Disponible au format PDF Acrobat


Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Dépôt de rapport

Retrait de questions orales

Contrôle des armes

Discussion générale

Discussion des articles

Article premier

Article 2

Article 3

Article 5

Article 8

Article 10

Article 11

Article 12

Article 14

Article 15

Article 17

Article 18

Article 19

Article 20

Article 21

Article 23

Article additionnel

Article 25

Article 30

Article 31 (Supprimé)

Article 32

Article 35 A

Article 35

Article 35 ter

Vote sur l'ensemble

Avis sur une nomination

Droit de vote des étrangers

Discussion générale

Exception d'irrecevabilité

Question préalable

Renvoi en commission

Rappel au Règlement

Décision du Conseil constitutionnel

Engagement de procédure accélérée

Retrait d'une question orale

Question prioritaire de constitutionnalité

Droit de vote des étrangers (Suite)

Discussion des articles

Article premier

Article 2

Vote sur l'ensemble




SÉANCE

du jeudi 8 décembre 2011

38e séance de la session ordinaire 2011-2012

présidence de M. Thierry Foucaud,vice-président

Secrétaires : M. Marc Daunis, M. Hubert Falco.

La séance est ouverte à 9 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Dépôt de rapport

M. le président.  - M. le président du Sénat a reçu de M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, le rapport particulier de la Cour des comptes relatif aux comptes et à la gestion de l'Agence pour la mobilité de l'outre-mer (Ladom). Il a été transmis à la commission des finances et à la commission des affaires sociales. Il est disponible au bureau de la distribution.

Retrait de questions orales

M. le président.  - Les questions orales n° 1413 de M. Christian Favier et n° 1427 de M. Philippe Darniche sont retirées de l'ordre du jour de la séance du 13 décembre 2011 et la question n° 1458 de M. Jean-Pierre Demerliat est retirée de l'ordre du jour de la séance du 20 décembre 2011, à la demande de leurs auteurs.

Contrôle des armes

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'établissement d'un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif.

Discussion générale

M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales.  - Le 28 mai 2009, le président de la République a demandé qu'une réflexion s'engage pour améliorer la réglementation du contrôle des armes et mettre fin à la banalisation de celles-ci. À trois reprises la semaine dernière à Marseille des malfaiteurs ont ouvert le feu avec des armes de guerre : cette question reste d'une ardente actualité.

La proposition de loi de MM. Bodin, Le Roux et Warsmann est une synthèse équilibrée et solide, répondant aux exigences de simplification et de sécurité ; ses auteurs ont travaillé en concertation avec le Gouvernement et l'association Guillaume Tell des collectionneurs, chasseurs et tireurs sportifs. Elle a été adoptée à l'Assemblée nationale au-delà des clivages partisans. La commission des lois a fait de son côté un travail admirable.

La législation en vigueur, essentiellement fondée sur le décret-loi de 1939 -texte de circonstance- est obsolète et n'a pris en compte ni les évolutions techniques, ni celles de la criminalité. Elle est complexe et in fine manque son but.

Le texte propose une nouvelle classification des armes et nous met en conformité avec la réglementation européenne. Les huit catégories actuelles sont ramenées à quatre, en fonction de la dangerosité des armes et non plus de leur calibre : armes de guerre, armes soumises à autorisation, à déclaration et les armes soumises à enregistrement ou dont la détention est libre. Les calibres les plus dangereux resteraient toutefois interdits. Des dispositions particulières sont prises pour les armes détenues par les collectionneurs.

Aujourd'hui, des kalachnikovs sont à disposition d'adolescents délinquants, et les victimes en sont les policiers et les passants. La lutte contre les trafics est une des priorités du ministère de l'intérieur. En 2010, le nombre d'armes saisies est en augmentation de 80 %, plus de 2 700 armes. En 2011, nous en sommes déjà à 3 335... Le Gouvernement a déjà pris des mesures réglementaires pour mieux contrôler la circulation des armes. Désormais, le préfet peut s'opposer à l'ouverture d'une armurerie -qui n'est pas un commerce comme un autre.

Le fichier Agrippa -application de gestion du répertoire informatisé des propriétaires et possesseurs d'armes- permet de tracer les armes soumises à autorisation et déclaration, et depuis peu, les armes de chasse. Il a été modernisé et, à l'initiative de M. Guéant, ouvert en accès direct aux forces de sécurité.

Le Finiada, fichier national des personnes interdites d'acquisition et de détention d'armes, recense les personnes, 18 000 aujourd'hui, qui ont l'interdiction de détenir ou d'acquérir une arme ; il renforce l'information des services des douanes, de police, les préfectures, les armuriers. Il permet d'éviter qu'une arme ne soit vendue ou qu'un permis de chasse ne soit délivré à une personne jugée inapte à détenir une arme. J'ai proposé de l'étendre aux interdits judiciaires, notamment à ceux qui auront été condamnés à une peine complémentaire d'interdiction d'acquisition et de détention d'armes -nous avons prévu que ces peines deviennent automatiques pour un certain nombre de crimes ou de délits.

La proposition de loi renforce la lutte contre le trafic d'armes. Le régime des saisies administratives, renforcé, permettra au préfet de saisir les armes lorsqu'il estime qu'il y a danger ou risque de trouble à l'ordre public : toutes les catégories d'armes seront concernées. Toute personne condamnée pour des infractions graves se verra interdire de détenir ou de porter une arme après vérification du bulletin n°2 du casier judiciaire. Des peines complémentaires automatiques d'interdiction de détention ou de port d'armes seront créées pour les crimes et délits les plus dangereux pour la société ; les principes de proportionnalité et de personnalisation de la peine sont toutefois préservés. Les sanctions pénales, enfin, sont durcies à l'encontre des trafiquants ; la procédure applicable à la criminalité organisée pourra être appliquée aux infractions à la législation sur la fabrication et le commerce des armes.

Le Gouvernement soutient ce texte équilibré fondé sur un esprit de responsabilité. C'est un travail de grande qualité, et qui recueille un consensus. (Applaudissements)

M. Antoine Lefèvre, rapporteur de la commission des lois.  - La proposition de loi sur le contrôle des armes issue de l'Assemblée nationale résulte des travaux de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur les violences par armes à feu ; j'y joins les textes présentés par MM. Courtois, Poniatowski et César.

Les chasseurs, les tireurs sportifs font preuve de responsabilité, estime la mission. Mais il est temps de mieux encadrer la vente et la détention d'armes, utilisées désormais de plus en plus par les délinquants, comme le montre l'actualité.

De nombreux critères conditionnent la classification des armes, sans que le degré de dangerosité prévale -à quoi s'ajoutent des dérogations. L'ensemble est complexe. Demain, les quatre catégories -A, B, C, D- seront fondées sur le régime juridique applicable : interdiction, autorisation, déclaration, liberté avec ou non-enregistrement ; l'acquisition d'une arme des deux premières sera conditionnée à l'absence d'inscription au bulletin n°2 du casier judiciaire. L'Assemblée nationale a intégré un amendement du Gouvernement divisant la catégorie A en deux sous-catégories -A1, armes de guerre et A2, matériels de guerre ; le texte du Gouvernement prévoit également que des armes qui ne sont pas des armes de guerre mais qui présentent une même dangerosité pourront figurer dans la catégorie A1. La commission des lois est favorable à l'amendement de M. Mirassou concernant la première catégorie. Elle a précisé la liste des condamnations entraînant l'interdiction de port d'armes.

Elle vous proposera également, après concertation avec les intéressés, un statut du collectionneur rénové, et de nouvelles conditions d'obtention de la carte de collectionneur.

En juillet 2010, le fichier Agrippa ne fonctionnait pas correctement, mais il a été amélioré et le Finiada est désormais ouvert aux armuriers et fédérations de chasseurs. Les deux fichiers sont-ils aujourd'hui opérationnels ?

M. Philippe Richert, ministre.  - Oui !

M. Antoine Lefèvre, rapporteur.  - Les peines complémentaires obligatoires, interdiction de port d'armes, de permis de chasse, seront prononcées contre ceux qui ont commis des violences graves. Encadrement du pouvoir d'appréciation du juge ? Le Conseil constitutionnel l'a admis à deux reprises, pourvu que le juge conserve latitude de ne pas prononcer les peines au regard des circonstances de l'espèce.

Il ne me paraît pas choquant d'interdire l'usage des armes aux délinquants violents ! Nous avons retenu ce dispositif, tout en supprimant les dispositions prévoyant le caractère obligatoire des peines complémentaires pour des infractions ne manifestant pas nécessairement un comportement incompatible avec la détention et l'usage d'une arme à feu ; nous l'avons en revanche étendu à la participation à un attroupement armé ou à l'introduction d'armes dans un établissement scolaire.

La commission des lois avait supprimé l'article 31 de la proposition de loi, non compatible avec le droit européen. Mais elle sera favorable à la nouvelle rédaction du Gouvernement. Un régime transitoire a été prévu. Les armes prohibées devront être remises à l'État.

Les propositions de loi Courtois et César comprennent de nombreuses dispositions communes avec le présent texte. Une législation plus claire renforcera l'efficacité de la lutte contre la criminalité. La commission des lois souhaite l'adoption de ce texte. (Applaudissements)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Notre travail en commission s'est déroulé dans un esprit très constructif. Les amendements déposés sont pour la plupart assez techniques ; je pense que nous pouvons en avoir terminé à 13 heures.

M. Jean-Pierre Plancade.  - Au-delà des drames humains que représentent les récents événements de Marseille, l'évolution sociale est inquiétante : 30 000 armes circulent sous le manteau ; ce qui ne veut pas dire, toutefois, que les armes circulent en France de façon incontrôlée ! Le législateur se doit d'être vigilant.

Ce dispositif simplifié, actualisé, est bienvenu. Malgré la codification, les modifications législatives successives, la réglementation actuelle n'est pas satisfaisante. Les conflits en ex-Yougoslavie ou ailleurs en Europe ont eu pour conséquence de développer le trafic d'armes et de faire affluer les armes de guerre chez nous. Ajoutons à cela le développement d'internet.

Je suis favorable à la nouvelle classification des armes à feu, conforme à celle de la plupart des pays européens. Je note que les chasseurs et les tireurs sportifs ont toujours fait preuve de responsabilité et coopéré avec les pouvoirs publics ; la commission a répondu à quelques-unes de leurs attentes. La création d'un statut du collectionneur est bienvenue.

L'introduction de peines complémentaires obligatoires ne me semble pas heurter le principe d'individualisation des peines dans la mesure où le juge pourra l'écarter par une décision motivée.

Le RDSE regrette que l'idée de la « carte grise » ait été abandonnée. Il souhaite que les deux fichiers Agrippa et Finiada soient pleinement opérationnels.

Ce texte offre un cadre juridique moderne et adapté. Les membres du RDSE apporteront leur soutien à la présente proposition de loi. (Applaudissements)

M. Joël Guerriau.  - Chaque jour, au centre même des villes, des fusillades éclatent, y compris à la kalachnikov, y compris contre des policiers ; l'un deux la semaine dernière a été gravement blessé. Le criminologue Alain Bauer affirme que nous connaissons une troisième vague d'importation illégale d'armes, après le pillage des arsenaux libyens.

Les jeux vidéo, les films ultraviolents influencent enfants et adolescents, qui finissent par confondre réalité et fiction. Dans ma ville, Saint-Sébastien-sur-Loire, un garçon fasciné par le film ultraviolent Scream a tué de 42 coups de couteau une jeune fille de 15 ans ; avec une arme à feu, il aurait pu faire un carnage : songez qu'aux États-Unis 83 personnes sont tuées par arme à feu chaque jour !

Il n'y a pas de statistiques officielles sur la circulation des kalachnikovs, mais ces armes constituent un quart des armes saisies cette année. Il faut nous doter d'une législation simple permettant de renforcer l'efficacité de la lutte contre la détention illégale d'armes. Les nouvelles catégories, fondées sur le degré de dangerosité des armes, sont plus pertinentes. Il y a là une innovation juridique intéressante. La précédente classification était tatillonne et compliquée. Le préfet pourra saisir toutes les armes, quelle que soit la catégorie. C'est une amélioration.

Le texte est équilibré. L'arsenal législatif est renforcé : le groupe UCR votera la proposition de loi. (Applaudissements)

M. Alain Richard.  - Qui sont les bénéficiaires de la proposition de loi ? Les passants, vous, moi, tous ceux qui un jour seront au mauvais endroit au mauvais moment. La présente réponse législative est à saluer. Qui sont les intéressés ? Une catégorie plus restreinte, ceux qui veulent défendre leurs droits, collectionneurs, chasseurs et tireurs sportifs. Il fallait un texte cohérent, rassurant et je remercie le rapporteur pour son beau travail, qui recueille une entente entre tous les groupes. (On le confirme à droite et au centre) La mission d'information à l'Assemblée nationale a également travaillé comme cela.

Nous légiférons. Mais l'opérateur sera l'exécutif ; le Gouvernement a été très coopératif, je l'en remercie, nous devons encore l'encourager. En aval, il y aura le travail réglementaire, l'écriture de nombreux décrets, puis le travail opérationnel, sur le terrain. Le Gouvernement a cependant renâclé devant l'agrément individuel des collectionneurs, car il implique des tâches administratives non négligeables ; mais si l'on veut détenir des pouvoirs, il faut conserver les moyens de l'exercer... Cependant, les fédérations sportives et les fédérations de chasseurs, d'intérêt public, sont des filtres suffisants, fiables pour éviter les abus. Pour les collectionneurs, il ne serait pas raisonnable de nous en remettre à de sympathiques petites associations privées ; il faudra bien que l'État s'y colle...

Le ministre nous a donné des assurances sur le fonctionnement des fichiers, dont l'efficience s'accroît bien sûr dans la durée.

Les peines complémentaires ne sauraient être automatiques, pour être conformes à la Constitution, disait le Gouvernement : il tenait récemment un autre discours dans une autre matière ! Et nous les défendons après les avoir vaillamment combattues sur un autre terrain. Nous voyons donc la relativité des arguments.

Les conflits dans le sud-est de l'Europe ont provoqué un afflux d'armes chez nous. Les opérations extérieures (Opex) sont souvent contestées, mais gérer des opérations dans des pays déchirés, c'est aussi désarmer les parties, tâche fort utile ! Car les armes résiduelles se retrouvent chez nous...

Le groupe socialiste est pleinement favorable à cette proposition de loi. (Applaudissements)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Constat partagé, les armes en France se vendent facilement et la législation actuelle, trop complexe, n'est guère dissuasive. La lutte contre l'usage des armes va de pair avec celle contre le blanchiment. Encore des fichiers, hélas nous nous y habituons...

Les chasseurs, inquiets, souhaitent des précisions sur l'article 10. L'article premier renvoie hélas à un décret en Conseil d'État ; n'est-ce pas au législateur de définir précisément les catégories ?

Certaines armes de 4e catégorie, les armes à impulsion électrique à distance ou de contact, sont théoriquement interdites à la vente libre, comme les armes à feu. Le décret doit les viser également et les interdire à la vente aux particuliers. Elles sont dangereuses pour la santé, peuvent même indirectement provoquer la mort. Au sujet du Taser, le comité de l'ONU contre la torture est sévère. J'ai déposé une proposition de loi pour interdire l'utilisation d'armes de quatrième catégorie par les forces de l'ordre contre des attroupements ou manifestations, leur commercialisation ou leur distribution aux polices municipales et aux particuliers. Je souhaite que le Gouvernement se prononce en ce sens.

L'utilisation du Flash-ball sur la voie publique est également condamnée par la commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) -je rappelle que les policiers municipaux peuvent en être équipés.

Des manquements graves ont été constatés dans l'utilisation de ces armes. Un moratoire sur les armes de 4e catégorie utilisées par les forces de l'ordre doit être déclaré. Nous y serons attentifs. (Applaudissements à gauche)

M. Ladislas Poniatowski.  - Cette proposition de loi vient en débat grâce au groupe UMP, alors que l'actualité a été marquée par de nouvelles violences. De nombreuses réunions ont eu lieu, notamment avec le comité Guillaume Tell.

En 2008, la législation européenne a été modifiée. Il fallait en tirer les conséquences. En outre, le décret-loi de 1939 était obsolète.

À l'Assemblée nationale, le Gouvernement a été très clair : le droit des honnêtes gens doit être garanti. Mais l'objectif de simplification a été manqué à l'Assemblée nationale, en raison d'amendements inopportuns, adoptés sans concertation. Les chasseurs ont vu apparaître des contraintes nouvelles.

M. Roland du Luart.  - C'est absurde !

M. Ladislas Poniatowski.  - La législation devenait inapplicable.

Je rends hommage au travail de M. Lefèvre. L'article premier remet en cause l'activité des tireurs et des chasseurs. Pourtant, il avait été dit qu'une nouvelle réglementation ne doit pas les pénaliser.

M. Philippe Richert, ministre.  - Je confirme.

M. Ladislas Poniatowski.  - L'article premier ne doit donc pas être adopté en l'état. Je proposerai un amendement.

L'article 3 aurait pu nous convaincre mais l'alinéa 45 reprend le texte de l'Assemblée nationale. Le chasseur que je suis est choqué de constater de nouvelles exigences à l'égard des chasseurs qui doivent déclarer non seulement l'acquisition mais la détention, avec certaines conséquences : il faudra remettre son arme aux autorités si l'on s'absente une saison, pour aller travailler à l'étranger par exemple. J'ai là encore déposé un amendement que, je crois, M. le rapporteur acceptera.

L'article 5 présente de nouvelles contraintes pour les détenteurs d'armes à feu.

L'obligation de déclaration d'une vente entre particuliers dans les 15 jours paraît irréaliste : un mois est plus raisonnable.

Les chasseurs devraient avoir sur eux en permanence leur récépissé de déclaration, alors que la carte grise sur les armes a été supprimée ! Simplifions, au lieu d'embêter les gens honnêtes !

Pour les collectionneurs, il faut faire preuve de mesure. Je soutiens le rapporteur qui prévoit l'agrément des associations de collectionneurs. Le Gouvernement voudrait un interlocuteur unique, à l'image des fédérations de chasseurs et de tireurs sportifs. Le Gouvernement fera le tri entre les associations.

Sur le volet pénal, la commission ne veut pas qu'on se trompe de cible : c'est bien. Il faut alourdir les sanctions contre trafiquants et malfrats qu'on a vu s'illustrer récemment à Marseille.

Les corrections apportées vont dans le bon sens et je suis favorable aux amendements du Gouvernement.

L'article 32 sur le transport légitime doit être modifié : il provoque la colère de la fédération nationale des chasseurs. L'alinéa 2 de l'article 32 doit permettre d'en revenir au droit commun. Il ne faut pas multiplier les contraintes à l'égard des honnêtes gens. Monsieur le ministre, nous vous attendons sur ce point ! (Applaudissements à droite)

M. Philippe Richert, ministre.  - Nous répondrons !

M. Christophe Béchu.  - Je ne reviendrai pas sur les récents événements dramatiques, Marseille, Lille ou Saint-Ouen, ni sur l'augmentation sidérante du volume des saisies d'armes en France.

Pourtant, la sécurité de chaque citoyen est un droit fondamental. Il fallait donc renforcer la législation. La mission d'information de l'Assemblée nationale a rendu son rapport et une proposition de loi a été déposée.

Ce texte dépasse les clivages politiques. Je m'en réjouis : une simplification était nécessaire.

Transparence et lisibilité du dispositif : une nouvelle classification des armes a été définie.

L'article 2 modifie la définition des armes de collection, avec une date unique de référence -1er janvier 1900, pour définir les armes anciennes. Jusqu'à présent, les modèles devaient être antérieurs à 1870 et la fabrication antérieure à 1892...

La commission des lois simplifie les dispositions sur les reproductions d'armes. Pas de restrictions excessives à l'égard des collectionneurs : les conditions d'acquisition d'armes ont été clairement définies. Je salue les dispositions favorisant la préservation d'un patrimoine national et créant un statut du collectionneur. Toutefois, seules les personnes jugées en pleine possession de leurs facultés seront reconnues aptes à la détention d'armes. Ces dispositions sont équilibrées et claires.

J'en viens à l'application de ce texte. Toute une longue série d'articles prévoit les peines, les interdictions de détention d'armes, voire de confiscation. Ces sanctions existaient, mais elles étaient trop méconnues.

Demain, les juridictions prononceront des peines adaptées à l'égard des auteurs d'infractions avec violences. Des tragédies seront évitées.

Enfin, les sanctions pénales sont durcies à l'égard des trafiquants d'armes. L'acquisition et la détention d'armes ne sont pas des activités comme les autres !

Les principaux détenteurs légaux d'armes font preuve d'esprit de responsabilité. C'est pourquoi nous ne devons pas attenter à la chasse ou au tir sportif. Le groupe UMP soutiendra le texte de notre rapporteur. (Applaudissements à droite et sur les bancs de la commission)

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Même si l'actualité récente pèse sur ce débat, je veux parler des détenteurs légaux d'armes à feu et de la transposition de la directive.

La gestation de ce texte a été longue et laborieuse. Il était imprécis, décalé par rapport à la réalité et il a suscité des controverses.

Le Sénat va se faire un devoir de mettre en adéquation la législation avec les attentes qui se sont exprimées. Les chasseurs sont les premiers intéressés, car ils ont fait la démonstration d'une pratique raisonnable.

Ce texte modifie la réglementation sur les armes pour mieux lutter contre les trafics et les usages en infraction à la loi. Même si le volet pénal est renforcé, on ne peut guère aller au-delà dans le domaine de la loi : il revient au Gouvernement de lutter efficacement contre l'entrée illicite des armes sur le sol national.

À l'issue de nos débats, il ne faudrait pas semer la confusion dans l'esprit de nos compatriotes entre les trafics et la possession légale des armes.

Ce texte a le mérite de répondre à un problème réel mais des améliorations sont indispensables. J'espère que notre débat consensuel les permettra.

Je présenterai plusieurs amendements en ce sens.

Une remarque sur l'agrément : l'administration pouvait prendre des décisions irrévocables, sans possibilité d'appel.

Les collectionneurs doivent mieux s'organiser.

Enfin, monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner des indications sur les décrets à venir ?

J'espère que ce texte fera consensus. (Applaudissements à gauche)

M. Philippe Richert, ministre.  - Ne pas compliquer la vie des chasseurs, des collectionneurs et des sportifs ? Oui, nous souhaitons leur faciliter la vie, mais pas celle des trafiquants.

Sur le Taser, cette arme non létale à vocation opérationnelle a un usage réglementé, les particuliers ne peuvent en acquérir, madame Borvo !

Un plan d'action européen sur les trafics d'armes, présenté par la présidence belge, est en cours d'élaboration, monsieur Richard.

La présidence française a impulsé des actions pour récupérer les armes qui circulent, en provenance des zones de conflit.

J'espère que ce texte sera adopté à une très large majorité. Encore une fois, merci pour ce travail très complet.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article premier

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par MM. Mirassou et Sueur, Mme Klès, MM. Carrère et Patriat, Mme Herviaux, MM. Bérit-Débat et Camani, Mme Cartron, MM. Courteau et Daunis, Mmes Durrieu et Espagnac, MM. Fauconnier, Guillaume, Krattinger, Labazée et Mazuir, Mme D. Michel et MM. Navarro, Néri, Rebsamen et Sutour.

I. - Alinéas 2 à 6

Remplacer ces alinéas par sept alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 2331-1. - I. - Les matériels de guerre et les armes désignés par le présent titre sont classés dans les catégories suivantes :

« 1° Catégorie A : matériels de guerre et armes interdits à l'acquisition et à la détention.

