Débat sur les nouveaux défis du monde rural

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur les nouveaux défis du monde rural.

M. Gérard Bailly, pour le groupe UMP .  - Je suis très heureux que ce débat ait été inscrit à notre ordre du jour : deux heures trente de débat pour ce monde rural, qui représente 85 % de notre territoire, 30 000 communes et 22 % de la population.

M. Charles Revet.  - Eh oui ! Il est bon de le rappeler.

M. Gérard Bailly.  - Par-delà la diversité des campagnes françaises, les flux de population se sont inversés : après l'exode rural, le solde migratoire vers nos campagnes est devenu positif à la fin des années 1970. Mais la crise pose la question de la résilience des économies rurales ; les fractures sociales et générationnelles se creusent. Le contexte est plus mouvant et incertain que jamais. Les opportunités cèdent le pas devant les menaces, de plus en plus nombreuses.

Plutôt que de céder au découragement, identifions avec lucidité les leviers structurels qui conditionnent l'avenir économique, social et culturel de nos campagnes. Les capacités d'imagination des acteurs seront primordiales. Les campagnes ne sont pas une charge mais une chance : voyez ces vastes espaces, cette nature fragile mais généreuse, si nécessaire à l'épanouissement des communautés humaines.

Protégeons ce laboratoire ! Ces territoires ne peuvent plus être pensés hors de leur rapport avec les villes. Les surfaces agricoles utiles représentent 51 % du territoire, les espaces verts, boisés, les landes, les zones humides, 40 % ; les sols artificialisés seulement 9 %. L'artificialisation des sols s'est accélérée entre 2003 et 2009 : l'équivalent d'un département français est perdu pour l'agriculture tous les sept ans. La forêt a gagné de l'espace sur les terres agricoles, notamment en montagne, entraînant parfois une fermeture des paysages. Quelle diversité, entre les campagnes très agricoles, les campagnes espaces de vie pour des citadins, dans un rayon de trente kilomètres autour des agglomérations, les campagnes mixtes, et aussi les campagnes vieillies, de faible densité, difficiles d'accès.

Le monde rural doit croire en ses chances. Encore faut-il que son ambition soit accompagnée par l'État.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Très bien !

M. Didier Guillaume.  - Ces dix dernières années, cela a fait mal !

M. Gérard Bailly.  - Premier levier, l'intercommunalité a été très bénéfique pour les territoires ruraux en facilitant la réalisation d'équipements : foyers-logements, crèches, terrains de sport, maisons de santé, zones artisanales, groupes scolaires. Tout cela a un coût, plus élevé dès que le terrain est rocheux, en zone de montagne. Il faut accompagner les intercommunalités tout en leur laissant davantage d'initiative, en particulier pour ce qui concerne les normes. Les exigences ne peuvent être partout identiques.

Les dotations ensuite. Les communautés de communes doivent bénéficier des mêmes dotations que les villes. Entre 128 euros par habitant pour les communes de plus de 150 000 habitants et la moitié pour les petites communes - comment comprendre ces écarts de DGF, que l'Association des maires ruraux juge inique ?

M. Rémy Pointereau.  - Tout à fait.

M. Gérard Bailly.  - Est-ce parce que ces décisions n'appartiennent qu'aux citadins ?

Quelques mots sur la représentativité. L'Hémicycle titrait récemment sur un redécoupage des cantons qui maltraite les zones rurales.

MM. Jean-Claude Lenoir, Alain Fouché et Rémy Pointereau.  - Oui, et c'est honteux.

M. Charles Revet.  - Eh oui !

M. Rémy Pointereau.  - Les territoires ruraux sont sacrifiés.

M. Gérard Bailly.  - Que restera-t-il de la proximité ?

M. Rémy Pointereau.  - Rien !

M. le président.  - Poursuivez, monsieur Bailly.

M. Charles Revet.  - C'est important !

M. Gérard Bailly.  - Il y aura moins de porte-voix des territoires ruraux. (On renchérit à droite ; protestations sur les bancs socialistes) Leur superficie ne sera plus prise en compte...

M. Charles Revet.  - C'est vrai !

M. Gérard Bailly.  - L'environnement, ensuite, doit être préservé. Il faut un assainissement collectif ou individuel pour assurer la qualité des eaux, et cela a un coût. Les territoires ruraux ont un atout : les énergies. On y installe les éoliennes, le solaire, on y produit biomasse, bois-énergie et biocarburants. Mais ces territoires ne peuvent vivre sans désenclavement. Cela passe par le haut et le très haut débit. (Marques d'approbation à droite) Qui paie ? La péréquation nationale peine à se mettre en place.

M. Didier Guillaume.  - Zéro euro dans le fonds...

M. Gérard Bailly.  - Les transports ? Il faut entretenir les réseaux routiers. Une PME ne s'installera pas sans désenclavement physique et numérique.

Les territoires ruraux ne doivent pas être les parents pauvres du système éducatif. Un élève ne doit pas passer plus de 30 à 40 minutes dans le bus, matin et soir.

La présence de médecins dans les territoires ruraux doit être encouragée, avec des maisons de santé, voire des mesures coercitives. M. Guillaume a évoqué ce matin le problème des gardes. Les temps de parcours doivent rester raisonnables. La population des campagnes est âgée : il faut des foyers- logements, des Établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). La présence médicale est indispensable pour les ruraux comme pour les nouveaux résidents.

M. Charles Revet.  - Absolument !

M. Gérard Bailly.  - Ces défis peuvent être relevés. Les atouts sont réels, à commencer par l'agriculture, ce pétrole vert, comme le disait un ancien président de la République. Elle procure tant d'emplois dans l'industrie agroalimentaire, en Bretagne notamment. AOC, labels, circuits courts doivent être encouragés. L'élevage est indispensable, là où la charrue ne peut remplacer l'animal. Or il diminue. En 1980, l'élevage ovin était de 12 800 têtes ; on n'en compte plus que 7 800 et les prédateurs, protégés par les ministres de l'environnement successifs, achèvent de décourager les éleveurs.

