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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Mise au point au sujet d'un vote

Dépôt d'un rapport

Bioéthique (Suite)

Discussion des articles (Suite)

Article 13

Article 13 bis

Titre V

Article additionnel

Article 14

Article 15

Questions d'actualité

Maladie de Parkinson

M. Jean-Jacques Jégou

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Enseignements des élections cantonales

M. Jean-Pierre Bel

M. François Fillon, Premier ministre

Prix de l'énergie

Mme Odette Terrade

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce extérieur

Pouvoir d'achat

Mme Catherine Dumas

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce extérieur

Quels enseignements tirer de Fukushima ?

M. Jean-Marie Bockel

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement

Pauvreté

M. Martial Bourquin

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement

Côte-d'Ivoire

M. Laurent Béteille

M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants

Gaz de schiste

M. Jacques Blanc

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement

Fukushima et l'avenir du nucléaire

M. Alain Houpert

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement

Suppression de postes d'enseignants

M. Claude Bérit-Débat

Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative

Question prioritaire de constitutionnalité

Dépôt d'un rapport

Bioéthique (Suite)

Discussion des articles (Suite)

Article 19 A

Hommage à une délégation afghane

Bioéthique (Suite)

Discussion des articles (Suite)

Article 19 C

Articles additionnels

Article 19

Article additionnel

Article 20

Article 20 bis (Supprimé)

Article 20 ter

Article 21

Article 22

Article additionnel

Article 22 bis (Supprimé)

Article 22 ter

Articles additionnels

Article 23




SÉANCE

du jeudi 7 avril 2011

89e séance de la session ordinaire 2010-2011

présidence de M. Bernard Frimat,vice-président

Secrétaires : Mme Sylvie Desmarescaux, M. Marc Massion.

La séance est ouverte à 9 h 35.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Mise au point au sujet d'un vote

Mme Isabelle Debré.  - Lors du scrutin public sur les amendements nos126 rectifié bis, 1 rectifié quater et 135 rectifié à l'article 9, M. Raffarin a été porté votant contre alors qu'il souhaitait voter pour.

M. le président.  - Dont acte.

Dépôt d'un rapport

M. le président.  - M. le Premier ministre a transmis au Sénat le bilan 2007-2010 de l'expérimentation de la décentralisation des crédits consacrés à l'entretien et à la restauration des monuments historiques. Ce document a été transmis à la commission de la culture. Il sera disponible au bureau de la distribution.

Bioéthique (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la bioéthique.

Discussion des articles (Suite)

Article 13

M. Bernard Cazeau.  - Cet article vise à renforcer la composition de l'équipe délivrant les attestations d'IMG pour motifs liés à la santé de la mère. L'accompagnement psychologique des femmes est souvent négligé. Seuls 2 % des entretiens sont menés par des médecins ; encore ne sont-ils pas tous les plus qualifiés pour un tel accompagnement. La présence d'un psychiatre dans l'équipe pluridisciplinaire est nécessaire.

M. le président.  - Amendement n°21, présenté par M. Cazeau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2

1° Remplacer les mots :

quatre personnes

par les mots :

cinq personnes

2° Compléter cet alinéa par les mots :

un psychiatre,

M. Bernard Cazeau.  - Il est défendu.

M. Alain Milon, rapporteur de la commission des affaires sociales  - Un psychologue figure déjà parmi les quatre membres de l'équipe. Inutile d'y ajouter un psychiatre, qui sera en tout état de cause sollicité si la femme rencontre des difficultés d'ordre psychologique.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé.  - Même avis.

L'amendement n°21 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°64 rectifié, présenté par MM. Barbier, Collin, Baylet, Bockel et Detcheverry, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Mézard, Milhau, Tropeano et Vall.

I. - Alinéa 2

Remplacer les mots :

un praticien spécialiste

par les mots :

un médecin qualifié dans le traitement

II. - Alinéa 3

Remplacer les mots :

celui spécialiste

par les mots :

le médecin qualifié dans le traitement

M. Gilbert Barbier.  - Le texte prévoit un praticien « spécialiste » de l'affection dont la femme est atteinte : en médecine, le terme a un sens très précis ; mieux vaudrait prévoir un médecin « qualifié ».

M. Alain Milon, rapporteur.  - Sagesse. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - Je ne puis être favorable : un médecin spécialiste est nécessairement qualifié.

M. Bernard Cazeau.  - Par un biais sémantique subtil, M. Barbier rejoint mon précédent amendement. J'observe que le rapporteur y était défavorable, quand il émet sur celui-ci un avis de sagesse...

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°64 rectifié, mis aux voix par assis et levé, est adopté.

L'article 13, modifié, est adopté.

Article 13 bis

M. le président.  - Amendement n°22, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - « La femme se voit proposer un délai de réflexion d'une semaine » est-il écrit ; imaginer qu'une femme dans cette situation pourrait prendre une décision sans réfléchir témoigne d'un manque de respect à son égard. Même si cette disposition n'est pas contraignante, le législateur n'a pas à prévoir un mécanisme de cette sorte, dont la formulation est par ailleurs équivoque. Nous proposons sa suppression.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Un tel délai est apparu nécessaire à la commission. Défavorable.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - On n'impose pas, on propose. Il s'agit d'éviter les décisions prises sous le coup de l'émotion. Défavorable.

M. Jean-Pierre Michel.  - Je constate que l'on ne se contente pas de réviser la loi : on en profite pour s'opposer une nouvelle fois à la légalisation de l'avortement. C'est ignoble, scandaleux. On fait peser sur ces femmes une pression supplémentaire. Que leur propose-t-on ? « Encore un instant, monsieur le bourreau »... Je m'étonne que rapporteur et ministre acceptent un tel dispositif.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - A quoi bon écrire quelque chose qui va de soi ? Le délai minimal est celui que la femme voudra s'accorder. Je note que, dans le même temps, le médecin devra proposer une liste d'associations qui seront susceptibles d'intervenir dans la décision.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - Le délai est proposé dans la pratique. Il est normal de réfléchir à une décision d'une telle importance. Si la femme décide avant, sa volonté est respectée.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Ce n'est pas ce qui est écrit : « au moins une semaine ».

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - C'est une « proposition ».

M. Guy Fischer.  - Même si ce n'est qu'une proposition, celle-ci exerce une forme de pression sur la femme. Laissons-lui sa pleine et entière liberté.

M. Bernard Cazeau.  - L'article est inutile et dangereux. Inutile parce que, le plus souvent, les femmes prennent le temps de la réflexion ; dangereux si la femme est proche du délai limite.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Je rappelle au docteur Cazeau qu'il n'y a pas de limite de date dans l'IMG, à la différence de l'IVG.

L'amendement n°22 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°105, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Après le troisième alinéa du même article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La femme enceinte dispose, dès l'annonce du risque mentionné à l'alinéa précédent, de la possibilité de renoncer par écrit au délai d'une semaine qui lui est proposé. »

M. Guy Fischer.  - Le texte de l'Assemblée nationale prévoyait un délai obligatoire afin que la femme puisse faire un choix « éclairé ». Il a été modifié par notre commission pour, dit le rapporteur, donner davantage de souplesse au dispositif.

Nous considérons que la femme doit pouvoir renoncer au délai proposé. Le parcours du DPN comporte plusieurs étapes, au cours desquelles la femme a tout loisir de réfléchir au sort de sa grossesse. Le délai sera bienvenu pour certaines, inopportun pour d'autres.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Le médecin propose, il n'impose pas. La femme peut y renoncer. Inutile de le préciser. Défavorable.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - Même avis.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - J'insiste : pourquoi le médecin proposerait-il un délai ? Il lui suffit de dire à la femme qu'elle a tout le temps de prendre sa décision, comme cela est d'ailleurs le plus souvent la pratique.

Mme Raymonde Le Texier.  - On a vu, naguère, les sénateurs médecins vent debout à l'idée que les sages-femmes puissent proposer un contraceptif. Ce qui peut expliquer que l'on s'empoigne sur cet article inutile... Mais il est évident que le médecin, face à une femme dans cette situation, donnera tous les conseils utiles. Sinon, la première chose à faire serait de changer de médecin !

Ici, on a l'impression que les femmes sont traitées en mineures et qu'il faut prendre soin de les encadrer.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il y a en effet là quelque chose de louche. La femme « se voit proposer » un délai de réflexion : c'est une injonction faite au médecin. La femme reste libre, nous assure-t-on, mais il y a, en vérité, une obligation sous-jacente. Sortons de cette hypocrisie !

L'amendement n°105 n'est pas adopté.

L'article 13 bis est adopté.

Titre V

M. Alain Milon, rapporteur.  - On compte 50 000 enfants nés d'une insémination avec donneur. Chaque année, 1 200 enfants naissent par cette méthode, grâce à 750 donneurs.

La commission des affaires sociales a rétabli ce titre, supprimé par l'Assemblée nationale, en faisant le choix d'un régime de responsabilité éthique qui n'entraîne aucune responsabilité juridique.

L'égalité sera totale entre ceux qui pourront obtenir la levée de l'anonymat et les autres : les donneurs comme les parents auront été informés dès le départ, par une information systématique, à partir du 1er janvier 2013, la levée de l'anonymat prenant effet à la majorité des enfants nés après le 1er janvier 2014, soit en 2032.

Ce système est plus souple et plus sain que celui proposé initialement par le Gouvernement, qui prévoyait le consentement du donneur et aurait abouti à une rencontre, pas nécessairement souhaitable. Je suis convaincu que la levée de l'anonymat sur les caractéristiques du don suffira dans la plupart des cas.

Certains craignent que la levée de l'anonymat ne fasse chuter le nombre de dons. Mais en Grande-Bretagne, par exemple, c'est le profil des donneurs qui a changé avec elle -ils sont plus âgés, assumant pleinement la responsabilité du don-, pas la quantité des dons.

Ce qui importe, c'et de savoir que l'on n'est pas un simple produit de la science. Les Cecos réalisent aujourd'hui un travail de fond pour accompagner les parents. En Suède, contrairement à ce qu'on a prétendu, la levée de l'anonymat ne s'est pas traduite par une augmentation des secrets au sein des familles ; une étude publiée en janvier dernier montre même le contraire.

Le sujet de l'IAD est trop sensible pour que l'appariement des gamètes soit laissé à l'initiative de chaque équipe ; il faut un référentiel clair : c'est l'objet de l'article 18 ter. (Applaudissement sur divers bancs)

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales.  - Je demande la réserve sur l'amendement n°151 jusqu'après l'article 18 ter.

La réserve, acceptée par le Gouvernement, est de droit.

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°113 rectifié ter, présenté par M. Revet, Mme Des Esgaulx, M. Bécot, Mme Bruguière et MM. Bailly et Lardeux.

Avant l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Tout citoyen majeur qui ne dispose pas d'informations sur ses origines familiales peut avoir accès à tous documents lui permettant d'obtenir réponses à ses interrogations.

M. Charles Revet.  - Cet amendement va dans le sens de ce qui vient d'être dit mais a une portée plus large.

Un enfant qui ne connaît pas ses origines -né sous X, abandonné à la naissance, né des prouesses de la science- aura des difficultés à se construire. La construction de l'enfant : telle doit être la priorité. Le texte l'oublie un peu... Il est de notre responsabilité et de celle des parents de donner à l'enfant l'accès à ces origines.

M. Alain Milon, rapporteur.  - La commission a fait le choix d'une procédure encadrée, pour l'avenir, afin de ne pas remettre en cause les contrats passés. Cet amendement a une portée trop large. Retrait, sinon, avis défavorable. Quel est l'avis du rapporteur de la commission des lois ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis de la commission des lois.  - Le droit en vigueur permet déjà l'accès sous conditions à des informations sur les origines, par exemple pour les enfants dont la filiation n'a pas été établie pour l'un des parents. Mais ce que vous proposez, sans précision sur les modalités ou les exceptions éventuelles, serait source d'insécurité juridique : mon avis personnel est donc défavorable.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - Le texte initial autorisait l'enfant à accéder à l'identité du donneur, sous réserve du consentement de ce dernier. Les psychologues soulignent l'effet néfaste que peut avoir une conception radicale de l'anonymat et plusieurs pays européens ont permis sa levée.

L'Assemblée nationale a supprimé ce dispositif, invoquant le poids excessif donné au biologique, le risque d'inciter les couples à garder le secret et celui d'une baisse du nombre de donneurs. Votre commission des affaires sociales a réintroduit un dispositif plus encadré, qui ne s'applique qu'aux enfants à naître et ne requiert pas le consentement du donneur. Pour cette raison, je suis plutôt favorable à cet amendement.

M. Jean-Pierre Michel.  - Vous ne répondez pas à l'amendement, qui ne se limite pas à la procréation médicalement assistée : il concerne tous ceux qui ignorent tout ou partie de leurs origines. Les enfants adoptés ou nés sous X, devenus adultes, veulent savoir. Tout homme doit avoir accès à ses origines.

On nous objecte que la levée de l'anonymat sur le don de gamètes fera chuter les dons : cela ne me gène en rien ! Au contraire ! Il est d'autres solutions, comme l'adoption -qui mériterait d'être facilitée. Songez à tous les orphelins d'Haïti et d'ailleurs : ils ne demandent qu'à trouver une famille.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Je conviens avec notre rapporteur que la portée de l'amendement est trop large. Mais il était important que le sujet vienne en débat. C'est la raison pour laquelle j'ai cosigné l'amendement, que je ne voterai pas. Comment peut-on imposer à un être humain le secret sur ses origines ? Au nom de quoi viole-t-on ainsi sa liberté ?

Sur l'accès aux origines, rien ne va. On le voit dans nos permanences. Il faut en parler. J'ai vu comment on répond aux demandeurs, dans les conseils généraux, dans les Ddass ; mais dès que l'on arrive au niveau national, tout est bloqué. (Applaudissements sur divers bancs)

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - Il y a eu confusion : je croyais m'exprimer sur l'amendement de M. Barbier. Sur celui de M. Revet, mon avis est défavorable.

M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis.  - Je ne considère pas non plus, madame Des Esgaulx, que le système existant soit idéal ; j'ai seulement dit qu'il existait des procédures...

M. Alain Milon, rapporteur.  - Les conséquences de l'amendement de M. Revet serait, si nous l'adoptions, incalculables, ne serait-ce que pour la législation des archives : mieux vaudrait le retirer.

M. Charles Revet.  - Je regrette le peu de cas que l'on fait de l'enfant en cette affaire : c'est lui qui doit être au centre de nos réflexions.

J'ai entendu, monsieur le rapporteur, vos remarques. L'amendement peut être rectifié pour éviter de créer un dispositif rétroactif qui mettrait en difficulté les donneurs qui n'auraient pas souhaité la levée de l'anonymat.

M. le président.  - Ce sera l'amendement n°113 rectifié quater.

Avant l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Tout citoyen majeur né après l'application des dispositions de la présente loi qui ne dispose pas d'informations sur ses origines familiales peut avoir accès à tous documents lui permettant d'obtenir réponses à ses interrogations.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Je suis M. Revet, mais son amendement ne prévoit pas de procédure.

Tout être humain a le droit de connaître ses origines ! C'est une exigence qu'appellent les évolutions de la société. Nous ne sommes plus aux temps où l'on s'accommodait du secret au sein des familles. L'enfant a désormais des droits, dont celui de connaître ses origines ; les secrets de famille -qui finissent toujours par exploser, provoquant bien des dégâts- n'ont plus lieu d'être. On ne peu cacher à l'enfant un acte qui n'a rien de mineur. Que ce soit compliqué, c'est sûr.

Il y a deux catégories de gens, ceux qui ne veulent pas savoir et ceux qui veulent savoir. Pour ces derniers, c'est une quête irrépressible.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Après cela, il faut un minimum de procédure. Pour l'adoption, cela existe.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - L'amendement Revet nous fait anticiper le débat à venir. Je ne le voterai pas : les problèmes évoqués existent mais ne relèvent pas de cette loi, qui ne traite pas de l'adoption, par exemple.

Je ne partage pas le propos de mon collègue Michel, qui dit que l'adoption devrait faire disparaître ce don de gamètes. Ce sont des choses différentes.

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales.  - Une confusion s'est établie quand on a assimilé le don de gamètes à un don d'organes. Le donneur de gamètes sait ce qu'il fait -le Cecos s'assurant de sa santé mentale ! Le couple receveur sait aussi ce qu'il fait. Un seul ne fait que subir sans avoir rien à dire : l'enfant ainsi conçu.

Dans certains cas, il est impossible de lever l'anonymat de l'enfant adopté parce qu'on ne connaît pas le nom de la mère. En revanche, le nom du donneur de gamètes est forcément connu. Dans ces conditions, l'amendement prévoit une rupture de contrat qui n'est pas possible.

Mme Isabelle Debré.  - L'enfant n'a pas demandé à naître ainsi. Il n'a qu'un père, celui qui l'élève, pas celui qui a donné ses gamètes. Telle est ma position personnelle, à laquelle je suis très attachée.

Je suis hostile à une levée totale de l'anonymat mais si l'enfant a un problème médical, il doit pouvoir accéder à des données non identifiantes. Peut-être pourrions nous y revenir en deuxième lecture.

M. Christian Cointat.  - Très bien !

M. le président.  - L'amendement a été une nouvelle fois modifié.

Amendement n°113 rectifié quinquies, présenté par M. Revet, Mme Des Esgaulx, M. Bécot, Mme Bruguière et MM. Bailly et Lardeux.

Avant l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Tout citoyen majeur né après la date de publication de la présente loi qui ne dispose pas d'informations sur ses origines familiales peut avoir accès à tout document lui permettant d'obtenir réponse à ses interrogations.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - Philosophiquement, je partage tout à fait la position de M. Revet mais son amendement est trop large, et je regrette qu'il soit discuté avant l'article 14.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Le texte de la commission précise bien que le donneur doit donner son accord sur la levée possible de l'anonymat et, s'il ne le souhaite pas, il ne pourra être donneur. Il n'y a donc plus d'anonymat.

Je répète que cet amendement lève l'anonymat sur tout, et pas seulement sur le don de gamètes. C'est pourquoi la commission lui reste défavorable.

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales.  - Je souhaite la réserve de cet amendement après l'article 14. M. Revet n'y paraît pas hostile...

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement non plus, sauf si M. Revet retire son amendement...

M. Charles Revet.  - Absolument pas !

Acceptée par le Gouvernement, la réserve est de droit.

M. Bernard Cazeau.  - Je demande une suspension de séance.

La séance, suspendue à 10 h 45, reprend à 10 h 55.

Article 14

Mme Marie-Thérèse Hermange.  - L'insémination avec tiers donneur date de 1976, sans encadrement législatif jusqu'en 1994 où l'on a légiféré par analogie avec le don d'organes, anonyme. Reste toutefois une différence entre un don pour réparer la vie et un don pour donner la vie. Aujourd'hui, des enfants de 30 ans viennent au Cecos dire « Vous possédez le secret de ma naissance, donnez-le moi ! » Les directeurs de Cecos ont la toute puissance de leur refuser.

Il serait impudent, pour qui connaît père et mère, de nier que l'on doive pouvoir connaître son origine biologique. La société a fabriqué un mensonge pour accompagner un artifice médical.

Chaque année, entre 700 et 1 000 enfants viennent au monde par insémination avec donneur. La privation d'information est cruelle pour l'enfant. Je veux donc la levée de l'anonymat, conformément d'ailleurs à la Convention internationale des droits de l'enfant que l'amendement de M. Revet, très général, réécrit. Il est bon de l'avoir réservé. (Applaudissements sur divers bancs à droite et à gauche)

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - Le groupe socialiste est partagé sur ce sujet. Je voterai dans le sens de la commission. C'est aux enfants nés de l'AMP mais aussi aux parents qui ont accepté le lourd parcours que je dédie mon plaidoyer en faveur de la levée de l'anonymat.

De quel droit les médecins seraient-ils les seuls à détenir l'information sur la naissance d'enfants de la science ?

Que répondront Arthur ou Caroline quand le médecin leur demandera s'il y a des antécédents familiaux de telle maladie ?

