Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Mise au point au sujet d'un vote

M. David Assouline

Conférence des présidents

Enseignement supérieur et recherche (Procédure accélérée)

Discussion générale

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Mme Dominique Gillot, rapporteure de la commission de la culture

Mme Valérie Létard, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques

Mme Françoise Laborde, rapporteure de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Mme Corinne Bouchoux

Hommage à une délégation égyptienne

Enseignement supérieur et recherche (Procédure accélérée - Suite)

Discussion générale (Suite)

M. Philippe Adnot

Mme Sophie Primas

Mme Brigitte Gonthier-Maurin

M. Jean-Pierre Chevènement

M. David Assouline

M. Jean-Léonce Dupont

M. André Gattolin

M. Jacques Legendre

M. Jacques Chiron

M. Gérard Roche

Mme Esther Benbassa

M. Ambroise Dupont

M. Jacques-Bernard Magner

M. René-Paul Savary

M. Jean-Jacques Mirassou

Mme Colette Mélot

M. Jean-Étienne Antoinette

M. Michel Berson

Mme Geneviève Fioraso, ministre

Débat préalable au Conseil européen des 27 et 28 juin

Orateurs inscrits

M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes

M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances

M. Jean Bizet.

M. Michel Billout

M. Aymeri de Montesquiou

M. Jean-Claude Requier

M. André Gattolin

M. Richard Yung

M. Thierry Repentin, ministre délégué

Débat interactif

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx

M. Yvon Collin

Mme Claudine Lepage

M. Michel Billout

M. Jean-Pierre Chauveau

M. Yannick Vaugrenard

M. Aymeri de Montesquiou

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances




SÉANCE

du mercredi 19 juin 2013

117e séance de la session ordinaire 2012-2013

présidence de M. Jean-Pierre Raffarin,vice-président

Secrétaires : M. Jean Desessard, M. Hubert Falco.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Mise au point au sujet d'un vote

M. David Assouline .  - Sur le projet de loi relatif à l'élection des sénateurs, Gaëtan Gorce a été porté comme votant pour alors qu'il voulait s'abstenir.

M. le président.  - Acte vous en est donné.

Conférence des présidents

M. le président.  - Je vais vous donner lecture des conclusions de la conférence des présidents.

Semaines réservées par priorité au Gouvernement

MERCREDI 19 JUIN 2013

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

A 14 h 30 :

1°) Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche.

A 21 h 30 :

2°) Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 27 et 28 juin 2013.

JEUDI 20 JUIN 2013

A 9 h 30 :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

1°) Suite du projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche.

A 15 heures :

2°) Questions d'actualité au Gouvernement.

A 16 h 15 et le soir :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

3°) Suite de l'ordre du jour du matin

VENDREDI 21 JUIN 2013

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

A 9 h 30, à 14 h 30, le soir et la nuit :

- Suite du projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche.

LUNDI 24 JUIN 2013

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

A 15 heures et le soir :

- Suite du projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche.

MARDI 25 JUIN 2013 (jour supplémentaire de séance)

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

A 14 h 30 :

1°) Projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume hachémite de Jordanie.

2°) Projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume hachémite de Jordanie.

3°) Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l'approbation du protocole d'amendement de la Convention entre le gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relative à l'extension en territoire français du domaine de l'Organisation européenne pour la recherche nucléaire conclue le 13 septembre 1965.

4°) Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française, le Conseil fédéral suisse et l'Organisation européenne pour la recherche nucléaire sur le droit applicable aux entreprises intervenant sur le domaine de l'Organisation afin d'y réaliser des prestations de services revêtant un caractère transnational.

5°) Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la Principauté de Monaco relatif à la prise en charge sur le territoire français de déchets radioactifs monégasques.

6°) Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume de Norvège sur l'enseignement dispensé en France aux élèves norvégiens et le fonctionnement des sections norvégiennes établies dans les académies de Rouen, Caen et Lyon.

7°) Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord de sécurité sociale sous forme d'échange de lettres entre le gouvernement de la République française et l'Organisation internationale pour l'énergie de fusion en vue de la mise en oeuvre conjointe du projet Iter.

8°) Deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République.

A 21 h 30 :

9°) Débat sur le bilan annuel de l'application des lois (demande de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois).

MERCREDI 26 JUIN 2013 (jour supplémentaire de séance)

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

A 15 heures et le soir :

1°) Suite éventuelle de la deuxième lecture du projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République.

2°) Deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, de séparation et de régulation des activités bancaires.

JEUDI 27 JUIN 2013 (jour supplémentaire de séance)

A 9 h 30 :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

1°) Suite de l'ordre du jour de la veille.

2°) Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine du développement durable.

De 15 heures à 15 h 45 :

3°) Questions cribles thématiques sur la situation des caisses d'allocations familiales.

A 16 heures et le soir :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

4°) Suite de l'ordre du jour du matin.

5°) Sous réserve de sa transmission, nouvelle lecture du projet de loi relatif à la représentation des Français établis hors de France.

SESSION EXTRAORDINAIRE 2012-2013

MARDI 2 JUILLET 2013

A 14 h 30 et le soir :

1°) Ouverture de la session extraordinaire 2012-2013.

2°) Discours de M. le Président du Sénat.

3°) Débat sur la réforme de la politique agricole commune. (PAC)

4°) Projet de loi portant application du protocole additionnel à l'accord entre la France, la Communauté européenne de l'énergie atomique et l'Agence internationale de l'énergie atomique relatif à l'application de garanties en France, signé à Vienne le 22 septembre 1998.

5°) Projet de loi autorisant l'approbation des amendements des annexes II et III à la convention Ospar pour la protection du milieu marin de l'Atlantique du Nord-Est relatifs au stockage des flux de dioxyde de carbone dans des structures géologiques.

MERCREDI 3 JUILLET 2013

A 14 h 30 et le soir :

1°) Projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature.

2°) Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif aux attributions du garde des sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et d'action publique.

JEUDI 4 JUILLET 2013

A 9 h 30 :

1°) Suite de l'ordre du jour de la veille.

A 15 heures :

2°) Questions d'actualité au Gouvernement.

A 16 h 15 et le soir :

3°) Sous réserve de sa transmission, projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2012 (procédure accélérée).

4°) Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur l'orientation des finances publiques

5°) Suite éventuelle de l'ordre du jour du matin.

Éventuellement, VENDREDI 5 JUILLET 2013

A 9 h 30, à 14 h 30 et le soir :

- Suite du projet de loi relatif aux attributions du garde des sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et d'action publique.

MARDI 9 JUILLET 2013

A 9 h 30 :

1°) Questions orales.

A 14 h 30 et le soir :

2°) Sous réserve de leur transmission, projet de loi organique relatif à la transparence de la vie publique (procédure accélérée) et projet de loi relatif à la transparence de la vie publique (procédure accélérée).

MERCREDI 10 JUILLET 2013

A 14 h 30 et le soir :

- Suite du projet de loi organique et du projet de loi relatifs à la transparence de la vie publique.

JEUDI 11 JUILLET 2013

A 9 h 30, à14 h 30 et le soir :

- Suite du projet de loi organique et du projet de loi relatifs à la transparence de la vie publique.

LUNDI 15 JUILLET 2013

A 16 heures et, éventuellement, le soir :

- Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche.

MARDI 16 JUILLET 2013

A 14 h 30 et le soir :

1°) Sous réserve de sa transmission, deuxième lecture du projet de loi constitutionnelle portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature.

2°) Sous réserve de sa transmission, deuxième lecture du projet de loi relatif aux attributions du garde des sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et d'action publique.

MERCREDI 17 JUILLET 2013

A 14 h 30 et le soir :

- Sous réserve de leur transmission, projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière (procédure accélérée) et projet de loi organique relatif au procureur de la République financier (procédure accélérée).

JEUDI 18 JUILLET 2013

A 9 h 30 :

1°) Suite de l'ordre du jour de la veille.

2°) Projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l'administration et les citoyens (procédure accélérée).

A 15 heures :

3°) Questions d'actualité au Gouvernement.

A 16 h 15 et le soir :

4°) Suite de l'ordre du jour du matin.

MARDI 23 JUILLET 2013

A 9 h 30 :

1°) Questions orales.

A 14 h 30 et le soir :

2°) Sous réserve de leur dépôt, projet de loi organique portant actualisation de la loi n°99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie et projet de loi portant diverses dispositions relatives aux outre-mer.

MERCREDI 24 JUILLET 2013

A 14 h 30 et le soir :

1°) Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative au fonctionnement des réseaux de soins créés par les mutuelles et aux modalités de mise en oeuvre des conventions conclues entre les organismes de protection sociale complémentaire et les professionnels de santé.

2°) Sous réserve de son dépôt et de sa transmission, projet de loi relatif à l'arrêté d'admission en qualité de pupille de l'État.

3°) Sous réserve de sa transmission, proposition de loi relative à l'élection des conseillers de Paris, présentée par M. Jean-Jacques Urvoas.

JEUDI 25 JUILLET 2013

A 9 h 30, à14 h 30 et le soir :

1°) Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord-cadre entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la région wallonne du royaume de Belgique sur l'accueil des personnes handicapées.

2°) Sous réserve de son dépôt, projet de loi autorisation la ratification de l'accord-cadre entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et la République de Corée, d'autre part, signé à Bruxelles le 10 mai 2010.

3°) Sous réserve de son dépôt, projet de loi autorisant la ratification de l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et la République de Corée, d'autre part

4°) Navettes diverses.

M. Patrice Gélard.  - Je croyais que les travaux du Sénat se déroulaient normalement les mardi, mercredi et jeudi et exceptionnellement les lundi et vendredi. Là, nous dépassons les bornes. L'ordre du jour de la session extraordinaire est extravagant. (« Très bien ! » et applaudissements à droite)

M. David Assouline.  - Il faut réformer, et vite, les Français attendent.

L'ordre du jour est ainsi réglé.

Enseignement supérieur et recherche (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche.

Discussion générale

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Le prestige d'une nation, son rayonnement, sa place dans le monde, sa capacité à se projeter vers l'avenir se mesurent à l'aune de la performance de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Telle est l'ambition de ce projet de loi, qui fait le pari de la compétitivité et de la dynamisation de l'enseignement supérieur et de la recherche dans un monde en mutation, pour relever les défis du présent et de l'avenir. L'enseignement supérieur est la meilleure arme anti-crise. Nous participons au redressement national et nous préparons l'après-crise. L'enseignement supérieur et la recherche sont élevés au rang de priorités nationales dans les pays développés mais tout autant dans les pays émergents. Dans un monde qui bouge vite, nous devons savoir nous adapter, et parfois nous remettre en cause.

Les objectifs fixés à Lisbonne il y a dix ans -consacrer 3 % du PIB à la R & D et atteindre 50 % de diplômés de l'enseignement supérieur par génération- ne sont pas atteints. Alors que l'Allemagne, les États-Unis, le Japon ont atteint les 3 % et que la Corée, à 4,3 %, vise les 7 %, nous en restons à 2,2 %.

La part que nous consacrons à l'enseignement supérieur et à la recherche dans le PIB est insuffisante. Dans un contexte international qui évolue rapidement, il était important de réformer l'université pour qu'elle redevienne un atout pour l'avenir. La France est distancée. Si nous partageons certains objectifs de la LRU de 2007, six ans de recul ont été mis en évidence par les Assises, le rapport de Jean-Yves Le Déaut et le bilan tiré par votre commission pour le contrôle de l'application des lois notamment.

L'échec en licence, la frénésie d'appels d'offres qui s'est abattue sur les chercheurs et les enseignants -avec son cortège d'effets pervers, la complexification qui fait parler d'un mikado ou millefeuille administratif, l'affaiblissement de la collégialité au profit d'une gouvernance trop centralisée, le choix idéologique du « tout-PPP », alors qu'aucune première pierre n'a été posée en dépit des études lancées, les impasses budgétaires dans nombre d'établissements nous contraignaient à agir.

Cette loi d'orientation fixe un cap ambitieux, quantitatif, concernant 50 % d'une classe d'âge, et qualitatif. De nombreux débats, auditions et consultations l'ont précédée, dressant un état des lieux partagé. On ne réforme pas contre la communauté académique ni en s'attaquant au service public de la recherche, comme ce fut le cas de certains discours de janvier 2009... (M. Philippe Bas proteste)

C'est une loi d'orientation de l'enseignement supérieur et de la recherche -une première !-, qu'elle ouvre sur la société car l'avenir des jeunes en dépend. Tout en maintenant des continuités, elle rééquilibre et change ce qui doit l'être.

L'autonomie, initiée par Edgar Faure et Alain Savary, est un outil précieux, qui implique une double responsabilité, celle de l'État stratège et des établissements eux-mêmes. Il fallait revenir à la collégialité.

Pour les regroupements d'université, une stratégie coordonnée par toutes les composantes académiques s'imposait. Il y a changement dans le rôle de l'Etat qui de démissionnaire redevient stratège.

La loi combine la dynamique territoriale et celle de l'État stratège, rompant avec l'opposition stérile entre recherche fondamentale et innovation. C'est la clé de la création d'emplois.

M. Bruno Sido.  - Absolument.

Mme Geneviève Fioraso, ministre.  - C'est pourquoi j'ai tenu à inscrire le transfert dans les missions du service public. Notre pays doit se maintenir dans le peloton de tête des grandes nations.

Les 730 millions d'euros du plan Réussite étudiants n'ont pas suffi à assurer un rattrapage avec l'Allemagne. Nous créons 1 000 postes par an, ce qui représente un effort considérable dans le contexte budgétaire actuel, car nous croyons qu'il est essentiel de renforcer l'encadrement des étudiants.

Alors que le chômage des jeunes atteint 25 %, nous devons plus que jamais leur donner les moyens de réussir à l'université. Ce sont les jeunes les plus modestes qui peinent le plus à trouver un emploi.

Notre objectif est de porter de 37 % actuellement à 50 % la proportion d'une classe d'âge qui atteint les études supérieures. Et le choix d'un parcours universitaire ne doit pas se faire par défaut : la clé de la réussite est une orientation choisie et non subie.

D'où les dispositions proposées sur les bacs technologiques et professionnels dont la spécificité devrait être prise en compte. Les filières professionnelles et technologiques doivent comporter des passerelles. C'est ainsi que l'on formera les ingénieurs et les techniciens de demain, dont nous avons tant besoin. Au Bourget, j'ai entendu les difficultés de la filière aéronautique à recruter du personnel qualifié.

Il faut aussi préparer les lycéens à la réussite en licence. Le dispositif bac -3/+3 est déjà engagé avec l'éducation nationale. Adaptons notre offre aux jeunes qui sont confrontés, à la sortie du baccalauréat, à une myriade de plus de 10 000 offres de formations, au point qu'a émergé un nouveau métier, celui de « coach privé » en orientation ! (Mme Sophie Primas s'exclame)

Il faut aider les étudiants à définir leur projet professionnel. L'article 22 propose une expérimentation qui réduira le taux d'échec grâce à une réorientation précoce et aidera à diversifier les recrutements depuis les licences. Nous sommes les seuls au monde à sélectionner de façon aussi rigide nos futurs médecins.

La simplification et la lisibilité de l'offre de formation doivent être améliorées. Cela passe par une accréditation et une nomenclature simplifiées, qui ne se feront pas au détriment des matières rares.

Enseigner s'apprend. Les ESPE y pourvoiront. L'innovation pédagogique sera privilégiée. Le Québec nous montre la voie en la matière. Le numérique a un rôle essentiel à jouer. Les articles 6 et 7 portent sur l'obligation de rendre numériques les enseignements qui y sont adaptés.

L'insertion professionnelle des étudiants doit être traitée avec le même soin que les autres missions de l'enseignement supérieur et de la recherche. Elle sera assurée par les stages que ce projet de loi entend développer dès le premier cycle, avec un encadrement renforcé qui favorisera le lien entre les universités et leur environnement.

Le budget de la vie étudiante a été revalorisé de 7,7 % dès notre arrivée. L'offre de logements a été augmentée. L'engagement présidentiel de 40 000 logements supplémentaires en cinq ans sera tenu.

La réussite étudiante est notre première priorité, notre ambition pour la recherche, pour le redressement de la France, la seconde.

La marche en avant des filières qui embauchent est liée à la qualité de notre recherche publique, reconnue et enviée de par le monde. Il nous faut donc protéger notre recherche dans sa diversité, préserver ce patrimoine collectif.

L'État doit reprendre la maîtrise de la programmation et de l'orientation de recherche. Soyons fiers de nos prix Nobel, de nos médailles Fields, des succès de notre recherche. Mais nous ne sommes qu'au vingt-deuxième rang mondial pour l'innovation.

Ce projet de loi définit un agenda stratégique de la recherche. L'ANR s'était improvisée programmatrice de la recherche en France. Les États-Unis, le Japon et d'autres pays ont adopté des démarches volontaristes qui doivent nous inspirer.