« Cette catégorie comprend :

« - A1 : les armes, éléments d'armes et accessoires interdits à l'acquisition et à la détention ;

« - A2 : les matériels destinés à porter ou à utiliser au combat les armes, les matériels de protection contre les gaz de combat ;

« 2° Catégorie B : armes soumises à autorisation ;

« 3° Catégorie C : armes soumises à déclaration ;

II.  -  Alinéa 10

Remplacer le mot :

sont

par les mots :

peuvent être

III.  -  Alinéa 11

Après le mot :

matériels

insérer les mots :

appartenant ou non aux précédentes catégories

M. Jean-Jacques Mirassou.  - La proposition de loi initialement adoptée par la commission des lois de l'Assemblée nationale proposait une classification des armes en quatre catégories, le contenu de chaque catégorie étant renvoyé à des décrets, devant correspondre exactement à la directive européenne.

Or un amendement déposé en séance publique distingue au sein de la catégorie A deux sous-catégories A1 et A2, et les armes de première catégorie actuellement légalement détenues par des tireurs sportifs deviennent interdites ! Et ce alors même que depuis 1939, il est possible d'en détenir, pour le tir sportif, sous le régime de l'autorisation.

L'adoption d'une telle mesure conduirait à une quasi-disparition du tir en France, une spoliation de dizaines de milliers de personnes parfaitement honnêtes et étroitement fichées.

On pourrait donner la possibilité aux tireurs sportifs d'acquérir et de détenir des armes en catégorie A1, mais quelle complexité ! Le plus simple consiste à regrouper en catégorie B l'ensemble des armes soumises à autorisation.

Cet amendement tend à donner une définition générique cohérente des différentes catégories, selon leur régime juridique d'acquisition et de détention, en maintenant la capacité du pouvoir réglementaire à effectuer la répartition entre différentes catégories, le critère du calibre pouvant être utilisé à titre exceptionnel et lorsque cela est justifié par des impératifs de sécurité publique. Le classement de droit commun repose sur des critères de dangerosité objective, comme dans la directive.

Enfin, la notion de « dangerosité équivalente » pour la catégorie A pourrait faire « remonter » en armes interdites un nombre important d'armes utilisées couramment pour la chasse et le tir, actuellement sous le régime de la déclaration.

Seraient ainsi conciliés les impératifs de sécurité publique et l'objectif de clarification de la réglementation. Je précise que j'ajoute dans mon amendement une référence aux munitions et à l'acquisition et à la détention pour les catégories B et C.

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par M. Poniatowski et les membres du groupe UMP.

Alinéas 2, 3 et 4

Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 2331-1.- I.- Les matériels de guerre et les armes désignés par le présent titre sont classés dans les catégories suivantes :

« 1° Catégorie A : matériels de guerre et armes interdits à l'acquisition et à la détention.

« Cette catégorie comprend :

« - A1 : les armes, éléments d'armes et accessoires interdits à l'acquisition et à la détention ;

« - A2 : les matériels destinés à porter ou à utiliser au combat les armes, les matériels de protection contre les gaz de combat ;

M. Ladislas Poniatowski.  - Cet amendement va dans le même sens, mais il est plus simple. Le texte initial crée quatre catégories lisibles mais l'Assemblée nationale a compliqué les choses, même si la démarche était justifiée. Le problème est que certains tireurs vont devoir rendre leur arme ! Le pouvoir réglementaire doit pouvoir effectuer une répartition précise entre les catégories, en y intégrant, à la demande du ministère de la défense, les armes électroniques.

M. Antoine Lefèvre, rapporteur.  - Le I de l'amendement n°1 apporte une modification bienvenue. Mais il faut le rectifier et supprimer les II et III pour que l'avis soit favorable comme à l'amendement n°5.

M. Philippe Richert, ministre.  - Je rejoins l'avis de M. le rapporteur. L'amendement de M. Poniatowski est préférable parce que plus simple. M. Mirassou pourrait se rallier.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Je regrette ce tropisme politique du ministre. J'avais dit que nous étions prêts à accepter des modifications éventuelles. Certes, mon amendement est plus détaillé, mais il est nécessaire.

Bien évidemment, mon amendement est rectifié. Mais il était antérieur.

M. Philippe Richert, ministre.  - L'amendement de M. Poniatowski répond à vos attentes. C'est pourquoi je lui donnerai un avis de sagesse. N'y voyez pas malice...

M. Antoine Lefèvre, rapporteur.  - M. Poniatowski a accepté la modification que nous lui proposions, et supprimé en partie l'alinéa 10.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Il faut baliser le débat de façon cohérente si l'on veut maintenir le consensus...

M. Philippe Richert, ministre.  - Si l'amendement n°1 est modifié et devient identique à l'amendement n°5, il recevra bien sûr lui aussi un avis de sagesse !

L'amendement n°1 rectifié est adopté.

L'amendement n°5 est sans objet.

M. le président.  - Amendement n°9 rectifié, présenté par M. Gilles, Mlle Joissains, Mmes Lamure et Sittler, MM. Milon et Cléach, Mme Giudicelli, M. Pierre et Mme Garriaud-Maylam.

I. - Alinéa 8, première phrase

1° Remplacer le mot :

détermine

par le mot :

précise

2° Compléter cette phrase par les mots : 

, conformément au classement établi par la directive européenne du Conseil du 18 juin 1991 relative au contrôle de l'acquisition et de la détention d'armes (91/477/CEE)

II. - Alinéa 9

Après le mot :

dangerosité

insérer (deux fois) le mot :

avérée

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Il s'agit d'obtenir une plus grande sécurité juridique et une meilleure harmonisation dans les classements par catégorie pour les citoyens détenteurs légaux d'armes. Le respect strict de la directive conduit à inscrire en catégorie A les armes et les matériels de guerre.

L'amendement n°25 n'est pas soutenu.

M. Antoine Lefèvre, rapporteur.  - La directive ne fixe pas de classification des armes, mais demande aux États de légiférer. Avis défavorable.

M. Philippe Richert, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°9 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°10 rectifié bis, présenté par M. Gilles, Mlle Joissains, Mmes Lamure et Sittler, MM. Milon et Cléach, Mme Giudicelli, M. Pierre et Mme Garriaud-Maylam.

Après l'alinea 10

Insérer un alinea ainsi rédigé :

« La commission interministérielle de classement des armes est présidée par un membre du contrôle général des armées du ministère de la défense et composée d'un représentant des ministres chargés de la justice et de l'intérieur, d'un membre des directions générales chargées de l'armement, des douanes, de l'industrie, de l'environnement, de la jeunesse et des sports, du commerce, d'un membre de la Chambre syndicale nationale des armuriers, détaillants en armes et munitions, de la Chambre syndicale nationale des fabricants et distributeurs d'armes, munitions, équipements et accessoires pour la chasse et le tir sportif, et de la Compagnie nationale des experts en armes et munitions près les cours d'appel, ainsi que de deux membres de la Fédération française de tir sportif, de la Fédération nationale de chasse et deux représentants des collectionneurs. La commission est paritaire et rend des avis conformes au ministre chargé de la défense sur les mesures de classement dans les diverses catégories. Ses avis motivés sont publics et publiés au Journal officiel.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Cet amendement a pour objet de mieux encadrer la définition des armes appartenant aux différentes catégories, et d'éviter une classification contraire à l'esprit et à la lettre de la directive.

Il inscrit donc dans la loi des garanties pour les citoyens sur l'indépendance et le fonctionnement de la commission interministérielle de classement des armes.

L'amendement n°26 rectifié n'est pas défendu.

M. Antoine Lefèvre, rapporteur.  - Avis défavorable : la matière est réglementaire.

M. Philippe Richert, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°10 rectifié bis est retiré.

L'article premier est adopté.

Article 2

M. le président.  - Amendement n°11 rectifié, présenté par M. Gilles, Mlle Joissains, Mmes Lamure et Sittler, MM. Milon et Cléach, Mme Giudicelli, M. Pierre et Mme Garriaud-Maylam.

I. - Alinéa 2

 Après les mots :

Les armes

insérer les mots :

, accessoires d'armes, munitions

II. - Alinéa 3

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

« 1° Sauf lorsqu'elles présentent une dangerosité avérée, les armes dont le modèle a plus d'un siècle ;

« 1° bis Les armes dont le modèle a moins d'un siècle et qui sont énumérées dans un arrêté conjoint des ministres de l'intérieur et de la défense compte tenu de leur intérêt culturel, historique ou scientifique ;

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Il est défendu.

M. le président.  - Amendement n°49, présenté par M. Lefèvre, au nom de la commission.

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé : 

« ...° Les armes dont le modèle est postérieur au 1er janvier 1900 et qui sont énumérées dans un arrêté conjoint des ministres de l'intérieur et de la défense compte tenu de leur intérêt culturel, historique ou scientifique ;

M. Antoine Lefèvre, rapporteur.  - L'article 2 interdit de classer une arme postérieure à 1900 dans la liste des armes historiques et de collection, librement accessibles. Or un arrêté de 1995 fournit une liste de 74 armes classées comme armes historiques et de collection. L'amendement donne une base légale à cette liste et permet donc de la maintenir. Elle devra être mise à jour au fur et à mesure de l'obsolescence constatée de certaines armes. Nous respectons l'équilibre entre la sécurité publique, et le droit de propriété, le droit aux loisirs et la préservation du patrimoine.

M. Philippe Richert, ministre.  - Certaines armes postérieures à 1900 ne sont pas d'une particulière dangerosité : le nouvel arrêté en tiendra compte.

Avis défavorable à l'amendement n°11 rectifié.

L'arrêté sera en phase avec l'amendement n°49. Avis favorable.

L'amendement n°11 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement n°49 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°12 rectifié, présenté par M. Gilles, Mlle Joissains, Mmes Lamure et Sittler, MM. Milon et Cléach, Mme Giudicelli, M. Pierre et Mme Garriaud-Maylam.

I. - Alinéa 4

1° Rédiger ainsi le début de cet alinéa :

«  2° Les armes, accessoires d'armes et munitions neutralisées, quels qu'en soient...

2° Compléter cet alinéa par les mots :

; les épaves d'armes inaptes au tir de toutes munitions définies par arrêté conjoint des ministres de l'intérieur et de la défense et des ministres chargés de l'industrie et des douanes.

II. - Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Il convient de préciser que les munitions et chargeurs « neutralisés » sont bien en catégorie D -le terme étant reconnu juridiquement.

M. Antoine Lefèvre, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Philippe Richert, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°12 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement n°13 rectifié n'est pas soutenu.

M. le président.  - Amendement n°50, présenté par M. Lefèvre, au nom de la commission.

Après l'alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé : 

« ...° Les matériels de guerre relevant de la catégorie A2 dont le modèle est postérieur au 1er janvier 1946, dont la neutralisation est garantie dans les conditions prévues au 4° et qui sont énumérés dans un arrêté du ministre de la défense compte tenu de leur intérêt culturel, historique ou scientifique.

M. Antoine Lefèvre, rapporteur.  - Le Gouvernement doit compléter cette liste en accord avec les associations.

M. Philippe Richert, ministre.  - Avis favorable. J'y veillerai.

L'amendement n°50 est adopté.

L'amendement n°14 rectifié n'est pas soutenu.

L'article 2, modifié, est adopté.

Article 3

L'amendement n°15 rectifié n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°59, présenté par M. Lefèvre, au nom de la commission.

Alinéa 3, première phrase

Supprimer les mots :

et des armes

M. Antoine Lefèvre, rapporteur.  - Amendement de précision.

M. Philippe Richert, ministre.  - Favorable.

L'amendement n°59 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°54, présenté par M. Lefèvre, au nom de la commission.

Alinéa 4

Supprimer les mots :

, sauf autorisation délivrée dans les conditions définies par décret en Conseil d'État

M. Antoine Lefèvre, rapporteur.  - Coordination avec l'amendement de M. Mirassou.

M. Philippe Richert, ministre.  - Même avis favorable !

L'amendement n°16 rectifié n'est pas soutenu.

L'amendement n°54 est adopté.

Les amendements nos17 rectifié et 27 ne sont pas soutenus.

M. le président.  - Amendement n°73, présenté par M. Lefèvre, au nom de la commission.

I. - Après l'alinéa 28

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« - participation à un attroupement en étant porteur d'une arme ou provocation directe à un attroupement armé prévues aux articles 431-5 et 431-6 du code pénal ;

II. - Après l'alinéa 29

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« - intrusion dans un établissement d'enseignement scolaire par une personne porteuse d'une arme prévue aux articles 431-24 et 431-25 du code pénal ;

L'amendement de coordination n°73, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°60, présenté par M. Lefèvre, au nom de la commission.

Alinéa 33

Après les mots:

de défense

insérer les mots :

sans autorisation

L'amendement rédactionnel n°60, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°55, présenté par M. Lefèvre, au nom de la commission.

Alinéa 34

1° Après les mots :

plusieurs armes

insérer les mots :

ou matériels

2° Remplacer les mots :

mentionnées au deuxième alinéa de l'article L. 2336-1

par les mots :

mentionnées au VI du présent article

M. Antoine Lefèvre, rapporteur.  - Rédactionnel !

M. Philippe Richert, ministre.  - Favorable !

Les amendements nos28, 18 rectifié et 20 rectifié, ne sont pas défendus.

L'amendement n°55 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°58, présenté par M. Lefèvre, au nom de la commission.

I. - Alinéa 35

Remplacer les mots :

énumérées par un décret en Conseil d'Etat

par les mots :

soumises à enregistrement

II. - Alinéa 36

Remplacer les mots :

énumérées par un décret en Conseil d'Etat

par les mots :

soumises à enregistrement

M. Antoine Lefèvre, rapporteur.  - Précision.

M. Philippe Richert, ministre.  - Pas uniquement. La modification de l'alinéa 36 fait problème dans la mesure où nous devons pouvoir sanctionner les importations d'armes sans autorisation.

M. Antoine Lefèvre, rapporteur.  - Je rectifie l'amendement en supprimant le II.

M. Philippe Richert, ministre.  - Favorable.

L'amendement n°58 rectifié est adopté.

L'amendement n°19 rectifié n'est pas soutenu.

M. le président.  - Amendement n°36, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 45

Rédiger ainsi cet alinéa :

« V. - L'acquisition des armes de catégorie C nécessite l'établissement d'une déclaration par l'armurier ou par leur détenteur dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Pour les personnes physiques, leur acquisition est subordonnée à la présentation d'une copie :

M. Philippe Richert, ministre.  - Les modalités actuelles de détention d'armes de catégorie C, ce qui concerne les clubs de tir, les fédérations de chasse, les entreprises de spectacle, sont rétablies. Tous seront rassurés !

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par MM. Mirassou et Sueur, Mme Klès, MM. Carrère et Patriat, Mme Herviaux, MM. Bérit-Débat et Camani, Mme Cartron, MM. Courteau et Daunis, Mmes Durrieu et Espagnac, MM. Fauconnier, Guillaume, Krattinger, Labazée et Mazuir, Mme D. Michel et MM. Navarro, Néri, Rebsamen et Sutour.

Alinéa 45, première phrase

Supprimer les mots :

et la détention

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Le problème, alors, n'existe plus.

L'amendement n°2 est retiré.

M. le président.  - Amendement identique n°6, présenté par M. Poniatowski et les membres du groupe UMP.

M. Ladislas Poniatowski.  - Moi aussi, l'amendement n°36 me convient.

L'amendement n°6 est retiré.

L'amendement n°36 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°56, présenté par M. Lefèvre, au nom de la commission.

Après l'alinéa 50

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

« VI bis.-Sont interdites :

« 1° L'acquisition ou la détention de plusieurs armes de la catégorie B par un seul individu, sauf dans les cas prévus par décret en Conseil d'Etat ;

« 2° L'acquisition ou la détention de plus de 50 cartouches par arme de la catégorie B, sauf dans les cas prévus par décret en Conseil d'Etat.

M. Antoine Lefèvre, rapporteur.  - Cet amendement répare un oubli : il faut préciser dans quelles conditions plusieurs armes soumises à autorisation peuvent être détenues par un même individu. Il en est de même de la possibilité de détenir plus de 50 cartouches. Nous reprenons des dispositions figurant à l'article L. 2336-1 du code de la défense.

L'amendement n°56, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 3, modifié, est adopté.

L'article 4 demeure supprimé.

Article 5

M. le président.  - Amendement n°52, présenté par M. Lefèvre, au nom de la commission.

Alinéa 4, première phrase

1°Après les mots :

de catégorie C

insérer les mots :

ou de catégorie D soumises à enregistrement

2°Après les mots :

article L. 2336-1

insérer les mots :

ou, le cas échéant, à un enregistrement

M. Antoine Lefèvre, rapporteur.  - Les armes de catégorie D soumises à enregistrement doivent faire l'objet de cet enregistrement lors de leur cession de particulier à particulier.

M. Philippe Richert, ministre.  - Cette clarification est-elle nécessaire ? Sagesse, car la réglementation de ces transactions a changé récemment.

L'amendement n°52 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°53, présenté par M. Lefèvre, au nom de la commission.

I. - Alinéa 4, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

ou, à Paris, du préfet de police

II. - Alinéa 4, seconde phrase

Après les mots :

du lieu du domicile

insérer les mots :

ou, à Paris, du préfet de police

M. Antoine Lefèvre, rapporteur.  - Précision.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par MM. Mirassou et Sueur, Mme Klès, MM. Carrère et Patriat, Mme Herviaux, MM. Bérit-Débat et Camani, Mme Cartron, MM. Courteau et Daunis, Mmes Durrieu et Espagnac, MM. Fauconnier, Guillaume, Krattinger, Labazée et Mazuir, Mme D. Michel et MM. Navarro, Néri, Rebsamen et Sutour.

Alinéa 4, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Les pouvoirs publics ne peuvent délivrer un récépissé dans le délai de quinze jours...

M. le président.  - Amendement identique n°7, présenté par M. Poniatowski et les membres du groupe UMP.

M. Ladislas Poniatowski.  - Identique. On meurt de trop de paperasseries. Pourquoi exiger que les chasseurs aient en permanence un papier sur eux ? Je retire l'amendement de l'UMP au bénéfice de celui du groupe socialiste.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Merci de votre altruisme. (Sourires)

L'amendement n°7 est retiré.

M. Antoine Lefèvre, rapporteur.  - Il y a un problème pratique. Le délai a été porté à un mois par la commission ; je souhaite maintenir la contravention. Qu'en pense le Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre.  - Sur le fond, d'accord sur l'amendement n°53. Mais la matière est réglementaire : sagesse. Favorable à l'amendement n°3, car nous ne voulons pas compliquer la vie des chasseurs.

M. Antoine Lefèvre, rapporteur.  - Je rectifie l'amendement et supprime le II.

L'amendement n°53 rectifié est adopté, ainsi que l'amendement n°3.

L'article 5, modifié, est adopté.

L'article 6 demeure supprimé, de même que l'article 7.

Article 8

M. le président.  - Amendement n°57, présenté par M. Lefèvre, au nom de la commission.

Rédiger ainsi cet article :

I. - Après l'article L. 2337-1 du code de la défense, il est inséré un article L. 2337-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 2337-1-1. - I. - Peuvent obtenir une carte de collectionneur d'armes délivrée par l'autorité compétente de l'État les personnes physiques qui :

« 1° Exposent dans des musées ouverts au public ou contribuent, par la réalisation de collections, à la conservation, à la connaissance ou à l'étude des armes ;

« 2° Remplissent les conditions prévues au I et aux 1° et 2° du III de l'article L. 2336-1 ;

« 3° Produisent un certificat médical dans les conditions prévues au 3° du III de l'article L. 2336-1 ;

« 4° Justifient avoir été sensibilisées aux règles de sécurité dans le domaine des armes.

« II. - Peuvent obtenir une carte de collectionneur d'armes délivrée par l'autorité compétente de l'État les personnes morales :

« 1° Qui exposent dans des musées ouverts au public ou dont l'objet est contribuer, par la réalisation de collections, à la conservation, à la connaissance ou à l'étude des armes ;

«  2° Dont les représentants remplissent les conditions prévues au I et aux 1° et 2° du III de l'article L. 2336-1 ;

«  3° Dont les représentants produisent un certificat médical dans les conditions prévues au 3° du III de l'article L. 2336-1 ;

«  4° Dont les représentants justifient avoir été sensibilisés aux règles de sécurité dans le domaine des armes.

« III. - La carte de collectionneur permet d'acquérir et de détenir des armes de la catégorie C.

«  IV. - Un décret en Conseil d'État fixe la durée de la validité de la carte ainsi que les conditions de son renouvellement. Il détermine également les modalités d'application du 4° des I et II et les conditions de déclaration des armes. Il précise les collections qui, en raison de leur taille et de la nature des armes qu'elles comportent, doivent faire l'objet de mesures tendant à prévenir leur vol. » 

II. - Dans un délai de six mois à compter de l'entrée en vigueur du présent article, les personnes physiques et morales détenant des armes relevant de la catégorie C qui déposent une demande de carte de collectionneur et remplissent les conditions fixées aux I et II de l'article L. 2337-1-1 sont réputées avoir acquis et détenir ces armes dans des conditions régulières.

M. Antoine Lefèvre, rapporteur.  - Il s'agit d'encadrer le statut du collectionneur d'armes et de trouver un bon équilibre avec les exigences de sécurité publique.

L'amendement n°21 rectifié n'est pas défendu.

M. Philippe Richert, ministre.  - Le Gouvernement a entendu les demandes des collectionneurs. Un statut a été élaboré, avec les intéressés et M. César, auteur d'un rapport. Sagesse.

L'amendement n°57 est adopté.

L'article 8 est ainsi rédigé.

L'article 9 est adopté.

Article 10

M. le président.  - Amendement n°37, présenté par le Gouvernement.

Supprimer cet article.

M. Philippe Richert, ministre.  - La peine complémentaire pourra toujours être prononcée par la juridiction à chaque fois que cela apparaîtra nécessaire. Des instructions de réquisitions en ce sens pourront être adressées aux parquets.

M. Antoine Lefèvre, rapporteur.  - Favorable.

L'amendement n°30 n'est pas soutenu.

L'amendement n°37 est adopté et l'article 10 est supprimé.

Article 11

M. le président.  - Amendement n°62, présenté par M. Lefèvre, au nom de la commission.

Alinéa 3

Remplacer les mots :

lorsque l'infraction pour laquelle la condamnation est prononcée est un délit

par les mots :

lorsque la condamnation est prononcée par une juridiction correctionnelle

L'amendement de précision n°62, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 11, modifié, est adopté.

Article 12

M. le président.  - Amendement n°38 rectifié, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 2, première phrase

Remplacer les mots :

pour les infractions prévues aux sections 1, 3, 3 bis, 3 ter et 4

par les mots :

pour les crimes ou pour les délits commis avec une arme prévus aux sections 1, 3, 3 ter et 4

M. Philippe Richert, ministre.  - L'amendement vise à respecter les exigences constitutionnelles de proportionnalité et de nécessité des peines. Le caractère obligatoire des peines d'interdiction de détention d'armes et de confiscation doit être réservé aux crimes ou aux délits commis avec une arme. Dans les autres cas, ces peines doivent demeurer facultatives.

M. Antoine Lefèvre, rapporteur.  - Favorable.

L'amendement n°38 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°63, présenté par M. Lefèvre, au nom de la commission.

Alinéa 3

Remplacer les mots :

lorsque l'infraction pour laquelle la condamnation est prononcée est un délit

par les mots :

lorsque la condamnation est prononcée par une juridiction correctionnelle

L'amendement de précision n°63, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 12, modifié, est adopté.

L'article 13 demeure supprimé.

Article 14

M. le président.  - Amendement n°64, présenté par M. Lefèvre, au nom de la commission.

Alinéa 5

Remplacer les mots :

lorsque l'infraction pour laquelle la condamnation est prononcée est un délit

par les mots :

lorsque la condamnation est prononcée par une juridiction correctionnelle

L'amendement de précision n°64, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 14, modifié, est adopté.