Il est temps de sortir du déni sur lequel est construite la loi bioéthique française, qui reste marquée, comme l'a souligné la psychanalyste Geneviève Delaisi de Perceval, par la morale du ni vu ni connu, maxime traditionnelle de la paix de familles. Rendons justice à ceux qu'Irène Théry appelle les donneurs d'engendrement.

Le donneur est pensé comme possible rival, par crainte d'une fragilisation des parents. L'anonymat du donneur, c'est l'intérêt des parents contre celui des enfants.

La filiation est juridique et sociale avant d'être biologique mais en occultant totalement le lien génétique, on le mythifie.

Mme Marie-Thérèse Hermange.  - Très bien !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - A voir les dégâts causés de génération en génération par des secrets bien cadenassés, on comprend que toute parole sur l'origine est préférable au silence. Les enfants nés d'AMP ne veulent pas d'autres parents ; certains d'entre eux veulent juste mettre un visage sur leur géniteur. Le donneur doit être conçu comme celui à qui le jeune adulte et ses parents peuvent dire merci.

M. Bernard Cazeau.  - Je m'exprimerai à titre personnel.

La filiation n'est ni exclusivement biologique ni exclusivement affective et sociale ; elle est un peu des deux. On ne peut être exclusif. Il y a les parents et l'enfant, et aussi le donneur, qui doit être respecté.

Ce sont les nés « sous X » qui ont lancé cette recherche des origines. Par où l'on voit que la société est en pleine évolution.

Rien de pire qu'une famille où tous partagent un secret, à la seule exception de l'enfant concerné !

La meilleure position, à mon sens, est celle de Mme Bachelot (Mme Isabelle Debré le confirme), qui ouvre des possibilités : connaître les données non identifiantes peut déjà satisfaire beaucoup d'enfants concernés ; connaître l'identité si le donneur en est d'accord.

Je regretterais que nous soyons pris en étau entre des positions exclusives. Je m'abstiendrai donc.

M. Charles Revet.  - Ce projet de loi touche, pour l'essentiel, à la génétique et à la procréation. La recherche scientifique a produit des résultats considérables pour la vie humaine et sa conception même. Il nous appartient de déterminer les limites à ne pas franchir. Si tout doit être fait pour aider les couples en souffrance, nous devons mettre l'enfant au coeur de notre préoccupation.

Tous ici, nous connaissons des personnes qui ignorent leur origine : elles n'ont de cesse de la connaître. C'est légitime.

Tôt ou tard, l'enfant apprendra les difficultés qu'ont eues ses parents pour le concevoir. Avons-nous le droit de lui donner la possibilité de naître en lui refusant celui de connaître ses origines ?

M. Jean-Pierre Michel.  - Très bien !

M. Charles Revet.  - C'est peut-être nécessaire pour combattre certaines maladies. Sans doute devrons-nous revenir sur la question de l'adoption, qui devrait être simplifiée.

Le développement de la science permet d'espérer le meilleur mais fait aussi redouter le pire. C'est à nous de déterminer jusqu'où il est responsable d'accepter les manipulations génétiques. Tout ne peut pas être autorisé.

Mme Bernadette Dupont.  - Très bien !

M. Guy Fischer.  - Cet article suscite des débats à l'intérieur de chaque groupe. La majorité du nôtre votera la rédaction proposée, même si elle nous satisfait moins que la rédaction initiale.

Il faut distinguer le temps du don de celui de la démarche de connaissance du donneur. La levée de l'anonymat fera-t-elle diminuer le nombre des donneurs ? Les exemples anglais et suédois semblent montrer que non, du moins à terme.

La démarche de recherche de l'origine par les enfants nés d'un don est assimilée par certains à celle des enfants adoptés ; d'autres la jugent tout à fait différente. Nous n'avons pas les moyens de trancher.

Il y a fort à parier que le nombre d'enfants engageant une telle démarche sera très faible car la plupart d'entre eux considèrent d'abord leur parenté affective et sociale. (Mme Isabelle Debré approuve) En Suède, un seul cas a été recensé. Nous voterons cet article.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Oui, il y a des secrets de famille, plus ou moins assumés mais toujours très lourds à porter. C'est très différent de ce qui nous est demandé aujourd'hui : si nous ne levons pas l'anonymat, c'est la société qui imposerait des secrets de famille. Comment l'admettre ?

Pourquoi vouloir absolument que le nombre de dons ne diminue pas ? Donner une hérédité, on doit l'assumer ! Comment priver ces enfants de leur histoire ?

M. Jean-Louis Lorrain.  - Le médecin doit savoir prendre une distanciation par rapport à son rêve de toute puissance. La fécondation est une fonction biologique... Il est vrai qu'il y a beaucoup de secrets dans les familles ; ils en sont constitutifs.

Notre débat est très français. Le prêt-à-penser n'est pas ma tasse de thé.

Il y a des demandes, venues de gens en souffrance sur leur origine. Elles ont des causes et des formes multiples, ne l'oublions pas. Lever l'anonymat changera la donne du don, en introduisant de nouveaux partenaires : l'homme stérile, les enfants du donneur. La réflexion devra évoluer vers un partenariat, accepté et pas imposé.

Ce débat pose aussi la question de la place de la femme dans la société. Les gamètes, ce sont aussi des ovocytes.

Le droit pose des limites et des règles ; le droit de l'enfant, oui, mais la parentalité ? Il risque d'y avoir des conflits de droit, en particulier avec les familles d'accueil. L'intérêt qui doit prévaloir est celui de l'être humain, dans sa globalité.

M. le président.  - Amendement n°48 rectifié, présenté par MM. Barbier, Collin, Baylet et Bockel, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Mézard, Milhau, Tropeano et Vall.

Supprimer cet article.

M. Gilbert Barbier.  - Il faut considérer, sur cette question, quel est le véritable intérêt de l'enfant. Que lui apporte la levée de l'anonymat ? Les dons n'ont pas baissé en Grande-Bretagne ? Rien ne dit que ce serait également le cas en France.

On légifère ici pour 500 cas par an seulement et, en réalité, sur une centaine de demandes, en instituant un mécanisme complexe de connaissance non identifiante. On peut être pour ou contre la levée de l'anonymat mais toute situation intermédiaire me paraît périlleuse.

Et selon que le donneur aura accepté ou non la levée de l'anonymat, la réponse, pour l'enfant, serait positive ou négative ?

Se pose également le problème des donneuses d'ovocytes, évoqué par M. Lorrain, fort complexe. D'où ma demande de suppression.

M. le président.  - Amendement identique n°74 rectifié ter, présenté par MM. Godefroy et Mirassou, Mme Printz, MM. Kerdraon et Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, M. C. Gautier, Mme Tasca, MM. Lagauche, Botrel, Yung et Frimat, Mme Campion, MM. Madec et Courteau, Mme Schillinger, MM. Sueur, Guillaume, Mazuir, Hervé, Berthou, Marc et Chastan, Mmes Klès et Laurent-Perrigot et MM. Badinter, Carrère, Todeschini et Rebsamen.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - La levée de l'anonymat est discutable au plan éthique et contreproductive au plan pratique. On sait bien que la part du biologique n'est que relative dans la formation de l'individu : la levée de l'anonymat remettrait en cause la part sociale et affective de la filiation.

Au reste, aucun enfant conçu naturellement ne peut connaître la vérité exacte sur sa conception. Il reste un mystère irréductible quant à l'origine, qu'il ne nous appartient pas de lever.

En Suède, les parents demandeurs se tournent vers des banques de spermes leur garantissant l'anonymat. On peut craindre de voir se développer, en légiférant, un « tourisme de la conception » qui pourrait déboucher sur une forme d'eugénisme par la sélection à la carte. Les enquêtes montrent que 27 % des couples renonceraient à un don dont l'anonymat pourrait être levé.

Bref, la levée de l'anonymat présente, y compris pour l'enfant, plus d'inconvénients que d'avantages : c'est pourquoi les signataires de l'amendement demandent la suppression de l'article.

M. le président.  - Amendement identique n°116 rectifié, présenté par MM. Lefèvre, Lecerf, Guerry et Couderc, Mmes G. Gautier et Henneron, MM. J. Gautier, Buffet et Beaumont et Mmes Bruguière, Sittler et Debré.

Mme Isabelle Debré.  - J'ai dit que l'enfant n'avait qu'un père, ce qui ne signifie pas qu'il n'ait pas aussi un géniteur et je ne suis pas hostile à un mécanisme qui permettrait une levée partielle de l'anonymat, sur des données essentielles pour l'enfant. La navette devrait le permettre. Je m'exprime ici à titre personnel car le groupe UMP n'est pas unanime.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Ces amendements sont contraires à la position de la commission.

M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis.  - La commission des lois avait proposé le maintien de l'anonymat : elle est donc favorable à ces amendements de suppression.

Le droit à la connaissance des origines est ambigu : les traités internationaux parlent plutôt du droit de connaître ses parents, ou de l'obligation -pour les autorités- de conserver toutes les origines de l'enfant, le mot étant à prendre au sens filiatif.

Pour le CCNE, les gamètes ne sont pas des parents. Ne « biologisons » pas la famille.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement est favorable à la suppression de l'article.

Il avait, à l'Assemblée nationale, entendu les arguments de la commission spéciale. Je comprends qu'un enfant veuille accéder à la vérité de ses origines mais si cela doit altérer le mode de conception de l'enfant, je ne puis y souscrire.

M. Richard Yung.  - On fait souvent le parallélisme avec l'adoption. Elle a longtemps été soumise au secret, avant que l'on ne se rende compte que ce n'était pas une bonne chose et que l'on ne modifie la loi.

Mais les débats m'ont fait changer de position et je suivrai M. Godefroy. Comme je ne pense pas que la nationalité tienne au sang, je ne crois pas que le biologique fasse l'homme.

Mme Debré évoquait un système de levée de l'anonymat non identifiant. Ne serait-ce pas pire pour les intéressés que de ne leur délivrer qu'une part de l'information à laquelle ils désirent accéder ?

Et le donneur ? Le voyez-vous ouvrir sa porte et trouver devant lui un enfant qui lui dise « Bonjour papa » ?

Pour toutes ces raisons, je voterai les amendements.

Mme Marie-Thérèse Hermange.  - Au CCNE, nous avons réfléchi longuement, monsieur Buffet, avant d'élaborer un texte : vous vous y référez sans en marquer l'équilibre.

Vous visez le critère biologique ? Mais c'est oublier qu'au sein du Cecos, le directeur a la charge d'apparier les caractéristiques du donneur à celles du couple receveur, y compris parfois sur des bases raciales, ne nous le cachons pas.

M. Charles Gautier.  - Je suis signataire de l'amendement de suppression. Le don de gamètes est anonyme dans notre législation : la levée de l'anonymat ne peut tenir qu'à des exigences thérapeutiques.

Aux Pays-Bas ou en Suède, l'anonymat a été levé pour que l'enfant devenu adulte puisse reconstituer une part manquante de son histoire. Mais n'est-ce pas faire lever, chez cet individu, de faux espoirs ? Le donneur lui a donné des gamètes, pas son histoire, laquelle lui vient de ses parents. Ce sont ses premiers pas, ses premières émotions, ses premières erreurs, ses premières amours qui constituent son histoire, pas un spermatozoïde.

L'argument médical, cependant, est recevable. Mais il faut trouver une formule afin que la personne puisse disposer d'un dossier de « traçabilité ».

Méfions-nous du terrorisme de la transparence ! C'est un faux modernisme dont les inconvénients surpassent largement les avantages attendus. Et songeons aux donneurs, à qui l'on viendra demander des comptes des années plus tard !

L'anonymat ne doit pas être levé : c'est une exigence éthique. (Applaudissements sur divers bancs)

M. Christian Cointat.  - Ce débat dépasse les clivages politiques ordinaires : il touche à notre conception de la vie. Je voterai la suppression, mais sans être pleinement satisfait. Il faut distinguer entre histoire et identité. Connaître son histoire n'est pas connaître l'identité du géniteur. « Bonjour papa ? », comme l'a dit Richard Yung, ce n'est pas possible. Autre chose est de pouvoir disposer d'informations de caractère médical et la navette devrait peut-être pouvoir permettre de trouver une solution.

Attention à la transparence ! Demain, c'est le donneur qui pourrait vouloir savoir ce que sont devenus ses gamètes. Lui permettra-t-on de frapper à une porte pour dire « Bonjour, mon fils » ? (Applaudissements sur divers bancs ; exclamations sur d'autres)

Mme Raymonde Le Texier.  - Je suis attachée à la non-marchandisation du corps et suis pleinement attentive aux problèmes que peut susciter la levée de l'anonymat. Mais j'estime que personne ne peut décider pour autrui de ce qui constitue son histoire. Ceux qui ignorent leur origine ont ceci de commun qu'ils éprouvent le besoin de savoir d'où ils viennent. Pourquoi leur interdire l'accès à l'identité du donneur ? Au nom de quelle crainte refuse-t-on d'ouvrir la porte ? Ce que souhaitent ces jeunes gens, c'est seulement d'avoir accès à la pièce manquante du puzzle. Je pense à cette jeune fille qui me disait se demander, chaque fois qu'elle croisait dans la rue un quadragénaire blond aux yeux bleus, si c'était à lui qu'elle devait sa blondeur et ses yeux bleus.

Pour toutes ces raisons, je ne voterai pas l'amendement de suppression.

M. Dominique de Legge.  - Il faut en revenir aux fondamentaux, c'est-à-dire les conventions internationales, et notamment la Convention des droits de l'enfant que la France a signée. On ne peut invoquer la convention d'Oviedo et considérer que l'accès aux origines serait un droit à géométrie variable.

Ce secret de famille, que beaucoup ont évoqué, est fait pour protéger. Qui veut-on ici protéger ? Je ne suis pas sûr que ce soit l'enfant. Est-ce la famille ? Le géniteur ?

Il est incontestable que la paternité comporte une dimension biologique et une dimension sociale. Mais prévoir un accès partiel aux origines, ce serait traiter l'enfant comme un bien de consommation courante, dont on n'exigerait que la « traçabilité ». Tel n'est pas le cas : le don de gamètes n'est pas un don comme les autres. Je ne voterai pas l'amendement car je suis pour la levée de l'anonymat.

M. Jean Desessard.  - Les sénateurs et sénatrices verts se reconnaissent dans l'amendement de suppression de M. Godefroy : ils le voteront.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - On ne se réfère guère, ici, aux études réalisées par les psychologues et les psychiatres : leur position est, le plus souvent, celle de notre commission. Ce qui explique que l'on ait levé l'anonymat dans onze pays de l'Union européenne.

L'opposition idéologique entre le biologique et le social n'a rien à faire ici. Dans la famille Bach, on avait un don pour la musique : on l'a cultivé sur des générations. Jean-Marie Perrier, qui avait un don pour le jazz, n'a pas voulu admettre que son vrai père était Henri Salvador et il a renoncé à la musique... Tous les cas sont envisageables.

Les cliniciens savent que les adolescents ont du mal à faire coïncider leur tempérament -ce qui est de l'ordre du génétique- avec ce qui a forgé leur histoire et leur éducation.

Ne négligeons pas le besoin qu'ont certains de connaître leurs origines, pour mieux saisir les difficultés existentielles qu'ils comprennent mal.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Je voterai contre l'amendement : imposer le secret des origines serait aller contre la liberté individuelle, dont j'apprécie que le Sénat soit d'ordinaire un défenseur intransigeant.

Il faut responsabiliser le don : il doit être assumé. Vouloir connaître son origine est légitime. C'est autre chose qu'assurer la « traçabilité » médicale : attention aux mots qui sont parfois employés. Je ne suis pas d'ordinaire féministe mais je constate que le clivage, ce matin, passe entre les hommes et les femmes...

Je remercie la commission des affaires sociales d'avoir su transcender les positions. Reste que la contradiction avec d'autres votes persiste : j'espère que la navette nous aidera à la lever.

M. Guy Fischer.  - La majorité de notre groupe votera contre les amendements de suppression, Mmes Assassi et Gonthier-Maurin votant pour.

M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis.  - Une observation de forme. Je connais trop la perversité que représente l'exercice de la citation transposée, madame Hermange, pour l'utiliser.

Dans mon rapport pour avi, j'ai cité la page 24 de l'avis n°90 du CCNE et mentionné une disposition qui faisait partie des recommandations finales, je tenais à le préciser.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Je veux vous dire combien la présidente Dini et moi-même sommes satisfaits : un vrai débat a eu lieu.

Il est vrai, madame Hermange, que le législateur, en 1976, a calqué les dispositions relatives au don de gamètes -et donc l'anonymat- sur celles qui existaient pour le don du sang ou d'organes.

Mais notre société a évolué. Il n'y a plus de raison d'avoir honte de sa stérilité. La législation doit donc encore évoluer.

N'oublions pas les dons d'ovocytes. Si un enfant devait venir frapper à la porte, monsieur Yung, il ne dirait pas « Bonjour papa », mais peut-être aussi « Bonjour maman » : les hommes ne sont pas seuls donneurs -ils ont trop souvent tendance à l'oublier.

Il est vrai que l'origine ne fait pas toute l'histoire d'un individu. Mais on ne peut nier que la génétique n'ait sa part dans notre histoire.

M. Barbier objectait tout à l'heure qu'on allait lever l'anonymat pour une soixantaine de cas. Mais pour la conception post mortem, on ne dépasse pas un ou deux cas. Tous les cas méritent débat.

Il faut respecter nos engagements internationaux : je souscris à ce qu'a dit M. de Legge. En revanche, on ne peut voter cet amendement et attendre la navette : voter l'amendement de suppression, ce serait adopter conforme le texte de l'Assemblée nationale.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - Je salue la richesse du débat. Toutes les positions sont respectables : il n'y a pas, au reste, de position idéale en cette matière. Le Gouvernement est favorable au maintien de l'anonymat, donc au vote de ces amendements.

A la demande du Gouvernement et du groupe socialiste, les amendements identiques nos48 rectifié, 74 rectifié ter et 116 rectifié sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 278
Nombre de suffrages exprimés 272
Majorité absolue des suffrages exprimés 137
Pour l'adoption 199
Contre 73

Le Sénat a adopté.

L'article 14 est supprimé.

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales.  - En conséquence, je souhaite la réserve de l'amendement n°113 rectifié quinquies jusqu'après l'article 18.

Acceptée par le Gouvernement, la réserve est de droit.

Article 15

M. le président.  - Amendement n°49 rectifié, présenté par MM. Barbier, Collin, Baylet et Bockel, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Mézard, Milhau, Tropeano et Vall.

Supprimer cet article.

M. Yvon Collin.  - Amendement de coordination.

M. Alain Milon, rapporteur. - Vu la suppression de l'article 14, les articles 15 à 18 n'ont plus de sens.

M. le président.  - Dois-je comprendre que le Sénat accepte l'idée que le vote sur l'article 14 emporte la suppression des articles 15 à 18 ?

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Mes amendements sur les articles 15 à 18 sont défendus.

M. Yvon Collin.  - Même position.

Mme Isabelle Debré.  - Nous aussi.

M. Guy Fischer.  - Nous n'avions pas d'amendement mais nous souscrivons à votre analyse, monsieur le président.

L'amendement n°49 rectifié, identiques aux amendements nos81 rectifié ter et 117 rectifié, est adopté.

L'article 15 est supprimé.

L'amendement n°152 devient sans objet.

M. le président.  - Pouvons-nous considérer qu'il en va de même pour les articles 16, 17 et 18 ? (Assentiment)

Les articles 16, 17 et 18 sont supprimés.

M. le président.  - Nous revenons à l'amendement n°113 rectifié quinquies.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Dès lors que son texte est tombé, la commission est très favorable à cet amendement...

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement lui reste défavorable.

M. le président.  - Je suis saisi d'une demande de scrutin public par le Gouvernement sur l'amendement n°113 rectifié quinquies.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Même si sa portée est trop large, je vais le voter. Sans illusion toutefois compte tenu des manoeuvres qui ont eu lieu, dont la demande de scrutin public. Sans illusion mais avec plaisir.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Je m'interroge sur la logique de cet amendement : il est parfaitement contradictoire avec le vote qui vient d'intervenir.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Peu importe ! (Sourires)

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Mme Des Esgaulx parle de « manoeuvres » : dans un régime démocratique, il faut accepter la sanction d'un vote. Reste que si quelqu'un conteste avec constance le scrutin public, c'est bien moi...