J'ai demandé par anticipation aux cinq grandes alliances pour la santé, l'environnement, le numérique, l'environnement et les sciences de l'homme que soient formulés des axes de recherche pour relever les grands défis de notre pays d'ici à la fin de l'année. Le conseil stratégique de la recherche coordonnera cet agenda stratégique, harmonisé avec le programme européen, à l'horizon 2020 ; une évaluation régulière sera effectuée en relation avec l'Office parlementaire.

Il n'est pas question pour autant de se fonder sur une conception utilitariste de la recherche. Le CNRS reste le premier organisme publiant des recherches au monde. Il doit être préservé. Notre faiblesse, c'est le transfert de l'invention à l'innovation qui fait la force de l'Allemagne. L'innovation est à la source de 80 % des emplois créés en Europe.

La loi de 1999 sur l'innovation, votée à l'unanimité, doit être complétée. Je propose d'inscrire le transfert dans les misions de service public de la recherche chaque fois que cela est possible. La notion de transfert pourra être élargie et précisée au cours de notre débat, j'y suis favorable.

Pour susciter des vocations, trop rares aujourd'hui, le doctorat doit être revalorisé. Des négociations sont en cours avec les branches professionnelles à ce sujet. L'État doit donner l'exemple. Ce projet de loi reconnaît le doctorat dans toutes les grilles de la fonction publique.

Cette loi n'est pas de programmation mais notre politique ne fait pas l'impasse sur les moyens, grâce aux engagements présidentiels déjà traduits dans la loi de refondation de l'école de la République.

Un agenda social a été mis en place pour résorber la précarité grandissante dans les métiers de la recherche.

Enfin, la loi veut encourager l'ouverture à l'international. L'avenir de 6 millions de jeunes, futurs décideurs, est en jeu.

L'organisation de l'enseignement en langue étrangère dans les universités a fait couler beaucoup d'encre. Nous voulons accueillir les jeunes du monde qui, de francophiles, pourront devenir francophones. La maîtrise du français ne sera pas un préalable à leur venue mais continuera d'être exigée pour l'obtention d'un diplôme. Les grandes écoles ont bien compris l'intérêt de dispenser certaines formations en anglais, mesure qui a fait couler beaucoup d'encre mais ne remet en cause aucun fondement de notre enseignement. Elle peut, au contraire, favoriser le rayonnement de notre culture.

Ce projet de loi incarne un nouvel élan pour l'enseignement supérieur et la recherche de notre pays. Oui, notre monde en mutation entraîne des changements, des défis inédits ; le Gouvernement a engagé le redressement national pour y faire face ; ce projet de loi y participe, pour construire une société de progrès, fondé sur la formation et la recherche et les valeurs d'universalité et d'humanisme. (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE ; M. Bruno Sido applaudit aussi)

Mme Dominique Gillot, rapporteure de la commission de la culture .  - Depuis le milieu des années 80, le législateur s'est attaché à relever les défis scientifiques, technologiques, sociétaux de notre temps. Pour la première fois, nous somme saisis d'un texte qui lie enseignement supérieur et recherche pour nourrir la compétitivité de la Nation. L'enseignement supérieur et la recherche sont indissociables en effet et l'université est la seule institution à lier excellence pédagogique et excellence scientifique. Elle forme aux métiers d'aujourd'hui et prépare aux métiers de demain.

Ce projet de loi vise à l'avènement d'une société plus inclusive, en faisant de la réussite de tous les étudiants un objectif prioritaire, en cohérence avec le projet de loi pour la refondation de l'école, qui exprime la même ambition. Comme constaté avec Ambroise Dupont, la LRU pêche par de nombreux dysfonctionnements.

Il fallait renforcer la gouvernance collégiale par la création d'un conseil académique au sein des établissements universitaires, à côté du conseil d'administration, dont la vocation stratégique est confortée L'État est le garant de l'intérêt général et de l'accès de tous les étudiants à un service public de qualité sur tout le territoire.

En cohérence avec le renforcement du cadrage national, une coordination de l'offre de formation et de recherche académique, ainsi qu'inter-académique, sera opérée tandis qu'en sera renforcée la lisibilité à l'égard des partenaires.

Notre commission a adopté des amendements aux premiers articles du projet de loi, pour redéfinir le transfert comme valorisation des résultats de la recherche au service de la société. Nous avons intégré dans les missions de l'enseignement supérieur et de la recherche l'encouragement et la participation à la recherche, en introduisant une référence à la culture scientifique, technique et industrielle à inscrire dans le code de l'éducation.

Plusieurs amendements de la commission font de l'amélioration de la vie étudiante une priorité. Le réseau des oeuvres universitaires fera la synthèse des besoins en la matière, qui sera transmise à l'État et aux collectivités locales.

Attentive et respectueuse des travaux de la CPU, notre commission a conforté la situation des personnels et étudiants en situation de handicap au sein de l'université, qui deviendra ainsi plus inclusive.

La résorption de l'emploi précaire sera incluse dans le bilan social annuel.

Malgré les affichages ambitieux du plan Réussite en licence, les résultats se sont dégradés. Il fallait réaffirmer la continuité entre le dernier cycle du second degré et le premier cycle universitaire. L'enseignement au lycée doit préparer au passage dans le supérieur et l'enseignement supérieur doit s'intéresser au devenir des lycéens.

Notre commission a voulu optimiser les chances de réussite de chacun, en généralisant le principe de double inscription à l'université des étudiants de STS et de classes préparatoires.

Nous avons également voulu favoriser la préparation aux concours d'accès à la fonction publique au sein de l'université. L'alternance doit être également encouragée. Une spécialisation précoce n'est pas souhaitable, face aux évolutions rapides du monde du travail.

Tout ne dépend pas de la loi. Dans les universités se développent des dispositifs innovants de prise en charge des étudiants nouveaux arrivants. Un semestre « nouveau départ » est souvent proposé avant d'entreprendre un nouveau cursus.

Le rôle de sachant de l'enseignant doit évoluer. C'est une révolution pédagogique qui s'annonce. Le Gouvernement prévoit de nouvelles expérimentations des modalités d'accès aux études médicales, avec une réorientation précoce pour les étudiants de niveau insuffisant ou des admissions directes en seconde ou troisième années d'autres domaines des sciences ou de la santé, dispositions qui pourraient être étendues à d'autres filières.

Le doctorat doit être consacré comme une formation à la recherche et par la recherche, constituant une première expérience professionnelle.

La procédure d'habilitation à délivrer des diplômes est remplacée par une procédure d'accréditation. L'autonomie pédagogique des établissements est renforcée, l'offre de formation rendue plus lisible. Le régime en vigueur des diplômes et grades n'est en rien modifié. Dans les établissements privés, l'accréditation ne pourra valoir que pour les grades.

Repensant aux préoccupations exprimées lors des auditions sur la gouvernance, nous avons décidé d'augmenter le nombre de personnalités extérieures pour garantir plus d'assiduité. Outre des représentants du monde socio-économique, le conseil comptera un représentant du secondaire, pour assurer la continuité. Pour éviter le millefeuille hérité de la loi Goulard, trois modalités de regroupement sont proposées : travaux, participation ou association. L'article 38 a été modifié pour garantir qu'au moins la moitié des représentants seront élus au suffrage universel. Nous avons également voulu renforcer le caractère confédéral de l'association, en s'assurant que chacun aura le même poids dans la décision.

Pour la recherche, nous avons introduit le principe d'une évaluation par l'Opects, qui dispose de pouvoirs étendus. Initialement, le projet prévoyait que les entreprises partenaires de la recherche publique devraient s'engager à exploiter le brevet sur le territoire de l'Union européenne. Mais les acteurs s'en sont émus : nous prévoyons de n'exiger qu'une exploitation au moins partielle sur le territoire de l'Union européenne.

Les systèmes d'assurance-qualité sont, en Europe, très variés. En Basse-Saxe, par exemple, évaluations externe et interne sont combinées.

La mise en place d'un Haut conseil de l'évaluation s'inscrit dans la continuité des efforts de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur en respectant, dans l'évaluation, le principe du contradictoire. Pour remédier aux tristes effets de la circulaire Guéant, enfin, notre commission a adopté des dispositions relatives à l'accueil des étudiants étrangers.

Ce texte est certes technique mais c'est qu'il traite de sujets complexes et multiples. La demande est forte, de transparence et de sécurité budgétaire, pour faire servir l'université et la recherche à la dynamique nationale, à la réussite étudiante, à la qualité de vie professionnelle des enseignants et des chercheurs. Tout ne se résume pas aux moyens. La dispersion des forces, aggravée par la politique menée ces dernières années (protestations à droite), n'a pas arrangé les choses.

Dans un monde en mutation, il faut chercher de nouveaux savoirs plutôt que reproduire, pour développer un projet de société fort, démocratique, fondé sur l'évolution et le partage de la connaissance. Je vous engage à souscrire à ce projet pour une université du XXIe siècle. (Applaudissements à gauche)

Mme Valérie Létard, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques .  - Notre commission des affaires économiques s'est saisie de ce texte pour avis, se penchant plus particulièrement sur les volets gouvernance, recherche et transfert.

Notre recherche, une des meilleures au monde, est bridée par l'excès de bureaucratie et elle peine à établir des liens avec l'entreprise. Le mikado institutionnel qui la caractérise, les tâches bureaucratiques qui étouffent les chercheurs les empêchent de soumissionner aux appels d'offre passés par l'Union, si bien que notre taux de retour a reculé d'un tiers depuis 2007. Nous donnons deux fois plus à l'Union européenne que nous ne recevons au titre de la recherche.

Or, votre projet, madame la ministre, ne lève pas les obstacles. Comment mieux tirer partie des financements européens ? Trop dispersée et mal connectée avec l'Union européenne, notre recherche souffre d'un « pilotage des moyens défaillant » comme dit la Cour des comptes, et l'État ne remplit pas son rôle de stratège, tandis que les PRES sont d'efficacité variable. L'évaluation laisse à désirer, même si la présidence de l'Aeres l'a fait progresser.

Nous nous occupons, surtout, trop peu des retombées économiques de la recherche, en dépit des instruments mis en place pour établir des ponts. Comme le relève encore la Cour des comptes, la France est « bonne en recherche » mais « nettement plus faible en innovation ». De ce point de vue, elle est un pays suiveur, à la 24e place mondiale.

Louis Gallois nous l'a rappelé en commission, une grande partie des 35 milliards du programme d'investissements d'avenir sont consacrés à la recherche, or cela n'apparaît pas dans ce projet de loi. Réduire le financement de l'Agence nationale de la recherche, comme le prévoit la programmation triennale 2013-2015, affectera le dynamisme des équipes. Quelles évolutions de plus long terme, madame la ministre, pour cette structure essentielle dans notre paysage ?

Sur la gouvernance, vous auriez pu étendre votre politique de rénovation à la question des transferts. Parmi les collectivités territoriales, il n'y a pas que les régions qui contribuent beaucoup à la recherche, c'est aussi le cas des intercommunalités ; il faut mieux les associer.

Pourquoi mettre à bas les PRES pour les remplacer pour quelque chose de très proche, les « communautés d'universités et d'établissements » ? Je vous proposerai de renforcer l'aspect confédéral et de donner plus de souplesse à l'association. Pour l'évaluation, vous remplacez l'Aeres par un HCERCS. Démarche incohérente, qui retardera les évaluations à venir alors que l'Aeres est en voie de réforme. (M. Jacques Legendre le confirme)

Plusieurs articles, sur le transfert, restent déclaratoires. La seule mesure opérationnelle est celle prévue par l'article 55, sur la valorisation des brevets. Or elle pose problème, quand bien même son but est fort louable, car elle contrevient au droit communautaire et à celui de l'OMC. En outre, elle serait contreproductive puisque 80 % des entreprises qui licencient nos brevets sont des entreprises de taille intermédiaire ou de grandes entreprises établies hors Union européenne.

Je vous proposerai, sur l'initiative du président Raoul, de ratifier le brevet unitaire ainsi que d'étendre le bénéfice des contrats de travail à durée déterminée à objet défini pour une période d'un an, qui doit normalement s'arrêter au 26 juin prochain.

Ce texte laisse une impression mitigée. Il comporte quelques avancées indéniables et il a été enrichi par les députés, qui ont conforté le statut des jeunes chercheurs auprès des entreprises et de la haute administration. Mais il s'en tient trop souvent à des retouches cosmétiques. C'est pourquoi je vous proposerai des amendements, travaillés en lien étroit avec Mme Gillot, qui a fait un travail sérieux et constructif, pour améliorer le volet recherche de ce texte et aller dans le sens du rapport Gallois.

Nos chercheurs pourraient contribuer davantage, demain, à créer de la valeur ajoutée et de l'emploi. Cela n'est pas antinomique avec le souhait qui est le nôtre de soutenir la recherche fondamentale. Ma position dépendra du sort qui sera fait à nos amendements en séance publique. Je demeure optimiste ! (Applaudissements)

Mme Françoise Laborde, rapporteure de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.   - La délégation aux droits des femmes s'est attachée à la contribution de ce texte à l'amélioration de la place des femmes dans les études. La réussite scolaire des filles, qui effectuent de meilleurs parcours scolaires, secondaires et supérieurs, se solde par des choix d'orientation moins porteurs que ceux des garçons et qui aboutissent à des parcours professionnels moins brillants et moins rémunérateurs. En 2011, elles étaient 57 % à l'université, mais seulement 42 % des doctorants, 22 % des professeurs, et 15 % des présidents d'université. Solidité du plafond de verre.

Ce texte procède à un rééquilibrage dans la gouvernance de l'enseignement supérieur, et nous l'approuvons. Le CNESR, le HCER et le HCSR assureront une meilleure participation des femmes à la gouvernance. Mais l'obligation de parité doit aussi s'appliquer au conseil scientifique assistant le CSR.

La parité sera favorisée, dans les conseils des universités, par l'obligation de constituer des listes alternées : c'est une avancée, même si l'on peut craindre que les têtes de liste restent masculines. L'Assemblée nationale a modifié les conditions du scrutin selon une double modalité sur laquelle nous ne reviendrons pas, l'une compensant l'autre.

Nous approuvons l'article 28, qui prévoit une composition paritaire de la section du conseil académique compétente pour les questions individuelles. Cela ne doit pas s'arrêter dès qu'il s'agit des professeurs d'université. Nous y reviendrons par amendement.

Les obligations relatives à la parité ne concernent pas les écoles d'architecture, de santé publique, d'enseignement artistique parce que ces établissements relèvent d'autres tutelles ministérielles. Il faudra peser de tout votre poids, madame la ministre, pour qu'elles s'appliquent.

Aucune disposition n'est prévue pour la parité dans les conseils scientifiques et de recherche, où s'applique le droit commun, notamment les dispositions de la loi Sauvadet du 12 mars 2012 relatives aux Epic. Il faudra s'assurer de leur application effective.

Le service public de l'enseignement supérieur devra participer à la lutte contre les stéréotypes, y compris en direction des enseignants-chercheurs. Les dérogations à la règle de 40 % des personnes de chaque sexe dans les jurys devront être strictement encadrées. Les établissements devraient également étendre les plans d'action pour l'égalité.

Nous formulons deux recommandations relatives au congé de maternité et au congé pour recherche. Un soutien particulier doit bénéficier au filles s'orientant vers les filières majoritairement masculines. Le harcèlement sexuel, plus fréquent que l'on ne croit dans l'enseignement supérieur...

M. Roland Courteau.  - Eh oui !

Mme Françoise Laborde, rapporteure pour avis.  - ...justifie une politique de prévention. Le jugement de ces affaires devrait être systématiquement dépaysé.

Enseignement supérieur et recherche doivent être exemplaires et contribuer à une société plus respectueuse de l'égalité entre les femmes et les hommes. (Applaudissements)

Mme Corinne Bouchoux .  - La LRU a ouvert le chantier d'une nouvelle autonomie des universités qui, conjugué à la loi Goulard, a bouleversé les modes de pilotage. Mais le niveau général de nos étudiants et la réussite de tous n'en ont pas été favorisés et le système reste dual et injuste : classes préparatoires pour les uns, choix de l'université par défaut pour les autres.

Ce projet reste trop timide. Les cinq fois mille postes sont virtuelles : tous ne seront pas pourvus. A force de vouloir satisfaire chacun, on risque de mécontenter tout le monde.

La nouvelle mission de transfert rompt avec notre vision de l'enseignement supérieur et de la recherche. Alors que les budgets sont en baisse, cela se fera au détriment de la réussite des étudiants, qui est la vraie priorité ! Quel étudiant de master se risquera, demain, à engager une thèse alors que nous avons cruellement besoin de docteurs ?

Les sciences humaines et sociales n'ont droit qu'à la portion congrue. La gouvernance, enfin, reste un sujet d'inquiétude. Les écologistes sont partisans d'une université fédérale. Au lieu de quoi vous privilégiez un système à l'américaine qui ni ne favorise l'aménagement du territoire ni ne rassure les personnels. Ces associations risquent fort d'être des mariages forcés.

Le HCRES ressemble par trop à l'Aeres et la pression à l'évaluation permanente demeure. Trop d'évaluation tue l'évaluation, et les humains avec. Nous demandons un vrai changement sur ce point. Il faudra aussi revoir la place des élus dans cette nouvelle instance.