Article 15

M. le président.  - Amendement n°39, présenté par le Gouvernement.

Alinéas 1 à 4

Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :

L'article 225-20 du même code est complété par un II ainsi rédigé :

« II. - En cas de condamnation pour les infractions prévues par les sections 1 bis, 2 et 2 ter du présent chapitre, le prononcé de la peine complémentaire prévue au 3° est obligatoire, et la durée de l'interdiction est portée à dix ans au plus. »

M. Philippe Richert, ministre.  - Même logique de proportionnalité que tout à l'heure, à propos cette fois du recours à la prostitution.

M. Antoine Lefèvre, rapporteur.  - Avis favorable.

L'amendement n°39 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°65, présenté par M. Lefèvre, au nom de la commission.

Alinéa 5

Remplacer les mots :

lorsque l'infraction pour laquelle la condamnation est prononcée est un délit

par les mots :

lorsque la condamnation est prononcée par une juridiction correctionnelle

M. Antoine Lefèvre, rapporteur.  - Précision.

M. Philippe Richert, ministre.  - Favorable.

L'amendement n°65 est adopté.

L'article 15, modifié, est adopté.

L'article 16 demeure supprimé.

Article 17

M. le président.  - Amendement n°40, présenté par le Gouvernement.

Alinéas 1 à 4

Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :

L'article 311-14 du même code est complété par un II ainsi rédigé :

« II. - En cas de condamnation pour vol commis avec violence ou pour vol puni d'une peine criminelle, le prononcé de la peine complémentaire prévue au 3° est obligatoire. »

M. Philippe Richert, ministre.  - Même logique que tout à l'heure, à propos cette fois du vol simple.

L'amendement n°40, accepté par la commission, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°66, présenté par M. Lefèvre, au nom de la commission.

Alinéa 5

Remplacer les mots :

lorsque l'infraction pour laquelle la condamnation est prononcée est un délit

par les mots :

lorsque la condamnation est prononcée par une juridiction correctionnelle

L'amendement de précision n°66, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 17, modifié, est adopté.

Article 18

M. le président.  - Amendement n°67, présenté par M. Lefèvre, au nom de la commission.

Alinéa 5

Remplacer les mots :

l'infraction pour laquelle la condamnation est prononcée est un délit

par les mots :

la condamnation est prononcée par une juridiction correctionnelle

L'amendement de précision n°67, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 18, modifié, est adopté.

Article 19

M. le président.  - Amendement n°41, présenté par le Gouvernement.

Rédiger ainsi cet article :

L'article 321-10 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque les peines complémentaires prévues pour ces crimes ou délits sont obligatoires, elles doivent également être obligatoirement prononcées contre la personne condamnée pour recel, sauf décision spécialement motivée de la juridiction, s'il s'agit d'une juridiction correctionnelle, en considération des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur. »

M. Philippe Richert, ministre.  - Même problématique ; il s'agit cette fois du recel.

M. le président.  - Amendement n°68, présenté par M. Lefèvre, au nom de la commission.

Alinéa 5

Remplacer les mots :

l'infraction pour laquelle la condamnation est prononcée est un délit

par les mots :

la condamnation est prononcée par une juridiction correctionnelle

M. Antoine Lefèvre, rapporteur.  - Amendement de précision. Favorable à l'amendement du Gouvernement.

M. Philippe Richert, ministre.  - Favorable à l'amendement n°68.

L'amendement n°41 est adopté et l'article 19 est ainsi rédigé.

L'amendement n°68 n'a plus d'objet.

Article 20

M. le président.  - Amendement n°42, présenté par le Gouvernement.

Alinéas 1 à 4

Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :

L'article 322-15 du même code est complété par un II ainsi rédigé :

« II. - En cas de condamnation pour les crimes ou délits prévus aux articles 322-6 à 322-11, le prononcé de la peine complémentaire prévue au 3° est obligatoire.

M. Philippe Richert, ministre.  - Toujours la même logique.

L'amendement n°42, accepté par la commission, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°69, présenté par M. Lefèvre, au nom de la commission.

Alinéa 5

Remplacer les mots :

l'infraction pour laquelle la condamnation est prononcée est un délit

par les mots :

la condamnation est prononcée par une juridiction correctionnelle

L'amendement de précision n°69, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 20, modifié, est adopté.

Article 21

M. le président.  - Amendement n°35, présenté par le Gouvernement.

Supprimer cet article.

M. Philippe Richert, ministre.  - Il s'agit cette fois du délit de blanchiment.

L'amendement n°35, accepté par la commission, est adopté et l'article 21 est supprimé.

L'amendement n°70 n'a plus d'objet.

L'article 21 bis est adopté, ainsi que l'article 22.

Article 23

M. le président.  - Amendement n°43, présenté par le Gouvernement.

Alinéas 1 à 6

Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :

L'article 431-26 du code pénal est complété par un II ainsi rédigé :

« II. - En cas de condamnation pour les délits prévus aux articles 431-24 et 431-25, le prononcé de la peine complémentaire prévue aux 2° et 4° est obligatoire et la durée de l'interdiction est portée à dix ans au plus. »

M. Philippe Richert, ministre.  - Même logique.

L'amendement n°43, accepté par la commission, est adopté.

L'article 23, modifié, est adopté.

L'article 23 bis est adopté, ainsi que l'article 24.

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°72 rectifié, présenté par M. Lefèvre, au nom de la commission.

Après l'article 24

Insérer un article additionnel ainsi rédigé:

Au début du premier alinéa des articles 221-8, 222-44, 224-9, 225-20, 311-14, 312-13, 322-15, 431-7, 431-11 et 431-26 du code pénal est ajoutée la mention : "I. - ".

M. Antoine Lefèvre, rapporteur.  - Coordination.

L'amendement n°72 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté et devient un article additionnel.

Article 25

M. le président.  - Amendement n°46 rectifié, présenté par le Gouvernement.

Rédiger ainsi cet article :

Après le septième alinéa de l'article L. 2339-1 du code de la défense, tel qu'il résulte de la loi n° 2011-702 du 22 juin 2011 relative au contrôle des importations et des exportations de matériels de guerre et de matériels assimilés, à la simplification des transferts des produits liés à la défense dans l'Union européenne et aux marchés de défense et de sécurité, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les procès-verbaux des infractions constatées aux prescriptions du présent titre sont transmis au représentant de l'État dans le département ou, à Paris, au préfet de police. »

M. Philippe Richert, ministre.  - L'article L. 2339-1 du code de la défense a été entièrement récrit par la loi du 22 juin 2011 sans qu'ait été prévu que le préfet soit informé de toute infraction à la législation sur les armes.

L'amendement n°46 rectifié, accepté par la commission, est adopté.

L'article 25, modifié, est adopté.

L'article 26 est adopté, ainsi que les articles 27, 28 et 29.

Article 30

M. le président.  - Amendement n°44, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

ou au II de l'article L. 2337-3.

M. Philippe Richert, ministre.  - Il s'agit d'assurer la cohérence des sanctions en cas de non-déclaration d'une arme de catégorie C, qu'elle soit achetée auprès d'un armurier ou auprès d'un particulier.

L'amendement n°44, accepté par la commission, est adopté.

L'article 30, modifié, est adopté.

Article 31 (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°45, présenté par le Gouvernement.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

La section 3 du chapitre IX du titre III du livre III de la deuxième partie du code de la défense est complétée par deux articles L. 2339-8-1 et L. 2339-8-2 ainsi rédigés :

I - « Art. L. 2339-8-1 - Est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende le fait de frauduleusement supprimer, masquer, altérer ou modifier de façon quelconque les marquages, poinçons, numéros de série, emblèmes ou signes de toute nature apposés ou intégrés sur des matériels mentionnés à l'article L. 2331-1, des armes ou leurs éléments essentiels afin de garantir leur identification de manière certaine suivant les modalités fixées par un décret en Conseil d'État, ou de détenir, en connaissance de cause, une arme ainsi modifiée.

II - « Art. L. 2339-8-2 - I. - Est puni de cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de 75 000 € l'acquisition, la vente, la livraison, ou le transport de matériels, d'armes et de leurs éléments essentiels mentionnés à l'article L. 2331-1 dépourvus des marquages, poinçons, numéros de série, emblèmes ou signes de toute nature apposés ou intégrés sur les matériels, les armes ou leurs éléments essentiels, nécessaires à leur identification de manière certaine suivant les modalités fixées par le décret en Conseil d'État prévu à l'article L. 2339-8-1, ou dont les marquages, poinçons, numéros de série, emblèmes ou signes de toute nature auraient été supprimés, masqués, altérés ou modifiés .

« II. - Les peines peuvent être portées à dix ans d'emprisonnement et 150 000 € d'amende si les infractions mentionnées aux I ou II sont commises en bande organisée.

« III. - La tentative des délits prévus au présent article est punie des mêmes peines. »

III - L'article L. 2339-11 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 2339-11. - Est puni d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 30 000 euros l'usage, par une personne non qualifiée, du poinçon mentionné à l'article L. 2332-8-1.

Les contrefaçons d'un poinçon d'épreuve et l'usage frauduleux des poinçons contrefaits sont punis d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 75 000 euros. »

M. Philippe Richert, ministre.  - Il faut pouvoir réprimer la suppression, l'altération ou la modification des marquages.

M. le président.  - Amendement n°71, présenté par M. Lefèvre, au nom de la commission.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le code de la défense est ainsi modifié :

1° La section 3 du chapitre IX du titre III du livre III de la partie 2 est complétée par un article L. 2339-8-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 2339-8-1. - Est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende le fait de frauduleusement supprimer, masquer, altérer ou modifier de façon quelconque les marquages, poinçons, numéros de série, emblèmes ou signes de toute nature, autres que ceux visés à l'article L. 2339-11, apposés ou intégrés sur des matériels mentionnés à l'article L. 2331-1, des armes ou leurs éléments essentiels afin de garantir leur identification de manière certaine suivant les modalités fixées par un décret en Conseil d'État, ou de détenir, en connaissance de cause, une arme ainsi modifiée. » ;

2° L'article L. 2339-11 est ainsi modifié:

a) au premier alinéa, le montant: « 3 750 euros » est remplacé par le montant : « 30 000 euros » ;

b) au second alinéa, le montant: « 3 750 euros » est remplacé par le montant : « 75 000 euros ».

M. Antoine Lefèvre, rapporteur.  - Je me rallie à l'amendement du Gouvernement, plus précis.

L'amendement n°71 est retiré.

L'amendement n°45 est adopté et l'article 31 est ainsi rétabli.

Article 32

L'amendement n°23 rectifié n'est pas soutenu, non plus que l'amendement n°31.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par MM. Mirassou et Sueur, Mme Klès, MM. Carrère et Patriat, Mme Herviaux, MM. Bérit-Débat et Camani, Mme Cartron, MM. Courteau et Daunis, Mmes Durrieu et Espagnac, MM. Fauconnier, Guillaume, Krattinger, Labazée et Mazuir, Mme D. Michel et MM. Navarro, Néri, Rebsamen et Sutour.

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

« III.  -  Le permis de chasser accompagné de la validation de l'année en cours ou de l'année précédente, la licence de tir en cours de validité délivrée par une fédération sportive ayant reçu délégation du ministre chargé des sports au titre de l'article L. 131-14 du code des sports ou la carte de collectionneur d'armes à feu délivrée en application de l'article L. 2337-1-1 du code de la défense valent titre de transport légitime pour les armes des catégories B, C et D régulièrement détenues.

« Le permis de chasser vaut titre de port légitime d'armes pour leur utilisation en action de chasse. »

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Le permis de chasse vaut autorisation de port d'arme de chasse ; la mention « sans motif légitime » est superflue.

M. le président.  - Amendement identique n°8, présenté par M. Poniatowski et les membres du groupe UMP.

M. Ladislas Poniatowski.  - Les députés n'ont pas pensé que l'on ne pourrait plus transporter aucune arme de chasse. Liberté, s'il te plaît, laisse-nous respirer ! (Sourires)

M. le président.  - Sous-amendement n°47 à l'amendement n° 4 de M. Mirassou, présenté par le Gouvernement.

Amendement n° 4

I. - Alinéa 2

1° Supprimer les mots :

le permis de chasser accompagné de la validation de l'année en cours ou de l'année précédente

2° Remplacer les mots :

pour les armes des catégories B, C et D régulièrement détenues

par les mots :

des armes qu'elles permettent d'acquérir régulièrement

II. - Dernier alinéa

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Le permis de chasser accompagné de la validation de l'année en cours ou de l'année précédente vaut titre de transport et de port légitime des armes qu'il permet d'acquérir pour leur utilisation en action de chasse ou pour toute activité qui y est liée. »

M. le président.  - Sous-amendement identique n°74 à l'amendement n° 8 de M. Poniatowski et les membres du groupe UMP, présenté par le Gouvernement.

Amendement n° 8

I. - Alinéa 2

1° Supprimer les mots :

le permis de chasser accompagné de la validation de l'année en cours ou de l'année précédente

2° Remplacer les mots :

pour les armes des catégories B, C et D régulièrement détenues

par les mots :

des armes qu'elles permettent d'acquérir régulièrement

II. - Dernier alinéa

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Le permis de chasser accompagné de la validation de l'année en cours ou de l'année précédente vaut titre de transport et de port légitime des armes qu'il permet d'acquérir pour leur utilisation en action de chasse ou pour toute activité qui y est liée. »

M. Philippe Richert, ministre.  - Les sous-amendements nos47 et 74, identiques, précisent la rédaction des deux amendements identiques : le permis de chasser vaut titre légitime de transport...

M. Ladislas Poniatowski.  - Très bien !

M. Philippe Richert, ministre.  - En situation de chasse ou en lien avec la chasse : visite à l'armurier, par exemple. Mais il ne sera pas permis de se promener rue de Vaugirard avec son arme. Parmi les chasseurs, il peut se trouver quelques individus susceptibles de dérapage.

M. Antoine Lefèvre, rapporteur.  - Je comprends le souci d'éviter des tracasseries ; de là à instaurer une quasi-impunité pour les titulaires d'un permis de chasse ! Le sous-amendement corrige un peu les choses. Avis favorable, même si toutes les questions soulevées ne sont pas résolues.

M. Ladislas Poniatowski.  - Le permis de chasse vaut document de transport. Mais le sous-amendement mentionne-t-il bien toute activité en lien avec la chasse, y compris par exemple le ball-trap, où les chasseurs vont s'entraîner quand la chasse est fermée ?

M. Philippe Richert, ministre.  - Bien sûr.

Mme Odette Herviaux.  - La façon de transporter les armes -décrantées, verrouillées dans une mallette, munitions séparées- respecte toutes les conditions de sécurité.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Nous pouvons nous rassembler sur cette rédaction.

Les sous-amendements identiques nos47 et 74 sont adoptés.

Les amendements identiques nos4 et 8, sous-amendés, sont adoptés.

L'article 32, modifié, est adopté.

Les articles 32 bis, 32 ter, 33, 34 sont adoptés.

Article 35 A

M. le président.  - Amendement n°61, présenté par M. Lefèvre, au nom de la commission.

Après la référence :

32 bis

insérer les mots :

et 35

M. Antoine Lefèvre, rapporteur.  - L'entrée en vigueur des coordinations prévues à l'article 35 ne doit pas intervenir avant celle des dispositions qu'elles visent.

M. Philippe Richert, ministre.  - Favorable.

L'amendement n°61 est adopté.

L'article 35 A est adopté.

Article 35

Les amendements nos32 et 24 rectifié ne sont pas soutenus.

M. le président.  - Amendement n°51 rectifié, présenté par M. Lefèvre, au nom de la commission.

I. - Alinéa 13

Remplacer les mots :

et C

par les mots :

ainsi que les matériels des catégories C et D figurant sur une liste fixée par un décret en Conseil d'Etat

II. - Alinéa 25

Remplacer les mots :

essentiels de catégorie B

par les mots :

essentiels des catégories A1 et B

III. - Alinéa 26

Remplacer les mots :

essentiels des catégories C et D

par les mots :

essentiels des catégories C et D figurant sur une liste fixée par un décret en Conseil d'Etat

IV. - Alinéa 27

Remplacer les mots :

catégorie B

par les mots :

catégories A1 et B

V. - Alinéa 29

Remplacer les mots :

catégories B, C et D

par les mots :

catégories A1, B, ainsi que des armes des catégories D figurant sur une liste fixée par un décret en Conseil d'Etat

VI. - Alinéa 30

Remplacer les mots :

de catégorie B

par les mots :

des catégories A1 et B

VII. - Alinéa 31

Remplacer les mots :

des catégorie B ou D

par les mots :

des catégories A1, B ainsi que des armes de la catégorie D figurant sur une liste fixée par un décret en Conseil d'Etat

VIII. - Alinéa 32

Après les mots :

et D

insérer les mots :

figurant sur une liste fixée par un décret en Conseil d'Etat

IX. - Compléter cet article par cinq alinéas ainsi rédigés :

XIV. - Au 4° de l'article 421-1 du code pénal, les mots : « à l'exception des armes de la 6ème catégorie » sont remplacés par les mots : « à l'exception des armes de la catégorie D définies par décret en conseil d'État ».

XV. - Aux deuxième et troisième alinéas de l'article 11-5 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de sécurité, les mots : « sixième catégorie » sont remplacés par les mots : « la catégorie D figurant sur une liste fixée par un décret en Conseil d'État ».

XVI. - Au premier alinéa de l'article 1er de la loi n° 85-706 du 12 juillet 1985 relative à la publicité en faveur des armes à feu et de leurs munitions, les mots : « de la première catégorie (paragraphes 1, 2 et 3) et des quatrième, cinquième et septième catégories telles qu'elles sont définies par l'article premier du décret n° 73-364 du 12 mars 1973 relatif à l'application du décret du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions » sont remplacés par les mots : « des catégories A1, B ainsi que les armes des catégories C et D figurant sur une liste fixée par un décret en Conseil d'Etat ».

XVII. - Au I de l'article 3 de la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation et à la complémentarité entre les services de police, de gendarmerie et de douane, les mots : « de la première catégorie figurant sur une liste fixée par décret acquises à titre personnel, aux armes et munitions non considérées comme matériels de guerre, mentionnées à l'article 1er du décret-loi du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre» sont remplacés par les mots : « de la catégorie A figurant sur une liste fixée par décret acquises à titre personnel, aux armes des catégories A1, B, C et D mentionnées à l'article L. 2331-1 du code de la défense ».

XVIII. - Au 4° de l'article 398-1 et aux onzième et vingtième alinéas de l'article 837 du code de procédure pénale, les mots : « de la 6ème catégorie » sont remplacés par les mots : « des catégories C et D ».

L'amendement de coordination n°51 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 35, modifié, est adopté.

L'article 35 bis est adopté.

Article 35 ter

M. le président.  - Amendement n°48, présenté par M. Lefèvre, au nom de la commission.

I. - Alinéa 1

Remplacer les mots :

la promulgation

par les mots :

la publication des mesures réglementaires d'application

II. -  Alinéa 4, première phrase

a) Remplacer le mot :

promulgation

par les mots :

publication des mesures réglementaires d'application 

b) Compléter cette phrase par les mots :

 dans un délai de trois mois à compter de cette publication.

L'amendement de précision n°48, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 35 ter, modifié, est adopté, ainsi que l'article 36.

L'amendement n°33 n'est pas soutenu.

Vote sur l'ensemble

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Le ministre ne m'a pas répondu concernant les armes à impulsion électrique.

M. Philippe Richert, ministre.  - Si !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Vous avez dit qu'elles étaient « sublétales ». Je bataille depuis dix ans pour faire admettre qu'elles peuvent être létales, selon l'état de santé de la personne visée. Les études sont nombreuses qui montrent la dangerosité de leur emploi par les forces publiques, en particulier en cas de rassemblements de personnes.

Nous voterons le texte mais continuerons à nous battre contre le Taser et autres armes de ce type.

M. Jean-Pierre Plancade.  - Je partage le propos de Mme Borvo Cohen-Seat. Le ministre a été trop catégorique sur les armes à impulsion électrique, fatales pour les personnes qui portent par exemple un pacemaker ou tout autre élément en ferraille dans le corps.

Le RDSE se réjouit du travail remarquable réalisé par la commission, les sénateurs et le Gouvernement. Il votera la proposition de loi.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Le sujet était complexe et nous nous sommes impliqués pour satisfaire les revendications des tireurs sportifs, chasseurs et collectionneurs, tout en dissuadant et sanctionnant mieux l'utilisation et la détention illicites. Le groupe socialiste votera la proposition de loi, améliorée au Sénat. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Ladislas Poniatowski.  - Je me réjouis d'une transposition pour une fois exemplaire : trois ans pour transposer la classification prévue dans la directive est un délai honnête. La concertation menée par le Gouvernement avec les chasseurs, tireurs, armuriers, a été exemplaire. Le travail de l'Assemblée nationale était incomplet et nous avons apporté toutes les corrections et les ajouts utiles. Nous voilà bien armés (Sourires) grâce aux nouvelles dispositions pénales que nous avons adoptées contre les bandits et les truands ! Le groupe UMP votera bien évidemment le texte. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Odette Herviaux.  - Il est rare que l'on fasse aussi bien le distinguo entre ceux qui détiennent une arme pour le loisir ou un sport et les délinquants. Ce n'est pas l'arme mais son utilisation qui constitue un danger. Les armuriers, les sportifs, les chasseurs ne sont pas des cow-boys ! Les jeunes qui, au tir sportif, apprennent la patience, la rigueur, la conscience de la dangerosité, seront moins enclins à se laisser fasciner par les jeux vidéo ou les films violents.

M. Ladislas Poniatowski.  - Et que nos jeunes nous rapportent des médailles de Londres !

Mme Odette Herviaux.  - Je me réjouis d'une telle unanimité.

M. Philippe Richert, ministre.  - Le gardien de la paix d'Aix est décédé ce matin.

Il nous faut lutter sans relâche contre les criminels et les délinquants, tout en respectant les chasseurs, les tireurs sportifs, qui utilisent des armes à bon escient, ou les collectionneurs qui préservent notre patrimoine. Nous sommes parvenus à un consensus. Je remercie le Sénat et plus particulièrement le rapporteur. Nous avons défendu l'intérêt général. (Applaudissements à droite)

La proposition de loi est adoptée.

Avis sur une nomination

M. le président.  - En application de la loi organique du 23 juillet 2010 et de la loi du 23 juillet 2010 relatives à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, et en application de l'article L. 332-3 du code de la recherche et du décret du 29 septembre 1970, la commission de l'économie a émis un vote favorable à l'unanimité en faveur de la nomination de M. Bernard Bigot aux fonctions d'administrateur général du Commissariat à l'énergie atomique.

La séance est suspendue à midi.

*

*          *

présidence de M. Jean-Pierre Bel

La séance reprend à 15 heures.

Droit de vote des étrangers

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi constitutionnelle, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à accorder le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales aux étrangers, non-ressortissants de l'Union européenne résidant en France.

Discussion générale

M. François Fillon, Premier ministre.  - (Applaudissements à droite) Cette proposition de loi constitutionnelle invite le Gouvernement à défendre sa conception de la citoyenneté française. Elle m'y invite de même.

Ce débat s'attache à l'organisation de notre République et à notre vision de la France, qui sont pour moi des thèmes fondamentaux. Les clivages n'obéissent pas nécessairement aux frontières partisanes. Le débat est ancien et récurrent ; il est ouvert depuis 1981...