Je voterai contre cet amendement.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Je ne vous visais pas.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Cet amendement est inopérant ; je le voterai néanmoins. Nous ne sommes pas, nous, du genre à avoir les convictions en béton de certains collègues. La décision d'avoir un enfant est une décision d'adultes qui concerne les deux personnes qui la prennent. La question que pose M. Revet est très importante parce qu'elle se place du point de vue du futur adulte. S'il ne veut rien savoir, c'est son affaire ; s'il veut savoir, on n'a pas à y faire obstacle.

Personnellement, je voterai cet amendement.

M. Christian Cointat.  - Moi pas, pour des raisons qui ne tiennent pas au fond : parce qu'il remet indirectement en cause le vote que nous venons d'exprimer et parce qu'il fait deux catégories de citoyens selon la date de leur naissance.

La connaissance de l'origine peut être tout autre chose que celle de l'état civil.

M. François Zocchetto.  - Je ne comprends pas que cet amendement nous soit soumis après le vote qui a supprimé l'article 14. A mon sens, il tombe.

Je peux d'autant moins le voter que sa rédaction est floue et fort peu juridique. Qu'est-ce exactement que « l'origine familiale » ? Comment peut-on parler de « tout document » ? Quelle limite à « ses interrogations » ? Un vote positif serait extrêmement hasardeux.

M. le président.  - Je ne peux faire tomber cet amendement car il est plus large que l'article 14. C'est pourquoi je suis tenu de le soumettre au vote.

A la demande du Gouvernement, l'amendement n°113 rectifié quinquies est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 258
Nombre de suffrages exprimés 230
Majorité absolue des suffrages exprimés 116
Pour l'adoption 42
Contre 188

Le Sénat n'a pas adopté.

L'article 18 bis est adopté, ainsi que l'article 18 ter.

L'amendement n°151 est retiré.

Mme Isabelle Debré.  - Lors du scrutin sur les amendements de suppression de l'article 14, Mme Procaccia souhaitait voter pour.

La séance est suspendue à 12 h 55.

*

*          *

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 15 heures.

Questions d'actualité

Maladie de Parkinson

M. Jean-Jacques Jégou .  - Lundi prochain aura lieu la journée mondiale de la maladie de Parkinson, deuxième maladie neuro-dégénérative par le nombre de malades touchés en France. Ceux-ci se sentent oubliés des plans de santé publique. La demande d'un plan national a déjà recueilli un grand nombre de signatures, dont celle de plus de deux cents parlementaires de la majorité et de l'opposition.

Ces malades ne se sentent pas reconnus dans leur souffrance. Cette affection, mal connue, très invalidante et douloureuse, touche des personnes de plus en plus jeunes et souvent actives. Les traitements indiqués entraînent des effets secondaires qui peuvent donner lieu à des procès, voire déboucher sur des scandales de la santé.

Le Gouvernement compte-t-il engager un plan national ? (Applaudissements au centre et à droite)

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé .  - Les victimes de cette maladie, au nombre de 150 000, demandent à être aidées. Nombre de choses ont été faites. Les états généraux convoqués par Roselyne Bachelot ont abouti à un Livre blanc dont un comité interministériel est chargé de mettre en application les préconisations. Le fait est qu'il faut encore structurer toute la prise en charge. Un décret en ce sens a été pris le 21 janvier mais les associations attendent davantage. Je me rendrai, la semaine prochaine, dans un service de soins pour rencontrer les associations. La prise en charge doit être structurée ; je ne me prononcerai pas sur un plan national avant que tous les acteurs ne se soient exprimés. (Applaudissements à droite)

Enseignements des élections cantonales

M. Jean-Pierre Bel .  - Il serait grave pour la France de ne pas prendre la mesure des derniers scrutins électoraux, entre abstentions massives -55 %- et vote Front national -20 %. Nombre de citoyens sont désorientés, voire désespérés. Nous, à gauche, ne nous contentons pas de cette victoire électorale ; nous voulons aller plus loin en apportant des réponses adaptées en matière d'emplois, de logements, de santé, de services publics. Désormais, le programme du PS est dans le débat public.. Vous, monsieur le Premier ministre, dont la majorité est au pouvoir depuis dix ans, quelle leçon en tirez-vous ?

Les préoccupations des Français ne sont pas de débattre de l'introduction d'un jury populaire dans les tribunaux correctionnels ni de la place de l'islam dans notre société mais de leur pouvoir d'achat, de la vie chère, de l'avenir de leurs enfants. Les représentants des grandes religions, des voix dans votre majorité et vous-même, semble-t-il, avez exprimé votre refus de tels débats. Quand, monsieur le Premier ministre, ferez-vous comprendre au président de la République que son rôle n'est pas de diviser et stigmatiser mais de rassembler les Français pour faire avancer la France ? (Applaudissements à gauche)

M. François Fillon, Premier ministre .  - La meilleure façon de lutter contre les extrémistes, de droite et de gauche, qui n'ont jamais apporté que des malheurs à la France, c'est de mener un débat politique serein s'appuyant sur les réalités.

Nos choix économiques nous ont permis de résister mieux que les autres à la récente crise. La reprise de l'activité économique a permis de créer 110 000 emplois au lieu des 80 000 prévus. Nous avons limité notre déficit à 7 % au lieu des 8 % prévus. Notre perspective de croissance se confirme à 2 % pour 2011, avec la reprise de l'emploi, de l'investissement des entreprises et de la consommation.

Toute l'énergie du Gouvernement doit aller au soutien à la reprise économique, et donc favoriser la compétitivité. C'est la raison de la suppression de la taxe professionnelle que les socialistes veulent rétablir. Nous voulons soutenir la recherche et les investissements d'avenir.

M. Ladislas Poniatowski.  - Très bien !

M. François Fillon, Premier ministre.  - J'ai remis les premiers contrats d'excellence à des centres d'enseignants-chercheurs. En 2011, nous aurons été le pays européen à avoir le plus investi dans le R&D. (Exclamations à gauche)

Il importe d'accélérer sur la question de l'emploi des jeunes. Vous parlez de créer 300 000 emplois jeunes dans le secteur public, nous allons en créer 800 000 grâce à l'alternance, sans charges pour les entreprises la première année. (Vives exclamations à gauche, applaudissements à droite)

J'en viens au climat social. Vous avez bataillé ferme contre la réforme des retraites. Dans votre programme vous avez discrètement glissé le rétablissement de la retraite à 60 ans. Or, il y a quelques jours seulement, les partenaires sociaux ont signé un accord portant réforme de l'Agirc-Arcco qui entérine les 62 et 67 ans. Trois syndicats sur cinq, dont la CFDT, l'ont signé.

M. Robert Hue.  - Vous venez pourtant de perdre les élections !

M. François Fillon, Premier ministre.  - Et quatre sur cinq ont accepté l'accord sur l'Unedic, et les négociations sur l'emploi des jeunes sont bien engagées.

Le pays réel n'est pas ce que vous dites. Mais la situation reste difficile.

Les économies du Portugal, de la Grèce, de l'Irlande sont fragiles, faute d'une gestion rigoureuse de leurs dépenses publiques.

Le programme du parti socialiste a le mérite d'exister mais il nous ramène en 1997. (Exclamations sur les bancs socialistes) Depuis lors, il y a eu une crise économique et financière majeure, l'euro a été attaqué, la Chine est devenue la deuxième puissance mondiale : réveillez-vous ! (Vifs applaudissements à droite et au centre ; exclamations à gauche)

Prix de l'énergie

Mme Odette Terrade .  - Le prix du gaz a augmenté de 60 % depuis cinq ans, depuis la privatisation. Celui de l'électricité de 6,4 %. La loi qui brade le nucléaire est à l'origine de ces augmentations. Votre politique libérale ne sert que les intérêts des actionnaires.

En 2010, GDF-Suez a réalisé 4 milliards de bénéfices, dont 70 % sont allés aux actionnaires. Restituer ces sommes aux consommateurs aurait permis une baisse de 8 %. Et vous vous contentez d'une stabilisation des prix jusqu'à la présidentielle.

Le secteur énergétique doit revenir dans le secteur public ! M. Besson parle de taxer les entreprises pétrolières : à quelle hauteur ? Allez-vous baisser le tarif du gaz, abroger la loi Nome ? (Applaudissements à gauche)

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce extérieur .  - Ce qui a augmenté de 60 %, c'est le prix du pétrole en un an, passé de 75 à 120 dollars le baril. Réveillez-vous ! Nous sommes exposés à la pression des pays émergents, à l'instabilité du monde arabe et à la crise de Fukushima.

Le gouvernement Fillon a pris des mesures énergiques. Avec GDF, il va renégocier le contrat de service public ; pour l'électricité, la hausse est limitée à 2,9 % d'ici 2012 ; pour les carburants, le forfait kilométrique est revalorisé, ce qui bénéficie à 5 millions de Français. Le tarif social de l'électricité est revalorisé, ce qui représente 90 euros par ménage, ainsi que celui du gaz, ce qui représente 142 euros. Le remplacement des chaudières est également revalorisé et 1,35 milliard ira à l'amélioration de l'isolation. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Pouvoir d'achat

Mme Catherine Dumas .  - Le pouvoir d'achat des Français a toujours été et reste une priorité du président de la République. (Rires à gauche)

M. Jean-Louis Carrère.  - Fouquet's ! Chanel !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - On n'est pas dans un meeting !

Mme Catherine Dumas.  - Le Gouvernement a bloqué le prix du gaz et va rendre le contrat de service public plus favorable aux usagers. Les compagnies pétrolières pourraient être mises à contribution. Le Gouvernement va mettre en place un panier de références de la ménagère.

Quel impact pouvons-nous attendre, à court terme, de ces mesures ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - La réponse est faite !

M. David Assouline.  - Le ministre n'a plus rien à dire !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce extérieur .  - L'application de la formule tarifaire actuelle pour le gaz aurait conduit à une augmentation de plus de 7,5 % au 1er juillet, soit 80 euros en moyenne. Le Gouvernement va renégocier le contrat de service public.

Pour les carburants nous allons demander aux entreprises pétrolières de faire un effort en faveur des français qui en ont le plus besoin. Mesure novatrice, nous allons revaloriser le forfait kilométrique de 4,6 %, au profit de 5 millions de Français. Pour l'électricité le tarif est bloqué jusqu'en 2012.

M. Jean-Louis Carrère.  - Pourquoi cette date ?

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État.  - Ces mesures sont indispensables pour préserver le pouvoir d'achat de nos concitoyens. Elles sont à mille lieues des généralités du programme socialiste. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Quels enseignements tirer de Fukushima ?

M. Jean-Marie Bockel .  - La catastrophe nucléaire japonaise appelle à ce que soient tirés des enseignements, surtout dans un pays comme le nôtre qui compte 58 centrales nucléaires. Celles-ci sont bien sécurisées mais il serait utile de s'assurer qu'elles peuvent résister à une situation plus dégradée et d'apporter les modifications nécessaires. C'est ce qu'a décidé le Gouvernement qui va organiser des tests de résistance.

Le Haut-Rhin a, à Fessenheim, une des plus anciennes centrales nucléaires françaises, avec deux réacteurs sur une zone sismique transfrontalière.

La sérénité du débat inévitable sur l'avenir du nucléaire appelle une information complémentaire.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement .  - Le déplacement du président de la République au Japon a été l'occasion de délivrer un message de compassion et d'admiration aux Japonais.

Nous n'attendons pas les accidents pour nous préoccuper de la sûreté de nos centrales nucléaires. La centrale de Fessenheim a été calculée pour résister à un séisme de 6,7, sachant que le plus puissant jamais enregistré dans la région, celui de Bâle de 1356, avait atteint 6,2, soit une intensité cinq fois moindre que le plafond de 6,7.

Mais il est toujours possible d'améliorer la sûreté des installations et de tirer les leçons de l'expérience. Le Premier ministre a décidé de lancer un audit des centrales, centrale par centrale. L'Autorité de sûreté nucléaire prépare un cadre de référence de l'audit. Sera prise en compte la possibilité d'un cumul de catastrophes.

La centrale de Fessenheim, la plus ancienne de France, bénéficie d'une visite décennale de sécurité prolongée mais aucune décision ne sera prise avant communication des résultats de l'audit. Le Premier ministre a indiqué clairement que toute centrale qui ne passerait pas les tests de sûreté serait fermée. (Applaudissements à droite et au centre)

Pauvreté

M. Martial Bourquin .  - Le candidat à la présidence de la République prétendait s'adresser à la France qui se lève tôt et qui travaille. Quatre ans après, il apparaît que cette communication n'est excellente qu'auprès des actionnaires des grands groupes et des bénéficiaires du bouclier fiscal. Votre réponse est affligeante, monsieur le Premier ministre : vous ignorez la France qui se lève tôt, les 4 millions de chômeurs,  les 8 millions de pauvres, les 15 millions de Français qui vivent à peine au-dessus du seuil de pauvreté ! Quelle autosatisfaction cependant, alors que vous ne prenez que des mesures cosmétiques : les Français prennent de plein fouet l'augmentation du prix du gaz et de l'électricité, ils s'inquiètent de l'exploitation des gaz de schiste, n'attendent rien de bon de la loi Nome et, quant à la LME qui devait faire baisser les prix, elle a appauvri les agriculteurs alors que le prix du pain, des aliments monte sans cesse. La RGPP fait « triompher la cupidité », comme dirait Joseph Stiglitz.

Vous portez la responsabilité de cette catastrophe pour les Français !

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement .  - Il est consternant que vous ne parveniez pas à ouvrir les yeux sur la crise mondiale.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Toujours pareil, avec les riches qui n'ont pas vu la crise. Partout, pourtant, les actionnaires s'en mettent plein les poches !

M. François Baroin, ministre.  - Notre politique a assuré une meilleure résistance qu'ailleurs face à la crise. Vous êtes aveugles au présent, polarisés que vous êtes sur le passé.

L'augmentation des matières premières a un impact considérable. Notre politique vise à l'amortir pour les plus fragiles : il n'y aura pas d'augmentation du gaz cette année, celle de l'électricité est limitée à 2,2 %. Les frais kilométriques augmentent de 4,6 % : c'est un geste pour la France qui se lève tôt.

Nous protégeons notre modèle social et confortons la croissance. (Applaudissements à droite ; exclamations à gauche)

Côte-d'Ivoire

M. Laurent Béteille .  - La situation en Côte-d'Ivoire est préoccupante. Lundi soir, les forces françaises sont intervenues à la demande de l'ONU sur le fondement de la résolution 1975 du Conseil de sécurité. Je rends hommage à notre ambassadeur et au professionnalisme de nos militaires qui veillent sur la sécurité de nos ressortissants et qui ont exfiltré plusieurs diplomates étrangers, dont celui du Japon. (Applaudissements à droite)

Il faut éviter une guerre civile et une partition du pays. Conseillé par Me Dumas et Me Vergès, M. Gbagbo refuse de reconnaître le verdict des urnes, bafoue la communauté internationale et s'enferme dans son bunker tandis que ses milices rodent dans Abidjan.

Où en est-on ? De quelles options dispose la communauté internationale pour éviter une guerre civile ?

M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants .  - Votre exposé des faits est parfaitement exact. L'armée française est présente en Côte-d'Ivoire sur la base d'accords bilatéraux anciens. Cette force Licorne modeste -moins de 1 000 hommes- est destinée à garantir la sécurité de nos compatriotes.

Lorsque la victoire de M. Ouattara lors de l'élection présidentielle a été reconnue par les États africains et la communauté internationale, les troupes de la force Licorne ont été mises à la disposition de l'ONU, prêtes à intervenir en tant que de besoin à la demande du secrétaire général.

La situation est aujourd'hui très difficile pour les quatre millions d'habitants d'Abidjan, confrontés aux troupes débandées de M. Gbagbo et à des pillards. Dès lundi, nous avons proposé à la communauté internationale de se replier à Port-Bouët. A cet instant, l'Onuci encadre dans un quadrilatère limité les troupes qui restent à l'ancien président Gbagbo et contrôlent les deux principaux ponts. Nos troupes sont prêtes à aider nos compatriotes qui, regroupés dans deux hôtels, souhaiteraient être exfiltrés.

Voilà ce que je peux vous dire à l'heure présente, nous suivons en temps réel l'évolution de la situation, nous devons avant tout éviter de nous immiscer dans un conflit ivoiro-ivoiriens. (Applaudissements à droite)

Gaz de schiste

M. Jacques Blanc .  - Je félicite Mme Nathalie Kosciusko-Morizet pour la manière dont elle a témoigné de la solidarité française avec les Japonais. (Applaudissements à droite)

Nous sommes nombreux à nous inquiéter des autorisations accordées pour l'exploration des gisements de gaz de schiste et avons, avec M. Houel, déposé une proposition de loi en ce sens. En effet, la prospection avec perforation hydraulique des roches a des conséquences désastreuses et irrémédiables pour le paysage et l'environnement.

Le Gouvernement doit s'engager à prolonger le moratoire sur la recherche de gaz de schiste, jusqu'au vote de ce texte.

Les experts qui étudient le classement des Causses et des Cévennes au patrimoine mondial de l'humanité doivent avoir la certitude que le gaz de schiste n'y sera pas exploité ! Tel est le voeu unanime de l'association des maires de Lozère ! (Applaudissements au centre et sur les bancs UMP)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Bon courage !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement .  - Les permis de recherche de gaz de schiste suscitent, sur tous les bancs, de légitimes inquiétudes, en particulier en Lozère.

Oui, la technique actuelle de l'exploitation des gaz de schiste est inquiétante. Les images venues des États-Unis ne sont pas rassurantes. C'est pourquoi, avec Éric Besson, nous avons suspendu tout projet impliquant une fracturation hydraulique jusqu'à ce que des conclusions aient été tirées de la mission d'inspection qui a été lancée.

Nous avons entrepris une réflexion sur une rénovation du code minier, très ancien et rendu obsolète par la Charte de l'environnement et les lois Grenelle I et II. (Applaudissements au centre et à droite)

Fukushima et l'avenir du nucléaire

M. Alain Houpert .  - Un séisme suivi d'un raz de marée meurtrier ont ravagé le Pays du soleil levant. Vous avez, madame, exprimé à juste titre la compassion de la France envers le peuple japonais. (Applaudissements à droite)

La catastrophe de Fukushima rappelle celle de Tchernobyl et pose légitimement nombre de questions. Faut-il pour autant remettre en cause le choix de De Gaulle et de Pompidou en faveur du nucléaire, qui nous a fait entrer dans la modernité et assuré notre indépendance énergétique ? Que serait le TGV sans le nucléaire ? Les propositions les plus démagogiques sont faites, notamment par le parti socialiste. Le choix du nucléaire est-il toujours d'actualité pour assurer l'indépendance énergétique de notre pays, avec une électricité au meilleur prix ?

M. Jean-Pierre Sueur.  - Seul le programme du parti socialiste vous intéresse ! C'est obsessionnel...

M. Alain Houpert.  - Quelles conclusions le Gouvernement tire-t-il de Fukushima ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement .  - Oui, cette catastrophe résonne fortement en France, à cause du courage du peuple japonais et parce que les Français s'interrogent.

Non, nous n'envisageons pas une sortie du nucléaire qui coûterait, si on le remplaçait par des centrales à gaz, 30 milliards d'investissements pour une multiplication par huit des émissions de CO2, avec un relèvement considérable de nos importations.

Développer l'énergie renouvelable ? C'est le PTZ-énergétique, c'est de l'aide aux plus modestes pour améliorer leur performance énergétique, avec 1,250 milliard de subventions.