Ce texte accorde trop de place à la valorisation économique. Les écologistes plaident pour une réorientation du CICE vers l'université. Ce texte n'est hélas pas à la hauteur des enjeux. (Applaudissements sur les bancs écologistes et CRC, ainsi que sur quelques bancs UMP)

Hommage à une délégation égyptienne

M. le président.  - (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent) J'ai le plaisir de saluer en votre nom la présence, dans notre tribune d'honneur, d'une délégation de sénateurs d'Égypte, conduite par M. Mohamed Tossom, président de la commission législative.

Cette délégation a déjeuné avec nos collègues du groupe interparlementaire d'amitié France-Égypte, sous la présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, la présidente de ce groupe. Ils ont poursuivi leurs échanges avec elle avant de nous rejoindre en séance. Puis ils rencontreront Mme Bariza Khiari, vice-présidente du Sénat.

Nous sommes heureux de saluer des représentants de la Haute Assemblée égyptienne, la Choura, venus à Paris pour une visite d'études d'une semaine. Nous formons le voeu que cette visite leur sera profitable et leur souhaitons la bienvenue au Sénat. (Applaudissements)

Enseignement supérieur et recherche (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - Nous reprenons la discussion générale du projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche.

Discussion générale (Suite)

M. le président.  - Je salue le premier orateur masculin de ce débat. (Sourires)

M. Philippe Adnot .  - Eh oui, la parité n'est pas intégrale ni hégémonique, je m'en félicite. (Applaudissements sur plusieurs bancs à droite ; exclamations à gauche) Je connais votre parcours, madame la ministre, qui mérite respect et sympathie. Pourtant, je reconnais, dans cette discussion, un malaise. Pas pour les cours en anglais, qui existent déjà et qui sont nécessaires, sachant qu'une parfaite connaissance du français doit rester exigée pour l'obtention de diplôme. (Applaudissements à droite)

Je ne vous accuserai pas de vouloir détruire la réforme précédente : dans certains domaines, vous reprenez et améliorez le rythme de ce qui a été engagé. Vous rêvez, comme Mme Pécresse, de faire des PRES des mastodontes. Je ne crois pas que la masse fasse la qualité. Les SATT, ces usines à gaz régionales, porteront-ils les fruits attendus ?

Je proposerai des amendements sur l'orientation, la gouvernance, leurs moyens. Orienter les bacs professionnels vers les IUT ne doit pas conduire à exclure les lauréats du bac général. Il faudra bien, un jour, pratiquer la sélection à l'entrée à l'université. (Applaudissements à droite)

Nous souscrivons aux dispositions relatives à la gouvernance mais il faudra clarifier le partage des moyens. Le système Sympa doit être enfin mis en oeuvre sur un périmètre élargi.

Un milliard de dotation sera nécessaire pour assurer le rattrapage des universités sous dotées. Il n'est pas normal que les frais d'inscription à l'université soient si bas, au regard de ce qui prévaut en Europe. Moins cher qu'un abonnement de téléphone !

Autre nécessité, faire évaluer notre recherche de manière indépendante, et non par auto-évaluation.

Puisse la discussion qui va suivre nous donner l'occasion de travailler sereinement à une université de qualité. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Sophie Primas .  - La LRU, adoptée il y a cinq ans, fut une réforme capitale. Le principe d'autonomie, affirmé par les lois de 1968 et 1984, était jusque là resté virtuel, les gouvernements successifs hésitant à affronter les corporatismes. La LRU s'y est attachée, en réformant la gouvernance. Les universités disposent de la maîtrise de leur budget, de leurs ressources humaines et peuvent choisir de gérer leur patrimoine. L'objectif a été tenu et a rapproché nos universités des standards internationaux. Des avancées spectaculaires que l'on ne peut nier. Pas plus que l'augmentation des moyens, sans précédent au cours d'un quinquennat traversé par une crise sans précédent. (Exclamations à gauche) Le président Sarkozy, M. Fillon, Mme Pécresse ont fait le choix de la jeunesse, de la recherche et de l'innovation comme ferment d'une dynamique pour notre pays. (Applaudissements à droite) Et que l'on ne vienne pas dire que les étudiants auraient été sacrifiés : bourses, plan Réussite en licence. (Les protestations fusent à gauche tandis qu'on le confirme à droite) Les chiffres sont les chiffres !

Si toutes les universités n'ont pas atteint leur rythme de croisière, la LRU a ouvert une ère de progrès. Je salue le rapport de Mme Gillot et M. Ambroise Dupont, qui ont relevé les points perfectibles. Les liens avec les lycées, avec les entreprises se sont améliorés. Cinq ans plus tard, on nous appelle à légiférer de nouveau. Mais ce texte, qui multiplie les verbiages et les déclarations d'intention, est fort décevant...

M. Jacques Legendre.  - Eh oui !

Mme Sophie Primas.  - Certes, il propose quelques avancées et aurait pu en apporter d'autres si nos amendements avaient été adoptés en commission. A contrario, il remet en cause des principes forts, notamment en matière de gouvernance. A quoi bon une concertation si, in fine, on n'écoute pas les acteurs ?

Une avancée historique qui lierait pour la première fois enseignement supérieur et recherche ? A la différence de la LRU, ce texte n'est pas une loi de programmation.

M. David Assouline.  - La loi Pécresse n'était pas une loi de programmation !

Mme Sophie Primas.  - Le groupe UMP est donc très réservé. Sur quatre points, nous proposerons des amendements.

La suppression des PRES au profit des communautés est malvenue : pourquoi repartir à zéro sans laisser aux établissements le choix, conformément au principe de l'autonomie ?

Ce texte fait cohabiter deux instances, au risque de susciter une dyarchie au sommet. Quelle plus-value apportera le conseil académique ? Le président du conseil d'administration devrait, au moins, être président du conseil académique.

Vous imposez des quotas aux IUT pour accueillir plus d'étudiants venus des voies technologique et professionnelle. Je comprends votre souci d'éviter l'échec dans l'orientation, alors que les IUT sont un formidable outil d'ascension sociale, mais ce n'est pas en les affaiblissant que l'on améliorera le système. Donnons aux universités les moyens budgétaires de se rapprocher du système qui prévaut dans les IUT.

La suppression de l'Aeres est toute politique. Cette institution a gagné sa renommée internationale, après une mise en place difficile. Elle a su évoluer et est désormais bien acceptée. Sa suppression serait une sanction injuste, qui ferait de surcroît perdre un temps précieux à l'évaluation. Nous voulons, enfin, ouvrir davantage l'université au monde de l'entreprise.

Améliorer le taux de réussite des jeunes passe par la sélection. Une sélection non punitive mais orientante. Plus de souplesse dans les parcours de formation serait également bienvenue.

Autant de sujets sur lesquels il faut avancer ensemble. Hélas, cette loi nous fait perdre du temps. Elle perturbe la gouvernance, éloigne les universités des réalités locales, met en danger les IUT, alors que la croissance et l'emploi passent par une université forte et attractive. Aussi présenterons-nous une motion de procédure. « Tout ce qui augmente la liberté augmente la responsabilité » disait Victor Hugo. Donnons aux universités la liberté. (Applaudissements à droite)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin .  - La recherche et l'enseignement supérieur sont des enjeux de civilisation. Il faut plus que jamais, face aux nouveaux défis d'un monde de plus en plus complexe, un enseignement supérieur et une recherche de qualité, qui donnent à notre pays les moyens de ne pas subir mais de comprendre et de maîtriser les évolutions. Ce qui impose de placer au premier plan de toute réforme le savoir et la connaissance.

La LRU de 2007 et le pacte de 2006 ont profondément déstructuré l'enseignement supérieur et la recherche, qui ont aujourd'hui besoin d'une véritable rupture. Les Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche ont révélé les immenses attentes des enseignants-chercheurs après dix ans de mépris et de méfiance, d'asservissement à des objectifs de compétitivité économique. Aujourd'hui, cependant, la déception prévaut. Ce projet de loi ne marque pas la rupture attendue, et pourtant indispensable. Les lois votées par la droite témoignaient d'une vision utilitariste, fondée sur les critères définis à Lisbonne, de l'université et de la recherche, qui devraient viser l'employabilité et la croissance avant toute chose. L'obsession économique privilégie la recherche appliquée au détriment de la recherche fondamentale, hiérarchise les savoirs, asservit la recherche publique aux intérêts privés. Nous ne l'acceptons pas.

La montée en puissance du CIR -5 milliards d'euros en 2012-, attribué principalement à de grandes entreprises, n'empêche pas Sanofi de fermer son centre de recherche en France. Quelle est son efficacité ?

Le grand emprunt a attribué des financements supplémentaires aux grands pôles et créé une dichotomie entre ceux-ci et les établissements de proximité, désormais délaissés alors qu'ils accueillent la majorité des étudiants. La LRU n'a pas fait émerger les espaces de coopération nécessaires sur les territoires, se bornant à empiler les dispositifs bureaucratiques ; l'autonomie a été réduite à l'autonomie budgétaire et de gestion des ressources humaines : elle a favorisé l'expansion de la précarité et la suppression de postes. Dix-neuf universités étaient en déficit fin 2012 et la moitié pourrait l'être l'an prochain. La LRU a confié aux établissements, en guise d'autonomie, le soin de mener la RGPP en leur sein. La LRU a aussi miné la démocratie universitaire, renforcé les pouvoirs du président au détriment des étudiants et du personnel non enseignant.

Comment ne pas conclure à un besoin urgent de rupture ?

Hélas, ce projet de loi s'inscrit dans la logique de la LRU et du pacte pour la recherche ; et il n'est pas une loi de programmation de moyens. La précarité doit pourtant être enrayée, ce qui exige une analyse de ses causes et des moyens supplémentaires. L'ANR, très contestée par la communauté scientifique, n'est même pas évoquée ; son intégration au sein de la Mires aurait été un signe fort. L'argument du manque de moyens pour lutter contre la précarité ne tient pas face aux 5 milliards d'euros du CIR, autant d'argent soustrait aux laboratoires publics au profit d'entreprises telles que Aventis, IBM, ou Sanofi qui n'en demandaient pas tant -et licencient.

La vision utilitariste perdure. Le texte fixe une nouvelle mission aux laboratoires et au personnel de l'université et de la recherche : le développement du transfert économique. Quels que soient les changements de rédaction adoptés en commission, le fond demeure : l'accent est mis sur l'amélioration de la compétitivité. Or la recherche doit avant tout poursuivre l'élévation du niveau des connaissances. La subordination à l'impératif économique conduit à privilégier la recherche appliquée et à marginaliser les sciences humaines et sociales.

Ce projet de loi s'accompagne d'une volonté de spécialisation régionale, voulue par Bruxelles. La coopération territoriale est rendue obligatoire. On s'éloigne ainsi d'un développement équilibré du territoire, avec des établissements de haut niveau au service de la population, au profit d'une concurrence entre établissements et entre régions. L'Aeres, dénoncée par la communauté scientifique, semble épargnée. L'évaluation est indispensable et doit être le fait des pairs, donc élus ; ce n'est pas le cas. Elle devrait viser l'amélioration du travail collectif de nos laboratoires et de nos chercheurs et non se résumer à un contrôle sur critères quantitatifs non représentatifs. Ce projet de loi substitue à la procédure d'habilitation des diplômes l'accréditation des établissements, qui semble porter davantage sur la capacité de mise en oeuvre que sur le contenu des formations. Est-ce la fin du monopole de délivrance des diplômes reconnu à l'État ?

L'enseignement supérieur et la recherche ont besoin d'une rupture claire -ce que porteront nos amendements. Nous voterons contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs CRC ainsi que sur plusieurs bancs à droite, M. Jean-Jacques Mirassou s'exclame)

M. Jean-Pierre Chevènement .  - Pour la première fois, un projet de loi définit une stratégie d'ensemble pour l'enseignement supérieur et la recherche. Je salue cette ambition qui répond aux défis lancés par les pays avancés, mais aussi par les pays émergents. Les vieux pays industrialisés n'ont plus le monopole de la science et de la technologie. C'est une situation radicalement nouvelle à laquelle la réponse ne peut être que budgétaire, même si je salue la sanctuarisation de ce budget. Cet effort accru doit être celui de tous, et d'abord celui de nos chercheurs et universitaires.

J'avais déjà constaté, en 1981-1982, le taux d'échec des étudiants et la trop faible valorisation des résultats de notre recherche. La recherche technologique -10 % des dépenses de recherche seulement- et le transfert sont nos points faibles. Ce sont des faits, et les faits sont têtus... Le Gouvernement exprime sa confiance à l'égard de la communauté universitaire et scientifique, salue l'excellence de notre recherche fondamentale. C'est bien, mais cela ne suffit pas.

Vous proposez un « livre de transfert » et la création de nouvelles plateformes de transfert technologique ; vous voulez que le titre de docteur soit reconnu dans les conventions collectives et les grilles de la fonction publique. C'est bien. A défaut d'y parvenir, le déséquilibre entre une recherche publique bien dotée et une recherche industrielle privée trop faible se perpétuera.

Il serait aussi souhaitable d'encourager des relations plus étroites entre la formation et la recherche. Dans la région de Belfort-Montbéliard, de grandes entreprises mondialisées sont implantées et un tissu industriel dense s'est développé. Une véritable stratégie nationale devrait comporter un contrat de site propre à la communauté d'universités et d'établissements de Bourgogne et de Franche-Comté, pour viser la création d'un pôle ingénierie dans le nord-est de la Franche-Comté.

Vous évoquez à juste titre l'État stratège, qui doit appliquer son effort non seulement aux métropoles mais aussi aux pôles industriels. Il devrait figurer dans le contrat de site comme dans le contrat de plan 2014-2020.

Vous avez parlé de démocratie et de collégialité. Mais les hommes sont les hommes ; ils ne sont pas à l'abri du corporatisme...

M. Jacques Mézard.  - Certes !

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Nous avons déposé un amendement pour dire que le président du conseil d'administration peut présider le conseil académique ou déléguer sa présidence. Je sais qu'il est de bon ton de fustiger l'autorité et le centralisme mais une diarchie n'est pas possible au sein des universités.

La présidence ne se partage pas, nous n'avons pas la tradition des universités anglo-saxonnes.

J'approuve l'objectif de 50 % d'une classe d'âge au niveau de la licence. Les bacs professionnels, que j'ai créés en 1985, n'ont pas pour objet principal de conduire à l'enseignement supérieur mais à former une main-d'oeuvre particulièrement qualifiée pour les entreprises.

M. Jacques Legendre.  - Tout à fait !

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Sans doute faudra-t-il multiplier les STS. Des quotas en IUT pour les bacheliers technologiques, pourquoi pas... Il faudra surtout renforcer la formation générale dans ces filières afin qu'un plus grand d'entre eux puissent poursuivre des études universitaires. Comment atteindre 50 % d'une classe d'âge à bac + 3 avec seulement 30 % de bacheliers généraux ? Il faut revoir cela avec M. Peillon.

Instaurer une plus grande continuité entre enseignement secondaire et enseignement supérieur va dans le bon sens ; vous avez raison aussi de parler de spécialisation progressive -nous avions autre fois les Ipes... La baisse du niveau scolaire nous incite à tout reprendre à la base. Il faut commencer par l'école, comme le propose le ministre de l'éducation nationale. L'alternance doit être développée, oui.

Si l'on veut refonder l'école de la République, il faut que nos futurs enseignants reçoivent des cours obligatoires de philosophie et d'histoire, pour transmettre à notre jeunesse l'histoire de notre République.

Sur l'enseignement en anglais, je relève une contradiction avec notre Constitution. Ne vous inscrivez pas dans la continuité du précédent gouvernement ! Il faut distinguer attractivité des universités et souci de défendre et de promouvoir notre langue. Comme le dit Fernand Braudel, l'identité de la France, c'est à 80 % sa langue.

La politique des visas est trop restrictive. Nous n'accueillons par exemple que 4 000 étudiants russes, sur 800 000 apprenant de français et un total de 7 millions d'étudiants -16 000 en Allemagne.

Accueillons davantage d'étudiants indiens, pakistanais ou bangladais ; les cours en anglais inverseront-ils les flux actuels ? J'en doute. Nous manquons de confiance en nous et en l'avenir de notre langue.

M. Jacques Legendre.  - Très bien !

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Le sabir qu'est l'anglais international favorise l'imprécision des concepts. Les scientifiques britanniques réclament souvent la traduction simultanée dans les colloques parce qu'ils ne comprennent pas l'anglais que parlent nos chercheurs... (Sourires) Accueillons plus d'étudiants étrangers, relevons leur niveau de français, programmons des épreuves en français qui contribuent à l'obtention du diplôme. Ne donnons pas le signe frileux que nous ne croyons pas en l'avenir de notre langue. Ne polluons pas un débat essentiel avec cette affaire. Il y a un juste équilibre à trouver pour mobiliser toutes les forces de la France. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. David Assouline .  - Je salue Mme la ministre, sa disponibilité, son travail, son courage. Il en faut pour mener pareille réforme, qui était très attendue, tant le rôle de l'enseignement supérieur et de la recherche est important pour la place de la France dans le monde, tant le malaise perdure dans nos universités, malgré la LRU, à cause de la LRU.