M. Roland Courteau.  - Eh oui !

M. François Fillon, Premier ministre.  - ...et ressurgit avant chaque élection avant d'être abandonné aussitôt après. (Applaudissements à droite ; exclamations indignées à gauche)

M. François Fillon, Premier ministre.  - La méthode, tout d'abord : je la réprouve. Elle crée un brouillage démocratique qui affaiblit la cohérence politique de nos institutions. (Exclamations à gauche) Notre tradition parlementaire veut que le Sénat reste saisi des textes votés par l'Assemblée nationale même lorsque celle-ci est renouvelée ; cet usage, j'en conviens, assure une certaine continuité législative. Mais il est contestable d'exhumer une proposition de loi vieille de plus de dix ans. (Applaudissements à droite ; exclamations à gauche)

M. Roland Courteau.  - À qui la faute ?

M. François Fillon, Premier ministre.  - L'Assemblée nationale a depuis été renouvelée deux fois... (Applaudissements à droite) Cette initiative n'a plus de lien avec la représentation nationale actuelle ; elle pose un problème au regard de la clarté démocratique.

Ma conception de la France diverge de celle que trace cette proposition de loi. Depuis deux siècles citoyenneté et nationalité sont indissociables. Et du lien entre nationalité et citoyenneté découle celui entre nationalité et droit de vote. Des cinq régimes républicains que la France a connus au cours de son histoire mouvementée, aucun n'a remis en cause ce principe. Voter, c'est participer à l'exercice de la souveraineté nationale, c'est participer à la vie de notre République que notre Constitution définit comme le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. Or il n'y a qu'un peuple : le peuple français. (Applaudissements à droite) La citoyenneté française est indivisible, elle n'est ni locale, ni nationale. Un étranger, pour exercer le droit de vote, doit devenir Français.

La nationalité française, si elle ouvre des droits spécifiques, comporte des obligations particulières. Vous proposez d'ouvrir une brèche dans cet édifice, dans cet équilibre de droits et de devoirs ; avec votre texte, le droit de désigner des élus municipaux et d'être élu au sein du conseil municipal ne serait plus un attribut de la citoyenneté française.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - C'est déjà le cas !

M. François Fillon, Premier ministre.  - Rien ne justifie qu'on sape ainsi un des fondements de notre République. (Applaudissements à droite)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Soignez le vocabulaire !

M. François Fillon, Premier ministre.  - Certes, les ressortissants de l'Union européenne disposent du droit de vote aux élections locales sous réserve de réciprocité. Si nous avons fait ce choix historique, c'est que nous voulions qu'émergeât une citoyenneté européenne.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Elle n'existe pas !

M. François Fillon, Premier ministre.  - On ne peut l'étendre aux ressortissants des pays qui ne sont pas part à cette aventure collective qui distingue l'Europe.

J'entends que la reconnaissance de ce droit serait nécessaire à l'intégration. Croyez-vous que c'est parce que vous votez que vous vous intégrez ? (Oui ! à gauche ; non ! à droite) En Grande-Bretagne ou aux Pays-Bas, c'est loin d'être le cas. S'intégrer, c'est remplir des devoirs avant de disposer de droits. (Applaudissements à droite) Le droit de vote, c'est l'aboutissement d'un parcours individuel d'adhésion à notre communauté nationale, ce n'est pas une condition ni un préalable. C'est dire que ce texte prend les choses à l'envers.

La République fait tous les jours la preuve de son ouverture. (Applaudissements à droite ; exclamations à gauche) L'honneur de la France, ce n'est pas de récompenser l'étranger qui travaille et qui paye ses impôts. Rien n'est plus faux de présenter notre pays comme fermé, suspicieux, xénophobe. Les étrangers qui le souhaitent peuvent participer notamment aux associations ou aux comités de quartier.

Un étranger qui réside de longue date sur notre sol, qui respecte nos lois et s'investit n'a aucun mal à acquérir la citoyenneté française. (Exclamations à gauche ; applaudissements à droite) S'il ne le fait pas, il est normal qu'il ne puisse nommer les représentants des collectivités de la République. En outre, notre droit admet la double nationalité ; il n'y a aucun déchirement dans le choix d'accéder à la nationalité française. Chaque année, 130 000 personnes deviennent françaises. La cérémonie d'acquisition de la nationalité est un moment émouvant de joie et de fierté pour ces nouveaux Français. La France leur fait un cadeau et eux font un cadeau à la France. (« Très bien ! » à droite) Cette proposition de loi ne rend pas justice à tous ceux qui ont fait cet effort et ont perçu et respecté lien intime qui existe entre citoyenneté et droit de vote. Pourquoi devrions-nous renoncer à ce sentiment que les étrangers sont les premiers à ressentir comme important ?

Il y a plus grave : dissocier la citoyenneté de la nationalité, c'est prendre le risque du communautarisme. Imagine-t-on des listes de candidats étrangers jouant sur leurs origines ? Je ne suis pas prêt à courir le risque. (Applaudissements à droite)

On me dira que ces personnes payent leurs impôts et qu'il est normal qu'elles puissent décider ce qui en est fait. Cette vision censitaire, utilitariste me choque. Il est naturel que pour faire fonctionner les services publics, ceux qui en ont les moyens paient des impôts pour les financer. Participer aux destinées d'une collectivité publique, désigner ceux qui la dirigent n'a rien à voir ; une commune n'est pas un organisme dont on serait actionnaire. Le droit de vote ne s'achète pas, il se gagne par la volonté du coeur et de l'esprit. (Applaudissements à droite)

Cet argument se heurte à une profonde contradiction : pourquoi se cantonner aux communes et pas au conseil général et au conseil régional ? (Exclamations à gauche) Et pourquoi pas aux élections législatives ? De proche en proche, c'est la citoyenneté française qui disparaît.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - C'est déjà fait !

M. François Fillon, Premier ministre.  - On en appelle aussi aux exemples étrangers. Les Allemands, les Autrichiens, les Italiens ont fait le même choix que nous. Les Britanniques ont accordé le droit de vote aux ressortissants du Commonwealth. Droit de vote en Espagne, mais sans l'éligibilité. Droit du sol extrêmement restrictif, comme aux Pays-Bas. La France se distingue avec un accès à la citoyenneté après cinq ans de résidence régulière. Le nombre d'acquisitions de la nationalité est supérieur à celui des pays qui ont ouvert le droit de vote aux étrangers... (Applaudissements à droite) Nous sommes loin de la caricature.

Enfin, on nous dit que les élections locales ne sont pas de la même nature que les élections nationales. Ce n'est pas ma conception. Il n'y a pas d'un côté la gestion locale et, de l'autre, la gestion nationale ; les collectivités territoriales participent à l'expression de la souveraineté nationale. Une compétence est décentralisée quand le Parlement l'estime nécessaire ; ce n'est pas parce qu'elle l'est que les étrangers doivent être admis à participer à son exercice. Les élections municipales sont des élections politiques à part entière.

Je suis venu exprimer ici mon opposition à cette proposition de loi. (Vifs applaudissements à droite) Ce qui est en jeu, c'est notre relation à la France, notre unité, notre égalité devant les droits et les devoirs. Face au relativisme et à l'individualisme, ce combat n'est jamais définitivement gagné. Il existe dans notre pays des ferments de division. Je ressens honte et colère lorsque j'entends la Marseillaise sifflée, de la tristesse lorsque notre pays est moqué. Je m'inquiète de l'expression radicale des appartenances ethniques ou religieuses. Tous ces comportements démontrent que nous devons raffermir nos principes. (Applaudissements à droite)

La France a toujours été en mouvement. Depuis dix siècles, notre pays a accueilli et assimilé des générations entières d'étrangers.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Avec des exceptions !

M. François Fillon, Premier ministre.  - La volonté de forger un destin commun s'est imposée sur les particularismes. Nous sommes devenus une nation de citoyens, ce qui impose plus de devoirs que de droits, plus d'adhésion.

Il est naturel de vouloir que nos valeurs soient les valeurs des étrangers qui s'intègrent. Nous sommes une nation d'intégration, non une nation de mosaïques. Pour qu'il y ait intégration, l'étranger qui nous rejoint doit connaître et accepter nos valeurs. Celui qui adopte la France, la France l'adopte comme un des siens.

En République, l'amour de la France ne relève pas d'une doctrine d'État. Chacun est responsable de ce qu'il reçoit et de ce qu'il donne. Chacun est porteur d'un héritage. Cette exigence est valable pour les Français mais aussi pour les étrangers qui nous rejoignent.

Avec cette proposition de loi, la gauche s'engage dans une voie dangereuse avec légèreté alors que notre pays doit faire face aux enjeux de la mondialisation. Les Français ont besoin de repères stables et clairs. Fractionner le droit de vote, c'est risquer de morceler notre pacte national ; c'est affaiblir l'intégration et sectionner l'un des chaînons de l'unité républicaine.

Voilà, pourquoi nous devons veiller à préserver ce principe : pas de vote sans citoyenneté, pas de citoyenneté sans adhésion à la nation. (Applaudissements à droite et au centre ; Mmes et MM. les sénateurs de l'UMP et certains membres de l'UC se lèvent et applaudissent très longuement)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Vous avez mis en cause, monsieur le Premier ministre, la méthode en vertu de laquelle nous sommes saisis de ce texte. Je m'étonne que le chef du Gouvernement puisse remettre en cause le fait que le Sénat ait inscrit à l'ordre du jour un texte adopté par l'Assemblée nationale. (Applaudissements à gauche)

Mme Fabienne Keller.  - Il y a dix ans !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Il s'agit du fonctionnement normal de nos institutions. Il y a trente ans, nous avons pris un engagement moral. Pendant ces années, on disait qu'il n'était pas possible de le tenir à cause de la majorité du Sénat. Aujourd'hui, cette majorité a changé. (Applaudissements à gauche)

Puisque vous avez cité l'histoire de nos Républiques, vous avez omis la première d'entre elles, qui a adopté un texte qui ne fondait pas la citoyenneté sur la nationalité mais sur le simple fait d'être un être humain... Et la Déclaration des droits de l'homme a été adoptée par les républicains sans condition ni réciprocité, en vertu des valeurs universelles de fraternité, qu'il est de notre devoir de prolonger. (Vifs applaudissements à gauche)

Mme Esther Benbassa, rapporteure de la commission des lois.  - (Applaudissements à gauche) « J'avoue ne pas être outrageusement choquée par la perspective de voir des étrangers, y compris non communautaires, voter pour les scrutins cantonaux et municipaux. À compter du moment où ils paient des impôts, où ils respectent nos lois, où ils vivent sur notre territoire... » (Exclamations à droite) Je cite un texte de M. Sarkozy ! (Rires et applaudissements à gauche) Je reprends : « ...depuis un temps minimum, par exemple de cinq années, je ne vois pas au nom de quelle logique nous pourrions les empêcher de donner une appréciation sur la façon dont est organisé leur cadre de vie quotidien ». Auteur : Nicolas Sarkozy, 2001. Et encore, en 2005 : « Je crois que c'est un facteur d'intégration ». Un autre auteur, M. Besson, en 2010 : « Vouloir priver des étrangers qui travaillent, vivent, font vivre, et payent leurs impôts, de toute forme de citoyenneté et de toute participation à notre vie démocratique, n'a d'autre sens qu'une ségrégation ». Le même : « Étendre le droit de vote aux élections locales aux ressortissants des pays qui furent colonisés par la France, qui sont des pays francophones, qui ont appartenu à notre République, et qui sont aussi ceux qui entretiennent avec elle les liens les plus profonds et anciens, constituerait un signal fort du maintien de cette grande tradition républicaine d'accueil et d'intégration ». En voulez-vous encore ? (Marques d'enthousiasme à gauche) « Je voudrais, mes chers collègues, appeler votre attention sur le fait que nous sommes dans le dernier peloton des pays européens à devoir encore accorder le droit de vote aux résidents étrangers. Le vote municipal des étrangers est-il une atteinte à la souveraineté nationale ? Évidemment non, car la souveraineté est confiée [...] au Gouvernement et au Parlement, et non aux municipalités ». C'est M. de Robien qui a tenu ses propos en mai 2000 à la tribune de l'Assemblée nationale. « Un authentique décentralisateur ne peut pas être opposé à un débat sur le droit de vote aux élections municipales pour les étrangers résidant depuis plusieurs années dans une commune. Ce pourrait être un signe de la France à leur endroit » : ce propos est signé Jean-Pierre Raffarin (Applaudissements à gauche où l'on scande : « Raffarin avec nous ! » ; l'intéressé se lève et salue ses collègues de gauche). Et enfin, ce mot de M. Hortefeux : « Donc, vous voyez, c'est simplement oser l'audace et l'imagination. » (Applaudissements à gauche)

C'est dire que nous devrions pouvoir voter ce texte à l'unanimité... (Applaudissements à gauche) Pourtant, les discours sont tout autres aujourd'hui à droite. Nous sommes loin des principes généreux de 1793 (applaudissements à gauche) où tous ceux qui vivaient sur le sol de la République pouvaient être citoyens. Les concepts de citoyenneté et de nationalité sont distincts à l'époque. La Constitution de l'an I disposait que les étrangers pouvaient être admis à exercer les droits des citoyens français s'ils étaient jugés par le corps législatif comme ayant bien mérité de l'humanité -et non de la Nation.

Le XIXe est le siècle de la montée des nationalismes. La Constitution de 1848 fait la première la distinction entre citoyenneté et nationalité. Le traité de Maastricht crée la citoyenneté européenne. L'article 88-3 de la Constitution traduit cette évolution dans notre droit national.

Aujourd'hui, il est temps que nous avancions encore. Il y faut seulement la volonté politique. (Applaudissements à gauche) Nous devons rendre hommage à ces étrangers qui ont contribué à la gloire de la France. Ayons l'audace de miser sur l'ouverture, promesse de richesse.

La proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale en 2000 s'inscrit dans la continuité du droit de vote accordé aux étrangers communautaires. Un exercice de législation comparée sur douze pays a montré que seuls deux pays dénient tout droit de vote aux étrangers.

M. Louis Nègre.  - Sur douze pays, non sur vingt-sept !

Mme Esther Benbassa, rapporteure.  - Cette proposition de loi ne modifie pas l'article 3 de la Constitution relatif à la souveraineté nationale mais crée un nouvel article au sein du titre XII, relatif aux collectivités.

De nombreux arguments militent en faveur du droit de vote des étrangers non communautaires. Il faut d'abord reconnaître l'existence d'une citoyenneté plurielle. L'équité impose ensuite de ne pas traiter différemment deux catégories d'étrangers vivant chez nous. Comment justifier que les uns votent après quelques mois de résidence et non les autres, même s'ils résident en France depuis des décennies ? C'est affaire enfin de dignité pour les personnes concernées. Maints élus locaux le souhaitent en organisant des votations citoyennes ou en signant l'appel de Strasbourg.

Cette proposition de loi a le soutien de l'opinion : (on le conteste à droite) 61 % de nos concitoyens y sont favorables, comme l'a montré un sondage en novembre dernier.

Les arguments contre ce droit de vote ne manquent pas. Le lien citoyenneté-nationalité ? Un prétendu modèle républicain ? Certes non ! Alors que la nationalité renvoie à la question « qui suis-je ?», la citoyenneté renvoie à la question : « que voulons-nous faire ensemble ? » (Applaudissements à gauche)

M. le Premier ministre a dit que les étrangers, s'ils veulent voter, n'avaient qu'à demander la naturalisation. Quelle méconnaissance des difficultés pour obtenir la nationalité française ! (Applaudissements à gauche)

Le droit de vote favorisera la montée du communautarisme ? Les études démontrent l'inverse : les minorités seraient mieux intégrées. On prendrait mieux en compte leurs intérêts, elles seraient plus présentes au sein de la direction des partis politiques et sur les bancs du Parlement. Contre la tentation communautariste, les étrangers seraient mieux intégrés à la vie politique nationale. Dans le secret de l'isoloir, l'attache communautaire ne compte plus. (On le conteste à droite) Les Juifs votent-ils pour des Juifs, les femmes pour des femmes ? Bien sûr que non !

Une pleine citoyenneté les éloignerait de tout communautarisme. J'ajoute que la clause de réciprocité n'a pas lieu d'être. (Exclamations à droite)

M. Alain Gournac.  - Deux poids deux mesures !

Mme Esther Benbassa, rapporteure.  - Nombre de ces étrangers viennent de pays où la démocratie n'a pas sa place, même à l'échelon local. Le droit de vote, en tant que droit fondamental, ne peut être conditionné de cette façon.

Si nous votons cette proposition de loi, la France s'honorera à avoir ajouté une belle page à son histoire. (Applaudissements à gauche) J'ai été élevée loin du sol français, mais dans l'amour d'une France qui a su réhabiliter le capitaine Dreyfus. (« Oh ! » à droite) J'ai été moi-même une étrangère, une immigrée. Et comme il y a presque un siècle Apollinaire -autre étranger, autre immigré, je tiens pour un « honneur » que « la grande et noble nation française » m'ait accueillie « comme un de ses enfants ».

Le pays des droits de l'Homme ne peut manquer à sa mission. Montesquieu nous montre la voie, qui a écrit : « L'amour de la république, dans une démocratie, est celui de la démocratie ; l'amour de la démocratie est celui de l'égalité ». (Mmes et MM. les sénateurs de gauche se lèvent et applaudissent longuement)

M. Bruno Retailleau.  - (Applaudissements à droite) Merci de nous avoir délivré ce message, monsieur le Premier ministre. Je veux rendre hommage à Mme la rapporteure pour sa sincérité et pour le symbole qu'elle représente. Elle a aussi réussi le tour de force de faire applaudir par la gauche aussi bien Nicolas Sarkozy que M. Besson et M. Raffarin. (Rires et applaudissements à droite) J'ai moins goûté la référence à 1793, période terroriste de la Révolution française, qui est pour moi une ombre portée aux grands idéaux de 1789. (Applaudissements à droite)

Cette proposition de loi a la saveur de l'air du temps, le vocabulaire de la générosité mais elle touche à l'ADN de notre pacte républicain. Elle nous interroge sur notre modèle d'intégration.

D'abord, les idées fausses. La première : les autres le font, faisons-le aussi. Depuis quand le suivisme est-il une option politique ? (Exclamations à gauche) Les pays nordiques ont un accès à la naturalisation très difficile et le vote vient en compensation. La Grande-Bretagne a ses propres traditions.

Deuxième idée fausse : la rupture d'égalité entre ressortissants européens et les autres. Non, il y a un traité. Sans réciprocité, pas de citoyenneté, tel est le principe du droit de vote accordé aux étrangers ressortissants d'un autre État de l'Union européenne. Troisième idée fausse : ce n'est pas l'impôt qui justifie le droit de vote. Le droit de vote, c'est la citoyenneté ; et la contrepartie, c'est la nationalité.

Quelles sont les motivations de cette proposition de loi ? Sans doute y a-t-il des arrière-pensées. Il y a un calendrier et une coïncidence. Ce texte à quelques mois près aurait gagné en force et cohérence. Malheureusement, il y a peut-être chez certains une volonté d'instrumentaliser, de jeter de l'huile sur le feu. Et puis il y a une autre coïncidence. Voyez la position du think tank Terra Nova dans un texte intitulé « La gauche, quelle majorité pour 2012 ? » ; on y lit que le Parti socialiste doit opérer une rupture stratégique et s'appuyer, pour compenser la perte de l'électorat populaire, sur les minorités.

M. Louis Nègre.  - C'est clair !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Terra Nova n'engage pas le Parti socialiste ! Le papier que vous mentionnez figure sur un blog parmi une centaine d'autres.

M. Bruno Retailleau.  - Tout cela est cousu de fil rose !

Cette proposition de loi relève ensuite d'une dérive idéologique préoccupante au regard de notre pacte républicain et de notre modèle d'intégration. Car nous aurions des citoyens de première classe qui peuvent participer aux élections nationales et des citoyens de deuxième classe. Nous aurions une citoyenneté au rabais.

La vraie générosité, ce n'est pas concéder du bout des lèvres une citoyenneté locale mais offrir aux étrangers la possibilité de devenir français par la naturalisation. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Chiche !

M. Bruno Retailleau.  - La citoyenneté est le moyen le plus sûr de gérer démocratiquement la diversité dans l'unité. M. Mazeaud disait que « la citoyenneté ne se transmet pas en pièces détachées ». Accorder le droit de vote sans adhésion aux valeurs de la République, c'est prendre le risque de tous les communautarismes.

Cette proposition de loi dissocie le local et le national : il n'y a pas deux peuples, deux France, deux démocraties mais la démocratie française. (Applaudissements à droite) Nous, sénateurs, sommes le lien entre le local et le national. Qui peut soutenir que dans les grandes villes, les élections locales n'ont pas une couleur politique ? C'est bien une vision féodale de la France qu'on nous propose. (Exclamations à gauche)

Surtout, cette proposition de loi remet en cause notre modèle républicain. L'article 3 de la Constitution n'exprime pas seulement une organisation institutionnelle mais un modèle civique singulier et une conception du vivre ensemble. À chaque génération, la question s'est posée du vivre ensemble. Vous confondez le corps politique et la société, l'homme et le citoyen.

Notre tâche, c'est de répondre à cette question: comment à partir d'individus aussi différents former un collectif ? Notre conception est fondée sur l'exigence plutôt que sur le hasard. La France n'est pas une géographie, elle n'est pas une race ni une religion. C'est par la volonté que l'on devient Français. (Applaudissements à droite) Il faut vouloir prendre en partage un héritage et un destin commun. C'est la citoyenneté qui réalise cette égalité. C'est en cela que la conception française est universaliste. En banalisant le droit de vote, vous prenez le risque de diluer la citoyenneté et d'affaiblir le sentiment d'appartenance à la nation, alors que la crise nous frappe. Philippe Séguin disait : « Ce n'est pas en poussant la logique de dilution de la citoyenneté à son terme que l'on confortera le sentiment d'appartenance à une seule et même République ».

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Séguin était favorable au droit de vote des étrangers !

M. Bruno Retailleau.  - La France n'est pas une mosaïque de cités. Le critère que vous donnez n'est pas politique mais social et économique. Les seules conditions matérielles d'une existence ne permettent pas de développer le lien civique entre les hommes. Entre une communauté de résidents, de contribuables ou de consommateurs et une communauté de citoyens, nous avons choisi : la France ne sera jamais un simple État marchand.

Avec cette proposition de loi, vous risquez d'affaiblir le politique. Cette conception ramène tout aux marchés. (Rires à gauche) À vous suivre, l'État-Nation, ce serait ringard. Vous avez une vision, aimable, de la société civile mondiale.

Nous sommes tous attachés à l'unité du genre humain, mais l'humanité n'est pas un corps politique pour l'instant, on n'a pas trouvé meilleur véhicule pour la démocratie que la Nation. Pour trouver la société humaine, disait Camus, il faut passer par la société nationale et pour préserver la société nationale il faut l'ouvrir sur une perspective universelle. C'est la conception française de la République qui articule le particulier, le singulier et l'universel. La France est cet effort de synthèse permanent entre ce qu'il y a de plus particulier en chaque homme et ce qu'il ya de plus universel dans tous les hommes. (Applaudissements à droite)

M. François Zocchetto.  - Suppression du conseiller territorial, du travail du dimanche, aujourd'hui droit de vote aux étrangers...

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Cela n'a rien à voir !

M. François Zocchetto.  - ...les propositions de loi se succèdent, celle-ci est à la fois idéologique et manipulatrice. (Protestations à gauche) Je respecte les convictions du rapporteur, mais personne n'est dupe : l'inscription à l'ordre du jour a des visées politiciennes, juste à l'ouverture de la campagne présidentielle. (On le conteste vivement à gauche)

C'est un vieux serpent de mer depuis la candidature de François Mitterrand à l'élection présidentielle de 1981 -promesse jamais réalisée, car le projet de réforme de 1983 avait suscité un tollé.

