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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Débat sur l'évolution des péréquations

M. Jacques Mézard, président du groupe RDSE

M. Éric Bocquet

M. Yannick Botrel

M. Pierre-Yves Collombat

M. Jean-Vincent Placé

M. Charles Guené

M. Pierre Jarlier

M. Gérard Miquel

M. Bruno Sido

M. André Vairetto

M. Éric Doligé

M. Jean-Pierre Vial

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation

Accord en CMP

Questions d'actualité

Usine BMS-UPSA d'Agen

M. Henri Tandonnet

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille

Prévention des risques naturels

Mme Maryvonne Blondin

M. Philippe Martin, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie

Site du CEA de Vaujours

Mme Aline Archimbaud

M. Philippe Martin, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie

Politiques européennes

M. Michel Billout

M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes

Lutte contre la délinquance (I)

M. Philippe Esnol

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur

Réformes économiques et réformes sociétales

M. Jean-Claude Carle

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille

Politique de la ville

M. Claude Dilain

M. François Lamy, ministre délégué auprès de la ministre de l'égalité des territoires et du logement, chargé de la ville

Réforme familiale

M. Gérard Cornu

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille

Deux propositions pour l'emploi

M. Serge Dassault

M. Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

Lutte contre la délinquance (II)

M. Philippe Kaltenbach

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur

Organisme extraparlementaire (Candidature)

Engagement de procédure accélérée

Modification à l'ordre du jour

Débat sur l'avenir des infrastructures de transport

M. Louis Nègre, au nom du groupe UMP

M. Michel Teston

M. Jacques Mézard

M. Ronan Dantec

M. Roger Karoutchi

M. Vincent Capo-Canellas

Mme Laurence Cohen

M. Jean-Jacques Filleul

M. Charles Revet

M. René Beaumont

M. Jean-Pierre Vial

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche

Organisme extraparlementaire (Nomination)

Questions prioritaires de constitutionnalité

Débat sur les péréquations communale, intercommunale et départementale

M. Jacques Mézard, président du groupe RDSE

M. Éric Bocquet

M. Yannick Botrel

M. Pierre-Yves Collombat

M. Jean-Vincent Placé

M. Charles Guené

M. Pierre Jarlier

M. Gérard Miquel

M. Bruno Sido

M. André Vairetto

M. Éric Doligé

M. Jean-Pierre Vial

Ordre du jour du mardi 11 février 2014




SÉANCE

du jeudi 6 février 2014

68e séance de la session ordinaire 2013-2014

présidence de M. Jean-Patrick Courtois,vice-président

Secrétaires : Mme Michelle Demessine, Mme Marie-Noëlle Lienemann.

La séance est ouverte à 10 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Débat sur l'évolution des péréquations

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur l'évolution des péréquations communale, intercommunale et départementale après l'entrée en vigueur de la loi de finances pour 2014, à la demande du RDSE.

M. Jacques Mézard, président du groupe RDSE .  - Nous sommes beaucoup intervenus les uns et les autres sur l'évolution de la péréquation dans le financement des collectivités territoriales. C'est qu'il est naturel d'aborder ce sujet au Sénat qui a encore pour quelque temps, et en application de l'article 24 de la Constitution, la mission de représenter les collectivités territoriales. (M. Bruno Sido sourit)

Permettez-moi de rappeler que le rapport que j'avais commis avec M. Pointereau en 2010 était intitulé « Vers une dotation de péréquation unique, à la recherche d'une solidarité territoriale ». Je crains qu'il n'ait subi le sort que connaissent nombre de rapports parlementaires...

Notre système de péréquation est à bout de souffle. Pour toute réforme, ses bénéficiaires demeurent silencieux même si d'aucuns n'ont pu cacher leur jubilation lorsqu'ils ont découvert les effets de la réforme de la loi de finances initiale pour 2014 dans leur département. Les perdants crient à la spoliation, même ceux qui ont l'habitude de crier la bouche pleine.

Point de réforme territoriale qui ne réussisse sans abondement des dotations des collectivités territoriales à la clé. La loi Chevènement doit son succès à son bien-fondé, mais aussi à l'abondement de la dotation globale de fonctionnement. Révision des valeurs locatives, réforme du système des dotations des collectivités territoriales, chaque Gouvernement a transmis au suivant la patate chaude. Résultat : trente ans de renoncement et, pour tout dire, de manque de courage politique. Gouverner, ce n'est plus prévoir, c'est le plus souvent renoncer.

L'inégalité entre les citoyens et les territoires est considérable et injuste. Pour un même capital foncier, le propriétaire parisien paie jusqu'à dix fois moins d'impôts qu'un contribuable d'Auvergne, du Limousin, ou du Rouergue. Cette injustice bloque toute politique forte d'aménagement du territoire. Les dotations aux collectivités territoriales vont être réduites pour réduire le déficit public. Nous le comprenons, mais les collectivités les plus pauvres seront encore plus touchées, et la péréquation sera encore plus difficile.

Il serait fallacieux de considérer que la péréquation verticale n'est pas redistributive, mais ses effets sont limités. Dans la dotation globale de fonctionnement, la péréquation est insuffisante néanmoins. Nos concitoyens souhaitent de la transparence, des mesures de justice, et non des petits arrangements entre amis ou entre grands élus.

M. Éric Doligé.  - Très bien !

M. Jacques Mézard, président du groupe RDSE.  - Les dispositifs de péréquation, dont les critères ne cessent d'évoluer à chaque loi de finances, n'ont pas eu l'effet escompté. Les deux derniers budgets n'ont pas remédié au manque de cohérence.

Faut-il rappeler l'adoption d'un amendement scélérat à l'Assemblée nationale au projet de loi de finances pour 2013 modifiant la péréquation des Droits de mutation à titre onéreux (DMTO) et de la Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), au détriment des territoires ruraux, sans aucune simulation ?

Cette absence de publication des simulations a toujours été dénoncée sur tous les bancs, y compris, madame la ministre, dans l'excellent rapport que vous aviez présenté avec M. Guené, sur les conséquences de la suppression de la taxe professionnelle. Avec M. Miquel et de nombreux collègues, dont le président du Sénat, nous avions interpellé le Premier ministre qui s'était engagé à revoir ces dispositions.

En août, un prélèvement de 170 millions sur la caisse d'autonomie a été instauré pour aider les départements, pour leur donner « un ballon d'oxygène », qui a été réparti en deux enveloppes, l'une selon un critère synthétique, l'autre selon des critères discutables, qui ont permis d'attribuer 13 millions à la Corrèze...

Dans la loi de finances initiale pour 2014, un fonds pérenne de 100 millions a été créé pour aider les départements victimes de prêts toxiques : c'est aller à l'encontre de la péréquation que d'instituer une prime à la mauvaise gestion ! C'est inscrire l'aléa moral dans la loi. Une nouvelle recette fiscale a été apportée aux départements, les frais de gestion sur le foncier bâti, dont 30 % seront répartis selon une logique de péréquation. Les départements ont été autorisés à relever les DMTO de 3,8 % à 4,5 %. Lorsque cette mesure avait été présentée dans le cadre du pacte de confiance, certains présidents de conseils généraux socialistes comme M. Lozach avaient déclaré que ce déplafonnement était contraire à la solidarité. Et le rapporteur de la commission des finances à l'Assemblée nationale avait dit ses réserves, parce que les départements ruraux avec peu de transactions d'un faible montant n'en bénéficieraient pas.

Conscient du problème le Gouvernement a instauré un nouveau dispositif de péréquation. Le reversement de ce nouveau fonds de solidarité s'effectuera selon un critère synthétique défini en seconde lecture à l'Assemblée nationale, alors que le texte initial renvoyait à un décret en Conseil d'État. Les députés ont eu tout loisir pour fixer les critères puisque le Sénat n'a pas débattu de ce texte.

Sans doute cela aura-t-il permis aux départements, inspirés par l'ADF qui ne manque pas d'inventivité pour définir des indices synthétiques abscons, de faire leurs arrangements, au détriment de la justice. Ce système du reste à charge ne nous trompe pas : il satisfait les appétits de ceux qui avaient été bien servis en 2013, et de quelques autres. Divine surprise : le Lot, la Corrèze, la Seine-Saint-Denis et d'autres, que j'aurai la décence de ne pas citer, en ont bénéficié. J'ai la liste ! (L'orateur la brandit) Certains ne s'y attendaient même pas. D'autres un peu plus... La presse du Lot titrait le 25 décembre 2013 : « Le Père Noël est passé ; une aide inespérée de treize millions d'euros ». Le président Miquel y qualifiait cette enveloppe d'historique, en expliquant qu'il la devait à un intense travail de lobbying. Bravo mais quelle image de la République ! Je croyais, moi, que le Père Noël récompensait les enfants sages et non ceux qui sont dissipés... Les départements endettés comme le Nord, la Corrèze, la Seine-Saint-Denis et les outre-mer. Le maire de Tulle appelle le président de la République « le généreux Père Noël de Tulle » ajoutant : « À Tulle, on n'est pas arrosés, on est humidifiés » (Sourires à droite) Permettez à ceux qui ont soif de demander un peu d'eau...

La Seine-Saint-Denis, le Nord, la Corrèze en bénéficient. Est-ce un hasard ? Avec le reste à charge, il n'y a pas d'équité. Nombre de départements ont un reste à charge très inférieur à la moyenne, de 70 euros par habitant, comme les Hauts-de-Seine. Ceux qui ont le moindre potentiel, doivent augmenter leur taux, quand ceux qui ont plus de recettes voient leur contribution écrêtée, ce qui diminue l'abondement du fonds. Madame la ministre, modifierez-vous le mécanisme prévu dans la loi de finances initiale pour 2014 ? Si oui, quand et avec quels objectifs ?

Des critères tantôt basés sur des indices synthétiques, tantôt des recettes potentielles ou réelles montrent la difficulté de la péréquation.

Le Parlement qui manque de moyens d'évaluation, est dépendant de l'exécutif. En 2010, avec Rémy Pointereau, nous avons conclu qu'il fallait des critères transparents et acceptés par tous. Le groupe de travail de la commission des finances en 2011 concluait dans le même sens. La péréquation doit corriger ces inégalités qui frappent souvent les départements ruraux. Inspirons-nous du modèle suédois, où la péréquation sert à résorber les disparités dans l'offre de services publics sur tout le territoire.

Madame la ministre, je sais que vous avez beaucoup travaillé sur ce sujet, avec courage. Le service de la République mérite ce courage. (Applaudissements)

M. Éric Bocquet .  - « Chacun a remarqué que de notre temps, et spécialement en France, la passion de l'égalité prend chaque jour une place plus grande dans le coeur humain ». Cette citation de Tocqueville, qui date de 1835, n'a pas pris une ride. Il faut sans cesse remettre l'ouvrage sur le métier. Les enjeux financiers sont au coeur des municipales, pour assurer l'égalité des territoires.

Les dotations aux collectivités vont être réduites de 1,5 milliard en 2014, double peine pour les communes pauvres. Une commune comme Saint-Pierre-des-Corps est considérée comme riche en potentiel fiscal parce que sa base imposable alimente la communauté d'agglomération alors que la majorité de sa population n'acquitte pas l'impôt sur le revenu.