L'agriculture peut jouer un grand rôle pour les territoires ruraux, entretenir les paysages, créer des emplois. Chaque jour, la planète compte 200 000 humains de plus. Alors, ne gâchons pas notre capacité productive. Pas question pour autant d'autoriser les OGM sans être certain de leur innocuité, laquelle doit être contrôlée en conjuguant les moyens européens.

Autre atout, nos forêts, nos grumes que nous exportons tout en important des produits à valeur ajoutée. Comment faire face à l'avance technologique de l'Europe du nord ? La filière bois crée des emplois locaux dans nos villages, elle mérite une attention particulière. Investissons dans les plantations, comme l'ont fait nos ancêtres.

Le tourisme est aussi déterminant pour nos territoires ruraux. Il faut accompagner les collectivités, car ces emplois sont non délocalisables. Les activités qui attirent les touristes sont une source de vitalité, elles font vivre les manifestations culturelles.

Les PME font la richesse de nos territoires ruraux. Elles procurent du travail, elles sont facteur de croissance, d'équilibre des territoires. Aidons-les, avec le désenclavement numérique, et avec un accompagnement fiscal.

M. le président.  - Il faut conclure.

M. Gérard Bailly.  - Je saute un paragraphe... (On le regrette à droite ; on feint de le déplorer à gauche)

Les défis sont nombreux. Il faut aider ces territoires : les plus petits sont les plus fragiles. Il faut être vigilant. Le Gouvernement compte un ministre chargé de l'égalité des territoires : il faudra veiller à l'égalité fiscale, scolaire, sanitaire.

M. Alain Fauconnier.  - Qu'en avez-vous fait ?

M. Gérard Bailly.  - Pour se battre, il faut des armes égales ! Demain, plus encore, les habitants des grandes agglomérations auront besoin des campagnes pour se reposer. La complémentarité ville-campagne est indispensable, car, comme le disait le général de Gaulle, « La fin de l'espoir est le commencement de la mort ». (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Gérard Larcher .  - (Applaudissements sur les bancs UMP) Ce débat important intervient quelques jours après l'accord sur le cadre pluriannuel financier de l'Union européenne, qui marque une baisse de 13 % de la politique agricole commune, soit 3 % pour la France.

L'agriculture façonne les paysages, les rend attractifs. Le monde rural n'est pas un ensemble homogène : certains territoires ruraux attirent et se développent, autour des villes et sur le littoral touché par l'héliotropisme. D'autres déclinent, victimes de l'enclavement géographique et technologique. Ces territoires les plus fragiles sont souvent consacrés à l'élevage. Y aurait-il une fatalité à leur inexorable déclin ?

Premier point, la gouvernance. Un certain nombre de réformes proposées vont conduire à ce que ces territoires ne soient plus représentés que de manière marginale. (Applaudissements au centre et à droite) C'est un élu urbain qui le dit ! Nous sommes l'assemblée des territoires, de la correction des inégalités entre territoires. (Applaudissements sur les bancs UMP). L'annonce de la baisse des dotations de l'État aux collectivités territoriales pèsera beaucoup moins sur Rambouillet que sur les communes rurales du sud des Yvelines. L'avenir même de ces territoires est en jeu. Cette question de la gouvernance est bien centrale. (Applaudissements à droite et au centre) N'opposons pas territoire rural et territoire urbain. Les villes ne doivent pas considérer les territoires urbains comme des lieux de récréation mais comme un facteur de développement.

Monsieur le ministre, vous êtes l'un des seuls à gérer un secteur excédentaire. Attention à ne pas faire de l'agriculture de demain la sidérurgie d'hier ! Le vétérinaire que je suis ne peut que s'inquiéter des normes imposées au nom du bien-être animal, quand elles ont pour effet la disparition de 20 % des exploitations avicoles bretonnes spécialisées dans les poules pondeuses.

M. Charles Revet.  - Bien sûr.

M. Gérard Larcher.  - Le sud-Yvelines est un territoire céréalier, je me réjouis pour eux des revenus dont bénéficient les céréaliers. Mais celui des éleveurs du Perche, à côté, est moitié moindre. Et je ne parle pas de celui des maraîchers depuis que vous avez supprimé l'exonération partielle de ceux qui viennent les aider pour la récolte. Ce faisant, vous avez pris une décision qui va contre la compétitivité de l'agriculture française ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.  - Ce n'est pas vrai !

M. Gérard Larcher.  - Vous avez réduit les subventions à l'installation des jeunes agriculteurs.

L'agriculture est une chance pour la France. Il faut une agriculture intégrée, orientée vers l'exportation, pour nourrir le monde. L'industrie agroalimentaire est l'un des rares secteurs à avoir évité la désindustrialisation. Il faut une autre politique de gouvernance des territoires, une politique volontariste de l'aménagement du territoire et un soutien à l'agriculture ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. Pierre-Yves Collombat.  - Très bien !

Mme Renée Nicoux .  - Je me félicite que le monde rural soit à l'honneur aujourd'hui. Cette question est en effet cruciale. Il y a quelques semaines, j'ai cosigné avec Gérard Bailly un rapport du Sénat sur l'avenir du monde rural. Nous nous accordons sur le constat que l'état des lieux est alarmant. Si rien n'est fait, nos campagnes seront sacrifiées. Alors que les territoires ruraux connaissent une démographie positive, le risque de les voir relégués en espace secondaire est grand.

