solution en partant des commissions paritaires interprofessionnelles existantes. Là où elles ont été mises en place, ces commissions jouent un rôle dont l'utilité est reconnue tant par les représentants des salariés que par ceux des employeurs.

Nous avons souhaité donner une plus grande liberté d'appréciation aux partenaires sociaux. Je suis convaincu que le compromis ainsi élaboré préserve l'essentiel et que l'adoption de ce projet de loi marquera le renouveau du dialogue social (Exclamations à gauche ; applaudissements sur les bancs UMP)

Réforme des retraites (Dépôt d'une motion référendaire)

M. le président.  - J'informe le Sénat qu'en application de l'article 11 de la Constitution et de l'article 67 du Règlement, M. Bel et Mme Borvo Cohen-Seat présentent une motion tendant à proposer au Président de la République de soumettre au référendum le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites.

En application de l'alinéa premier de l'article 67 du Règlement, cette motion doit être signée par au moins 30 sénateurs dont la présence est constatée par appel nominal.

Il est procédé à l'appel nominal des signataires.

M. le président.  - Cette motion sera envoyée à la commission des affaires sociales.

La discussion de cette motion aura lieu demain, mercredi 6 octobre, à 14 heures 30. Elle débutera par l'intervention de l'un des auteurs de la motion, vingt minutes maximum.

La commission pourra ensuite exprimer son avis sur le texte de la motion, de même que le Gouvernement.

Le temps des groupes sera de deux heures, conformément au droit commun défini à l'article 29 ter, alinéa 3 du Règlement ; les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance demain, avant 11 heures.

Le Gouvernement pourra répondre aux orateurs.

Le Sénat se prononcera par un seul vote sur le texte de la motion et par un scrutin public ordinaire.

M. René-Pierre Signé.  - Je voudrais me rajouter à la liste des signataires.

M. le président.  - La liste est close, mais l'intention vaut l'action ! (Sourires)

Démocratie sociale (Conclusions de la CMP - Suite)

Discussion générale (Suite)

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.  - (Applaudissements sur les bancs UMP et sur certains bancs UC) Ce projet de loi marque une nouvelle avancée parce qu'il permet de prendre en compte tous les salariés. Je salue le compromis trouvé en CMP. Une adoption définitive du texte permettra de donner toute sa portée à la loi de 2008. Les accords obtenus dans ses conditions par les partenaires sociaux devraient rencontrer l'adhésion des salariés.

Les arrêtés de 2013 qui donneront la liste des organisations représentatives pourront ainsi prendre en compte tous les salariés. L'État organisera, tous les quatre ans à partir de l'automne 2012, un scrutin permettant de mesurer l'audience syndicale. Ce sera une consultation sur sigles.

Le projet de loi reporte de deux ans au plus les élections prud'homales afin d'éviter une collision de deux scrutins et pour nous laisser le temps de réformer ces élections.

Le texte de la CMP respecte au mieux les intérêts de chacun, sans créer d'instances paritaires nouvelles. Tous les acteurs du dialogue social y gagneront ; c'était notre souhait à tous. (Applaudissements à droite)

Mme Raymonde Le Texier.  - Il s'agissait de mettre en oeuvre l'exigence constitutionnelle de représentativité syndicale pour tous les salariés. Formellement, cette exigence est satisfaite ; sur le fond, c'est autre chose.

Nous considérons que le vote ne devrait pas être seulement sur sigle : un scrutin doit être nominatif pour n'être pas désincarné ! Et les salariés des TPE resteront privés de délégués du personnel.

Il était question de créer des commissions paritaires territoriales, qui auraient constitué un outil pour les TPE. La majorité UMP de l'Assemblée nationale les a supprimées, contre l'avis tant du rapporteur que du Gouvernement, des syndicats et même de nombreux patrons de TPE.

M. Jean-Louis Carrère.  - C'est ça, le courage !

Mme Raymonde Le Texier.  - Au nom de quoi ? De la chasse aux organismes fantômes. Mais curieusement, les organismes superflus sont toujours dans le droit du travail...

Les intéressés n'en voudraient pas ? C'est faux. Il y a une lettre cosignée par les syndicats de salariés, mais aussi par l'UPA, l'UNAPL et la FNSEA ; seuls le Medef et la CGPME s'y opposaient...

On nous a ressorti la peur des « rouges » ; on a prétendu que dans les petites entreprises, tous les conflits se réglaient à l'amiable grâce à la bienveillance du patron. En fait, les petits patrons sont démunis face aux problèmes sociaux : ce n'est pas par hasard que 80 % des contentieux aux prud'hommes concernent des petits patrons maîtrisant mal la réglementation. N'en déplaise à M. Copé, il s'agissait de décharger les petites entreprises d'un poids.

Mais le Medef et la CGPME ne voulaient pas qu'un accord puisse être trouvé sans eux. Leur représentativité est en jeu. M. Copé a voulu faire une démonstration de force personnelle, aux dépens des salariés et des patrons de PME.

Rien, enfin, ne justifiait la mise en oeuvre de la procédure accélérée, même la volonté qu'on n'en parle plus. La petite pilule d'abord, la potion amère après.

Tout ça pour ça, beaucoup de bruit pour pas grand-chose ! Ce n'était pourtant pas la mer à boire, aux dires du rapporteur de l'Assemblée nationale lui-même. De ce texte de pas grand-chose, il ne reste rien.

La précédente version était trop timorée ; il n'en reste plus rien. Nous ne cautionnerons pas ce jeu de dupe. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Plancade.  - La loi de 2008 prévoyait l'ouverture de négociations entre les partenaires sociaux. Celles-ci n'ayant pas abouti, le Gouvernement a déposé un projet de loi. Le Medef et la CGPME se sont engagés contre celui-ci, quitte à multiplier les pressions et les tracts : heureusement pour la CGPME, le ridicule ne tue pas !

En première lecture, nous nous étions abstenus ; à l'Assemblée nationale, les députés, sous la conduite de M. Copé, ont supprimé l'essentiel du texte. Je comprends la déception de M. Gournac : la vie d'un parlementaire de la majorité n'est pas toujours facile, et j'en sais quelque chose. (Sourires)

Pourtant, ce texte n'était pas une révolution, juste une toute petite avancée sociale.

Mme Raymonde Le Texier.  - Et c'était encore trop !

M. Jean-Pierre Plancade.  - Un sénateur nous a dit que le dialogue social avait lieu « tous les jours » dans les TPE. Sans doute ce collègue confond-il dialogue et monologue... (Sourires et applaudissements à gauche) La preuve du blocage est manifeste : les tribunaux sont encombrés de contentieux avec les petits patrons.

Qui a peur du dialogue social ? Cette majorité redoute tout changement. Mais refuser de changer, c'est se condamner à mort. Le dialogue social ouvre des perspectives, fait des acteurs et des partenaires responsables. Il est illusoire de croire s'installer dans une stabilité perpétuelle alors que tout dans notre monde change : la seule chose qui soit permanente, c'est le changement !

Vous avez été courageux, vous avez résisté au Sénat et à l'Assemblée, monsieur le ministre. Mais ce texte a tant perdu de substance que les radicaux de gauche, comme la majorité du RDSE, ne pourront le voter. (Applaudissements à gauche)

Mme Annie David.  - Vive déception et profonde colère devant un tel gâchis, tel est le sentiment qu'inspire le texte de cette CMP. M. Gournac ne peut évidemment admettre que le texte a été vidé de sa substance ; il fait ce qu'il peut pour sauver la face, devant la souris de laquelle la montagne a accouché. Les 4 millions de salariés des TPE ont été trompés. (M. Guy Fischer renchérit)

Ils auront le droit de voter pour les représentants syndicaux de leur choix ? Non, même pas ; ils devront se contenter de sigles.

Nous protestons énergiquement contre les conditions dans lesquelles la CMP a travaillé : le 28 septembre, nous avons appris que la CMP aurait lieu le surlendemain et n'avons donc pu y présenter notre point de vue.

De même, pour la réforme des retraites, le rapport a été déposé vendredi 1er octobre et la date limite de dépôt des amendements fixée au lundi matin 4 octobre.

M. Guy Fischer.  - Ce n'est pas normal !

Mme Annie David.  - La démocratie politique n'est pas moins parodiée que la démocratie sociale dans votre projet de loi.

Vu les positions des deux rapporteurs, nous espérions pouvoir voter ce texte en deuxième lecture, conformément à l'avis des syndicats comme de l'UPA, de la FNSEA et de l'UNAPL. N'étaient hostiles que la CGPME, le Medef et certains membres influents de l'UMP. Cela a suffi pour faire capoter le texte ! Si le droit s'arrêtait au seuil des entreprises au prétexte que celles-ci sont petites, ce serait grave. Le droit doit entrer dans les propriétés privées, aussi bien dans les foyers que dans les entreprises. Sinon, les pires violences seraient admises. Partout où il y a inégalité entre les parties, c'est la liberté qui opprime et le droit qui libère ! (« Très bien ! » à gauche)

On a agité la peur ; les petits patrons, qui avaient cru que ce texte était équilibré, ont reculé. Le Gouvernement, qui prend directement ses ordres du patronat, a lui aussi dû reculer.

On a supprimé les commissions paritaires territoriales. Il n'y avait pourtant pas de quoi avoir peur, M. Woerth lui-même y avait insisté, tout en disant qu'il n'était pas question de créer une représentation syndicale dans les TPE.

Il est rageant de voir que l'opération de sabotage a réussi, malgré la force des arguments des rapporteurs. Le très grand nombre de contentieux dans les TPE montre pourtant que le dialogue n'y est pas aussi aisé qu'on nous le répète.

Ce texte illustre le fiasco de la démocratie, que nous devons au Gouvernement.

Si le texte sur les retraites est aussi « juste » que celui-ci, nous aurons à craindre la mort de la retraite par répartition !

Le compromis dont parlent certains n'est qu'un abandon. Le président Larcher prévoyait des surprises sur ce texte, le 14 septembre : les sénateurs, disait-il, étaient « déterminés » -autant que sur la réforme des collectivités locales... On a vu !

A l'article 8, la prorogation du mandat des conseillers prud'homaux est un cavalier qui prépare aussi un nouveau coup bas. Plus de 4 millions de salariés sont ainsi trompés : ils viendront grossir les rangs des victimes de votre politique de classe. Le coup de force du Medef et de la CGPME contre l'UPA montre que la question de la représentativité patronale est devenue prioritaire ; il faudra que nous débattions bientôt de ce sujet encore tabou. Un amendement de M. Gournac, rapporteur, soutenu par M. About, alors président de la commission des affaires sociales, avait été rejeté de peu...

Les salariés ici trompés ne veulent pas non plus de votre réforme des retraites. Les cortèges grossissent... Monsieur le ministre, saurez-vous les entendre ? (Applaudissements à gauche)

Mme Catherine Procaccia.  - (Applaudissements sur les bancs UMP) Ce texte vise à renforcer le dialogue social, démarche engagée par la loi Larcher de 2007. La loi d'août 2008 réformait profondément les règles, datant de l'après-guerre, relatives à la représentativité salariale. Faute d'accord entre tous les partenaires sociaux sur les TPE, plusieurs syndicats ont adressé une lettre commune au Gouvernement, fondement de ce texte.

Pourquoi ce déchaînement des passions ? Il ne s'agit que de tenir compte de la préférence syndicale des salariés : exclure les TPE, c'était rendre toute la loi de 2008 inconstitutionnelle. Les modalités de vote retenues -correspondance, vote électronique- seront stimulantes et laisseront le temps aux salariés de se décider.

Les fameuses commissions paritaires n'ont jamais été obligatoires. Où était le danger ? Un amendement du rapporteur encadrait les choses. Certains ont voulu faire croire que le but était d'introduire des délégués dans les TPE contre l'avis du chef d'entreprises. Ce n'était nullement le cas. D'autres souhaitaient étendre les prérogatives de ces commissions, les rendre obligatoires et rendre plus rigides les modalités du dialogue social : d'où sans doute la suppression de l'article 6 à l'Assemblée nationale. Je me réjouis que les rapporteurs aient élaboré un compromis. Les partenaires sociaux seront libres de faire ce qu'ils jugent utile. Le groupe UMP votera ce projet de loi, nouvelle étape vers la rénovation de la démocratie sociale. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Guy Fischer.  - Mieux vaut entendre cela que d'être sourd...

Mme Christiane Demontès.  - Ce texte devait traiter de la représentativité des salariés et de l'audience des syndicats ; aucun de ces deux volets n'est satisfaisant.

Les travaux de la CMP n'ont guère fait évoluer le texte. La possibilité de tenir les scrutins en dehors des heures de travail est une rupture d'égalité entre salariés des TPE. Une fois de plus, c'est la logique du Medef qui l'emporte : pas question de voir se tenir des élections professionnelles dans les TPE ! La Banque mondiale estime pourtant que la méfiance entre salariés et patrons coûte un point de PIB à la France ! Plus de dialogue social dans les TPE, c'est plus de démocratie. La dignité des salariés est en cause. (M. Alain Gournac, rapporteur, approuve) Les salariés mais aussi les employeurs pâtissent de l'absence de structures de dialogue.

Selon le président du Cercle des jeunes dirigeants, les entreprises où le climat est serein résistent mieux à la crise. (Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales, approuve)

Après l'examen du texte au Sénat, les commissions paritaires étaient devenues facultatives et leurs compétences avaient été réduites ; les voilà supprimées ! L'intérêt des salariés est sacrifié sur l'autel de luttes intestines à la majorité. Nous voulions que la question de la représentativité patronale fût traitée d'ici décembre 2011 : la majorité s'y est opposée.

Faire vivre la démocratie au sein de nos entreprises est une chance pour l'économie. C'est tout le sens de la responsabilité sociale de l'entreprise. Mais la majorité ne veut rien savoir, arcboutée sur une vision passéiste faite de méfiance. En temps de crise, l'union des forces est plus que jamais nécessaire. (Applaudissements à gauche)

M. Claude Jeannerot.  - Ce texte important, qui concerne 4 millions de travailleurs, devait faire avancer la démocratie dans l'entreprise. L'article 6 ayant été supprimé, l'occasion de réconcilier l'intérêt de l'entreprise et les droits des salariés est manquée. Le dialogue social est l'une des composantes de l'intérêt de l'entreprise -c'était l'esprit des lois Auroux de 1982 : les travailleurs doivent devenir les acteurs du changement dans l'entreprise.

Ce texte issu de la CMP est un déni de démocratie sociale. L'interdiction faite aux salariés de TPE d'élire leurs instances de représentation bafoue aussi bien l'article premier de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen que les dispositions du Préambule de 1946 sur le droit syndical et la participation des travailleurs à la détermination collective, notamment des conditions de travail.

Le législateur se devait de créer les conditions équilibrées d'une véritable démocratie sociale, fondée sur le principe d'égalité. Or, les salariés des TPE sont moins bien protégés que les autres ; l'article 6 était l'occasion de corriger leur situation ; 70 % d'entre eux souhaitent avoir un vrai représentant. Rendez-vous manqué...

Comme l'avait relevé le Premier ministre lui-même, les commissions paritaires n'avaient rien de révolutionnaire -surtout après le vote du Sénat- et ne faisaient que traduire les engagements pris dans la loi de 2008. (M. Jean-Pierre Plancade approuve) Les problèmes inhérents aux TPE appellent l'existence de structures de dialogue pour éviter les conflits et les contentieux prud'homaux. Ce n'est pas l'intérêt des seuls salariés. Les employeurs souhaitaient ces commissions car ils savent que les avancées sociales les servent aussi. La démocratie sociale, pilier de notre pacte républicain, ne peut exclure 4 millions de salariés. Gambetta disait : « L'important n'est pas de déclarer l'égalité entre les hommes, mais de le faire ». L'occasion est ratée... (Applaudissements à gauche)

Mme Patricia Schillinger.  - La première lecture au Sénat avait déjà vu le texte raboté, et voilà que l'Assemblée nationale a donné raison au Medef et vidé la loi de son sens. Tout ça pour ça ! Une fois de plus, Medef et CGPME ont manqué à leur parole. Rompre l'équilibre trouvé, c'est céder à une vision archaïque de la démocratie sociale. Mais le Medef n'est-il pas archaïque ? La suppression de l'article 6 traduit le retard de la France. Les organisations patronales sont divisées ; le Medef fait blocage.

L'intérêt des entreprises n'est pas un, les TPE sont étranglées par les grandes entreprises, au détriment de leurs salariés et de leurs dirigeants. Certains patrons recherchent le compromis avec les syndicats, d'autres refusent tout dialogue. Cette division, si française, explique les positions à géométrie variable du patronat et pollue le dialogue social.