Comment parler de péréquation alors que, dans le cadre d'une politique d'austérité, la logique de métropolisation dresse les territoires les uns contre les autres ? Que le pouvoir de décision fiscal des départements et régions est réduit, que les communes sont incitées à se regrouper ?

La politique budgétaire intégrant la logique libérale crée des déserts de services publics. Les collectivités ne sont pas logées à la même enseigne, même si neuf de nos vingt-deux régions figurent parmi les plus riches d'Europe. L'Île-de-France, première région européenne, demeure un nain politique face aux Länder, aux régions italiennes et aux autonomies espagnoles.

Si les élus de Seine-Saint-Denis se battent pour refermer la plaie des années 1970, et réhabiliter les friches industrielles, est-il juste de confisquer le produit des recettes obtenues grâce aux droits de mutation ?

Il n'est pas de péréquation sans recettes nouvelles. La réforme du scrutin cantonal va faire perdre la qualité de bourg-centre à beaucoup de chefs-lieux.

Notre groupe avait déposé une proposition de loi pour réformer la DGF qui a été rejetée. Il ne suffit pas de sacraliser les communes et les élus locaux dans les discours, un acte de reconnaissance à peu de frais de ces fantassins de la République. Il faut rendre à la DGF son caractère péréquateur. Je ne reviendrai pas sur les conséquences des réformes de 1989, de 1993, de la création de l'enveloppe normée ni du gel de la DGF Sarkozy.

La péréquation de la misère, c'est la misère de la péréquation. Pour sortir de la nasse où sont aujourd'hui enfermés les élus locaux, il faut renforcer leurs moyens.

La dette, maîtrisée, des collectivités territoriales sert l'investissement. Les collectivités territoriales ne sont pas une charge, mais doivent être choyées.

M. Yannick Botrel .  - Il y a quelques semaines, nous discutions une proposition de loi du groupe CRC sur la péréquation de la DGF. Lors du débat, la ministre avait renvoyé à une réflexion approfondie en 2014. Nous y sommes. Il faut examiner les finances locales dans leur globalité.

En 2014 et 2015, les collectivités contribueront à l'effort de redressement budgétaire, avec une baisse de 1,5 milliard de leurs dotations. Cependant, avec le gel de l'enveloppe normée depuis 2011, on peut considérer que les collectivités ont déjà participé à cet effort à hauteur de 4 milliards.

Les conseils généraux, responsables des politiques de solidarité, bénéficieront d'une enveloppe de 827 millions, grâce à une négociation entre le Gouvernement et l'ADF. On peut critiquer la méthode, mais c'est une rupture avec la période précédente où les charges augmentaient et les recettes diminuaient.

En 2013 les Dotations de solidarité urbaine (DSU) et Dotations de solidarité rurale (DSR) ont augmenté, une augmentation pérennisée en 2014, La péréquation horizontale monte en puissance avec la hausse du Fonds de péréquation intercommunal et communal (FPIC).

La part de la DGF consacrée à la péréquation est en hausse, à 18,5 % contre 12,5 % il y a dix ans. La péréquation verticale demeure à un niveau élevé. On pourrait rappeler d'autres initiatives comme le fonds de péréquation des DMTO et le soutien aux régions.

Toutefois l'accroissement du nombre des dispositifs rend complexe la péréquation. Une commune, selon les critères retenus, peut être considérée tantôt comme riche, tantôt comme pauvre. Il est à craindre que les modifications apportées sans cesse à la péréquation aient supprimé la visibilité du dispositif.

Beaucoup appellent à une réforme des critères financiers.

Le rapport de juin 2013 de l'IGA et de l'IGF souligne le manque de clarté et le foisonnement des critères. Une remise à plat est nécessaire. Depuis 2003, la péréquation est un objectif à valeur constitutionnelle et les sénateurs socialistes sont mobilisés pour sa montée en puissance. D'où notre intérêt pour ce débat et pour les réponses qu'apportera le Gouvernement.

M. Pierre-Yves Collombat .  - M. Mézard ayant largement traité des départements, j'évoquerai les communes et les intercommunalités. Pour nous consoler de ce que la loi de finances initiale réduit les dotations au bloc communal de 588 millions et aux intercommunalités de 152 millions, on nous demande de nous réjouir des progrès de la péréquation.

DSR, DSU et DMP augmentent de 109 millions ; le FPIC, DSR et le fonds de solidarité respectivement de 570 millions et de 20 millions, je veux bien. Mais en quoi plus de péréquation compense moins de ressources ? Les pauvres n'en continueront pas moins de s'appauvrir, peut-être moins vite que les autres ; ils seront toutefois pauvres au bout du compte.

Premier constat, les sommes consacrées à la péréquation verticale sont faibles. Le FPIC devra atteindre un milliard en 2016, soit 2 % des ressources fiscales des collectivités territoriales, il représente 570 millions en 2014, soit à peu près 1 % des mêmes ressources. Quant à la péréquation horizontale, elle représente 14,4 % de la DGF du bloc communal. Si ces sommes ne sont pas négligeables, elles demeurent modestes. Le mode de construction de la DGF défavorise structurellement les petites collectivités. La part de base et la part garantie sont fonction de la population. La dotation superficiaire, censée favoriser les communes rurales est de 225 millions. C'est intéressant, mais purement décoratif. J'ai pris le risque de calculer le manque à gagner pour les communes de moins de 1 000 habitants en me fondant sur les chiffres de 2013, les seuls dont je dispose. Elles perdent 360 millions. C'est, voyez-vous, que les grandes collectivités auraient des charges de centralité, comme si les petites communes n'avaient pas de charge de ruralité : compenser la fermeture des services publics, la réforme scolaire, l'éloignement. Les charges de centralité urbaine sont bien souvent des charges de vanité. La même discrimination vaut pour les EPCI : 24 euros pour les communautés de communes contre 60 euros pour les métropoles.

Plutôt que de compenser les ressources des habitants par intercommunalités, on a pondéré les ressources fiscales selon la taille des collectivités selon un coefficient de 1 à 2. En vertu d'une logique logarithmique, les résultats sont biaisés. Ainsi le solde de la contribution des Alpes-Maritimes, un des départements les plus pauvres, a été négatif alors que la contribution de Nice était positive. Évitons au moins d'aggraver les inégalités. Pourquoi aussi, si la richesse réside dans les agglomérations, leur réserver une telle faveur ? Attention aux dangers de rebâtir la France autour des métropoles !

M. Jean-Vincent Placé .  - L'autonomie, la responsabilité et la solidarité sont des valeurs de l'écologie politique. La solidarité entre les personnes mais aussi entre les territoires. La concurrence ne peut fonder un projet politique viable et les inégalités une société.

Beaucoup reste à faire en matière de péréquation. Il n'est pas acceptable que la région Île-de-France abrite à la fois un département riche et pauvre. Pour autant, il ne faut pas multiplier les niveaux de collectivité. Les Verts appellent à une réorganisation institutionnelle autour des régions et des intercommunalités, pour la mise en oeuvre de la subsidiarité.

La mise en place du FSRIF en loi de finances initiale pour 2014 n'est pas de nature à simplifier le dossier, encore moins après l'annonce par le président de la République de la fusion des départements de la petite couronne. L'article 59 de la seconde partie de la loi de finances initiale modifie la clef de répartition de la CVAE au bénéfice des territoires qui accueillent des industries polluantes, et donc au détriment des autres. Les nuisances et la pollution sont-elles des nécessités ? Non, il faut plutôt les réduire et appliquer le principe pollueur-payeur. En outre, les territoires qui protègent l'environnement sont pénalisés ! Interrogeons-nous plutôt sur les raisons pour lesquelles certaines industries peinent à trouver des terres où s'implanter.

Le système fiscal n'incite pas les territoires à protéger leur environnement. Pour y remédier, pourquoi ne pas ajouter un critère de biodiversité à la DGF, préconisation formulée déjà lors du Grenelle ? Cette question nous concerne tous.

M. Charles Guené .  - Je remercie le RDSE pour ce débat, indépendamment des combats que nous avons menés ensemble en 2011 et 2012. J'examinerai la péréquation horizontale, tout en regrettant le manque d'évaluations chiffrées.

Le FPIC passe de 360 à 570 millions en 2014, un effort qui n'est pas neutre en la période que nous connaissons. Depuis 2013, le critère du revenu moyen par habitant est venu s'ajouter aux autres, ce qui favorise les territoires affichant un revenu moyen faible. L'Île-de-France, qui bénéficie également du Fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France (FSRIF), avait un plafonnement de 11 %, il sera de 13 %. Avec une enveloppe fermée la contribution des non plafonnés sera allégée.

Pour ce qui est du reversement, le seuil de l'effort fiscal pour en bénéficier a été augmenté, lui, à 0,8 % et à 0,9 % en 2015. Autrement dit, on applique le principe : Aide-toi, le ciel t'aidera ! On pince le dispositif aux deux extrémités : moins de contributeurs, moins de bénéficiaires. Attention à ne pas l'asphyxier. À cela s'ajoute les effets de l'absence de la réforme des valeurs locatives.

Un mot du FSRIF dont je ne suis pas le spécialiste : il atteint 250 millions en 2015 pour un objectif de 270 millions en 2015. Le critère du revenu moyen par habitant se justifie là davantage.

En 2012 et 2011, nous avions institué un fonds de péréquation des DMTO et de la CVAE qui n'ont pas donné satisfaction. La loi de finances initiale pour 2014 a institué quatre mécanismes de péréquation nouveaux pour les départements. Deux d'entre eux sont destinés à compenser le reste à charge des départements, via les DMTO que les départements sont désormais autorisés à faire varier jusqu'à 4,5 %. Je vous fais grâce du détail, l'affaire est complexe. Le FSRIF joue surtout pour les Hauts-de-Seine et favorise la Seine-Saint-Denis.

Cette sédimentation péréquatrice est complexe, mais il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Nous aurions tort de voir dans la situation actuelle les conséquences de la réforme de la taxe professionnelle. En réalité, nous subissons les effets d'une politique menée depuis trente ans qui nous oblige à redéfinir l'autonomie financière.

À mon sens, une révolution s'impose : créer des impôts nationaux répartis localement. Cela suppose que certains abandonnent une vision centraliste et que les autres renoncent à l'autonomie béate. Sortons du Moyen Âge fiscal !

M. Pierre Jarlier .  - Les collectivités territoriales risquent d'être confrontées à de grandes difficultés si la solidarité nationale ne joue pas. La péréquation est donc un chantier crucial. La part péréquatrice dans la DGF du bloc communal a considérablement augmenté, entre 2004 et 2013, pour atteindre 25 %. Cela dit, cette hausse est financée par une baisse des dotations... L'État reprend d'une main ce qu'il donne de l'autre.

Ensuite, le saupoudrage : la DSR profite à 34 590 communes pour seulement 2,15 % du bloc communal. Son effet péréquateur reste à démontrer... D'où l'amendement que j'avais déposé sur la loi de finances initiale. Madame la ministre, la DSR bourg-centre sera retirée aux villes qui perdent le statut de chef-lieu de canton. Nous avons voulu proposer une mesure transitoire, pouvez-vous nous rassurer ? Pour le FPIC, se posent trois questions : son déclenchement brutal, l'effort de contribution et sa répartition après les élections.