L'agriculture traverse une crise inégale selon les secteurs, aggravée par le détricotage de la PAC. La ruralité, ce n'est certes pas seulement l'agriculture, mais ce secteur est essentiel. L'artificialisation des sols se poursuit inexorablement. La crise énergétique a eu un lourd effet sur nos campagnes. La sociologie des populations rurales se modifie : si un Français sur quatre réside dans une commune rurale, il n'y en a qu'un sur huit à y travailler. On assiste à une immigration de la pauvreté vers les campagnes tandis que les services publics de proximité diminuent, du fait de la RGPP, comme l'offre de santé.

M. Jean-François Husson.  - Ce sera mieux avec la MAP !

Mme Renée Nicoux.  - Bref, les inégalités territoriales s'accroissent, mais il n'est pas trop tard, car la prise de conscience du potentiel de nos campagnes a eu lieu il y a quelques années. Les graines d'un développement harmonieux sont en terre, à nous de les faire germer.

Quatre leviers de croissance sont à notre disposition, et d'abord la gouvernance de nos territoires. La ruralité doit être mieux prise en compte. Renouons avec une véritable politique d'aménagement des territoires, les normes pénalisant les communes rurales. Une aide en ingénierie territoriale est plus que jamais nécessaire pour prendre en compte les spécificités géographiques et démographiques.

M. le président.  - Concluez.

Mme Renée Nicoux.  - Laissez-moi continuer, monsieur le président ! Mon groupe a de la marge et je ne déborderai pas davantage que M. Bailly.

Il faut renforcer la politique de redistribution de la solidarité nationale. Le désenclavement de nos campagnes est indispensable. Il faut sanctuariser les financements pour le rail et la route. De même, le très haut débit est une condition sine qua non d'efficacité à l'heure du télétravail, de la télémédecine, de la téléformation. Il serait contradictoire que ceux qui ont le plus besoin du haut débit en soient privés.

Le dynamisme et le volontarisme des territoires les mettront en position de relever les défis ! (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)

M. le président.  - Majorité et opposition sont maintenant à égalité pour les dépassements. Dorénavant, je n'en tolérerai plus.

M. Gérard Le Cam .  - Je salue la qualité des travaux de Mme Nicoux et de M. Bailly. Pourtant, ce n'est pas la première fois que nous échangeons sur ce thème. Alors que la majorité a changé, nous attendons toujours une nouvelle politique en ce domaine. Avec la droite, le marché était sacralisé et les territoires ruraux étaient les premiers touchés. Il faut maintenant passer d'un constat à l'action.

La démocratie dans les territoires doit être réaffirmée, avec le rôle prépondérant des communes. L'intercommunalité à marche forcée est incompatible avec une telle évolution, les villes attirant tout à elles. La préparation de l'acte III de la décentralisation doit redonner sa place au monde rural. Les communes et leurs représentants doivent être respectés. L'asphyxie financière programmée des communes n'est pas acceptable. Cela porterait un frein insupportable. Les dotations doivent être revalorisées. Pourquoi ne pas taxer les actifs financiers ? Avec le milliard d'euros ainsi récupéré, les petites communes pourraient bénéficier de la même DGF par habitant que les grandes.

La réforme des rythmes scolaires va peser lourdement sur les communes. (On le confirme à droite)

M. Rémy Pointereau.  - Très bien !

M. Gérard Le Cam.  - Alors que les élus de la nouvelle majorité s'opposaient naguère aux transferts de charges, nous attendons que la politique menée en ce sens évolue. Il est curieux que le groupe UMP ait demandé ce débat, après avoir soutenu la RGPP. (Exclamations à droite)

M. Rémy Pointereau.  - Le discours commençait mieux qu'il ne continue.

M. Gérard Le Cam.  - L'ancien gouvernement a privatisé La Poste, ce qui a eu des conséquences dramatiques dans les campagnes. La gauche l'a dénoncé. Pourquoi n'avoir rien fait depuis mai 2012 ? Les critères de la présence postale doivent être revus. La loi HPST aussi a été combattue à gauche, et nous attendons que, parvenue au pouvoir, elle en revoit les critères pour les fermetures d'hôpitaux. Même chose à propos des fermetures de classes en zones rurales. Il faut répondre à l'intérêt général et adapter la législation à la spécificité rurale.

Les transports et le numérique ne peuvent être laissés à la seule initiative privée.

M. le président.  - Il faut conclure.

M. Gérard Le Cam.  - Nous serons très attentifs à la nouvelle PAC. Les pouvoirs publics doivent faire en sorte que puissent être accueillis les nouveaux habitants de nos campagnes. La ruralité mérite mieux que des mots. Il faut maintenant relever le défi et poser des actes pour le changement.

M. Aymeri de Montesquiou .  - Fondamentaliste de la ruralité, je la vois en synonyme de modernité, à preuve sa transformation spectaculaire ces dernières années. Elle est confrontée à trois défis, à commencer par l'accès au très haut débit qui doit être une priorité. Cela coûte cher ? Imitons le plan téléphone lancé par le président Giscard d'Estaing.

Les zones blanches sont encore trop nombreuses. Personne ne peut vivre sans Internet. Quel est le calendrier de l'aménagement numérique du Gouvernement ? Le sud-ouest est souvent touché par la sécheresse. Les agriculteurs devraient pouvoir créer des retenues collinaires, comme ils le font dans le Gers, mais des règlements l'interdisent. (On le confirme à droite) (Applaudissements au centre et à droite)

À quand une simplification administrative pour les petits ouvrages ? Le barrage de Charlas irriguerait six départements et il fait l'unanimité. Pourquoi ne pas le construire ?

L'Allemagne est devenue le premier exportateur mondial, alors que ses terres et son climat sont plus mauvais que les nôtres. Quelle anomalie, quel paradoxe !