Le Medef se comporte moins en organisation qu'en lobby autocentré, au point que certaines fédérations, comme celle de l'agroalimentaire, le quittent.

Je connais et estime le rôle crucial des TPE, qui représentent 93 % des entreprises françaises. Ce texte est aussi un échec pour leurs dirigeants, qui perdent le plus souvent devant les prud'hommes. Et le Medef donne une nouvelle preuve de son archaïsme. (Applaudissements à gauche)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

M. le président.  - Je rappelle qu'aucun amendement n'est recevable, sauf accord du Gouvernement. Le Sénat étant appelé à se prononcer avant l'Assemblée nationale, il statue sur les amendements puis par un seul vote sur l'ensemble du texte.

Le vote sur les articles premier, 2, 3, 4, 5 et 6 est réservé.

Article 7

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Gournac, au nom de la commission.

A la première phrase, remplacer la référence :

L. 2234-4

par la référence :

L. 2234-1

M. Alain Gournac, rapporteur.  - Amendement de coordination.

M. Éric Woerth, ministre.  - Favorable.

L'amendement n°1 est adopté.

Le vote sur l'article 7, modifié, est réservé.

Article 8

Mme Annie David.  - Nous regrettons ce cavalier législatif. J'espère qu'avant de modifier le mode de scrutin des élections prud'homales, les syndicats seront consultés.

Je précise, ne l'ayant pas dit tout à l'heure, que nous voterons contre ce projet de loi.

Le vote sur l'article 8 est réservé.

Vote sur l'ensemble

M. Jean-Pierre Godefroy.  - La mainmise du Medef sur la majorité est évidente. Il est inconcevable pour certains que les 4 millions de salariés des TPE puissent élire librement leurs représentants syndicaux ! Édulcoré par le Sénat, le texte a été vidé de sa substance à l'Assemblée nationale où, poussés par l'ambitieux M. Copé, les députés UMP ont supprimé l'article 6, craignant que les syndicats ne mettent un pied dans les TPE. Les commissions paritaires n'avaient pourtant guère de compétences ; mais c'était encore trop.

Alors que nous nous étions abstenus en première lecture, nous votons aujourd'hui contre, sans état d'âme. Le lobbying acharné du Medef et de la CGPME a payé, ils ont fait prévaloir leur vision rétrograde du dialogue social.

M. Guy Fischer.  - Ils montrent leur vrai visage !

M. Jean-Pierre Godefroy.  - A quand un vrai texte sur le dialogue social ? La mission d'information sur le mal-être au travail, que j'ai l'honneur de présider, a recommandé l'ouverture du dialogue social comme moyen d'éviter des drames. Sous la pression de M. Copé et du Medef, vous avez abdiqué, au détriment aussi bien des salariés que des patrons de TPE. (Applaudissements à gauche)

A la demande du groupe UMP, les conclusions de la CMP, modifiées, sont mises aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 338
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l'adoption 184
Contre 154

Le Sénat a adopté.

La séance, suspendue à 16 h 10, reprend à 16 h 20.

Rappel au Règlement

M. Guy Fischer.  - Le 13 septembre, le Sénat adoptait le projet de loi organique relatif à la dette sociale. Les évolutions en cours à l'Assemblée nationale ne sont pas sans effet sur la réforme des retraites.

La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a supprimé l'article qui pillait, qui siphonnait le FRR de ses actifs : c'est un camouflet adressé au Gouvernement et à la majorité du Sénat. Selon M. Warsmann, les apports du Sénat ne sont pas de nature à prévenir les risques de dérive ; la clause de garantie prévue par le Sénat n'est pas suffisante pour empêcher le transfert de recettes non pérennes ; la clause de retour in bonis est hypothétique ; la hausse automatique de la CRDS -que nous jugeons non conforme à la Constitution- paraît douteuse.

Notre discussion sur les retraites dépend en partie de ce projet de loi : sans recours au FRR pour résorber la dette sociale, près de 25 milliards seraient disponibles pour financer une réforme des retraites plus juste, notamment pour les femmes, les précaires ou les personnes handicapées. Voilà qui change la donne ! Il se pourrait, si l'on en croit M. de Raincourt, que le Gouvernement engage sa responsabilité. Il serait bien inspiré de retirer le projet de loi sur les retraites.

Réforme des retraites (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites.

Les sénateurs CRC-SPG, porteurs de l'écharpe tricolore, se lèvent et arborent un calicot sur lequel est écrit « Écoutez le peuple, retirez votre projet » ; ils scandent « La retraite à 60 ans, on s'est battu pour la gagner, on se battra pour la garder ».

Discussion générale

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.  - Ce projet de loi est le fruit de concertations intenses. (La voix des sénateurs CRC-SPG couvre celle du ministre)

M. Gérard Longuet.  - Nous ne pouvons aborder ce débat sans les conditions de sérénité qu'exige le travail au Sénat. Je vous suggère de suspendre la séance plutôt que de laisser cet hémicycle se transformer en cours de récréation ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. le président.  - Je vous demande de retirer la banderole. (Les sénateurs CRC-SPG y consentent) Nous pouvons entamer le débat.

M. Éric Woerth, ministre.  - Six mois de discussions, de négociations. (On le nie vigoureusement à gauche)

M. Jean-Louis Carrère.  - Mensonge !

M. Éric Woerth, ministre.  - Nous entrons dans la phase ultime. Nous prendrons le temps nécessaire. Le Gouvernement entend les inquiétudes. (Même mouvement)

M. Guy Fischer.  - Il est sourd !

M. Éric Woerth, ministre.  - Le débat à l'Assemblée nationale nous a permis d'enrichir cette réforme... (Exclamations à gauche)

M. Jean-Louis Carrère.  - Vous voulez en finir avec la retraite par répartition !

M. Éric Woerth, ministre.  - ...sur de nombreux points, notamment sur la pénibilité : davantage de justice dans le respect de l'équilibre du texte, voilà notre objectif. (Exclamations à gauche)

Pour répondre aux inquiétudes, il faut poser les bonnes questions et ne pas céder à la caricature. Il n'y a pas de blocage mais un débat depuis le mois d'avril qui se poursuit ici. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat le conteste) Nous avons beaucoup débattu avec les partenaires sociaux, nous avons comme nulle part au monde pris en compte la pénibilité. Des progrès ont été faits en faveur des handicapés. Le Gouvernement s'est dit prêt au dialogue. Pas de blocage donc, mais pas non plus de solution miracle. Pour réformer nos retraites, y a-t-il d'autres solutions que repousser l'âge de la retraite ? (« Oui ! » à gauche)

Il n'y a pas de débat idéologique : nous l'avons tranché depuis longtemps. (Vives exclamations à gauche) La répartition, c'est notre socle commun issu du Conseil national de la résistance. (Mêmes mouvements ; applaudissements sur les bancs UMP)

Y a-t-il d'autres solutions que le recul de l'âge légal ? (« Oui ! » à gauche) Financer les retraités par la fiscalité, comme le propose le PS, ce serait 40 milliards de plus d'impôt pesant sur les classes moyennes ! (Exclamations à gauche)

Baisser les pensions ? (Protestations à gauche) Les Français ne le veulent pas. Il faudrait les baisser de 10 % en 2020 et 20 % en 2025 ! Cotiser plus longtemps ? Il faudrait 47 ans !

Il est inacceptable d'augmenter les impôts de 40 milliards, comme le veut le parti socialiste...

M. Jean-Louis Carrère.  - Vous aurez du mal si vous commencez ainsi !

M. René-Pierre Signé.  - Provocation !

M. Éric Woerth, ministre.  - ... de baisser les pensions et d'allonger la durée de cotisation. La responsabilité du Gouvernement et du Président de la République était de rappeler que modifier l'âge de la retraite est dans l'intérêt des Français mêmes.

M. Jean-Louis Carrère.  - C'est la capitalisation que vous voulez !

M. Éric Woerth, ministre.  - On ne peut financer les retraites à crédit ! L'équilibre financier doit être atteint dès 2018.

Confrontés au même problème démographique, tous les autres pays ont relevé l'âge de la retraite. L'Allemagne (« C'est faux ! » à gauche), l'Espagne, le Royaume-Uni, les États-Unis, le Japon : ont-ils tous eu tort ? Ils ont choisi la voie du bon sens.

La retraite, c'est d'abord une question d'âge. Pour conserver la retraite par répartition, il faut modifier l'âge de la répartition.

M. René-Pierre Signé.  - Et le chômage ?

M. Éric Woerth, ministre.  - Deux ans de plus, c'est raisonnable, et l'on restera encore trois ans de plus à la retraite qu'en 1980 du fait de l'allongement de l'espérance de vie. La France conservera le système le plus protecteur d'Europe.

M. Guy Fischer.  - Mais non !

M. Jean-Louis Carrère.  - Pour les riches, avec le bouclier fiscal !

M. Éric Woerth, ministre.  - Cette réforme est-elle juste ? (« Non ! » à gauche) Oui, elle l'est car nous rapprochons les secteurs public et privé.

M. Guy Fischer.  - Vous démantelez la fonction publique !

M. Éric Woerth, ministre.  - Oui, car nous demandons aussi des efforts aux entreprises qui rémunèrent leurs salariés treize ou quatorze mois.

Oui, car ceux qui gagnent le plus seront mis à contribution, ainsi que ceux qui bénéficient de stock-options et de retraites chapeau. Beaucoup en parlent, nous le faisons : cela rapporte 2 milliards. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Oui, car ceux qui auront eu une carrière longue et pénible pourront partir avant 60 ans. C'est notre majorité qui se préoccupe d'eux.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Vous transformez les travailleurs en handicapés ! (M. Jean-Louis Carrère renchérit)

M. Éric Woerth, ministre.  - Si nous ajoutons les handicapés, les carrières longues, ce sont 150 000 Français, sur les 750 000 retraités, qui pourront partir avant 60 ans.

La réforme de la médecine du travail est un élément important de notre réforme des retraites. Aucune disposition relative à l'indépendance des médecins du travail n'est supprimée. Jamais je n'aurais fait une chose pareille. (On s'esclaffe à gauche ; on applaudit à droite)

Oui, cette réforme est juste car elle incite les entreprises à mieux intégrer les seniors.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Dites-le au patronat !

M. Éric Woerth, ministre.  - Nous allons continuer à progresser ensemble dans le sens de la justice et de l'humanité. La commission des affaires sociales a amélioré encore la justice du projet de loi. Certains des 113 amendements qu'elle a adoptés élargissent le droit à la retraite anticipée des handicapés dès 55 ans. (Applaudissements sur les bancs UMP) Les critères étaient trop restrictifs sur ce point.

M. René-Pierre Signé.  - C'était dans l'ordre des choses.

M. Christian Cointat.  - Vous ne l'avez pas fait !

M. Éric Woerth, ministre.  - Les salariés proches de la retraite touchant l'allocation équivalent retraite pourront la conserver. Les victimes de l'amiante bénéficieront d'une mesure de lissage.

La première des justices, c'est de garantir l'équilibre du régime. Si les retraites ne sont plus assurées, ce sont les plus modestes qui seront touchés. C'est pourquoi le Gouvernement ne reviendra pas sur les mesures d'âge.

M. Jean-Louis Carrère.  - C'est votre conception du dialogue !

M. Éric Woerth, ministre.  - Aucune autre possibilité n'est offerte. (Exclamations à gauche)

Les actifs et les ressources du FRR seront transférés à la Cades. Il faut bien faire face au déficit ! On ne peut à la fois accumuler des réserves et des déficits. On doit éteindre l'incendie quand il a lieu ! Le FRR est utilisé conformément à sa définition.

De nouvelles avancées pourront sans doute encore améliorer ce projet de loi. Je pense au rapport de la Délégation aux droits des femmes. Le projet de loi contient déjà des avancées pour celles-ci, qui pâtissent d'une injustice incontestable. Aujourd'hui, une femme de 55 ans a autant de trimestres qu'un homme ; ce n'est pas le cas de celles qui sont les plus proches de la retraite. Le vrai problème, la vraie cause de l'inégalité des retraites, c'est l'inégalité salariale entre hommes et femmes. (Exclamations à gauche)

Voilà le problème à résoudre. Il y aura donc des sanctions touchant 1 % de la masse salariale. Faut-il aller plus loin ? On en débattra.

Je sais que le Sénat est soucieux de ne pas remettre en cause l'équilibre de notre système de retraites. Celles-ci ne pourront être financées à crédit. Regardons la situation comme elle est et non comme nous voudrions qu'elle soit. Pour assurer la pérennité et l'équilibre du régime par répartition, soyons ensemble ! Sachons répondre à ce défi majeur pour la République ! (Protestations à gauche ; vifs applaudissements à droite)

M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique.  - Je remercie vivement la commission pour le travail approfondi qu'elle a effectué.

Nous avons choisi de regarder la vérité en face, avec courage et détermination. (Exclamations à gauche) Préserver notre système de retraite est aussi une nécessité au regard de la situation des fonctionnaires, telle que l'a mise en évidence le COR. A la CNRACL, le déficit prévisionnel serait de 13,6 milliards en 2050.

M. Jean-Louis Carrère.  - Vous avez creusé les déficits !

M. Georges Tron, secrétaire d'État.  - Nous visons la convergence entre secteurs privé et public, avec discernement. J'ai entendu beaucoup de critiques mais aucune proposition.

M. Jean-Louis Carrère.  - On vous les chantera ! (Les exclamations à gauche couvrent la voix de l'orateur)

M. Georges Tron, secrétaire d'État.  - J'attends de voir très concrètement ce que vous proposez en matière de convergence. Les spécificités de la fonction publique sont légitimes et nous ne les remettons pas en cause. Ainsi en va-t-il de la prise en compte des six derniers mois, dont l'effet est sensiblement le même que les 25 années du secteur privé !

Certains se sont interrogés sur la persistance du dispositif datant du XIXe siècle, concernant une pénibilité dans certains métiers de la fonction publique. Nous les jugeons justifiés et les maintenons.

M. Jean-Louis Carrère.  - Baratin !

M. Georges Tron, secrétaire d'État.  - Pas pour les catégories actives concernées. Il y a des conditions de réversion plus favorables ? Certes, mais elles ont pour contrepartie un taux inférieur.

Vous voyez que nous ne sommes pas dogmatiques ! (Exclamations à gauche)

Quelques mesures se justifiaient, à commencer par le report à 62 ans dès 2018, comme pour le secteur privé. En revanche, pour les catégories actives, le report sera de 50 à 52 ans ou de 55 à 57 ans. Même report de deux ans pour les militaires. L'écart de cinq ans entre l'âge du taux plein et celui de l'annulation de la décote sera appliqué à la fonction publique comme ailleurs.

Nous renforçons l'égalité par des mesures de rapprochement entre public et privé, à commencer par le taux de cotisation versée. Le relèvement sera de six ans en moyenne dans la fonction publique.

La suppression, en 2012, du départ anticipé pour l'éducation de plusieurs enfants est justifiée entre autres par une injonction de Bruxelles. La règle de calcul sera harmonisée sur le droit commun.

Les questions des agents sur le calendrier de la réforme ont été relayées par les organisations syndicales, que nous avons écoutées. Les personnes qui sont à cinq ans de l'âge de la retraite sont exclues des nouvelles règles. Les agents auront un délai suffisant pour arrêter leur choix dans de bonnes conditions.

Le Gouvernement maintient le minimum garanti des fonctionnaires, plus élevé de 200 euros dans le public, puisqu'il refuse de baisser les pensions, comme l'avait promis le Président de la République.

M. Jean-Louis Carrère.  - N'évoquez pas les « engagements » du Président de la République !

M. Georges Tron, secrétaire d'État.  - Nous devons faire face à une réforme de société justifiée par les déficits abyssaux.

M. Guy Fischer.  - Et les banques ? (Exclamations à gauche)

M. Georges Tron, secrétaire d'État.  - Nous saurons améliorer le texte tout en maintenant l'équilibre financier. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales.  - Notre système de retraites par répartition fait partie de notre histoire sociale. Le recul de la masse salariale en 2009 a obéré les ressources des régimes de retraite. Je salue le courage du Président de la République qui a pris à bras-le-corps le problème. (Exclamations à gauche)

Avec la dette sociale, notre pacte social intergénérationnel est menacé. Les jeunes n'y croient plus et nous devons les rassurer. Sans la réforme d'aujourd'hui, le déficit atteindrait 40 milliards dès 2015 et 112 dès 2050. Une réforme était nécessaire pour sauver un système auquel nous sommes tous attachés. (Exclamations à gauche)

M. Jean-Louis Carrère.  - Plus ou moins !

M. Dominique Leclerc, rapporteur.  - La commission des affaires sociales se prépare depuis longtemps au rendez-vous d'aujourd'hui. Elle a examiné ce projet de loi de façon approfondie et l'a rendu plus équitable. Je souhaite que nous bâtissions dans la sérénité le texte le plus efficace possible. (Exclamations à gauche)

Agir sur un seul paramètre ne pouvait être satisfaisant, d'autant que nul ne songeait à réduire les pensions. Le Gouvernement propose une hausse modérée de l'âge de départ à un rythme assez soutenu. (Exclamations à gauche) Avec le prolongement de l'espérance de vie, il n'est pas anormal de retarder l'âge de départ en retraite. Encore faut-il que les retraités soient en bonne santé ! C'est pourquoi nous nous sommes souciés des métiers pénibles et des carrières longues. Un dispositif à effet immédiat pourrait concerner 30 000 personnes par an, qui ont un métier pénible. C'est un progrès social !