Alors que les dotations aux collectivités territoriales baissent, la péréquation horizontale fera de moins en moins consensus. Ne faut-il pas, au sein de la DGF, trouver le moyen de mieux tenir compte des territoires ? Je pense au coefficient logarithmique, à la dotation superficiaire et à la dotation d'intercommunalité.

Pour finir, le fonds de péréquation des DMTO. L'introduction d'un critère de revenu moyen par habitant a pénalisé les territoires ruraux. Face au mécontentement des élus, le Gouvernement a agi mais le compte n'y est pas. Il a mis en place un nouveau prélèvement de solidarité. Celui-ci risque de se transformer en double peine pour les territoires ruraux dont la base fiscale est faible. Au passage, nos élus ont du mal à s'y retrouver entre les critères, il faudrait simplifier. Le critère du reste à charge pour le supplément de 827 millions ne suffit pas.

Autant de sujets qui méritent de poursuivre une réflexion collective que nous avons commencée avec le Comité des finances locales et poursuivie, malheureusement, seulement avec l'Assemblée nationale. J'espère que, l'an prochain, le Sénat pourra y contribuer activement. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Éric Doligé.  - Vous croyez au père Noël ! (Sourires)

M. Gérard Miquel .  - Depuis 2003, la péréquation est un objectif constitutionnel inscrit à l'article 72-2 de la Constitution. Les socialistes se sont toujours attachés à la développer, tant horizontalement que verticalement. Elle atteint désormais 10 milliards. Le pacte de responsabilité a acté la hausse de la DSU et de la DSR.

Je constate que l'imagination n'a pas de limites concernant la péréquation. Résultat, seize fonds de péréquation ! Ils sont aussi nombreux qu'illisibles.

M. Éric Doligé.  - C'est fait exprès !

M. Gérard Miquel.  - Il faudra réformer la DGF pour le bloc communal, les territoires ruraux sont pénalisés. Dans le Lot, nous avons 24 kilomètres de routes à entretenir par habitant. Et nous devons financer le haut débit alors que, dans les départements les plus peuplés, les opérateurs s'en chargent sans faire intervenir les collectivités locales. Les charges de ruralité existent bel et bien. Idem pour la dotation d'intercommunalité qui favorise les grandes intercommunalités. Une remise à plat est devenue indispensable par esprit de justice.

Pour les départements...

M. Éric Doligé.  - Ah !

M. Gérard Miquel.  - Je vais m'expliquer ! Le seul critère qui vaille est le reste à charge. Pour l'an prochain je suggère un prélèvement de 0,7 % sur les DMTO sans plafonnement. Fusionnons les deux fonds.

Si les départements sont confirmés dans leur rôle social, il faudra leur donner les moyens d'agir à travers la péréquation. L'effort fiscal, en le croisant avec le revenu fiscal, sera un bon critère.

Mon ami et collègue M. Mézard m'a cité. Oui, j'ai fait du lobbying à l'ADF. La répartition entre les trois allocations individuelles de solidarité n'est pas la même partout. Dans certains départements, c'est surtout le RSA qui coûte cher, dans d'autres, c'est l'APA. Le reste à charge global par habitant est plus juste, pour tous les départements.

M. Éric Doligé.  - Non !

M. Gérard Miquel.  - Les écarts ont été considérablement réduits. Nous étions partis de 64 euros pour l'Essonne, de plus de 159 euros pour la Guadeloupe, La Réunion, l'Hérault. Vous avez fait cela, madame la ministre, vous êtes partie d'une situation difficile. En 2011, on nous faisait l'aumône de 160 millions...

M. Bruno Sido.  - Grâce à M. Fillon !

M. Gérard Miquel.  - ... répartis au doigt mouillé.

M. Bruno Sido.  - La Corrèze !

M. Gérard Miquel.  - Elle n'était pas de la même couleur que le Premier ministre d'alors. Nous avons fait autrement, en nous fondant sur des critères objectifs.

M. Éric Doligé.  - Politiques !

M. Gérard Miquel.  - En 2012, rien. En 2013, 170 millions. Enfin, en 2014, 827 millions : du jamais vu. Le Cantal est passé de 115 euros par habitant à 70 euros, comme le Lot, ou la Corrèze, passée de 135 à 74.

M. René-Paul Savary.  - Le compte n'y est pas, des écarts subsistent !

M. Gérard Miquel.  - Sans doute mais bien amoindris. Nous avons agi, nous, chers collègues. Et nous poursuivrons cet effort en jouant sur les DMTO. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Bruno Sido .  - Responsabiliser tous les acteurs et faire de l'économie une nouvelle vertu publique, une condition d'indépendance et de souveraineté pour notre pays et l'Union européenne, voilà un défi à la hauteur du Parlement ! Cessons enfin de parler de crise pour désigner une mutation profonde de notre modèle de société, bâti à crédit sur un État-providence aujourd'hui acculé à la réforme, heureusement contraint à l'action.

Année après année, nous avons fait du déficit la variable d'ajustement de l'immobilisme. Au lieu d'efforts raisonnés et continus, nous avons versé dans le déni de réalité. « Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage », écrit La Fontaine. Certes, mais le temps presse. « Il faut que tout change pour que rien ne change », écrit Tomasi di Lampedusa dans Le Guépard. Nous devons réformer pour conserver notre place dans le concert des Nations.

Plutôt que les termes savants de « péréquation horizontale et verticale », je préfère parler d'équité et d'efficacité car c'est bien de solidarité que nous parlons. En 2014, les dotations des collectivités territoriales reculent de 1,5 milliard. Cet effort, le Gouvernement l'a rendu équitable en transférant les 827 millions d'euros des frais de gestion.

Pourtant, on n'est pas allé assez loin. Les DMTO, plus simplement appelées « frais de notaire », pourront augmenter à 4,5 %. Rester vertueux quand on nous incite à faire des entorses est bien difficile ! Je ne résisterai pas à la tentation en Haute-Marne.

Cessons de faire de la France l'épouvantail fiscal pour les investisseurs étrangers au moment où les investissements directs à l'étranger baissent. Cela suppose plus de péréquation. Peut-être manqué-je de nuance, mon propos est pourtant de dire que les territoires doivent être égaux devant les charges. J'invite le Gouvernement à plus d'ardeur réformatrice. (Sourires à droite)

L'autonomie fiscale a-t-elle toujours un sens ? Nos voisins allemands, même pas la puissante Bavière, n'en dispose pas. Les Länder, pour remplir de multiples missions, puisent dans un compte national et l'on a instauré des mécanismes d'aides à ceux de l'ex-RDA. Si personne ne s'en offusque dans un État fédéral, pourquoi serait-ce impossible dans une république unitaire ? J'entends les critiques : la France n'est pas l'Allemagne, et c'est bien ainsi. D'accord à condition que l'exception française ne soit pas synonyme de gaspillage, voire de déclin en Europe. L'État doit rester le garant des grands équilibres territoriaux. (Applaudissements sur certains bancs UMP)

M. André Vairetto .  - Que les choses soient claires : personne ne remet ici en cause le bien-fondé de la péréquation qui est désormais un objectif constitutionnel.

Pour ma part, je crois qu'on ne peut séparer ce débat de l'évolution des financements des collectivités territoriales à la suite de la suppression de la taxe professionnelle. La CVAE est très instable, les recettes ont diminué de 4,5 % ; à 7,5 milliards, la DGF des communes baisse : en 2013, la dotation de garantie s'est réduite de 4,5 %, et la compensation pour revenu par habitant de 2,66 %.

Avec la loi de finances pour 2014, je constate une amélioration. Le FPIC a vocation à corriger les inégalités au sein de la DGF. Aux termes du pacte de confiance, il sera doté de 570 millions en 2014, de 780 millions en 2015 et d'un milliard en 2016, soit 2 % des recettes fiscales du bloc communal.

Ce qui pose problème, c'est l'indice synthétique. De fait, des communes pauvres touchant la DSR doivent contribuer via leur intercommunalité. De plus, le calcul ne tient pas compte des charges de ruralité, en particulier en montagne. Le coût de l'entretien du réseau routier est de 10 000 euros par kilomètre en haute montagne, de 5 à 6 000 euros en moyenne montagne et de 3 à 4 000 euros en plaine. Il faut en tenir compte dans le calcul.

S'agissant des départements, d'autres critères devront être choisis. La Savoie devra reverser 8,5 millions d'euros alors qu'elle fait face à un accroissement de ses dépenses de fonctionnement de 8 millions et à une hausse de ses dépenses d'investissements avec, entre autres, la mise en service des tunnels.

Madame la ministre, ce tableau apocalyptique est la stricte réalité. Nous voulons tous la péréquation, qu'elle soit juste !

M. Éric Doligé .  - Après M. Mézard, je ne parlerai que des départements. En général, nous sommes dans le plus grand flou, chacun tentant de décrypter ses simulations. Il est une péréquation verticale, de l'État aux collectivités territoriales ; une autre transversale, entre collectivités. Le Gouvernement, à grand renfort d'annonces, se déclare généreux ; il l'est effectivement en puisant dans les ressources des départements ! (Applaudissements à droite)

Une péréquation générant des inégalités fondée sur des critères politiques, voilà le choix qu'a fait le Gouvernement. (Quelques applaudissements à droite) La loi de finances initiale pour 2014 fait suite au pacte de confiance et de responsabilité comme choc de complexification. Lequel résulte de la négociation avec l'ADF et d'un accord de non-agression avec le maire de Paris.

Au titre de l'ADF, j'ai eu l'honneur d'être reçu le 22 octobre 2012 par le président de la République, soit. La réalité est que l'État ne finance que 837 millions de frais de gestion, l'effort de 1,3 milliard étant atteint grâce à une autorisation quasi forcée donnée aux départements d'augmenter leurs DMTO. Dans mon département, la recette est de 5,6 millions, vous allez me prélever 5 millions, que j'augmente ou non les DMTO ! Vos manipulations n'ont d'autre but que de sauver discrètement des départements amis.

Le Loiret représente 1 % de la population. Par un calcul simple, peut-être incongru, il aurait dû recevoir 23 millions d'euros pour compenser les 58 millions de reste à charge. Il a été question qu'il reçoive 19,9 millions, le dernier chiffre est de 8 millions. Ainsi, si l'on tient compte de la baisse de la DGF, la compensation sera seulement de 5 %. Les 41 départements de l'opposition, reçoivent seulement 28 % des recettes de compensation, contre 72 % pour les départements de la majorité.

M. Gérard Miquel.  - Normal, vous dirigez les départements les plus riches !

M. Éric Doligé.  - La Corrèze voit son reste à charge compensé de 81 %, le Gers de 65 %. Dans mon département, 30 millions manqueront. La péréquation doit être un outil de justice, non destiné à pallier les erreurs de gestion.

Rien ne sert d'invoquer la péréquation sans l'appliquer ! Mais nous en reparlons la semaine prochaine à propos de la proposition de loi Arthuis. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Pierre Vial .  - Dans la loi de finances initiale 2014, le Gouvernement a diminué les dotations de 1,5 milliard, 1,5 milliard à nouveau sont prévus en 2015. Mais la presse spécialisée fait mention d'une baisse de 3 milliards en 2015. On est loin de la promesse de François Hollande de stabiliser les dotations au niveau de 2012.