Nos produits sont de qualité, mais ont un coût trop élevé, d'où la concurrence des Russes, des Ukrainiens, voire des Kazakhs. Réduisons donc les charges des agriculteurs !

Agissez, monsieur le ministre, pour éviter que nos productions soient pénalisées. (Applaudissements sur les bancs UDI-UC et à droite)

M. Christian Bourquin .  - Voilà un débat qui tombe à point nommé, à la veille de l'ouverture de la nouvelle PAC 2014-2020.

Les aides sont essentiellement dirigées vers les villes. Rien n'interdit pourtant d'aider la ruralité. Les habitants des villes sont loin de se désintéresser des campagnes, et ils aimeraient pouvoir s'y installer si elles étaient aménagées.

Il faut changer de paradigme, créer une véritable solidarité républicaine entre le monde rural et urbain. Des échanges fructueux doivent pouvoir se développer. Le monde rural représente 80 % du territoire et 20 % de la population. Le projet de résolution du RDSE, voté à l'unanimité, l'a rappelé. La démographie et la compétitivité ne peuvent seules être prises en compte pour mener une politique.

Les territoires ruraux ne sont pas des zones figées dans le temps : de nouvelles populations s'y installent mais souhaitent y trouver de nouveaux équipements, des services publics fiables et les technologies de la communication. Ces dernières sont essentielles, mais n'entrent pas dans ce débat. Des décisions ont déjà été prises pour le haut débit ; il reste à rattraper le retard qui a été pris.

La gouvernance, tout d'abord. Il s'agit d'un enjeu important. Les communes, les cantons sont essentiels. Or, la commune ne répond plus aux besoins d'aménagement, même si elle reste le lieu de vie par excellence. Toutefois, c'est la communauté de communes qui prend le plus souvent les décisions d'investissement et de gestion. Il faut réfléchir sur le niveau pertinent. Les parcs naturels régionaux sont devenus des outils de protection stricts, ce qui est réducteur. Les bassins de vie doivent être intégrés dans des zones bien plus larges, en fonction des réseaux de transport et des échanges économiques.

Dans ma région, j'ai développé le schéma de développement durable. Les cinq aéroports du Languedoc-Roussillon apportent 10 millions d'euros de chiffre d'affaires à la Lozère alors que le plus proche aéroport se situe à 180 kilomètres. C'est cela l'unité rurale.

Les atouts du monde rural sont nombreux : il est attrayant, par sa qualité de vie, à condition de maintenir des services et des activités agricoles.

Dans ma région, l'arrachage des vignes est un désastre pour l'emploi et un repoussoir pour tous ceux qui veulent s'imprégner de la culture méditerranéenne.

M. Didier Guillaume et M. Jean-Jacques Lozach.  - Très bien !

M. Christian Bourquin.  - Je pourrais aussi parler de la Bretagne : quand un marais est asséché, bientôt surgissent des inondations !

M. Jean-Luc Fichet.  - Eh oui !

M. Christian Bourquin.  - L'eau, le bois, la pêche, la chasse font vivre les territoires. (On le confirme à droite)

Je souhaite à nos ruralités des projets résolument modernes. Pourvu que le prochain rapport nous détaille le meilleur scénario possible et non pas le « moins pire ». (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE ; M. Jean Boyer applaudit aussi)

M. Jean-Pierre Raffarin.  - Jacques Blanc est de retour !

M. Joël Labbé.  - Les espaces maritimes font partie de la ruralité.

M. Christian Bourquin.  - Oui, il ne faut pas oublier la Méditerranée !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Ne laboure-t-on pas la mer ?

M. Joël Labbé .  - On ne peut dissocier l'avenir des campagnes de celui des villes et comme l'a dit une prospectiviste, il faut réorienter les campagnes vers un devenir souhaitable - et non un avenir -, le devenir étant ce que nous construisons ensemble, l'avenir ce que nous prévoyons. Pour construire ensemble nous devons partager certains constats. Je veux saluer le rapport remarquable de nos deux collègues.

Les services sont les premiers pourvoyeurs d'emplois en ville, mais aussi dans les campagnes. L'emploi agricole subit une baisse continue, tandis que le tertiaire poursuit son accroissement. Les villes petites et moyennes et les bourgs dotés d'équipements structurants peuvent irriguer les territoires.

J'en viens au développement agricole : l'environnement pourrait être un atout si un nouveau modèle agricole était présenté. L'« agro-écologie », un concept nouveau, est une piste intéressante, monsieur le ministre. Les espaces agricoles gagneraient en cohérence. L'agriculture ne doit pas subir les nécessaires normes environnementales comme une contrainte mais comme un atout : tout en produisant elle contribuerait à préserver la biodiversité. Il faut aider au développement d'une agriculture de proximité qui réponde à la demande d'une alimentation de qualité. Or la pression urbaine entraîne une surévaluation du foncier. L'aménagement du territoire mériterait d'être repensé. La réforme de la politique foncière agricole est un défi difficile mais un formidable levier pour faire progresser notre modèle agricole. Le productivisme nous mène droit dans le mur. Les éleveurs sont acculés, les abattoirs de proximité ferment, les uns après les autres, notamment en Bretagne. La sécurité alimentaire et la traçabilité sont des priorités de santé publique. Notre législation doit être modifiée en ce sens. (Applaudissements sur les bancs écologistes et socialistes)

M. Benoît Huré .  - Je suis heureux de ce débat : 90 % de la population sur 10 % du territoire, est-ce acceptable ? Jean Ferrat...