Le Gouvernement propose de favoriser l'emploi des seniors. La commission juge que dans ces conditions, le relèvement de l'âge de la retraite est mesuré et raisonnable. D'autant que tous les autres pays ont procédé à un tel relèvement sauf la Belgique ou le Japon ! Voudriez-vous avoir raison contre tout le monde ? (Exclamations à gauche)

Maintenir l'âge à 60 ans aurait conduit à une baisse des pensions, que nous refusons. Nous tenons à ce qu'il y ait un examen attentif des conditions de ce relèvement, afin que les seniors ne se retrouvent pas massivement au chômage.

La suppression de la décote à 65 ans nous oblige à affronter le fait que 85 % des personnes atteignant cet âge n'ont pas d'emploi. Et il y a deux fois plus de femmes que d'hommes qui attendent 65 ans pour bénéficier de l'annulation de la décote. Sur ce point, de nouveaux progrès sont possibles et souhaitables.

L'intégration des indemnités journalières dans le calcul des droits à pension est importante, mais il reste la question lancinante de l'inégalité salariale entre femmes et hommes, sur laquelle le rapport de notre collègue Panis, au nom de la Délégation aux droits des femmes, est éclairant. (Exclamations à gauche)

Le projet de loi crée un comité de pilotage du régime de retraite. C'est d'autant plus important que notre système est éclaté et complexe. Mais il ne faudrait pas que ce comité se contente de célébrer une grand-messe annuelle. Nous lui donnons aussi une fonction d'alerte.

Pour la première fois, la pénibilité est prise en compte dans un régime de retraite. Le Gouvernement a fait le choix de l'efficacité en prenant en compte la pénibilité à effet immédiat, c'est-à-dire mesurable à l'heure de la retraite. Cette avancée est considérable, de même qu'il faudra aussi prendre en compte la pénibilité à effet différé. Un référentiel devra être établi.

Nous avons réorganisé l'ensemble du dispositif concernant la médecine du travail, car la prévention est essentielle en la matière. La réparation ne devrait intervenir que de manière subsidiaire, quand la prévention aura été inefficace. Nous avons écouté les professionnels : non, la médecine du travail n'est pas entravée dans ce projet de loi.

M. Robert Hue.  - Vous la tuez !

M. Dominique Leclerc, rapporteur.  - Nous en garantissons l'indépendance.

M. Robert Hue.  - Vous la livrez au patronat.

M. Dominique Leclerc, rapporteur.  - Fidèle à sa vocation, le Sénat veille à ce que les évolutions ne pèsent pas sur les plus fragiles.

Nous avons recherché l'efficacité...

M. Jean-Louis Carrère.  - Sans la trouver !

M. Dominique Leclerc, rapporteur.  - ...avec coeur et humanisme. Nombre de travailleurs handicapés n'ont, par construction, pas la possibilité de bénéficier de retraites anticipées...

Nous devons aussi réfléchir à la situation des chômeurs en fin de droits.

M. Guy Fischer.  - Quelle hypocrisie !

M. Dominique Leclerc, rapporteur.  - La commission a conforté les dispositions sur la convergence entre les régimes. Notre système est éclaté, opaque et compliqué, sans que ces iniquités correspondent à la moindre réalité objective. Convergence n'est ni uniformité ni alignement par le bas.

La réforme systémique n'est pas la fin de la répartition, le passage à la capitalisation -c'est de la désinformation que le prétendre.

M. Guy Fischer.  - C'est le loup dans la bergerie !

M. Dominique Leclerc, rapporteur.  - C'est la recherche d'un système plus juste et plus universel. Mais c'est indépendant de la réforme dont nous débattons ce jour. Nous devons aussi aborder la question des polypensionnés. Il y a urgence à aller plus loin. Les carrières changent de plus en plus, nous devons en tenir compte.

Bien sûr, cette réforme serait incomplète sans les mesures financières qui seront adoptées dans le cadre du PLFSS. L'assurance vieillesse aussi a besoin de recettes robustes et pérennes.

J'insiste sur l'importance de cette réforme. On peut s'y opposer comme on s'est opposé à celles de M. Balladur puis de M. Fillon. Où en serait-on si elles n'avaient pas été adoptées ? Il serait irresponsable de laisser croire que les choses s'arrangeraient d'elles-mêmes.

M. Jean-Louis Carrère.  - Elles ne s'arrangeront pas avec vous !

M. Dominique Leclerc, rapporteur.  - Je souhaite que notre débat soit constructif pour une réforme la plus juste et la plus efficace possible. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean-Louis Carrère.  - Et un quatrième UMP !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales.  - Nos régimes de retraite connaissent des déficits considérables : 10 milliards en 2010, c'est une retraite sur dix qui n'est pas financée. Les comptes sont devenus déficitaires en 2005 ; depuis, ils n'ont cessé de se creuser.

M. Roland Courteau.  - Vous étiez au Gouvernement !

M. Alain Vasselle, rapporteur général.  - Vous n'avez pas fait mieux ! (Applaudissements à droite)

M. Jean-Louis Carrère.  - Les mauvais gestionnaires, c'est vous !

M. Alain Vasselle, rapporteur général.  - Le dispositif pour carrières longues pèse sur les comptes, comme l'allongement de l'espérance de vie. En 1960, quatre actifs pour un retraité ; en 2050, nous n'en aurons qu'1,2 ! Comment maintenir notre système en l'état ? (Applaudissements à droite)

M. Martial Bourquin.  - Quatre millions de chômeurs !

M. Alain Vasselle, rapporteur général.  - Le FSV finance des dépenses non contributives ; sa situation se détériore en période de crise, avec un déficit de 4 milliards prévu en 2011. Selon la COR, sans réforme, le déficit serait de 45 milliards en 2020 et de 100 en 2050, chiffres fondés sur des hypothèses économiques que nous jugeons optimistes.

Il fallait agir. (Applaudissements à droite, exclamations à gauche) La réforme est nécessaire, mais difficile : il est plus facile de critiquer que de proposer ! (Applaudissements à droite) Le rapport de la Mecs -signé par Mme Demontès et M. Leclerc- est la preuve qu'une réflexion sans a priori est possible. Le diagnostic est partagé.

La vision à long terme est une priorité pour notre commission. Le rapport sur les systèmes de retraite par points a été remis ; il faudra y réfléchir rapidement car mettre en place une telle réforme sera très long, on l'a vu en Suède et ailleurs. Nous examinerons un amendement sur une éventuellement réforme systémique.

Comment parvenir à l'équilibre financier de la réforme ? Grâce aux mesures d'âge, d'une part, par la convergence entre public et privé d'autre part. L'État employeur s'engage à maintenir son effort annuel de 15,6 milliards, par une augmentation des cotisations, sachant qu'il diminue le nombre de fonctionnaires et donc le montant des cotisations de ceux-ci.

M. Jean-Louis Carrère.  - C'est la balle dans le pied !

M. Alain Vasselle, rapporteur général.  - La réforme Fillon avait prévu le basculement à échéance de l'Unedic vers la branche vieillesse ; la crise qui nous est venu des États-Unis l'a rendu impossible.

Le traitement des déficits cumulés relèvera essentiellement des PLFSS et des projets de loi de finances. Ce morcellement est regrettable.

M. Guy Fischer.  - Inadmissible !

M. Alain Vasselle, rapporteur général.  - Il aurait fallu déposer simultanément des textes financiers rectificatifs...

Le schéma présenté par le Gouvernement traite des déficits cumulés. Près de 62 milliards seront requis par la Cades de 2011 à 2018, grâce aux ressources du FRR. En outre, ménages et entreprises sont équitablement mis à contribution.

Prétendre que le financement pourrait reposer uniquement sur les plus riches, c'est une fausse bonne idée ! (Rires sardoniques à gauche)

M. Guy Fischer.  - Le défenseur des riches !

M. Alain Vasselle, rapporteur général.  - Les bonus distribués en France représentent 700 millions. Les stock-options, 2 milliards. L'assiette tout entière est inférieure aux besoins ! Si on imposait bonus et stock-options à des niveaux faramineux, les entreprises y renonceraient et l'on tarirait cette rentrée fiscale !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Tant mieux !

M. Alain Vasselle, rapporteur général.  - Faut-il porter la surtaxe sur les banques de 15 à 75 % ? L'impôt sur le revenu rapporte 50 milliards ; l'augmenter de 50 % ne suffirait pas à financer le déficit des retraites ! Le bouclier fiscal coûte 600 millions... (Exclamations à gauche) Même s'il était supprimé et que les stock-options étaient taxées à 100 %, il resterait 98 % du déficit ! (Applaudissements à droite) Les chiffres sont éloquents : assez de ces discours démagogiques qui veulent faire croire au Père-Noël ! (Applaudissements à droite ; exclamations à gauche)

Nous avions déjà proposé l'annualisation des allégements de charge l'an dernier. Je me réjouis que le Gouvernement l'ait retenue ; il faudra réfléchir plus avant à ces allégements, qui grèvent le budget de l'État...

Le basculement des cotisations Unedic à l'assurance vieillesse repose sur un schéma assez optimiste, qui dépend beaucoup de la conjoncture. Le Gouvernement a décidé de doubler la contribution Unedic. Les propositions du Sénat sur les femmes auront aussi un effet financier.

La présidente de la CNAV nous a annoncé un déficit de 4 milliards pour 2018, contre 2,3 selon M. Baroin... -qui compte sur la fongibilité entre régimes pour lisser les déficits. Quant à aller puiser dans les réserves de l'Agirc-Arco, c'est un bien mauvais message à adresser aux partenaires sociaux. (Approbations à gauche) Nous restons vigilants.

Je souhaite un débat serein et constructif, dans l'intérêt de nos concitoyens. (Vifs applaudissements prolongés à droite)

présidence de M. Jean-Claude Gaudin,vice-président

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis de la commission des finances.  - « La prévision est un art difficile, surtout quand elle concerne l'avenir ». Mais une chose est sûre : nous vieillissons. Ce vieillissement est source de tension sur notre système de retraite : ce projet de loi est dicté par l'urgence.

En 2011, le déficit de l'ensemble des régimes s'élèverait à 32,2 milliards. D'où l'augmentation de la durée d'assurance par des mesures d'âge, premier pas logique. Mais le chiffre retenu n'intègre pas l'effort de l'État pour ses agents. Les mesures d'âge financeraient 65 % du déficit.

Le basculement des cotisations chômage sur le régime vieillesse est sujet à caution, les prévisions de chômage étant particulièrement optimistes. L'augmentation des recettes fiscales et sociales relève du PLFSS et du projet de loi de finances ; ces mesures seront exclues du bouclier fiscal : c'est le minimum !

Au total, il restera 58 milliards à financer en 2018. Cette dette doit être en partie reprise par la Cades grâce à l'adossement du FRR.

Le budget de l'État prend en charge l'équilibre de régimes spéciaux, comme la SNCF.

La commission des finances se félicite des mesures de solidarité, mais ne cherche pas, au nom de l'équité, à répondre à des questions qui ne relèvent pas des retraites. Il faut clarifier les dépenses contributives et non contributives. L'affectation des ressources fiscales aux retraites devra être lisible.

La réforme des retraites dans la fonction publique est nécessaire, pour des raisons d'équité comme de soutenabilité financière. L'augmentation continue de la part financée par l'État n'est pas une solution. Les mesures d'âge sont bienvenues, mais nous regrettons que la situation des catégories actives de la fonction publique ne soit pas réexaminée.

La pénibilité relève plus des conditions de travail que des retraites. L'accent est d'ailleurs mis sur la prévention, et les mesures seront financées par la branche AT-MP.

Au total, la réforme présentée constitue pour tous ceux qui sont attachés à la sauvegarde du régime par répartition une étape indispensable car dictée par l'urgence. A ce titre, La commission des finances a donné un avis favorable aux titres II, III, IV, V, V bis et V ter, sous réserve de l'adoption de ses amendements. Toutefois, cette réforme ne garantit pas la soutenabilité à long terme de notre système. Mettons à profit les prochaines années pour réfléchir à une réforme de fond de notre système qui, dans sa configuration actuelle, aura des difficultés à relever le défi démographique à compter de 2020. (Applaudissement à droite et au centre)

Mme Jacqueline Panis, au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.  - Selon Goethe, « Le caractère se forme dans le tumulte du monde, le talent se développe dans la retraite ». (Murmures flatteurs)

Outre les conditions de travail faites aux femmes et la montée du divorce, nombre d'évolutions touchent la retraite des femmes.

Les avantages familiaux traditionnellement réservés aux femmes ont été remis en question au niveau européen, malgré l'introduction de critères objectifs d'interruption de carrière. La montée du temps partiel contrarie l'effet bénéfique de l'augmentation du taux d'emploi des femmes. Au total, les inégalités entre hommes et femmes sont deux fois plus fortes entre pensions qu'entre salaires...

Quoique petite pension ne signifie pas toujours pauvreté, ces femmes représentent 62 % des allocataires du minimum vieillesse !

Les correctifs de l'Assemblée nationale en la matière ont été conservés par notre commission, qu'il s'agisse du congé maternité ou de l'assurance veuvage, dont le montant devrait toutefois être porté à un niveau de survie. Il faudrait également relever le plafond de ressources, qui empêche de cumuler pension de réversion et emploi.

Notre commission s'est attachée à limiter les simples déclarations d'intention. Les écarts de pensions entre hommes et femmes trouvent leur origine dans les inégalités salariales. L'Assemblée nationale a musclé le dispositif, soumettant les entreprises à une obligation de résultat et sanctionnant la non-mise en oeuvre d'un accord en la matière. Ce projet de loi sur l'égalité salariale annoncé est attendu.

La délégation approuve l'article 31 qui permet aux salariés de surcotiser à l'assurance vieillesse. Calculer les pensions sur les 100 meilleurs trimestres serait positif.

La délégation propose de maintenir à 65 ans l'âge légal de départ pour les personnes qui ont interrompu leur carrière pour élever leur enfant ou prendre soin d'un parent dépendant ou malade. Il faudra également développer le secteur des services à la personne.

La COR incite à prendre en compte la situation conjugale au moment du calcul des droits à retraite. Le système allemand serait difficile à transposer en France ; il faudra plutôt réfléchir à la situation des couples qui font déjà l'objet d'une imposition commune. La société française a changé.

Je conclus avec Marc Aurèle : « Tu peux, à l'heure que tu veux, te retirer en toi-même. Nulle retraite n'est plus tranquille ni moins troublée pour l'homme que celle qu'il trouve en son âme ». (Applaudissements à droite)

Mme Christiane Demontès.  - (Applaudissements sur les bancs socialistes) En 1981, François Mitterrand, fidèle à ses engagements, demandait à M. Mauroy de mettre en place la retraite à 60 ans. (Applaudissements à gauche) En 2007, le candidat Sarkozy disait : « le droit à la retraite à 60 ans doit demeurer ». Au Medef, qui demandait un relèvement à 63 ans, il répondait : « Je n'ai pas de mandat pour faire cela ! ». C'était aussi le président du pouvoir d'achat... Les Français savent ce que valent ses promesses. (Exclamations à gauche)

Ce débat est majeur pour notre pays, pour notre pacte républicain et pour les générations à venir. Réformer les retraites est impératif mais suppose la concertation ; (Applaudissements à gauche) Le Gouvernement prétend l'avoir menée ; en fait, il a simplement informé. Les syndicats ont été floués. Le Président est passé en force : c'est le sceau de ce gouvernement !

Ce n'est que duperie, les Français le savent. Avec les réformes de 1993 et 2003 -qui devaient être définitives-, certains ont déjà vu leur pension baisser de 15 %. Nos concitoyens sont inquiets, les manifestations se succèdent mais vous n'écoutez rien.

La loi est l'expression de l'intérêt général ; dans cette logique, notre groupe sera donc une force de proposition et non d'obstruction. A chaque article, nous proposerons une alternative.