Le moment est donc venu de mettre en oeuvre une grande ambition qui se traduise de façon lisible pour la communauté universitaire et au-delà. L'école et la jeunesse étaient au coeur des engagements de François Hollande. Cette réforme, comme toutes celles portées par le Gouvernement, mais celle-ci en particulier, est destinée à redonner espoir aux jeunes, à redresser notre pays en valorisant tous ses atouts. La France doit retrouver son rang.

D'où venons-nous ? Où en sommes-nous ? Je disais ici, en 2007, à Mme Pécresse que les enseignants-chercheurs vivaient de plus en plus mal la lourdeurs des tâches administratives, les contrôles incessants, des conditions de travail dignes de pays en voie de développement ; que le personnel administratif et technique vivait de plus en plus mal de devoir gérer la pénurie ; que les étudiants vivaient de plus en plus mal la précarisation et l'échec ; que les présidents vivaient de plus en plus mal leur rôle d'animateurs sans pouvoir ; que la communauté universitaire vivait de plus en plus mal la stigmatisation des universités et les propos des déclinoloques...

Aujourd'hui, six ans après la loi LRU, sept après la loi Recherche, je ferai à peu de choses près le même diagnostic. Hélas, car le temps perdu ne se rattrape pas facilement. On n'a traité alors que la gouvernance alors que d'autres réformes étaient nécessaires pour lutter contre l'échec en premier cycle ou encore améliorer les conditions de vie des étudiants, valoriser les jeunes chercheurs, définir une stratégie globale de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Nous voulons en finir avec dix ans de renoncements, réaffirmer la collégialité, le service public de la recherche. Oui à l'autonomie, que nous, socialistes, avons toujours défendue, dès lors qu'elle se traduit par un renforcement de l'efficacité et de la démocratie. Tandis que la droite y a vu la concurrence libérale de tous contre tous, la sélection et la privatisation.

La commission sénatoriale que je préside a dressé le bilan critique de la LRU. Le mécanisme de pilotage et de gestion prospective, avec cinq ans de recul, est loin d'avoir produit les résultats escomptés. Seules dix universités ont mis en place une comptabilité analytique. Mais la LRU a enclenché une dynamique qu'il ne faut pas casser. Le changement ne passe pas par son abrogation mais par la correction de ses défauts, par l'engagement de tous ceux qu'elle a oubliés, par la concertation avec tous les acteurs de la grande communauté de l'enseignement supérieur et de la recherche. Avec les Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche, la concertation a eu lieu, ce qui tranche singulièrement avec la méthode du gouvernement précédent.

La réussite des étudiants, la qualification des jeunes, le soutien à la recherche fondamentale sont les objectifs de ce texte ambitieux. Sans savoir, pas d'application, pas de progrès économique ou environnemental, pas de redressement durable.

Il faut traiter ce qui a été négligé mais aussi fixer une stratégie claire, et d'abord pour la réussite des étudiants avec l'objectif de faire accéder 50 % d'une classe d'âge à un diplôme de l'enseignement supérieur. Mille postes sur cinq ans dédiés à la réussite éducative, le plus gros effort réalisé depuis dix ans ; la simplification des licences et masters, la priorité aux bacheliers professionnels et technologiques, le développement de l'alternance : je salue ces progrès, ainsi que le travail accompli par l'Assemblée nationale. Je pourrais énumérer d'autres avancées concrètes qui aideront à lutter contre l'échec, comme la programmation de 13 000 logements étudiants ou la budgétisation du dixième mois de bourse...

Mme Françoise Cartron.  - Très bien !

M. David Assouline.  - En matière de gouvernance -efficacité doublée de démocratie et de collégialité- comme d'aménagement du territoire, le texte rétablit des équilibres. Il propose une ambition et une stratégie globale de l'enseignement supérieur et de la recherche. La commission a bien travaillé, le groupe socialiste est fier que nombre de ses amendements aient été intégrés au texte.

Ce projet de loi nous donne les moyens de réformer dans la durée et dans la confiance. Notre jeunesse, nos universités sont une chance pour la France. Inscrivons notre travail dans une stratégie globale de redressement national ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-Léonce Dupont .  - Le Parlement apprécie de débattre de l'enseignement supérieur et de la recherche vers la fin de l'année universitaire. La LRU a été examinée en juillet 2007 -son intitulé a été modifié au Sénat par référence à la première loi de décentralisation de 1982, relative à « la liberté et à la responsabilité des communes, des départements et des régions ». Et voici ce projet de loi, dont l'intitulé neutre n'exprime pas d'ambition particulière... Il est vrai qu'une partie de votre majorité réclame à corps et à cris l'abrogation de la LRU et tient des discours de contestation d'un autre temps. C'est désolant.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Et un peu exagéré !

M. Jean-Léonce Dupont.  - Vous avez tenté de résister, madame la ministre, je vous en donne acte... Mais votre projet de loi est décevant, d'orientation et non de programmation, lesté d'intentions qui marquent un retour en arrière alors que les établissements n'ont pas eu le temps nécessaire pour acculturer une autonomie qu'ils ne pratiquent vraiment que depuis trois ou quatre ans.

Nous abordons ce texte dans un esprit pragmatique. L'exercice de l'autonomie implique un pilotage fort. D'où le conseil d'administration resserré créé par la LRU. Nous saluons la participation des personnalités extérieures à l'élection du président mais l'augmentation du nombre des membres des conseils d'administration nous inquiète. La réflexion stratégique ne peut se pratiquer qu'en petit comité. Veillons à l'ouverture sur le monde des entreprises...

M. Jacques Legendre.  - Très bien !

M. Jean-Léonce Dupont.  - Je regrette que la parité des disciplines n'ait pas la même force que la parité des sexes...

La création d'un conseil académique est une idée intéressante, mais quel cap peut tenir un bateau avec deux gouvernails ? Il est impératif que les deux conseils, académique et d'administration, aient le même président. Quant aux communautés d'établissements, elles auront d'ailleurs les mêmes structures de gouvernance ; est-ce bien raisonnable ? Le Gouvernement fait preuve d'une créativité normative remarquable. On l'a vu sur la décentralisation ou les élections territoriales. Vous ajoutez ici une nouvelle couche au millefeuille institutionnel. On peut se demander si l'État ne renforce pas son contrôle à travers cette multiplication de structures complexes... La nouvelle politique contractuelle va dans le même sens ; nous restons dubitatifs sur la lourdeur administrative qui en résultera. Que restera-t-il de l'autonomie ? Un État stratège n'est pas incompatible avec la pratique de l'autonomie. Il ne le sait pas, ou plutôt ne le veut pas encore.

Pour vous, l'essentiel est d'améliorer la réussite étudiante. Comment ne pas partager cet objectif ? Nous prenons acte de l'échec du plan Licence. Combien de générations seront-elles ainsi malmenées avant que le tabou de la sélection soit levé ? Ne vous étonnez pas si les bonnes intentions affichées ne produisent pas les effets escomptés, la « boîte à outils » est là aussi bien vide...

Comment contrôlerez-vous le respect des quotas en IUT et STS négociés localement ? Que ferez-vous des bacheliers technologiques et professionnels qui ne seront pas retenus ? Vous voulez construire des passerelles longues ? Mais en quoi modifieront-elles le parcours des étudiants qui n'ont pas les pré-requis ? Quels moyens mettez-vous à disposition des établissements pour les stages ?

Comment éviterez-vous les ruptures d'égalité entre étudiants ?

Ces questions, la loi n'y apporte pas de réponse claire : sans une orientation contraignante, assortie d'accompagnement, il est illusoire de croire que l'université fera réussir chaque étudiant.

Sur la recherche, notre inquiétude est double. Pourquoi remplacer l'Aeres par une nouvelle autorité exerçant la même mission, alors qu'elle a su construire sa méthodologie et prendre sa place au-delà de nos frontières ? Notre rapporteure, dont j'ai apprécié le travail, a été bien malmenée par sa propre majorité. (« C'est vrai ! » à droite)

Le transfert est inséparable de la recherche publique. Il ne saurait être relégué au second plan. Il serait irresponsable de penser autrement.

« L'université n'est pas seulement l'affaire des universitaires mais de la Nation tout entière », disait Edgar Faure.

M. Jacques Legendre.  - Très bien !

M. Jean-Léonce Dupont.  - Mais vous avez entendu donner des gages politiques à ceux qui veulent la fin de la loi LRU.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Pas du tout !

M. Jean-Léonce Dupont.  - Vous n'avez pas le droit de laisser les portes de l'université se refermer sur le monde qui les entoure. Il en va de l'avenir de notre pays. (« Très bien ! » au centre ; applaudissements à droite)

M. André Gattolin .  - Nous entendons la volonté du Gouvernement de répondre à l'urgence et rendre à notre économie son dynamisme. La France, en ce domaine, souffre de réels handicaps. Pour la Cour des comptes, la stagnation de l'effort de recherche vient de l'insuffisant investissement du secteur privé, quand l'Allemagne est deux fois plus performante en la matière. S'appuyer sur la puissance de la recherche publique pour stimuler l'effort privé et aider ainsi nos entreprises est un objectif louable, conforme au programme engagé en Europe en faveur de la recherche et de l'innovation.

Nous entendons réaffirmer la place des missions ici un peu oubliées de l'université. Transfert et innovation jalonnent l'ensemble du texte. Le mot transfert est ambigu. Si le savoir et la connaissance sont un bien commun, il n'est pas aberrant que notre économie bénéficie de transfert, pour autant qu'il n'y ait pas privatisation et qu'existe un retour vers la société dans son ensemble.

D'autres acteurs doivent bénéficier des transferts de la recherche publique. Et il ne s'agit pas, non plus, que les crédits destinés au public soient purement transférés vers l'économie sans contrepartie. La recherche fondamentale sans finalité marchande a été à la source de nombreuses découvertes pratiques -je pense, en biologie moléculaire, aux ARN afférents par exemple.

Quelle orientation générale a cette loi, au service de quelle conception de notre enseignement supérieur et notre recherche publique ? Gardons-nous d'une vision instrumentaliste. Je veux ici dire, avec Michel Rocard, ministre du plan en 1982, que le volontarisme est parfois le pire ennemi de la volonté. (Applaudissements sur les bancs écologistes)

M. Jacques Legendre .  - C'était en 2007 et pourtant, le débat reste vivant dans nos mémoires. Je rends hommage à Valérie Pécresse, qui a fait bouger les lignes en donnant aux universités l'autonomie, avec son corollaire, la responsabilité. (« Très bien ! » à droite)

Les réticences, les résistances furent vives. Mais peu à peu, les universitaires se sont appropriés ce texte, qui s'accompagnait d'un substantiel effort financier de l'État, trop longtemps insuffisant au regard de celui que consentaient nos voisins.

Pour autant, la loi Pécresse n'a pas tout résolu. Ainsi des droits accordés aux personnalités extérieures dans le conseil d'administration. Dans leur rapport, Mme Gillot et M. Ambroise Dupont ont jeté un regard approfondi sur l'application de cette loi. « Le big bang à l'heure du bilan » : le titre est éloquent. Il y a donc eu un big bang : une loi de refondation, en somme.

Votre objectif, madame la ministre, est plus modeste. Il faut vous en remercier. Ce texte continue et améliore quand cela est possible et nécessaire. Le syndrome de Shanghai avait frappé : « Big is beautiful » en quelque sorte (on s'étonne, à gauche, de l'emploi de l'anglais), puisque l'anglais est désormais de mise.

La gouvernance, nous pensons qu'elle ne peut être bonne si elle est bicéphale.

Sur l'évaluation, on ne peut admettre ni auto-évaluation, ni évaluation par les amis. L'Aeres avait su s'adapter. La réussite en licence ? Les mesures prises n'y ont pas remédié. Mais il faut reconnaître que tous les bacs ne se valent pas. Ils n'ouvrent pas tous à l'enseignement supérieur. Même nos bacs généraux sont inégaux : le bac S est moins un bac scientifique que le bac des meilleurs. Pourtant les filières littéraires doivent aussi être des filières d'excellence. Le bac technologique peine à se frayer un chemin vers l'enseignement supérieur. Quant au bac professionnel, remarquable invention de M. Chevènement, il n'a pas pour fin de conduire vers l'enseignement supérieur mais vise à donner une qualification professionnelle attestée.

Le bac ne se suffit plus à lui-même. Il vaut mieux l'avoir avec mention : on constate une inflation, ce qui pose le problème des options. Le bac est aussi le premier grade de l'enseignement supérieur ; l'université, qui ne participe guère au jury, l'oublie. Le ministre de l'éducation nationale ne s'est pas intéressé au bac dans sa grande loi.

Je n'oublie pas la nécessité de garantir à chaque bachelier la possibilité de trouver du travail et, après une première expérience professionnelle, celle de reprendre, s'il le souhaite, ses études ou de compléter sa formation.

L'orientation est essentielle. Mais attention à ne pas vous en remettre aux quotas, qui améliorent peut être les statistiques mais font aussi des victimes.

La démocratisation a progressé mais des inégalités géographiques demeurent. Plusieurs départements sont dépourvus de toute classe préparatoire, ai-je constaté à l'occasion d'un rapport sénatorial et cette situation perdure. Les universités sont mieux réparties, grâce à leurs antennes. J'ai pu, dans ma ville, mesurer les bienfaits qu'a procurés aux jeunes celle que j'ai créée. Mais certaines universités sont tentées de fermer leurs antennes pour se reconcentrer. Il faut se battre, madame la ministre, pour l'égalité des chances : ne laissez pas disparaître les antennes.

Une mise en garde, enfin, sur l'abandon consenti de notre rayonnement linguistique. L'article 2 de votre projet a provoqué des débats bruyants mais en menant parfois sur de fausses pistes. Certes, il faut progresser dans l'apprentissage précoce des langues étrangères -deux plutôt qu'une, l'anglais étant inévitable-, ce que prévoit la loi Toubon dans son article 11. Certes, il faut savoir accueillir les étudiants étrangers -c'est le travail de Campus France. Mais ces étudiants doivent profiter de leur séjour en France pour apprendre la langue et la culture françaises. La loi Toubon n'interdit pas un enseignement en anglais mais ce qui pose problème, c'est la tentation de faire suivre des études en anglais à des francophones, qui est celle de nos grandes écoles et de certaines universités qui ont développé ces formations au mépris de la loi actuelle, et entendent bien poursuivre. Il faut donc dire clairement que nous acceptons la souplesse mais pas les dérives dangereuses. Je proposerai un amendement à cette fin car la diversité linguistique est en jeu et, au-delà la diversité culturelle, pour laquelle nous avons tous combattu. La langue unique conduit à la pensée unique. Si nous reculons sur notre langue, disait Georges Pompidou, nous serons emportés. La diversité des langues et des pensées est une ardente exigence. (Vifs applaudissements à droite et sur quelques bancs à gauche)

M. David Assouline.  - C'est Georges Pompidou que nous applaudissons, pas vous !

M. Jacques Chiron .  - Je salue la tenue des Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche parce que le monde de l'université et de la recherche avait été bien bousculé pendant les cinq dernières années. La communauté universitaire aura apprécié. Les Assises ont mobilisé et restauré, partout sur notre territoire, une relation de confiance qui faisait défaut. Ce projet répond aux aspirations qui se sont exprimées. Il réunit pour la première fois enseignement supérieur et recherche. L'augmentation de 2,2 % du budget de votre ministère, assortie de 5 000 postes supplémentaires en cinq ans, mérite d'être saluée.

Lors du dernier quinquennat, la France a perdu son rang sur la scène internationale en matière de recherche et reculé en Europe, au risque de rendre notre stratégie nationale illisible.

Votre texte marque le retour de l'État stratège, pour un système qui marche au bénéfice de tous. L'État régule, loin de la dictature de l'instant, et sécurise les acteurs. Simplifier la gouvernance, donner une direction concrète à nos priorités, tels sont les objectifs de ce texte. C'est une exigence pour la transition énergétique, la santé, la mobilité. De 2007 à 2012, les moyens des organismes de recherche ont été mis à mal, au profit de la recherche sur projet qui a fragilisé la recherche fondamentale. Vous avez engagé, dès votre arrivée, un recentrage de l'ANR, qui a dégagé des moyens pour la recherche publique. C'est une décision majeure pour les organismes de recherche publique.

Dans un contexte de crise, il faut aussi repositionner la recherche au regard de l'activité économique. Or, la recherche technologique peine à émerger alors que notre économie doit monter en gamme, parce que c'est le gage de la relance et de l'emploi.

L'inscription du transfert dans le texte, complémentaire au pacte de compétitivité, est une réponse prometteuse. Le transfert technologique existe déjà. A Grenoble, nous le savons, alors que le territoire puise son dynamisme de tels partenariats -je pense à Eccami, à Minatec ou à la collaboration avec les collectivités territoriales dans le nord Isère pour la construction durable. Ce texte favorisera encore les coopérations. Lors de votre venue, en novembre, vous annonciez la création de trois CEA Tech en région pour diffuser l'expérience grenobloise ailleurs en France. C'est une mesure concrète dont on peut se réjouir.