M. Didier Guillaume.  - Un Ardéchois !

M. Benoît Huré.  - ... chantait « La montagne » ! Il aurait pu dire « La campagne » : « ils quittent un à un le pays pour s'en aller gagner leur vie loin de la terre où ils sont nés... ». Pour que ce ne soit plus une fatalité, il faut donner aux habitants, et d'abord aux jeunes, de bonnes raisons de rester au pays. Les communes rurales voient enfin de nombreux habitants s'installer, qui choisissent la qualité et le cadre de vie, mais ils attendent des services nouveaux. Il faut donc créer des crèches, des haltes-garderies, des écoles, des équipements sportifs et culturels, un réseau de communications performant, des commerces de proximité, des services médicaux modernes, je pense aux maisons de santé.

Gagnons la bataille de la croissance démographique qui repose sur la volonté des élus, des collectivités. Il faut s'appuyer sur un maillage des petites villes de bourgs-centres. Les grandes communautés de communes répondent mal à cette nécessité : ne confondons pas chiffre d'affaires et bénéfice ! L'immobilier local doit être développé, car nombre de personnes ne peuvent emprunter pour acheter. Le tissu associatif et les transports collectifs doivent être encouragés.

Le nouvel espace rural doit être attractif, comme l'avait souligné Jean François-Poncet. Les territoires ruraux se développeront grâce à l'agriculture, au commerce, à l'artisanat, au tourisme, au télétravail, à l'économie sociale et solidaire.

Les décideurs parisiens réduisent, pourtant, le peu de moyens affectés à la ruralité. Nous avons plus que jamais besoin de l'État, qui doit être le garant d'une péréquation plus juste entre les villes et les campagnes. L'écart entre territoires riches et pauvres s'est accru de manière indécente. Il en va de la crédibilité de nos institutions.

Or, la création de très grandes métropoles va concentrer les moyens, tandis que les dotations aux collectivités locales vont encore se réduire, ce qui les fragilisera un peu plus.

Enfin, la réforme des conseils généraux va réduire le nombre d'élus ruraux les mieux à même de défendre ces territoires. La reconcentration de l'État au profit des régions, au détriment des départements, va rendre l'État plus lointain, au risque de le mettre en complet décalage avec le monde rural. Même si le pire n'est pas certain, il est certain que nous allons devoir nous mobiliser.

Nulle polémique dans mes propos car je n'ai pas attendu le printemps dernier pour découvrir l'état calamiteux de nos finances publiques et je suis d'accord pour résorber le déficit, mais les efforts nécessaires doivent être équitablement répartis. Que compte faire le Gouvernement pour relever ces défis ? Ne faut-il pas mettre fin aux inégalités, modifier la DGF, la DSU, la DSR, repenser la péréquation ? Il faut renforcer la péréquation horizontale entre riches et pauvres, bien plus que la précédente majorité n'avait commencé à le faire. Or l'enveloppe a été en partie amputée, pour que la Seine-Saint-Denis et les Bouches-du-Rhône puissent bénéficier d'un surplus de ressources. Réduire les écarts de richesse, c'est rétablir l'équité entre les territoires et investir dans l'avenir. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Luc Fichet .  - De quels défis parle-t-on ? La folie bancaire et financière a plongé notre pays dans la crise...

Mme Laurence Rossignol.  - Très bien !

M. Jean-Luc Fichet.  - Il faut recréer des emplois dans l'industrie, repenser la filière agroalimentaire, alors que l'Europe est frappée par un nouveau scandale alimentaire. La population des communes de moins de 2 000 habitants a progressé ces dernières années car les gens ont l'espoir d'y mieux vivre mais il demeure des problèmes d'aménagement du territoire et de développement économique. D'où l'utile nomination d'un ministre en charge de l'égalité des territoires. Égalité 2.0 : si nous ne parvenons pas à connecter au très haut débit chaque bourg, chaque hameau, chaque quartier, chaque maison, nous condamnons les territoires à la respiration artificielle. La Bretagne amènera le très haut débit à tous à l'horizon 2030, à partir d'un principe simple : une ligne fibrée en ville égale une ligne fibrée en zone rurale. Ce plan a été salué par Mme Fleur Pellerin.

Autre défi majeur d'égalité et de justice : l'accès aux soins. C'est le coeur du travail que j'ai mené avec Hervé Maurey sur les déserts médicaux. Nous avons souhaité aller plus loin que les mesures structurelles, à portée encore trop limitée. Il faut agir de façon volontariste sur tous les leviers, depuis l'organisation des études de médecine jusqu'à la rémunération des médecins, en passant par le conventionnement ou l'obligation pour les spécialistes d'exercer pendant deux ans dans des hôpitaux de proximité.

Les communes rurales doivent être mieux représentées dans les instances de décision territoriale. Les débats sur la BPI ont mis en relief les doutes sur l'efficacité de l'action économique des collectivités territoriales, réelle, mais qui peut être mal appréhendée dans les territoires ruraux. Il faut la rendre plus visible par des schémas régionaux d'aménagement et de développement durable du territoire. L'investissement des collectivités pour le développement économique dépasse 5 milliards d'euros. Il faut maintenir ce haut niveau d'investissement pour la croissance. Sans renoncer à réduire les déficits, engageons un nouveau pacte territorial favorable à l'emploi et à la croissance. (Applaudissements à gauche)

M. Henri Tandonnet .  - (Applaudissements au centre et à droite) Les questions rurales ont un impact particulier au Sénat. Je salue le travail de Gérard Bailly et Renée Nicoux. Je regrette l'absence de Mme le ministre de l'égalité des territoires. (« Ah ! » à droite)

La ruralité reste une alternative à la métropolisation galopante. L'exemple réussi de l'installation de l'École nationale d'administration pénitentiaire (Enap) à Agen est éloquent. N'amplifions pas la concentration ! Pourquoi ne pas délocaliser vers les villes moyennes les emplois contraints, administratifs et tertiaires ?