Ce projet de loi est brutal car les ajustements se font sur moins de dix ans. Il est injuste car il pénalise les salariés qui ont commencé à travailler tôt, ceux qui ont été au chômage ou ont interrompu leur carrière. Nous devons maintenir les bornes de 60 et 65 ans. Vous dites que votre réforme est « efficace et équilibrée ». Qui peut vous croire, monsieur le ministre, quand le ministre de 2003, qui est le Premier ministre d'aujourd'hui, promettait que sa réforme financerait à 100 % notre système à l'échéance de 2020 ? Vous tablez sur une croissance de 2 % en 2011 ? Elle sera plus proche de 1 % ! Certains membres de votre majorité ont d'ailleurs critiqué l'allongement de durée de vie de la Cades et s'opposent à vos solutions de facilité !

Vous parlez d'équilibre, alors que vous opérez un scandaleux hold-up sur le Fonds de réserve des retraites.. (Applaudissements à gauche) Nous proposons, au contraire, que le FRR soit préservé et abondé par une taxe sur les produits des établissements financiers.

La vérité, c'est que de nouvelles réformes seront nécessaires. Comment affirmer que ce texte préserve les retraites par répartition ?

Oui, il y a eu la crise, mais aussi les effets des exonérations, des niches fiscales et sociales, du bouclier fiscal. Cela ne représente pas grand chose, monsieur Vasselle ? Oui, mais ce sont des symboles ! L'échec est antérieur à la crise, qui a bon dos. Il fallait des réponses en matière d'emploi.

M. Alain Vasselle, rapporteur général.  - Vous êtes responsables des 35 heures !

M. Didier Guillaume.  - Vous les avez conservées !

Mme Christiane Demontès.  - Il faut une mobilisation en faveur de l'emploi des seniors, faute de quoi retarder l'âge de la retraite serait reporter le déficit de l'assurance vieillesse sur l'assurance chômage !

Comment évoquer la justice sociale quand l'effort repose à 85 % sur les seuls salariés ? Affirmer que les revenus du patrimoine sont mis à contribution est indécent, quand les bénéficiaires du bouclier fiscal continuent de toucher les chèques du fisc ! (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Louis Carrère.  - Scandaleux !

Mme Christiane Demontès.  - Il n'y a aucune justice dans la répartition de l'effort, pour ne pas parler d'équité !

Seulement 46 % des femmes contre 86 % des hommes valident une retraite complète. Votre justice, c'est de les contraindre à travailler deux ans de plus... Vous dites que celles qui sont nées après 1955 entrent plus précocement que leurs aînées sur le marché du travail ; vous semblez ignorer qu'elles sont le plus touchées par le développement massif du temps partiel. (Applaudissements à gauche) L'Observatoire de la parité relève qu'elles sont les grandes incomprises de la réforme ; la Halde que le passage à 67 ans sans décote risque de les pénaliser plus que les hommes. C'est pourquoi les deux délégations aux droits des femmes suggèrent de maintenir la limite à 65 ans.

Vous dites vouloir sanctionner les entreprises qui n'appliquent pas l'égalité salariale entre les sexes ; je crains qu'elles ne le préfèrent, comme les maires qui paient l'amende pour ne pas construire des logements sociaux ! (Applaudissements à gauche) Les carrières longues ? Ceux qui ont travaillé avant 17 ans devront cotiser deux ans de plus. La pénibilité ? L'écart d'espérance de vie entre un cadre et un travailleur manuel est de sept ans. Et l'état de santé à 80 ans n'est guère prévisible à 60. Vous confondez pénibilité et invalidité ! (On crie au scandale à gauche) Nous défendrons de la pénibilité une vision collective.

De ce texte dépend notre avenir collectif. Il doit être porteur d'espoir pour tous, dans la justice sociale et l'efficacité. (Applaudissements prolongés à gauche)

M. Jean-Pierre Plancade.  - Comme vous, je lis que les Français attendent avec inquiétude ou espérance le vote du Sénat -qu'ils sont 70 % à désapprouver. Nous savons tous qu'une réforme des retraites s'impose et je reconnais au Gouvernement le courage de l'engager. Malheureusement, il le fait à la hussarde, au pas de charge. J'ai le sentiment que ce texte est une punition, comme si vous vouliez punir les Français de vivre plus longtemps. On parle d'allongement de durée de vie sans se demander quelle société on veut. Nous contestons cette vision punitive, dénuée de toute considération sociétale. On pourrait donner la possibilité à ceux qui le souhaitent de travailler plus longtemps ; on préfère manier le couperet, dans une logique étroitement comptable.

A aucun moment, le Gouvernement ne s'est interrogé sur les progrès accomplis depuis des décennies et encore à atteindre. Vous ne vous demandez pas si demain, on vivra mieux. Bien sûr, il y a la crise économique mais la France ne peut être réduite à des colonnes de chiffres.

L'exemple étranger ? Nos voisins se sont attelés plus tôt au problème des retraites -on ne peut vous le reprocher- et ils ont joué et jouent en finesse, un curseur après l'autre, quand vous agissez à la hussarde.

Votre réforme ne soulève ni ne résout le problème de la meilleure répartition de la valeur ajoutée et de la richesse créée collectivement. La retraite n'est pas un cadeau venu d'ailleurs, c'est un salaire différé qu'il faut analyser dans le cadre d'une politique des revenus. Il faut se demander quels écarts on estime tolérables dans notre société.

Mais vous voulez une réforme minute. Les Français ont tous compris la nécessité d'une réforme, mais ils sont 72 % à être hostiles à la vôtre, tout en sachant bien qu'on ne reviendra pas au statu quo ante. Ce débat aurait pu et dû être consensuel, si la réforme avait été faite dans la justice et l'équité -on en est loin. Votre politique nous a privés de plus de 50 milliards de recettes fiscales, au seul bénéfice de ceux qui se sont approprié une large part de la richesse créée collectivement. Depuis dix ans, la part du travail a baissé, les patrimoines et la capitalisation boursière ont grossi ; et il y a le bouclier fiscal... Comment expliquer à un smicard que quelqu'un qui siège dans un conseil d'administration gagne 400 000 euros ? La violence de la réforme est là.

Oui, nous voulons une réforme du régime des retraites, mais juste et équitable, inscrite dans le cadre d'une politique globale des revenus et qui tienne compte des progrès accomplis collectivement dans notre société. C'est pourquoi la majorité du RDSE ne votera pas ce texte. (Applaudissements sur les bancs du RDSE et sur les bancs socialistes)

M. Guy Fischer.  - Des millions de Français désapprouvent cette loi de régression sociale, du jamais vu depuis l'après-guerre, destinée à satisfaire exclusivement actionnaires et spéculateurs, les plus riches, les bénéficiaires du bouclier fiscal.

M. Roland Courteau.  - Le Fouquet's !

M. Guy Fischer.  - Les déficits vont se creuser ? A qui la faute ? Quelle est la majorité politique qui a sciemment réduit les ressources de notre système de protection sociale ? Quelle est la majorité politique qui multiplie les cadeaux, petits ou grands, à ceux qui dînent à la table du Président, financent sa campagne et se réunissent au Fouquet's ? (Applaudissements à gauche) Quelle est la majorité politique qui, dans cette réforme, fait supporter 85 % de l'effort aux salariés ? La vôtre ! Depuis 2002, et plus encore 2007, les déficits se sont creusés comme jamais. Les exonérations sociales accordées au patronat coûtent plus de 60 milliards selon la Cour des comptes -et non 32, comme pouvaient le laisser croire des documents budgétaires tronqués.

M. Gérard Longuet.  - Et les 35 heures !

M. Guy Fischer.  - Ces exonérations sont compensées ? A hauteur de 32 milliards...

Votre politique fiscale fait perdre à l'État de 5 à 6 % du PIB, au bénéfice des plus riches. D'où une réforme injuste et inefficace, imposée au nom de l'absence d'argent, alors que les bénéfices du CAC 40 ont augmenté de 85 % au premier trimestre ! Nos concitoyens ne sont plus dupes.

Vous oubliez la justice sociale sur laquelle s'est fondé, après guerre, notre pacte social, que vous ne cessez de mettre en cause. Vous vous gardez bien de reconnaître que notre économie est affectée par le virus de la financiarisation. La Commission européenne évalue à 9,3 % la diminution de la part des salaires dans la valeur ajoutée entre 1983 et 2006, soit 100 milliards par an qui vont au capital plutôt qu'au travail. Voilà la vérité ! (Applaudissements à gauche)

La finance mondiale a pris une telle place dans notre économie que la part de la valeur ajoutée qui va à la finance est de 29 % -contre 15 % pour les cotisations sociales.

L'équilibre que vous promettez pour 2018 n'est qu'illusion. Le régime des retraites serait financé à 100 % ? Tant M. Vasselle que M. Leclerc ont remarqué que 4 milliards manqueront encore après la réforme ! L'allongement de la durée de cotisation rendra impossible l'accès à la retraite à 60 ans pour les femmes qui auront eu des carrières incomplètes, comme pour les handicapés et même les jeunes qui auront eu grand peine à obtenir un emploi à temps plein avant 30 ans.

Vous détournez les ressources du FRR qui devaient financer les retraites du pic démographique. Vos discours changent selon les circonstances... En trente ans, le nombre de retraités est passé de 7 à 15 millions, sans qu'augmentent les cotisations sociales, singulièrement patronales, grâce à la création de millions d'emplois. Voilà de quoi nous avons besoin : d'une politique industrielle et salariale stimulant l'emploi.

Le Gouvernement, qui n'en est pas à une contre-vérité près et qui excelle à opposer les salariés entre eux, voudrait faire croire que les fonctionnaires paient une cotisation retraite moindre que les salariés du privé. En réalité, c'est le contraire : 7,85 % contre 6,75 % !

Notre protection sociale a amorti la crise ; votre politique tend à l'aggraver. Les ruptures conventionnelles de contrats de travail touchent davantage les plus de 50 ans que les autres. Vous dites vouloir encourager le maintien dans l'emploi des seniors à coups d'exonérations de charges sociales ; mais aucune sanction n'est prévue contre les entreprises qui se débarrassent des salariés qu'elles jugent trop vieux. Votre politique d'exonérations sur les salaires les moins élevés, génératrice de trappes à bas salaires, touche en particulier les femmes. Vous poussez cependant dans la même direction et subventionnez l'emploi précaire.

Retirez cette réforme et retrouvez l'idéal de solidarité, l'élan de solidarité du CNR. Les générations futures doivent profiter de ce temps émancipateur qu'est la retraite en bonne santé. Nous combattrons pied à pied cette réforme. La retraite à 60 ans est une exigence légitime. Nous réitérons notre demande de retrait du projet de loi. (Applaudissements prolongés à gauche)

M. Nicolas About.  - Il est peu de sujets qui touchent autant que celui des retraites à l'idée qu'on se fait du travail, du temps libre, de la confiance des citoyens dans l'État, des solidarités. Parler des retraites est autre chose qu'une affaire de millions ou de trimestres, c'est parler de la vie et de la mort.

Nul ne conteste, pas même dans les cortèges, la nécessité d'une réforme pour assurer la pérennité des retraites par répartition, qui subissent un déficit important et croissant. Les dépenses du présent doivent être financées par les recettes du présent. La crise a accéléré de vingt ans le déficit de nos régimes de retraites. L'évolution démographique va dégrader inéluctablement l'équilibre qui fonde tout régime par répartition.

A court terme, ce projet de loi est insuffisant en matière de financement, voire d'équité. Des demi-mesures ne feraient que ralentir la dégradation. « Après moi le déluge » est une maxime bonne pour un roi, pas pour une démocratie. Les Français attendent de leurs dirigeants sens de la responsabilité et courage.

Il n'y a pas de solution miracle. Si l'on ne veut toucher ni au niveau des pensions ni au montant des contributions, il faut bien reporter l'âge légal et celui du départ à taux plein sans décote. (M. David Assouline s'exclame) Révolution mentale difficile pour ceux qui s'accrochent à des acquis d'un autre temps ! (Exclamations à gauche) Retirer les seniors du marché du travail résoudrait le problème du chômage des jeunes...

M. René-Pierre Signé.  - Ils sont déjà au chômage !

M. Nicolas About.  - ...arrêter de travailler de plus en plus tôt et pourquoi pas travailler de moins en moins dans la semaine... Il est temps de rompre avec la conception antique du travail comme esclavage.

Responsabilité, équité, justice et solidarité, tels sont les .principes qui fondent les amendements que nous proposons.

La pénibilité n'est pas l'invalidité.

M. Roland Courteau.  - Quand même !

M. Nicolas About.  - Une allocation de retraite anticipée pourrait être allouée en relation avec le retentissement de la pénibilité professionnelle sur l'espérance de vie. On pourrait aussi créer un fonds « pénibilité » sur le modèle de celui de l'amiante, alimenté par les branches professionnelles qui exposent le plus leurs salariés ou ne respectent pas les directives sur la santé au travail.

Afin que la réforme n'ait pas un effet couperet, il faut faire baisser en douceur le taux de la décote ; ce qui aurait l'avantage de répondre aux problèmes rencontrés par les femmes et de remédier à une des plus grandes injustices de ce texte. La retraite à taux plein à 65 ans sans décote pourrait être ouverte aux assurés ayant interrompu leur activité professionnelle pendant un temps à déterminer pour élever trois enfants ou aider une personne handicapée. Il doit être possible de valider les trimestres même en n'ayant travaillé que 200 heures par trimestre. Enfin, l'équité impose que les retraites chapeau soient soumises aux cotisations de droit commun.

Le manque d'ambition est une forme d'imprudence. « A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire » : réformer à courte vue ne produirait ni solution ni bénéfice politique. Ne nous laissons pas aller au despotisme douceâtre des bons sentiments dont parle Régis Debray.

Ce projet de loi ne peut être la réforme définitive, ne serait-ce qu'à cause d'une prévision de taux de chômage trop optimiste. Il faudra encore réfléchir à un système par point, qui n'est pas moins solidaire que le système par répartition, tout en étant constamment équilibré. Chacun pourrait choisir ainsi la date de liquidation de sa pension. Ce serait un régime unique, plutôt que la quarantaine de régimes existants. L'Allemagne, la Suède, les États-Unis ont mis en place un tel système, sur lequel le COR incite à réfléchir.

Il y a fort à parier que la réforme des retraites sera au coeur de la présidentielle de 2012. Pour réformer, il faut du courage et de l'adresse, écrit M. Bébéar, qui appelle à ce que chaque décision politique soit l'expression de la volonté générale. Il est de la responsabilité de chacun de nous de faire en sorte que cette réforme soit courageuse et conforme à cette exigence. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Gérard Longuet.  - Ce débat n'est pas, pour nous, une surprise. Grâce aux travaux de nos collègues Vasselle, Domeizel et Leclerc, nous avons une maîtrise du sujet. Il aurait été irresponsable de différer la réforme.

Aucune des propositions du président About ne contredit les convictions du groupe UMP.

M. David Assouline.  - Tout est préparé !

M. Gérard Longuet.  - La discussion générale n'a pas pour fonction de faire un cours théorique mais de marquer jusqu'où nous pouvons aller ensemble. Pour l'UMP, il s'agit de reprendre un chantier ouvert de longue date pour donner à nos citoyens la plus grande solidarité.

L'affaire est ancienne, elle remonte à Aristide Briand et Raymond Poincaré, le régime des officiers de marine datant même de Louis XIV et celui des fonctionnaires de Louis XVI ! Autant dire que depuis 1945, tous les gouvernements successifs ont réfléchi à l'adaptation de notre régime de retraites. Tous sauf un, celui de M. Mauroy qui a imposé la retraite à 60 ans par ordonnance. (Applaudissements à gauche où, se tournant vers lui, on félicite chaleureusement l'intéressé) Philippe Seguin disait alors qu'on était « à la veille d'une des plus gigantesques mystifications sociales de ces dernières décennies » -et citait un grand socialiste, Robert Lion, qui souhaitait qu'au nom de l'avenir, on l'écartât.

Le thème a été repris dès 1991. Car la gauche a été lucide. Le Livre blanc demandé par M. Rocard posait des exigences : équité entre générations, équité à l'intérieur de chaque génération, équilibre financier. Or, quoiqu'elle ait évalué la pertinence de ces exigences, quoiqu'elle ait commandé les rapports Charpin et Teulade, ses gouvernements n'en ont tiré aucune conclusion, sinon cette petite phrase prononcée par Mme Aubry, en novembre 1999, selon laquelle il fallait que les équilibres démographiques fussent au coeur des réflexions... Vous avez crée le COR, sans accepter ses conclusions, et le FRR, auquel nous rendons aujourd'hui sa vocation.

Tirez les conséquences de vos propres conclusions, messieurs les socialistes ! Mme Aubry a elle-même reconnu, en janvier, qu'on devrait travailler au-delà de 60 ans.