En Savoie, c'est une baisse de 4,3 millions en 2014. Ces mesures pénalisent les départements qui ont eu une gestion rigoureuse. La compensation des hausses de dépenses sociales est ainsi annulée. Le solde net de péréquation s'élève à 3,8 millions, contre une contribution de solidarité de 9 millions. Outre une prime à la mauvaise gestion, ces réformes bousculent la fiscalité sur les DMTO.

Comment oublier en outre la réforme des rythmes scolaires, dont la compensation disparaîtra bientôt ? Nous sommes inquiets. L'ADF estime que la mise aux normes des bâtiments pour l'accessibilité des handicapés coûtera 20 milliards aux départements.

La péréquation horizontale baisse à 119 millions contre 230 millions en 2013. Les collectivités territoriales assurent l'essentiel des investissements : gare à l'effet récessif ! Enfin, les communes chefs-lieux de canton s'interrogent sur la maîtrise de leurs dotations spécifiques et de la DSR. (Applaudissements à droite)

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation .  - Je savais que ce débat serait fourni, critique, voire caricatural, non dépourvu d'humour. Je n'ai pas été déçue...

Certains constats ont été dressés, certains auraient pu être nuancés. Beaucoup de réformes ont été entreprises sur les métropoles, les rythmes scolaires, le handicap, les cantons. Je ne pourrai malheureusement, et à mon corps défendant, y revenir. Le Gouvernement n'est ni un père Noël ni un père Fouettard. Il cherche avec force, avec volonté, avec justice, à trouver un équilibre entre les intercommunalités qui jusqu'ici, reconnaissons-le, n'a été ni trouvé ni respecté. Sans doute n'avons-nous pas trouvé toutes les solutions opérantes ; en revanche, nous ne cesserons de parfaire un dispositif qui mérite encore d'être amélioré.

De grâce, n'employons pas les mots « perversité » ou « manipulation ». Ils ne sont acceptables ni pour l'aujourd'hui, ni pour l'hier. Chacun a tenté d'apporter une réponse dans la logique politique qui est la sienne. Nous nous sommes fixés un devoir de transparence et procédons par le dialogue. Certains prétendent ne pas disposer de simulations. Mais elles ont été transmises aux membres des commissions des finances ! Avec Mme Lebranchu, nous avons fourni à tous les parlementaires qui le souhaitaient les informations demandées.

M. Mézard a évoqué avec humour les difficultés de la péréquation que chacun appelle de ses voeux, mais critique s'il est pénalisé. Espérons que je saurai étancher sa soif. M. Bocquet a la passion de l'égalité, je lui préfère peut-être l'équité. Merci à M. Botrel pour sa vision prospective. M. Collombat a insisté sur la ruralité, nous nous y attendions. M. Placé a évoqué l'environnement, sujet qui sera pris en compte après la réforme de la taxe professionnelle. Merci à M. Guené pour sa vision impartiale et les perspectives qu'il trace. J'ai bien retenu les interrogations de M. Jarlier pour les dotations des centres-bourgs. Merci à M. Miquel de son soutien. Monsieur Sido, je partage votre souci d'efficience et votre audace réformatrice. Monsieur Vairetto, la diversité des territoires est un sujet complexe et sans fin, la montagne certes mais le littoral, les villes thermales... Monsieur Doligé, j'ai eu quelque tristesse à entendre la vaine exagération de vos propos : je suis prête à vous montrer que vous ne perdez pas 30 millions dans votre département. Monsieur Vial, aucun arbitrage ne fixe à plus de 3 milliards l'effort demandé aux collectivités territoriales à travers la baisse des dotations.

La loi de finances initiale pour 2014 a fait l'objet d'un vaste débat, au Parlement comme avec l'Assemblée des départements de France.

M. Pierre-Yves Collombat.  - C'est un pacte entre l'État et l'État !

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée.  - Le pacte de responsabilité est fondamental. Il inclut toutes les collectivités. Nous le respectons à la lettre.

La loi de finances initiale a renforcé tous les dispositifs de péréquation. Le FPIC est monté en puissance et les dotations péréquatrices ont été renforcées au sein de la DGF. Pour les départements, il s'agit du fonds de compensation péréquatrice et du dispositif de solidarité pour les départements, alimenté par la hausse des DMTO.

La dotation horizontale est renforcée grâce au FPIC, et passe de 360 millions à 570 millions, soit 58 % de hausse. Cessons d'opposer les communes rurales aux agglomérations : la paupérisation frappe autant certaines villes que les zones rurales. Cherchons plutôt à définir des critères pertinents.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Ce devrait être partout la même dotation par habitant.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée.  - Les intercommunalités bénéficient autant de la péréquation : 2,8 millions à Val-de-France, 4,9 millions à Plaine Commune, 19,2 millions à Marseille, 22 millions à la communauté urbaine de Lille. Personne ne peut nier que ces territoires, que je cite à dessein, connaissent des difficultés sociales. À l'occasion de la loi de finances initiales pour 2014, et avec l'accord du Comité des finances locales - personne ici ne peut contester qu'il est consulté -, les critères du FPIC ont été revus dans un sens de justice. Le critère du revenu par habitant a été renforcé.

Le montant du FSRIF est passé de 230 à 250 millions. De même, les dotations verticales sont en hausse : la DSU de 60 millions, la DSR, de 39 millions et les dotations de solidarité aux départements de 10 millions. Nous veillons à agir dans la plus grande impartialité à l'égard des départements. Le fonds Fillon, je ne le nierai pas, favorisait déjà la Corrèze, qui recevait l'aide la plus forte : 14 millions. Elle touchera 13 millions de la nouvelle subvention pour la bonne et simple raison qu'elle est le département le plus endetté.

M. Henri de Raincourt.  - Parce qu'il est mal géré !

M. Bruno Sido.  - Il faut bien payer les iPad !

M. Gérard Miquel.  - Cette décision sur les iPad n'a pas été prise sous le mandat de M. Hollande.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée.  - Revenons à des informations impartiales. Pour les départements, la péréquation horizontale est préservée : le fonds de péréquation des DMTO et celui sur les CVAE sont bien là en 2013.

Le fonds de péréquation des DMTO est fragilisé par la volatilité de ses recettes. Ses ressources baissent mais nous espérons un retour à meilleure fortune. Ce fonds s'établit à 339 millions en 2013 ; il sera à 555 millions en 2014.

Nous nous interrogeons sur le fonds de CVAE. Beaucoup de départements constatent que les recettes escomptées sont inférieures aux prévisions. Son montant sera en 2014 de 56 millions.

Les départements ne sont nullement obligés d'augmenter les DMTO à 4,5 %. Chacun est libre.

M. Éric Doligé.  - Pas vraiment puisque nous sommes prélevés.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée.  - Le fonds de compensation péréquée est de 827 millions.

Nous avons pris en compte le revenu moyen par habitant : 30 % sont répartis en fonction de critères de ressources et de charges. Les allocations individuelles de solidarité les plus coûteuses ne sont pas partout les mêmes. Dans certains départements, c'est le RSA, comme dit M. Doligé, mais pas partout. Je puis vous dire d'expérience que, dans l'Aveyron, l'APA coûte beaucoup plus. Gare aux jugements hâtifs ! Il faut prendre en compte la diversité des situations.

Le Conseil constitutionnel a estimé que les critères de redistribution retenus par le Gouvernement étaient « objectifs et rationnels », qu'ils étaient « en lien direct avec l'objectif du législateur » et ne créaient pas de rupture d'égalité entre les départements.

Cela étant, le travail est loin d'être achevé. Nous sommes là pour vous entendre. Je mets ici au défi quiconque osera soutenir le contraire : n'avons-nous pas ouvert notre porte à tous ceux qui le souhaitaient ? Nous sommes prêts à revoir la DGF, les bases locatives, les coefficients, la répartition de la CVAE, la redistribution entre les communes et les intercommunalités. Nous travaillons dans la transparence, nous transmettrons toutes les études demandées.

Enfin, sur les centres-bourgs, rien ne vous rassurera davantage que la réponse du Premier ministre : à partir de 2015, cette part de la DSR sera garantie pour les communes qui la percevaient auparavant.

M. René-Paul Savary.  - Garantie au sein de la DGF ?

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée.  - Je conclurai en vous disant, encore une fois, que nous sommes à votre écoute ! (Applaudissements sur tous les bancs)

Accord en CMP

M. le président.  - La commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la consommation est parvenue à l'adoption d'un texte commun.

La séance est suspendue à 12 h 45.

présidence de M. Jean-Pierre Bel

La séance reprend à 15 heures.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Usine BMS-UPSA d'Agen

M. Henri Tandonnet .  - Monsieur le ministre du redressement productif, je vous pose cette question au nom des 1 400 employés de l'usine BMS-UPSA d'Agen, de ses 3 600 emplois induits, des 120 employés du siège de Rueil-Malmaison, mais également au nom de mon collègue Jean-Léonce Dupont, lui aussi concerné sur son territoire, avec l'usine Sanofi de Lisieux.

En décembre 2013, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSMPS) a informé les laboratoires qu'elle envisageait de créer un groupe générique, sans référence, pour le paracétamol. L'usine BSM-UPSA est le premier employeur du Lot-et-Garonne. BMS et Sanofi participent pourtant aux efforts demandés par le Comité économique des produits de santé, en alignant leurs prix sur la concurrence. Il s'agit de faire faire des économies à l'assurance maladie. Cette décision n'a pas de sens, elle dévastera nos territoires, sans gain pour la sécurité sociale. L'État en a-t-il évalué les conséquences ?

Les industriels ont jusqu'à aujourd'hui pour faire connaître leur position. Vous avez déclaré que le Premier ministre devait arbitrer. Dans quel délai ? (Applaudissements sur les bancs UDI-UC)

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille .  - Je vous prie d'excuser Mme Touraine. Cette question ne relève pas que du redressement productif : n'opposons pas l'emploi et le développement des médicaments génériques.

Il existe déjà de nombreux génériques de paracétamol, mais la possibilité de substitution n'est pas ouverte aux pharmacies - elle ne serait possible que si le paracétamol est inscrit au répertoire des médicaments génériques, ce qu'a recommandé en juin dernier l'Autorité de la concurrence. L'Agence de sécurité du médicament a entamé les démarches pour la création d'un groupe générique sans spécialité de référence, création qui ne peut intervenir tant que les titulaires de l'AMM n'ont pas présenté leurs observations. Les industriels concernés devaient le faire avant aujourd'hui. L'instruction va s'ouvrir, fondée sur des critères juridiques, de sécurité et d'approvisionnement.

Tous les laboratoires qui se sont inquiétés des conséquences sur l'emploi ont été reçus par le ministère de la santé, ainsi que les élus qui l'avaient demandé.

Vous conviendrez que nous devons encourager le développement et la consommation des génériques. On ne peut opposer l'emploi et des mesures prises pour le bien-être des assurés sociaux. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Prévention des risques naturels

Mme Maryvonne Blondin .  - Monsieur le ministre de l'écologie, chacun a en tête les images choc des inondations sur la façade atlantique, des vagues de quatorze mètres, des effondrements, des cargos qui s'échouent. Le Finistère a été en vigilance rouge ou orange 30 des 49 derniers jours. Et ce n'est pas fini. La nature se rappelle à nous, il faut la respecter.