La couverture numérique est un vrai motif d'inquiétude. Je rappelle que le Fonds d'aménagement numérique du territoire demeure une coquille vide. Pourquoi ne pas avoir repris la proposition de loi de M. Maurey qui lui aurait apporté des recettes ? Il est urgent de prendre l'engagement de développer la fibre optique dans les territoires ruraux. Pourquoi toujours ces mêmes réticences ?

Le monde rural s'est profondément métamorphosé depuis quinze ans. La réforme de la PAC est un enjeu pour nos agriculteurs... Or la PAC à venir va voir son budget amputé de 13,7 %.

M. Charles Revet.  - C'est énorme !

M. Henri Tandonnet.  - Les arbitrages à venir sont de la plus haute importance, en particulier pour les filières spécialisées comme la prune. Le découplage des aides a montré ses limites. Les pruniculteurs engagés dans une démarche de production plus responsable ont besoin d'un maintien des aides directes le temps que leurs vergers produisent à plein.

Les ressources en eau doivent être gérées et stockées, pour éviter les conflits d'usage. Le sud-ouest devrait connaître davantage de périodes de sécheresse à cause du réchauffement climatique. Il faut subir ou anticiper. La métropole toulousaine grandit et ses besoins en eau aussi. Pourquoi ne pas créer des réserves ? D'autre part le projet de barrage de Charlas est au point mort. L'environnement et l'agriculture forment un tout indivisible. Les agriculteurs doivent être associés au développement de notre ruralité. (Applaudissements sur les bancs du RDSE)

M. Philippe Bas .  - Nous avons pris l'habitude de séparer la question de la campagne de celle de la ville, alors qu'elles sont complémentaires. Tout se passe comme si les crédits étaient réservés aux banlieues - sans que leur situation s'améliore. Les crédits liés à l'amélioration de l'habitat rural s'amenuisent, voire disparaissent...

M. Didier Guillaume.  - Cela fait cinq ans !

M. Philippe Bas.  - Les gendarmeries ferment, les médecins partent en retraite et ne sont pas remplacés.

M. Didier Guillaume.  - Cela fait dix ans !

M. Philippe Bas.  - Nous avons besoin d'une politique ambitieuse d'égalité territoriale pour lutter contre la fracture territoriale. Le Sénat attend une réponse à la hauteur des enjeux à son appel unanime à ce sujet.

A l'issue des Assises des territoires ruraux, en 2009, 40 mesures simples et concrètes ont été adoptées. Les zones de revitalisation rurale (ZRR) et les pôles de compétitivité ont été renforcés sous l'impulsion de Bruno Le Maire, les missions de service public en milieu rural ont bénéficié d'une forte impulsion...

M. Roland Courteau.  - On ne s'en est pas aperçu !

M. Philippe Bas.  - Le contrat avec les buralistes donne de nouveaux relais de service public. Cet effort est à poursuivre et à amplifier.

Les valeurs de la ruralité sont au coeur de notre République, le monde rural demeure une formidable source de richesses pour notre pays.

Les campagnes ne sont pas une charge mais une chance pour la France, comme le soulignent Gérard Bailly et Renée Nicoux dans leur rapport.

M. Didier Guillaume.  - Absolument !

M. Philippe Bas.  - La santé et l'éducation sont essentielles mais l'agriculture tient la première place, or elle est menacée. Sur les sept prochaines années, elle bénéficiera en Europe de 47 milliards de moins que sur la période précédente. Le Gouvernement cherche à nous rassurer, mais il ne doit pas nous masquer la réalité. Quand on se souvient des accords de Berlin, qui avaient sanctuarisé la PAC pour dix ans, (Mme Bernadette Bourzai s'exclame) de l'engagement de Jacques Chirac et de Jean-Pierre Raffarin face au Chancelier Schröder, on mesure la faiblesse actuelle de la France sur la scène européenne, son isolement politique face à un axe franco-britannique qui ne cesse de se renforcer, son manque de volontarisme pour défendre nos intérêts majeurs. (Applaudissements à droite)

M. Roland Courteau.  - Vous ne manquez pas d'air !

M. Philippe Bas.  - L'avenir de notre modèle familial d'exploitation à taille humaine est en jeu...

La protection de l'environnement est nécessaire mais il faut revoir les normes pesant sur l'agriculture. Sinon, un mouvement de concentration sans précédent se produira, comme en Europe du nord, avec une extension des friches.

Le projet de loi que vous présentez va affaiblir la représentation des territoires ruraux, aggraver les difficultés du monde rural. (Applaudissements à droite ; protestations à gauche)

La perspective de nouveaux transferts non financés, le pacte de confiance avec les collectivités étant rompu, nous rend inquiets pour l'avenir de la ruralité. Le monde rural sera affaibli, les ressources propres des collectivités territoriales seront réduites et la nouvelle décentralisation ne servira qu'à alléger les charges de l'État. Engagez-vous résolument dans une autre politique, plus conforme aux attentes des territoires ruraux. (Applaudissements à droite)

Mme Laurence Rossignol .  - Merci à Renée Nicoux et à Gérard Bailly de leur travail, à l'opposition qui a voulu ce débat. Il est bon d'avoir un ministre qui sait que les mondes rural et agricole ont cessé depuis longtemps de se confondre. (Protestations à droite)

Un colloque, que j'ai organisé au Sénat, avec l'ENS et l'Inra, a traité de l'évolution et des représentations du monde rural, souvent utilisées comme alibi des conservatismes.