Il faut plus que jamais fédérer nos efforts en faveur du développement économique et pour l'avenir de nos jeunes. Ce projet de loi constitue, dans cette perspective, une réponse concrète, courageuse et ambitieuse. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Gérard Roche .  - Je me pencherai sur l'expérimentation mise en place par l'article 22, relatif au cursus médical. Les expérimentations d'admission directe en deuxième ou troisième année ne doivent pas pénaliser les étudiants entrés initialement dans le cursus. Des garanties s'imposent : le concours d'entrée en deuxième ou troisième année doit être aussi exigeant que celui d'entrée en première année. A cette condition, la mesure est bienvenue et élargit le numerus clausus. Elle met fin à une sélection par l'argent, via les écoles privées de préparation au concours.

Au-delà, il faudrait avoir le courage de réformer le numerus clausus, délétère, qui est pour beaucoup dans la désertification médicale. D'autant que les spécialités à hauts risques peinent à recruter. Nous présenterons quatre amendements sur le sujet. Il faut désormais penser en termes médicaux et s'interroger -sujet tabou- sur le caractère libéral d'une profession assise sur la sécurité sociale. (Applaudissements à droite)

Mme Esther Benbassa .  - Ce texte comporte certes des avancées mais il est loin de répondre aux attentes des étudiants, des enseignants, des chercheurs. Il ne s'attaque pas à la précarité, ni aux conditions d'études. Il ne remet pas en question le principe de la LRU mais nous fait simplement revenir à l'ère de l'État stratège.

L'université se meurt, et on débat de sa gouvernance ; la recherche en sciences humaines et sociales et la recherche fondamentale s'essoufflent, et on veut les mettre au service de la compétitivité. Comment former des têtes bien faites, plutôt que bien pleines, plus adaptées au monde du travail pour ceux qui le souhaitent et susceptibles de reconversion tandis que la recherche fondamentale travaillerait à l'émancipation de la société et à la transmission du savoir ? C'est la question que nous esquivons. Améliorons la condition des étudiants, créons des pôles d'orientation dans les campus, combattons le clientélisme dans le recrutement, cessons de remplacer les enseignants chercheurs par des professeurs venus du secondaire, créons des agences pour aider les chercheurs à répondre aux appels d'offres européens afin de leur éviter d'y consacrer toute leur énergie, revoyons les modalités d'évaluation qui infantilisent les chercheurs et les financements sur projet de l'ANR, qui gèlent tout. L'université est un outil irremplaçable pour la formation et la recherche ; faisons-en un élément clé de la fameuse exception culturelle française, au lieu de la laisser à l'agonie. (Applaudissements sur les bancs écologistes et CRC ainsi que sur quelques bancs socialistes)

M. Ambroise Dupont .  - La semaine dernière, je vous ai présenté, avec Mme Gillot que je salue pour son travail libre et approfondi, notre rapport d'évaluation de la loi LRU.

Nous concluions qu'il fallait laisser le temps à une réforme qui a rencontré de fortes résistances de produire ses effets. Or, cinq ans seulement après la LRU, voilà un nouveau texte. Est-il bien opportun ? Certes, il ne remet pas en cause l'autonomie. Après la loi Goulard, qui créa les PRES et l'Aeres, la loi LRU fut le big bang, donnant aux universités les moyens d'un vrai pilotage -conseil d'administration resserré, rôle renforcé du président- et la possibilité de gérer leurs moyens humains ainsi que leur patrimoine immobilier. Les universités s'y sont mises : elles réclament un renforcement de leurs moyens pour réaliser l'autonomie.

Or, cette loi ne leur donne aucune visibilité financière. Certes, le contexte budgétaire est contraint mais l'éducation n'est-elle pas, pour ce gouvernement, une priorité ?

Je crains des freins à l'autonomie car la gouvernance, avec la dyarchie des deux conseils, va être mise à mal. La communauté universitaire est inquiète.

Pourquoi ne pas donner plus de poids aux personnalités extérieures ? Pourquoi remplacer les PRES par de complexes communautés d'universités qui réduisent le libre choix d'association à une appartenance géographique ?

La suppression de l'Aeres, remplacée par le Haut conseil, laisse songeur. Où est l'avancée ? L'Aeres a su évoluer, et peut évoluer encore. La supprimer serait obliger la nouvelle autorité à repartir à zéro alors que l'Aeres a acquis sa notoriété internationale.

Je souhaite que le débat apporte des modifications sensibles, grâce aux amendements de notre groupe. (Applaudissements à droite)

M. Jacques-Bernard Magner .  - Vos réponses, madame la ministre, sont dans l'intérêt des étudiants, de l'université et de la recherche. Elles sont le fruit de la consultation qu'avec les Assises, vous aviez organisée et se situe dans la continuité de la loi sur la refondation de l'école, faisant de la jeunesse et de l'éducation une priorité pour la réussite de tous. Ce texte innove en abordant pour la première fois enseignement supérieur et recherche de concert. Il faut se recentrer sur les premiers cycles, où les taux d'échec sont trop importants : lien entre le lycée et les facultés, cadre national de formation, rapprochement des différents types de bac... La pluridisciplinarité des premiers cycles doit aussi améliorer l'orientation.

L'État s'est remis au coeur de la politique universitaire et de recherche, à l'inverse de ce que voulait la précédente majorité -un effacement de l'État. Ce lien devait être rétabli.

Le texte réforme la gouvernance pour concilier pouvoir présidentiel et collégialité. Il rétablit le lien avec les collectivités territoriales, en particulier les régions. La loi LRU reposait sur une carte de France insatisfaisante, autour des pôles d'excellence.

Nous voulons tous lutter contre l'échec. Les quotas, les licences pluridisciplinaires sont là pour y pourvoir.

Les bacheliers professionnels et technologiques seront mieux intégrés. L'article 15 doit renforcer les liens avec les milieux professionnels pour une meilleure intégration des jeunes. Le stage est intégré dans le parcours de formation. Certaines universités ont déjà des taux d'alternance élevé mais celle-ci doit être intégrée dans un parcours de formation. L'article 15 assure la cohérence. Les conseils de perfectionnement, interface entre l'académique et le monde professionnel, seront développés. Il ne s'agit pas que les entreprises fassent des stages une utilisation abusive : l'encadrement est garanti.

Les ESPE sont des composantes à part entière de l'université. Elles feront l'objet, dès la rentrée, d'une double tutelle, de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur, et déploient progressivement leur offre. Les formations seront ainsi en cohérence nationalement.

Enseignement supérieur et recherche sont au coeur du modèle de société que nous voulons, pour l'émancipation de chacun, en faisant le pari de l'intelligence. Le texte s'attache à reconstruire les universités mises à mal par le précédent gouvernement ; il prépare le redressement du pays et l'avenir des jeunes : le groupe socialiste le votera. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. René-Paul Savary .  - L'article 22, relatif aux études médicales, sera mon sujet car je m'inquiète des effets du numerus clausus. Plusieurs doyens de facultés affirment que le cursus médical dans certains pays ne vaut pas celui de la France. Cela interpelle, à l'heure de la reconnaissance européenne des diplômes. Dans le même temps, dans un grand mercato, nos médecins s'expatrient dans le monde entier. Il est paradoxal que nos enfants soient contraints, en vertu du numerus clausus, de poursuivre leurs études dans d'autres pays.

M. Jacques Legendre.  - Eh oui !

M. René-Paul Savary.  - Il faut en finir avec l'idée reçue selon laquelle plus de médecins, c'est plus de dépenses pour la sécurité sociale. Les missions des médecins, qui ont considérablement évolué, la féminisation du métier, la volonté de concilier vie privée et vie professionnelle auraient justifié au moins le doublement du numerus clausus.

Tous ces facteurs auraient dû inciter à doubler le numerus clausus. La qualité de notre formation est internationalement reconnue, profitons-en !

Nous ne pouvons accepter de recruter des médecins étrangers moins bien formés alors que nos étudiants sont refusés. Il faut que le numerus clausus soit revu.

Mme Sophie Primas.  - Très bien !

M. René-Paul Savary.  - Il est absurde, en outre, que le concours porte uniquement sur des matières comme les mathématiques ou la physique. Les étudiants en médecine doivent être prêts moralement, psychiquement. Leur vocation, si elle existe, doit pouvoir s'exprimer en cours de cursus, en fonction de l'expérience acquise. Il faudrait aussi ouvrir dès la première année vers des formations paramédicales.

Je vous invite à soutenir les amendements présenté par Mme Primas. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Jacques Mirassou .  - Membre de la commission de l'économie, je me contenterai d'évoquer la recherche, qui doit constituer le fer de lance d'une stratégie économique et industrielle de redressement de notre pays. La concurrence internationale est vive et sans pitié. Garantissons une recherche novatrice, essentielle pour l'avenir. Notre pays se situe au sixième rang mondial pour les publications scientifiques, au quatrième rang européen pour le dépôt de brevets. Mais seulement, selon certains indicateurs, au quinzième rang mondial en matière d'innovation. Notre pays sait marquer des essais mais peine à les transformer.

M. Jacques Chiron.  - Belle image.

Mme Françoise Cartron.  - Il a des lettres !

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Nous revendiquons l'héritage des Lumières et des Encyclopédistes. (« Bravo ! » sur les bancs socialistes)

Il serait contreproductif d'opposer recherches appliquée et fondamentale. Pas moins de sept textes ont été adoptés en cinquante ans sur ce sujet. Il y a parfois des contre-performances. L'État acquitte l'essentiel des 2,4 % du PIB investis dans la recherche. Le secteur privé se contente de faire des bordures, pour emprunter une autre image au monde du rugby. Un pilotage de la recherche est nécessaire, au service de choix stratégiques dictés par l'intérêt national.

J'insiste sur l'installation du conseil stratégique de la recherche. Le schéma régional de la recherche est ambitieux : il assure la complémentarité et la continuité entre niveaux national et régional. L'article 55 contribue à cette cohérence. Ce texte va dans le bon sens, celui de l'efficacité. L'enjeu est d'importance pour l'avenir. Les amendements amélioreront le projet de loi. Tel est notre objectif, madame la ministre, à vos côtés. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Colette Mélot .  - L'enseignement supérieur et la recherche concernent la jeunesse et l'avenir de notre pays. Nous déplorons la procédure accélérée, qui traduit la précipitation du Gouvernement. L'adoption du projet de loi par l'Assemblée nationale relevait plus de la discipline de groupe que d'une véritable adhésion.

Loi d'orientation et non de programmation, donc les financements sont évacués du débat. Là est pourtant l'essentiel. L'université de demain doit s'adapter à la modernité tout en préservant notre socle culturel. L'article 2 remet en cause l'esprit même de la loi Toubon sur la langue française. L'Assemblée nationale a limité la portée de cette exception. Encore faut-il que ces cours en anglais s'adressent seulement à des non-francophones. L'amendement Legendre, que j'ai cosigné, précise les choses. Les non-francophones doivent certes pouvoir suivre des cours en anglais mais aussi apprendre notre langue et notre culture.

Nos universités doivent être compétitives. Dégageons-nous de la vision hexagonale que vous nous proposez, tous les pays d'Europe sont concernés. Il ne faut pas que tous les établissements d'enseignement supérieur et universitaire se ressemblent. C'est pourtant ce que vous proposez, en instaurant de nouvelles lourdeurs administratives, en nourrissant de potentiels conflits entre présidents du Conseil académique et du Conseil d'administration des universités. La LRU procédait par incitation, afin de stimuler des stratégies originales. Vous remplacez les PRES par des communautés d'établissements qui obéreront leur rayonnement.

Madame la ministre, que prévoyez-vous pour que l'enseignement supérieur et la recherche prennent toute leur part de la compétitivité de notre pays ? Votre projet de loi n'apporte pas de réponse.

J'ai déposé un amendement afin d'intégrer la reconnaissance des établissements d'enseignement supérieur agricole. Vous refusez de poursuivre la dynamique engagée en 2007, vous ne faites rien pour la réussite étudiante. (Vives protestations sur les bancs socialistes, applaudissements sur les bancs UMP) Ce projet de loi multiplie les bonnes intentions. (Ironie à gauche ; applaudissements sur les bancs UMP) Le groupe UMP réserve son vote. (« Très bien ! » et applaudissements à droite)

M. Jean-Étienne Antoinette .  - Depuis un an, le Gouvernement soumet au Parlement des textes visant le coeur du projet présidentiel : l'enseignement et les jeunes. Ce projet de loi en fait partie.

Le projet France université numérique trouve ici un cadre juridique nouveau. Aux États-Unis, l'enjeu est d'une autre ampleur. Les cours en ligne ouvrent les perspectives d'un enseignement de masse, à rebours de l'élitisme des établissements sélectifs, aux sirènes duquel l'université française a la chance d'avoir résisté. L'offre numérique rencontrera un écho particulier outre-mer, elle accompagnera l'action des pôles universitaires, dont l'Aeres a dénoncé, à juste titre, le coût excessif vu la faiblesse des effectifs.

Je regrette le débat sur l'anglais. L'université Antilles-Guyane rayonne sur sa région, avec l'anglais pour la Caraïbe, l'espagnol pour l'Amérique centrale, le portugais pour l'Amazonie.

Le Gouvernement veut renforcer l'accompagnement des étudiants et les moyens des universités. Le renforcement pédagogique est aussi nécessaire. Nous souffrons d'un déficit de professeurs. Plus de 5 % des postes d'enseignants sont vacants à l'université des Antilles-Guyane. Le pôle Guyane est particulièrement sous-doté. Le taux de réussite en licence est la moitié de la moyenne nationale.

Il paraît difficile de faire l'économie d'une réflexion sur l'adaptation de l'enseignement supérieur et de l'université tout spécialement à l'emploi dans le commerce et l'industrie. L'Assemblée nationale apporte de timides réponses. Il est rassurant de ne pas quitter l'alma mater. Un mandarinat local se complaît dans l'accumulation de titres, mais la qualité de l'université est celle de ses membres.

Les avancées réelles de ce projet de loi nous invitent à l'approuver. Mais que les acteurs eux-mêmes prennent en main leur outil ! (Applaudissements à gauche)

M. Michel Berson .  - Le souci de la recherche technologique et le processus de transfert sont l'une des grandes avancées de ce projet de loi. On invente beaucoup dans nos laboratoires mais on n'innove pas assez dans nos entreprises. (On approuve sur les bancs socialistes)

Il est essentiel de développer la recherche technologique, deux fois plus importante en Allemagne qu'en France. Avec ce texte, le transfert est explicitement reconnu comme une mission du service public de l'enseignement supérieur et de la recherche. C'est un progrès. Recherche fondamentale, technologie et innovation ont chacune leur champ : concilions nos ambitions dans ces domaines pour répondre aux défis économiques, sociétaux et environnementaux de notre temps.

L'État stratège doit placer la recherche au service de l'innovation et l'innovation au service de l'emploi. Nous avons créé le crédit d'impôt innovation pour les PME. Il faudra l'intensifier.

D'autres initiatives doivent favoriser l'embauche par le secteur privé de jeunes docteurs et la collaboration entre secteurs public et privé de la recherche. J'ai déposé des amendements en ce sens.

Quel financement pérenne pour l'enseignement supérieur et la recherche dans les années à venir ? Rapporteur spécial de ce budget, je suis conscient des difficultés, quand bien même ce secteur est prioritaire. Mais l'efficacité relève moins du niveau des crédits que de leur juste répartition. L'an dernier, j'ai publié un rapport d'information sur le crédit impôt recherche. De 1,8 milliard en 2007, il s'est élevé en 2012 à 5,5 milliards, à 5,7 en 2013 et doit se stabiliser à 6 milliards à partir de 2014. Il n'est pas question de le remettre en cause. Néanmoins, on pourrait le plafonner à 5 milliards, en réduisant l'effet d'aubaine.

M. André Gattolin.  - Bravo !

M. Michel Berson.  - Ce qui rendra des moyens à allouer aux universités et à l'enseignement supérieur.

Les crédits consacrés à la formation professionnelle sont d'un montant comparable à ceux dédiés à l'enseignement supérieur. Seulement 2 % de ces dépenses de formation professionnelle vont à l'enseignement supérieur. Il y a, dans ce secteur, des marges appréciables qui pourraient être utilement dégagées pour l'université, l'enseignement supérieur et la recherche.

Notre pays, grâce à ce projet de loi, bénéficie d'une stratégie forte et lisible. Qu'il soit également doté d'une stratégie de financement pérenne. Ouvrons ce débat auquel nous ne pourrons pas échapper. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)

M. le président.  - Je suspendrai la séance à 19 h 30. Nous débattrons de la question préalable demain matin.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Nous serons là !

Mme Geneviève Fioraso, ministre .  - Merci de ce débat de bonne facture, empreint de sérénité mais aussi de passion sur certains articles sensibles. J'ai entendu M. Legendre. Qualité ne signifie pas unanimité. Les divergences, voire les contradictions, ne manquent pas.

Cette loi, dont certains ont reconnu, à droite, qu'elle corrigeait des erreurs, serait pourtant inacceptable car elle reviendrait sur ce qui fut fait, première contradiction. Elle se désintéresserait de la réussite étudiante ? Ce souci est au coeur de ce projet de loi, la moitié de ses articles y sont consacrés.