Mme Bariza Khiari.  - C'est déjà le cas !

M. Gérard Longuet.  - Si d'aventure le suffrage universel vous donnait une majorité, vous devriez faire ce que nous faisons : tirer les conséquences de ces justes analyses. C'est l'honneur de notre majorité d'avoir eu le courage de répondre de façon constante et continue aux exigences du système par répartition, que tuerait votre conservatisme.

L'UMP tient à poser des questions sur notre société. Ce n'est pas parce que des gouvernements ont, par manque de courage, créé des situations difficiles, qu'il ne faut pas aborder les problèmes. Il y a celui de l'inégalité que subissent les femmes. La solution ne relève pas du seul régime des retraites. C'est du côté des salaires, de la parité, de l'organisation de la vie professionnelle et familiale qu'il faut regarder.

Ce n'est pas au régime des retraites de régler les problèmes de pénibilité, qui se sont posés bien avant la retraite !

Fonction publique et régime général, la question doit être posée. Leur sécurité a longtemps été le seul atout des fonctionnaires, qui acceptaient pour cela un salaire moindre.

Ce débat est constant. Monsieur le ministre, vous proposez aujourd'hui de franchir une étape décisive mais nombre de problèmes devront être réglés en amont de la retraite. Il faut une vision globale, sans charger un système qui ne peut répondre de ce que nous n'aurons pas su faire par exemple pour les handicapés.

Monsieur About, la réforme systémique n'est pas à l'ordre du jour mais la réflexion est indispensable. Nous devons assurer sur le long terme un équilibre qui tienne compte du libre arbitre de nos compatriotes.

L'âge viendra, c'est une évidence. A nous, parlementaires, de le rappeler aux jeunes qui peuvent l'oublier !

Nous avons besoin d'un véritable régime universel unifiant des régimes trop divers. Allons vers une vraie répartition. Aujourd'hui, notre système est présenté comme de répartition mais il est fondé sur une logique de capitalisation !

Tout système collectif est bienvenu mais chacun est aussi responsable de son avenir. Nous avons le devoir d'éveiller nos compatriotes à cette exigence : mieux vaut réfléchir avant que de demander à la collectivité d'assumer les problèmes que nous n'aurons pas su résoudre comme citoyens. (Applaudissements nourris à droite)

La séance est suspendue à 19 h 35.

présidence de M. Jean-Léonce Dupont,vice-président

La séance reprend à 21 h 45.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Personne ne peut nier la réalité des chiffres ! Le déséquilibre financier est insoutenable : il faut une réforme, mais dans l'équité. Pour les femmes, rien n'est moins sûr.

Depuis 2003, les écarts considérables persistent et cette loi risque de les aggraver. Les inégalités salariales sont fortes ; la différence est encore plus marquée pour les femmes cadres. Dès 2006, notre groupe a souhaité instaurer des sanctions pour les entreprises qui ne réduiraient pas l'écart salarial. Le morcellement de la vie professionnelle des femmes leur nuit considérablement. En moyenne trois ans et trois mois, contre un an pour les hommes. Pour elles, passer de 65 à 67 ans est profondément injuste : elles travaillent plus pour gagner moins. (On le confirme à gauche)

L'équilibre intergénérationnel et l'équité entre les sexes devraient figurer à l'article premier. Il faudrait également comparer le temps partiel qui est un temps subi, prendre en compte les congés pour s'occuper d'un enfant handicapé ou d'un parent dépendant.

Un système par point serait plus équilibré, plus équitable. Les femmes y gagneraient. Il y a l'allongement de la durée de la vie certes, mais aussi des changements sociétaux considérables qu'il faut prendre en compte. Un nombre croissant de femmes vivent seules. Plusieurs de nos voisins européens ont exploré des pistes pour tenir compte de l'évolution des conditions de vie. Il aurait aussi fallu s'interroger sur les pensions de réversion.

J'ai demandé, il y a quelques jours, que nous ayons un débat sur l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. J'ai cru comprendre que la porte est ouverte. Le groupe centriste sera attentif au sort réservé à ses amendements. (Applaudissements au centre)

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Vous avez dit, monsieur le ministre, que cette réforme était une première mondiale ! Rien que ça... C'est présomptueux et inexact : d'autres pays avant nous se sont penchés sur la question des retraites. Le gouvernement Jospin s'en est également préoccupé. Quant à la générosité des mesures proposées, elles ne concernent que 30 000 personnes, alors que deux millions de Français ont des conditions de travail pénibles.

Selon le Président de la République, il n'y aurait plus de métier pénible en France ! (Exclamations à gauche) Allez donc le demander aux ouvriers de la voirie, aux ouvriers à la chaîne, aux ouvriers du BTP, aux caissières ou aux marins pêcheurs ! Il avait également dit, il y a deux ans, que quand il y a des grèves, cela ne se voit plus.

M. Guy Fischer.  - Scandaleux !

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Cécité ou cynisme ?

M. Guy Fischer.  - Les deux !

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Aujourd'hui, il en va de même avec les grèves que le Gouvernement feint de ne pas voir.

Si l'espérance de vie s'est allongée, les différences sont grandes entre les catégories sociales ! La qualité de vie sans incapacité est également bien différente...

Prendre en compte la pénibilité du travail est donc essentiel. Mais vous restez dans une logique individuelle. Derrière le brouillard des mots, ne serions-nous pas en présence d'un détournement de la législation actuelle, sur les AT-MP ? Le dispositif prévoit des progressions mais rien pour les maladies à effet différé. Tout est fait pour faciliter la vie des employeurs, mais pas celle des salariés !

Et ce n'est pas la réforme de la médecine du travail prévue ici qui va arranger les choses ! Personne n'est dupe : chacun a compris que la combinaison de ces deux réformes n'a qu'un seul objectif : permettre au patronat de limiter au maximum les départs anticipés.

Un mot d'abord sur la méthode. Introduire une réforme de la médecine du travail par amendements dans le projet de loi sur les retraites, c'est couper l'herbe sous le pied des partenaires sociaux et réduire considérablement la portée de cette réforme.

Je sais gré à notre rapporteur, Dominique Leclerc, d'avoir essayé de clarifier le texte adopté par l'Assemblée nationale mais cela ne change pas l'équilibre d'une réforme qui ne fait que reprendre l'ensemble des dispositions du « protocole d'accord sur la modernisation de la médecine du travail » que le Medef a tenté, sans succès, d'imposer aux organisations syndicales il y a un an. C'est pour cela que cette réforme fait l'unanimité contre elle.

Une réforme est nécessaire, mais pas celle-là. Nous vous proposerons donc un certain nombre d'amendements pour améliorer le sort des salariés. (Applaudissements à gauche)

M. Gilbert Barbier.  - Nous sommes à la croisée des chemins : le système des retraites accuse des déficits croissants. Certes, la crise a eu un impact non négligeable mais les recettes ne sont pas suffisantes pour payer les pensions.

Nous ne pouvons rester sans réagir, sauf à emprunter sans limites ou à accepter une baisse des pensions.

La réforme Fillon de 2003 aurait dû régler le problème jusqu'en 2012, mais la crise est passée par là... Le texte du Gouvernement est nécessaire. C'est une question de responsabilité, d'équité et d'efficacité. Les marges de manoeuvre sont étroites. Une augmentation des cotisations aurait été mal vécue.

Certains veulent taxer les riches. Il est prévu d'augmenter la dernière tranche de l'impôt sur le revenu ; peut-être pourrait-on aller plus loin, notamment en touchant au bouclier fiscal... Mais ces nouvelles recettes seront-elles suffisantes ? J'en doute.

Restait l'augmentation de l'âge des retraites. Certains de nos voisins l'ont repoussé à 65, voire 67 ans. Le but est-il de se mettre à la retraite le plus rapidement possible ? Ne serait-ce pas de rendre les fins de carrières plus attrayantes ?

Il faudra prévoir le cas de ceux qui sont usés prématurément. Cette réforme doit être l'occasion de corriger diverses inégalités.

II faut d'abord poursuivre l'effort entamé avec la réforme de 2003 et la réforme des régimes spéciaux en favorisant la convergence entre les différents régimes de retraite : les Français doivent savoir que les mêmes règles s'appliquent à tous. Les femmes ayant des pensions bien inférieures à celles des hommes, le report de 65 à 67 ans les affectera particulièrement. Il faut donc maintenir le taux plein à 65 ans pour les femmes ayant élevé trois enfants.

Cette réforme est nécessaire et courageuse. Pour autant, je crois que nous ne pourrons faire l'économie à l'avenir d'un débat sur d'autres sources de financement, et plus encore d'une réflexion sur les fondements de notre système de retraites à la française. Le lien exclusif entre travail-cotisations-prestations est-il toujours pertinent ? Veut-on une retraite servie à tous financée par la Nation ? Auquel cas on peut imaginer un système à plusieurs étages avec une retraite minimum, une retraite par répartition et une retraite par capitalisation. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Isabelle Pasquet.  - Pour paraphraser le slogan utilisé le 26 août 1970 par le Mouvement de Libération des Femmes devant la tombe du soldat inconnu, il y a encore plus précaire que le salarié : la salariée ! Les salaires versés aux femmes sont inférieurs de 25 % à ceux des hommes. Les femmes sont en outre cinq fois plus souvent à temps partiel que les hommes. Selon l'Observatoire des inégalités, 10 % des écarts de rémunération demeurent inexpliqués : il s'agit d'une pure discrimination.

Pourquoi ne pas avoir prévu une sanction financière ? Aujourd'hui, 67 % des bénéficiaires du minimum vieillesse sont des femmes. Seules les pensions de réversion leur permettent de vivre dignement. Les inégalités sont inacceptables et vont s'amplifier avec la crise. Les femmes touchent une pension moitié moindre que les hommes : 745 euros mensuels.

Que répondez-vous à ces femmes, monsieur le ministre ? Que les retraites ne sont pas le lieu pour compenser les inégalités. Autrement dit, vous ne leur apportez aucune réponse, les laissant vivre avec des pensions notoirement inférieures au seuil de pauvreté.

Ne vous en déplaise, les inégalités ne vont pas s'atténuer d'elles-mêmes ! Ce projet est tellement injuste que même la Halde le qualifie de discriminatoire.

M. Roland Courteau.  - C'est tout dire !

Mme Isabelle Pasquet.  - Il faut donc retirer ce projet de loi. (Applaudissements à gauche)

M. Jean Bizet.  - La construction européenne est au coeur de la politique nationale. Il faut donc replacer la gestion des retraites dans ce contexte.

Désormais, la France se définit avant tout comme un État membre de l'Union européenne, avec une économie immergée dans un marché unique et avec une monnaie qu'elle partage avec seize autres pays membres.

Jacques Delors définissait l'Europe par un triptyque : « compétition, corporatisme et solidarité ». On ne peut faire abstraction de cette compétition. Certes, la compétition est encadrée mais la convergence sociale ne pourra précéder la convergence économique. Dès lors que nos entreprises évoluent dans un marché unique, notre politique sociale ne peut s'écarter de ce que font nos partenaires. Nous avons fait cavalier seul avec les 35 heures et perdu des parts de marché au profit de l'Allemagne. (On le conteste sur les bancs socialistes) On ne peut augmenter seuls nos prélèvements sociaux. Tous nos partenaires font face au même problème et, pour la plupart, ils ont augmenté l'âge de la retraite. En Allemagne, l'âge va passer à 66 ans ; au Royaume-Uni, l'âge légal va être unifié à 65 ans, puis porté à 68 ans d'ici vingt cinq ans. En Espagne, il sera relevé au-delà de 65 ans. Seule l'Italie a un régime préférable au nôtre, mais elle consacre 15 % de son PIB à ses pensions. Ou bien nous nous rapprochons de nos partenaires, ou bien nous laissons notre compétitivité se détériorer. Ce projet de loi fait le bon choix : il ne faut pas déséquilibrer le couple franco-allemand.

Pour faire face à la crise, nous avons mutualisé nos dettes publiques. A cette mutualisation des risques correspond nécessairement une surveillance mutuelle, qui s'est traduite, pour la France, par des engagements précis. Si nous ne respectons pas ces engagements, non seulement nous perdrons notre crédibilité mais nous provoquerons une crise de confiance : regardez la situation de l'Espagne ! La dette cumulée de notre pays, au 30 juin dernier, s'établit à 1 592 milliards d'euros, soit 83 % du PIB ; le service de la dette représente 55 milliards d'euros par an, avec une augmentation de 10 milliards d'euros à prévoir entre 2011 et 2013. Que deviendrait notre dette si notre note était dégradée ?

Nous ne parviendrons pas à respecter nos engagements sans ce projet de loi. Faire le choix de cette réforme, c'est faire le choix pour l'Europe, c'est faire le choix de l'Europe. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe.  - Il fallait réformer notre système de retraite. L'élaboration de cette réforme et certaines de ses modalités sont cependant problématiques. Vous n'avez pas souhaité négocier avec les partenaires sociaux, monsieur le ministre. (On renchérit à gauche) Le Parlement est à présent amené à faire entendre sa voix. Son honneur est en cause. Si aucune marge de négociation ne lui est accordée, il ne sert plus à rien ! (Mêmes mouvements) L'heure est d'autant plus à la négociation que nous abordons cette réforme avec modération et réalisme.

Seul l'équilibre entre cotisations et pensions garantira la pérennité de la répartition. Des mesures d'âge s'imposaient donc : nous sommes favorables au passage progressif à 62 ans. La Cades assurera la gestion du déficit de 2010 à 2018. Les ressources nouvelles qui lui sont affectées ne sont cependant pas assez dynamiques. Difficile de croire que le taux de chômage sera de 4,5 % dans huit ans, comme vous le prévoyez !

Nous ne ferons pas l'économie, à moyen terme, d'une réforme systémique. (On le confirme sur les bancs socialistes) Mon groupe réclame depuis 2003 le remplacement de l'annuité par le point ou les comptes notionnels, seul moyen de réaliser l'égalité des Français devant la retraite par un système simple.

Il nous faut fixer dès aujourd'hui un nouvel horizon et tenter de réduire les injustices. Ce texte est grandement perfectible : le passage à 67 ans va lourdement pénaliser les plus fragiles des Français, notamment les femmes. (« Très bien ! » sur les bancs socialistes) Si cette mesure est inéquitable et si elle ne se justifie pas économiquement, il faut immédiatement revenir dessus.

Nous devons progresser aussi en matière de pénibilité. Certes, le texte la prend en compte pour les travailleurs atteints d'une incapacité d'au moins 10 %. Mais cette mesure est insuffisante : nous devons prendre en compte la pénibilité à effet différé. Si tel n'est pas le cas, la réforme de la santé au travail n'a rien à voir dans ce texte. Ce serait un cavalier. (M. Jean-Pierre Godefroy applaudit)

Il faudra également avancer sur les polypensionnés et la question des carrières longues.

Tout en saluant l'excellence du travail du rapporteur, nous espérons que l'esprit de ce débat sera celui d'un partenariat constructif. (Applaudissements au centre et sur quelques bancs à gauche)

Mme Raymonde Le Texier.  - La réforme des retraites serait la seule réponse à l'allongement de la durée de la vie. Mais c'est faire l'impasse sur le plein emploi. Avec un jeune sur quatre au chômage, la productivité française repose sur les 24-55 ans.

La question de l'emploi est donc primordiale. (On le confirme à gauche) En France, la situation est tendue aux deux bouts de la pyramide des âges. L'emploi des jeunes se situe à un niveau très bas : 20 points de moins qu'en Allemagne et en Grande-Bretagne. La question de l'insertion sur le marché du travail concerne tous les jeunes, diplômés compris. Que fait le Gouvernement ?

Quand aux seniors, le taux d'emploi stagne autour de 38 %, loin derrière les pays scandinaves.

Là où, ailleurs, on est considéré comme actif, on est pris pour un improductif en France. (Applaudissements à gauche)

Quand une personne sur deux est au chômage au moment de prendre sa retraite, il est facile de repousser l'âge de la retraite pour gratter 1 ou 2 milliards, sur le dos des plus fragiles. En échange de la nécessité de travailler plus longtemps, on obtient la baisse des pensions. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes bancs)

Le simple fait de poser la question de l'augmentation des cotisations sociales, donc patronales, est tabou. Le Medef n'en veut pas. L'évaluation du coût de ce projet de loi pour l'Unedic a-t-elle été faite ?

Les pays qui ont réussi à réformer leur système de retraite, comme la Suède ou la Finlande, l'ont fait grâce au consensus de leurs concitoyens.

Son secret ? Avoir d'abord mis en place un plan quinquennal pour l'emploi des plus de 45 ans. C'est le succès d'une stratégie préventive, s'intéressant à tout le cycle de la vie au travail.