M. Alain Fauconnier.  - Bravo !

Mme Laurence Rossignol.  - Or les élus ruraux sont souvent moins rétrogrades face aux évolutions de la société que ceux qui prétendent parler en leur nom. (Applaudissements sur les bancs socialistes) Comme tous les Français, les ruraux veulent des services publics, des écoles, des commerces, de la convivialité. Or la promesse d'une vie tranquille et heureuse n'est pas toujours tenue : le bon air et l'espace ne compensent pas l'isolement, aggravé par le renchérissement du prix de l'essence. Les politiques publiques menées ces dernières années n'ont pas été en phase avec leurs attentes. D'où la fracture démocratique que manifestent l'abstention et le vote extrême.

Ce matin s'est tenu le comité interministériel des villes. Il faut aussi mobiliser le Gouvernement en faveur des campagnes. Nous devons restaurer tout ce qui a été détruit ces dernières années. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Nous débattrons prochainement de la loi bancaire. Or les territoires ruraux produisent de l'épargne, mais leur argent n'est pas réinvesti localement.

Mme Bernadette Bourzai.  - Bravo !

Mme Laurence Rossignol.  - Or ces territoires créent des emplois non délocalisables. Nous voulons de la transparence et du réinvestissement local ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.  - Bravo !

M. Didier Guillaume .  - La ruralité est une chance pour la France, nous l'avons tous dit. Évoquons les choses positives, ne soyons pas des pleurnicheurs, mais des promoteurs de la ruralité ! Pensons à ces femmes et à ces hommes qui croient en l'avenir de leurs territoires ! Battons-nous, avançons ! Comme le disait Fernand Braudel, « La France se nomme diversité ».

Mais la ruralité a beaucoup souffert. Elle a été stigmatisée. La RGPP a été dévastatrice pour les zones rurales. (Exclamations à droite) Elle s'est appliquée partout, de façon aléatoire et sans tenir compte des situations locales. Ce fut une erreur. (Protestations sur les mêmes bancs) Le conseiller territorial aurait diminué le nombre d'élus par deux. Nous maintenons le même nombre d'élus, les cantons seront plus grands, mais nous préservons la proximité, le lien essentiel avec le territoire (Applaudissements sur les bancs socialistes ; protestations à droite)

Il faut changer notre perception du monde rural. Premier défi sur lequel nous pouvons nous retrouver : la santé. Allons-nous continuer à voir les médecins déserter le monde rural ? Avec le pacte santé-territoire, le Gouvernement veut combattre le déclin, moderniser notre appareil de santé. Deuxième défi, l'école : que de classes fermées depuis des années ! Cette année, grâce aux postes créés par le Gouvernement, des classes ouvrent dans le monde rural (Exclamations à droite) Troisième défi : le numérique. Les collectivités territoriales sont à la pointe des réseaux et de leurs usages. Un fonds national a bien été créé mais avec zéro euro, battons-nous pour que la ruralité soit couverte. Quatrième défi, l'économie. Commerçants, artisans, TPE, structures de l'économie sociale et solidaire font vivre nos territoires ruraux.

J'aurais pu évoquer l'agriculture, monsieur le ministre ; vous avez sauvé la PAC. Il faut aller plus loin, traiter le problème du foncier, lutter contre l'artificialisation des terres, créer réellement les 5 000 installations prévues. Et si on veut que la ruralité se développe, il faut dire clairement que le loup est incompatible avec le pastoralisme. (Marques d'approbation sur divers bancs)

Créons des contrats ruraux de cohésion territoriale, des contrats gagnant-gagnant entre l'État, les collectivités territoriales et les acteurs de la ruralité ! (Applaudissements à gauche)

M. Pierre Camani .  - Le monde rural est en constante évolution. Trois quarts des communes vivent dans l'aire d'influence des villes. Mais aujourd'hui l'exode rural se transforme en exode urbain. La formule de Jean-François Gravier, « Paris et le désert français », n'est plus de mise.

Élu du treizième département le plus rural de France, je mesure les défis à relever pour résorber les fractures aggravées par le précédent gouvernement, avec une RGPP mise en oeuvre dans la seule logique comptable. Des territoires ont été stigmatisés, l'État s'est désengagé, des services publics ont fermé. Le malaise des populations est grand. Les défis sont nombreux pour le nouveau gouvernement, qui seront relevés grâce à la confiance nouvelle qu'il manifeste dans l'intelligence des territoires et des collectivités territoriales.

La démographie médicale est un défi majeur. Il faut agir vite, sinon la situation deviendra irréversible. En Lot-et-Garonne, un tiers du territoire pourrait se retrouver sans médecin d'ici sept ans. Le département, en partenariat avec les services de l'État et les professionnels de la santé, a mis en place une commission départementale de la démographie médicale, et défini quinze aires de santé où les professionnels sont regroupés en réseau autour d'un projet.

Le très haut débit est un enjeu d'attractivité et de compétitivité, comparable à ceux de l'adduction d'eau et de l'électrification. La mission diligentée par Fleur Pellerin ouvre des perspectives encourageantes. Les territoires ruraux sont en attente de mesures fortes et de financement pour déployer les réseaux.

Le monde rural n'est pas replié sur lui-même, il est capable de faire face à ces défis, pour peu que l'État s'engage au côté des collectivités territoriales. (Applaudissements à gauche)

Mme Odette Herviaux .  - Un enjeu a parfois été oublié au cours de ce débat : l'avenir des territoires insulaires, condensé des potentialités et des problèmes des territoires ruraux. On connaît les îles parce qu'on y va en vacances ; que sait-on du combat quotidien de leurs habitants ? Toujours concernés par la loi Littoral, contraintes au plan financier, nos îles métropolitaines et ultramarines doivent faire face à des tensions extrêmes qui menacent jusqu'à leur survie.