Le choix du nucléaire, cependant, exige la sécurité la plus grande et la transparence totale et le président de la République a pris des initiatives au plan international. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Suppression de postes d'enseignants

M. Claude Bérit-Débat .  - Le Gouvernement n'est plus à une contradiction près pour imposer une politique qui sombre dans le ridicule. Vous sanctionnez les parents d'élèves absents mais ne remplacez pas les professeurs quand ils sont eux-mêmes absents. Vous supprimez des postes avant de recruter des enseignants par le Pôle emploi. Les personnels de toutes les catégories manifestent et vous refusez obstinément de voir que notre système éducatif se dégrade, que l'ascenseur social ne fonctionne plus. La chute de la France dans le classement Pisa n'est donc pas une surprise. C'est la conséquence de vos choix discutables, la suppression des IUFM, les regroupements, l'autonomie.

Votre ambition se résume à réduire. Supprimer des professeurs, fermer des classes, faire des économies !

Nous devons conclure un nouveau pacte éducatif, restaurer la scolarité dès 2 ans, promouvoir l'autonomie des équipes éducatives, accorder des moyens à la hauteur des besoins sociaux. Quand abandonnerez-vous votre politique purement comptable pour une vraie politique éducative ? (Applaudissements à gauche)

Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative .  - Oui, l'éducation fait partie du pacte républicain. Elle reste au centre des priorités du Gouvernement. (Exclamations à gauche) Nous consacrons 6 % de notre PIB à l'éducation. C'est plus que la moyenne européenne, c'est le premier budget de l'État et l'éducation nationale est le premier employeur de France.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Depuis longtemps.

Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État.  - Nous avons perdu 500 000 élèves depuis 1990, et le nombre d'enseignants n'a pas baissé dans les mêmes proportions. Il a même augmenté de 35 000 postes sur la même période.

Chaque année, les ouvertures et fermetures de classe se décident dans la concertation (vives exclamations à gauche) pour tenir compte des évolutions démographiques. Qui a créé les internats d'excellence, l'école de la réussite, sinon ce gouvernement ?

Oui, ce gouvernement mène des réformes car il est inacceptable que les plus défavorisés soient pénalisés par le système scolaire !

M. Paul Raoult.  - La carte scolaire est un scandale ! Il y a le collège des pauvres et celui des riches !

Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État.  - Chaque enfant doit avoir la possibilité de réussir ! (Applaudissements à droite)

La séance est suspendue à 16 heures.

*

*          *

présidence de Mme Catherine Tasca,vice-présidente

La séance reprend à 16 h 15.

Question prioritaire de constitutionnalité

Mme la présidente.  - M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 7 avril 2011, qu'en application de l'article 61-1 de la Constitution, le Conseil d'État a adressé au Conseil constitutionnel deux décisions de renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité dont le texte est disponible au bureau de la distribution.

Dépôt d'un rapport

Mme la présidente.  - M. le Premier ministre a communiqué au Sénat le rapport sur les orientations de la politique de l'immigration et de l'intégration en 2010, en application de l'article L. 111-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ce rapport a été transmis à la commission des lois et sera disponible au bureau de la distribution.

Bioéthique (Suite)

Mme la présidente.  - Nous reprenons l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la bioéthique.

Discussion des articles (Suite)

Article 19 A

Mme la présidente.  - Amendement n°23, présenté par Mme Le Texier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 3

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'il est majeur, le donneur peut ne pas avoir procréé. Il se voit alors proposer le recueil et la conservation d'une partie de ses gamètes ou de ses tissus germinaux en vue d'une éventuelle réalisation ultérieure, à son bénéfice, d'une assistance médicale à la procréation, dans les conditions prévues au titre IV du livre Ier de la deuxième partie. Ce recueil et cette conservation sont subordonnés au consentement du donneur. »

M. Bernard Cazeau.  - Nous rétablissons la possibilité, pour une personne n'ayant pas encore procréé, de donner ses gamètes. La commission des affaires sociales a supprimé cette possibilité, au motif qu'elle mettrait en cause la finalité altruiste du don de gamètes. Sans méconnaître ce risque, nous tenons compte de la pénurie de dons d'ovocytes, qui aujourd'hui entraîne des pratiques peu éthiques. D'un autre côté, on sait que le don d'ovocytes n'est pas anodin et présente un risque d'infertilité pour la donneuse.

Après avoir pesé les différents arguments, ce que nous proposons semble une réponse inscrite dans la sphère de l'éthique. En outre, permettre l'autoconservation ne peut pas être véritablement considéré comme une brèche dans le principe du don altruiste.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Si une femme n'a pas eu d'enfants et qu'elle donne ses ovocytes pour faire un enfant plus tard, cela revient à un report de maternité pour convenance : avis défavorable.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.  - Même avis.

M. Guy Fischer.  - L'interdiction nous paraît disproportionnée. Le don d'ovocytes n'entraîne l'infertilité que dans de très rares cas et nous devons encourager le désir de solidarité. L'Agence de biomédecine souligne qu'en 2008, 1 600 couples attendaient des gamètes ; selon l'Igas, ils pourraient être 6 000. S'il y a des dérives, c'est qu'il y a un marché ; et s'il y a un marché, c'est que la loi est trop restrictive. Nous voterons l'amendement.

L'amendement n°23 n'est pas adopté.

L'article 19 A est adopté.

Hommage à une délégation afghane

Mme la présidente.  - (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent) Il m'est particulièrement agréable de saluer, en votre nom, la présence, dans notre tribune d'honneur, d'une délégation des deux chambres du Parlement afghan.

Cette délégation est conduite par M. Humayoun Azizi, ministre chargé des relations avec le Parlement. Elle compte dans ses rangs M. Rahmani, président de la commission de l'économie nationale de la Chambre des représentants et M. Erfaani, président de la commission des finances de la Chambre des Anciens, ainsi qu'une quinzaine de députés et de sénateurs membres des commissions des finances. Elle est accompagnée par M. Mohammad Sharif Sharifi, directeur du Bureau d'audit et de contrôle de l'Afghanistan, équivalent de notre Cour des comptes. Avec l'aide de l'ENA, cette importante délégation vient étudier en France la procédure et le contrôle budgétaires auprès de nos assemblées.

Chacun ici se rappelle que ce sont les administrateurs de l'Assemblée nationale et du Sénat français qui, en 2005, ont, dans le cadre d'un programme des Nations unies, aidé, avec succès, les services du Parlement afghan à reprendre leur activité après plus de vingt ans de silence. Notre coopération est très étroite avec les deux chambres afghanes. C'est le signe que la France ne se borne pas à une présence militaire dans ce beau pays.

Permettez-moi de souhaiter à cette délégation une cordiale bienvenue ! (Applaudissements)

Bioéthique (Suite)

Mme la présidente.  - Nous poursuivons l'examen du projet de loi relatif à la bioéthique.

Discussion des articles (Suite)

L'article 19 B est adopté.

Article 19 C

Mme la présidente.  - Amendement n°165, présenté par M. Milon, au nom de la commission des affaires sociales.

Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :

Cette autorisation peut-être retirée dans les conditions fixées par le décret en Conseil d'État prévu à l'article L. 2141-1 du code de la santé publique.

M. Alain Milon, rapporteur.  - L'autorisation d'une technique de conservation des gamètes par la loi pose plusieurs difficultés, dont celle de son retrait. Nous prévoyons que celui-ci se fera dans les conditions du droit commun.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Favorable.

L'amendement n°165 est adopté.

L'article 19 C, modifié, est adopté.

Articles additionnels

Mme la présidente.  - Amendement n°40 rectifié quater, présenté par Mme Hermange, M. P. Blanc, Mme Rozier, M. Revet, Mme Giudicelli, MM. Cantegrit, de Legge, Lardeux, Cazalet, du Luart, Lecerf, Darniche, Gilles, Portelli, B. Fournier, Vial, Cointat, Retailleau, Pozzo di Borgo, Bécot, Couderc, del Picchia, Bailly et P. Dominati et Mme B. Dupont.

Après l'article 19 C, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le livre II du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Le chapitre IV du titre IV est abrogé ;

2° Après le titre IV, il est inséré un titre IV bis ainsi rédigé :

« Titre IV bis

« Gamètes

« Chapitre I

« Prélèvement, collecte et conservation de gamètes

« Art. L. 1246-1. - Le prélèvement de gamètes sur une personne ne peut être opéré que dans l'intérêt thérapeutique direct de son couple afin de procéder à une assistance médicale à la procréation définie à l'article L. 2141-1.

« Art. L. 1246-2. - La femme prélevée, préalablement informée par le médecin des risques qu'elle encourt et des conséquences éventuelles du prélèvement, doit donner son consentement par écrit au prélèvement ainsi qu'à l'éventuelle conservation de ses ovocytes qui n'auraient pas été utilisés pour l'assistance médicale à la procréation. Le consentement est révocable sans forme et à tout moment.

« Art. L. 1246-3. - Aucun prélèvement ou collecte de gamètes ne peut avoir lieu sur une personne mineure ou sur une personne majeure faisant l'objet d'une mesure de protection légale.

« Chapitre II

« Don de gamètes

« Art. L. 1246-4. - Par dérogation à l'article L. 1246-1, un don anonyme et gratuit peut être effectué par un donneur ou une donneuse majeur ayant déjà procréé, en vue d'une assistance médicale à la procréation.

« Son consentement et, s'il fait partie d'un couple, celui de l'autre membre du couple sont recueillis par écrit et peuvent être révoqués à tout moment jusqu'à l'utilisation des gamètes. Il en est de même du consentement des deux membres du couple receveur.

« Art. L. 1246-5. - L'insémination artificielle par sperme frais provenant d'un don et le mélange de spermes sont interdits.

« Art. L. 1246-6. - Le recours aux gamètes d'un même donneur ne peut délibérément conduire à la naissance de plus de dix enfants.

« Art. L. 1246-7. - Les organismes et établissements autorisés dans les conditions prévues à l'article L. 2142-1 fournissent aux autorités sanitaires les informations utiles relatives aux donneurs. Un suivi des donneurs est effectué pour pouvoir informer le médecin de l'enfant issu du don le cas échéant, dans un but de prévention notamment. Un médecin peut accéder aux informations médicales non identifiantes en cas de nécessité thérapeutique concernant un enfant conçu à partir de gamètes issus de don.

« Art. L. 1246-8. - Le bénéfice d'un don de gamètes ne peut en aucune manière être subordonné à la désignation par le couple receveur d'une personne ayant volontairement accepté de procéder à un tel don en faveur d'un couple tiers anonyme.

« La donneuse d'ovocytes doit être particulièrement informée des conditions de la stimulation ovarienne et du prélèvement ovocytaire, des risques et des contraintes liés à cette technique, lors des entretiens avec l'équipe médicale pluridisciplinaire. Elle est informée des conditions légales du don, notamment du principe d'anonymat et du principe de gratuité.

« Art. L. 1246-9. - Les modalités d'application du présent chapitre sont déterminées par décret en Conseil d'État. »

Mme Marie-Thérèse Hermange.  - Ce nouveau titre du code de la santé publique consacre la particularité des gamètes qui ne sont pas assimilables aux autres cellules du corps en ce qu'ils peuvent transmettre la vie et constituent la moitié du patrimoine génétique de la personne qui en sera issue. Il est normal qu'ils soient soumis à un encadrement différent.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Il n'est pas nécessaire de créer un nouveau titre -surtout que son contenu n'est pas compatible avec certaine dispositions du code. Avis défavorable.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Même avis. Nous ne sommes pas dans une logique d'interdiction, même assortie de dérogations.

Mme Marie-Thérèse Hermange.  - Vous acceptez donc que les gamètes peuvent être considérés de la même façon que les autres dons du corps... Je suis de toute façon gênée par la question du remboursement éventuel.

L'amendement n°40 rectifié quater n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°112 rectifié, présenté par M. Revet, Mmes Hermange et B. Dupont, M. Bécot, Mme Bruguière, MM. Bailly et Beaumont, Mme Rozier et MM. P. Dominati et Lardeux.

Après l'article 19 C, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Toute disposition législative ou réglementaire ayant trait à la recherche scientifique dans les domaines de santé humaine ou d'aide à la procréation doit en priorité prendre en compte l'intérêt de l'enfant.

Mme Marie-Thérèse Hermange.  - L'intérêt de l'enfant ne figure nulle part dans ce texte.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Cet amendement est dénué de portée normative. Défavorable.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Même avis.

M. Richard Yung.  - On marche sur la tête en donnant des finalités à la recherche scientifique ! L'intérêt de l'enfant n'est qu'un objectif parmi d'autres.

L'amendement n°112 rectifié n'est pas adopté.

Article 19

Mme Marie-Thérèse Hermange.  - Je proposerai par amendement que le nombre d'embryons constitués corresponde au nombre d'embryons implantés. Tout le monde s'accorde pour dire que la vitrification ovocytaire permettra de ne plus avoir d'embryons surnuméraires ; c'est l'impossibilité de conserver les ovocytes qui avait conduit, en 1994, à autoriser la conservation des embryons. On compte aujourd'hui 150 000 embryons congelés, dont seulement 66 % font encore l'objet d'un projet parental ; la loi autorise à détruire les autres, dits surnuméraires, ce qui ne manque pas de poser des problèmes éthiques. On met les parents devant des choix impossibles à cause d'une technique, la congélation des embryons, qui n'est aujourd'hui plus utile dès lors que la vitrification ovocytaire permettra de créer un embryon frais à chaque tentative d'AMP. Seuls 2 000 bébés naissent chaque année après une décongélation. En outre, autoriser la vitrification ovocytaire doit être éthiquement encadrée, sauf à voir l'AMP se transformer en technique de convenance.

Cependant, afin de laisser aux laboratoires le temps de s'approprier la technique, je proposerai d'organiser une période de transition.

Nous avons la responsabilité, aujourd'hui, de revenir à des pratiques qui réduiront le stock d'embryons.

M. Bernard Cazeau.  - Près de 4 millions d'enfants dans le monde sont nés grâce à la FIV, même si l'AMP n'est pas une baguette magique ; le taux de succès de la FIV se réduit avec l'âge. Le législateur a peiné jusqu'ici à répondre à l'évolution des techniques d'AMP. L'article 19 va dans la bonne direction, mais il faut un cadre plus souple.

Mme la présidente.  - Amendement n°24, présenté par M. Mirassou et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 3, première phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

L'assistance médicale à la procréation fait appel aux pratiques cliniques et biologiques permettant la conception in vitro, la conservation de gamètes, des tissus germinaux et des embryons, le transfert d'embryons et l'insémination artificielle.

M. Bernard Cazeau.  - Il est défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°39 rectifié bis, présenté par Mme Hermange, M. P. Blanc, Mme Rozier, M. Revet, Mme Giudicelli, MM. Cantegrit, de Legge, Lardeux, Cazalet, du Luart, Darniche, Gilles, Portelli, B. Fournier, Vial, Retailleau, Pozzo di Borgo, Bécot, Couderc, del Picchia et Bailly et Mme B. Dupont.

Alinéa 3, première phrase

Après les mots :

conception in vitro

supprimer les mots :

la conservation des embryons,

Mme Marie-Thérèse Hermange.  - La vitrification ovocytaire doit avoir pour contrepartie la cessation de la conservation des embryons, source de problèmes éthiques. Par conséquent, la conservation des embryons ne peut être inscrite comme étant une technique d'AMP.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Avis défavorable à l'amendement 24. Même avis à l'amendement 39 rectifié, qui mettrait fin à tout projet parental en cours. J'ajoute que le législateur n'a pas à dire quelles sont les meilleures pratiques en matière d'AMP.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Avis favorable à l'amendement n°24, défavorable à l'amendement n°39 rectifié bis, qui serait un recul.

L'amendement n°24 est retiré.

Mme Marie-Thérèse Hermange.  - Les scientifiques le disent depuis dix ans, la vitrification permet de se passer de la congélation ; et je prévois un délai d'un an, c'est suffisant. Vous occultez le progrès quand cela vous arrange. Si l'on ne fait rien, nous aurons bientôt 300 000 embryons dans les congélateurs...

M. Xavier Bertrand, ministre.  - L'article 22 prévoit déjà de limiter le nombre d'ovocytes fécondés.

L'amendement n°39 rectifié n'est pas adopté.

L'article 19 est adopté.

Article additionnel

Mme la présidente.  - Amendement n°166, présenté par M. Milon, au nom de la commission des affaires sociales.

Après l'article 19, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 2141-11 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé : 

« Les procédés biologiques utilisés pour la conservation des gamètes et des tissus germinaux sont inclus dans la liste prévue par l'article L. 2141-1, selon les conditions déterminées par cet article. »

M. Alain Milon, rapporteur.  - Coordination.

L'amendement n°166, accepté par le Gouvernement, est adopté et devient un article additionnel.

Article 20

M. Richard Yung.  - Cet article affirme la finalité médicale de l'AMP et l'ouvre aux pacsés. Nous proposerons de supprimer tout critère relatif au mode d'union des couples et d'ouvrir l'AMP aux couples homosexuels : l'orientation sexuelle des futurs parents, pourvu qu'ils soient liés par un projet familial, relève de leur vie privée et ne nous regarde pas. Les jurisprudences européenne et française l'ont dit, aucune discrimination ne doit être fondée sur l'orientation sexuelle.

Ensuite, la société ne doit plus avoir peur de l'homoparentalité ; quoi que nous en pensions, nous devons en prendre acte. Les enfants élevés par des parents du même sexe ne sont ni plus heureux ni plus malheureux que les autres et ne se différencient pas des enfants des couples hétérosexuels -c'est ce que démontrent de nombreuses études. Être élevé dans une famille homoparentale n'est pas un facteur de risque pour un enfant. Nombre de pays ont déjà adapté leur législation pour reconnaître cette évolution de la société et mieux respecter les projets parentaux.

Mme la présidente.  - Amendement n°158 rectifié, présenté par MM. Collin et Detcheverry, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano et Vall.

Rédiger ainsi cet article :

L'article L. 2141-2 du même code est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est complété par les mots : « composé d'un homme et d'une femme, de deux femmes ou d'une femme célibataire en âge de procréer » ;

2° Au deuxième alinéa, après les mots : « l'infertilité », sont insérés les mots : « , excepté dans le cas du couple de femmes ou de la femme célibataire, » ;

3° La première phrase du troisième alinéa est ainsi rédigée :

« L'homme et la femme ou les deux femmes formant le couple doivent être vivants, en âge de procréer, mariés, liés par un pacte civil de solidarité ou en concubinage et consentant préalablement au transfert des embryons ou à l'insémination. »

M. Yvon Collin.  - Nous ouvrons l'accès à l'AMP aux couples de femmes et aux femmes célibataires en âge de procréer, qu'elles soient fertiles ou pas. Plusieurs pays européens -Royaume Uni, Danemark, Grèce, Espagne- ont déjà ouvert cette possibilité ; des couples homosexuels ou des femmes célibataires y vont pour en bénéficier. L'infertilité médicale ne doit pas être le seul critère d'accès à l'AMP.

Mme la présidente.  - Amendement n°159 rectifié, présenté par MM. Collin et Detcheverry, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano et Vall.

Alinéas 2 et 3

Rédiger ainsi ces alinéas :

...° Le premier alinéa est complété par les mots : « ou d'une femme célibataire en âge de procréer » ;

...° Au deuxième alinéa, après les mots : « l'infertilité », sont insérés les mots : « d'un couple ou d'une femme célibataire ».

M. Yvon Collin.  - Une femme célibataire de plus de 28 ans peut demander un agrément pour adopter mais pas accéder à l'AMP : c'est incohérent. L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques s'est interrogé, en 2008, sur la rigidité de notre cadre législatif et a recommandé d'ouvrir l'AMP aux femmes célibataires infertiles.

Mme la présidente.  - Amendement n°25 rectifié, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

I. - Alinéa 3, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

II. -  Alinéas 4 à 6

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

2° A la première phrase du dernier alinéa, les mots : « L'homme et la femme formant le couple doivent être vivants, en âge de procréer, mariés ou en mesure d'apporter la preuve d'une vie commune d'au moins deux ans et consentant » sont remplacés par les mots : « Les personnes formant le couple doivent être vivants, en âge de procréer et consentir ».