Vos ajustements comptables ne préservent même pas le système : ils ne font qu'en durcir les exigences sans en réduire les injustices. Construire un consensus est long et difficile, mais c'est offrir à une société un outil ; pour se repenser et choisir son avenir. C'est ce à quoi les socialistes se sont attelés. (Applaudissements à gauche))

Mme Gélita Hoarau.  - Malgré la mobilisation, le Gouvernement persiste dans une réforme injuste, supportée à 85 % par les salariés, qui pénalisera avant tout les jeunes et les femmes. Cette iniquité est criante à la Réunion, où le chômage structurel est massif. La moitié des moins de 25 ans sont chômeurs ; les autres sont souvent à temps partiel ou en CDD. Le coût de la vie y est 36 % plus élevé qu'en métropole et 52% de la population vit sous le seuil national de pauvreté.

Le système de retraite y est atypique : une personne âgée sur trois perçoit le minimum vieillesse, contre 5% en métropole ! Les disparités sont fortes : 1 845 euros pour un fonctionnaire, 580 dans le régime général ; 75 % des retraités agricoles perçoivent moins de 400 euros par mois.

M. Roland Courteau.  - C'est une honte !

Mme Gélita Hoarau.  - La population devrait atteindre le million d'ici 2030 : mais l'espérance de vie y est inférieure à ce qu'elle est en métropole.

Avec la réforme, l'immense majorité des Réunionnais se retrouvera sous le seuil de pauvreté. M. Baroin a d'ailleurs reconnu que la situation était trois fois plus grave à la Réunion qu'en métropole. C'est pourquoi nous demandons une commission d'enquête pour évaluer les effets de cette réforme pour les Réunionnais et plus généralement les populations d'outre-mer. (Applaudissements à gauche)

M. André Lardeux.  - Cette réforme s'impose. Le bon sens le commande, l'avenir l'exige, l'urgence le nécessite. Il aurait d'ailleurs fallu agir dès 1991. N'écoutons pas les marchands de poudre de perlimpinpin... (Exclamations à gauche) Même Raoul Castro vient de porter la retraite à 65 ans ! (Mêmes mouvements) Maintenir la retraite à 60 ans imposerait, soit d'augmenter les cotisations, soit de réduire les pensions, plus probablement les deux. Il faut réformer, rendre notre système plus compréhensible et plus juste. L'heure n'est plus à la procrastination.

En 1945, la retraite était à 65 ans et un Français sur deux n'en bénéficiaient pas. Les choses ont changé. Je voterai ce texte pour préserver notre système par répartition. Le maintenir à 60 ans serait une arme de spoliation massive des générations futures.

Quelques regrets, toutefois. N'en déplaise à ceux qui orchestrent le tohu-bohu, (exclamations à gauche) preuve de notre immaturité démocratique, le passage à 62 ans ne va pas très loin : il faudra passer un jour à 67 ans.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - A 80 ans !

M. André Lardeux.  - C'est toute la question de l'emploi des seniors, dont le taux est très insuffisant -ce qui n'empêche pas un taux de chômage élevé chez les jeunes. Sur la pénibilité, le Gouvernement semble être allé aussi loin que possible, sauf à réintroduire les préretraites. Espérons que ce dispositif ne constituera pas un appel d'air !

Les Français sont mécontents de leurs conditions de travail, qui ne sont pas si mauvaises que cela.

Répondre à la question des retraites des femmes, en attendant l'égalité salariale, ne doit pas se faire sur les dos des avantages familiaux.

La crise de l'État providence est devant nous. Je suis convaincu que nous n'échapperons pas à une réforme systémique, par points, sur le modèle allemand ou suédois ; la seule question est de savoir s'il faudra la faire d'un seul coup ou progressivement. Dans cette attente, je voterai tout de même ce texte. (Applaudissements à droite)

Mme Gisèle Printz.  - Les femmes sont les grandes perdantes de cette réforme. A la télévision, dans les cortèges, elles s'insurgent contre l'injustice dont elles sont victimes. Elles doivent être traitées dignement.

Elles ne sont que 41 % à avoir une retraite complète contre 85 % des hommes ; quatre sur dix perçoivent moins de 600 euros par mois, contre un homme sur dix ; elles touchent des pensions bien inférieures, parce qu'elles occupent souvent des emplois à temps partiel et sont moins rémunérées. En charge des enfants et faute de structure d'accueil adaptées, elles doivent souvent interrompre leur carrière. A l'heure de la retraite, elles se trouvent ainsi sanctionnées une nouvelle fois. Nombre d'entre elles doivent choisir entre payer la facture de gaz, les soins ou deux repas par jour !

Le Gouvernement allonge cette période de précarité, faisant fi des femmes qui devront travailler jusqu'à 67 ans sur une chaîne de montage ou dans une exploitation agricole. Seront-elles encore performante à cet âge ?

M. Roland Courteau.  - Bonne question !

Mme Gisèle Printz.  - Les fonctionnaires ayant quinze ans de service et mères de trois enfants voient leur avantage disparaître ; nombreuses sont celles qui m'ont saisie et ne comprennent pas le mépris du Gouvernement. (Exclamations à droite)

M. Jean-Marc Todeschini.  - C'est la réalité !

Mme Gisèle Printz.  - La Délégation aux droits des femmes a fait onze recommandations ; elle prône le maintien à 65 ans sans décote pour les femmes ayant interrompu leur carrière pour élever un enfant ou soigner un parent, ainsi que le calcul de la pension sur 100 trimestres. Nous souhaitons aller encore plus loin avec nos amendements.

Après avoir joué l'autruche, le Gouvernement laisse espérer de timides ouvertures, notamment sur la sanction des entreprises qui ne respecteraient pas l'égalité salariale. Pourquoi ne pas avoir appliqué la loi Roudy ?

Quelle formidable occasion gâchée : nous n'approuverons pas ce projet de loi injuste et inefficace. (Applaudissements à gauche)

M. Alain Milon.  - Véritable Graal récompensant un parcours de vie, la retraite devrait compenser les inégalités et les vicissitudes des parcours professionnels... C'est cette approche affective, irrationnelle qui explique que toute tentative pour la réformer devient douloureuse et explosive.

La nécessité de rééquilibrer le système n'est pas une découverte : la lecture du Livre blanc de M. Rocard, de 1990, est instructive. Il a fallu attendre 1993, avec le gouvernement Balladur, pour que des mesures concrètes soient prises. Aujourd'hui, monsieur le ministre, vous avez le courage politique de nous soumettre une réforme globale.

Mais, sans dramatiser, il faut entendre les inquiétudes de nos concitoyens, notamment des plus fragiles d'entre eux. Je suis favorable au report de l'âge légal mais il est des situations qui méritent une attention particulière ; je plaide pour une sorte de discrimination positive temporaire.

Les femmes méritent une retraite décente, d'autant qu'elles vivent plus longtemps. Les mesures sur l'égalité salariale sont importantes mais l'équité serait déjà un premier pas. Il faut rééquilibrer avant d'égaliser.

Les jeunes sont frappés d'une double, voire d'une triple peine. Bien peu auront une carrière sans interruption. Ils devront se constituer une retraite de compensation, donc cotiser deux fois. Les inévitables périodes de formation seront-elles prises en compte ? La situation des jeunes dépasse le cadre de la réforme mais doit faire l'objet d'une réflexion avec les partenaires sociaux.

La situation des travailleurs handicapés et des parents d'enfants handicapés appelle une nécessaire solidarité. Leur accorder un départ anticipé à taux plein serait une mesure d'équité.

Cette seule réforme n'apportera pas toutes les réponses. Si son bien-fondé est largement admis, elle soulève des questions légitimes. C'est notre modèle social, voire sociétal, qui est en cause : il s'agit bien de la capacité à s'intégrer dans la société. (Applaudissements à droite)

M. Jean Desessard.  - Trois millions de Français dans la rue samedi dernier, l'opposition de toutes les organisations syndicales et le Medef pour seul soutien : votre conception du dialogue social est bien étrange... Les manifestants savent ce dont ils parlent : de souffrance, d'injustice, du gouffre qui sépare les plus riches des plus pauvres. Ils savent que votre réforme est injuste et subodorent qu'elle sera inefficace. Je pense, moi, qu'elle est un contresens historique.

Nous ne sommes plus dans les années 60. Il ne suffit plus de le vouloir pour trouver un travail ; la croissance n'est plus ce qu'elle était ; vous surestimez, dans vos prévisions financières, l'amélioration de la situation économique, comme l'a d'ailleurs noté le rapporteur pour avis de la commission des finances. Toute réforme doit s'appuyer sur des bases réalistes.

Parlons emploi. Vous voulez faire travailler les seniors deux ans de plus, mais 45 % d'entre eux sont au chômage entre 55 et 65 ans : comment trouveraient-ils du travail à 60 ans quand ils n'en trouvent pas à 55 ans ! (Applaudissements à gauche) Pourquoi ne pas mettre les mesures annoncées en oeuvre pour les chômeurs d'aujourd'hui ? Idem pour les jeunes ! Voilà qui apporterait des milliards d'euros de cotisations ! Mais comme les seniors ne retrouveront pas d'emploi, vos calculs économiques sont faux ; les pensions diminueront !

Il faut remédier aux retraites misérables, au développement de la précarité, aux inégalités entre hommes et femmes. Que proposez-vous contre les retraites chapeau, le cumul entre retraites et hauts salaires ? (« Rien ! » sur plusieurs bancs à gauche)

Quelle sera notre société en 2050 ? Notre économie ? La part du travail dans la création de richesses ? Il faut changer de logiciel ! (On estime, sur les bancs socialistes, qu'il faut aussi changer les ministres) L'activité humaine dépendra de notre capacité à limiter les pollutions, à préserver les ressources, à penser autrement production et consommation -pourquoi pas à envisager de travailler moins pour travailler tous. La réforme de 2003 devait régler les choses, mais il y a eu la crise : voilà le paramètre imprévu ! Monsieur le ministre, comment comptez-vous éviter de nouvelles crises ? Quelle politique le Gouvernement entend-il mener pour protéger nos concitoyens des prédateurs financiers et autres détenteurs de capitaux flottants ?

Où est l'ambition ? Où est le progrès social ? Le débat sur les retraites n'est pas que technique : il touche à notre vision de la société de demain. Les millions de manifestants vous demandent de respecter l'humain. CPE, remise en cause du droit de grève, autorisation du travail dominical : le Gouvernement veut des salariés corvéables à l'économie du profit maximum. Ce projet est une catastrophe sociale, qui va aggraver les conditions de vie de nos concitoyens. (« Bravo ! » et vifs applaudissements à gauche)

M. Christian Poncelet.  - Déjà déficitaire en 2006, les régimes de retraite ont vu leurs ressources s'effondrer avec la crise. Pour préserver notre système de répartition, issu de la Résistance, la réforme s'impose d'urgence. Au législateur d'y apporter les aménagements et compléments nécessaires -le temps presse- et de garantir une mise en oeuvre juste, sans brutalité.

L'espérance de vie s'entend pour une personne en bonne santé. Or, il existe des inégalités selon les catégories professionnelles, voire au sein de celles-ci, qu'il faut prendre en compte.

L'exception démographique française en Europe -un taux de fécondité de 2,1 enfants par femme- est une richesse. Raison de plus pour examiner le cas des mères de famille ayant élevé trois enfants. Actuellement, une femme retraitée, mère de quatre enfants, perçoit en moyenne 627 euros par mois, contre 818 euros pour une mère de deux enfants et 1 122 euros pour celle sans enfant. Nous vous demandons donc, messieurs les ministres, de préserver le départ à 65 ans sans décote pour ces femmes. C'est une demande juste et légitime. Une réponse du Gouvernement en ce sens serait à son honneur et susciterait la fierté du Sénat. (Applaudissements à droite, au centre et sur divers bancs socialistes)

M. Jean-Etienne Antoinette.  - A des milliers de kilomètres de la métropole, le taux de chômage explose, les prix dépendent d'un système de comptoirs d'un autre âge, les femmes, souvent matriarches, sont condamnées à des retraites de misère. C'est pourquoi je suis opposé à ce recul de l'âge de la retraite.

L'outre-mer, une fois de plus, est victime de discrimination. Comment aborder sérieusement une réforme des retraites sans traiter des prix, de l'emploi, des revenus, du développement économique, de l'insertion des jeunes ? On peut ainsi arriver à des mesures parfaitement inéquitables au nom de l'égalité !

Deux écueils sont à éviter, l'inertie et l'arbitraire. L'inertie s'est manifestée en matière d'observation des prix ; on attend encore les décrets de la dernière loi sur le sujet. L'arbitraire, en matière de retraite des fonctionnaires d'État, n'est plus à démontrer. L'État règle ses comptes avec lui-même mais oublie le secteur privé, les agriculteurs, les mères de famille.

Le revenu supplémentaire temporaire d'activité (RSTA) peine à remplir sa fonction compensatrice. Quant aux fonctionnaires retraités, ils voient leurs revenus fondre. Existe-t-il un prix spécial « retraités locaux » dans les supermarchés ?

Contrairement à ce qui avait été prévu, le Gouvernement n'envisagerait pas d'alternative à l'IRT. Que vaut sa parole ? Les 3 millions d'ultramarins veulent être traités comme des Français à part entière ; leur seul tort est d'habiter loin de Paris. Osons la vérité des chiffres ! Je ne voterai pas ce texte, inéquitable pour les ultramarins. (Applaudissements à gauche)

M. Jacques Blanc.  - Cette réforme est-elle juste ? (« Non ! » à gauche) C'est une chance de vivre plus longtemps : si on veut préserver la retraite par répartition, la réforme est nécessaire, nul ne peut en douter.

Le Sénat va proposer des avancées sociales. D'abord sur la pénibilité, en renforçant le rôle de la médecine du travail (exclamations à gauche) afin d'améliorer, demain, les conditions de travail. C'est un acquis positif.

Ensuite, sur les personnes handicapées. Les travailleurs handicapés en établissements ou services d'aide par le travail (ESAT) sont-ils bien visés par l'amendement de la commission ? Ils méritent s'être pris en compte. Levons toute ambigüité.

Enfin, sur les femmes, le Sénat s'honorerait de permettre une meilleure prise en compte de la situation des mères de famille.

Loin de reculer, nous avançons, dans un dossier difficile, qui n'a jamais été traité que par les gouvernements Balladur ou Raffarin...

J'attends que l'on traite aujourd'hui de ces problèmes dans la sérénité et demain, après les annonces du Président de la République, de celui de la dépendance, avec le cinquième risque. Nous serons fiers d'avoir sauvé le système par répartition. Voilà l'action de la majorité ! (Applaudissements à droite)

M. Yves Daudigny.  - Vous n'entendez rien. Ne sentez-vous pas la colère monter dans les rues de France contre cette injustice ? Une réforme de cette importance, qui touche à l'espérance et à la qualité de vie, doit d'abord, dans le contexte actuel, être acceptée. Or votre projet est rejeté parce qu'il n'est pas crédible, parce qu'il est injuste, parce qu'il repose sur une équation financière impossible. Le financement de l'équilibre à l'horizon 2018 ressemble à une opération de maquillage. Les 18,6 milliards attendus des seules mesures d'âge reposent sur des hypothèses irréalistes. Pour remédier aux écarts prévisibles, il est déjà prévu de prendre plus à l'Unedic pour donner à la Cnav ! Une croissance inférieure à 2 % ne permettra pas de créer d'emplois.

Entre l'âge moyen de départ et l'âge de liquidation, il y a deux années passées aujourd'hui en invalidité, au chômage ou au RSA ; vous en ajoutez deux autres à la charge soit de l'assurance maladie, soit de l'Unedic, soit des conseils généraux. Ce transfert coûtera entre 440 et 530 millions d'euros.

La grande majorité des salariés ne pourront travailler jusqu'à 67 ans, faute d'emplois, ni ne le voudront au regard de la dégradation des conditions de travail.

Le financement « d'équilibre » ne résiste pas à l'examen. En outre, vous allez faire main basse sur le fonds de réserve des retraites qui ne devrait être utilisé qu'à partir de 2020. Cette décision est irresponsable. Prêtez l'oreille aux parlementaires de votre majorité qui s'opposent à ce siphonage. Rendez aux Français les 100 milliards d'allégements de charges que vous avez offerts aux entreprises et aux plus riches. (Applaudissements à gauche) Cessez de tailler dans les dépenses, demandez un effort justement réparti entre les revenus du capital et les salaires.

On peut trouver 80 milliards, de façon pérenne et équilibrée. Une politique alternative est possible et nous en ferons la démonstration. Une retraite universelle et choisie est possible. Il faut aller à rebours de votre projet comptable de régression sociale.