Le retrait de la puissance publique, l'exode des jeunes ménages peut les réduire à des campagnes-nature, des campagnes-cadre de vie, ne vivant que l'été ou pendant les vacances scolaires. Devant l'insuffisance des infrastructures de santé, le renchérissement du coût d'approvisionnement, la pression résidentielle sur des espaces sensibles et les difficultés d'assurer la continuité territoriale, il appartient à la puissance publique de s'engager rapidement pour maintenir et soutenir les producteurs éco-responsables et les activités innovantes qui favorisent l'emploi et le maintien de la population. Les décisions nationales devront s'inscrire dans le cadre de la politique de cohésion de l'Union européenne et être déclinées finement dans le cadre des contrats de projets État-régions. Comme tous les territoires ruraux, les îles entendent contribuer au dynamisme de la France. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt .  - (Applaudissements à gauche) Je me félicite de la tenue de ce débat, de sa qualité et de sa pertinence comme de son utilité. Nous reviendrons sur toutes les questions évoquées lors de l'examen de la loi sur l'égalité des territoires.

La ruralité est liée à l'agriculture. Je réponds à ceux qui s'inquiètent de l'accord sur les perspectives financières de l'Union européenne. Le contexte d'aujourd'hui n'est pas celui d'hier, compte tenu de la crise et des déficits budgétaires des uns et des autres. Nous avons obtenu un budget conforme à nos objectifs. Le président de la République Nicolas Sarkozy avait donné son accord à un budget où la contribution globale des États devait baisser de 200 milliards d'euros, loin de ce que nous avons obtenu ! Ces 100 milliards de différence sont dus à l'action du président de la République ; la PAC, la politique de cohésion, la politique de croissance ont été privilégiées.

Le budget de la PAC a baissé, c'est vrai ; mais la tendance n'est pas nouvelle. La position de la France a fait que le budget de la PAC a été établi à 56,3 milliards d'euros, contre 56,9 dans les perspectives antérieures. Nous avons préservé notre agriculture, la baisse sur le premier pilier a été compensée sur le deuxième. Nous avons défendu l'ambition agricole de la France et de l'Europe.

Les dotations aux collectivités territoriales... Lors de la campagne présidentielle, le candidat Nicolas Sarkozy avait proposé de les réduire de 10 milliards d'euros.

M. Gérard Larcher.  - Mais non !

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Relisez les programmes ! Chacun doit faire des efforts. (Mouvements divers à droite)

M. Gérard Larcher.  - Ils pèseront sur les petites communes ! Nous vous jugerons à l'oeuvre.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Les dotations ont été maintenues en 2013. L'objectif est de permettre à chaque collectivité de poursuivre ses investissements. (Exclamations sur les mêmes bancs)

Mme Sophie Primas.  - Impossible !

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Le conseiller territorial avait comme objectif de réduire le fameux millefeuille, au motif que les élus étaient trop nombreux, monsieur le président Larcher. Nous proposons de régler le problème qui tourne depuis si longtemps de l'équilibre entre les cantons...

M. Gérard Larcher.  - Avec mesure !

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - C'est ce que nous faisons. (Protestations à droite) Nous sommes tous attachés au monde rural. J'ai été maire d'un village de 256 habitants dès l'âge de 23 ans, j'y ai vécu trente-cinq ans. Je le connais parfaitement. C'est un enjeu de territoire, de société, de socialisation des individus. On parle encore d'aménagement du territoire, alors que la question posée aujourd'hui n'est plus celle des infrastructures mais de ce qu'on offre aux habitants.

Un territoire est perdu lorsqu'il est coupé du reste de la société. Le « rural profond » est le pendant des ghettos de banlieue. Tel est l'enjeu de la couverture numérique, de l'accès à la culture. Il faut des efforts spécifiques. Pour le numérique, un plan et des investissements sont nécessaires ; le président de la République s'est exprimé sur la question.

La Banque européenne d'investissement (BEI), recapitalisée, est aussi là pour favoriser les investissements dans la couverture numérique. Marisol Touraine a fait des propositions sur la santé et les territoires. Il faudra réfléchir à une organisation en réseaux, au-delà des maisons de santé, à la répartition de l'activité médicale sur le territoire, à la télémédecine, au partage des soins entre médecins et infirmières.

L'éducation est servie par les créations de postes qui permettent de maintenir des écoles.

M. Didier Guillaume.  - Absolument !

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - La dimension économique du territoire est enfin essentielle. Toutes les mesures prises par le Gouvernement, le CICE, le contrat de génération, les emplois d'avenir, concerneront les zones rurales et les activités agricoles ; j'y ai veillé.

Début mars, je présenterai un projet sur la méthanisation ; notre agriculture, notre industrie agroalimentaire doit être capable d'allier performance économique et performance écologique.

Les mots eux-mêmes doivent changer. Parlons socialisation, attachons-nous aux bourgs et aux centres-bourgs. Ensemble, nous devons réfléchir à l'urbanisation du monde rural autour des bourgs, arrêter la construction de lotissements consommateurs de terres agricoles. Le centre-bourg doit être réinventé. En 2030, la France comptera 71 millions d'habitants. C'est dire que l'espace devra être consommé autrement. Nous avons les Scot et les PLU, mais nous devrons avoir des schémas d'occupation agricole de l'espace, pour protéger les terres agricoles.

Je crois en l'avenir du monde rural. Il faut penser à la fois l'urbain et le rural, nous appuyer sur les intercommunalités et les bourgs, revoir les dotations, encourager les activités économiques et l'agriculture, essentielle pour relever les défis de l'alimentation et de l'environnement. C'est un beau projet, nous y reviendrons bientôt. (Applaudissements à gauche)

La séance est suspendue à 17 h 05.

présidence de M. Jean-Pierre Bel

La séance reprend à 17 h 10.