Je suis hostile à cette proposition. Sur la forme le texte s'inscrit dans la logique d'ensemble qui consiste à utiliser le Sénat comme une tribune de campagne électorale.

Il vise à ranimer les divisions et la flamme d'un parti que vous prétendez combattre. Êtes-vous donc satisfaits de voir manifester à notre porte le Front national ? Un peu d'esprit de responsabilité !

M. David Assouline.  - Bas de gamme !

M. François Zocchetto.  - Le chef de l'État aurait choisi ce thème pour instaurer des clivages ? Mais l'idée vient de votre bord ! Espérez-vous ainsi gagner des électeurs ?

Mme Catherine Tasca.  - Ce n'est pas le but !

M. François Zocchetto.  - La modification introduite contredit profondément notre conception de la citoyenneté. Un étranger résidant sur notre territoire, s'il veut s'intégrer pleinement, demande la nationalité française.

M. Louis Nègre.  - Bravo !

M. François Zocchetto.  - Vous allez créer une citoyenneté à deux vitesses. Un étranger pourrait être conseiller municipal mais pas maire, président d'une communauté de communes mais pas conseiller général ?

M. Roland Courteau.  - Et les Européens ?

M. François Zocchetto.  - Deux catégories de citoyens ? Nous le refusons et c'est la position qu'a défendue le groupe centriste il y a quelques mois, contre l'extension de la déchéance de nationalité.

Au bout du compte, le seul vote pour les élections parlementaires et présidentielles serait réservé aux Français ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Et les Européens ?

M. François Zocchetto.  - Les élections municipales ne sont pas moins importantes que les autres. Un conseil municipal pourrait être composé essentiellement d'étrangers...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Comment serait-ce possible ? L'avons-nous vu avec les ressortissants européens ?

M. François Zocchetto.  - La participation à la vie de la cité quand on réside ici depuis des décennies, quoi de plus légitime ? Il y a un moyen : la naturalisation. Peut-être faut-il simplifier l'accès à la nationalité et les procédures ? (Exclamations à gauche)

M. Jean-Claude Peyronnet.  - Paroles !

M. François Zocchetto.  - Notre pays est prêt à accueillir de nouveaux nationaux et tous les jours des étrangers se font naturaliser. C'est une tradition bicentenaire.

Alors les nouveaux Français deviennent électeurs et éligibles à toutes les élections. C'est un choix. Peut-être faut-il revoir les conditions d'accès à la nationalité, nous y sommes, pour notre part, prêts. (Applaudissements sur divers bancs à droite)

Si les étrangers ne sont pas prêts à franchir le pas, ce qui est parfaitement admissible, ils ne doivent pas bénéficier du droit de vote. Ce qui n'empêche pas de s'impliquer dans la vie sociale et associative.

Le droit de vote aux étrangers qui figure à l'article 88-3, sous réserve de réciprocité, s'inscrit dans l'élaboration d'une citoyenneté européenne, à la suite du traité de Maastricht.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Elle n'existe pas !

M. François Zocchetto.  - Ces spécificités me conduisent à une conclusion opposée à celle de Mme Benbassa, qui conteste la différence de traitement entre étrangers. Mais l'Europe constitue une communauté de territoire, un destin commun. Cette proximité nous ne l'avons pas avec les autres continents. (M. Yves Pozzo di Borgo applaudit) Comme l'a dit M. Bas, l'Europe, ce n'est plus tout à fait l'étranger.

Le système européen comporte une réciprocité ici étrangement absente. Ce serait une injustice ! Tous les sénateurs du groupe UC estiment le climat inadapté à un tel débat, en quelques heures seulement et à quelques mois de l'élection présidentielle.

Exhumer un texte dix ans après est constitutionnellement contestable. La quasi-totalité du groupe votera contre, aucun ne votera pour. (Applaudissements à droite)

Mme Éliane Assassi.  - (Applaudissements sur les bancs CRC) C'est avec émotion que je prends la parole sur ce sujet : la question se pose depuis trente ans et en la matière il n'y a pas de date de péremption.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Absolument !

Mme Éliane Assassi.  - Une première proposition de loi avait été déposée à l'Assemblée nationale le 13 décembre 1988 ; depuis lors, chaque fois qu'un texte se présentait, nous saisissions l'occasion pour déposer des amendements. Il a fallu attendre 2000 pour que l'Assemblée nationale vote une proposition de loi, et plus de dix ans après, nous reprenons enfin le flambeau. Le texte ne sera pas appliqué immédiatement, il y faudra un nouveau vote de l'Assemblée nationale et un référendum, mais je me réjouis que nous consacrions aujourd'hui un droit nouveau, une avancée démocratique en faveur de ceux qui participent à la vie culturelle, sociale, syndicale ; ils participent déjà aux élections prud'homales et à celles des entreprises, aux élections de parents d'élèves.

Beaucoup sont issus de nos anciennes colonies. Ce ne sont pas des travailleurs de passage sur notre sol. Ils ont construit leur vie ici, ont eu des enfants, Français, qui ont le droit de vote et ne comprennent pas que leurs parents soient exclus des rendez-vous politiques.

Il est grand temps que tous participent à la vie civique et politique, facteur d'intégration... et d'émancipation, contre le communautarisme et le repli sur soi. (Applaudissements sur les bancs CRC et de nombreux bancs socialistes)

Mme Christiane Demontès.  - Exactement.

Mme Éliane Assassi.  - La participation à la vie de la communauté est la garantie d'une construction partagée entre les habitants d'un même territoire. Les ressortissants de l'Union européenne participent aux élections municipales sans conditions de durée de résidence.

Comment justifier une telle différence de traitement entre des voisins ? Un salarié algérien ou marocain qui vit régulièrement en France depuis des décennies ne peut voter ni être élu à aucune fonction ! (Applaudissements sur les bancs CRC) Nous avons autant de liens avec nos anciennes colonies, si ce n'est plus, qu'avec les pays de l'Union européenne. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-Claude Peyronnet.  - Exact !

Mme Éliane Assassi.  - Avec l'Allemagne, l'Autriche et l'Italie nous sommes à la traîne sur la mise en oeuvre des dispositions ici proposées, alors que la population y est favorable. En France, nous avons la possibilité aujourd'hui de franchir un pas vers la démocratie, nos concitoyens le souhaitent, les élus locaux organisent des votations citoyennes dont le résultat est sans équivoque. Mais le pouvoir en place reste sourd.

M. Sarkozy candidat était favorable, il a changé d'avis une fois élu.

M. Alain Gournac.  - Comme François Mitterrand !

Mme Éliane Assassi.  - En 2006, le garde des sceaux disait « lorsque nous sentirons que le débat est mûr, nous déposerons un projet de loi sur le bureau des assemblées ». Aujourd'hui, la société est mûre ! (Applaudissements à gauche)

La présence du Premier ministre, du ministre de l'intérieur, du garde des sceaux et du ministre des relations avec le Parlement est à saluer. Le Premier ministre se déplace peu -encore moins depuis le changement de majorité au Sénat- il ne répond même pas à nos questions d'actualité. Sa venue a un sens : signal à la droite populaire, recadrage des troupes, instrumentalisation politicienne à la veille de la campagne électorale...

Les arguments qu'on nous oppose relèvent de la mauvaise foi, de la démagogie, du mensonge, voire de la xénophobie...

Les étrangers n'auraient qu'à demander la nationalité ? Vous avez modifié le code de la nationalité à plusieurs reprises et multiplié les obstacles ! (Applaudissements à gauche)

Le lien entre nationalité et citoyenneté a été délié par la réglementation européenne et, chez nous, l'article 88-3 ! Nous voulons instituer une citoyenneté de résidence.

Les étrangers vont devenir maires ? Cessez de répandre ce mensonge !

J'ai trouvé choquants les propos de M. Guéant. (Exclamations à droite) Plutôt que de remédier aux vrais problèmes, sociaux, éducatifs, etc., la droite s'emploie à faire peur -mais attention, cela fait le lit de l'extrême droite et les électeurs préfèrent toujours l'original à la copie...

M. Alain Gournac.  - Le Parti communiste : 3 % !

Mme Éliane Assassi.  - Quant à la souveraineté nationale, le Gouvernement se charge lui-même de la brader en se soumettant aux marchés financiers et aux agences de notation. (Applaudissements à gauche)

Vous procédez aussi à des amalgames en mélangeant nationalité et religion pour viser, comme nous l'avons entendu en commission, les étrangers de confession musulmane.

Chaque fois que le droit de vote a été élargi : aux femmes, aux étrangers communautaires, la démocratie a été renforcée

M. Roger Karoutchi.  - Et ces avancées ont été dues à la droite !

Mme Éliane Assassi.  - Il en irait de même avec cette proposition de loi. (On en doute à droite)

Le groupe CRC la votera, ne serait-ce que pour rendre justice à tous ceux qui vivent et travaillent ici mais à qui l'on refuse ce droit fondamental d'être électeur. (Applaudissements à gauche)

M. Jacques Mézard.  - Imaginons un instant que nous sommes des étrangers : ce débat doit respecter la tradition des droits de l'homme et veiller à ne pas laisser croire qu'à la veille d'une élection présidentielle, la qualité du travail parlementaire est affecté -ce message s'adresse à tous les groupes.

Est-il un bon moment pour examiner un tel texte ? Il est d'usage de dire qu'il faudrait présenter les textes importants au lendemain d'une élection présidentielle mais l'état de grâce fait parfois perdre le sens des réalités. Qu'un groupe remette une question à l'ordre du jour lorsque cela lui semble opportun, pourquoi le refuser ? Le Gouvernement fait-il autre chose avec les projets de loi qui ne sont pas forcément dans l'intérêt des citoyens à la veille des échéances électorales ? Si l'on relit les propos des uns et des autres au fil des ans, on s'aperçoit qu'il est fréquent de brûler ce que l'on a adoré...

En tout cas, mon groupe ne se laissera pas enfermer dans une attitude manichéenne. Certains ne prendront pas part au vote, M. Chevènement par exemple, la majorité le votera, d'autres non.

Je rappelle qu'il y a douze ans la première proposition de loi fut déposée à l'Assemblée nationale par Roger-Gérard Schwartzenberg au nom des radicaux de gauche.

Accorder le droit de vote aux étrangers aurait-il un impact positif sur le fonctionnement de notre République ? La stigmatisation est détestable et les étrangers ont le droit d'être traités comme tout être humain, et des devoirs -le devoir de respecter la loi. Certains recherchent un débat clivant. Sans rechercher le consensus mou, nous souhaitons que l'on recherche la cohésion sociale : depuis dix ans, ni les uns, ni les autres n'y ont réussi.

La proposition de loi a plus de vertu de rassemblement qu'elle ne présente de risques de division. Ce n'est pas le rapport de Mme Benbassa qui nous convainc : quand on part d'un postulat décliné en vérités révélées, ne retenant que ce qui conforte sa thèse, faisant des raccourcis historiques, ce n'est ni juste ni sage, pour reprendre votre expression d'hier quand vous nous accusiez de « laïcisme, une nouvelle religion ». En tout cas nous combattrons tout communautarisme.

Les arguments contre sont partagés par nombre de nos concitoyens. Édit de Caracalla en 222, Constitution de 1791 et de 1793, la réaction de Robespierre, font partie de notre patrimoine mais n'ont aucun rapport avec la situation actuelle.

Cinq ans de présence régulière en France donneraient le droit de vote, aux élections municipales sans incidence sur les autres.

Après l'avoir envisagé en 2005, en avril 2008, le président de la République estimait qu'il n'avait pas la majorité pour faire passer cette idée, à laquelle personnellement il adhérait.

Nous pensons majoritairement que le droit de vote est un moyen de rassembler. N'est-ce pas la sagesse de mieux associer les étrangers à la vie de la commune, aux décisions et à leurs conséquences.

La concentration des étrangers dans certains quartiers est de notre faute, à tous, et la politique de la ville et du logement n'y a jamais remédié. Nombre d'étrangers non communautaires sont des ressortissants d'Afrique du Nord et de nos anciennes colonies. Un ministre éminent ici présent, M. Guéant, a expliqué que les ressortissants du Commonwealth peuvent voter en Angleterre parce que la reine est toujours leur souveraine. C'est un argument pour le moins spécieux...

Vous vous inquiétez du risque de communautarisme mais il y a la loi que vous devez faire respecter. Laïques, nous sommes contre le poisson le vendredi à la cantine et nous n'accepterons pas de nous faire imposer la cuisine halal ! Que les préfets y mettent bon ordre.

Je ne dirai rien du débat instrumentalisé des deux côtés sur le Front national mais j'invite à réfléchir aux dangers populistes du scrutin proportionnel.

« Le courage est un juste milieu entre les choses qui inspirent de la confiance et celles qui inspirent de la crainte » a dit Aristote : soyons courageux ! (Applaudissements au centre)

M. François Rebsamen.  - Messieurs les ministres, nous n'avons pas l'habitude de vous voir si nombreux. Quel honneur ! Rassemblement républicain pour consacrer un vote qui serait l'aboutissement d'un cheminement républicain ? Hélas non.

Pourquoi avons-nous repris cette proposition de loi ? Parce que les étrangers vivent en France et contribuent à créer la richesse de notre pays, parce que leurs enfants grandissent avec les nôtres, parce qu'ils participent à la vie sociale et parce qu'ils payent des impôts. Ce droit s'inscrit dans le long chemin de notre démocratie politique -devancée par la démocratie sociale, dans les entreprises, avec les élections aux prud'hommes, les élections aux comités d'entreprise.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Eh oui !

M. François Rebsamen.  - Une majorité de Français est favorable au vote local, et cette citoyenneté de résidence retissera le lien social. Brouillage électoral, prétend le Premier ministre : faux, la proposition de loi a été enterrée par le Sénat pendant douze ans ! Et c'est l'actuel président de la République, par ses déclarations en 2005 et 2006 qui a relancé le débat.

Brèche qui déstabiliserait nos institutions, travail de sape, a dit le Premier ministre ? Mais il n'y a pas de pire ferment contre nos institutions que le refus de la citoyenneté de résidence. Monsieur le Premier ministre, quel manque de confiance dans notre République, ses principes et sa capacité à intégrer tout le monde !

Avec professionnalisme, avec talent, vous mettez au quotidien notre pays sous tension. Le ministre de l'intérieur, de façon primaire, lui, tient chaque jour des propos qui attisent l'antagonisme entre les étrangers et les Français et qui rencontrent écho chez les plus défavorisés. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Les enfants d'étrangers sont français, vous l'oubliez. Vous craignez qu'ils votent pour le Parti socialiste plus que pour l'UMP : les dernières élections ont montré que nous n'avons pas besoin de ces votes pour réussir ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Nous mettons en cause la nationalité ? L'Europe permet déjà de le faire. Quant à la naturalisation, levez les obstacles à l'obtention de la nationalité, mettez fin aux inégalités de traitement d'une préfecture à l'autre. (Applaudissements à gauche)

Un afflux de voix qui détourneraient le sens du scrutin ? Vous évoquez 4 millions d'électeurs supplémentaires, là encore, pour faire peur, car ils sont au plus 1,6 million.

Ce que nous faisons aujourd'hui, ce n'est pas parce que l'élection présidentielle arrive, mais parce que la dernière élection sénatoriale nous l'autorise enfin !

Cessez d'attiser la peur de l'autre. La gauche sénatoriale dans sa diversité, et j'ai entendu M. Mézard, est fière d'examiner cette proposition de loi en accord avec nos valeurs, notre souhait de défendre une République enthousiaste, et qui accueille en son sein des étrangers qui aiment la France. (Applaudissements prolongés à gauche ; les membres du groupe socialiste se lèvent pour saluer l'orateur)

M. Christophe Béchu.  - La Déclaration des droits de l'homme est brandie comme un étendard par ceux qui nous expliquent que nous devrions adopter cette proposition de loi et qui caricaturent ceux qui ne partagent pas leurs opinions. On doit pouvoir être opposé au droit de vote des étrangers sans être soupçonné de pencher vers l'extrême droite. Je suis républicain, humaniste tout en étant opposé à ce texte.

Ce texte pose des problèmes de forme, d'autres le démontreront. Il nous est présenté à un mauvais moment, soutenu par des arguments contestables et réversibles. Il remet en cause la citoyenneté européenne.

Mme Éliane Assassi.  - Cela n'existe pas !

M. Christophe Béchu.  - Son objectif est politique : il ne vise pas à une application prochaine, il sert de marqueur électoral pour 2012. (M. Jean-Pierre Cantegrit approuve) Quand on prétend vouloir travailler et vivre ensemble, c'est paradoxal. Ce débat aura sa place dans la campagne électorale, non ici. Ce droit serait une avancée républicaine ? La démocratie ne se mesure pas à l'extension du nombre de votants. Ou alors donnons le droit de vote dès 16 ans...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - On peut aller en prison, à 16 ans !

M. Christophe Béchu.  - ...et aux parents autant de bulletins de vote qu'ils ont d'enfants !

La République est trop précieuse pour être une ligne de démarcation entre nous. En République, on ne traite pas tout le monde de la même manière. Un impôt progressif n'est pas égal et pourtant il est juste. L'exemplarité républicaine exige plus de ceux qui ont beaucoup reçu. (Applaudissements à droite)

Ce texte, un vecteur de cohésion sociale ? Le communautarisme aurait-il disparu de l'Angleterre ? Je n'ai jamais rencontré d'immigrés estimant que le droit de vote est la condition de leur intégration. Cette proposition de loi n'a jamais donné lieu à revendication sinon dans certains journaux et dans des votations organisées dans 75 communes.

Si la dignité est attachée au droit de vote, comment le conditionner à la régularité du séjour ? La dignité est indispensable à tous, mais n'entraîne aucune obligation de conférer des droits de vote. Cette proposition de loi risque d'encourager le communautarisme. Dans certains quartiers on ne s'exprime déjà plus en français.

Mme Samia Ghali.  - La faute à qui ?

M. Christophe Béchu.  - On voit des attaques grandissantes contre la laïcité. Les défenseurs de ce texte se recrutent parmi les plus farouches adversaires de la laïcité.

M. Alain Fauconnier.  - Pas vous !

M. Christophe Béchu.  - Problème de forme, de moment, de justification, mais aussi de droit comparé. Sur treize pays, seuls trois n'ont pas donné le droit de vote aux étrangers dites-vous. Mais pourquoi se cantonner à treize pays ? En réalité, seuls cinq des 27 pays ont donné le droit de vote aux étrangers !

Citoyenneté européenne, nous dit-on. Mais c'est tronquer la réalité. Si discrimination il y a, ce serait à l'issue de l'adoption de cette proposition de loi puisque, à la différence des Européens, des étrangers pourraient voter sans réciprocité.

Ce texte repose sur une phrase répétée en boucle : celui qui travaille en France et qui paye ses impôts doit pouvoir voter. Non, il doit pouvoir devenir Français. Il doit manifester par la naturalisation son appartenance à la France. La sincérité de Mme Benbassa ne suffit pas à me convaincre. Rien sur la forme et sur le fond ne m'empêchera de voter contre. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Yves Leconte.  - Le sujet est majeur : il s'agit de droits et de devoirs égaux pour tous nos concitoyens. L'origine de chacun ne doit pas être un obstacle au vivre ensemble.

Cette proposition de loi a une force symbolique. Ce débat ne doit pas faire l'objet de simplifications, monsieur le ministre de l'intérieur, vos propos sont mensongers et dangereux.

François Mitterrand avait prôné le droit de vote pour les étrangers aux élections locales.

M. Éric Doligé.  - Qu'avez-vous fait en trente ans ?

M. Jean-Yves Leconte.  - Nous nous mettons à la tâche sur le champ.

Il sera enfin possible de finaliser cette réforme en 2012, après les élections. Jusqu'en 1946, les femmes ne pouvaient voter. Elles n'étaient pas citoyennes ? (Applaudissements à gauche)

M. Roger Karoutchi.  - C'est le général de Gaulle qui leur a donné le droit de vote.

M. Jean-Yves Leconte.  - La citoyenneté de résidence est reconnue dans dix-huit pays européens. L'établissement de ce droit n'a pas toujours été le fait de majorités de gauche !

La reconstruction de notre pays après la seconde guerre mondiale nous a conduits à faire appel à de nombreux travailleurs étrangers. De quel droit refusons-nous le droit de vote aux municipales à ces étrangers qui sont chez nous depuis trois ou quatre décennies ? Que pensent leurs enfants français qui ne voient pas leurs parents voter ? Comment transmettre le civisme à ses enfants ? Le livre de M. Sarkozy a été cité. (Exclamations à droite) Vivons libres ? « Libres du Front national » ? Oui, mais libres de voter extrémiste !

Nous voulons, nous soutenons cette réforme. On nous dit que ces étrangers n'ont qu'à devenir Français. Mais est-ce facile ? Point ! On les renvoie à leur communauté. Les préfectures repoussent sans cesse les demandes. Une Nation, ce n'est pas un ensemble de citoyens qui vivent de nostalgie... Elle doit aller de l'avant, avoir un projet d'intégration.

Le communautarisme ? Oui, il faut en avoir peur, du fait des discriminations actuelles. Quand la communauté prend la place de la République, le communautarisme guette. Le vote des étrangers serait un outil important -non suffisant- pour intégrer les étrangers. Les Français le souhaitent.

M. Bruno Retailleau.  - Sondage n'est pas suffrage.

M. Jean-Yves Leconte.  - Je vous propose de dédier ce débat à tous les étrangers qui ont fait la France.

M. Éric Doligé.  - Démagogue !

M. Jean-Yves Leconte.  - À ceux qui sont morts pour la France, je pense aux Africains, aux francs-tireurs partisans, aux Polonais, aux Italiens, aux Espagnols, aux Roumains, à tous ceux qui se sont battus pour la France et à qui nous devons ce débat. (Applaudissements à gauche)

M. Roger Karoutchi.  - J'écoute ce débat avec beaucoup d'attention car nous sommes tous concernés. Jaurès disait « À celui qui n'a rien, la patrie est son seul bien ». L'orateur précédent nous disait de nous souvenir de ces soldats. J'ai la chance d'être né français parce que mon père a fait la guerre et c'est à cela qu'il a dû sa naturalisation.

Mme Éliane Assassi.  - Il a eu de la chance !

Mme Catherine Tasca.  - Tous ne l'ont pas obtenue ! (Mme Samia Ghali renchérit)

M. Jean-Yves Leconte.  - Certains attendent toujours.

M. Roger Karoutchi.  - La Nation, c'est le fondement de la République. Mme la rapporteure dit que la nationalité c'est individuel et la citoyenneté est collective. Là est notre divergence. Croyez-vous que, fin 2011, les gens se sentent concernés par une intégration de résidence alors que, pour beaucoup de Français, la République n'est plus qu'un mot et qu'ils s'interrogent sur leur nationalité dans l'ensemble européen et mondial ? Le débat traverse nos partis politiques. Mais comment se définir ? J'ai fait campagne contre Maastricht.

M. Bruno Retailleau.  - Moi aussi !

M. Roger Karoutchi.  - On ne peut être seul, c'est évident, mais faut-il remettre en cause les fondements de la Nation ? (Exclamations à gauche)

Mme Benbassa a raison de dire que les étrangers apportent beaucoup à la France. Mais la France les intègre par la nationalisation : 130 000 chaque année ! Nous sommes le pays d'Europe qui naturalise le plus. Certes, il y a des difficultés, des problèmes d'intégration. Mais parlons-en, essayons d'améliorer les choses, de lever les obstacles que certains rencontrent.

Mme Samia Ghali.  - La faute à qui ?

M. Roger Karoutchi.  - Vous vous trompez de combat ! Vous donnez le sentiment qu'il n'y a pas besoin de gagner la Nation française pour en faire partie. La Nation était une idée de gauche. Qui a dit que la Nation était souveraine ? Les révolutionnaires, contre les monarchies qui parlaient de légitimité divine. La Nation est le creuset de la République, elle fait la force de la France.