Le choix d'un nouveau contrat social, nous le mettrons en oeuvre pour la France. (Applaudissements à gauche)

M. Soibahadine Ibrahim Ramadani.  - Cette réforme est indispensable car le problème de l'équilibre du système de retraite est posé.

La France a choisi la retraite par répartition : les actifs payent les retraites d'aujourd'hui. Or, le nombre de retraités passera à 15 millions en 2010 et à 23 millions en 2025 alors que la population active amorce une tendance à la baisse.

Il y a trente ans, il y avait trois actifs pour un retraité. Aujourd'hui, il n'y en a plus que deux. Il reste à choisir les voies et moyens pour rétablir l'équilibre. Le Gouvernement a choisi de relever l'âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans. Ce projet de loi tient compte de la pénibilité et des carrières longues. Il améliore les conditions de travail des jeunes et des seniors et rapproche le public du privé. Votre texte peut néanmoins encore être amélioré sur divers points.

Votre texte s'appliquera à l'outre-mer. Il y a donc lieu de s'interroger sur son application à Mayotte. Qu'en est-il pour les salariés du public et du privé qui continuent à cotiser dans des caisses spécifiques ? Enfin, les agriculteurs de Mayotte demandent des mesures transitoires, comme dans les DOM. Sous le bénéfice de ces observations je voterai le projet. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Paul Virapoullé.  - Je veux porter un témoignage : j'étais jeune député en 1991 lorsque M. Rocard, alors Premier ministre, proposait la création de la CSG. Mon groupe de l'UC m'avait conseillé de voter la censure, mais j'ai toujours été un homme libre. Je considérais que cette réforme ne devait pas être traitée de façon politicienne. Il serait bien, dans ce pays, qu'on prenne conscience des réalités. Nous avons été quatre à ne pas voter la censure. « Rocard, DOM-TOM, République bananière ! » disaient certains. Après trente ans, qui songerait encore à remettre en cause la CSG ?

Cette réforme est de la même veine. Il ne faut pas être frileux. (Applaudissements à droite) Le monde évolue plus rapidement qu'on ne le croit. Qui peut prétendre que la Chine, le Brésil, l'Inde sont encore des pays émergents ? Paralyser le pays, c'est jouer contre la France, favoriser les délocalisations quand la France se vide de son sang industriel ! (Applaudissements à droite) Nous avons besoin de cohésion nationale ! Ce que j'ai fait hier, je le ferai aujourd'hui.

Le Président de la République à été à New York, aux Nations unies, pour plaider la cause de la taxe Tobin. Il appelle à un nouvel ordre économique mondial. Au lieu de faire le procès d'un homme qui met les mains dans le cambouis, je préfère, en votant cette réforme, lui apporter mon soutien. En menant un combat partisan, on appauvrit la France ! Écoutez nos amendements : ce texte est perfectible, perfectionnons-le ensemble. Demain, d'autres réformes viendront et j'espère que ce nouvel ordre économique permettra de prendre sur le capital pour financer la solidarité. (Applaudissements à droite)

M. Jean-François Mayet.  - La question des retraites est très actuelle dans tous les pays développés qui ont la chance d'avoir un tel système. Il faut sortir de l'idéologie pour considérer l'économie. Faire croire qu'une autre solution est possible serait malhonnête.

M. Roland Courteau.  - Ça vous va bien !

M. Jean-François Mayet.  - L'Allemagne a réformé ses retraites : elle l'a fait sans excès, tranquillement. En France, nous avons fait une grossière erreur en ramenant l'âge de la retraite à 60 ans sans contrepartie financière. Pourtant, l'évolution de la pyramide des âges se dessinait et la durée de la vie commençait à s'allonger : il aurait fallu être plus prudent. (On s'étonne à gauche)

Il est impensable de faire croire aux Français qu'on peut prendre aux riches. Je voterai cette réforme courageuse qui honore le Gouvernement, mais suffira-t-elle ? Cela dépend de la justesse des projections. Nos voisins vont plus loin et plus vite.

Nous devons faire de la France un pays de propriétaires pour éviter que les pensions ne servent à payer en grande partie les loyers. Pourquoi le taux de propriétaires est-il plus important dans les pays à faible pourvoir d'achat ? Jusque dans les années 50, les plus modestes chez nous étaient souvent propriétaires.

J'ai déposé une proposition de résolution pour favoriser l'accession à la propriété : il faut aider les Français à acheter leur logement. C'est un soutien essentiel au pouvoir d'achat des retraités. (Applaudissements à droite)

M. Éric Woerth, ministre.  - (Applaudissements à droite) Plusieurs d'entre vous sont revenus sur l'augmentation de l'âge de la retraite, mais j'observe un rapprochement sur les 62 ans. (On le conteste à gauche) L'âge du taux plein, c'est bien 62 ans !

M. Bizet a inscrit à juste titre cette réforme dans un contexte européen. Il faut effectivement regarder ce qui se passe à l'étranger. M. Virapoullé a une vision très large. En Allemagne, l'âge de la retraite va être porté de 65 à 67 ans à taux plein. Si nous avions fait de même, vous crieriez au scandale : la décote en Allemagne va de 7,7 % à 14 %.

Notre objectif est trop ambitieux, à dit M. Plancade. Quatre mois par an, c'est effectivement rapide.

M. Guy Fischer.  - Brutal !

M. Éric Woerth, ministre.  - Cela nous permettra d'être en équilibre en 2018. (On le conteste à gauche) Nous avons un rendez-vous à cette date. Il faut dédramatiser ce type de débat. Les retraites, c'est le miroir de l'espérance de vie, et tout évolue, bien évidemment.

Non, les autres pays ne lient pas le droit à la retraite à l'incapacité. La retraite n'est pas une prestation sociale, une réparation, mais un droit que l'on acquiert. Sur le sujet de la pénibilité, à gauche, vous êtes sur la défensive. Cela vous gêne-t-il que nous ayons inscrit un droit nouveau pour les salariés ?

Vous pourriez au moins admettre que c'est bien. Pour faire évoluer ce droit, il faut un comité scientifique pour travailler sur la pénibilité. Sur la question du travail, nous aurons un débat, mais ne soyez pas ainsi caricatural : la médecine du travail doit être adaptée. Si vous abordez ce sujet de la sorte, vous n'êtes pas au niveau ! (Exclamations sur les bancs socialistes)

Le Président de la République s'est engagé à réformer l'ensemble des systèmes de retraite. On ne peut être opposé aux transferts entre les régimes et être favorable à un régime universel.

Pour ce qui est du transfert du chômage vers la vieillesse, monsieur Vasselle, nous avons pris l'hypothèse moyenne du COR, ce qui est prudent. Le projet socialiste prend l'hypothèse la plus optimiste... En ce qui concerne les actualisations que nous vous avons transmises, monsieur Jégou, elles nous ont permis de constater quelques déficits en hausse, ce qui nous conforte dans l'impérieuse nécessité de la réforme. En 2018, les régimes seront néanmoins équilibrés.

Monsieur Vanlerenberghe, le passage de 65 à 67 ans représente 3,6 milliards en 2020, et 7 milliards en 2025, soit un tiers de la réforme. On enregistre les économies de suite, dès que l'on reporte le départ de quatre mois. Les personnes qui vont partir à la retraite en 2015 seront entrées sur le marché du travail plus tard. Nous devrons peut-être bouger sur ce point. Nous prendrons bien en compte la situation des femmes pénalisées dans leur carrière. (Applaudissements sur divers bancs à droite)

La question de la retraite des femmes a été abordée par divers orateurs. Mais il faut donner une vision exacte : les femmes qui liquident à 65 ans sont 25 %, et non 30 % comme certains l'ont prétendu. En outre, elles ne sont pas toutes en retraite à cet âge là. Ouvrières, agricultrices et infirmières partiront bien avant ! En moyenne, les personnes qui liquident à 65 ans se sont arrêtées vingt ans avant. Et pourquoi le parti socialiste n'a-t-il rien fait quand il était au pouvoir ? Vous avez pris le temps de créer le COR et le FRR mais n'avez rien fait sur le champ pour les femmes ! (Exclamations sur les bancs socialistes ; applaudissements à droite)

Vous décriez notre projet mais ne faites aucune proposition. (On le conteste vivement à gauche) Pour la première fois, nous créons des sanctions financières pour les entreprises qui ne respectent pas l'égalité entre les femmes et les hommes. (Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs)

Mme Christiane Demontès.  - On en reparlera !

M. Éric Woerth, ministre.  - Mme Panis a fait des propositions au nom de la Délégation aux droits des femmes. Je ne suis pas sûr que le calcul sur les 100 meilleurs trimestres ne pénalisent pas certains salariés, comme les saisonniers.

Cette réforme permet de renforcer la solidarité et de mieux prendre en compte la pénibilité. Le parti socialiste devient le premier défenseur de la réforme Fillon. Pourquoi ne pas l'avoir votée à l'époque ? Vous dites que les « carrières longues » sont formidables. Votez donc nos mesures !

Lorsque vous avez voté la retraite à 60 ans, cela ne vous dérangeait pas qu'un ouvrier puisse cotiser 46 ans ! (Applaudissements à droite) Sur la pénibilité différée, il faut des études scientifiques précises pour éviter toute injustice. Nous devons continuer à travailler sur cette question.

Les travailleurs handicapés qui travaillent en ESAT sont bien concernés, monsieur Jacques Blanc.

Nous avons revalorisé le minimum vieillesse de 25 % ! Il reste fixé à 65 ans.

Enfin, monsieur Fischer, je ne suis pas d'accord avec vous : le taux de cotisation du privé n'est pas celui que vous avez cité ; aux 6,75 % du régime de base s'ajoutent les 3 % de l'Arcco et les 0,8 % de l'Agirc. Nous voulons rapprocher le taux du secteur public et celui du privé.

Enfin, MM. Vasselle et About ont évoqué la création d'un régime universel. C'est un débat important. Le système par points comporte aussi bien des désavantages. Changer de système ne résout de toute façon pas la question du financement. (Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales, le reconnaît)

Enfin, nous sommes très attentifs à ce qui se dit dans la rue. Mais faut-il ne rien faire ? Le parti socialiste ne propose aucune réforme des retraites. Votre solution n'est que fiscale. (Exclamations à gauche) Vous dites qu'il n'y a pas eu de négociations. Les partenaires sociaux n'en voulaient pas puisqu'ils refusaient de toucher à l'âge de la retraite. Mme Aubry a failli évoluer, puis elle s'est rétractée. Dès lors, il n'y avait plus de négociation possible mais nous avons discuté avec les organisations syndicales de tous les autres sujets, nous les avons écoutés et le projet a évolué à leur écoute.

Merci pour ce débat. (Applaudissements à droite)

M. Georges Tron, secrétaire d'État.  - En ce qui concerne la fonction publique, je veux donner quelques éclaircissements. M. Jégou a parlé des régimes spéciaux et des catégories actives. Nous n'avons pas figé ces dernières mais prévu les évolutions statutaires possibles, comme pour les infirmières qui disposent d'un droit d'option. Sont considérées comme actives les catégories non transposables dans le privé, comme les métiers de policier ou de gardien de prison.

La réforme de 2007 sur les régimes spéciaux se met progressivement en place. Nous n'avons pas voulu de télescopage avec cette nouvelle réforme qui s'appliquera à eux en 2016.

J'indique à M. Vasselle que, rapporté au montant de la subvention d'équilibre versée par l'État au régime des fonctionnaires, l'effort de financement représente 12 milliards sur dix ans.

Le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, c'est 120 000 fonctionnaires qui n'ont pas été remplacés ces trois dernières années, soit une économie de 1,2 milliard par an.

Le pouvoir d'achat de la fonction publique s'est amélioré ces dernières années, monsieur Fischer : nous sommes plus généreux que la Cour des comptes qui nous invite aujourd'hui même à geler le traitement des fonctionnaires jusqu'en 2013. Je ne vous rappelle pas qui la préside !

M. Guy Fischer.  - C'est ce que vous allez faire ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État.  - Non, puisque nous allons augmenter de 0,5 % le traitement des fonctionnaires.

M. Guy Fischer.  - Vous le ferez l'année prochaine.

M. Georges Tron, secrétaire d'État.  - Pour les polypensionnés, monsieur Vanlerenbergue, le Gouvernement a déposé un amendement à l'Assemblée nationale pour traiter de cette question. La durée de quinze ans a été réduite à deux ans, ce qui à la fois rendra le régime plus attractif mais évitera l'emploi de 350 agents pour le gérer et des surcotisations aux pensionnés..

Mme Printz m'a interrogé sur les femmes ayant trois enfants et quinze ans d'ancienneté. Le sujet est complexe : ce dispositif incite les femmes fonctionnaires à partir plus tôt à la retraite, ce qui minore leur pension. C'est l'inverse qu'il faut faire. D'ailleurs, la Commission européenne a demandé à la France de corriger ce système, qu'elle juge inéquitable.

En 2003, une condition supplémentaire a été introduite : la femme, ou l'homme, devait avoir arrêté de travailler au moins deux mois. Nous proposons un système transitoire qui devrait emporter l'approbation de Bruxelles. A partir du 1er janvier 2012, le système prévu dans le projet de loi entrera en vigueur.

Deux exceptions sont faites pour les salariés qui ont dépassé 60 ans et ceux qui sont à cinq ans de l'âge légal de départ.

M. Longuet a rappelé la spécificité de la retraite des fonctionnaires. Celle des marins date en effet de Louis XIV ! Nous faisons converger les régimes, mais en tenant compte de la spécificité des services publics ! (Applaudissements à droite)

La discussion générale est close.

Mme Muguette Dini, président de la commission des affaires sociales.  - Pour une meilleure lisibilité, je demande le report après l'article 33 de tous les amendements portant article additionnel.

M. Guy Fischer.  - C'est mépriser l'initiative parlementaire !

La réserve, acceptée par le Gouvernement, est de droit.

Exception d'irrecevabilité

M. le président.  - Motion n°55, présentée par M. Cazeau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites (n°734, 2009-2010).

M. Bernard Cazeau.  - Le peuple de France attend beaucoup du Sénat, il attend une véritable justice. Cette réforme ne passe pas car elle est en rupture avec les principes de notre pacte social : rupture d'égalité entre citoyens, au détriment des femmes et des travailleurs aux carrières pénibles ; rupture de l'équilibre du financement.

Le Préambule de 1946 reconnaît pourtant à la femme des droits égaux à ceux de l'homme. La Nation garantit à tous, notamment aux vieux travailleurs, la sécurité matérielle et des moyens convenables d'existence. Nous en sommes loin, nous en serons encore plus loin ! Point de progressivité fiscale dans votre texte, en violation de la Déclaration des droits de l'homme. Votre projet s'expose donc à l'irrecevabilité.

En quinze ans, quatre textes sur les retraites ont promis l'équilibre des comptes. Or, le déficit de la branche vieillesse atteint 9 milliards. Vous jouez cette fois sur les mesures d'âge. Cette réforme technocratique va engendrer une déroute aussi bien financière que sociale !

Loin de l'imagination nécessaire, nous n'avons qu'un rafistolage... (M. Jean Desessart applaudit) Quel cynisme : tant pis pour ceux qui voient leur date de départ brutalement reculée ! Prétendre qu'il s'agit de préserver les revenus des personnes âgées est un argument mensonger : personne ne travaillera jusqu'à 65 ans. Les entreprises ne le voudront pas ! Les travailleurs seront obligés d'attendre dans des conditions inacceptables, à commencer par les plus défavorisés, comme les jeunes, les chômeurs âgés ou les femmes, dont la situation est déjà intolérable. A propos, qu'est devenue la promesse du candidat Sarkozy de réaliser l'égalité salariale en 2010 ?

Il faut accepter de renoncer à reporter la borne des 65 ans, accepter de répondre à la situation des salariés affectés à des tâches pénibles. Pirouette bien malhabile que de réduire la pénibilité au handicap ! Il est prouvé que les conditions de travail ont un impact sur l'espérance de vie. Oubliez les oukases de Mme Parisot, ouvrez les négociations, laissez partir les plus usés à 60 ans, sans examen médical obligatoire !

Rejetée par deux Français sur trois, cette réforme soulève la colère sociale. Voulez-vous en faire un outil pour remobiliser votre électorat ? Cette réforme est un renoncement, un chantier partiel et partial. Les Français ne s'y trompent pas : 77 % des 18-24 ans estiment que les choix du Gouvernement seront source d'injustice. Aux yeux de la jeunesse, vous conduisez la politique du désespoir. Pour nous, elle est bien irrecevable. (Applaudissements à gauche)

M. Dominique Leclerc, rapporteur.  - Aucun élément ne permet de douter de la constitutionnalité des dispositions du projet de loi. Celui-ci est conforme aux grands principes de 1946. Ne rien faire serait irresponsable pour les générations à venir. Avis défavorable.