M. Jean-Pierre Godefroy.  - La législation française réserve l'AMP à des cas très précis ; elle est fondée sur le modèle familial dominant. Or les formes de couples et de parentalité ont évolué depuis 1994 ; il est majoritairement admis aujourd'hui que sexualité et procréation puissent être découplées.

L'AMP doit s'ouvrir à ces autres formes de parentalité, à tous les couples -et quelle que soit la cause, médicale ou sociale, de l'infertilité. Seul doit compter la consistance du projet parental, c'est l'intérêt de l'enfant.

L'homoparentalité n'a pas de conséquences négatives pour les enfants, il faut le reconnaître. Mon propos vaut défense de l'amendement n°26.

Mme la présidente.  - Amendement n°6 rectifié ter, présenté par MM. de Legge, Hyest, Cazalet, Couderc, Doligé, Vial, Darniche, Revet et B. Fournier, Mmes G. Gautier, Henneron et Hermange et MM. Bailly et Retailleau.

Alinéas 4 à 6

Supprimer ces alinéas.

M. Dominique de Legge.  - Le projet parental suppose une certaine durée. Juridiquement, on ne peut assimiler le Pacs au mariage -le premier est un contrat civil qui organise une relation patrimoniale, le second une institution qui génère une filiation. Le mariage est un signe de stabilité, la durée de vie commune aussi.

Mme la présidente.  - Amendement n°140 rectifié, présenté par Mme Payet, M. Détraigne et Mme Férat.

Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

Mme Anne-Marie Payet.  - A défaut de mariage, le délai de vie commune de deux ans est raisonnable.

Mme la présidente.  - Amendement n°7 rectifié ter, présenté par MM. de Legge, Hyest, Cazalet, Couderc, Doligé, Vial, Darniche, Revet et B. Fournier, Mmes G. Gautier, Henneron et Hermange et MM. Bailly et Retailleau.

Alinéa 6

Supprimer cet alinéa.

M. Dominique de Legge.  - Je l'ai défendu.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°26, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Je l'ai défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°141 rectifié, présenté par Mme Payet, M. Détraigne et Mme Férat.

Alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

b) Après la première phrase, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Ils sont mariés ou en mesure d'apporter la preuve d'une vie commune d'au moins deux ans. »

Mme Anne-Marie Payet.  - Je l'ai défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°122 rectifié, présenté par M. Retailleau, Mmes Rozier, Hermange et B. Dupont et MM. du Luart, Vial, Bailly, Darniche, B. Fournier et Revet.

Alinéa 6

Après les mots :

Ils doivent être mariés

Remplacer la fin de l'alinéa par les mots :

ou en mesure d'apporter la preuve d'une vie commune d'au moins deux ans.

M. Bruno Retailleau.  - Mariage et Pacs n'emportent pas les mêmes conséquences en matière de droit de la famille ; ils ne sauraient être mis sur le même plan, comme le fait la commission. Le Conseil constitutionnel a reconnu le statut particulier du mariage en matière de filiation ; et la commission des affaires sociales, dans une proposition de loi, a réservé aux couples mariés la possibilité d'adopter conjointement. Quant à la condition de deux ans de vie commune, elle n'est pas très exigente et va dans l'intérêt de l'enfant.

Avec l'homoparentalité, il est aussi question de gestation pour autrui ; nous en reparlerons.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Avis défavorable aux neuf amendements. Je note que MM. de Legge et Godefroy défendent le même amendement, pour des raisons inverses...

M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis.  - Le Conseil d'État a estimé que l'AMP n'est pas le bon moyen d'aborder la question de l'homoparentalité. La commission des lois a pris en compte l'intérêt de l'enfant pour émettre un avis défavorable aux neuf amendements.

La stabilité d'un couple peut être appréciée de différentes manières ; le Pacs est incontestablement la preuve d'un engagement et un élément suffisant de preuve de stabilité.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Le constat d'infertilité reste la condition d'accès à l'AMP alors que plusieurs des amendements proposent un critère sociétal. Le Gouvernement n'est pas prêt à suivre cette logique. Il est défavorable à tous les amendements, sauf à ceux qui rétablissent son texte.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Je voterai ces amendements qui prennent en compte l'évolution de la société : nous devons tenir compte de la situation d'infertilité sociale, qui est à l'origine de procréations organisées à l'étranger.

La méthode est à ce point populaire que les Belges ont dû mettre en place, dans leurs cliniques de fertilité, des procédures particulières pour les Français qui veulent un « bébé Thalys » et appellent à ce que nous modifiions notre législation en la matière.

Mme Pécresse, en 2006, demandait que l'on tienne compte des nouvelles formes de familles.

Mme Raymonde Le Texier.  - L'exigence de prouver deux ans de vie commune ne facilitera pas la vie de ces couples. Les mairies ne sont plus obligées de délivrer des certificats de vie commune ; il suffit désormais d'une attestation sur l'honneur, dont on peut faire authentifier les signatures. Que de tracasseries pour un document sans valeur juridique ! Ce que la société accepte sans problème, certains représentants de la nation voudraient le supprimer en oubliant que la moitié des couples mariés divorcent à Paris, deux sur trois en province.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - On ne peut régler la question de l'homoparentalité avec de tels amendements. Il y a aussi la question de l'adoption, sur laquelle mon groupe a déposé une proposition de loi -sans être certain qu'il se trouvera une majorité pour l'adopter, si j'ose dire.

L'instauration d'un délai ne prouverait pas grand-chose et serait quelque peu inquisitoire. Là aussi, il faudrait une harmonisation avec le régime de l'adoption.

Concernant les enfants, le mariage n'est pas une garantie de non-séparation et le sort des enfants est réglé de la même façon, quel que soit le statut du couple, après sa séparation.

Mme Roselle Cros.  - Je voterai l'amendement n°122 rectifié, qui me paraît équilibré : il garantit la stabilité d'un couple qui a eu le temps de se constituer et il consacre le fait que le Pacs est devenu la formule retenue par de nombreux couples.

M. Jean-Pierre Michel.  - Ces amendements sont très sympathiques mais l'article 515-5 du code civil précise que les couples pacsés ont tous les mêmes droits, quelle que soit le sexe des contractants. Mme Des Esgaulx avait bien vu, lors de la discussion de ma proposition de loi sur l'adoption par les pacsés, qu'il n'y a aucune distinction en la matière. Les pacsés homosexuels peuvent donc avoir accès à la PMA. Je m'étonne que la commission des lois navigue ainsi à vue.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Cet article 20 complète l'article L. 21-41-2 du code de la santé publique qui dit « l'homme et la femme font le couple ».

Mme Marie-Thérèse Hermange.  - La finalité de l'AMP est « thérapeutique », pour remédier à l'infertilité. Dans le cas de couples homosexuels, ce serait une finalité pour convenance.

M. Jean-Pierre Michel.  - Je comprends qu'il y a là une contradiction entre le code de la santé publique et le code civil. Il faudra donc saisir le Conseil constitutionnel.

L'amendement n°158 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°159 rectifié.

M. Alain Milon, rapporteur.  - La commission est défavorable à l'amendement n°25 que, pour ma part, je voterai car il me paraît conforme à la réalité de la société française.

L'amendement n°25 rectifié est adopté.

Les autres amendements deviennent sans objet.

Mme Marie-Thérèse Hermange.  - Bravo ! On fera des couples avec trois pères !

L'article 20, modifié, est adopté.

Article 20 bis (Supprimé)

Mme la présidente.  - Amendement n°47 rectifié, présenté par MM. Barbier, Collin, Baylet, Bockel et Detcheverry, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Mézard, Milhau, Tropeano et Vall.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I. - La seconde phrase du dernier alinéa de l'article L. 2141-2 du code de la santé publique est remplacée par trois alinéas ainsi rédigés :

« Font obstacle à l'insémination ou au transfert des embryons le dépôt d'une requête en divorce ou en séparation de corps ou la cessation de la communauté de vie, ainsi que la révocation par écrit du consentement par l'homme ou la femme auprès du médecin chargé de mettre en oeuvre l'assistance médicale à la procréation.

« Fait obstacle à l'insémination le décès d'un des membres du couple.

« Le transfert des embryons peut être réalisé à la suite du décès de l'homme dès lors que celui-ci a donné par écrit son consentement à la poursuite de l'assistance médicale à la procréation dans l'éventualité de son décès. Cette faculté lui est présentée lorsqu'il s'engage dans le processus ; son consentement peut être recueilli ou retiré à tout moment. Le transfert des embryons ne peut être réalisé qu'au minimum six mois et au maximum dix-huit mois après le décès, après autorisation de l'Agence de la biomédecine. La naissance d'un ou de plusieurs enfants à la suite d'un même transfert met fin à la possibilité de réaliser un autre transfert. La femme doit bénéficier dans ce cadre d'un accompagnement personnalisé. Elle peut à tout moment renoncer au transfert. Son mariage ou son remariage fait obstacle à la réalisation de ce transfert d'embryons. »

II. - L'article L. 2141-11 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Une information adaptée est remise à l'intéressé, au titulaire de l'autorité parentale ou au tuteur sur les conditions d'accès à l'assistance médicale à la procréation, en particulier sur le fait que le décès d'un des membres du couple fait obstacle à l'insémination. »

III. - Le titre VII du livre Ier du code civil est ainsi modifié :

1° La section 3 du chapitre Ier est ainsi modifiée :

a) À la première phrase du troisième alinéa de l'article 311-20, après le mot : « décès, », sont insérés les mots : « hormis dans le cas mentionné à l'article L. 2141-2 du code de la santé publique, » ;

b) Il est ajouté un article 311-20-1 ainsi rédigé :

« Art. 311-20-1. - Le consentement écrit donné par un homme à la poursuite éventuelle par sa concubine, postérieurement au décès de celui-ci, de leur projet parental vaut reconnaissance de l'enfant né du transfert des embryons du couple si ceux-ci ont été conçus et transférés dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation réalisée dans les conditions prévues à l'article L. 2141-2 du code de la santé publique.

« Le consentement ainsi donné interdit toute action en contestation de filiation ou en réclamation d'état, à moins qu'il ne soit soutenu que l'enfant n'est pas issu de la procréation médicalement assistée ou que le consentement a été révoqué. » ;

2° Après l'article 314, il est inséré un article 314-1 ainsi rédigé :

« Art. 314-1. - Si l'enfant est inscrit sans l'indication du nom du mari et n'a pas de possession d'état à l'égard de ce dernier, la présomption de paternité n'est toutefois pas écartée lorsqu'il est établi que le décès du mari est intervenu postérieurement à un processus d'assistance médicale à la procréation ayant donné lieu à la conception d'embryons pendant la durée du mariage, que l'intéressé a donné par écrit son consentement à une gestation intervenant après son décès et que la mère a bénéficié postérieurement à celui-ci d'un transfert des embryons dans les conditions prévues à l'article L. 2141-2 du code de la santé publique. »

IV. - Le titre Ier du livre III du même code est ainsi modifié :

1° Le chapitre Ier est complété par des articles 724-2 à 724-5 ainsi rédigés :

« Art. 724-2. - Par dérogation à l'article 725, l'enfant né à la suite d'un transfert d'embryons réalisé après le décès du père dans les conditions prévues à l'article L. 2141-2 du code de la santé publique est appelé à la succession du défunt qui a donné par écrit de son vivant son consentement à la mise en oeuvre d'un tel processus d'assistance médicale à la procréation.

« Art. 724-3. - Le président du tribunal de grande instance peut, à la requête de tout intéressé, compte tenu de la consistance du patrimoine et de la nature des actes à accomplir, confier à un administrateur la gestion de la succession du défunt lorsque celui-ci a donné le consentement mentionné à l'article 724-2 et qu'il subsiste des embryons conçus de son vivant dans le cadre d'un projet parental.

« L'administrateur exerce sa mission pendant les dix-huit mois qui font suite au décès. Il est mis fin à tout moment à la mission de l'administrateur dans les cas suivants :

« - lorsque la femme renonce à la poursuite du processus d'assistance médicale à la procréation dans les conditions prévues à l'article L. 2141-2 du code de la santé publique ;

« - dès lors qu'est constatée une naissance résultant du transfert d'embryons mentionné à l'article 724-2 du présent code ou une grossesse résultant de la dernière tentative possible d'un tel transfert ;

« - ou lorsque qu'est constaté l'échec de la dernière tentative possible de transfert d'embryons dans les conditions prévues à l'article L. 2141-2 du code de la santé publique.

« Art. 724-4. - L'administrateur est tenu de faire inventaire dans les formes prescrites pour l'acceptation de la succession à concurrence de l'actif net.

« Art. 724-5. - L'administrateur accomplit tous les actes de conservation et d'administration de la succession et exerce les pouvoirs de représentation prévus au premier alinéa de l'article 1873-6. Toutefois, aucun acte de disposition ne pourra intervenir durant sa mission, à l'exception de ceux qui sont effectués pour les besoins d'une exploitation normale des biens indivis ou pour la conservation de choses sujettes à dépérissement et de ceux qui sont autorisés par le juge des tutelles, aux prix et stipulations qu'il détermine.

« L'administrateur exerce ses pouvoirs alors même qu'existe un mineur ou un majeur faisant l'objet d'une mesure de protection légale parmi les héritiers ou successeurs. Les décisions qui excèdent les pouvoirs de l'administrateur donnent lieu à l'application des règles de protection prévues en faveur du mineur ou du majeur protégé. » ;

2° L'article 815 est ainsi modifié :

a) A la fin, les mots : « ou convention » sont remplacés par les mots : « , convention ou par l'effet de la loi » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« L'indivision est maintenue de plein droit lorsque le défunt a donné par écrit son consentement à la poursuite du processus d'assistance médicale à la procréation après son décès, prévu à l'article L. 2141-2 du code de la santé publique, et lorsqu'il subsiste des embryons dont la conception avait été décidée par le couple dans le cadre d'un projet parental. Ce sursis prend fin dans les mêmes conditions que celles prévues à l'article 724-3 du présent code. »

M. Yvon Collin.  - Je propose de rétablir l'article 20 bis tel qu'il était issu des travaux de l'Assemblée nationale et qui autorisait le transfert post mortem d'embryons.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°73, présenté par Mmes Cerisier-ben Guiga et Lepage, M. Yung, Mmes M. André, Boumediene-Thiery et Bourzai, MM. Mazuir, Andreoni, Berthou, Cazeau, Frécon, Frimat, Madec, Marc et Signé, Mme Laurent-Perrigot et M. Courteau.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - Ceux qui sont hostiles à cette pratique font du spectre de l'enfant orphelin une objection. Il y a toujours eu un grand nombre d'enfants orphelins de mère, avec la mortalité en couches. Apparemment, il est moins grave d'être orphelin de mère que de père...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Et les orphelins de guerre !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - La société qui a envoyé des milliers de jeunes hommes dans les tranchées ou dans les camps n'a pas eu de scrupules à priver de pères leurs fils et leurs filles.

A l'inverse, au témoignage d'écrivains comme Jules Vallès ou Jules Renard, avoir un père n'est pas forcément le gage d'une enfance heureuse...

Les couples engagés dans la démarche de l'AMP ont eu tout le temps de conforter leur projet parental : il doit pouvoir aboutir dans ce cas.

L'amendement n°115 rectifié n'est pas défendu.

M. Alain Milon, rapporteur.  - La commission a supprimé cet article de l'Assemblée nationale.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Même avis défavorable.

M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis.  - La commission des lois est défavorable à ces amendements.

On parle de poursuivre un projet parental, dont on considère que les embryons le concrétisent. Le même argument amènerait à autoriser la GPA si c'est la femme qui meurt avant son compagnon.

On ne peut identifier le cas de décès du père avant implantation et pendant la grossesse : dans un cas, l'enfant conçu devient orphelin ; dans l'autre, on le fait naître orphelin.

La détresse de la femme confrontée à un choix impossible pour la destinée de ses embryons -destruction, recherche ou don à un autre couple- ne doit pas conduire à remettre en cause des principes essentiels.

L'intérêt de l'enfant est de ne pas naître orphelin. Il n'est pas souhaitable que la société mobilise les moyens scientifiques pour que l'on consacre la figure d'un père défunt lié à l'enfant par un lien biologique. L'intérêt de l'enfant est d'échapper au poids du deuil. Le décès d'un parent avant implantation annule le projet parental. Un mort ne peut procréer. Enfin, le risque que l'enfant soit désiré comme un remède au deuil n'est pas nul.

Le transfert serait une transgression majeure de la finalité thérapeutique de l'AMP, qui remédie à l'infertilité. Enfin le dispositif dérogatoire envisagé est particulièrement complexe et incertain. Autoriser cette implantation poserait un gros problème juridique : la femme ne pourrait pas se marier mais pourrait conclure un Pacs.

M. Bernard Cazeau.  - Ce débat remonte à l'époque de l'affaire Maria Pirès. Lorsque la volonté parentale est affirmée, ce n'est pas à la morale d'intervenir. Nous voulons laisser le libre choix à la femme. Le grand nombre de familles monoparentales nous incite à nous tenir à l'écart du fantasme d'un lien entre stabilité du couple et bonheur de l'enfant. Une femme célibataire peut concevoir ou adopter seule un enfant : pourquoi le refuser à une veuve ?

La société est mûre pour accepter de telles pratiques. La morale, c'est la valeur de l'autre. Il faut prendre le temps du deuil mais, si la femme persiste dans sa volonté, au nom de quoi lui fermer cette possibilité ?

M. Guy Fischer.  - Il faut analyser à la fois ce que la science peut faire et ce que nous jugeons souhaitable. En l'occurrence, la possibilité scientifique de l'implantation de l'embryon conçu avec un géniteur mort ne la rend pas souhaitable.

Pour nous, le projet parental va bien au-delà du simple accouchement. Il n'appartient pas à la loi de répondre au désir de la femme de donner une telle preuve d'amour.

Notre vote ira dans le sens de la commission.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - Une chose est de poser des normes, une autre de décider pour des individus ce qui est bien pour eux. Le désir d'une femme de donner un enfant à un homme mort est respectable. La société ne comprendrait pas que nous le refusions.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Je me range aux arguments de la commission et de M. Fischer.

M. Jean-Pierre Michel.  - Moi aussi. Je ne veux pas qu'on mette au monde des enfants du deuil.

On ne peut interdire à la femme de se marier après le transfert. Qui sera alors le père de l'enfant ? L'époux !

Pour résoudre un cas ou deux de détresse, que l'on comprend, on va vers quelque chose de juridiquement insatisfaisant.

M. Christian Cambon.  - Très bien !

M. Bruno Retailleau.  - L'argument de la liberté individuelle ne justifie pas tout. Le législateur n'est pas le greffier des désirs des uns et des autres.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Ce n'est pas du tout la même chose de naître orphelin et d'être conçu orphelin. Les drames de la vie peuvent toujours survenir... Pensons au regard de l'enfant ainsi conçu.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Le problème, c'est que ces embryons existent. Que fera le médecin ? Les donner à quelqu'un d'autre ? Les détruire ? Les confier à la recherche ? Il faudra traiter ce problème.

Mme Marie-Thérèse Hermange.  - Parmi tous les votes que j'ai eu à faire en commission, çelui-ci aura été le plus difficile. On voit là qu'avec les techniques d'AMP, on peut tout faire, dans un sens ou dans un autre.

Ouvrir cette possibilité à une veuve le justifierait aussi pour un veuf, donc une mère porteuse. Or, je refuse la GPA. C'est pourquoi je voterai cet amendement, tout en sachant que la conséquence sera la destruction de l'embryon.

M. Richard Yung.  - Je reviens sur la question posée par le ministre : que sera le regard de l'enfant ainsi conçu ? Reprochera-t-il à sa mère ou à son père de l'avoir conçu dans de telles conditions ? Je ne parviens pas à l'imaginer car ils lui auront ainsi donné la vie. C'est pourquoi je voterai cet amendement.

Les amendements identiques nos47 rectifié et 73 ne sont pas adoptés.

L'article 20 bis demeure supprimé.

Article 20 ter

Mme la présidente.  - Amendement n°106, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

M. Guy Fischer.  - Cet article superfétatoire serait difficile à appliquer. Il faut donner des informations générales.

Comment savoir à l'avance l'affectation des ovocytes à telle ou telle recherche ?