Croyez-vous que c'est le moment de parler du droit de vote ? C'est le droit de voter à toutes les élections, pas une nationalité de deuxième ordre. Il n'y a pas de nation supérieure aux autres. Quand les Tunisiens de France ont voté pour les élections législatives de Tunisie, c'était une bonne chose.

Votre proposition de loi est un mauvais débat, un mauvais combat. La République vaut mieux que cela. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Vincent Placé.  - Il était temps ! Les Écologistes défendent le droit de vote aux étrangers depuis longtemps. L'un des nôtres était le rapporteur du texte à l'Assemblée nationale, et c'est aujourd'hui Mme Benbassa. C'est donc avec une grande fierté que je défends cette proposition de loi.

Après le droit de vote des femmes dont le Sénat ne voulait pas -et déjà pour des raisons religieuses quoique pas les mêmes- et le droit de vote aux citoyens communautaires, nous allons accorder le droit de vote aux étrangers pour qu'enfin n'existent plus de citoyens de deuxième zone. Certains n'hésitent pas à utiliser ce débat à des fins politiciennes. (Rires à droite) Les étrangers n'ont qu'un droit, celui d'avoir des devoirs. (On le dénie à droite) La préférence nationale, nous la laissons à d'autres, dont Mme Le Pen qui nous a fait le plaisir de venir à nos portes. (Exclamations à droite)

Il est temps de mettre fin à cet apartheid à la française (exclamations à droite) qui frappe des gens qui vivent en France, qui contribuent à la création de la richesse nationale et au comblement du trou de la sécurité sociale que la droite s'obstine à creuser. Peut-on avoir des sous-citoyens en France ?

M. Bruno Retailleau.  - Pourquoi alors ne voulez-vous pas donner le droit de vote national ?

M. Jean-Vincent Placé.  - Nous sommes un des derniers pays d'Europe à refuser ce droit. (Exclamations à droite)

Les Écologistes sont favorables à ce droit de vote qui favorise le développement durable. Je souhaiterais que nous allions, à terme, plus loin, et que toutes les élections locales soient concernées. Cette proposition de loi est donc un premier pas positif.

C'est une immense fierté d'être là. Je ne suis ni coréen, ni national...

M. Michel Savin.  - Ni modeste ! (Rires)

M. Jean-Vincent Placé.  - Je ne l'ai jamais revendiqué ! (Nouveaux rires)

Je me dis français, patriote et fier de l'être. Je suis porté par ce grand ministre centriste qui écrivait en 1984 que l'immigration était « une chance pour la France ». C'est pourquoi je lance un sincère appel à nos collègues qui s'inscrivent dans cette belle tradition humaniste de M. Stasi.

Il faut avoir le courage de dire oui à une seule France éternelle, qui soit plus forte et plus rayonnante. Vive la France et vive la République ! (Applaudissements à gauche ; rires à droite)

Mme Frédérique Espagnac.  - La France n'est jamais aussi belle que lorsqu'elle porte la tête haute. Je suis fière de la République qui a su porter au plus haut sommet de l'État des hommes et des femmes d'origines diverses, portant des noms à consonances variées. Hélas, notre pays a tendance au repli. Je voudrais donc évoquer les noms de Pablo Picasso, de Jorge Semprun, de Romain Gary, des étrangers ont mieux que quiconque porté les valeurs de notre pays, comme Émile Zola, Robert Badinter, Françoise Giroud, Coluche. Ils ont trouvé en France une terre d'accueil ; ils sont la France comme ceux que nous croisons dans les cités.

Depuis 1981, il est question du droit de vote des étrangers. Il est temps aujourd'hui de voter ce texte afin de « refaire la société » comme dirait Pierre Rosanvallon. La peur est généralisée, peur de l'autre, de la crise. Le vote de l'étranger s'inscrit dans ce mouvement de justice auquel il serait vain de s'opposer. L'inscription dans la cité exige au préalable l'égalité.

La nationalité serait la condition de la citoyenneté, dit le Premier ministre. Mais le traité de Maastricht a introduit une rupture à cet égard.

Certains pensent que les Français ne sont pas prêts : 61 % le souhaitent pourtant, 71 % des jeunes.

Accordez le droit de vote aux parents d'enfants français. Le coup de semonce de 2005 n'aura pas servi. Un Kärcher suffirait ? Certes pas. Dans certaines parties de notre territoire, un bulletin de vote sera toujours plus utile qu'un escadron de CRS. (Exclamations à droite)

La démocratie locale est propice à la démocratie sociale. Le communautarisme ? Certes non. Le droit de vote ne favorisera pas un repli identitaire, loin de là. Cette question n'est pas un enjeu électoral pour le Parti socialiste. (On ironise à droite) N'ayons plus peur de l'autre. La France s'est toujours nourrie de la différence.

M. le président.  - Il faut conclure !

Mme Frédérique Espagnac.  - Je voterai cette proposition de loi ! Chacun a sa règle d'or pour la France. Voilà la nôtre !

M. Roger Madec.  - Il aura fallu attendre dix longues années pour que le sujet revienne devant nous, dix ans pour que nos concitoyens soient majoritairement favorables à ce droit de vote des étrangers, dont l'ouverture est un acte décisif. C'est l'héritage de notre Révolution, c'est notre héritage et ce doit être notre objectif. Il est temps que la France soit prête à parler le langage que des millions d'hommes attendent d'elle.

Nous ne pouvons plus différer. Comment tolérer que soient exclus ainsi 1,8 million d'hommes et de femmes qui contribuent comme les autres habitants à forger la physionomie de la communauté nationale ? Grâce à notre vote, nous irons à la rencontre de celles et de ceux qui sont aussi ses enfants. Le Gouvernement a évoqué le risque d'un vote fondamentaliste, communautaire. Fantasme ou mensonge. La droite joue sur les peurs, sur l'intolérance, flatte les instincts les plus bas. (Exclamations à droite)

Notre démocratie a construit une citoyenneté sociale en faveur des étrangers. Mais, dans l'arrondissement dont je suis le maire, je ne suis pas fier quand je vois que près de 50 000 personnes sont exclues des choix locaux.

Le candidat Nicolas Sarkozy était favorable à ce droit, le président qu'il est devenu le refuse. J'ai entendu les arguments : pas approprié, le calendrier ? Mais c'est vous qui avez refusé d'examiner ce texte. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Sueur.  - De fait !

M. Roger Madec.  - De nombreux étrangers n'arrivent pas à être naturalisés. Ouvrons grands les bras à toutes celles et ceux qui veulent participer à la vie de ce pays. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.  - Plusieurs d'entre vous se sont inquiétés du calendrier. Le Parti socialiste, avec une régularité d'horloge depuis 1981, remet cette question à l'ordre du jour à la veille de chaque élection. Ce fut le cas en 1981...

M. Jean Desessard.  - C'est bon signe !

M. Claude Guéant, ministre.  - ...et en 2000. Certes, François Mitterrand a tout de suite estimé, une fois élu, que les Français n'étaient pas prêts.

Mme Catherine Tasca.  - C'était il y a trente ans !

M. François Patriat.  - Il a aboli la peine de mort.

M. Claude Guéant, ministre.  - Les Français savent désormais quelles sont vos priorités. Alors que nous traversons une crise sans précédent, que nos compatriotes traversent de très graves difficultés, vous vous préoccupez du droit de vote aux étrangers. Cette question touche à l'essence même de la Nation. M. Béchu a raison de dire qu'on peut être républicain et opposé à aux votes des étrangers.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je ne le conteste pas !

M. Claude Guéant, ministre.  - Dans notre pays, depuis des siècles, la nationalité va de pair avec la citoyenneté.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Sauf pour les Européens.

M. Claude Guéant, ministre.  - Les socialistes veulent dissocier les deux, en créant une citoyenneté de résidence c'est contraire à nos principes, comme l'a dit M. Karoutchi. On vote parce qu'on est citoyen et que l'on partage le destin de la France, non parce que l'on paye des impôts. (Applaudissements à droite)

Une question de justice ? La fin de l'apartheid ? Non, les étrangers qui sont dans notre pays ne sont pas des citoyens de deuxième zone. Ils ne sont pas des citoyens, tout simplement. (Exclamations à gauche) Ils habitent dans notre pays. La citoyenneté européenne est reconnue par le traité de Maastricht, comme l'a rappelé M. Zocchetto. Ce traité a été accepté par le peuple français dans le cadre d'un référendum. Tel est le fondement légal de la citoyenneté européenne, dans laquelle est englobée la citoyenneté française. Les Européens peuvent exercer leur droit de vote sous condition de réciprocité. Pas les étrangers extraeuropéens : vous leur donneriez donc des droits supplémentaires. (Applaudissements à droite)

Vous invoquez la cohésion sociale et l'intégration. Notre vision de l'immigration n'est pas celle-là.

Mme Éliane Assassi.  - On s'en est aperçu !

M. Claude Guéant, ministre.  - Les étrangers ont la plénitude des droits sociaux, participent à la vie professionnelle.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Après un long parcours !

M. Claude Guéant, ministre.  - Et ils peuvent participer à la vie politique s'ils sont naturalisés -et s'ils parlent français, il est normal que les Français parlent le français... Cela me tient à coeur.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Ils parlent mieux le français que les Anglais qui vivent ici.

M. Claude Guéant, ministre.  - Il serait paradoxal d'accorder une tranche de citoyenneté à quelqu'un qui ne souhaite pas devenir Français. Tous les étrangers doivent se sentir à l'aise chez nous.

Mme Samia Ghali.  - C'est trop gentil.

M. Claude Guéant, ministre.  - Nos collectivités territoriales sont aussi porteuses des grands principes de la République. On ne saurait confier la gestion des services publics à des personnes qui pourraient, par exemple, ne pas avoir la même conception de la laïcité que nous. Et les menus dans les cantines ? (Protestations à gauche)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - J'ai mangé du poisson à la cantine le vendredi toute mon enfance !

M. Claude Guéant, ministre.  - Votre proposition ouvre la voie au communautarisme.

Mme Christiane Demontès.  - Incroyable !

Mme Éliane Assassi.  - Racisme !

M. Claude Guéant, ministre.  - Jamais je n'ai dit que la proposition de loi pouvait conduire à l'élection de maires étrangers.

Mme Esther Benbassa, rapporteure.  - Si, à la radio !

M. Claude Guéant, ministre.  - J'ai en revanche fait allusion à l'accord entre le Parti socialiste et les Verts qui prévoit expressément le droit de vote et d'éligibilité.

M. Michel Berson.  - Aux élections municipales !

M. Claude Guéant, ministre.  - Certains, comme M. Mamère, ont évoqué des étapes ultérieures. D'ailleurs, lorsque l'on consulte ledit accord d'un site à l'autre des partis, le texte diffère... La régularisation des étrangers en situation irrégulière y figure en tout cas...

M. David Assouline.  - Sur critères ! Vous avez fait de même dans le passé.

M. Claude Guéant, ministre.  - ...sur critères en effet ; mais Mme Aubry a précisé : les mêmes qu'en Espagne... Soit 800 000 personnes... (Exclamations à gauche)

M. Robert Hue.  - La tribune du Sénat n'est pas une estrade électorale !

M. Claude Guéant, ministre.  - N'y a-t-il aucun lien avec la position prise par une association qui revendique sa proximité avec le Parti socialiste ?

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Cela suffit : Terra Nova n'est pas le Parti socialiste !

M. Claude Guéant, ministre.  - Il y a proximité...

Mme Éliane Assassi.  - Vous êtes en meeting !

M. Claude Guéant, ministre.  - Le risque de communautarisme est réel. Le Gouvernement, qui veille au respect des principes républicains, s'oppose à cette proposition de loi. (Applaudissements à droite)

La France serait archaïque, les autres pays en avance ? Argument audacieux... L'Europe conserve sa diversité.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Sauf en matière financière !

M. David Assouline.  - La règle d'or !

M. Claude Guéant, ministre.  - La France n'est pas moins démocratique que l'Irlande parce qu'elle n'accorde pas le droit de vote. Le Gouvernement a une politique : il veut réussir l'intégration.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Allons bon !

Mme Christiane Demontès.  - C'est raté !

M. Claude Guéant, ministre.  - Le communautarisme est contraire aux valeurs françaises.

M. David Assouline.  - Aux valeurs françaises ?

M. Claude Guéant, ministre.  - La République est une et indivisible. Le Gouvernement refuse la juxtaposition de communautés distinctes, refuse de nouvelles tensions, refuse la création d'une citoyenneté partielle. Pour être citoyen à part entière, il faut être français, c'est simple ! (Applaudissements à droite)

présidence de M. Jean-Pierre Raffarin,vice-président

Mme Esther Benbassa, rapporteure.  - Je rappelle à M. Béchu qu'il estimait en commission qu'il faut « éviter les fantasmes » sur les conséquences du vote des étrangers. Mais voilà qu'en séance il est d'un autre avis...

« Communautarisme » est un terme éculé ! Monsieur le ministre, vous répétez que ce n'est pas le moment de discuter du droit de vote, les problèmes actuels de la France seraient trop graves. Mais que de projets de loi d'affichage ! Vous avez estimé, à Milan, que vous n'étiez pas contre (M. le ministre fait de vigoureux signes de dénégation), mais que le pays n'était pas mûr. Aujourd'hui, il l'est !

M. Claude Guéant, ministre.  - Le communautarisme n'est pas un thème éculé, mais un problème grave pour la communauté nationale. Je vous invite à lire le rapport de Gilles Kepel sur deux communes de Seine-Saint-Denis : il est inacceptable que l'on puisse voir poindre dans notre République le spectre de communautés qui obéissent à leurs propres lois plutôt qu'à celles de la République. (Applaudissements à droite)

La discussion générale est close.

Exception d'irrecevabilité

M. le président.  - Motion n°1, présentée par M. Hyest et les membres du groupe UMP.

En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable la proposition de loi constitutionnelle, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à accorder le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne résidant en France (n° 143, 2011-2012).

M. Jean-Jacques Hyest.  - Cette proposition de loi constitutionnelle a peu de chances d'aboutir prochainement. Rien n'empêche cependant de débattre du sujet, mais je déplore l'instrumentalisation de la question par la majorité sénatoriale. Les clivages sur cette question ne sont pas si évidents : mais quant à moi, j'ai toujours été défavorable au vote des étrangers. M. Placé a mal lu les pages de M. Stasi dont je fus l'ami fidèle. Il était partisan de favoriser l'acquisition de la nationalité française, certainement pas de faire des étrangers des citoyens de deuxième zone.

Vous me direz qu'une exception d'irrecevabilité ne vaut pas pour une loi constitutionnelle, non soumise au Conseil constitutionnel.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Tout est dit !

M. Jean-Jacques Hyest.  - Mais les lois organiques d'application, si !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Nous n'en sommes pas là !

M. Jean-Jacques Hyest.  - La rédaction de la loi doit être précise.

Vous faites le parallèle avec le droit de vote des étrangers communautaires, mais vous n'avez pas défini les règles pour les étrangers non communautaires, alors qu'elles le sont pour les premiers dans l'article 88-3. Et puis il existe une véritable citoyenneté européenne. Je vous invite aussi à relire les articles 39 et 40 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui prévoient une identité de conditions du vote des Européens et des nationaux ; il y a bien là une spécificité, qui induit aussi la liberté de circulation et d'installation. Souhaitez-vous que cette liberté s'applique à tous les étrangers ? La loi organique n'est pas une garantie. Vous n'avez même pas prévu des règles de majorité civile...

Un vote dans les mêmes termes dans les deux assemblées est nécessaire, puisque le Sénat, via la définition de son corps électoral, est concerné.

Le texte est contradictoire et inapplicable, mai tel n'est pas votre souci... Mme Benbassa cite des contributions anciennes -or il ne faut pas tout lire, dans ces textes, la Constitution conventionnelle par exemple fait froid dans le dos... Tous ceux qui venaient en France dans le passé devenaient citoyens français ? Non ! Le peuple français reste seul détenteur de la souveraineté. Certains citoyens français qui ne payent pas d'impôts ont le droit de vote, il ne suffit pas de payer des impôts pour être citoyen !

Un certain nombre de pays, ayant institué le droit de vote des étrangers, ont vu le communautarisme et l'extrême droite se développer.

Mme Éliane Assassi.  - En France ils augmentent aussi ! Rien à voir !

M. Jean-Jacques Hyest.  - Voyez les Pays-Bas. Le Commonwealth est un cas particulier.

Mme Esther Benbassa, rapporteure.  - Et nos anciennes colonies ?

M. Jean-Jacques Hyest.  - Il y a eu la réintégration.

La commission Marceau Long a souligné les spécificités de notre droit. Les conditions d'accès à notre nationalité sont les plus ouvertes d'Europe, même si je souhaite qu'elles soient assouplies.

On ne saucissonne pas la citoyenneté, disait récemment M. Chevènement. Ne créons pas une citoyenneté à deux vitesses, au risque de mettre à mal les principes qui font la grandeur de notre pays. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Nous connaissons tous les qualités de juriste de M. Hyest. Pas de fondement à déférer devant le Conseil constitutionnel une loi constitutionnelle : il a tout dit dès ses premiers mots. Il a parlé ensuite avec conviction, mais ses arguments étaient quelque peu ébréchés par sa déclaration initiale...

Une question a traversé tout le débat : le rapport entre nationalité et citoyenneté. Mais certaines conceptions de la citoyenneté n'ont pas toujours été liées à la nationalité. La Constitution de l'an I vous fait peur : nous nous en tiendrons à celle du 3 septembre 1791, laquelle prévoit la naturalisation après cinq ans pour les étrangers qui ont acquis des immeubles ou pris femme en France.

Marceau Long disait à propos de cette Constitution que la notion de nationalité avait fini par être absorbée par celle de citoyenneté, tant était forte la volonté d'universalité et d'internationalisme de l'assemblée législative. Tous les hommes qui partageaient ces convictions étaient dignes d'être français.

La proposition de loi est-elle conforme aux articles 3, 24 et 72 de la Constitution ? Elle y déroge évidemment mais le 2 septembre 1992 le Conseil constitutionnel a jugé loisible au pouvoir constituant d'abroger, de compléter ou de modifier des dispositions de valeur constitutionnelle dans la forme qu'il juge appropriée. Et si vous vous étiez appuyé sur l'article 89-5 de la Constitution, votre démarche eût été vouée à l'échec puisque le Conseil constitutionnel a estimé, le 26 mars 2003, ne tenir ni de l'article 61, ni de l'article 89, ni d'une quelconque disposition constitutionnelle le pouvoir de statuer sur une révision constitutionnelle.

Quant à la loi organique future, ne vous faites pas de souci : elle sera nécessairement déférée au Conseil constitutionnel. Vos précautions sont inutiles et il n'y a pas lieu de voter cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements à gauche)

M. Claude Guéant, ministre.  - Le Gouvernement soutient la motion. Il y a un problème de cohérence avec des dispositions qui resteraient inscrites dans la Constitution, à l'article premier ou à l'article 3.

M. Philippe Dallier.  - Nous voterons la motion car ce texte introduit des contradictions dans la Constitution. La proposition de loi porte atteinte aux principes hérités de l'histoire qui ont fondé notre pacte républicain et à notre définition de la nation et de la citoyenneté.

La France est une République une et indivisible, ce n'est pas une mosaïque ; la proposition de loi porte en elle des ferments de division et pourrait être vecteur d'un communautarisme que nous devons combattre si nous ne voulons pas que la République s'effiloche. Certains groupes s'organiseront pour peser sur nos valeurs ; la mixité sociale est un enjeu crucial, prenons garde à ne pas favoriser la ségrégation sur une base ethnique. Ne détricotons pas le pacte républicain.

La règle constitutionnelle est simple : pour voter, il faut être français. Gauche et droite ne sont plus d'accord sur ce point semble-t-il. Pourtant ce choix de nos pères n'a jamais été remis en cause.

Dans peu de pays au monde l'acquisition de la nationalité est aussi facile qu'en France. N'introduisons pas dans la Constitution une mesure discriminante créant deux degrés de citoyenneté.

La proposition de loi n'est pas conforme à nos principes républicains fondamentaux. Le groupe UMP votera la motion. (Applaudissements à droite)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Notre groupe votera contre l'exception d'irrecevabilité. (On feint de s'en désoler à droite)

Le président Hyest avait rejeté avec ironie une exception d'irrecevabilité de mon groupe sur la règle d'or, abandon de souveraineté s'il en est : qu'il veille à la symétrie de ses arguments ! (Applaudissements à gauche)

Nous ne proposons de modifier ni l'article premier, ni l'article 3 de la Constitution. Ce n'est pas à l'article 3 que l'on a inscrit le vote des ressortissants européens : il n'y a pas de citoyenneté européenne, les choses sont claires -elle n'est inscrite nulle part.

Nous voulons seulement rendre égaux les résidents de la cité. Parce qu'il a une résidence secondaire, un Européen vote aux élections locales ; un Algérien, Marocain ou Tunisien qui vit au même endroit, y travaille, y paye des impôts, eh oui, lui dont les enfants sont français, ne peut voter. Est-ce juste ? Cela a-t-il à voir avec la question de la nationalité ? (« Oui ! » à droite)

J'ai saisi le ministre de l'intérieur du cas d'une femme dont le père a été déclaré mort le 17 octobre 1961 -cette date vous évoque-t-elle quelque chose ? Elle a vécu et travaillé en France, elle ne travaille plus, on lui refuse la nationalité française. En mémoire sans doute de son père balancé dans la Seine... (Applaudissements à gauche)

À trop évoquer l'histoire, on peut prouver tout et son contraire. Depuis le XIVe siècle, la France a déchu de leur nationalité des hommes, dont un professeur de philosophie qui m'est cher, parce qu'ils étaient juifs... (Applaudissements à gauche)

Le Conseil de l'Europe a invité dès 1991 ses États membres à accorder le droit de vote aux élections locales aux étrangers résidant sur leur territoire.

M. Longuet souhaite ce soir que l'on soit très détendu sur cette question ; il s'agit de la vie locale, a-t-il dit, les gens sont là, il faut les associer. Et il a ajouté : si la proposition de loi était adoptée, je ne me ferais pas brûler sur un bûcher ! (Applaudissements à gauche)

M. Pierre-Yves Collombat.  - Le quinquennat, le droit d'adresse du président de la République au Congrès, ne modifiaient-ils pas eux aussi la Constitution de façon substantielle ? Depuis la Révolution française cependant, ce serait la première fois, à deux exceptions près, qu'il y aura deux types de citoyenneté ou une citoyenneté à deux vitesses.

Monsieur Sueur, sous la Révolution, on accordait une citoyenneté aux étrangers : mais la même que celle des Français ! Ils pouvaient voter aux élections nationales ! Aujourd'hui les étrangers sur notre sol ne paient-ils que des impôts locaux ? Il faut dire que choisir de vivre en France à l'époque, c'était embrasser les principes de la Révolution ; c'était un choix politique -celui qu'on fait en demandant la nationalité, qu'on parle ou non français. Je rappelle aussi que le vote était masculin et censitaire ; on peut se demander s'il ne s'est pas agi alors d'un droit de vote accordé aux bourgeois...

Pour les Européens, il y a un traité en bonne et due forme, qui permet d'avoir un passeport européen : ce ne sera pas le cas pour les étrangers extracommunautaires. Il y avait en 1992 un projet et un avenir commun... Autre différence.

Dans les trois départements français d'Afrique du Nord, on a admis la dualité du vote -une « monstruosité juridique » a écrit la sociologue Dominique Schnapper.