Mme Françoise Cartron.  - Très bien !

Mme Geneviève Fioraso, ministre.  - Pas d'ambition parce que pas de titre ronflant ? Mettons que c'est affaire de culture personnelle. Jamais je n'ai constaté, dans ma vie professionnelle, de correspondance entre l'ampleur du titre et celle de l'action. (« Très bien ! » sur les bancs socialistes)

Faut-il vraiment réformer ? Quand l'Allemagne affiche sur des filières non sélectives un taux de réussite de 60 % à bac + 3 tandis que le nôtre plafonne à 30 %, il y a un problème.

C'est une loi d'orientation et non de programmation ? De fait, telle est la décision gouvernementale. Ce n'est pas pour autant une loi dépourvue de moyens. La LRU n'était pas non plus une loi de programmation. La précipitation ? Je venais d'être élue députée quand la LRU a été votée, en août, après un débat démarré en juin. Belle concertation !

Ne recréez pas de communautés autocentrées, dites-vous. Mais quoi de plus autocentré qu'une loi uniquement dédiée à la gouvernance ?

Alors que le plan Réussite en licence, qui a coûté 730 millions d'euros, n'a tout au plus que colmaté des brèches, 1 100 postes seront affectés à la réussite en licence, qui ne fondront pas comme neige au soleil.

Quand 25 % des jeunes sont au chômage, l'employabilité n'est pas un gros mot.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Tout à fait d'accord.

M. Ambroise Dupont.  - Bravo !

Mme Geneviève Fioraso, ministre.  - Quelle indépendance sans emploi ? (Applaudissements)

Cette loi ne doit pas être si creuse que cela, à en juger par la multiplicité des sujets que vous avez abordés.

La réussite étudiante est notre priorité, je l'ai dit. Comment se satisfaire du massacre social actuel ? Il faut reconnaître qu'un titulaire d'un bac professionnel n'a que neuf chances sur cent d'obtenir une licence. Les étudiants doivent être mieux orientés pour que les enseignants ne se retrouvent pas face à des jeunes de niveaux hétéroclites. Allez dans les unités de production, vous y verrez que dans nombre de secteurs, la chimie et d'autres, on demande des bac+2 ou +3. Soyons pragmatiques, formons les jeunes et tout au long de la vie afin qu'une reconversion soit possible.

Prémunissons-nous contre les concurrences déloyales. Ayons un temps d'avance, celui de l'innovation, de l'université ; il n'y a pas de contradiction entre l'intelligence et la production. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Valérie Létard, rapporteure pour avis.  - Bravo.

Mme Geneviève Fioraso, ministre.  - L'autonomie, c'est Edgar Faure en 1968 (exclamations à droite), Alain Savary sous François Mitterrand, Claude Allègre avec Lionel Jospin. (Mêmes mouvements) Non, l'autonomie n'est pas née en 2007.

M. Jean-Claude Lenoir.  - On vous rappelle ce que vous avez dit à l'époque !

M. David Assouline.  - A vous aussi !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - On en reparlera !

Mme Geneviève Fioraso, ministre.  - A l'époque, comme députée, avec Jean-Yves Le Déaut, j'avais le même discours qu'aujourd'hui.

La réussite des étudiants tient à une orientation, aux passerelles, ensuite, pour poursuivre des études. Mettons un terme aux filières d'évitement des bacheliers S avec mention bien, qui passent par les IUT pour revenir ensuite à l'université, faute d'être rassurés sur les conditions de l'accompagnement dans les premières années universitaires. Ce que demandent les lycéens, pour l'orientation, c'est que des enseignants du supérieur viennent leur expliquer ce que l'on attendra d'eux comme manière de travailler. Il n'y pas là de « secondarisation » à redouter.

Je n'aime guère le terme d'antenne, que j'ai entendu ici. Chaque université, quelle que soit sa taille, a sa vocation. L'université de Chambéry, qui n'est pas une grande université, est celle qui réussit le mieux en matière d'insertion professionnelle.

Mme Sophie Primas.  - Eh oui !

Mme Geneviève Fioraso, ministre.  - On peut s'organiser. Les quotas seront négociés au cas par cas, discipline par discipline. A Montluçon, on manque de bacheliers technologiques ; en région parisienne, des bacheliers S avec mention bien veulent aller en IUT.

La pédagogie joue bien sûr un rôle fondamental dans la réussite des élèves et étudiants, à quelque niveau qu'ils soient. On n'en parlait pas dans la LRU. (Mme Sophie Primas proteste)

Il ya des différences de un à cinq dans les dotations entre les sciences humaines et sociales et les sciences dures. Un écart peut se justifier par le coût de certains équipements, mais pas à ce point. Aujourd'hui, les employeurs sont prêts à valoriser différemment les formations universitaires. Nous ne sacrifierons pas les études transversales, comme les études de genre, je rassure Françoise Laborde.

Mmes Maryvonne Blondin et Corinne Bouchoux.  - Très bien !

Mme Geneviève Fioraso, ministre.  - J'ai passé quinze ans dans des conseils d'administration divers, dont des conseils d'université. La LRU aurait donné une autonomie totale, dites-vous ? Mais chaque fois que l'on sollicitait des dérogations, la réponse était négative : il fallait absolument que tous les pieds entrent dans la même chaussure. C'était agaçant. Les collectivités territoriales étaient immanquablement rappelées à l'ordre. Elles n'étaient là que pour signer des chèques. Nous faisons ce que vous n'avez pas fait.

L'autonomie est un beau mot, encore faut-il que la réalité y soit conforme ; ce n'était pas le cas. En déléguant l'accréditation, nous faisons confiance aux acteurs.

Je remercie Gérard Roche de son soutien à la diversification de la formation des médecins. La physique, la chimie, les mathématiques ne sont pas valorisées dans leur beauté quand on en fait de simples vecteurs de sélection. On ne tombe pas amoureux d'un vecteur de sélection ! Il fallait ouvrir le mode de sélection des futurs médecins. Le maintien à domicile changera les métiers de la santé. Ce que font des médecins généralistes pourra être accompli par des infirmières. De nouveaux métiers de santé verront le jour. Cela aura un effet sur le numerus clausus. Nous lançons une expérimentation ouverte.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Il faut des financements.

Mme Geneviève Fioraso, ministre.  - Bien sûr !

La recherche fondamentale est un bien précieux. La recherche technologique doit favoriser les convergences afin que les entreprises contribuent davantage à son financement. Ce n'est pas transformer les chercheurs en marchands que faire en sorte qu'ils puissent créer des start up et des emplois. Nous pouvons regagner des points dans le domaine industriel.

Tout n'est pas dans la loi, comme la résorption de la précarité qui fera l'objet d'un plan spécifique. Nous reviendrons sur la gouvernance. Ce projet de loi donne davantage de pouvoir aux personnalités extérieures, qui sont plus nombreuses que dans la LRU. Nous avons intérêt à tous nous mobiliser pour la réussite des étudiants et notre rayonnement international, l'avenir de notre pays en dépend. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)

La séance est suspendue à 19 h 30.

présidence de M. Charles Guené,vice-président

La séance reprend à 21 h 30.

Débat préalable au Conseil européen des 27 et 28 juin

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 27 et 28 juin 2013.

Orateurs inscrits

M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes .  - Je suis très heureux de revenir devant vous présenter les priorités que défendra la France lors du prochain Conseil européen, un an après l'adoption du pacte européen pour la croissance et l'emploi de 120 milliards d'euros. Martin Schulz, président du Parlement européen, a dit à raison que les Européens se défient de l'Europe parce qu'elle a cessé de tenir sa promesse d'une Europe de la croissance et de l'emploi. Notre cap est bien celui de la croissance retrouvée ; la politique européenne ne peut avoir pour seul horizon l'austérité et l'effort budgétaire.

Le 30 mai, Français et Allemands se sont mis d'accord pour mettre l'accent sur la compétitivité et l'emploi des jeunes. Avant de développer ce sujet, je veux saluer la victoire remportée par la France vendredi dernier : la reconnaissance par les vingt-sept États membres de l'exclusion des services audiovisuels de la négociation de l'accord de libre-échange avec les États-Unis. La diversité de l'offre culturelle est une des garanties premières que doit apporter toute démocratie. La culture n'est pas une simple marchandise.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Très bien !

M. Thierry Repentin, ministre délégué.  - Autres points fixés à la Commission européenne dans ces négociations : la préservation de nos choix collectifs en matière de sécurité alimentaire -OGM, hormone de croissance, décontamination chimique des viandes...- et l'exclusion des marchés publics de défense. Un mandat clair et explicite a ainsi été fixé à la Commission ; il n'y aura pas d'accord s'il n'est pas strictement respecté.

Si le sérieux budgétaire est un cap, il doit aller de pair avec une politique vigoureuse de croissance ; il faut rompre avec une Europe de l'austérité qui fait le lit du populisme. L'équilibre entre efforts de consolidation budgétaire et mesures ciblées en faveur de la croissance devrait se traduire dans les recommandations par pays.

L'augmentation de capital de la Banque européenne d'investissement (BEI) de 10 milliards se soldera par 7 milliards par an injectés dans l'économie pendant trois ans au service de l'emploi dans les territoires, des projets innovants des entreprises et des investissements des collectivités territoriales -c'est 2,5 milliards de plus que ces dernières années. La BEI sera aussi plus accueillante aux PME.

Nous voulons mettre en oeuvre rapidement la garantie jeunesse, décidée en octobre, et l'initiative pour l'emploi des jeunes, dont 6 milliards devront être concentrés sur les années 2014-2015 ; nous entendons favoriser la mobilité des jeunes Européens, dans la ligne d'Erasmus plus, et la création d'un statut européen de l'apprenti.

L'Europe sociale semble en panne : les moyens de la relancer seront discutés au sein d'une table ronde que j'animerai lors de la conférence sociale des 20 et 21 juin. Il y sera entre autres question de la directive Détachement des travailleurs et d'un salaire minimum européen, auquel les Allemands sont désormais favorables. Nous avons échangé cet après-midi même sur ces sujets avec des représentants de la Confédération européenne des syndicats.

Mettre au pas la finance est notre troisième objectif. A cette fin, notre priorité absolue est la poursuite de la construction de l'union bancaire ; nous devons avancer sur les conditions d'une recapitalisation directe des banques par le MES et l'adoption d'un mécanisme unique de résolution bancaire afin que ni les contribuables ni les déposants n'aient à payer lorsqu'une banque fait défaut.

Au-delà, nous devons définir les conditions d'un approfondissement de l'Union économique et monétaire ; c'est l'objet du rapport que M. Van Rompuy présentera au Conseil. Nous avons en outre obtenu que la dimension sociale de cette union soit abordée. La France sera force de proposition, nous en débattrons avec les partenaires sociaux. Nous pourrons enfin envisager dans un second temps la mise en place des contrats de compétitivité et de croissance en lien avec celle d'un fond budgétaire pour la zone euro.

Voilà comment nous entendons défendre une Europe de la croissance et de l'emploi les 27 et 28 juin. Tel est le sens des engagements de la France, que je suis heureux d'avoir pu vous faire partager. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)

M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes .  - Je me félicite de l'accord intervenu sur le mandat donné à la Commission européenne pour les négociations avec les États-Unis. J'ai défendu au Sénat une proposition de résolution européenne sur le sujet, adoptée à l'unanimité, et je dois dire combien j'ai peu apprécié le qualificatif de « réactionnaire » dont M. Barroso a affublé la France quand elle défendait l'exception culturelle. La Commission est sortie de son rôle, elle devrait être plus respectueuse des positions nationales et des parlements des États.

La nouvelle majorité, si elle ne nie pas la nécessité d'un assainissement de nos finances publiques, soutient qu'une cure d'austérité généralisée en Europe a des effets récessifs -la Grèce en est un triste exemple. La Commission a accordé un délai de deux ans supplémentaires pour revenir à un déficit sous la barre des 3 %. Je me réjouis de cette nouvelle approche gradualiste, qui est dans l'intérêt de la construction européenne et de l'adhésion des peuples ; elle ne nous dispense pas de réaliser des efforts. Notre déficit, lourd héritage, atteindra l'an prochain 96 % du PIB ; réduire ce fardeau est un impératif durable. Il faut mettre fin au despotisme éclairé et laisser des marges de manoeuvre aux pays pour soutenir la croissance -c'est tout le sens du pacte de croissance, dont la mise en oeuvre doit être accéléré.

C'est dans ces conditions qu'il faut apprécier les recommandations faites à la France, qui seront discutées et, je l'espère, amendées lors du prochain Conseil européen.

Nous sommes évidemment favorables à la coordination des politiques économiques, qui découle des traités. Mais si c'est aux institutions européennes de définir les objectifs à poursuivre ensemble, c'est aux pays de choisir les moyens pour les atteindre. La Commission n'a pas à se mêler de la réforme des retraites ou de notre organisation territoriale. Le principe de subsidiarité est un des principes directeurs de l'Union.

M. Aymeri de Montesquiou.  - Bien sûr !

M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes.  - Pour finir, la Turquie. Nous ne pouvons accepter qu'un candidat à l'adhésion réprime des manifestations de manière excessive ou occupe une partie du territoire d'un État membre.

M. Jean-Claude Frécon.  - Très bien !

M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes.  - Depuis un an, la France a adopté une attitude plus constructive, ce dont il faut se féliciter ; mais cela ne signifie pas qu'elle soit prête à transiger avec les valeurs fondamentales de l'Union. Il faut saluer, en revanche, la normalisation au Kosovo, gage de paix dans la région, et les efforts du gouvernement de Serbie. J'espère que le Conseil donnera une impulsion à l'ouverture de négociations avec ce pays. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances .  - Le Conseil européen des 27 et 28 juin, qui conclut le semestre européen, devrait donner l'onction politique au délai de deux ans accordé à six pays, dont la France, pour revenir sous la barre des 3 %. Cela traduit la prise de conscience par la Commission de l'impact récessif de mesures d'ajustement trop brutales ; c'est une inflexion majeure. En 2013, le déficit devrait se réduire de 1,1 point de PIB grâce à l'effort sans précédent du Gouvernement. Sans cela, la Commission européenne aurait-elle accordé ce délai de deux ans ? On peut en douter... (On ironise au centre et à droite)

M. Aymeri de Montesquiou.  - Quelle audace !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - La Commission, dans ses recommandations, appelle notre pays à renforcer la consolidation budgétaire et à intensifier les réformes structurelles. Elle est ici dans son rôle. Elle reconnaît les efforts accomplis, souligne l'intérêt de la modernisation de l'action publique (MAP) quand la RGPP, toujours selon elle, souffrait de ne pas suffisamment réexaminer les grandes politiques publiques.

Cela dit, la Commission ne prend en compte que des mesures « suffisamment précises ». Pour exemple, elle juge notre fiscalité écologique insuffisante, bien que le Gouvernement ait mis en place un comité sous la direction de M. Christian de Perthuis pour fonder les mesures qui seront prochainement prises dans ce domaine. De même pour la réforme des retraites, dont la Commission a reconnu qu'elle contribuerait à réduire notre déficit. Ses recommandations doivent donc être lues pour ce qu'elles sont. La France reste souveraine dans ses choix économiques et politiques

M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes.  - Très bien !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Alors que la France a perdu 11,2 % de parts de marché à l'exportation ces cinq dernières années, le Gouvernement a lancé le CICE, qui entraînera la création de 300 000 emplois et la hausse du PIB de 0,5 point d'ici 2017. Et la Commission a reconnu le caractère équilibré de l'accord national interprofessionnel de janvier 2013. La France est bien lancée dans des réformes structurelles. Le prochain conseil doit être l'occasion, pour notre pays, de continuer à porter son message en faveur de la croissance. Il ne faut pas confondre austérité et sérieux budgétaire -c'est ce que dit en substance le FMI. Il doit permettre aussi d'avancer sur le soutien à l'emploi des jeunes et le financement de l'économie européenne. La position équilibrée de la France entre croissance et réduction des déficits doit trouver à s'appliquer dans l'Europe entière. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean Bizet.   - Comme beaucoup d'entre vous, je suis heureux de débattre du prochain Conseil européen consacré à la croissance, alors que les perspectives économiques sont sombres.

Mais je veux vous entretenir de la relation franco-allemande. Si nous sommes sensibles à la tentative du président de la République de renouer une relation de proximité avec l'Allemagne, le groupe UMP ayant déposé une proposition de résolution sur ce sujet, nous restons perplexes, voire inquiets, face à certaines positions défendues par une partie de la majorité. Une clarification définitive s'impose, la France ne peut être l'otage des différences de sensibilités au sein du parti socialiste ou de la majorité.

M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes.  - C'est un peu facile.

M. Jean Bizet.  - La France doit reconnaître l'Allemagne comme un partenaire stratégique, un partenaire économique et politique fiable. Le couple franco-allemand doit rester le moteur de l'Europe. L'Allemagne nous a rejoints sur la BCE, elle a initié une politique salariale qui soutient sa demande interne. Ne doutons pas d'elle, ne la faisons pas douter de notre engagement. C'est ainsi que nous entraînerons une nouvelle dynamique. Oui, le couple franco-allemand a un avenir, il est même consubstantiel à l'Europe elle-même.