Je salue la mobilisation des services de l'État et de ses opérateurs, celle des collectivités territoriales. La prévention des risques est une compétence de l'État et des outils existent, mais le ressenti des populations est différent. Le littoral pourra-t-il accueillir des touristes cette année en toute sécurité ?

Comment améliorer la prévention et mieux accompagner élus et population ?

M. Philippe Martin, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie .  - Après le Var et le Sud-Ouest, la Bretagne est confrontée à des phénomènes météorologiques exceptionnels par leur ampleur et leur durée. Le lien avec le réchauffement climatique est probable. Le Finistère vient de nouveau d'être placé en vigilance rouge. Je salue la réactivité des élus et des citoyens, celle des services de l'État qui sont et seront toujours à pied d'oeuvre.

Au-delà de la gestion des crises, il faut davantage prévenir et intégrer la culture du risque. Des pistes d'amélioration sont à l'étude pour améliorer le dispositif de gestion des crues, elles seront rendues publiques au printemps. Une cartographie précise du trait de côte sera élaborée d'ici fin 2014 et un groupe de suivi de la stratégie nationale pour mieux gérer l'érosion, mis en place.

Soyez assurée que l'État est et restera aux côtés des collectivités territoriales et des sinistrés. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Site du CEA de Vaujours

Mme Aline Archimbaud .  - À quelques kilomètres de Paris, le fort de Vaujours a été utilisé jusqu'en 1997 pour développer des détonateurs de bombes atomiques. Pendant des années, des essais sous-critiques y ont eu lieu quotidiennement, à l'air ou en salle. Suite à une mobilisation locale, la pollution du site a pu être démontrée par la Criirad ; selon les statistiques de l'ARS, le taux de cancers est préoccupant, au-dessus de la moyenne nationale, et sans mesure avec celui constaté dans les communes avoisinantes. Or le site a été racheté par Placoplatre, filiale de Saint-Gobain, qui compte y ouvrir une carrière de gypse, ouvrant la voie à une dissémination de matières toxiques par le déplacement de millions de m3 de terre. Il est inconcevable que les travaux commencent sans que l'innocuité du site soit prouvée par un organisme indépendant, ce qui nécessite la levée du secret défense. Son maintien empêche tout diagnostic sérieux. Le Gouvernement est-il prêt à un moratoire immédiat des travaux ? (Applaudissements sur les bancs écologistes)

M. Philippe Martin, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie .  - Je vous sais attentive à cette question, comme d'autres de vos collègues. Le site de Vaujours a fait l'objet à partir de 1997 d'un processus de cessation d'activité transparent et conforme à la réglementation. La dépollution du site a été réalisée de façon satisfaisante. Un arrêté de servitude a été publié en 2005, qui encadre le changement d'usage. Tous les futurs travaux de terrassement et d'exploration devront faire l'objet d'études préalables de l'IRSN. J'ai l'intention de généraliser cette servitude, au-delà des sites classés pour la protection de l'environnement, dans le futur projet de loi de transition énergétique.

Les études radiologiques menées par l'IRSN ont conclu à l'absence de risque d'exposition pour le personnel - ces données sont disponibles sur le site de l'Institut. On y lit également que l'uranium n'a pas d'effet connu sur la thyroïde.

Dans ces conditions, il n'a pas été décidé de suspendre l'instruction de projet de Placoplatre. En revanche, la commission du débat public a été réactivée par les préfets de Seine-Saint-Denis et de Seine-et-Marne ; elle se réunira dès après les élections municipales.

Politiques européennes

M. Michel Billout .  - Nos concitoyens, sceptiques sur les politiques européennes, seront sans doute nombreux à s'abstenir lors des futures élections. Henri Malosse, président du CES européen que nous recevions hier, dit lui-même que, d'européen convaincu, il est devenu très critique. Selon lui, « l'Union européenne est autiste, son travail technocratique et idéologique ne s'occupe pas des vrais sujets ». Autres propos... « L'austérité conduit l'Europe sur le chemin de la dictature ». « (...) Le néolibéralisme, qui a provoqué la crise, s'en prend aux plus pauvres tout en protégeant les grandes entreprises et en enrichissant les spéculateurs » : ce n'est pas Aléxis Tsipras qui parle, mais Mario Soares qui dénonce ainsi les politiques qui affament le peuple portugais comme ceux de Grèce ou de Chypre.

Le candidat Hollande avait affirmé que l'austérité aggravait la crise et il s'était engagé à réorienter la construction européenne, à défendre l'association des parlements nationaux et européen, à mettre le budget européen au service de grands projets d'avenir.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Michel Billout.  - Quand ces engagements seront-ils tenus ? (Marques d'impatience à droite) Quand rendrez-vous espoir aux citoyens pour éviter la catastrophe qui s'annonce aux prochaines élections européennes ? (Applaudissements sur les bancs CRC et plusieurs bancs UMP)

M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes .  - Le Gouvernement est profondément européen ; nous, progressistes, n'avons pas la même vision que les libéraux et conservateurs. Aussi le président de la République et le Gouvernement se sont-ils employés à réorienter l'Europe.

Et les résultats sont là. Dès janvier 2012, nous obtenions le pacte pour la croissance et l'emploi : dix milliards d'euros de plus pour la BEI pour investir dans les universités, les hôpitaux, les services publics. Ce n'était pas possible avant notre arrivée... Le cadre financier pluriannuel 2014-2020 prévoit 1 030 milliards d'euros d'investissements, contre 800 milliards sur la période préalable ; 6 milliards iront à la lutte pour l'emploi des jeunes. Le fonds d'aide aux plus démunis, supprimé par nos prédécesseurs, a été rétabli. (Protestations à droite ; applaudissements à gauche) Je pense aussi aux 16 milliards du Feder qui financera les projets des collectivités territoriales.

Tout cela, nous le faisons en bonne intelligence avec l'Allemagne. Le Gouvernement est au travail pour la relance, l'emploi et l'Europe sociale. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Éliane Assassi.  - Tout va bien, donc !

Lutte contre la délinquance (I)

M. Philippe Esnol .  - Dans un exercice inédit de transparence, M. le ministre de l'intérieur a publié les chiffres enfin fiables de la délinquance pour 2013, ce qui autorise à un débat rationnel. La méthode est saine, c'est un progrès. Le bilan des 80 zones de sécurité prioritaire (ZSP) est encourageant, ainsi que celui du plan anti-cambriolage et de la réforme du renseignement. Les violences sur les personnes sont tombées à un niveau historiquement faible. Les résultats sont également spectaculaires dans le démantèlement des réseaux de trafic de stupéfiants. Les violences urbaines ont baissé de 29 %. Quand on fait confiance aux forces de l'ordre et qu'on leur donne des moyens, les résultats sont probants.

Cependant, les problèmes de sécurité persistent. Certes, une organisation criminelle d'origine géorgienne à l'origine de 2 000 cambriolages a été démantelée fin 2013. Mais il faut agir dans la durée. Quels sont vos projets, monsieur le ministre ? (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur .  - Vous avez tout dit... (Marques d'amusement) Les Français ont droit à la vérité, à des statistiques établies en toute indépendance. Si les violences aux personnes ont régressé, le nombre de cambriolages a augmenté - de 18 % entre 2007 et 2012, et la hausse s'est poursuivie l'an dernier. D'où le plan qui a été lancé ; en zone gendarmerie une baisse de 3 % a été enregistrée.

Première priorité, continuer à agir, ce que nous faisons en lien avec la Chancellerie. Deuxième priorité, poursuivre le travail dans les ZSP, où les résultats sont là dans tous les domaines. Troisième priorité, lutter contre les avoirs criminels et les frapper au portefeuille. Enfin, relever le défi de la cybercriminalité, au niveau national comme international.

Nos donnons des moyens aux forces de l'ordre qui travaillent en bonne intelligence avec les parquets. Nous avons enfin besoin de travailler avec les élus, car la sécurité n'est ni de droite, ni de gauche. (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)

Réformes économiques et réformes sociétales

M. Jean-Claude Carle .  - Le Premier ministre, dans une réponse à M. Jacob cette semaine à l'Assemblée nationale, s'est abrité derrière la légitimité de son Gouvernement, un Gouvernement, a-t-il dit, du dialogue, du progrès et de la réforme. Mais de quelle légitimité s'agit-il ? Celle tirée du suffrage universel est incontestable. Mais vous n'avez pas été élus pour légiférer sur les consciences. Les Français ne sont pas dupes, la politique de l'écran de fumée n'a qu'un temps ! Faute de résultats économiques, vous privilégiez les thèmes sociétaux, stratégie hasardeuse en temps de crise.

Vous persévérez à imposer des réformes sociétales ou relevant de l'intime, quand le chômage des jeunes est de 15 %, quand 150 000 jeunes sortent du système scolaire sans diplôme ou qualification, quand l'apprentissage est en berne et que les emplois d'avenir n'ont d'avenir que le nom. Quand le Gouvernement cessera-t-il cette stratégie de l'enfumage ? (Applaudissements à droite)

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille .  - Question toute en subtilité et en nuance... Vous reconnaissez, c'est heureux, la légitimité du suffrage universel. Mais ne serions-nous légitimes que pour agir en matière économique ? Un citoyen n'est-il qu'un homo oeconomicus ? Non pas. Nos citoyens attendent tout à la fois des réformes économiques, sociales et sociétales, tel est le fondement de la politique.

Les emplois d'avenir n'ont-ils d'avenir que le nom ? Vous n'avez pas dû rencontrer beaucoup de jeunes qui en bénéficient ! C'est méconnaître la réalité : bien des jeunes, grâce à eux, retrouvent l'espoir. Vous devriez avoir plus de considération pour notre jeunesse ; cette réforme est à l'honneur du Gouvernement.

Vous estimez que nous ne devrions pas intervenir dans l'ordre de l'intime. Revaloriser l'allocation de soutien familial pour les familles monoparentales, étendre le complément familial, est-ce s'immiscer dans le domaine de l'intime ou promouvoir la justice sociale ? (Applaudissements sur les bancs socialistes ; Mme Éliane Assassi applaudit aussi)

Politique de la ville

M. Claude Dilain .  - Le Parlement vient de voter votre projet de loi sur la ville. Il était attendu et a répondu aux attentes des maires et des habitants qui se sentaient oubliés. En concentrant les moyens sur les territoires les plus en difficulté, en actualisant la carte de la géographie prioritaire, en créant un contrat unique d'action, en redonnant un souffle à cette politique, en favorisant l'action des habitants, vous avez répondu à leurs aspirations.