L'amendement n°106, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°33 rectifié bis, présenté par M. Vasselle, Mme Hermange, M. Gilles, Mmes Desmarescaux et Rozier et M. Lardeux.

Rédiger ainsi cet article :

Le deuxième alinéa de l'article L. 2141-3 du code de la santé publique est ainsi rédigé :

« Compte tenu de l'état des techniques médicales, les membres du couple peuvent consentir par écrit à ce que soient conservés leurs gamètes dans l'intention de réaliser ultérieurement leur projet parental. Une information détaillée est remise aux membres du couple sur les possibilités de devenir de leurs gamètes qui ne feraient plus l'objet d'un projet parental. »

Mme Marie-Thérèse Hermange.  - La technique de congélation ultra-rapide des ovocytes étant autorisée, il faut prévoir un consentement par écrit du couple sur la possibilité de conserver leurs ovocytes dans l'intention de réaliser ultérieurement leur projet parental. Il faut également informer le couple sur les possibilités de devenir de leurs ovocytes conservés qui ne feraient plus l'objet d'un projet parental.

Mme la présidente.  - Amendement n°41 rectifié quater, présenté par Mme Hermange, M. P. Blanc, Mme Rozier, M. Revet, Mmes Giudicelli et Henneron, MM. Cantegrit, de Legge, Lardeux, Cazalet, du Luart, Lecerf, Darniche, Gilles, Portelli, B. Fournier, Vial, Retailleau, Pozzo di Borgo, Bécot, Couderc, del Picchia, Bailly et P. Dominati et Mme B. Dupont.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Après le deuxième alinéa du même article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Dans un délai d'un an après la promulgation de la loi n°           du                relative à la bioéthique et donc l'autorisation de la vitrification ovocytaire, la cryoconservation des embryons est interdite et le nombre d'embryons fécondés par tentative d'assistance médicale à la procréation est limité au nombre d'embryons directement implantés soit un ou deux. »

Mme Marie-Thérèse Hermange.  - L'objectif de limitation du nombre d'embryons conservés ne sera effectif que si l'on précise le nombre d'embryons autorisés par tentative.

Afin de prendre en compte la réalité des pratiques médicales et de laisser le temps aux laboratoires de s'approprier la technique de la vitrification ovocytaire, nous proposons un délai d'un an.

Mme la présidente.  - Amendement n°142 rectifié, présenté par Mme Payet.

Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

... - Après le deuxième alinéa du même article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Six mois après la promulgation de la loi n°     du     relative à la bioéthique, la cryoconservation des embryons est interdite. Seuls trois embryons au plus peuvent être conçus à la demande du couple et doivent être réimplantés immédiatement. »

... - Le troisième alinéa du même article est supprimé.

Mme Anne-Marie Payet.  - Le stock d'embryons congelés vivants place leurs parents devant d'impossibles choix et attise les convoitises des chercheurs. Dans ces conditions, il paraît souhaitable, comme le fait la législation allemande, de poser comme principe que tous les embryons ont droit à la vie et qu'ils ne peuvent être ni éliminés ni utilisés comme matériau de recherche. Les méthodes d'AMP doivent respecter ce principe. Le fait de ne pouvoir concevoir par fécondation in vitro qu'un maximum de trois embryons et que ceux-ci doivent être réimplantés immédiatement permet de respecter la santé de la mère et d'éviter la congélation d'embryons « surnuméraires ». Cela rejoint le voeu exprimé par certains membres du Comité consultatif national d'éthique. Une étude montre que 87 % des femmes sont plus susceptibles d'éviter une naissance prématurée après un transfert mono-embryonnaire par rapport au transfert de deux embryons à la fois.

De fait, un tiers des embryons conservés ne correspond à aucun projet parental et la moitié des femmes interrogées par une étude ont ressenti qu'elles abandonnaient l'embryon lorsqu'il n'était pas implanté.

La PMA nourrit l'espoir des parents mais échoue dans la moitié des cas ; elle retarde l'adoption. Elle n'est pas sans conséquence pour la santé et le développement de l'enfant, qu'il s'agisse de la prématurité ou de la prévalence des handicaps, sans oublier la dimension psychologique.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Avis défavorable, la loi n'a pas à trancher ces questions d'ordre médical.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Même avis. L'article 22 limite déjà le nombre d'ovocytes.

L'amendement n°33 rectifié bis n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°41 rectifié quater et l'amendement n°142 rectifié.

A l'issue d'une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'article 20 ter, mis aux voix par assis et levé, est adopté.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Je souhaite réunir la commission.

La séance est suspendue à 18 h 10.

*

*          *

La séance reprend à 18 h 30.

Article 21

Mme la présidente.  - Amendement n°174, présenté par M. Milon, au nom de la commission des affaires sociales.

Alinéa 8

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

En cas de décès de l'un des membres du couple, le membre survivant ne peut être consulté avant l'expiration d'un délai d'un an à compter du décès.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Nous laissons à la mère un délai de réflexion d'un an pour qu'elle décide du sort de l'embryon après le décès de son conjoint.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Je suis réservé. Je comprends la philosophie, mais la rédaction peut laisser croire qu'on devrait attendre un an. Sagesse.

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales.  - Effectivement, mais nous tenions surtout à ouvrir la navette.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Il ne faudrait pas, en restreignant le délai, redonner l'initiative au médecin.

Peut-être peut-on le rédiger différemment : en ajoutant « sauf initiative contraire de sa part ».

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Nous sommes d'accord : le délai peut être plus court.

Mme la présidente.  - Je tiens compte de la rectification.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Favorable.

M. Guy Fischer.  - Nous nous y rallions puisqu'il donne toute sa place à la liberté de la femme.

M. Christian Cointat.  - Les absents ont tort, je le sais, mais je suis effondré du vote négatif sur le transfert post mortem car celui-ci est un acte d'amour. On doit vraiment détruire les embryons, qui sont des êtres vivants ! Je ne peux pas me résoudre à voter cet amendement.

Mme Raymonde Le Texier.  - L'initiative contraire ? Ne vaudrait-il pas mieux « initiative antérieure » ?

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales.  - Ou plutôt « anticipée ».

M. Bernard Cazeau.  - Cette loi ne va pas sans paradoxes. Vous refusez de donner à la femme la liberté d'envisager un transfert post mortem et vous déplorez la création de trop d'embryons. Je suis pour la liberté, je m'abstiendrai.

Mme la présidente.  - L'objectif est de fixer un délai maximum d'un an : pourquoi ne pas l'écrire comme cela ?

M. Alain Milon, rapporteur.  - Le but, c'est que le veuf ou la veuve ne puisse être contacté par les équipes médicales avant le délai d'un an, quelle que soit la date de sa décision. Une décision qui, quelle que soit la solution retenue, est traumatisante. Ce qui poserait problème, ce serait une consultation prévue deux semaines après le décès, par exemple.

Je proposerai donc, comme rectification, d'ajouter : « sauf initiative anticipée de sa part ».

Mme la présidente.  - Ce sera l'amendement n°174 rectifié bis.

Amendement n°174 rectifié bis, présenté par M. Milon, au nom de la commission des affaires sociales.

Alinéa 8

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

En cas de décès de l'un des membres du couple, le membre survivant ne peut être consulté avant l'expiration d'un délai d'un an à compter du décès sauf initiative anticipée de sa part.

Mme Marie-Thérèse Hermange.  - Pourquoi ne pas préciser que l'objectif, c'est le don ou la destruction ? La situation est la même pour les embryons surnuméraires... qui sont abandonnés ! Il y en a 156 000 par idéologie... et il y en aura le double dans dix ans!

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Avis favorable à l'amendement n°174 rectifié bis.

L'amendement n°174 rectifié bis est adopté.

L'article 21, modifié, est adopté.

L'article 21 bis est adopté.

Article 22

Mme la présidente.  - Amendement n°27, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéas 3 et 4

Supprimer ces alinéas.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - L'Agence de biomédecine estime que 40 % des 150 000 embryons congelés ne font plus l'objet d'un projet parental. Cependant, cet article ne prend pas la bonne voie face à ce problème. La limitation à trois tentatives ? Ce serait une trop grande perte de chances pour les couples, vu le faible taux de réussite des FIV, surtout au-delà d'un certain âge de la mère. Pourquoi trois tentatives ? Le seuil est difficile à établir. Mieux vaut laisser une latitude aux médecins.

Mme la présidente.  - Amendement n°123 rectifié, présenté par M. Retailleau, Mme Hermange et MM. Vial, Bailly, Darniche, B. Fournier et Revet.

Alinéas 3 à 6

Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :

2° Les trois derniers alinéas de l'article L. 2141-3 du code de la santé publique sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« Compte tenu de l'état des techniques médicales, le nombre d'ovocytes fécondés est limité au nombre d'embryons directement implantés. »

M. Bruno Retailleau.  - Jusqu'ici, il fallait un nombre important d'embryons pour réussir la PMA, mais la technique nouvelle de la vitrification de l'ovocyte change tout : les soucis de l'éthique se rejoignent. Les ovocytes peuvent être conservés, sans qu'il soit nécessaire d'en féconder beaucoup. Limiter le nombre d'embryons à celui qui seront implantés règlerait le problème. L'article 22, quant à lui, n'apporte aucune solution et ne réduirait pas le nombre d'embryons surnuméraires.

Mme la présidente.  - Amendement n°42 rectifié ter, présenté par Mme Hermange, MM. P. Blanc et Revet, Mmes Rozier, Henneron et Giudicelli, MM. de Legge, Lardeux, Cantegrit, Cazalet, du Luart, Darniche, Gilles, Portelli, B. Fournier, Vial, Retailleau, Pozzo di Borgo, Bécot, Couderc, del Picchia, Bailly et P. Dominati et Mme B. Dupont.

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par les mots et la phrase :

, dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la loi n°           du                relative à la bioéthique. Passé ce délai, ce nombre est limité au nombre d'embryons directement implantés, soit un ou deux.

Mme Marie-Thérèse Hermange.  - Nous allons dans le même sens. En 1994, les scientifiques ne nous ont pas dit qu'ils voulaient créer des embryons pour la recherche mais seulement pouvoir, si les parents étaient d'accord, utiliser les embryons surnuméraires en cas d'abandon du projet parental. Dès lors que la vitrification des ovocytes permet la fécondation, il faut limiter le nombre d'embryons surnuméraires.

Mme la présidente.  - Amendement n°34 rectifié bis, présenté par M. Vasselle, Mme Hermange, M. Gilles, Mmes Desmarescaux et Rozier et M. Lardeux.

Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° L'avant-dernier alinéa du même article L. 2141-3 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ce consentement ne peut être recueilli qu'après le succès de l'assistance médicale à la procréation. »

Mme Marie-Thérèse Hermange.  - Repli.

L'amendement n°77 rectifié n'est pas défendu.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Avis défavorable aux quatre amendements.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Même avis. La rédaction de l'Assemblée concilie l'objectif de limiter la conservation des embryons surnuméraires et de donner toutes leurs chances aux AMP.

Mme Marie-Thérèse Hermange.  - La vitrification ovocytaire n'a été expérimentée qu'une fois, un mois avant l'examen du texte par l'Assemblée nationale. Nous avons besoin de plus d'informations au sein de la commission.

L'amendement n°27 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos123 rectifié, 42 rectifié ter et 34 rectifié bis.

L'article 22 est adopté.

Article additionnel

Mme la présidente.  - Amendement n°114 rectifié, présenté par Mmes Bout, Garriaud-Maylam et Papon, M. Gilles, Mme Sittler, MM. Beaumont et Lefèvre et Mmes Hummel et Panis.

Après l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le troisième alinéa de l'article L. 2142-1 du code de la santé publique est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

« Les activités cliniques et biologiques d'assistance médicale à la procréation relatives aux spermatozoïdes en vue de don ne peuvent être pratiquées que dans des organismes et établissements de santé publics, ou dans des organismes et établissements de santé privés à but non lucratif.

« Les activités cliniques et biologiques d'assistance médicale à la procréation relatives aux ovocytes en vue de don peuvent être pratiquées dans des ?organismes et établissements ?de santé publics ou privés, des laboratoires de biologie médicale autorisés par l'Agence régionale de santé après avis de l'Agence de la biomédecine.

« Aucune rémunération à l'acte ne peut être perçue par les praticiens au titre de ces activités. »

Mme Brigitte Bout.  - Je souhaite autoriser la pratique du don d'ovocytes dans les centres privés qui, soumis aux mêmes contraintes que le secteur public, réalisent actuellement près de 60 % de l'assistance médicale à la procréation en France.

Dans certaines régions de France, les CHU qui en ont reçu l'autorisation n'ont réalisé aucun prélèvement depuis 2004 pour dons d'ovocytes alors que la demande est en constante augmentation. Selon l'Agence de la biomédecine, plus de 1 300 couples sont en attente d'ovocytes. L'Igas constate que 300 donneuses d'ovocytes se présentent chaque année en France pour un besoin évalué par la mission entre 1 500 et 6 000 demandes nouvelles de prises en charge par an, répondant aux critères conformes à la loi.

Les couples peuvent donc attendre de deux à cinq ans un don d'ovocytes, alors que les chances de succès s'amenuisent avec l'âge de la demandeuse. Cette pénurie explique que 80 à 85 % des couples se rendent à l'étranger pour bénéficier d'un don d'ovocytes sans qu'aucune garantie ne soit donnée aux patientes françaises sur la qualité des ovocytes qui leur sont vendus, contrairement à ce qui serait le cas dans le cadre des lois de bioéthique en France.

C'est, en outre, rendre inaccessible ce traitement aux couples les plus défavorisés.

L'Igas propose l'ouverture du don d'ovocytes au secteur privé, sachant que la majorité des couples se rendent dans des centres privés étrangers non soumis aux mêmes garanties que celles dont relèveraient des centres privés français.

Il est en effet entendu que le don d'ovocytes dans le cadre de centres privés d'AMP devra se faire dans les mêmes conditions que celles opérées dans un centre public, conformément à la loi de bioéthique, c'est-à-dire sans aucune rémunération.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Contre l'avis de son rapporteur, la commission a émis un avis défavorable.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Si cela permet d'améliorer les choses, faisons-le. Avis favorable.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - Pourquoi va-t-on à Barcelone ? Nous le savons. Donner ses ovocytes, ce n'est pas un plaisir, et c'est très différent du don de sperme. Les femmes doivent subir un traitement médicamenteux qui fait grossir et qui donne mal au coeur. Ne faisons pas comme si l'on recourait à l'AMP pour le plaisir. C'est plus agréable sous la couette ! (Sourires) Sortons de l'hypocrisie et indemnisons les donneurs d'ovocyte ! Faute de quoi rares seront les dons.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Je répète que le Gouvernement est favorable à cet amendement.

M. Guy Fischer.  - Je suis contre la rémunération, et donc contre cet amendement. Et voilà que le Gouvernement l'accepte puisqu'il s'agit d'ouvrir au privé !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Ne glissez pas la politique dans un sujet comme celui-ci ! L'amendement propose des solutions pragmatiques et bien encadrées. L'intervention du privé ne serait possible qu'en cas de défaillance du service public.

M. Guy Fischer.  - Le service public, vous le faites partout défaillir !

Mme Raymonde Le Texier.  - Monsieur le ministre, nous sommes ravis de vous accueillir, et je regrette de ne pas vous avoir vu plus tôt dans ce débat. Vous auriez constaté que chacun a remis ses convictions politiques au placard, que les positions des uns et des autres ont évolué. La polémique revient -de votre part.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - D'où viennent les problèmes des hôpitaux publics à quoi cet amendement propose de remédier ?

À l'issue d'une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°114 rectifié, mis aux voix par assis et levé, n'est pas adopté.

Article 22 bis (Supprimé)

Mme la présidente.  - Amendement n°35 rectifié, présenté par Mmes Giudicelli et Hermange, M. Gilles, Mmes Rozier et Papon, M. B. Fournier et Mmes Panis et B. Dupont.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le 3° de l'article L. 1418-1 du même code est complété par les mots : « et notamment en ce qui concerne les causes de la stérilité et les moyens de restaurer la fertilité ».

Mme Marie-Thérèse Hermange.  - Aujourd'hui un couple sur sept consulte pour cause d'infertilité. Or les techniques d'assistance médicalisée à la procréation ne restaurent pas la fertilité, au contraire de ce que pourrait faire la greffe de tissu ovarien si les recherches sur ce procédé étaient davantage encouragées.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Il n'est pas de bonne législation de faire une énumération partielle des compétences de l'ABM. Défavorable.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°35 rectifié n'est pas adopté.

L'article 22 bis demeure supprimé.

Article 22 ter

Mme la présidente.  - Amendement n°28, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Le domaine de la santé ne peut être soumis à la concurrence. Chaque centre de PMA est confronté à des situations différentes. Il faut tenir compte de cette variabilité des paramètres. On peut s'interroger sur la possibilité que soient fermés certains centres pour cause de résultat statistiquement insuffisants.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Les responsables de ces centres, médecins, chercheurs, ont demandé un tel article. Défavorable à l'amendement.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Même avis : je suis pour la transparence.

M. Guy Fischer.  - Cet amendement vise à mettre en concurrence les centres d'AMP ; c'est une démarche pernicieuse. Les missions de l'Agence de biomédecine sont nombreuses ; l'établissement d'un palmarès entre-t-il dans ses missions ? On nous répète que le service public doit être plus efficace. Si cette efficacité suppose la mise en concurrence, nous nous y opposons.

Veut-on, en l'espèce, favoriser le nomadisme médical ? Que le patient choisisse son centre comme il choisirait son garagiste ? La mise en concurrence engorgerait les centres les plus efficaces et pousserait à la fermeture des autres. Nos centres publics n'ont rien à gagner à la mise en concurrence, qui favorise la désertification médicale -comme on le voit avec la fermeture de petits hôpitaux de proximité.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Nous parlons abondamment ici des déserts médicaux, des inégalités d'accès aux soins. Un tel article ne peut que pousser à la désertification. Les « indicateurs chiffrés » m'inquiètent beaucoup ; s'ils ne sont pas jugés comme bons, on sait bien ce qui arrivera... Tout cela est dangereux.

L'amendement n°28 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°43 rectifié ter, présenté par Mme Hermange, M. P. Blanc, Mme Rozier, M. Revet, Mmes Giudicelli et Henneron, MM. Cantegrit, de Legge, Lardeux, Cazalet, du Luart, Lecerf, Darniche, Gilles, Portelli, B. Fournier, Vial, Cointat, Retailleau, Pozzo di Borgo, Couderc, del Picchia, Bailly, Mayet, Pinton et P. Dominati et Mme B. Dupont.

Alinéa 1

Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :

Le 4° de l'article L. 1418-1 est ainsi modifié :

1° Après les mots : « et sur celle des enfants qui en sont issus », sont insérés les mots : « et publie régulièrement un rapport sur leur suivi » ;

2° Il est complété par une phrase ainsi rédigée :

Mme Marie-Thérèse Hermange.  - Depuis 2004, l'Agence de la biomédecine a dans ses missions le suivi des enfants nés par AMP. Or ce suivi n'a jamais été organisé.

M. Alain Milon, rapporteur.  - L'Agence de biomédecine a déjà l'obligation de rendre compte de cette activité dans son rapport annuel. Cet amendement est superflu.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Même avis défavorable.

Mme Marie-Thérèse Hermange.  - La seule étude sur la question -4 000 enfants ont été suivis- a été produite par le professeur Olivennes, pas par l'Agence. C'est dommage.

L'amendement n°43 rectifié ter est retiré.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Un travail est actuellement mené pour croiser les données des registres FIV et celles de l'assurance maladie.

L'article 22 ter est adopté, ainsi que l'article 22 quater.

La séance est suspendue à 19 h 25.

*

*          *

présidence de M. Roland du Luart,vice-président

La séance reprend à 21 h 35.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié quater, présenté par M. Milon, Mmes Dini et Bout et MM. Beaumont, Carle et Mayet.