M. Éric Woerth, ministre.  - La réforme est recevable : elle consolide le système par répartition.

Vous n'avez pas regardé les choses en face : jamais vous ne vous êtes attelés à une réforme des retraites ! (Exclamations à gauche) Création du COR, certes utile, FRR, certes, mais où est votre grande réforme ?

Ce ne sont pas les salariés qui payent mais tous les actifs. (Exclamations sur les mêmes bancs)

Loin d'un système de capitalisation, nous préservons le système par répartition : il est normal que la réforme repose essentiellement sur les actifs ! A coté de la répartition, il y a solidarité, mais aussi mise à contribution.

Réforme « comptable », dites-vous. Le grand mot est lâché ! Le déficit ne vous concerne peut-être pas... Il s'agit de sauvegarder notre système. Un système en déficit n'est pas durable ! Les futures générations n'ont pas à subir ces charges. La clé de la répartition, c'est la solidarité entre générations.

Augmenter les impôts, c'est créer du chômage, réduire le pouvoir d'achat ! (Exclamations à gauche) Vos 40 milliards sont de fausses recettes. Vous n'êtes pas à l'aise sur les retraites, et vous ne l'avez jamais été ! (Applaudissements à droite)

M. Bernard Vera.  - Le groupe CRC-SPG votera cette motion. (On s'en félicite sur les bancs socialistes) Votre réforme poursuit la politique antisociale que mène M. Sarkozy. Vous refusez de l'entendre mais cette réforme est inefficace et injuste. Vous osez prétendre créer un « nouveau droit social », après avoir interdit aux salariés jusqu'au repos du dimanche !

Il faut une sanction immédiate en majorant de 10 % les cotisations sociales des entreprises qui ne mettent pas en place l'égalité salariale. Vous devez supprimer les exonérations consenties aux employeurs pour sous-payer les salariés !

Vous évitez le débat sur le financement, vous avez court-circuité la négociation. Vous avez pourtant trouvé de l'argent pour les banques ! Aux millions de Français qui peinent pour boucler leurs fins de mois, vous demandez de sacrifier deux ans de leur vie...

Puisque vous n'entendez pas l'exigence d'une société plus juste, le groupe CRC se fait la voix de ceux qui jugent votre réforme irrecevable. (Applaudissements à gauche)

M. Claude Domeizel.  - M. le ministre n'a d'autre argument que l'attaque... Nous sommes mal à l'aise ? C'est vous qui l'êtes ! La gauche n'aurait rien fait ? Nous avons créé le COR, dont vous avez reconnu l'utilité ; nous avons aussi créé le FRR, que vous n'avez pas alimenté mais que vous décidez d'utiliser tout de suite !

Tous les progrès sociaux, tous, sont dus à la gauche. (Applaudissements à gauche) Tous les reculs sont l'oeuvre de la droite. (Applaudissements sur les mêmes bancs) Nous voterons évidemment cette motion. (Nouveaux applaudissements à gauche)

A la demande du groupe UMP, la motion d'irrecevabilité n°55 est mise aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 339
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l'adoption 153
Contre 186

Le Sénat n'a pas adopté.

Question préalable

M. le président.  - Motion n°497, présentée par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites.

Mme Annie David.  - (Applaudissements sur les bancs CRC) Le rassemblement de ce midi devant le Sénat ne fait que nous conforter dans nos positions : écoutez les manifestants, qui ne veulent pas de votre réforme.

Il n'y a pas lieu de débattre d'un texte injuste, brutal et inefficace.

Injuste car vous pénalisez les femmes et les jeunes tandis que le capital est à peine sollicité. 41,5 milliards d'euros de résultats nets pour un chiffre d'affaires de 631 milliards : manifestement, nos entreprises ont surmonté la crise !

Brutal car vous avez prévu une dégringolade du taux de remplacement de 16,5 % en huit ans.

Inefficace car il manquera encore 4 milliards à la Cnav en 2018.

Le problème est démographique, dites-vous. Vous devriez vous réjouir de l'augmentation de l'espérance de vie. C'est l'espérance d'une vie en bonne santé qui compte, or celle-ci se détériore ! Les progrès de la science ont aussi amélioré la productivité, qui doublera d'ici 2050. Où va la richesse produite ? Pas aux salariés, en tout cas !

Six salariés sur dix sont hors emploi à l'âge de la retraite : c'est le « consensus paradoxal » de Xavier Gaullier.

Enfin, notre taux de natalité est le meilleur d'Europe. Votre erreur stratégique est à l'image de la ligne Maginot : vous ne voyez pas la réalité. Vous n'avez pas répondu à nos propositions. Vous n'avez jamais envisagé d'autres ressources que les mesures d'âge. Jamais vous n'avez admis la responsabilité de notre système capitaliste. Vous préférez vous attaquer au monde du travail plutôt qu'au chômage, au bouclier fiscal ou aux exonérations.

A l'épouvantail de la démographie, vous ajoutez celui du déficit public, mais cela ne saurait nous duper : 10 % de la richesse créée sont détournés du travail vers le capital. C'est la place du travail, la répartition des richesses, la place des travailleurs face au capital qui sont en jeu.

« Je n'ai pas mandat de réformer la retraite » disait M. Sarkozy. En effet, c'est le programme du Medef que vous mettez ici en oeuvre, en préparant la retraite par capitalisation. La privatisation des retraites, quel beau marché pour vos amis, banques et assurances !

Il n'y a pas non plus lieu de débattre car la démocratie sociale a été bafouée. Le texte a été présenté sans négociation avec les partenaires sociaux ; des rencontres ont été organisées mais elles ne pouvaient porter que sur certains sujets, comme les polypensionnés, les carrières longues ou la pénibilité mais pas sur les conditions d'âge !

Vous ne pouvez vous contenter de faire le VRP du Medef, qui refuse la prise en compte de la pénibilité différée. C'est inadmissible. L'individualisation de l'invalidité n'est pas un progrès social.

Quant au cavalier sur la médecine du travail, il n'a pas davantage été concerté : encore une fois, les partenaires sociaux sont bafoués.

Injustice aussi dans les mesures concernant l'emploi : votre seule réponse à l'emploi des seniors est de nouvelles exonérations... Enfin, les jeunes sont les grands oubliés de cette réforme que les Français refusent.

Un gouvernement doit satisfaire l'intérêt général. Écoutez la colère qui monte ; sinon, elle risque de vous emporter ! (Applaudissements à gauche)

M. Dominique Leclerc, rapporteur.  - Sans ce projet de loi, le système de retraite par répartition disparaîtrait ! Le COR a montré ce qui se passerait si nous ne faisions rien ; la Meccs a mis en avant l'urgence de la réforme, tout en invitant à une réflexion de plus longue haleine. Nous allons progresser pour réduire les inégalités. Ce projet de loi est crucial pour préserver notre pacte générationnel aujourd'hui menacé. Il est urgent d'en débattre ! Avis défavorable.

M. Georges Tron, secrétaire d'État.  - Même avis. Comparé à nos voisins, nous avons de grandes marges de manoeuvre en matière de « brutalité ».

Le problème démographique devrait faire consensus : quatre actifs pour un retraité en 1960, bientôt un pour un. Lisez le rapport du COR. Nous nous réjouissons tous de l'augmentation de l'espérance de vie : c'est pourquoi il faut réformer !

Vous niez l'influence de la démographie, tout en demandant que l'on trouve d'autres recettes. C'est vous qui mettez en cause le système par répartition (exclamations à gauche) et c'est le Gouvernement qui le défend !

En tant que père de famille, je veux dire que nous faisons cette réforme avant tout pour la jeunesse. Ce serait plus facile politiquement de continuer à s'endetter sur les marchés !

Je suis très fier de présenter ce projet de loi, qui est un acte de courage et de responsabilité. (Applaudissements à droite)

Mme Christiane Demontès.  - Notre groupe votera cette motion. Les problèmes démographiques sont connus. Le FRR avait été créé pour y faire face, vous le siphonnez ! L'emploi des jeunes, des seniors ou des femmes, voilà le problème !

Vous dîtes défendre le système par répartition mais la part des salaires dans la richesse nationale a baissé de dix points en vingt ans : on ne peut se contenter de dire que les actifs vont payer pour les retraités !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Occupez-vous des actifs financiers !

Mme Christiane Demontès.  - Nous avons reçu les syndicats : ils demandent une vraie réflexion, pour une autre réforme.

M. Jack Ralite.  - Comme la majorité des Français, nous rejetons ce que vous appelez, par effraction à la langue, la réforme de la retraite.

Depuis des mois, vous managez la vie des femmes et des hommes pour les priver de leurs droits à la retraite dans les conditions et à l'âge conquis voici trente ans. Vous avez tout décidé en petit cénacle et limité votre démocratie -j'ai envie de dire votre démocrature- au « c'est à prendre ou à laisser ».

Vous avez blessé le travail législatif et renforcé l'omnipotence présidentielle pour mettre au point entre vous une politique canine des retraites ne respectant pas l'humain.

Vous avez même ajouté au texte la destruction programmée de la médecine du travail. Au milieu de tout cela, votre imagination contrainte n'a trouvé qu'un mot : pénibilité. Robert Castel pense qu'il y a des métiers qui méritent de partir à la retraite à 50 ans mais il a de la pénibilité une autre grille de lecture que la vôtre, une grille humaine. Votre grande affaire, c'est de mettre la main sur l'âme des salariés comme si elle était à acheter. Vous mettez le pays à l'envers. Ce n'est pas au maire de Chantilly que je demanderais une course hippique où les jockeys porteraient les chevaux !

Certains du cercle présidentiel, M. Copé en tête, avaient, dans l'affaire des suicides de France Telecom, lancé une étude sur la « souffrance au travail ». Aujourd'hui, vous préférez la notion de souffrance à celle de maladie, conformément à l'idée que s'en fait un Medef qui semble siéger au Gouvernement. Vous avez abandonné le bien commun et épousé le « bien servir » des compères du Fouquet's.

Un forestier de l'ONF disait qu'on lui avait appris un métier mais que ce qu'on lui demandait de faire allait contre la qualité de ce métier ; ils sont nombreux à souffrir de ne plus pouvoir assurer la qualité de leur travail. Il est question ici de leur fierté, de leur dignité ; et voici que vous vous attaquez à leur retraite. Le travail n'est pas un produit toxique, c'est de ne pas pouvoir le faire correctement qui l'est.

Le travail immatériel s'empare du travail humain et rêve de s'emparer d'une retraite privatisée, M. Longuet a été clair. Mais la retraite n'est pas un retrait de la vie. Comme l'a relevé Yves Clot, les travailleurs se reconnaissent de moins en moins dans ce qu'ils font, ce qui produit cette inflation de demandes de reconnaissance.

M. le président.  - Veuillez conclure !

M. Jack Ralite.  - Tout cela s'inscrit dans la stratégie de Mme Parisot, qui a dit un jour que la vie, l'amour, la santé étaient précaires. Pourquoi pas le travail ? Et pourquoi pas la retraite ? A la pensée décivilisatrice, à l'évitement et à la résignation, je préfère la colère de l'homme debout. Et s'il est un homme debout, c'est bien Primo Levi...

M. le président.  - Il faut conclure !

M. Jack Ralite.  - ...qui, dans La clé à molette, fait le lien entre bien-être et bien faire au travail.

Messieurs les ministres, n'oubliez pas que ceux qui se lèvent tôt, que vous voulez faire partir plus tard, peuvent retourner la situation ; et vous connaîtrez alors la pénibilité politique. Comme le dit Bernard Noël, nous vivons une faillite alors que nous devrions connaître une renaissance. Nous sommes au travail, laissez-nous travailler ! Nous voterons cette motion. (Applaudissements à gauche)

A la demande du groupe UMP, la motion n°497 est mise aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 339
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l'adoption 153
Contre 186

Le Sénat n'a pas adopté.

Renvoi en commission

M. le président.  - Motion n°316, présentée par MM. Collin, Alfonsi, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires sociales le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites (n°734, 2009-2010)

Mme Françoise Laborde.  - C'est bien parce qu'elle touche au pacte social et aux valeurs républicaines que cette réforme est porteuse d'enjeux majeurs. Faut-il renforcer la solidarité entre générations et sauver les retraites par répartition ? Oui, mais pas à n'importe quel prix, pas sur le dos des plus modestes.

Il convient donc de légiférer sur un texte plus ambitieux et plus solidaire, qui ne fasse pas la part aussi belle aux arguments comptables. L'opposition que cette réforme suscite prouve qu'elle est imposée, sans aucune concertation, au mépris de nos concitoyens. Le simulacre de concertation n'a trompé personne : le Président de la République avait promis de prendre le temps du dialogue ; il n'a pas été pris. Le texte a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale quatre mois après les propos présidentiels, à croire qu'il était déjà dans les cartons. Le Gouvernement a choisi le passage en force, confondu vitesse et précipitation -c'est la marque de fabrique de ce quinquennat.

Dans notre pays, on ne réforme pas contre mais avec les Français. Le système de retraite constitue le fondement de la solidarité intergénérationnelle et témoigne de la cohésion sociale du pays ; or cette cohésion est mise à mal par une politique qui oppose les Français les uns aux autres. Cette réforme méritait un consensus, encore fallait-il le vouloir... D'autres pays européens ont réformé leur système de retraite, mais après de très longues négociations.

Certes, il faut réformer notre système. Mais ne nous en tenons pas aux simples questions démographiques et économiques. Pourquoi ne pas prendre en compte les enjeux sociaux et humains ? La logique comptable nous prive de la grande réforme attendue par tous. La retraite constitue le juste retour d'une vie active consacrée à la consolidation de l'édifice social. Pourquoi ne pas envisager un système par points qui serait plus transparent et plus lisible, qui permettrait de prendre en compte périodes de formation et de bénévolat ?

Ce projet de loi est inéquitable car il fait porter les efforts sur les plus modestes et sur les femmes. Ces dernières en seront les premières victimes. Nous connaissons les chiffres qui traduisent les inégalités actuelles entre hommes et femmes, au travail comme à la retraite. C'est inacceptable. Les changements de mentalité sont lents : les femmes doivent souvent mettre leur profession entre parenthèses lorsqu'elles ont un enfant. En outre, le temps partiel est le plus souvent subi, et non choisi. Seule une discrimination positive permettrait de remédier à ces inégalités flagrantes.

En outre, la situation des Français les plus âgés s'est dégradée ces dernières années. La précarité des seniors est une triste réalité, dont un nombre croissant se tournent vers les banques alimentaires pour survivre. La réforme des retraites ne tient pas compte de cette population, c'est une grave erreur. Les associations caritatives, les conseils généraux devront contribuer encore plus. Mais n'est-ce pas le but recherché ?

Enfin, ce projet de loi confond pénibilité et invalidité. Nous avons déposé un amendement qui reprend l'excellente définition du COR. Le taux de 10 % ne permettra pas de prendre en compte certaines pathologies invalidantes. Et les moyennes sont trompeuses. Les espérances de vie ne sont pas les mêmes selon les catégories socioprofessionnelles, et encore moins l'espérance de vie en bonne santé. De nombreuses maladies se déclarent une fois l'activité professionnelle interrompue.

Pour des raisons de fond comme de forme, afin de sauver notre système sans diviser les Français ni faire payer les plus modestes, nous vous proposons de voter cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements à gauche)

M. Dominique Leclerc, rapporteur.  - Dès janvier, la commission des affaires sociales s'est penchée sur la réforme des retraites et elle a publié un rapport en juin. En mai, elle s'est rendue en Allemagne et a produit un second rapport. Enfin, elle a procédé à des nombreuses auditions. Il n'est donc pas sérieux de demander le renvoi en commission.

M. Éric Woerth, ministre.  - Même avis.

A la demande du groupe UMP, la motion n°316 est mise aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 339
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l'adoption 153
Contre 186

Le Sénat n'a pas adopté.

Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 6 octobre 2010, à 14 h 30.

La séance est levée à 2 h 20.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du mercredi 6 octobre 2010

Séance publique

A 14 HEURES 30 ET LE SOIR

1. Nomination des 10 membres de la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l'évaluation interne.

2. Examen de la motion tendant à soumettre au référendum le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites (n°4, 2010-2011).

3. Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites (n°713, 2009-2010).

Rapport de M. Dominique Leclerc, fait au nom de la commission des affaires sociales (n°733, 2009-2010).

Texte de la commission (n°734, 2009-2010).

Avis de M. Jean-Jacques Jégou, fait au nom de la commission des finances (n°727, 2009-2010).

Rapport d'information de Mme Jacqueline Panis, fait au nom de la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (n°721, 2009-2010).