Reste à le mettre en oeuvre. Les maires attendent avec impatience de savoir s'ils figurent sur la liste des quartiers prioritaires : quand le saurons-nous ? Quel est le calendrier de mise en oeuvre de la loi ? (Applaudissements à gauche)

M. François Lamy, ministre délégué auprès de la ministre de l'égalité des territoires et du logement, chargé de la ville .  - Je salue les travaux des parlementaires sur cette loi et l'accord en CMP. Le fondement de la réforme est l'utilisation d'un critère unique - le revenu moyen par habitant - pour la définition de la nouvelle géographie prioritaire ; un critère transparent et objectif se substitue à la décision du ministre. Dès la parution du décret en Conseil d'État, en avril, la liste des quartiers sera communiquée aux élus ; s'ouvrira ensuite une phase de concertation entre élus et préfets pour n'oublier personne. Parallèlement sera lancé un nouveau programme de 5 milliards, centré sur la nouvelle géographie prioritaire, sans dérogation. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)

Réforme familiale

M. Gérard Cornu .  - En voulant réformer la famille, le Gouvernement a déchaîné les passions jusque dans son propre camp. Vous pensiez satisfaire votre électorat à qui François Hollande avait promis d'ouvrir la PMA aux couples de même sexe. La mobilisation de centaines de milliers de Français en faveur de « la Manif pour tous » a conduit le Gouvernement à une énième reculade. Lundi, le ministre de l'intérieur déclarait que le Gouvernement s'opposerait à tout amendement parlementaire sur la GPA ; le soir, le Premier ministre annonçait le report sine die de la loi. Mardi, des parlementaires de la majorité annonçaient des propositions de loi. Qui croire ? Manifestement, il y a un problème de méthode. Pris en étau entre votre majorité et le reste des Français, que comptez-vous faire ? Allez-vous trouver une boussole sur ces sujets qui relèvent de l'intime et du consensus ? (Applaudissements à droite)

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille .  - Le divorce est-il de droite ou de gauche ? Le choix du pacs, du mariage ou du concubinage est-il de droite ou de gauche ? Ne faut-il pas adapter le cadre juridique de la famille à la réalité de la société ? C'est cela le progrès. Il ne suffit pas d'attiser les peurs, d'agiter les fantasmes, de répéter cent fois PMA, GPA, pour faire une politique ! Plutôt que d'être à la remorque de la « Manif pour tous », vous feriez mieux d'émettre des propositions.

Mme Catherine Procaccia.  - Quelles sont celles du Gouvernement ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.  - Lorsque Mmes Morano et Tabarot ont engagé une réflexion sur le statut du beau-parent, était-ce s'immiscer dans le domaine de l'intime ? N'était-ce pas plutôt reconnaître que notre législation doit s'adapter aux évolutions de la société ? (Applaudissements à gauche)

Deux propositions pour l'emploi

M. Serge Dassault .  - (Exclamations amusées à gauche) Les politiques menées aujourd'hui contre le chômage ont montré leur inefficacité. Comment donc créer des emplois ?

M. David Assouline.  - Partez à la retraite, vous en créerez un !

M. Serge Dassault.  - Je veux vous faire deux propositions qui ne coûteront rien, contrairement aux emplois d'avenir qui coûtent des milliards chaque année.

D'abord, je propose de généraliser les contrats de chantier à durée indéterminée, utilisés dans le secteur du bâtiment où ils sont adaptés à la durée des chantiers. Si le chantier se prolonge, ou si l'entreprise en obtient un autre, le salarié reste ; sinon, il est licencié à la fin du chantier.

Ensuite, je propose de relever les seuils sociaux, par exemple en reportant pour les artisans le seuil de 10 à 20 et pour les PME de 50 à 75. Plusieurs milliers d'emplois pourraient être ainsi rapidement pourvus par les artisans et les PME, qui se bloquent volontairement à 9 ou 49 salariés.

Ces mesures ne coûteraient rien et permettraient au président de la République de tenir sa promesse de réduction du chômage. (Applaudissements à droite)

M. Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Veuillez excuser M. Sapin, retenu à l'Assemblée nationale pour l'examen du projet de loi sur la formation professionnelle.

Vos idées ne sont pas nouvelles. On en débat depuis des décennies... Certains attribuent nos difficultés à la rigidité du droit du travail. Mais rappelez-vous les effets de la suppression de l'autorisation administrative de licenciement ! Notre politique au contraire a des effets et le chômage des gens baisse.

Nous avons aussi conclu le pacte de responsabilité avec les entreprises. Dégrader la sécurité des contrats ne résoudra pas la question de l'emploi.

Nous aurions pu inventer des mini-jobs et ajouter de la précarité à la précarité : ce n'est pas le chemin que nous avons pris. Nous avons choisi l'emploi et le travail, pas l'emploi contre le travail.

Les représentants des travailleurs et les salariés demandent l'amélioration des capacités d'adaptation, pour que l'emploi ne soit plus une variable d'ajustement ; ce sera l'enjeu majeur du texte sur la formation professionnelle qui va vous être soumis.

Le patronat, d'ailleurs, ne réclame pas la suppression des CDI, mais au contraire, des contrats stables pour les apprentis. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Lutte contre la délinquance (II)

M. Philippe Kaltenbach .  - Depuis 2008, les cambriolages sont en hausse constante, dans les zones urbaines comme rurales : 18 % de hausse depuis cinq ans.

Outre le préjudice matériel, les victimes sont traumatisées par le viol de leur intimité. Longtemps les statistiques de la délinquance ont été manipulées par le précédent gouvernement... (Protestations à droite)

Monsieur le ministre, vous vous êtes engagé à dire la vérité, sans subterfuge : c'est ce que les Français attendent.

Dans les Hauts-de-Seine, le préfet et le procureur ont assuré la création d'un groupe d'action. Pouvez-vous nous en dire plus sur les mesures prises pour enrayer cette augmentation inquiétante et rassurer nos concitoyens ? (Applaudissements à gauche)

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur .  - Les cambriolages sont responsables, pour un tiers, du sentiment d'insécurité. Confronté à un phénomène qui concerne toute l'Europe, le Gouvernement a fixé des objectifs adaptés aux nécessités du terrain : renforcement de la police judiciaire, occupation de la voie publique, protection des commerçants, concertation avec tous les acteurs.

Nous obtenons des résultats et démantelons des réseaux, comme ce réseau albanais dans le Val-de-Marne, ou ce réseau géorgien dans l'ouest de la France, responsable de 2 000 cambriolages.

La tendance à la hausse s'est inversée dans les zones de gendarmerie à la fin de l'année ; elle est contenue dans les zones de police. Une dynamique positive est déjà engagée. En faisant baisser les cambriolages, nous diminuons le sentiment d'insécurité. Vous pouvez compter sur mon engagement ; Cette politique est le fruit d'une coproduction entre les forces de sécurité, les élus et les citoyens. (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)

présidence de Mme Bariza Khiari,vice-présidente

La séance, suspendue à 16 heures, reprend à 16 h 15.

Organisme extraparlementaire (Candidature)

Mme la présidente.  - Je rappelle que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de désigner un sénateur appelé à siéger au sein de la Commission permanente pour la protection sociale des Français de l'étranger. La commission des affaires sociales propose la candidature de M. Jean-Pierre Cantegrit pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire. Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du Règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

Engagement de procédure accélérée

Mme la présidente.  - En application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l'examen de la proposition de loi relative à l'interdiction de la mise en culture du maïs génétiquement modifié MON 810, déposée sur le Bureau du Sénat le 4 février 2014.

Modification à l'ordre du jour

Mme la présidente.  - Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande l'inscription à l'ordre du jour du lundi 17 février, à 16 heures et le soir, de la proposition de loi tendant à harmoniser les taux de la taxe sur la valeur ajoutée applicables à la presse imprimée et à la presse en ligne et de la proposition de loi relative à l'interdiction de la mise en culture du maïs génétiquement modifié MON 810.

Pour ces deux propositions de loi, le délai limite de dépôt des amendements de séance pourrait être fixé au lundi 17 février, à 12 heures, et le temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale serait de une heure.

Il en est ainsi décidé.

En outre, en application du troisième alinéa de l'article 35 de la Constitution, le Gouvernement soumettra à l'autorisation du Sénat, le mardi 25 février après-midi, la prolongation de l'intervention des forces armées en République centrafricaine.

Les modalités de l'organisation du débat, qui sera suivi d'un vote, seront fixées par la Conférence des présidents lors de sa prochaine réunion le 19 février.

Débat sur l'avenir des infrastructures de transport

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle un débat sur l'avenir des infrastructures de transport à la demande du groupe UMP.

M. Louis Nègre, au nom du groupe UMP .  - Membre de la commission Mobilité 21, j'approuve la volonté de ne pas tromper nos interlocuteurs par des promesses pharaoniques et intenables. Les deux scénarios retenus hiérarchisent honnêtement les priorités, et le document a été bien reçu.

Le transport ferroviaire nécessite le plus grand effort d'investissement, car nous avons laissé notre réseau classique se dégrader. Le Gouvernement met les bouchées doubles, ayant engagé plus de 1 000 chantiers, mais le réseau continuera à vieillir jusqu'en 2016 au moins.

Le réseau routier, orgueil national, se dégrade lui aussi et est victime de congestion dans les zones urbaines et péri-urbaines : 15 % des chaussées et 12 % des ouvrages d'art avaient un indice de qualité mauvais en 2012. Agissons tant qu'il est temps. Nos inquiétudes sont aggravées par la situation financière de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) qui a vu ses moyens s'effondrer des deux tiers. Les contrats État-Région et les Programmes de modernisation des itinéraires routiers(PDMI) sont menacés.

Les voiries sont d'ailleurs saturées en heures de pointe. À quand un nouveau modèle de financement des infrastructures de transport ? Une mission de réflexion a été lancée au ministère, où en êtes-vous ?

Dans certains départements, - Orne, Tarn, Haute-Savoie - des péages ont été proposés sur voie expresse pour financer les travaux. Le partage des charges entre contribuables et utilisateurs doit être revu : les billets de TER ne couvrent que 27 % du coût !

Le versement transport, spécificité française, a atteint ses limites. Que fait-on ?

Si l'on demande aux contribuables de payer la différence, ce sont encore les classes moyennes qui en feront les frais.

On ne pourra pas indéfiniment accroître les capacités routières aux abords des agglomérations. Nous ne voulons pas des autoroutes urbaines comme en Amérique. Mieux vaudrait améliorer l'occupation des voitures, grâce au covoiturage et aux transports collectifs.

Le covoiturage le plus efficace est organisé par les entreprises, mais des sites Internet spécialisés se développent aussi.

Le développement des transports collectifs fait consensus. Les transports collectifs en site propre ont amélioré la qualité de vie des Français, voire leur santé.

En revanche, sur les lignes ferroviaires délaissées, il faut envisager le transport par autocars, satisfaisant sur les plans écologique et économique, et, sur les lignes conservées, moderniser le matériel et augmenter les cadences. Il faudra fermer les lignes trop peu empruntées : des autocars modernes et confortables peuvent offrir une alternative crédible.

La rationalisation du réseau ferré s'impose. Les contributions publiques au réseau des transports collectifs de personnes représentaient 12,5 milliards d'euros en 2011, soit la moitié du coût total. Dans d'autres pays très développés, les chemins de fer fonctionnent sans deniers publics...

Il manque 2,5 milliards d'euros pour financer la rénovation du réseau, et la dette du RFF, qui s'accroît chaque année, pourrait atteindre 55 milliards en 2020.

Il est impossible de répercuter cela sur les voyageurs sauf à faire exploser le prix des billets...

Est-ce le prix à payer pour un service performant ? Mais les usagers se heurtent à des dysfonctionnements répétés... L'accident de Brétigny comme la dégradation du service quotidien confirment la nécessité d'investissements majeurs.