Le RDSE est pluriel ; à titre personnel, je voterai la motion. Mais tous mes collègues s'interrogent sur l'opportunité de ce débat. Avec cette proposition de loi on ne sait pas où l'on va. (Applaudissements à droite)

M. Yves Pozzo di Borgo.  - On devient citoyen par la nationalité. Nous sommes hostiles à cette proposition de loi, présentée dans une conjoncture difficile. Je regrette que les socialistes aient choisi un débat politicien. Au sein du groupe UCR, la majorité votera contre, à l'exception de six d'entre nous qui s'abstiendront. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Yves Leconte.  - Il n'y a pas d'exception d'irrecevabilité possible puisqu'il s'agit d'une proposition de loi constitutionnelle. Le groupe socialiste votera contre.

La motion n°1 est mise aux voix par scrutin public ordinaire de droit.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 340
Majorité absolue des suffrages exprimés 171
Pour l'adoption 166
Contre 174

Le Sénat n'a pas adopté.

(Applaudissements à gauche)

Question préalable

M. le président.  - Motion n°2, présentée par M. Gélard et les membres du groupe UMP.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi constitutionnelle, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à accorder le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne résidant en France (n° 143, 2011-2012).

M. Patrice Gélard.  - Je veux saluer le travail de notre rapporteure et ses convictions... même si je suis en profond désaccord avec elle. (Rires)

Il y a quinze jours, j'avais montré qu'il existe différentes catégories de questions préalables. Celles qui, positives, permettent d'éviter des discussions trop longues et les amendements imprévus. Les questions négatives, qui démontrent que nous sommes en désaccord.

Nous voici dans une troisième catégorie : la question préalable par inopportunité. (Sourires) Ce texte n'est pas opportun, et je vais vous le démontrer. (Marques d'intérêt à droite)

Inopportunité pour des raisons de procédure. Jusqu'à présent, aucune modification de la Constitution par voie parlementaire n'a abouti. Il faut rappeler le précédent du quinquennat. Sous Pompidou, le Parlement a adopté la révision constitutionnelle mais quand nous avons adopté le quinquennat nous avons repris la procédure du début. La proposition de loi a été votée en 2000 par une représentation nationale qui n'a rien à voir avec celle d'aujourd'hui. Rien n'interdisait au groupe socialiste de déposer un nouveau texte.

Autre inopportunité, la date. Le calendrier n'est pas bon, nous sommes à proximité de la présidentielle et des législatives.

En outre, cette proposition de loi ne sera pas votée définitivement avant les élections.

Y aurait-il d'autres objectifs ?

Ce texte ne comporte aucune étude d'impact. En annexe, nous disposons d'une comparaison des législations à l'étranger, mais cette étude est incomplète. Divers pays ont été choisis, d'autres pas. Par exemple, le cas de la Lituanie aurait été intéressant : pour voter il faut parler lituanien.

Certains pays privilégient des relations anciennes, la Grande-Bretagne avec le Commonwealth, l'Espagne avec les pays hispanophones, le Portugal avec les pays lusophones. Cette étude d'impact ne tient pas compte des conséquences en France : combien de personnes, quelles conséquences pour l'outre-mer ? La Nouvelle-Calédonie échappe à ce genre de disposition. Quant à la Guyane ou Mayotte, une telle loi aurait des conséquences dramatiques vu l'afflux d'étrangers.

Mme Éliane Assassi.  - Ce sont des clandestins !

M. Patrice Gélard.  - J'en viens aux dysfonctionnements juridiques. M. le ministre en a parlé. M. Hyest aussi : les articles 3, premier et 88-3 qui sont en désaccord avec cette proposition de loi.

Quel sera le contenu de cette loi organique. Pourquoi avoir transformé le « peut » en présent de l'indicatif, qui en droit, madame la rapporteure, est un impératif ? Comment la loi organique pourra-t-elle encadrer le droit de vote ? Le juge constitutionnel ne pourra pas se prononcer, sauf sur quelques points de détails. Mais tous les étrangers auront le droit de vote, il n'y aura donc plus aucune limitation, ni d'âge, ni de droit civil, ni de résidence.

Ce texte n'est pas prêt et mérite d'être revu.

Surtout il remet en cause les fondements mêmes de la République.

Avec ce droit de vote, nous remettons en cause la souveraineté et l'État-Nation et nous instituons un citoyen du monde, ce qui remet en cause notre modèle républicain. (Applaudissements à droite)

M. David Assouline.  - Quand M. Gélard était dans la majorité sénatoriale, il fustigeait les questions préalables, qu'il jugeait infondées. Mais aujourd'hui il fait de même : les arguments qu'il a avancés ne tiennent pas. Voyez l'exposé des motifs !

Comme M. Fillon, vous nous faites un reproche politique, mais rien n'interdit de reprendre une proposition de loi de 2000. Certes, l'Assemblée nationale considère caduques les propositions de loi déposées sur son bureau quand elle se renouvelle, mais rien de cela dans le Règlement du Sénat !

Je ne vois aucun motif juridique donnant droit à votre requête.

D'ailleurs, le Conseil constitutionnel ne pourra pas estimer qu'il y a manque de clarté du débat parlementaire, puisqu'il n'y aura pas de vote conforme et que la navette va se poursuivre.

La question de l'opportunité ne tient pas plus.

Pourquoi reprendre ce débat ? Il y a trente ans, le vote des étrangers était un engagement politique de la gauche, mais le Sénat conservateur s'y opposait.

M. François-Noël Buffet.  - Et le référendum ?

M. David Assouline.  - Le vote des étrangers a été pour moi un engagement de jeunesse et dès que nous avons pu montrer que nous ne manquions pas de conviction, en 2000, nous avons présenté ce texte que l'Assemblée nationale a voté. Et puis, le Sénat est devenu progressiste. (Rires à droite) Il a décidé de se prononcer sur toutes les questions symboliques mais aussi concrètes pour l'avenir de la France. D'où la suppression du conseiller territorial, d'où notre vote sur le budget pour plus de justice fiscale. Aujourd'hui, nous montrons vers où nous voulons aller, pour que notre démocratie soit encore plus assumée.

En tant que majorité, nous faisons ce que nous avons promis. Vous pas, et vous dites même l'inverse, mais nous voulons crédibiliser la parole politique.

Les présidentielles ? M. Guéant nous a accusés de vouloir changer les règles pour gagner les municipales. Nous les gagnons depuis des années parce que les collectivités sont bien gérées.

Mme Christiane Hummel.  - Pas partout !

M. David Assouline.  - Quand M. Fillon vient ici, c'est lui qui est en campagne électorale. Vous voulez récupérer un électorat qui va vers le Front national. Mais ce parti avait chuté quand nous avions organisé un véritable cordon sanitaire après le 21 avril où nous avions voté pour Chirac. (Vous n'aviez pas le choix ! à droite)

Depuis que vous faites des lois contre l'immigration, la cote de Marine Le Pen monte et celle de Nicolas Sarkozy baisse.

Un débat respectueux était possible, le débat posé par M. Fillon sur le lien entre citoyenneté et nationalité, sans instrumentalisation.

L'histoire a été évoquée, mais la Commune de Paris a été oubliée, qui nomma le juif hongrois Léo Fränkel ministre du travail et le général polonais Dombrowski à la défense.

Avec Maastricht, le débat a été tranché : des étrangers votent aux élections locales.

Certains des étrangers non européens ont un passé culturel bien plus important avec la France et vous leur refusez le droit de vote ? Vous vous laissez imposer par Bruxelles un budget contraint ? Là, il y a perte de souveraineté !

J'ai toujours été frappé, lors des élections, de voir les étrangers à la fenêtre, regardant les autres aller voter. Leurs enfants n'ont jamais entendu un débat sur la politique autour de la table du dîner. Comment s'étonner que ces enfants ne votent pas ?

La citoyenneté, c'est l'intégration. Il faut que les parents, les enfants, puissent voter, soient fiers de voter. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Esther Benbassa, rapporteure.  - Avis défavorable.

M. Claude Guéant, ministre.  - Le Gouvernement soutient sans réserve la motion de M. Gélard. Celui-ci pose de bonnes questions sur la faisabilité de la loi organique. Si la procédure est régulière, il est tout de même curieux de voir arriver, onze ans après, une proposition de loi qui aurait pu être votée bien avant.

Notre pays connaît d'autres priorités que celle-là : emploi, finances, Europe....

Cette proposition de loi s'inscrit dans un objectif politique, voire politicien. Un leader socialiste, Malik Boutih, déclarait aujourd'hui que cette proposition de loi n'arrivait pas au bon moment et était susceptible d'apporter des voix au Front national... (Applaudissements à droite)

Mme Catherine Troendle.  - Droit de vote et citoyenneté sont étroitement liés, via la Déclaration de 1789 et le principe de la souveraineté nationale appartenant au peuple.

La Constitution de 1958 confirme ce principe dans son article 3. La souveraineté nationale est au coeur de notre système politique. Depuis la Constitution de 1791, la nation est considérée comme une entité distincte des individus. La nationalité n'est pas l'addition de citoyens mais reflète l'intérêt général.

Le droit de vote se justifie par la permanence de la nationalité française. Le choix de devenir Français implique de projeter son destin dans celui de la nation.

Si les étrangers ne veulent pas s'engager dans cette voie, nous devons respecter aussi leur choix.

Pour les Européens, le droit de vote est accordé, depuis le traité de Maastricht. La citoyenneté européenne est de droit. C'est parce qu'on est citoyen français qu'on accède à la nationalité européenne. Il ne peut y avoir de discrimination entre les étrangers communautaires et les autres puisque leur situation est tout autre.

Nous ne pouvons donc accepter cette proposition de loi. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Pierre Michel.  - Notre groupe s'oppose sans réserve à cette question préalable.

M. Gélard a mêlé avec habileté des questions d'opportunité de date et des questions techniques. L'article 3 de la Constitution emploie le présent de l'indicatif, qui vaut obligation -comme l'amendement de Mme Benbassa.

La vérité, c'est que vous ne voulez pas de ce texte pour des raisons purement politiciennes.

M. Yves Pozzo di Borgo.  - Nous voterons pour, sauf six d'entre nous.

La question préalable est mise aux voix par scrutin public ordinaire de droit.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 340
Majorité absolue des suffrages exprimés 171
Pour l'adoption 166
Contre 174

Le Sénat n'a pas adopté.

Renvoi en commission

M. le président.  - Motion n°3, présentée par M. Portelli et les membres du groupe UMP.

En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, la proposition de loi constitutionnelle, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à accorder le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales aux étrangers non-ressortissants de l'Union européenne résidant en France (n° 143, 2011-2012).

M. Hugues Portelli.  - (Applaudissements à droite) On a répété ici que depuis 1789, la conception française de la citoyenneté et celle de la nationalité étaient liées -et donc le droit de vote également. Mais le droit du suffrage est la conséquence de l'État-Nation, non l'inverse ! Dire le contraire, c'est prononcer une contrevérité historique. (Applaudissements à droite)

Le citoyen c'est celui qui appartient à la communauté nationale. La Déclaration de 1789 et la Constitution de 1791, qui ont eu les mêmes rédacteurs, à la différence de celle de 1793, n'ont jamais parlé de droit de vote, mais en ont fait une fonction liée à la qualité de citoyen. Et cette conception n'a jamais changé en droit public. Avant 1793, le droit de vote a été accordé à certains étrangers à qui l'on avait accordé la citoyenneté parce qu'ils étaient les amis de la Révolution. Et l'on a retiré la nationalité à ses ennemis.

En 1793, une nouvelle Constitution a été rédigée, qui n'est jamais entrée en vigueur, celle de 1795 l'ayant remplacée. Robespierre avait une définition idéologique du citoyen. Le citoyen étranger devenait citoyen parce qu'il était vertueux.

On nous oppose la citoyenneté européenne.

MM. Gélard et Hyest l'ont dit : il y a un traité qui crée un cadre juridique. Les citoyens de l'Union européenne sont tous des étrangers venant d'États qui ont signé le même traité.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - C'est peu lié à la Nation.

M. Hugues Portelli.  - C'est parce que l'on est membre d'un pays de l'Union que l'on a le droit de vote dans un autre pays, pas parce qu'on est européen.

J'en arrive aux extracommunautaires. On ne peut leur accorder qu'ils obtiennent des droits supérieurs à ceux des communautaires. Il faudrait a minima une égalité de traitement : obligation de réciprocité, de résidence principale, d'être inscrits sur les listes électorales de leur pays. La commission des lois aurait dû examiner tout cela : il fallait penser à la loi organique qui suivra. Nous n'avons jamais travaillé ainsi.

J'en arrive au problème de fond : nous n'avons pas le droit, si nous voulons rester fidèles à nos principes, d'accorder le droit de vote sur une vision sociétale. On ne peut pas couper la commune de l'État, d'autant que la commune est une circonscription de l'État.

Le maire est sous l'autorité du préfet et du procureur de la République. (Exclamations à gauche ; applaudissements à droite)

M. Robert Hue.  - Vous avez perdu en route les lois de décentralisation ?

M. Hugues Portelli.  - Cette proposition est inopportune, comme l'a dit M. Gélard. L'agenda politique, tout d'abord. En année électorale, la tradition n'est pas d'examiner un texte électoral, or les élections municipales sont liées aux élections nationales : les maires parrainent les candidats. (Exclamations à gauche ; applaudissements à droite)

M. François Autain, en 1981, alors secrétaire d'État aux travailleurs immigrés, estimait que le droit de vote aux travailleurs immigrés, était « totalement prématuré ».

Mme Éliane Assassi.  - Il ya trente ans !

M. Hugues Portelli.  - La question du droit de vote était secondaire, disait-il, par rapport à leur dignité de travailleurs. Foin du paternalisme : c'est aux étrangers de dire s'ils veulent devenir français. Si tel est leur choix, il leur suffit de le demander. (Exclamations indignées à gauche) Cette proposition de loi a besoin d'être retravaillée pour être présentée le jour où elle sera opportune. (Applaudissements à droite)

Mme Michelle Meunier.  - Nous vivons un moment historique. (On le conteste à droite) Ce fut un long parcours, jalonné d'embûches, de chausse-trappes, d'avancées et de reculs.

Après la Constitution de 1793, le processus a été relancé en 1946 par le biais de la démocratie sociale avec l'élection des étrangers aux comités d'entreprise et accéléré dans les années 90 avec le vote des ressortissants européens.

Nous vivons une journée historique car nous allons créer un nouveau droit qui sera au service du principe de la liberté et des droits publics pour tous.

Nous allons donner à des hommes et des femmes qui vivent travaillent et payent des impôts en France la possibilité de donner leur avis. Peu importent leur origine, leur religion ou leur absence de religion, la couleur de leur peau. Ils pourront voter aux élections locales grâce à cette citoyenneté de résidence. La motion nous invite à prendre le temps de la réflexion.

Il ne s'agit pas de la déclinaison du proverbe « cent fois sur le métier ». C'est une motion dilatoire.

L'Assemblée nationale a rendu trois rapports sur la question, en 2000, en 2002 et un troisième récemment. Si rien ne s'est passé au Sénat, c'est parce qu'il a refusé d'ouvrir le débat, notamment en janvier 2006.

Avec cette motion, vous prétendez que ce texte pose des difficultés légales. Pourquoi ne pas avoir travaillé en amont ? Vous présentez une motion de renvoi aux oubliettes alors qu'il s'agit d'un texte novateur. Les Françaises et les Français attendent de nous du courage et des réponses. Il est urgent d'agir et non d'attendre ! (Applaudissements à gauche)

Mme Esther Benbassa, rapporteure.  - Avis défavorable.

M. Claude Guéant, ministre.  - Favorable.

À la demande du groupe socialiste, la motion n°3 est mise aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 339
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l'adoption 165
Contre 174

Le Sénat n'a pas adopté.

(Applaudissements sur plusieurs bancs socialistes)

Rappel au Règlement

M. Christophe Béchu.  - Mme la rapporteure m'a accusé d'avoir changé de discours entre la commission et la séance publique. En commission, j'ai voulu rappeler que le communautarisme existait déjà et ne commençait pas avec ce texte. Aujourd'hui, de façon mesurée je crois, j'ai dit que cette proposition de loi risquait d'encourager le communautarisme. Voilà tout : nulle contradiction !

La séance est suspendue à 20 h 5.

*

*          *

présidence de M. Jean-Pierre Raffarin,vice-président

La séance reprend à 22 h 5.

Décision du Conseil constitutionnel

M. le président.  - Par lettre du 8 décembre 2011, M. le président du Conseil constitutionnel a informé M. le président du Sénat d'une décision concernant la conformité à la Constitution de la loi relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles.

Engagement de procédure accélérée

M. le président.  - En application de l'article 45 alinéa 2 de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l'examen du projet de loi portant réforme des ports d'outre-mer relevant de l'État et diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne dans le domaine des transports, déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale le 19 octobre 2011.

Il en va de même pour la proposition de loi relative à l'exploitation numérique des livres indisponibles du XXe siècle, déposée sur le Bureau de notre assemblée.

Retrait d'une question orale

M. le président.  - À la demande de son auteur, la question orale n°1476 de M. Jacques-Bernard Magner est retirée de l'ordre du jour de la séance du 20 décembre. La question n°1516 de M. Maurice Vincent pourrait être inscrite à cette séance.

Question prioritaire de constitutionnalité

M. le président.  - M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le jeudi 8 décembre 2011, qu'en application de l'article 61-1 de la Constitution, il a été saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité soulevée dans le cadre d'une requête tendant à l'annulation d'opérations électorales. Le texte de cette décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution.

Droit de vote des étrangers (Suite)

M. le président.  - Nous reprenons la discussion de la proposition de loi relative au vote des étrangers. Nous abordons la discussion des articles.

Discussion des articles

Article premier

M. Louis Nègre.  - Cette proposition de loi met en péril notre construction républicaine. Le droit de vote est la plus haute manifestation de notre appartenance à la nation. Le traité de Maastricht exige la conclusion de traités entre États membres et la réciprocité. Or vous seriez bien incapables de citer un pays qui accepterait d'appliquer une telle réciprocité pour des étrangers non communautaires.

La France est généreuse, accueillante.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Allez voir dans les préfectures !

M. Louis Nègre.  - Elle naturalise 356 personnes par jour ! Depuis le début de notre débat à 15 heures, 120 étrangers sont devenus français, en signant la Charte des droits et devoirs des citoyens.

Preuve d'intégration, dans cet hémicycle, Mme la rapporteure confirme notre thèse quand elle dit qu'elle était une immigrée et qu'elle a choisi la France. Elle est désormais française et sénatrice. Un étranger peut, s'il le veut, participer au destin de notre pays, sans que nous ayons besoin de déclencher avec cette proposition de loi des forces centripètes. (Sourires à gauche)

Mais que cache ce texte qui ressort à la veille de chaque élection importante...

M. David Assouline.  - Ah bon ? Quand ?

M. Louis Nègre.  - En 1983, que cherchiez-vous ? Aujourd'hui, que cherchez-vous ? À appliquer d'avance une partie de votre programme, qui vise à étendre le vote des étrangers à toutes les élections locales ?

Suivre les propositions de Terra Nova ? Rassembler l'escadre de pédalos qui s'égaie à tout vat ? Comme le disait le général de Gaulle, « Si nous sommes tous des enfants du Bon Dieu, nous ne sommes pas pour autant des canards sauvages ». La ficelle est un peu grosse. Nous ne tomberons pas dans ce piège grossier. Nous voterons contre cet article politicien tant par son existence que par son essence.

M. Abdourahamane Soilihi.  - Être Français, mesurons ce que c'est. À Mayotte et dans tout l'outre-mer ! Nos compatriotes mahorais et domiens donnaient un peu de la voix ces derniers temps, mais ils revendiquent leur nationalité et leur citoyenneté ! Mayotte est devenu le 101e département français le 31 mars. La lutte contre l'immigration illégale, voilà la priorité ! Comment faire comprendre aux Français de là-bas qu'ils n'ont pas plus de droits civiques que les immigrés irréguliers, 40 % de la population !

Mme Éliane Assassi.  - Quand on n'a pas de papiers, on ne vote pas, ne dites pas n'importe quoi !

M. Abdourahamane Soilihi.  - Que ceux qui voteront cette proposition de loi aillent s'expliquer devant les Mahorais, eux qui sont en première ligne face à l'immigration irrégulière.

Mme Éliane Assassi.  - Tout à fait hors sujet !

M. Abdourahamane Soilihi.  - Je me souviens de notre ministre de l'outre-mer disant : « C'est l'honneur de la France, c'est la fierté de notre pays que de savoir, par-delà les océans, réunir des femmes et des hommes aux histoires et aux cultures différentes dans un projet commun qui nous rassemble tous ».

C'est cela la République, chère au coeur des Français d'outre-mer, qui se souviennent du 4 février 1794, quand, avec la première abolition de l'esclavage, avec des Ultramarins élus à la Convention, la France nous disait ce que c'est que la citoyenneté. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Bariza Khiari.  - Ce texte résulte de la volonté de la majorité sénatoriale de mieux inclure les immigrés et de leur montrer l'image d'une République accueillante et apaisée. Pour l'intégrer, il faut connaître l'étranger et le reconnaître, lui permettre de prendre part à la vie de la cité, au lieu de rester à part, lui donner le droit d'avoir des devoirs.

Le lien entre nationalité et citoyenneté est distendu depuis Maastricht. Vous confondez intégration et assimilation, et exigez des étrangers qui veulent participer à la vie de la cité qu'ils deviennent des Français. Langue française maîtrisée dans l'intégration, mais respect de la culture de chacun : une société unie et solidaire passe par la diversité et le respect de la singularité. Nous souhaitons une démocratie vivante.

La liberté, c'est de donner aussi à ceux qui vivent sur notre sol cette liberté élémentaire de participer à la vie de la cité. L'égalité, c'est lutter contre tout ce qui l'entrave et qui reste un combat. La fraternité c'est ce mot du coeur qui se passe de définition.

On a beaucoup parlé de communautarisme. Plus on donnera à ces étrangers l'impression qu'ils ne sont pas les bienvenus dans notre pays, que l'islam est une idéologie à combattre et non une spiritualité. Plus on donnera de l'eau au moulin des plus radicaux de toute sorte. Le problème est bien dans notre attitude, pas dans celle des étrangers, ces « grands souffrants » comme les qualifie Kundera.

La citoyenneté de résidence est pour nous un droit. Il ne s'agit pas de reconnaître des égaux mais d'en faire. Portons sur nous le destin de ces gens, pour construire avec eux un destin commun. Comme M. Mézard, je vous invite au courage, gage de la vitalité de notre société et de son ouverture au monde. (Applaudissements à gauche)

M. Thierry Repentin.  - Quelle hauteur de vues !

Mlle Sophie Joissains.  - On a octroyé progressivement tous les droits participatifs aux étrangers, sauf les droits politiques. Les donner, ce serait les galvauder. Les immigrés tunisiens en France ont voté à 40 % pour le parti islamiste tunisien : que feront-ils dans nos bureaux de vote ? (Exclamations à gauche) Je respecte la liberté de chacun mais voyons les choses en face.

La citoyenneté européenne est supranationale, issue d'un projet commun et d'un idéal partagé. Les étrangers ont la possibilité de voter dans leur pays : leur taux de participation est du reste plus élevé que chez nous. Si la France accordait le droit de vote sans réciprocité, elle se tirerait une balle dans le pied.