Après l'article 22 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de la santé publique est ainsi modifié :

I. - Le titre IV du livre premier de la deuxième partie est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :

« CHAPITRE IV

« Gestation pour autrui

« Art. L. 2144-1. - La gestation pour autrui est le fait, pour une femme, de porter en elle un ou plusieurs enfants conçus dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation en vue de les remettre, à leur naissance, à un couple demandeur selon les conditions et modalités définies au présent titre.

« Art. L. 2144-2. - Peuvent bénéficier d'une gestation pour autrui les couples qui remplissent, outre les conditions prévues au dernier alinéa de l'article L. 2141-2, celles fixées aux alinéas suivants :

« 1° L'homme et la femme doivent tous deux être domiciliés en France ;

« 2° La femme doit se trouver dans l'impossibilité de mener une grossesse à terme ou ne pouvoir la mener sans un risque d'une particulière gravité pour sa santé ou pour celle de l'enfant à naître ;

« 3° L'enfant doit être conçu avec les gamètes de l'un au moins des membres du couple.

« Art. L. 2144-3. - Peut seule porter en elle un ou plusieurs enfants pour autrui, la femme majeure, domiciliée en France et ayant déjà accouché d'un enfant au moins sans avoir rencontré de difficulté particulière durant la grossesse puis l'accouchement.

« Une femme ne peut porter pour autrui un enfant conçu avec ses propres ovocytes.

« Une mère ne peut porter un enfant pour sa fille.

« Une femme ne peut mener plus de deux grossesses pour autrui.

« Art. L. 2144-4. - Les couples désireux de bénéficier d'une gestation pour autrui et les femmes disposées à porter en elles un ou plusieurs enfants pour autrui doivent en outre obtenir l'agrément de l'Agence de la biomédecine.

 « Cet agrément est délivré après évaluation de leur état de santé physique et psychologique par une commission pluridisciplinaire dont la composition est fixée par décret.

« Il est valable pour une durée de trois ans renouvelable.

« Tout refus ou retrait d'agrément doit être motivé.

« Art. L. 2144-5. - La mise en relation d'un ou de plusieurs couples désireux de bénéficier d'une gestation pour autrui et d'une ou de plusieurs femmes disposées à porter en elles un ou plusieurs enfants pour autrui ne peut donner lieu ni à publicité ni à rémunération. Elle ne peut être réalisée qu'avec l'agrément de l'Agence de la biomédecine.

« Art. L. 2144-6. - Le transfert d'embryons en vue d'une gestation pour autrui est subordonné à une décision de l'autorité judiciaire.

« Le juge s'assure du respect des articles L. 2144-1 à L. 2144-5.

« Après les avoir informés des conséquences de leur décision, il recueille les consentements écrits des membres du couple demandeur, de la femme disposée à porter en elle un ou plusieurs enfants pour leur compte et, le cas échéant, celui de son conjoint, de son concubin ou de la personne avec laquelle elle a conclu un pacte civil de solidarité.

« Le juge fixe la somme que les membres du couple demandeur doivent verser à la femme qui portera en elle un ou plusieurs enfants pour leur compte afin de couvrir les frais liés à la grossesse qui ne seraient pas pris en charge par l'organisme de sécurité sociale et les organismes complémentaires d'assurance maladie. Cette somme peut être révisée durant la grossesse. Aucun autre paiement, quelle qu'en soit la forme, ne peut être alloué au titre de la gestation pour autrui.

« Art. L. 2144-7. - Toute décision relative à une interruption volontaire de la grossesse est prise, le cas échéant, par la femme ayant accepté de porter en elle un ou plusieurs enfants pour autrui.

« Art. L. 2144-8. - Aucune action en responsabilité ne peut être engagée, au titre d'une gestation pour autrui, par les membres du couple bénéficiaire de cette gestation, ou l'un d'entre eux, à l'encontre de la femme ayant accepté de porter en elle un ou plusieurs enfants pour leur compte. »

II. - Après le quinzième alinéa (11°) de l'article L. 1418-1, il est inséré un 11° bis ainsi rédigé :

« 11° bis De délivrer les agréments prévus aux articles L. 2144-4 et L. 2144-5 ; »

III. - Dans la première phrase de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 1418-3, les mots : « et 11° » sont remplacés par les mots : « , 11° et 11°bis ».

M. Alain Milon, rapporteur.  - Cet amendement permet de modifier le code de la santé publique afin d'inscrire la gestation pour autrui dans le cadre de l'assistance médicale à la procréation, qui devient un instrument supplémentaire au service de la lutte contre l'infertilité, sans que soit reconnu pour autant un « droit à l'enfant ».

Seuls pourront bénéficier d'une gestation pour autrui les couples composés de personnes de sexes différents, mariées ou en mesure de justifier d'une vie commune d'au moins deux années, en âge de procréer et domiciliées en France. La femme doit se trouver dans l'impossibilité de mener une grossesse à terme ou de ne pouvoir la mener sans un risque d'une particulière gravité pour sa santé ou pour celle de l'enfant à naître. L'un des deux membres du couple au moins doit être le parent génétique de l'enfant.

Seule pourrait porter en elle un ou plusieurs enfants pour autrui la femme majeure, domiciliée en France et ayant déjà accouché d'un enfant au moins sans avoir rencontré de difficulté particulière durant la grossesse puis l'accouchement. De surcroît, une femme ne pourrait ni porter pour autrui un enfant conçu avec ses propres ovocytes, ni porter un enfant pour sa fille, ni mener plus de deux grossesses pour autrui.

Enfin, les couples désireux de bénéficier d'une gestation pour autrui et les femmes disposées à porter un ou plusieurs enfants pour autrui devraient obtenir l'agrément de l'Agence de la biomédecine, cet agrément étant destiné à vérifier leur état de santé physique et psychique.

Serait autorisée la mise en relation d'un ou de plusieurs couples désireux de bénéficier d'une gestation pour autrui et d'une ou de plusieurs femmes disposées à porter en elles un ou plusieurs enfants pour autrui, à condition qu'elle ne donne lieu ni à publicité ni à rémunération. Cette mise en relation ne pourrait, de surcroît, être réalisée à titre habituel qu'avec l'agrément de l'Agence de la biomédecine.

Le transfert d'embryons serait subordonné à une autorisation du juge judiciaire. Le magistrat devra vérifier les agréments, recueillir les consentements écrits des parents intentionnels et de la gestatrice ainsi que, le cas échéant, celui du conjoint, du concubin ou du partenaire de Pacs de cette dernière, après les avoir informés des conséquences de leur engagement, au regard notamment du droit de la filiation. Il fixera également la somme devant être versée par le couple bénéficiaire à la gestatrice afin de couvrir les frais liés à la grossesse qui ne seraient pas pris en charge par l'organisme de sécurité sociale et les organismes complémentaires d'assurance maladie. Cette somme pourrait être révisée en cas d'événement imprévu au cours de la grossesse. La gestation pour autrui ne pouvant être admise que comme don de soi, aucun autre paiement, quelle qu'en soit la forme, ne pourrait être alloué.

Il appartiendrait à la gestatrice et à elle seule de prendre, le cas échéant, toute décision relative à une interruption volontaire de la grossesse.

Il serait fait interdiction aux membres du couple bénéficiaire d'une gestation pour autrui, ou à l'un d'entre eux, d'engager une action en responsabilité à l'encontre de la femme ayant accepté de porter en elle un ou plusieurs enfants pour leur compte.

M. le président.  - Amendement identique n°75 rectifié, présenté par M. Godefroy, Mmes M. André et Le Texier, M. Michel, Mmes Cerisier-ben Guiga et Lepage, MM. Yung, Kerdraon, Rebsamen, C. Gautier, Lagauche, Botrel et Frimat, Mme Campion, MM. Madec et Courteau, Mme Schillinger, MM. Guillaume, Mazuir, Piras, Marc, Signé et Desessard, Mmes Boumediene-Thiery et Blandin, MM. Andreoni et Chastan, Mme Laurent-Perrigot, M. Badinter, Mme Blondin et M. Carrère.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - La liberté de procréer est un droit fondamental, élargi par les progrès de la science.

Je vois dans la GPA une technique supplémentaire pour lutter contre l'infertilité : sa légalisation doit être strictement encadrée, comme le prévoyait la proposition de loi de Mme André.

Il s'agit de répondre à des demandes précises, limitées, celles des couples dont la femme, pour raisons médicales, ne peut porter un enfant : ce n'est donc pas une pratique de confort.

La GPA se différencie de la pratique des mères porteuses : la femme qui porte l'enfant ne pourra donner son patrimoine génétique. C'est un don de vie qui permet de sortir de situations de souffrance.

L'agrément de l'Agence de biomédecine sera requis, ainsi que l'autorisation du juge judiciaire, chargé de vérifier que le consentement des parties est éclairé.

Ainsi entendue, la GPA est un « don gestationnel », conforme à notre cadre éthique, altruiste et non lucratif.

La marchandisation peut être évitée grâce à une procédure qui l'encadre strictement, à la différence de ce qui prévaut dans certains pays, comme l'Inde ou l'Ukraine.

En refusant la GPA en France, on l'encourage à l'étranger. Cette proposition est réaliste, pragmatique, rigoureuse. Ce débat, que l'on ne peut occulter, honore notre assemblée.

L'amendement n°160 rectifié n'est pas défendu.

M. Alain Milon, rapporteur.  - La commission est défavorable.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - Autoriser la GPA serait contraire à nos principes et à nos valeurs. Le Conseil d'État, l'Agence de biomédecine, l'Opecst, les états généraux de la bioéthique, l'Académie de médecine se sont prononcés contre. La GPA n'est pas assimilable à une simple technique d'assistance à la procréation. Elle oblige à recourir au corps d'une femme qui renonce à garder l'enfant : elle est contraire au principe de l'indisponibilité du corps humain et au respect de l'enfant ; le don de la vie ne peut primer sur la dignité humaine, qui a valeur constitutionnelle.

Personne ne peut aliéner ni vendre son corps, quand bien même il y consentirait : le désir d'enfant n'est pas une raison suffisante. (« Très bien «  à droite) Il faut protéger les plus vulnérables. Même si l'on peut comprendre la souffrance des femmes qui ne peuvent enfanter, on ne peut remettre en cause de tels principes.

Des relations harmonieuses pourraient se nouer entre les deux femmes ? Ce serait lever l'anonymat du don et aller à la marchandisation.

Notre législation bioéthique serait fragilisée, à terme, par une telle légalisation. Sans compter que les conséquences psychologiques ne sont pas minces. Quid en cas de rupture ou de décès du couple demandeur, de renonciation ?

Loin d'être un signe de modernité, l'adoption de ces amendements signerait notre renoncement collectif à préserver des pratiques conformes à notre éthique.

M. le président.  - Le Gouvernement, j'en informe l'assemblée, a demandé un scrutin public.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Les Verts sont cosignataires de cet amendement de bon sens, pour encadrer la GPA, comme l'avait voulu Mme André en déposant sa proposition de loi.

L'appel à la légalisation dépasse les clivages politiques. Notre amendement encadre strictement le recours à la GPA. Un agrément de l'Agence de biomédecine est requis, puis le juge devra statuer non seulement pour s'assurer que le consentement est éclairé mais sur les frais liés à la grossesse -qu'il conviendra de préciser.

La légalisation permettra de reconnaître le droit des enfants nés de cette technique, aujourd'hui clandestins, demain -peut-être- apatrides. Pensez à l'intérêt de ces enfants !

M. Bruno Retailleau.  - Je reconnais à mes collègues le mérite de la ténacité. M. Godefroy a défendu un amendement permettant aux homosexuels d'avoir des enfants : il est logique qu'il légalise la GPA.

Pour moi, elle est contraire à tout notre édifice législatif comme à la sagesse commune. La Cour de cassation a indiqué très clairement hier que la GPA est contraire au principe de la filiation, qui veut que la mère soit celle qui accouche. Elle contrevient à l'interdiction de la marchandisation du corps humain. Que l'on vienne me prouver qu'une femme en détresse prête son ventre par philanthropie ! Et l'enfant à naître est assimilé à un objet de transaction : c'est le Conseil d'État qui le constate. Double marchandisation, donc, et double risque : une relation se construit, pendant la gestation, entre l'enfant et la mère.

Mme Raymonde Le Texier.  - Qu'en savez-vous ?

M. Bruno Retailleau.  - Nous sommes ici législateurs avant d'être hommes ou femmes, heureusement !

Risque pour l'enfant, donc, mais aussi pour la mère porteuse. La GPA se pratique à l'étranger, donc, il faudrait l'importer ? Pur argument d'autorité, qui ne vaut rien : ce n'est pas ce qui se fait ailleurs qui doit nous dicter notre droit ! (« Très bien » à droite)

Mon opposition est éthique : la GPA est de ces pratiques qui ne sauraient se dérouler dans le cadre de la loi.

M. Richard Yung.  - Vous avez voulu jeter l'opprobre sur l'argumentation de M. Godefroy, en évoquant les couples homosexuels.

Mais dans la majorité des cas, les couples demandeurs sont hétérosexuels.

Nous révisons les lois de bioéthique et, sur ce point, silence total ! Votre conception, madame la ministre, s'est arrêtée au XIXe, celui de Balzac et d'Alexandre Dumas. Pour nous, le droit doit suivre l'évolution des moeurs. Je comprends que sur un tel sujet, le Gouvernement demande un scrutin public.

La Cour de cassation ne fait qu'interpréter notre droit : si l'on change le cadre juridique, elle suivra. La légalisation conduira à ne plus accepter, en revanche, que des parents français puissent s'adresser à l'étranger.

Mme Marie-Thérèse Hermange.  - Je ne voterai pas ces amendements pour des raisons médicales et juridiques. La naissance est une joie et peut être aussi une douleur : enfants prématurés, handicapés... C'est à la mère porteuse, tant que l'enfant ne sera pas donné, que la décision d'IVG appartiendra. A l'Académie de médecine, nous avons eu le cas d'une mère porteuse qui a dû subir une hystérectomie à la suite de sa grossesse. Sans oublier les 2 % d'hémorragies de la délivrance. Ces questions médicales ne sont pas négligeables.

S'y ajoutent des problèmes juridiques. Légaliser la GPA, ce serait renoncer au principe mater semper certa est, ce serait légaliser un abandon d'enfant. Car quel est l'objet du contrat ? L'enfant. Sur qui résilier le contrat ? Sur la tête de l'enfant -cela me gêne... On ne peut écarter la marchandisation.

Mais au fond, ce débat n'a plus lieu d'être : dès lors que l'on a reconnu cet après-midi le droit pour tous les couples d'avoir recours à l'AMP, on autorise de fait la GPA !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - J'ai participé au groupe de travail de Mme André et voté contre la légalisation de la GPA et mon groupe votera en majorité contre les amendements.

Personne ne conteste la souffrance des couples qui ne peuvent avoir d'enfant mais il n'y a pas de droit à l'enfant à tout prix.

La GPA fait intervenir plusieurs acteurs : couple demandeur, mère porteuse, enfant à naître et enfants déjà nés de la mère porteuse. Compte tenu du nombre de personnes susceptibles de porter un enfant pour autrui, la légalisation en France n'empêchera pas le recours à des mères porteuses à l'étranger. Sauf à revenir à d'anciennes pratiques, la soeur portant l'enfant pour sa soeur, la mère pour sa fille : ce serait une inimaginable régression.

Le risque de marchandisation est patent. Et comment qualifier une situation si un contrat marchand est passé sur un enfant, comme en Ukraine ou aux Etats-Unis ?

Qu'en sera-t-il de l'enfant ? Quelle idée se fera de sa mère un enfant aîné, qui l'aura vue donner l'enfant dont elle était enceinte ? Tout ceci est très complexe.

M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis.  - A titre personnel, je veux rappeler que la GPA est sanctionnée civilement et pénalement : les travaux préparatoires de 2004 ont conclu au maintien de la prohibition.

La GPA porte atteinte à la dignité de la personne humaine, consacrée par le Conseil constitutionnel, et au principe d'indisponibilité du corps humain, comme vient de le rappeler la Cour de cassation.

La marchandisation est inévitable. Le contrôle du juge ne pourra empêcher les versements officieux.

L'argument de l'étranger ne vaut pas, surtout face aux risques médicaux et psychologiques pour la mère et l'enfant. Que faire si la mère porteuse souhaite conserver l'enfant ? Faudra-t-il saisir le juge en référé pour exécution forcée du contrat ? Si la mère porteuse a déjà eu des enfants, comment comprendront-ils la situation ?

Autant de questions que l'on ne peut occulter. Les intérêts des uns ne sont pas ceux des autres. Je ne voterai pas ces amendements.

M. Dominique de Legge.  - La mère est celle qui accouche. Sans doute y a-t-il beaucoup de générosité dans l'intention mais aussi beaucoup de drames possibles : refus par la mère porteuse de céder son enfant ou de la mère demandeuse de le prendre, par exemple. Évitons-les.

Mme Raymonde Le Texier.  - L'interdiction absolue encourage les couples à chercher des solutions à l'étranger, ainsi que le rappelle le professeur Nisand.

L'amendement encadre très précisément la procédure. Il s'agit de sortir du déni et de lutter contre la marchandisation. Certes, la pratique comporte des risques éthiques mais elle lève certaines interrogations. Le professeur Nisand, encore, nous rappelle que la filiation ne tient pas seulement à la grossesse : après l'accouchement, il y a un temps pour l'adoption de l'enfant au terme de la grossesse psychique. Si l'intérêt de l'enfant l'emportait vraiment, personne ne refuserait la filiation des enfants nés dans ces conditions à l'étranger. Quant aux valeurs de la bioéthique, notre amendement très encadré nous paraît y être fidèle. Il aurai au moins permis d'ouvrir une discussion.

M. Christian Cointat.  - Quand une mère, autrefois, n'avait pas de lait, cela ne choquait pas de recourir à une nourrice. On ne fait ici que passer d'une mère porteuse externe à une mère porteuse interne. Je suis attaché au respect des familles, des couples : je ne peux être contre un protocole qui ne met pas en cause le corps humain mais le transcende, pour donner la vie dans l'amour.

Quand on a voté l'IVG, il a bien fallu changer le droit ! On ne peut pas, de surcroît, faire comme si la mondialisation n'existait pas.

Mes valeurs sont celles d'un vieux gaulliste. J'ai été atterré par le vote sur les transferts d'embryons post-mortem. On va interdire à une mère de bénéficier de son embryon et lui demander de le tuer.

Essayons, bien au contraire, d'accompagner ceux qui aiment les enfants et qui en veulent ! (Applaudissements sur plusieurs bancs socialistes)

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - La maxime qui veut que la mère soit celle qui accouche est déjà bafouée par l'adoption plénière. J'ai travaillé avec Terra Nova sur la GPA, avec de nombreux spécialistes. Je suis bien placée pour savoir qu'une femme qui a l'expérience d'une maternité traditionnelle a du mal à se représenter autre chose. Sans compter que la GPA a un versant sordide : sa marchandisation, à l'étranger, qui me révulse pour les enfants qui en sont issus -le scandale est le même que pour les enfants adoptés dans un orphelinat moyennant finances.

Mais certains pays démocratiques ont su encadrer la pratique et nous avons suffisamment de recul. Aujourd'hui, on sait que de nombreuses mères sont privées d'utérus pour avoir absorbé du dystilbène. Il faut trouver une réponse. Une relation d'amitié, de complicité peut se nouer entre les femmes. « Nous sommes enceintes » a écrit un jour une mère porteuse à une mère d'intention, après la réussite de l'implantation.

La mère porteuse n'est pas au service de la mère d'intention, qui est son obligée. Il est grand temps de légaliser la GPA et de ne plus priver d'état civil les enfants nés de la GPA à l'étranger !

M. Bernard Cazeau.  - Tout a été dit sur les pôles biologique et éducatif, mais entre les deux interviennent parfois des tierces personnes pour faciliter la gestation dans l'utérus, qui n'est qu'un passage. Madame Hermange, heureusement que la plupart des hémorragies de la délivrance ne tuent plus : ne nous racontez pas d'histoires ! Je vous le dis comme médecin. Ces amendements sont bienvenus, ils ouvrent la réflexion, leur adoption comblerait le retard qu'ont pris les lois françaises sur les moeurs françaises. Finissons-en avec cette nouvelle hypocrisie.