Le redressement économique de notre pays est un impératif ; son échec ferait courir un risque à toute la zone euro. Le Gouvernement devrait en être convaincu, lui qui invoque si souvent la solidarité. Mais encore faut-il qu'il s'en donne les moyens. Le délai de deux ans est à la fois une opportunité tant que les taux d'intérêt restent bas et une exigence car nous devons entreprendre sans délai les réformes nécessaires. A cet égard, nous nous inquiétons des propos de certains membres de la gauche et des postures verbales du président de la République et du Premier ministre vis-à-vis des recommandations de l'Europe. Le regard de la Commission européenne nous est précieux ; ses positions ne doivent pas être considérées comme des ingérences mais de bons conseils tirés de l'expérience des autres pays européens.

Quels sont les engagements que prendra la France devant ses partenaires en matière de redressement budgétaire et de réformes ? Comment entendez-vous traduire ces engagements par des politiques cohérentes ? (Applaudissements à droite)

M. Michel Billout .  - Une fois de plus, le prochain Conseil européen est qualifié de crucial. Pour autant, les réunions se succèdent sans se traduire par des mesures concrètes, provoquant la désillusion. Surtout, le président de la République suit une voie qui n'est pas la nôtre : pour que soient tenus les engagements pris devant les Français, notre pays doit peser pour une réorientation économique et politique de l'Union. Hélas, tandis que le parti socialiste se déchire à Paris, on s'aperçoit que le président de la République ne peut faire entendre sa voix à Bruxelles.

L'heure serait à la création d'un Gouvernement économique de l'Union vite chapeauté par une union politique -qui n'aura d'autre résultat que le renforcement de la politique austéritaire. Quelle sera la différence avec l'Eurogroupe ? Quelle politique différente serait-elle mise en oeuvre ? Le président de la République parle d'harmonisation fiscale, l'intention est louable mais, à moins de défendre clairement la politique de croissance, il se verra imposer une harmonisation vers le bas. Quand donc mettra-t-on fin au dumping fiscal ? Tant que les dogmes libéraux s'imposeront, nous n'avancerons pas.

Quant à l'union politique, de quoi parlons-nous ? Ce serait laisser les mains libres à Angela Merkel, qui fera l'Europe dont les peuples ne veulent pas.

Quelles sont les pistes ? Il nous faut une banque indépendante de la grande finance mais dépendante du politique, à l'inverse de la BCE qui vient d'enterrer la taxe sur les transactions financières. Il faut refuser toute régression sociale et toute mise en concurrence de secteurs comme l'énergie ou les transports -en d'autres termes, un protectionnisme solidaire fondé sur des critères sociaux et environnementaux.

Le président de la République a-t-il l'intention d'aller dans ce sens et de convaincre nos partenaires ? Sans lui faire de mauvais procès, je déplore l'ambiguïté de ses déclarations : on ne peut défendre la politique de Schroeder à Leipzig et la croissance par l'endettement à Tokyo. Surtout, il faut se donner les moyens de mettre ses propos en actes.

Si on peut se féliciter de l'exclusion de l'audiovisuel, l'accord de libre-échange avec les États-Unis est particulièrement dangereux. Tous les secteurs seront touchés. Comme le titrait Libération aujourd'hui : L'exception culturelle, l'arbre qui cache la forêt. (Applaudissements sur les bancs CRC ; M. André Gattolin applaudit aussi)

M. Aymeri de Montesquiou .  - Les recommandations de la Commission sont identiques à celles de l'OCDE, du FMI et de la Cour des comptes, que vous vous entêtez à ne pas suivre...

M. Richard Yung.  - C'est faux !

M. Aymeri de Montesquiou.  - Le temps qui passe aggrave l'état de nos finances et fragilise l'Union. La France n'a qu'une parole, a dit le ministre de l'économie ; comment tiendra-t-elle les engagements pris devant ses partenaires ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - C'est bien le problème !

M. Aymeri de Montesquiou.  - En votant le TSCG en novembre dernier, nous avons accepté la politique de convergence et le contrôle européen de nos finances publiques. Détrompez-moi, monsieur le ministre...

M. Thierry Repentin, ministre délégué.  - Oh oui !

M. Aymeri de Montesquiou.  - Et pourtant, le président de la République déclare que la France est souveraine et décide de sa politique économique...

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Il a raison !

M. Aymeri de Montesquiou.  - Est-ce parce que certains refusent la social-démocratie ? Sommes-nous donc liés par l'article 14 de la convention nationale du parti socialiste...

M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes.  - Bonne lecture !

M. Aymeri de Montesquiou.  - ...très hostile à l'intégration européenne ? Gide disait : « La promesse de la chenille n'engage pas le papillon ». (Exclamations sur les bancs socialistes)

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Hors sujet !

M. Aymeri de Montesquiou.  - Qu'avez-vous mis en oeuvre pour redresser nos comptes publics et relancer la compétitivité ? Où est la convergence fiscale avec l'Allemagne ?

M. Jacques Chiron.  - Que s'est-il passé de 2002 à 2012 ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Vous souteniez Sarkozy !

M. Richard Yung.  - Vous avez tout cassé !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - C'est percutant ! Cela vous touche !

M. Aymeri de Montesquiou.  - Nos dépenses publiques restent bloquées à 56,6 % du PIB, huit points de plus qu'en Allemagne ! Notre compétitivité a chuté par rapport à nos voisins. Le CICE est trompeur car il aide seulement les entreprises à embaucher sans avoir d'effet sur la compétitivité. Seuls 5 000 contrats ont été signés sur 2 millions d'entreprises. C'est dire son attractivité...

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Faux ! Le CICE explose.

M. Aymeri de Montesquiou.  - Votre politique de matraquage fiscal obère les capacités d'investissement de la France. Vous auriez dû faire la TVA anti-délocalisation...

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Vive le libéralisme !

Plusieurs voix sur les bancs socialistes.  - C'est l'héritage !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Il a bon dos !

M. Aymeri de Montesquiou.  - La France a un coût du travail supérieur de trois points à celui de l'Allemagne, de huit points à celui de l'Italie, de treize points à celui du Royaume-Uni.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Merci Sarkozy !

M. Aymeri de Montesquiou.  - La France a donné son accord à l'augmentation du temps de travail des fonctionnaires européens ; à quand la même mesure sur le territoire national ? Votre réforme des retraites est à contre courant. Et les jeunes quittent la France comme jamais, notre pays se vide de ses forces vitales !

M. Richard Yung.  - Bavardages !

M. Aymeri de Montesquiou.  - C'est alarmant. Si vous n'écoutez pas les parlementaires de l'opposition, écoutez au moins les aspirations des jeunes !

M. Jean Bizet.  - Très bien !

M. Aymeri de Montesquiou.  - Nous voulons une Europe de l'engagement, de l'espérance, de combat. (Applaudissements à droite)

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - On vous a connu meilleur...

M. Jean-Claude Requier .  - Grâce à la France, les 27 ont choisi de changer de cap et d'en venir à une Europe de la croissance.

M. Jean Bizet.  - Ah ?

M. Jean-Claude Requier.  - Celle-ci, nécessairement, n'est pas simple à construire. En témoignent les relations tumultueuses entre la France et la Commission européenne ces dernières semaines : M. Barroso a qualifié les Français de « réactionnaires » parce qu'ils défendaient l'exception culturelle dans le traité de libre-échange avec les États-Unis.

Au-delà des mots, avançons. La France a besoin de poursuivre sur la voie des réformes structurelles en mettant en oeuvre l'excellent rapport Gallois -et non seulement parce que la Commission les lui imposerait.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Il y a encore du travail !

M. Jean-Claude Requier.  - Les retombées du pacte de croissance se font attendre, de même que la recapitalisation de la BEI. En mars, votre prédécesseur, monsieur le ministre, annonçait que la France bénéficierait de 11 milliards du pacte de croissance avec un impact global de 24 milliards. Je m'en réjouis mais où sont les 5 milliards de project bonds, dont 400 millions devaient être investis en France dans les transports, l'énergie et les télécommunications ? Quelle sera leur répartition ?

Le pacte européen est insuffisant à lui seul pour nourrir la croissance de demain. Il n'est qu'une première étape. La France plaide, à juste titre, pour consacrer 6 milliards d'euros sur deux ans à la lutte contre le chômage des jeunes.

La garantie pour la jeunesse est une initiative importante.

M. Jacques Mézard.  - C'est vrai !

M. Jean-Claude Requier.  - L'Union économique et monétaire et l'union bancaire sont une avancée majeure. Où en sommes-nous sur le mécanisme unique de résolution des crises et la garantie des dépôts, monsieur le ministre ?

Il semble que l'Allemagne ait renoncé à demander une révision préalable des traités. La voie pour l'union bancaire est-elle dégagée ? Grâce à l'union bancaire, le MES pourra recapitaliser les banques, ce qui mettra fin au cercle vicieux crise bancaire/crise des dettes.

C'est grâce à une politique européenne budgétaire, économique et sociale que nous sortirons par le haut de la crise et que nous garantirons à nos concitoyens un emploi et une vie meilleure. N'est-ce pas le sens même de la construction européenne ? C'est pourquoi les radicaux de gauche et la majorité du groupe RDSE soutiennent le Gouvernement. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)

M. André Gattolin .  - L'ordre du jour du Conseil européen fait oublier un fait symbolique essentiel : il y a vingt ans, nous adoptions la notion de citoyenneté européenne, problématique aujourd'hui tant elle paraît curieusement apolitique. Le droit de participation aux élections européennes et locales ne résume pas la citoyenneté. Le citoyen européen est un citoyen qui s'ignore, de même qu'il n'existe pas d'espace public européen. L'émergence de projets autour de valeurs concurrentes et librement débattues apparaît difficile.

Alors que beaucoup se félicitaient que les ministres du commerce aient décidé d'exclure de la négociation du traité de libre-échange avec les États-Unis l'exception culturelle, le président de la Commission européenne a traité la position française de réactionnaire, feignant d'ignorer que c'était aussi celle du Parlement européen.

M. André Gattolin.  - Ce problème ne nécessitait ni cet excès d'honneur, ni cette indignité. Cette exception réduira, au fur et à mesure des négociations, les autres concessions que nous aurions pu exiger des États-Unis. Quelle est la légitimité de M. Barroso à un an du renouvellement du Parlement européen et de la Commission ?

Aucune procédure de concertation publique n'a été lancée. Pourquoi les gouvernements ont-ils accepté d'ouvrir aussi rapidement ces négociations ?

Nous avons les mêmes inquiétudes à propos d'autres volets de la politique européenne. Les recommandations faites aux États membres, axées sur la rigueur budgétaire, oublient la lutte contre la pauvreté et la transition écologique. Cela nous paraît à courte vue. Il manque une colonne vertébrale à cette politique.

La parité est reconnue comme une valeur essentielle par le traité. Pourtant, certaines institutions clé de l'Union européenne en font fi. Charité bien ordonnée commence par soi-même...

William Faulkner disait que « la sagesse suprême est d'avoir des rêves assez grands pour ne pas les perdre de vue tant qu'on les poursuit ».

Je crains que nous ayons manqué de sagesse ces dix dernières années. L'ordre du jour du Conseil européen est tristement technique, financier et commercial ; mettons fin à cette dérive. Un droit d'inventaire est nécessaire avant que s'ouvre la campagne européenne, pour retrouver le goût de l'Europe et redonner aux citoyens toute leur place. (Applaudissements à gauche et au centre)

M. Jean-Vincent Placé.  - Excellent !

M. Richard Yung .  - Monsieur de Montesquiou, franchement, cette litanie d'arguments éculés est dramatique ! Comment nos partenaires jugeront ce manque de confiance dans nos entreprises, dans la richesse de notre pays ? Personne ne peut vous croire ! (Applaudissements à gauche)

M. Daniel Raoul.  - Excellent !

M. Richard Yung.  - M. Bizet a été plus modéré.

M. Jean-Vincent Placé.  - C'est dire !

M. Richard Yung.  - Nous avons vu hier M. Rehn, qui a rédigé les recommandations à la France. L'appréciation de la Commission sur la baisse des coûts du travail, sur l'accord national interprofessionnel, sur les retraites, sur les déficits publics, dont nous héritons... Tout n'est pas parfait mais sachons voir la confiance qui se lit dans le regard des autres !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Très bien ! (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx ironise)

M. Daniel Raoul.  - C'est l'aveu de leur bilan !

M. Richard Yung.  - Faut-il mettre la clé sous la porte ? Faut-il se féliciter que le CICE n'avance pas suffisamment ? Vieilles rengaines ! Voyons plutôt comment progresser.

Nous nous rapprochons de l'Allemagne.

M. Jean Bizet.  - C'est nouveau !

M. Richard Yung.  - J'espère que vous vous en félicitez, comme moi. Se construit une position commune dans la perspective du prochain conseil, en particulier sur l'intégration économique de la zone euro. Oui, nous progressons. Même chose pour l'Union bancaire. Le président de l'Eurogroupe l'a dit, il y a encore des banques européennes pour le moins fragiles. Il est très important d'obtenir la supervision et le mécanisme unique de résolution. On a perdu un an, je n'y reviens pas. Il est proposé de mutualiser les fonds de garantie de chaque pays. Vous rendez-vous compte de l'importance d'une telle mesure ? Imaginez que le système slovène saute. L'Allemagne, la France, l'Italie prêteront ce qui lui manquerait. C'est formidable.

Monsieur le ministre, où en est-on sur la licence bancaire qui pourrait être accordée au mécanisme européen, qui agirait directement et non par l'intermédiaire des États ?

Dans le domaine fiscal, la taxe sur les transactions financières pose des problèmes pratiques mais elle a une portée symbolique, quel que soit son rendement. Nous ne sommes que 11, dans un ensemble à 17 ou à 27. Imaginons un fonds de type BEI, pour des projets. Il y a un rétropédalage, semble-t-il, sur le champ d'application. La France voudrait l'élargir aux opérations de change. Pourriez-vous nous éclairer sur ce point ? (Applaudissements sur les bancs socialistes et RDSE)

M. Daniel Raoul.  - Très bien !

M. Thierry Repentin, ministre délégué .  - Monsieur de Montesquiou, le Gouvernement mène une politique volontariste, pour créer les conditions d'une croissance qui s'appuie sur le sérieux budgétaire -on ne peut s'abstraire du passé ! Nous avons besoin de restaurer notre souveraineté budgétaire, indépendamment des recommandations européennes.

Mme Michèle André.  - Absolument !

M. Thierry Repentin, ministre délégué.  - Le déficit ne date pas de 2012.

Notre diagnostic diffère de celui de la Commission européenne sur certains points, comme les moyens d'augmenter la compétitivité des entreprises, par exemple. Le Gouvernement dialoguera avec le Sénat, l'Assemblée nationale et les partenaires sociaux, trop oubliés par le passé. Nous discuterons de l'Europe sociale et des réformes structurelles dès demain à la conférence sociale.

Nous sommes favorables au renforcement de la coordination des politiques économiques...

M. Aymeri de Montesquiou.  - Il faut le faire.

M. Thierry Repentin, ministre délégué.  - Nous en discuterons au Conseil sur la base du rapport Van Rompuy. Nous sommes ouverts à la coordination ex ante mais cela ne signifie pas que la Commission décide en lieu et place des Parlements nationaux des politiques économiques nationales, comme l'a marqué le président de la République.

Nous respecterons le cadrage général ; en revanche, les mesures demeureront nationales.

Nous sommes déterminés à redresser la compétitivité de notre pays. C'est le sens du pacte de compétitivité et de croissance.

Nos engagements sur les réformes à mener ? Mais monsieur de Montesquiou, vous les connaissez puisque le programme de stabilité a été soumis au parlement en avril, avant sa transmission à la commission.

Mme Michèle André.  - C'est vrai !

M. Thierry Repentin, ministre délégué.  - La Commission l'a d'ailleurs salué. Le Sénat, je le sais, est une maison bien tenue, vous y trouverez facilement ces documents.

La Commission a salué la crédibilité de la France, que le Conseil en fasse autant.

Le Gouvernement économique pour la zone euro, esquissé par le président de la République le 16 mai dernier, doit être responsable devant les citoyens. Cela reste à construire. En proposant un président à temps plein qui portera la parole de l'Eurogroupe, la France joue son rôle historique pour faire évoluer la gouvernance européenne. La contribution franco-allemande a jeté les bases de ce Gouvernement économique, le 30 mai. Outre le président de l'Eurogroupe, il faut des ministres des finances disposant de moyens renforcés, c'est-à-dire des ressources propres. D'autres ministres y pourraient siéger, par exemple les ministres des affaires sociales et du travail. C'est nouveau.

Nous proposons qu'au sein du Parlement européen, qu'une structure démocratique soit constituée, face au président de l'Eurogroupe et que les partenaires sociaux soient traités avec respect, comme ils le sont désormais en France.