Être français, c'est s'approprier une histoire et des valeurs. La couleur, l'ethnie n'ont aucune importance. C'est l'amour de la France qui compte. Face à une douleur sociétale, quels seront les calculs politiques à l'approche des élections ? Et pour certaines factions, ce pourrait être un effet d'aubaine. Depuis soixante ans, nous sommes en paix en Europe, ce n'est pas rien ! (Exclamations à gauche)

Certains thèmes suscitent des réactions viscérales. L'étranger subit l'anathème. Est-ce ce que la gauche veut ? (Protestations à gauche)

Votre démarche a été faite en toute connaissance de cause : elle est dangereuse et irresponsable. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Lamentable.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - La générosité, sous la Révolution française, n'était qu'apparence. Il fallait avoir « bien mérité de l'humanité » et renoncer à toute autre appartenance. Elle exigeait une allégeance totale au nouveau régime ! En outre, en octobre 1793, tous les étrangers appartenant à des pays en guerre avec la France ont été arrêtés et spoliés de leurs biens.

Comment exiger moins de contreparties des étrangers extracommunautaires que des ressortissants européens ? La réciprocité serait bien difficile à organiser, car nombre de pays n'organisent aucun scrutin. Il y aurait donc des inégalités selon les pays d'origine des étrangers.

En Finlande, la participation des étrangers à la vie politique locale, qui peuvent voter depuis quinze ans, est très faible.

M. David Assouline.  - Alors de quoi avez-vous peur ?

M. François Rebsamen.  - N'ayez pas peur, alors !

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - La faible identification de ces étrangers à la vie politique locale est le principal argument avancé pour expliquer ce phénomène. Est-il raisonnable d'octroyer un droit de vote qui ne répond pas à un besoin profondément ressenti et à une revendication clairement formulée ? Chez nous, l'abstention est suffisamment élevée, ne l'aggravons pas.

La langue est un élément important d'intégration. Cette dimension est au coeur de la législation de nombre de pays ayant accordé un droit de vote aux étrangers non-communautaires. L'Espagne privilégie les ressortissants de pays hispanophones, le Portugal ceux des pays lusophones et le Royaume-Uni les ressortissants du Commonwealth et les Irlandais.

La naturalisation est une voie préférable à un droit déconnecté des autres droits et devoirs, pour maintenir le lien sacré au sein de la nation. La République française vaut mieux que votre proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. David Assouline.  - En tout cas, elle vaut mieux que votre intervention.

M. Pierre-Yves Collombat.  - La cellule de base de la démocratie communale est un lieu de politique avant d'être un pourvoyeur de services publics contre rétribution fiscale. Que je sache, le Sénat n'est pas le Conseil économique, social et environnemental mais une assemblée politique. On nous propose aujourd'hui de renoncer à ce modèle : en découplant nationalité et citoyenneté et en créant deux sortes de citoyenneté : une citoyenneté nationale de plein exercice, une citoyenneté résidentielle locale. Un ensemble politique bâti selon cette logique est possible puisqu'il existe : les démocraties issues de la tradition monarchique ou impériale qui entendent assurer, non pas la vie en commun d'atomes de citoyenneté mais des communautés de religions et de cultures différentes.

Ces modèles « multiculturels » assurent-ils mieux que le modèle républicain français la paix publique, la coexistence libre, tolérante et réellement équitable ? Les émeutes de 2001, les tentatives d'attentat qui ont eu lieu en 2005 en Grande-Bretagne, les remises en cause du modèle néerlandais en font douter. L'Europe libérale construite autour du marché et d'une bureaucratie juridico- financière dont l'objectif est de se passer du politique et de dissoudre les nations ne voit qu'avantages à la citoyenneté résidentielle. Cette Europe qui entendait unir les peuples est en train de les séparer.

La déliaison de la citoyenneté et de la nationalité a existé dans trois départements français : en Algérie, de 1845 à 1956. Les « indigènes juifs » jusqu'au décret Crémieux de 1870, les « indigènes musulmans » jusqu'en 1946, devaient demander la nationalité, avec des quotas. Cette « monstruosité juridique », cette nationalité sans citoyenneté est aujourd'hui retournée : voici une citoyenneté sans nationalité.

Les bons ou mauvais sentiments ne font rien à l'affaire, ni les programmes sortis ou remis dans les tiroirs. S'il y a de mauvaises raisons de s'opposer à cette proposition, il y en a de principe et finasser avec eux n'a jamais réussi à la République. Je ne crois pas que tordre le modèle républicain puisse être fructueux.

C'est la Grande-Bretagne, et pas la France qui naturalise le plus en Europe, monsieur le ministre. En changeant de politique vous seriez plus crédible, tout comme le gouvernement de M. Sarkozy qui ne fait rien pour améliorer l'intégration.

M. Bruno Retailleau.  - Bravo pour le courage !

M. Claude Léonard.  - Près de chez moi, la moitié des électeurs sont citoyens du Benelux. Ils ont été frustrés de ne pouvoir participer à la désignation de nos grands électeurs.

Que dire alors des étrangers qui seraient cantonnés, demain, au droit de vote municipal ?

Chez nous, la citoyenneté s'est construite autour de l'État-Nation. Elle se définit par l'adhésion à un certain nombre de valeurs, par la participation à une histoire commune, l'engagement pour un avenir commun. Elle est indissociable du droit de vote. En accordant ce droit à des étrangers, vous voulez fragiliser la République.

Rien n'empêche les intéressés de demander la nationalité française. Quant à l'intégration, elle se heurte à des obstacles : structures familiales qui ne sont pas en accord avec nos lois, par exemple.

Certains socialistes parlent de « démondialisation ». Vous souhaitez une mondialisation du droit de vote à nos élections locales ! (Applaudissements sur certains bancs à droite)

M. Pierre Charon.  - Quand le peuple vote mal, il faut changer le peuple, disait Brecht.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Vous retournez complètement sa phrase !

M. Pierre Charon.  - La gauche n'arrive plus à parler au peuple et se livre donc à des simagrées. Oui, la France accueille de nombreux étrangers et tous ceux qui vivent sur le sol français sont égaux devant les lois. Mais ce texte nie la souveraineté du peuple français. Vous osez parler de « l'ensemble de nos concitoyens » comme si les étrangers en étaient ! Ne mélangez pas les citoyens français avec vos poétiques « citoyens du monde ».

Personne, selon vous, ne doit être privé du plein exercice de sa citoyenneté ? Certes, c'est pourquoi je me réjouis que les Tunisiens de France aient voté au scrutin tunisien !

Nous tissons progressivement un ensemble politique européen. En revanche, un travail et le paiement des impôts ne suffisent pas à justifier le droit de vote. Il y a 239 456 étrangers à Paris, soit 18 % du nombre des électeurs. Qu'ils votent et les équilibres seront bouleversés. Ne confondons pas aventure et désordre. Donnons plutôt envie aux étrangers qui vivent ici de devenir français. Je me désole de voir la gauche sortir cette triste ficelle. Il est vrai que chaque jour elle se demande comment elle va éviter de se faire rattraper par la patrouille.

On savait la gauche généreuse avec l'argent des autres, elle l'est à présent avec les voix des autres et se roule dans la démagogie. Vous aimez tellement le Front national que vous l'avez fait entrer au Parlement et l'avez encore aujourd'hui attiré devant les grilles du Jardin du Luxembourg. Je n'agiterai pas avec vous ce chiffon rouge.

M. Jean-Claude Carle.  - Notre histoire commune est fondée sur l'égalité de tous devant la loi et l'unicité de la République. Vous rompez le lien entre l'appartenance à la nation et l'exercice des droits civiques. Pour les cotisations et le versement des prestations, le fait générateur est le fait de travailler en France ; les étrangers sont éligibles aux élections professionnelles, syndicales, ils siègent dans des conseils d'administration. Être contribuable n'ouvre pas droit de vote.

Y aurait-il deux « offres » d'élections, locales et nationales ? Non, a répondu le Conseil constitutionnel. On ne saurait distinguer entre les deux car le corps politique est unique, composé des mêmes citoyens. Le maire n'est pas le président d'un syndicat d'habitants !

Si les étrangers ne veulent pas accéder à la nationalité française, ils ne sont pas pour autant privés de citoyenneté puisqu'ils votent dans leur pays d'origine. Il est préférable qu'ils soient naturalisés pour participer à notre vie politique.

Dans une cérémonie de naturalisation, un homme me disait un jour : « C'est un des plus beaux jours de ma vie ! » (Applaudissements à droite)

M. Philippe Bas.  - Réjouissons-nous d'avoir ce débat, qu'il faut trancher -par la négative, en ce qui me concerne. Le droit de vote des Européens serait une étape vers le droit de vote de tous les étrangers ? C'est un contresens historique à dénoncer.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Commencez par le démontrer !

M. Philippe Bas.  - Le ressortissant européen exerce une citoyenneté européenne, vote aux élections au Parlement européen, il a un passeport à la fois européen et national. Des négociations importantes se déroulent à Bruxelles, qui renforcent le sentiment d'appartenance à notre grande communauté.

Dans la logique de cette proposition de loi, il faudrait prévoir l'élection de députés aux Nations Unies si l'on voulait conforter la citoyenneté du monde. (Exclamations à gauche) Il ne faut pas banaliser le renforcement de l'Union européenne qui justifie la citoyenneté européenne et le vote des ressortissants communautaires aux élections locales. (Applaudissements à droite)

Mme Marie-Thérèse Bruguière.  - Cette proposition de loi balaie une tradition juridique et politique vieille de deux siècles. D'abord, elle ne présente aucune urgence, il y a des problèmes autrement plus importants. Faut-il y voir alors des arrière-pensées politiques ? Ce texte a dix ans et revient avant chaque échéance électorale importante ; il mérite de toute façon mieux qu'une demi-journée de débat. Élue locale depuis longtemps, je connais les préoccupations des populations concernées : l'emploi, le pouvoir d'achat, l'éducation.

Le postulat selon lequel le droit de vote favoriserait l'intégration est erroné. C'est l'intégration qui ouvre les portes à la nationalité française, qui à son tour permet d'exercer le droit de vote. L'étranger n'est pas un citoyen de seconde zone au motif qu'il ne vote pas aux élections locales.

Payer des impôts ouvrirait le droit de vote ? Mais c'est rétablir le suffrage censitaire ! (Mlle Sophie Joissains applaudit) Et faudrait-il supprimer le droit de vote aux français non imposables ?

Le Conseil constitutionnel a estimé, en outre, en 1982, que le droit de vote est de même nature, qu'il s'exerce au niveau local ou national. M. Mazeaud, la même année, évoquait les difficultés d'un conseil municipal composé en majorité d'étrangers dont l'exécutif serait uniquement composé de nationaux...

Il convient donc de maintenir le lien entre nationalité et droit de vote. Je ne saurais donc voter ce texte. (Applaudissements à droite)

Mme Catherine Procaccia.  - Cette proposition de loi est incomplète, je songe aux ressortissants européens qui ne peuvent pas voter aux cantonales. Les Européens participent aux élections, surveillent la régularité des scrutins, mais ne peuvent voter qu'aux municipales. C'est surprenant. En juin 2010, le Gouvernement m'a répondu qu'il fallait réviser la Constitution... Un de mes collègues communistes a conclu qu'il s'agissait d'une anomalie, mais son groupe n'a rien fait pour enrichir la présente proposition de loi... Je comprends mal cette discrimination envers les étrangers communautaires.

Dans nos territoires du Val-de-Marne où Mme la rapporteure a été élue mais qu'elle ne connaît pas, les Européens sont choqués par ce texte ; ils ne comprennent pas pourquoi les étrangers non communautaires auraient plus de droits qu'eux. (Applaudissements à droite)

M. André Reichardt.  - Il existe un lien consubstantiel entre la nationalité et le plus sacré des droits qui est le droit de vote et d'éligibilité. En 1992, il fallait permettre aux Européens de voter aux élections locales, seul aménagement des principes posés depuis deux siècles. Avec ce texte, la réciprocité n'est plus exigée.

L'acquisition du droit de vote est liée à l'acquisition de la nationalité française. Ce n'est pas être étroit esprit de vouloir que son prochain intègre le corps national avant de pouvoir voter. Ce texte fait peu de cas des 130 000 personnes qui chaque année font la démarche volontaire et porteuse de sens de demander leur naturalisation, pour entrer dans notre roman national. Notre politique d'intégration est à la fois ferme et généreuse.

Le fait de résider dans une commune ou de payer des impôts ne peut pas fonder un droit politique. Le droit de vote n'est pas une contrepartie.

Comme les membres de mon groupe, je voterai contre cet article. (Applaudissements à droite)

M. Jacques Legendre.  - Quel débat singulier ! Était-il nécessaire ? Débattre des rapports entre citoyenneté et nationalité n'est pas médiocre. Mais nous voyons bien que cette discussion a été lancée à des fins de tactique électorale... Les manifestants attirés cet après-midi devant nos grilles et défendant des thèses contradictoires ne font pas avancer la cause de l'expression des étrangers sur notre sol.

J'ai entendu des propos sincères, de ce côté-ci comme de ce côté-là ; j'ai aussi entendu quelques remises en cause inacceptables. Il n'y a qu'un peuple français, et pourtant j'ai entendu certains d'entre vous protester... La France, ce n'est pas seulement un territoire où l'on s'installe provisoirement ou durablement. Si certains étrangers ont envie d'être français, je suis heureux que notre pays les accueille, quelle que soit leur origine. Tout à l'heure, j'étais avec des amis africains : ils ne comprennent pas ce débat. Ils ont lutté toute leur vie pour devenir citoyens de leur État. Ils ne souhaitent d'ailleurs pas que les Français chez eux aient un droit symétrique !

La France, c'est un peuple et un projet commun. Il est indispensable de continuer à distinguer citoyenneté et nationalité. (Applaudissements à droite)

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par Mme Troendle et les membres du groupe UMP.

Supprimer cet article.

Mme Catherine Troendle.  - Opposés au droit de vote des étrangers aux élections locales, nous souhaitons la suppression de cet article. (Applaudissements à droite)

Mme Esther Benbassa, rapporteure.  - Avis défavorable.

M. Claude Guéant, ministre.  - Le Gouvernement soutient avec conviction cet amendement. Cette proposition de loi est une manoeuvre politicienne qui ne peut être dissociée du projet du Parti socialiste, qui prévoit de régulariser les étrangers en situation irrégulière.

Cette initiative n'a qu'un objet : faire monter le Front national. (Exclamations à gauche) M. Jospin, face à cette instrumentalisation, disait en 1999 qu'il ne prendrait pas ce risque ; et, en 2010, qu'il était personnellement favorable au droit de vote aux étrangers, mais que l'unanimité était indispensable pour qu'on n'y voie pas d'arrière-pensées électorales...

Dans notre pays, on ne peut pas être un demi-citoyen ; et pour être citoyen, il faut être Français.

En permettant une représentation communautaire, on favorisera la préférence communautaire, donc le communautarisme. M. Assouline s'est demandé quelle société nous voulions. Oui, là est la question ! À droite, nous voulons que les étrangers adoptent notre mode de vie et qu'ils se sentent bien chez nous.

M. Claude Bérit-Débat.  - Vous ne faites rien pour cela !

M. Claude Guéant, ministre.  - Il ya sûrement des progrès à faire... Il faut limiter l'immigration et encourager les naturalisations.

La gauche souhaite qu'on accueille davantage d'immigrés. Elle insiste sur la valeur de la différence, le droit à la différence. Accuser les différences, c'est porter atteinte à l'unité nationale et républicaine. Tel n'est pas notre choix. (Applaudissements à droite)

À la demande du groupe UMP, l'amendement n°4 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 339
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l'adoption 166
Contre 173

Le Sénat n'a pas adopté.

(Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par Mme Benbassa, au nom de la commission.

Alinéa 2, première phrase

Remplacer les mots :

peut être

par le mot :

est

Mme Esther Benbassa, rapporteure.  - Cet amendement renforce la portée du texte, qui en l'état se borne à lever les obstacles constitutionnels à l'ouverture du droit de vote aux étrangers non européens, mais ne consacre pas pleinement celui-ci. En effet, comme l'ont souligné les professeurs de droit que j'ai entendus, l'expression « peut être » n'oblige pas le législateur. Il semble donc nécessaire d'aller plus loin.

L'amendement n°7 est retiré.

M. Claude Guéant, ministre.  - Avis défavorable. Il faut au moins se réserver un minimum de souplesse dans la loi organique.

L'amendement n°10 est adopté.

L'article premier, modifié, est adopté.

Article 2

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - D'après le rapport, la différence de droits accordés entre les ressortissants européens et les ressortissants extracommunautaires serait choquante. C'est le contraire qui le serait ! Pourquoi accorder les mêmes droits aux étrangers et aux Européens ? À l'heure de la crise de l'euro, nous devons renforcer la citoyenneté européenne.

Les nationaux devraient pouvoir jouir de leurs droits dans leur pays d'origine. Pour les expatriés, c'est plus important que d'obtenir le droit de vote dans son pays de résidence. Beaucoup de nos collègues ont cité en exemple l'Irlande. Sachez que les ressortissants irlandais habitant à l'étranger n'ont pas le droit de vote dans leur pays de nationalité...

M. André Reichardt.  - Contrairement à ce que soutient la gauche, la nation française n'est pas une entité abstraite ni une construction intellectuelle. (Exclamations à gauche) Cette proposition de loi est une forme d'hérésie constitutionnelle. (Oh ! à gauche) L'article 3 de notre Constitution ne peut être méconnu.

Notre pays est unitaire. La souveraineté ne se subdivise pas, elle ne se décompose pas. Ne confondons pas souveraineté et organisation administrative. Le vote ne peut être dissocié de la nationalité.

Cet article 2 ne changera rien : comment imaginer que des États, parfois très éloignés de la démocratie, puissent exercer par l'intermédiaire de leurs ressortissants, des pressions sur notre pays ? Nous demandons la suppression de l'article 2. (Applaudissements à droite)

M. Claude Léonard.  - En marge du rapport figure une note sur les droits de vote accordés, ou non, aux étrangers chez nos voisins. Pas de droit de vote en Allemagne, en Autriche, en Italie. En Espagne et au Portugal, le droit de vote est accordé sous condition de réciprocité et de durée de résidence. D'autres pays n'ont que la condition de durée de résidence, Belgique, Danemark, Pays-Bas ou Suède...

Au Luxembourg, l'intégration de la communauté portugaise s'est bien passée... jusqu'à ce que le droit de vote leur soit accordé et se développent des sentiments xénophobes.

Il n'est ni souhaitable ni possible d'accorder ce droit de vote. Mais rien n'empêche ceux qui veulent s'impliquer davantage dans la vie de la cité de solliciter leur naturalisation ; ce sera une grande joie pour nous de les accueillir. (Applaudissements à droite)

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par M. Buffet et les membres du groupe UMP.

Supprimer cet article.

M. François-Noël Buffet.  - Voici le dernier acte de la scène qui s'est jouée aujourd'hui. Depuis 2008, la gauche aurait pu demander et obtenir l'inscription de ce texte à l'ordre du jour, dans une de ses niches parlementaires ; elle aurait aussi pu convoquer un référendum sur le sujet lorsque le président de la République était de son bord. Elle ne l'a pas fait.

Le droit de vote est lié à la citoyenneté, il ne s'achète pas. Lorsqu'on veut être français, on demande à être naturalisé et on l'est. (Applaudissements à droite)

Mme Esther Benbassa, rapporteure.  - Avis défavorable par coordination.

M. Claude Guéant, ministre.  - Le Gouvernement est très favorable à cet amendement.

L'amendement n°5 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°11, présenté par Mme Benbassa, au nom de la commission.

Rédiger ainsi cet article :

La première phrase de l'article 88-3 de la Constitution est ainsi modifié :

1° Les mots : « peut être » sont remplacés par le mot : « est » ;

2° Le mot : « seuls » est supprimé.

Mme Esther Benbassa, rapporteure.  - Amendement de coordination avec mon amendement n°10.

L'amendement n°8 est retiré.

M. Claude Guéant, ministre.  - Défavorable.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Avec cet amendement, il y aurait égalité totale entre ressortissants européens et non communautaires, alors que nous avons rappelé les traités européens, qui instaurent, entre autres, la réciprocité. Il y a bien une citoyenneté européenne spécifique. Avec cet amendement, vous signifiez que les traités ratifiés par la France n'ont plus de sens (Applaudissements à droite)

L'amendement n°11 est adopté.

L'article 2, modifié, est adopté.

Vote sur l'ensemble

Mme Catherine Tasca.  - Dans ce débat, nous avons beaucoup évoqué notre histoire et la citoyenneté. Il y a lieu de nous en réjouir. Mais je me bornerai à évoquer le présent et l'avenir. Jusqu'à quand continuerez-vous à considérer que les étrangers en situation régulière, qui apportent à la France leur force économique et leur renfort démographique, n'ont pas gagné le droit de voter sur leur territoire de résidence ? À les maintenir en lisière de la vie publique alors que beaucoup sont parents d'enfants français ?

Cette proposition de loi trouble certains, mais marque un réel progrès démocratique ; elle ne peut que fortifier notre vivre ensemble, qui en a grand besoin.

Les flux migratoires ne feront que croître. À nous d'y voir une chance. Nous devons changer le regard de notre société sur l'étranger. La naturalisation ? Mais vous niez l'importance de la collectivité de proximité, le rôle de la commune dans l'apprentissage de la vie démocratique.

Vous démontrez ainsi votre incapacité à faire évoluer nos institutions. L'histoire jugera de votre conservatisme et de votre acharnement à multiplier les barrières entre la communauté nationale et les étrangers qui ont choisi de vivre durablement, pacifiquement et régulièrement chez nous.

Nous voterons avec conviction cette proposition de loi. (Applaudissements à gauche)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Je veux rappeler à M. Buffet que nous avons essayé plusieurs fois de discuter de ce texte, mais qu'on nous l'a toujours refusé, notamment en 2006.

Vos arguments ne sont pas convaincants. Comment ne pas évoquer une communauté de destin avec nombre d'étrangers appartenant à notre ancien empire colonial ? La France les a fait venir, ils ont construit la France d'après-guerre, ils ont donné des fils et des filles à la France et vous leur refusez une communauté de destin ? Cela ne tient pas ! Ils sont souvent francophones. Du reste, Philippe Séguin disait qu'il était favorable au vote des francophones aux élections locales.

La citoyenneté européenne est une construction qui n'existe pas en droit. Et qu'est-ce que la citoyenneté dans la cité, sinon y vivre, y travailler, y envoyer ses enfants à l'école ? Dès 1992, nous avons souligné cette injustice, par rapport aux étrangers qui vivent depuis longtemps sur notre sol. Ils ont conquis des droits. En 2006, 63 % de Français étaient favorables au droit de vote des étrangers. Depuis, cette majorité se confirme. Si les étrangers n'ont pas la nationalité, c'est souvent pour des raisons qui ne tiennent pas à eux. Leurs enfants sont français.

La France n'a pas été à l'avant-garde pour accorder le droit de vote aux femmes et celles-ci ont encore peu de place en politique. J'ose espérer que cette fois notre pays ne pendra pas encore du retard sur le droit de vote des étrangers aux élections locales. Nous envoyons un signal fort, notamment en direction des jeunes. La nouvelle majorité du Sénat peut être fière de son travail. (Applaudissements à gauche)

La proposition de loi est mise aux voix par scrutin public de droit.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 339
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l'adoption 173
Contre 166

Le Sénat a adopté.

(Mmes et MM. les sénateurs de gauche se lèvent et applaudissent longuement)

Prochaine séance demain, vendredi 9 décembre 2011, à 9 h 30.

La séance est levée à minuit.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du vendredi 9 décembre 2011

Séance publique

À 9 heures 30

1. Suite de la proposition de loi garantissant le droit au repos dominical (n° 794 rect., 2010-2011).

Rapport de Mme Annie David, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 89, 2011-2012).

Texte de la commission (n° 90, 2011-2012).

À 15 heures et le soir

2. Proposition de loi relative à l'exploitation numérique des livres indisponibles du XXe siècle (n° 54 rect., 2011-2012)

Rapport de Mme Bariza Khiari, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (n° 151, 2011-2012)