La question du financement de l'AFITF se pose donc. Ce matin, au conseil d'administration, nous avons appris une bonne nouvelle : 110 millions d'euros seront sanctuarisés pour le renouvellement des TET, c'est une bouffée d'oxygène. Mais il ne reste que 800 millions pour les grands projets, pas même assurés puisque les subventions de l'État (940 millions) devaient être remplacées par les recettes de la taxe poids lourds, soit 800 millions en année pleine, 500 millions cette année...

En cédant à l'émotion d'une région, on impacte les vingt-et-une autres. (M. Jacques Mézard le confirme)

La région PACA aussi excentrée que la Bretagne est traversée chaque année par 600 000 poids lourds sur l'A8.

Ecomouv' est menacé de dépôt de bilan et ses soixante salariés de licenciement...

Il est bon que les régions soient représentées au conseil d'administration de l'AFITF, comme cela a été proposé.

Les ports français ont encore perdu des parts de marché. Nous avons hâte de connaître la stratégie du Gouvernement, annoncée fin 2013.

En dépit de ces motifs d'inquiétude, j''ai une bonne nouvelle. (Marques d'intérêt à droite)

Les grèves dans nos ports diminuent significativement. Au même moment, celui d?Anvers a connu sa première grève...

M. Roger Karoutchi.  - Enfin, nous exportons quelque chose !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.  - Enfin, le dialogue social promu par le Gouvernement paie.

M. Louis Nègre.  - Pour le transport fluvial aussi nous nourrissons des inquiétudes à propos du financement de VNF. Quant aux aéroports français, ils continuent de progresser : un record de 90 millions de passagers a été atteint dans les aéroports parisiens. Le CDG Express est une nécessité.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué.  - Le projet est relancé.

M. Louis Nègre.  - La politique menée actuellement s'apparente à du bricolage. Nous ne réussirons rien sans réforme structurelles essentielles. (Applaudissements à droite)

M. Michel Teston .  - On ne peut parler transports sans prendre en compte les besoins de mobilité, qui n'ont cessé de croître ces dernières années, tant pour les particuliers que pour les entreprises.

La mondialisation de l'économie, l'évolution des modes de vie, l'étalement urbain, les mutations technologiques l'expliquent.

Dans ces conditions, il est nécessaire de disposer de réseaux adaptés et en bon état. Les infrastructures existantes doivent être entretenues : leur régénération coûte moins cher que la construction de nouveaux équipements. Le Schéma national des infrastructures de transport (Snit), présenté en juillet, a marqué une rupture : les investissements sont prioritairement affectés aux équipements destinés au plus grand nombre et non à de grands projets fournissant un service ponctuel.

Toutefois, les réseaux existants devront être complétés pour que la France ne soit pas écartée des grands flux internationaux : LGV vers l'Espagne et l'Italie, LGV Rhin-Rhône, Toulouse-Bordeaux, POCL... Le réseau fluvial doit également être complété, et le réseau routier aménagé, dans le respect de l'interdiction de l'adossement.

Le Commissariat général à la stratégie et à la prospective (CGSP) a rendu un rapport sur l'incidence des investissements publics. Le dernier Snit est conforme aux évaluations réalisées, ce qui n'était pas le cas précédemment...

Sur le Grand Paris, le gouvernement Fillon voulait surtout relier les grands pôles, mais un compromis a heureusement été trouvé avec la région, attentive aux besoins du plus grand nombre.

Nous devons pouvoir compter sur un financement pérenne. Chacun connaît la dette de RFF... Le contribuable ne doit pas être trop sollicité. L'AFITF devait bénéficier des dividendes autoroutiers, mais en 2005, le gouvernement a vendu les actifs de l'État dans les sociétés concessionnaires d'autoroute. Grave faute politique, qui avait pour principal objectif de combler le déficit de l'État...

L'écotaxe poids lourds, votée par la majorité précédente, avait pour but de faire contribuer les usagers des routes non concédées, mais sa mise en oeuvre était complexe, son recouvrement externalisé... Monsieur le ministre, vous n'avez pas pu remettre en cause le contrat, mais vous avez décidé que les transporteurs pourraient répercuter cette taxe sur les donneurs d'ordre.

En attendant les conclusions de la commission d'enquête sur l'écotaxe, l'État doit apporter des recettes équivalentes. (M. Louis Nègre approuve) C'est un passage obligé. Le maintien de l'AFITF est indispensable.

M. Louis Nègre.  - Bravo !

M. Michel Teston.  - Il faut aussi envisager de faire contribuer les concessionnaires d'autoroutes, qui réalisent des marges plus importantes que l'ensemble de l'économie, hormis le secteur financier. Pourquoi pas une fiscalité nouvelle ? Pourquoi ne pas relever la fiscalité domaniale sur les concessionnaires ?la question se pose.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué.  - Tout à fait.

M. Michel Teston.  - Les financements européens ne sont pas moins indispensables, puisqu'ils peuvent couvrir jusqu'à 42 % des projets.

J'espère que ce débat sera le point de départ d'une réflexion parlementaire sur cette question. (Applaudissements sur les bancs socialistes et CRC)

M. Jacques Mézard .  - Transition écologique, aménagement du territoire, développement économique, autant d'objectifs pour lesquels la qualité de nos réseaux de transport est déterminante.

L'urgence tient au financement des infrastructures. Pour développer le covoiturage ou le transport par autobus, encore faut-il avoir des routes !

M. Louis Nègre.  - Nous sommes d'accord.

M. Jacques Mézard.  - Beaucoup de territoires français vivent encore dans l'isolement, faute d'infrastructures dignes de ce nom.

Les réseaux ferroviaires classiques ont longtemps été délaissés, leur état de délabrement est désormais connu. Le rapport de la Cour des comptes n'est pas sévère mais réaliste. Alors que les collectivités territoriales intervenaient, l'État n'a cessé de se désengager. Depuis plus de dix ans, rien n'a été fait pour rattraper les retards par les Gouvernements successifs : c'est une caractéristique de la Ve République.

M. Roger Karoutchi.  - Allons !

M. Jacques Mézard.  - Le précédent schéma national des infrastructures de transport était irréalisable dans le contexte budgétaire actuel. La commission Mobilité 21 a éludé la question essentielle du désenclavement, qui constitue pourtant un objectif légal. Et je ne rappellerai pas l'engagement n°28 du président de la République... Le renouvellement des trains d'équilibre du territoire vient d'être annoncé. On n'en voyait aucune traduction, jusqu'à tout à l'heure...

Le produit de l'écotaxe poids lourds devait représenter 40 % des recettes de l'AFITF. Mais l'écotaxe a été suspendue.

Qu'en est-il monsieur le ministre ? Avez-vous un plan B ? Ce report compromet le financement de l'AFITF. Ce recul ou cette reculade fragilise toute la politique de transport. Immobilisme d'autant plus préoccupant que la dette ferroviaire explose. Les contrats État-Régions et les PDMI risquent d'être retardés.

J'espère que vous nous apporterez des clarifications. Mais nous craignons que le Gouvernement, plutôt que de rechercher de nouveaux financements, revoie ses ambitions à la baisse. Il faudrait alors relancer le fret ferroviaire. Pourquoi pas renégocier, suivant les préconisations de la Cour des comptes, les concessions avec les sociétés d'autoroutes ? L'entretien du réseau ne relève pas du court-termisme. Il appartient au Gouvernement de définir une stratégie. Gouverner, c'est prévoir, disait-on au temps de Mendès-France. En tout cas, ce n'est pas renoncer ! (Applaudissements sur les bancs RDSE et UDI-UC)

M. Ronan Dantec .  - Le contexte financier est connu. L'avenir des infrastructures repose sur leur financement et la suspension de l'écotaxe est au coeur du débat -  je partage l'avis de M. Mézard : il faut envisager toutes les conséquences de sa suppression. J'ai proposé d'exonérer l'agriculture, de contraindre la grande distribution à en supporter le coût sans le reporter sur les producteurs et les transporteurs, de sanctionner les poids lourds de 44 tonnes à cinq essieux et de renégocier les concessions d'autoroute. L'absence de taxe poids lourds maintient la concurrence déloyale au détriment des modes de transport non routiers.

Ces secteurs, qui représentent 40 milliards de chiffre d'affaires, sont inquiets. Le budget de l'AFITF et de VNF sont menacés, ainsi que les investissements initialement programmés.

Le rapport de M. Mézard insistait sur la modernisation des structures routières, ferroviaires ou fluviales. Les Verts ne peuvent dire mieux ! Mais le scénario 2 du rapport Duron ne va pas dans ce sens. Nous sommes très réservés sur le contournement routier de Rouen, l'A 45 et la LGV Bordeaux-Toulouse. En revanche, nous soutenons le scénario 1, qui vise à rééquilibrer les territoires.

La volonté de rationaliser du Gouvernement est nette. Il faut hiérarchiser les priorités.

Une offre à grande vitesse doit exister sur tout le territoire, mais il n'est pas nécessaire de disposer à fois d'un LGV, d'une autoroute et d'un aéroport.

M. Jacques Mézard.  - Nous aurons des diligences !

M. Ronan Dantec.  - Les projets comme le Lyon-Turin ou Notre-Dame-des-Landes doivent être revus. Je regrette dans ce dernier cas l'abandon du dialogue. Nous sommes revenus à la case départ. Mais le Gouvernement, sensible à la voix de la rue, sera peut-être attentif aux manifestations d'opposants... et économisera ainsi 100 millions d'euros !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué.  - Non, le contrat est signé : il faudrait indemniser Vinci !

M. Roger Karoutchi .  - L'accident de Brétigny a révélé l'état des infrastructures de transport en Ile-de-France. Six millions de passagers en subissent chaque jour les dysfonctionnements. En Ile-de-France, l'État a peu agi, la région beaucoup, le STIF aussi et les entreprises : le versement transport représente 38 % du financement. En 2014, le Gouvernement a demandé à la région un effort supplémentaire. Mais sur les 900 millions budgétés, 300 millions dépendent des nouvelles recettes que l'État affectera à la région. Quelles sont-elles ? Impossible d'augmenter à nouveau le versement transport.

Le président de la région, pour une fois, a tapé du poing sur la table. Usagers et collectivités territoriales en ont assez de voir la RATP et la SNCF en concurrence sur les mêmes projets et financer des études parallèles. Il faut inciter les deux entreprises publiques à se mettre d'accord sur des projets communs. Ne pourrait-il pas y avoir une société de transport unique en Île-de-France ? La région fait ce qu'elle peut, les usagers paient davantage, les entreprises n'en peuvent plus : il faudra bien un jour faire des économies d'échelle et trouver des recettes pérennes.

La TVA à 10 % sur les transports publics, c'est insensé. Ce sont des produits de première nécessité, on ne prend pas le métro pour le plaisir... Revenons à une TVA à 7 %.

Facilitons les convergences entre la SNCF et la RATP. L'État doit être un partenaire de financement régulier. Il faut qu'il assume ses responsabilités et cesse de se désengager. La galère des transports en Île-de-France, ça suffit ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Vincent Capo-Canellas .  - Les infrastructures de transports sont vieillissantes et les besoins sont considérables, quand les financements ne sont pas à la hauteur des besoins. Les décisions récentes du Gouvernement ont encore aggravé les difficultés des transports terrestres. Qu'au moins une décision claire soit prise sur l'avenir de l'écotaxe ou sa substitution.