M. Roland Courteau et Mme Gisèle Printz.  - Très bien !

M. Thierry Repentin, ministre délégué.  - J'en viens au fantasme selon lequel il y aurait une crise entre la France et l'Allemagne.

Si Mme Merkel n'a pas été élue sur les mêmes bases que François Hollande, nous pouvons néanmoins travailler ensemble. Notre relation est unique au monde : connaissez-vous beaucoup de pays dont les gouvernements font un point hebdomadaire ? Elle est équilibrée, rééquilibrée même, car nous ne sommes plus dans le suivisme, sans débat. Elle est sereine. Nous ne cachons pas nos difficultés ; nous nous les disons, tout en sachant que nous devons trouver un compromis. Si on veut une solution à vingt-sept, il faut d'abord trouver une solution franco-allemande.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - C'est clair !

M. Thierry Repentin, ministre délégué.  - Il n'y avait pas d'accord sur la taxe sur les transactions financières. En janvier 2013, sa création a été actée.

Étions-nous d'accord sur le fonds d'aide alimentaire aux démunis ? Non plus, ce fonds sera néanmoins sauvé grâce à la France dans quelques semaines.

M. Roland Courteau.  - Très bien !

M. Thierry Repentin, ministre délégué.  - L'Allemagne souhaitait-elle un mécanisme de supervision bancaire ? Le MES ? La France a emporté la décision. Et la lutte contre l'évasion fiscale ? La directive était « plantée » depuis cinq ans. Le 22 mai dernier, jour noir pour les fraudeurs, nous avons remporté l'adoption de la directive Épargne avant la fin de l'année. Avec une force tranquille, nous avons développé une autre vision de l'Union européenne, pour lui faire prendre une direction nouvelle.

Monsieur Gattolin, c'est l'année de la citoyenneté européenne. Oui, il y a des efforts à faire. Il faut que chacun, dans chaque région, agisse afin que les citoyens se sentent concernés. La citoyenneté européenne peut être confortée par la présence de l'Europe à nos côtés, sur nos territoires. C'est le rôle de la Banque européenne d'investissement qui vient d'être recapitalisée : une soixantaine de milliards d'euros vont être débloqués.

Monsieur Requier nous avons signé avec la CDC un accord sur 7 milliards cette année, autant l'an prochain, également l'année suivante. Renault en bénéficiera, le syndicat intercommunal d'assainissement de l'Île-de-France et l'aéroport de Lyon Saint-Exupéry.

Le mandat adopté vendredi dernier sur l'accord de libre-échange Europe-États-Unis n'est pas uniquement défensif, mais aussi offensif -l'ouverture des marchés publics dans les États fédérés, la suppression des barrières non tarifaires. Ce dont on n'a pas parlé est aussi essentiel.

M. Daniel Raoul.  - Plus !

M. Thierry Repentin, ministre délégué.  - Nous nous attacherons à préserver nos intérêts au fur et à mesure des négociations au-delà de l'exception culturelle. Je félicite Aurélie Filippetti qui a mobilisé treize de ses collèges et Nicole Bricq qui a tenu vendredi la ligne de front, avec la ténacité que vous lui connaissez.

Monsieur le président Sutour, sur le Kosovo, la France a une position très ouverte. D'accord pour engager le processus d'adhésion de la Serbie, et pour l'association du Kosovo, sous réserve que les accords d'avril dernier soient respectés. Mme Ashton rencontrera cette semaine les responsables des deux pays.

M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes.  - Très bien !

M. Thierry Repentin, ministre délégué.  - Quant à la Turquie, le respect des règles de droit fonde l'adhésion à l'Union européenne. Je l'ai redit à mon confrère turc que j'ai rencontré récemment, à propos du droit de manifester.

S'agissant de la taxe sur les transactions financières, les discussions en cours se focalisent sur l'assiette, sur les produits financiers à inclure, au cas par cas, pour éviter tout effet pervers sur le financement de l'économie sans oublier certaines transactions sur les dérivés. (Applaudissements à gauche et au centre)

M. le président.  - Nous passons au débat interactif et spontané.

Débat interactif

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx .  - Nous avons connaissance des rapports de la Cour des comptes, de l'OCDE, de la Commission européenne, du FMI sur notre pays. Tous convergent sur le diagnostic et sur les mesures à prendre : la France doit sans tarder mener des réformes structurelles. Quels engagements prendra le Gouvernement à l'égard de l'Allemagne au Conseil européen ? Quelles réformes selon quel calendrier ? Comment conjuguer une coopération renforcée avec l'Allemagne, sans fantasme, avec votre hausse massive d'impôts, qui a accentué la divergence entre nos deux économies ?

M. Daniel Raoul.  - C'était déjà le cas avant !

M. Thierry Repentin, ministre délégué.  - Franchement, pas de fantasme ! Il n'y a pas de divergence entre nous. Nous sommes d'accord sur de nombreux points, dont le Smic européen, la lutte contre le dumping social, la convergence sociale par le haut. Nous travaillons sereinement.

Le programme de réformes, c'est celui du pacte compétitivité emploi, c'est la réforme des retraites, que nous avons amorcée mais qui n'a pas été suggérée par la Commission européenne. Nous en débattrons quarante heures demain et après-demain. C'est aussi la réforme de l'apprentissage et de la formation professionnelle et la mise en oeuvre du choc de simplification annoncé par le président de la République, dont le Sénat sera saisi prochainement.

M. Yvon Collin .  - L'emploi des jeunes est à l'ordre du jour, alors que la France se situe au-dessus de la moyenne européenne pour le chômage des jeunes. Le président Obama a mis en garde à Berlin contre l'émergence d'une « génération perdue ».

Ce sous-emploi massif alimente l'euroscepticisme. Nous avons épargné la guerre à nos jeunes mais un autre mal les guette : le repli sur soi et la peur de l'autre. Nous comptons sur le Gouvernement pour que l'Europe fasse de la jeunesse une priorité.

M. Thierry Repentin, ministre délégué.  - Vous touchez le coeur de l'agenda des 27 et 28 juin, centré en priorité sur la jeunesse. J'espère des résultats concrets, avec la création d'une ligne de 6 milliards d'euros dont nous souhaitons qu'ils soient utilisés dès 2014 et 2015 pour un effet de levier maximum et qui bénéficieront à tous les TOM français et à une dizaine de départements. C'est aussi la garantie jeunesse, la dotation du programme Erasmus, qui passera de 8 à 13 milliards d'euros, pour toucher plus de jeunes y compris ceux qui sont en formation en alternance ou en apprentissage, avec la reconnaissance d'un statut européen de l'apprenti, la mise en place de crédits spécifiques pour les jeunes créateurs d'entreprise.

Mme Claudine Lepage .  - « Une victoire pour la France » s'est exclamée Aurélie Filipetti. Nicole Bricq a remporté, après treize heures de négociations, son bras de fer européen. Non, nous ne sommes pas les seuls en Europe, quoi qu'en dise M. Barroso, à nous battre pour la diversité culturelle. Ces propos consternants du président de la Commission témoignent d'un profond mépris pour les pays et les peuples, mais aussi de son ultralibéralisme. Je félicite le Gouvernement pour sa détermination. Sans bouder notre plaisir, nous redoutons que cet accord de libre-échange pourrait harmoniser vers le bas notre réglementation sociale et environnementale. Comment le Gouvernement compte-t-il défendre notre modèle européen face au modèle américain moins protecteur ?

M. Thierry Repentin, ministre délégué.  - La France s'est toujours prononcée pour le principe d'un tel accord, sur la base de la réciprocité, pour autant que les gains pour la France et l'Europe soient réels. Ces négociations prendront trois à quatre ans. Seule l'exclusion explicite des services audiovisuels nous assure de la préservation efficace de l'exception culturelle.

Sur les propos du président de la Commission européenne, lutter pour la diversité culturelle, c'est le sens du progrès, contraire à l'aveuglement ultralibéral, lequel est réellement réactionnaire. L'accord devra être signé et ratifié par tous les États membres. La Commission est notre négociateur, avec le mandat qui lui a été confié. Nous suivrons attentivement ses travaux au sein du comité de politique commerciale et nous en reparlerons dans deux ou trois ans, lors de la ratification. Nous avons donc le moyen de vérifier que nos demandes sont respectées au pied de la lettre.

M. Michel Billout .  - J'espère que la situation en Turquie sera évoquée lors du Conseil européen. Secouée depuis plus de quinze jours par des manifestations antigouvernementales, ce pays laïc a connu une répression très violente qui a fait quatre morts. Parmi les nombreux blessés, dix personnes ont perdu la vue à cause de l'utilisation de gaz nocifs. De nombreuses personnes, dont une Française, attendent leur jugement.

Cette répression porte gravement atteinte aux principes fondamentaux de la démocratie. L'Europe a protesté, même Mme Merkel a donné de la voix. En revanche, malgré votre déclaration ferme de jeudi dernier, le Gouvernement français s'est montré discret. Ne faut-il pas retirer le projet de loi ratifiant le traité de coopération policière avec un tel pays ?

M. Thierry Repentin, ministre délégué.  - Nous avons dénoncé le recours à la violence excessive pour réprimer les manifestations sur la place Taksim. Je l'ai fait de vive voix et de visu avec le représentant de la Turquie. Néanmoins, nous avons confirmé notre intention de rouvrir les négociations avec ce pays car lui fermer la porte renforcerait le nationalisme. Cette ouverture du chapitre 22, doit avoir des contreparties sur la question migratoire, mais aussi sur Chypre. Il n'y aura pas de solution sans cela.

M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes.  - Très bien !

M. Jean-Pierre Chauveau .  - Oui, il faut tout faire pour l'emploi des jeunes ; oui, nous approuvons l'initiative en faveur des jeunes du Conseil européen des 27 et 28 juin. Mais au coeur de la question de l'emploi, il y a la flexisécurité. Qu'allez-vous faire au-delà de l'ANI ? Au coeur de l'emploi, il y a les emplois marchands ; les emplois d'avenir n'ont d'avenir que de nom.

M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes.  - Caricature !

M. Jean-Pierre Chauveau.  - Qu'entendez-vous faire pour réduire les coûts du travail ?

M. Thierry Repentin, ministre délégué.  - Je ne peux vous laisser dire cela : l'emploi d'avenir est assorti d'une obligation de formation qualifiante pour une expérience professionnelle de trois ans, et c'est là une nouveauté dans le code du travail. L'ouverture vers le secteur marchand est là, je le dis aux sénateurs qui s'y intéressent dans leurs départements. (M. Aymeri de Montesquiou approuve). La Commission européenne demande que nous nous préoccupions de l'emploi des seniors. Avec le contrat de génération, nous subventionnons une entreprise qui à la fois maintient dans l'emploi un salarié de plus de 55 ans et embauche un jeune de moins de 25 ans.

Que répondons-nous à la Commission européenne ? Cela ! Nous avons anticipé ses recommandations.

M. Yannick Vaugrenard .  - La Commission européenne outrepasse ses prérogatives et sort de son rôle. Au-delà des positions outrancières de M. Barroso, je pense aux propos du commissaire Karel De Gucht, en charge des négociations sur le partenariat transatlantique, déclarant qu'il discuterait audiovisuel avec les États-Unis. Pouvez-vous nous assurer de la vigilance extrême du Gouvernement, concernant le respect par les commissaires européens de leur mandat ?

Les États fédérés pourraient se soustraire à l'engagement de l'État fédéral, quelles garanties prendre ?

Quelle stratégie pour éviter un accord déséquilibré ? L'enjeu est important : il faut ramener le regard des États-Unis de l'Asie vers l'Europe, sans que les États fédérés puissent se soustraire aux engagements pris par l'État fédéral. États-Unis et Union européenne représentent ensemble 40 % des échanges commerciaux et plus de la moitié du PIB mondial.

Après la cascade d'élargissements de l'Union européenne dans le but louable d'arrimer des pays à une communauté démocratique, le moment n'est-il pas venu de se préoccuper avant tout d'approfondir et d'améliorer la gouvernance communautaire ?

M. Thierry Repentin, ministre délégué.  - Je le répète : le mandat de négociation est clair et définitif ; la Commission ne peut pas le modifier.

Tout cela, vous l'avez compris, n'est que le commencement d'un long processus où nous aurons un négociateur unique, la Commission européenne, que nous contrôlerons avec une commission ad hoc. Les négociations porteront aussi sur les barrières douanières non tarifaires et nous avons repéré les subtilités concernant les États fédérés.

Sur l'élargissement, la France veille à la capacité de chaque État d'intégrer l'acquis communautaire et à la capacité d'absorption de l'Union européenne. Plus l'Europe est intégrée, plus l'adhésion est difficile car le niveau d'exigence augmente. Peut-être y aura-t-il des avancées positives avec la Serbie après la rencontre avec Mme Ashton. En tout cas, il est significatif qu'en ces temps de doute interne, des pays frappent à notre porte ; c'est sans doute que nous sommes plus forts ensemble.

M. Aymeri de Montesquiou .  - Je ne voulais pas provoquer des convulsions chez mes amis socialistes. Mon but était simplement de rappeler les recommandations de l'Union européenne, de l'OCDE et du FMI. La France ne se donne guère les moyens d'avancer à mon goût.

J'ai été frappé que vous ayez commencé votre intervention en évoquant le poulet chloré et la qualité de la viande, sujets dont je ne méconnais pas l'importance pour nos négociations avec les États-Unis, mais que faites-vous pour la compétitivité, monsieur le ministre ?

Oui, je soutiens la TFF et le maintien du fonds d'aide aux démunis. Mais au-delà, la compétitivité des entreprises françaises doit être au coeur de vos préoccupations. N'aggravez pas l'héritage que vous invoquez sans cesse ! M. Sutour a eu raison de rappeler le principe de subsidiarité. Quel sera le chemin français pour réduire les dépenses, les impôts, les charges ? La taxation à 75 % est-elle stimulante ? N'a-t-elle pas provoquée un recul de 13 % des investisseurs étrangers ?

Je serai heureux d'entendre des réponses précises.

M. Thierry Repentin, ministre délégué.  - J'ai parlé de poulet chloré et de décontamination chimique de la viande, car c'est défendre l'agriculture française.

M. Aymeri de Montesquiou.  - Et la compétitivité ?

M. Thierry Repentin, ministre délégué.  - Le CICE passera de 4 % à 6 % de la masse salariale l'an prochain. Mon rôle n'est pas celui de M. Moscovici, il est d'obtenir des lignes de crédit européennes pour la recherche et l'innovation ; elles passeront de 53 à 70 milliards d'euros. Je pense aussi à l'emploi des jeunes. Je dois aussi m'assurer du maintien de la PAC pour les agriculteurs qui sont aussi des entrepreneurs. Je me bats pour du concret.

Je pense aussi aux 6 milliards pour la recherche géo-satellitaire avec l'agence spatiale européenne. Cela va représenter 69 satellites et 140 000 emplois. L'été prochain, il y aura les 7 milliards d'euros de la BEI éligibles pour les PME.

M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. - Cela, c'est du concret !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances .  - Le Conseil des 27 et 28 juin sera consacré à des sujets économiques. J'ai apprécié, monsieur le ministre, votre détermination pour l'emploi et la croissance ; je ne doute pas que la France défendra avec pugnacité sa position à Bruxelles.

Je viens d'une région très tournée vers l'agro-alimentaire, où l'on a de grosses difficultés du côté du poulet, du porc, du saumon. On ne comprend pas que le coût horaire du travail soit de 4 ou 5 euros dans certains pays de l'Union quand il est de 13 ou 14 en France. Pouvez-vous me confirmer votre volonté de créer un Smic européen ?

M. Thierry Repentin, ministre délégué.  - Vous auriez pu, monsieur le rapporteur général, m'interroger sur l'union bancaire ; je vous sais gré de ne l'avoir pas fait à cette heure. (Sourires)

Pour lutter contre le dumping social, nous voulons un alignement vers le haut en surveillant sur la directive « détachement des travailleurs ». Même chose pour la directive « marché public » afin d'exclure les entreprises provenant de pays pratiquant le dumping social. Concernant le détachement des travailleurs, nous espérons un dialogue fructueux avec les partenaires sociaux, comme nous l'avons eu sur l'ANI.

J'ai rappelé au commissaire Laszlo Andor l'importance de ce deuxième semestre 2013, le dernier avant les élections européennes. Il doit être l'occasion d'avancées dans l'Europe sociale. Je vous confirme que notre priorité, avec l'emploi des jeunes, est la lutte contre le dumping social.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Très bien !

Prochaine séance, demain jeudi 20 juin à 9 h 30.

La séance est levée à 23 h 55.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du jeudi 20 juin 2013

Séance publique

A 9 heures 30

1. Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche (n°614, 2012-2013).

Rapport de Mme Dominique Gillot, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (n°659, 2012-2013).

Texte de la commission (n°660, 2012-2013).

Avis de Mme Valérie Létard, fait au nom de la commission des affaires économiques (n°663, 2012-2013).

Rapport d'information de Mme Françoise Laborde, fait au nom de la délégation aux droits des femmes (n°655, 2012-2013).

A 15 heures

2. Questions d'actualité au Gouvernement.

A 16 heures 15 et le soir

3. Suite de l'ordre du jour du matin.