Vous agitez le chiffon rouge de la marchandisation... Mais le risque de dessous-de-table ne peut justifier l'interdiction -ou bien il faudrait interdire la vente d'appartements...

Les amendements ne sont pas parfaits. Mais je les voterai ! Je ne doute pas que si nous ne les votons pas cette fois-ci, nous le ferons lors de la prochaine loi de révision !

Mme Catherine Tasca.  - Mes collègues socialistes qui s'expriment ce soir sont favorables à la GPA, j'ai une position inverse.

Comme femme, comme mère, instinctivement, je ne peux imaginer de demander à une autre femme qui a porté un enfant de me le donner : le lien établi avec l'enfant pendant la grossesse est inéluctable.

Ensuite, il y a l'argent : je suis convaincue que la GPA ne peut être à l'abri de la marchandisation. Il y a des limites au désintéressement : les mères porteuses viendront de milieux défavorisés, toutes les précautions que l'on prendra n'y feront rien.

Enfin, je ne pense pas que la loi ne doit pas se caler sur toutes les pratiques. (Applaudissements à droite) Certes, nous légaliserons peut-être la GPA dans dix ans mais je crois utile de résister à cette dérive. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Je crois qu'en légalisant cette pratique en France, nous éviterions la marchandisation actuelle. En Californie, il faut compter 100 000 euros la GPA, 30 000 en Ukraine : comment pouvez-vous ne pas voir cette réalité ?

La grossesse n'est pas sans risque, mais c'est le cas aujourd'hui dans les GPA pratiquées à l'étranger. La Cour de cassation a rappelé que la mère est celle qui accouche -en réalité, la traduction du principe est plutôt : c'est la mère qui est toujours certaine, mater semper certa est.

Comme pour les mort-nés, le juge, fût-ce la Cour de Cassation, nous renvoie à nous-mêmes : c'est à nous de changer la loi.

Ne dressons pas un mur artificiel, vous n'arrêterez pas les GPA : votre mur tombera, comme tous les murs, mais au prix de nombreux drames que nous pourrions éviter.

Le Gouvernement a demandé un scrutin public, on en connaît donc le résultat, mais je sais que nous reviendrons sur ce thème. Je préfère que nous adoptions cet amendement pour que le Parlement en débatte plus avant.

Quant au refus d'accorder un état civil aux enfants de GPA à l'étranger, j'y reviendrai.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Je souhaitais ce débat, je me réjouis de sa tenue. J'ai été, en 2007, rapporteur avec M. de Richemont du groupe de travail présidé par Mme André. Mon avis a évolué au cours des auditions et M. de Richemont et Mme André, eux aussi, sont devenus favorables à la GPA, en cours de travail. Mais nous avons eu beaucoup de mal à être autorisés à publier ce rapport, ce qui ne fut possible que grâce à M. About et M. Badinter.

Le texte de l'amendement que je présente a été préparé en liaison avec des magistrats : nous pouvons lui reconnaître une certaine qualité.

A ceux qui voteront contre, je poserai cette question : à une femme qui ne peut pas donner la vie parce qu'elle n'a pas d'ovules, on lui permet, par le don, de donner la vie mais à une femme qui peut donner la vie, qui a des ovules mais n'a pas d'utérus, on lui refuse ! (M. Christian Cointat et Mme Brigitte Bout applaudissent)

Un dernier argument, enfin : celui du professeur Axel Kahn qui s'est déclaré opposé à la GPA mais en ajoutant qu'il faudrait la pénaliser, vu les conditions dans lesquelles elle se pratique à l'étranger.

A la demande du Gouvernement, les amendements nos2 rectifié quater et 75 rectifié sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 286
Nombre de suffrages exprimés 281
Majorité absolue des suffrages exprimés 141
Pour l'adoption 80
Contre 201

Le Sénat n'a pas adopté.

Les amendements nos132, 4 rectifié ter, 131, 5 rectifié ter et 133 deviennent sans objet.

M. le président.  - Amendement n°46 rectifié bis, présenté par Mmes Dini, Létard et Morin-Desailly.

Après l'article 22 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L'article L. 1121-3 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Au cinquième alinéa, les mots : « d'un chirurgien-dentiste et d'un médecin » sont remplacés par les mots : « d'un chirurgien-dentiste ou d'un médecin » ;

2° Après le cinquième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les recherches biomédicales concernant le domaine de la maïeutique et conformes aux dispositions du troisième alinéa de l'article L.1121-5, ne peuvent être effectuées que sous la direction et la surveillance d'un médecin ou d'une sage-femme.

II. -  Après le troisième alinéa de l'article L. 1121-11 du même code, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque les recherches biomédicales concernent le domaine de la maïeutique et répondent aux conditions fixées au troisième alinéa de l'article L.1121-5, les résultats de cet examen leur sont communiqués directement ou par l'intermédiaire du médecin ou de la sage-femme de leur choix.

« Lorsque les recherches biomédicales concernent le domaine de l'odontologie, les résultats de cet examen leur sont communiqués directement ou par l'intermédiaire du médecin ou du chirurgien-dentiste de leur choix. »

III. - Après le huitième alinéa de l'article L. 1122-1 du même code, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque la recherche biomédicale concerne le domaine de la maïeutique et répond aux conditions fixées au troisième alinéa de l'article L.1121-5, l'investigateur peut confier à une sage-femme ou à un médecin le soin de communiquer à la personne qui se prête à cette recherche les informations susvisées et de recueillir son consentement.

« Lorsque la recherche biomédicale concerne le domaine de l'odontologie, l'investigateur peut confier à un chirurgien-dentiste ou à un médecin le soin de communiquer à la personne qui se prête à cette recherche les informations susvisées et de recueillir son consentement. »

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales.  - Nous proposons de reconnaître la pleine capacité des sages-femmes et des chirurgiens-dentistes à diriger des recherches biomédicales dans leur domaine de compétence.

Les recherches menées dans le domaine de la maïeutique devront respecter le principe du bénéfice pour autrui. Les autorités compétentes vérifieront la conformité des projets de recherche avec ces professions.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Avis favorable.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Même avis.

M. Jean-Louis Lorrain.  - Je soutiens la participation des sages-femmes et des chirurgiens-dentistes à la recherche dans leurs domaines. Mais pour qu'ils puissent diriger ces recherches, il leur faudra une habilitation, comme on l'exige dans les autres matières, ce qui suppose bien des étapes, le doctorat, une HDR.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Le « ou » du cinquième paragraphe me pose un problème : il était d'abord prévu que ces recherches seraient dirigées par un médecin et une sage-femme.

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales.  - Plusieurs d'entre nous ont fait observer que cela plaçait encore une fois les sages-femmes, dont la compétence est indiscutable, sous l'autorité des médecins -j'ai préféré la conjonction « ou ».

L'amendement n°46 rectifié bis est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°134, présenté par Mmes Boumediene-Thiery et Blandin, M. Desessard et Mme Voynet.

Après l'article 22 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 47 du code civil, est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Fait également foi l'acte de naissance établi par une autorité étrangère à la suite d'un protocole de gestation pour autrui. Il est procédé à la transcription de cet acte  au registre  français de l'état civil, où mention est faite de la filiation établie à l'égard de l'homme ou de la femme à l'origine du projet parental, respectivement reconnu comme père et mère, sans que l'identité de la gestatrice soit portée sur l'acte. La filiation ainsi établie n'est susceptible d'aucune contestation du ministère public. »

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Nous voulons transcrire dans l'état civil français les actes de naissance des enfants nés à l'étranger d'une gestation pour autrui.

Dans l'affaire des jumelles Mennesson, l'avocat général près de la Cour de cassation avait requis la cassation de l'arrêt d'appel tendant à faire annuler la transcription des deux fillettes dans les registres de l'état civil. La Cour de cassation est allée dans le sens inverse, nous sommes placés devant nos responsabilités.

La France reconnaît la filiation maternelle et paternelle de ces enfants mais refuse de la transcrire : cela en fait des enfants « fantômes », apatrides si elles sont nées dans un État qui ne reconnaitrait pas le droit du sol.

Les jumelles Mennesson étant nées aux États-Unis, en Californie, où prévaut le droit du sol, elles sont donc américaines. Mais ce n'est pas une raison pour leur dénier leur nationalité française, ou bien nous renonçons à notre propre droit du sol !

La France reconnaît des effets fiscaux, ou patrimoniaux, aux mariages homosexuels intervenus régulièrement à l'étranger, ou encore dans le cadre de mariages polygames, en raison de l'ordre international public.

Par analogie, il serait juste et conforme au droit -notamment à la Convention européenne des droits de l'homme et à la convention internationale des droits de l'enfant- de reconnaître les effets de la GPA, même si elle n'est pas, chez nous, légale.

M. le président.  - Amendement n°29, présenté par M. Cazeau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 22 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 336-1 du code civil, il est inséré un article 336-2 ainsi rédigé :

« Art. 336-2. - Lorsque l'état civil de l'enfant a été établi par une autorité étrangère en conformité avec une décision de justice faisant suite à un protocole de gestation pour autrui, cet état civil est transcrit dans les registres français sans contestation possible aux conditions que la décision de justice soit conforme aux lois locales applicables, que le consentement libre et éclairé de la femme qui a porté l'enfant soit reconnu par cette décision et que les possibilités de recours contre cette décision soient épuisées. »

M. Bernard Cazeau.  - Même défense.

L'amendement n°161 rectifié n'est pas défendu.

M. Alain Milon, rapporteur.  - La commission est défavorable. Ce serait entériner la GPA à l'étranger. La situation de ces enfants est dramatique : qu'elle persiste et le Parlement sera obligé de se prononcer, enfin, dans un meilleur sens...

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Même avis.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - La « faute » des parents ne doit pas retomber sur les enfants : le déni de droit ne va pas dans le sens du respect des droits de l'enfant que nous imposent les conventions.

M. Guy Fischer.  - Notre groupe était presque unanime contre la GPA, on pourrait s'attendre que nous refusions cet amendement : il serait hypocrite en effet d'accepter pour des femmes étrangères ce que nous refusons pour les femmes en France.

Cependant, le déni d'état civil nous blesse plus profondément car il méconnaît la charte des droits de l'enfant, qui nous impose de faire primer l'intérêt supérieur de l'enfant.

En conséquence, nous nous abstiendrons.

M. Christian Cointat.  - Je fais la même analyse que M. le rapporteur, mais pour parvenir à la conclusion inverse : je voterai ces amendements. Car les enfants concernés, s'ils étaient nés dans un pays qui ne reconnaît par le droit du sol, seraient apatrides alors même que, génétiquement, leurs liens de filiation avec leur père et mère sont indiscutables. Comment s'en désintéresser ?

Je remercie Mme Boumediene : c'est aujourd'hui qu'il faut agir !

M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis.  - Voter ces amendements revient à reconnaître la maternité de substitution, alors que nous venons d'écarter la GPA.

Hier, la Cour de cassation, dans l'arrêt rendu, a opposé le principe d'indisponibilité de la personne humaine, pour invalider un contrat même légal à l'étranger. Elle a ajouté que les enfants n'étaient pas privés de filiation, ni de leurs droits reconnus par la Charte internationale des droits de l'enfant.

Qui plus est, il ne serait plus possible d'intervenir en cas de documents frauduleux ou falsifiés.

Ces deux amendements -le second est encore plus large- vont dans le même sens : je voterai contre.

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales.  - J'aurais dit comme M. Cointat : mieux aurait valu encadrer la GPA. Je voterai cet amendement, même si cela manque, en toute logique juridique, de cohérence car on ne peut laisser humainement perdurer de telles situations.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - On ne veut ni admettre la GPA ni reconnaître les enfants nés de la GPA -et l'on nous dit que la seule solution, c'est que les autres pays changent leur législation : bon courage !

Les enfants nés de la GPA en Californie sont américains, grâce au droit du sol, mais pas français -et s'ils étaient nés dans un pays où le droit du sol n'est pas admis, ils seraient apatrides. Accorder la nationalité française à des enfants nés de parents français, ce n'est pas la mer à boire ! C'est à nous de changer la loi, pas à la Cour de cassation.

A la demande du Gouvernement, l'amendement n°134 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 335
Nombre de suffrages exprimés 307
Majorité absolue des suffrages exprimés 154
Pour l'adoption 134
Contre 173

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n°29 n'est pas adopté.

L'article 23 A est adopté.

Article 23

M. Alain Milon, rapporteur.  - Le titre VII concerne la recherche sur l'embryon.

Je m'appuierai sur un rapport du Conseil d'État, un autre de l'Opecst, un autre de l'Académie de médecine pour justifier l'autorisation encadrée des recherches. La commission des affaires sociales a suivi les préconisations de ces organismes. L'actuelle interdiction de principe traduit le respect de l'être humain dès le commencement de la vie, qui figure à l'article 16 du code civil ; inverser le principe ne le contredit en rien. Il est bien précisé que lorsqu'une recherche similaire à celle envisagée sur l'embryon ou les cellules souches embryonnaires peut être menée, l'Agence de biomédecine n'autorisera pas cette dernière. Aujourd'hui, les scientifiques nous disent qu'il n'existe aucune alternative.

Nombre de personnes acceptent de se prêter à des recherches non pour en tirer bénéfice mais par altruisme, pour faire progresser les connaissances. Pourquoi, dans ces conditions, s'interdire de demander à ceux qui ont la responsabilité des embryons de les faire participer à la recherche dès lors que leur consentement est éclairé ?

Il est vrai que la recherche sur l'embryon le détruit. Mais peu, et avec l'intention d'en sauver beaucoup d'autres. Il ne faut pas négliger, en outre, le fait que la recherche est conduite aussi au profit de l'embryon.

La recherche encadrée est aussi respectueuse de la spécificité de l'embryon que l'interdiction avec dérogation : elle a le mérite de la clarté, qui vaut mieux que des positions ambiguës, toujours moralement contestables. (Marques d'approbation sur plusieurs bancs à gauche)

Mme Marie-Thérèse Hermange.  - En 2007, le professeur Yamanaka découvrait les cellules souches induites. Plusieurs chercheurs s'accordent à penser que cette découverte permettra de s'affranchir de la nécessité de travailler sur les cellules souches embryonnaires. A cette révolution scientifique s'ajoute une révolution juridique, celle annoncée le 10 mars par le procureur Bot. Or les recherches actuelles visent moins les thérapies cellulaires que le criblage de molécules au bénéfice de l'industrie pharmaceutique.

Je vous propose de n'autoriser la recherche sur l'embryon que si elle ne porte atteinte ni à son intégrité ni à sa viabilité. Elle peut se faire sur des embryons rejetés par DPI, jusqu'à leur mort naturelle. Elle peut aussi porter sur des embryons in vitro avant implantation, avec l'accord des parents, et sur les embryons congelés orphelins, abandonnés par leurs parents biologiques, destinés à la destruction par décongélation, jusqu'à leur mort spontanée. Dans ces conditions, on ne portera atteinte ni à leur intégrité ni à leur viabilité.

Pour le reste, on peut travailler sur des embryons animaux, disponibles en grand nombre.

C'est pourquoi je vous propose de faire coïncider le droit avec l'état actuel de la science, dans le respect de la dignité humaine.

M. Bruno Retailleau.  - Affirmer un principe d'interdiction en acceptant des exceptions, c'est tout autre chose qu'y renoncer. En politique, le symbole compte. Il donne du sens, un sens fondamental dans notre ordre normatif.

La « chosification » de l'embryon n'a fait que progresser depuis 1994 ; cela ne peut nous satisfaire, d'autant que montent en puissance des recherches alternatives plus respectueuses de l'embryon.

Je soutiendrai les amendements de Mme Hermange.

M. Bernard Cazeau.  - Je salue le courage de notre rapporteur, que nous soutenons. Il fallait sortir de l'hypocrisie. Une cellule souche embryonnaire n'est pas un embryon ; implantée dans un utérus, elle ne donnerait qu'une tumeur. N'entrons pas dans le débat théologique où certains veulent nous entraîner et revenons sur terre avec les chercheurs.

Vous savez bien, madame Hermange, que les méthodes alternatives ne sont pas au point. Si tel était le cas, nous n'aurions pas à débattre. (Mme Marie-Thérèse Hermange s'exclame)

Je ne comprends pas la pusillanimité du Gouvernement, si ce n'est pour satisfaire des franges que je crois rétrogrades, qui jouent à faire peur en agitant l'épouvantail de l'eugénisme. En ne levant pas l'interdit théorique, il empêche les chercheurs d'aller plus loin dans la recherche fondamentale ou d'explorer les potentialités thérapeutiques existantes. Les dérogations sont assorties de telles conditions qu'elles ne permettront pas à la France de rattraper son retard.

L'autorisation de certaines recherches sur l'embryon est à la base d'un progrès scientifique. Il est temps de franchir le pas.

Mme Anne-Marie Payet.  - Le passage à l'autorisation encadrée signe une rupture radicale pour la France, qui ne repose sur aucun fondement scientifique, comme le souligne le professeur Testart, qui dénonce ceux qui font miroiter des progrès mirifiques que l'on attendra longtemps. Pourquoi utiliser d'emblée du matériel humain, sans même avoir commencé par la recherche sur l'animal ? Tout ceci nous est imposé par des ambitions personnelles et des pressions industrielles.

Et cela, alors que des méthodes alternatives existent, avec les cellules IPS qui ont donné des résultats et suscitent désormais un immense enthousiasme du fait de leur supériorité pratique et éthique. Deux équipes de chercheurs, l'une japonaise et l'autre américaine, ont réussi, en 2007, à transformer des cellules de peau humaine en cellules pluripotentes. Voilà qui tempère certaines affirmations péremptoires, dont celles du professeur Peschanski, selon lesquelles la France, en s'interdisant la recherche sur les cellules souches, se condamnerait à un retard irrattrapable. Le professeur Testart note que les recherches menées sur des embryons au Royaume-Uni depuis les années 1990 n'ont produit aucun résultat d'intérêt. Comment expliquer l'obstination de certains ?

Le législateur n'est pas tout puissant : il ne peut s'arroger un pouvoir illimité sur l'être vivant.

M. Guy Fischer.  - Il était temps d'en finir avec l'hypocrisie ; nous nous réjouissons que la commission ait fait le choix de libérer la recherche. C'est une des innovations majeures de ce texte.

Il n'est pas question de considérer l'embryon comme un amas de cellules. Celui-ci est une potentialité de personne humaine, selon les mots d'Axel Kahn. Une autorisation encadrée et raisonnable pour éviter toute dérive vers la marchandisation sera saine pour la recherche. Le professeur Mesnaché a regretté, devant la commission, un dispositif d'interdiction qui nuit gravement à notre pays. Et, comme le dit Jacques Domergue, chirurgien et député de l'Hérault, qu'adviendrait-il de nos dogmes s'il apparaissait d'ici quelques années que ces cellules permettent de traiter la plupart des maladies génétiques ?

La découverte des IPS peut apparaître la solution la plus acceptable éthiquement, mais la technique n'est pas encore au point. Aujourd'hui, nos meilleurs doctorants travaillent à l'étranger à cause de notre régime d'interdiction.

Oui, une recherche sur l'embryon peut être éthique si elle est encadrée. Il faut sortir d'un régime rétrograde d'interdiction qui n'a fait perdre que trop de temps à notre pays. Nous proposerons un amendement visant à expliciter la procédure d'encadrement.

Prochaine séance demain, vendredi 8 avril 2011, à 9 h 30.

La séance est levée à 23 h 55.

René-André Fabre,

Directeur

Direction des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du vendredi 8 avril 2011

Séance publique

A 9 heures 30 et, éventuellement, l'après-midi

- Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la bioéthique (n°304, 2010-2011).

Rapport de M. Alain Milon, fait au nom de la commission des affaires sociales (n°388, 2010-2011).

Texte de la commission (n°389, 2010-2011).

Avis de M. François-Noël Buffet, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (n°381, 2010-2011).