Comme M. Karoutchi, je parlerai de l'Île-de-France. Vous avez inauguré la branche nord rénovée du RER B et célébré la régularité et la fluidité du trafic. Mais, parfois, la situation est pire qu'avant, les blocages et les coupures font oublier les améliorations. Les voyageurs voient leur stress augmenter : l'étudiant à la veille des examens, les salariés en route pour un entretien d'embauche... Le coût psychosocial est réel.

La ligne B nord a été coupée totalement le 15 janvier de 8 h 30 à 17 heures, il a fallu que les policiers et les salariés d'ADP délivrent les voyageurs bloqués à Roissy, qui est pourtant la première plateforme aéroportuaire d'Europe. Un jour les passagers internationaux l'oublieront. La cause de ces incidents, c'est un retard d'investissement - il faudrait d'ailleurs rapporter les investissements au nombre de voyageurs.

Avant les infrastructures étaient financées par le budget de l'État. Le contexte budgétaire aidant, une entorse a été faite au principe de non-affectation des taxes, et des ressources ont été affectées à l'AFITF pour sécuriser la politique de transport. Après la privatisation des autoroutes, la disparition de l'écotaxe a refermé le piège. On compte sur les financements européens, comme pour le Lyon-Turin, mais ils sont difficiles à obtenir.

Plusieurs scénarios ont été établis. La relance de l'investissement européen ? On ne la voit pas venir. Des scénarios proposés par la commission Duron, le Gouvernement a choisi le plus ambitieux. Mais comment le financer sans écotaxe ? Mission impossible ! M. Cazeneuve a indiqué que si la taxe poids lourds ne voyait pas le jour, il faudrait revoir les objectifs... On ne saurait mieux dire... Il manque pour l'instant 800 millions à l'AFITF... Son conseil d'administration s'est réuni ce matin. Comment allez-vous résoudre l'équation ? Comment compenserez-vous l'absence de l'écotaxe ?

Louis Nègre propose d'augmenter la contribution des utilisateurs : en Allemagne, la part du coût qu'ils prennent en charge est de 40 %, contre 30 % en France. Je me réjouis que le CDG Express soit inscrit. Je serai enfin prudent sur la fiscalité, on peut admettre qu'une part de TIPP soit une solution.

Je mesure l'ampleur de votre tâche, monsieur le ministre. Nous sommes à votre écoute pour contribuer à sortir le budget des infrastructures des difficultés. (Applaudissements à droite)

Mme Laurence Cohen .  - Nous disposons du deuxième réseau routier d'Europe et notre réseau ferroviaire est l'un des plus denses.

L'état de nos infrastructures ferroviaires est lamentable, à l'exception des LGV ; le fret n'a pas bénéficié des investissements nécessaires. Les autoroutes sont en bon état, mais pas le reste du réseau. Ce débat est l'occasion de rappeler notre proposition de loi pour renationaliser les autoroutes. La privatisation a fait perdre la maîtrise publique du réseau et privé l'État de recettes précieuses - 1 à 2 milliards par an - pour financer l'AFITF. La Cour des comptes a évoqué en 2009 l'Agence comme ayant des ambitions limitées, privée de moyens, désormais inutile... alors qu'elle a encore pour mission de favoriser le transfert modal dans le cadre de la transition écologique. On sait pourtant que la privatisation s'accompagne le plus souvent d'une dégradation du service et d'une hausse des prix. C'est dire si le Gouvernement doit se montrer prudent lorsqu'il entend céder une part du capital public qu'il détient dans les entreprises assurant une mission de service public. Nous regrettons le désengagement de l'État ; la suppression de l'écotaxe et la privatisation des autoroutes condamne l'Agence...

L'amélioration du réseau ferroviaire est essentielle. On ne peut qu'être inquiet de voir que le projet de loi de réforme ferroviaire ne traite pas la question du financement. La dette de RFF atteindra 51 milliards en 2020, et si l'on ajoute celle de la SNCF, la dette ferroviaire s'élèvera à 61 milliards. La Cour des comptes préconise une reprise partielle de cette dette par l'État. Nous le souhaitons aussi, ainsi que la mise en place d'un plan pluriannuel de financement des infrastructures ferroviaires dans le cadre d'une politique mutimodale. Nos propositions de financement sont connues : création d'un livret d'épargne dédié ; prélèvement sur les bénéfices des sociétés d'autoroutes en attendant leur renationalisation ; mise en place d'un pôle public bancaire ; généralisation du versement transport régional qui rapporterait 800 millions à l'Île-de-France où le taux varie de 1,5 à 2,7 ; création d'une structure de défaisance de la dette. Bref, il est temps que l'État reprenne de la hauteur et cesse de se faire dicter sa politique par le Medef. C'est ainsi que nous répondrons aux besoins des populations.

M. Jean-Jacques Filleul .  - Ce débat intervient alors que le Gouvernement a su prendre ses responsabilités : lancement du tunnel Lyon-Turin et du Grand Paris Express, restructuration du canal Seine-Nord-Europe, affectation d'un milliard d'euros à l'entretien des infrastructures ferroviaires.

Les infrastructures des transports ont accompagné l'entrée dans l'ère de la modernité. Elles garantissent la liberté de déplacement des hommes et contribuent à l'aménagement du territoire. Les projets d'infrastructures doivent répondre aux besoins des usagers, faciliter les échanges locaux. On ne peut imaginer un projet d'infrastructure sans intégrer la sécurité et les risques environnementaux. Il faudra développer les études qui tiennent compte des coûts complets des réseaux, y compris celui des atteintes environnementales, pendant toute leur durée d'exploitation.

En 1993, le Livre blanc de Jacques Delors préconisait une relance des infrastructures à l'échelle européenne. Il est resté lettre morte, c'est dommage : il jetait les bases d'un développement soutenable et renforçait la compétitivité de l'Europe, en anticipant sur les inquiétudes d'aujourd'hui. Il envisageait 250 milliards d'investissements...

Le réseau routier national s'est réduit comme peau de chagrin avec le transfert aux départements et la privatisation des autoroutes ; il est dommage que les 14,8 milliards perçus alors - quand la valeur estimée par la Cour des comptes du patrimoine était de 24 milliards - n'aient pas été utilisés pour réduire la dette du secteur.

M. Louis Nègre.  - Si nous avions été là !

M. Jean-Jacques Filleul.  - Quant au ferroviaire, longtemps la priorité a été donnée aux lignes TGV et le réseau du quotidien délaissé. Des efforts ont été entrepris depuis trois ou quatre ans pour requalifier le réseau.

Les ports français doivent devenir plus attractifs en lien avec leur hinterland ; le port du Havre a vu sa situation s'améliorer.

M. Charles Revet.  - Merci de le souligner.

M. Jean-Jacques Filleul.  - Le Snit élaboré par le précédent gouvernement s'apparentait à une liste du père Noël, agrégeant une kyrielle de projets sans financement : 28 projets ferroviaires, 11 projets de développement portuaire, 3 voies d'eau à grand gabarit, 28 projets routiers... N'en jetons plus ! Le rapport de la commission Mobilité 21 est revenu à la réalité ; 2,1 à 2,5 milliards par an, c'est déjà beaucoup. La suspension de l'écotaxe a perturbé le budget de l'AFITF. J'espère qu'elle sera réactivée.

Je salue le feu vert donné au tunnel Lyon-Turin. Confirmez-vous que le projet de liaison entre la gare de l'est et Roissy est enfin ressorti des cartons ?

La commission Mobilité 21 a revu le Snit et proposé une hiérarchisation des projets, cohérente avec la situation et les perspectives budgétaires. Oui, tous les territoires doivent bénéficier de réseaux de proximité performants, qui intègrent les recommandations du Grenelle. Privilégions le report modal pour les transports quotidiens. Aucun grand projet n'est abandonné, mais le calendrier est plus réaliste.

La demande est importante, les financements compliqués à trouver. Il importe de voir et de parler juste en matière de transport. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Charles Revet .  - En juillet 2008, la loi de réforme portuaire a été votée. Comment expliquer que cinq ans après, on ait si peu progressé ? Anvers est toujours le premier port français et accueille plus de containers que tous les ports français réunis... Là où nous mettons 200 millions sur quatre ans, Rotterdam met 3 milliards et Anvers un.

Le Havre et Rouen veulent élargir leurs débouchés vers l'Europe, y compris centrale ; un programme de travaux ferroviaires sera-t-il élaboré, et quand ? Le redémarrage du Canal Seine-Nord risque de favoriser les grands ports du Nord, alors que les ports français ont des atouts extraordinaires. Seuls le Havre avec Port 2000 et Rotterdam sont capables d'accueillir les plus grands porte-conteneurs. Si nous ne réagissons pas, l'avantage que nous donne notre position géographique va disparaître.

Le port du Havre doit augmenter la part des marchandises transférées par le terminal fluvial : mais, en cas de mauvais temps, il faut parfois six jours pour aller à Port 2000, soit plus que pour se rendre à Hong Kong...

La réalisation d'une plateforme multimodale a été lancée mais elle n'est pas encore opérationnelle.

Lorsque les transporteurs choisissent leur port d'accueil, ils comparent les coûts de manutention. On avait suggéré d'installer une chatière à Port 2000, pour un coût de 50 millions. Qu'en pensez-vous, monsieur le ministre ? Il y a urgence.

Le tram-train, que j'ai pu expérimenter à Fribourg, pourrait être utilisé sur les lignes indépendantes du réseau principal, dont on a conservé les emprises. Le réseau secondaire reliant les ports à leur arrière-pays a été préservé, fort heureusement, mais il gagnerait à être modernisé. Les grandes villes ont remis le tramway au goût du jour. Pourquoi donc ne pas faire revivre les anciennes lignes ferroviaires ? On éviterait ainsi de coûteux investissements routiers, on réduirait les embouteillages, et on éviterait à certaines familles d'acheter une deuxième voiture... On pourrait libérer des sillons pour le fret.

Gouverner, c'est prévoir ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. René Beaumont .  - Vous savez, monsieur le ministre, pourquoi j'interviens dans ce débat... Nous devons l'axe Genève-Océan, devenu la Route Centre-Europe Atlantique (RCEA), à Louis Escande et Jean Valleix. En 1969, on pensait que le chantier prendrait vingt-cinq ans, mais il n'est encore achevé qu'à moitié...

La section Genève-Mâcon est allée vite, Angoulême-Bordeaux est presque terminé, Poitiers-Nantes est bien avancé. Reste le tiers central, où transitent beaucoup de poids lourds, faute d'autres routes facilement accessibles en toutes saisons. Grâce à un président du conseil général très influent, le tronçon de la Creuse, a été réalisé vite entre 1981 et 1986. Reste le tronçon Montluçon-Mâcon, qui dessert deux territoires difficiles d'accès, et où on compte sur 160 kilomètres vingt-quatre morts par an...

M. Bussereau est venu nous trouver en 2010 pour trouver une solution. Il a proposé une concession autoroutière. L'Allier l'a immédiatement acceptée, en demandant la gratuité entre Paray-le-Monial et Ciry-le-Noble, compte tenu des financements déjà garantis. Mais la Saône-et-Loire a été atteinte d'une allergie socialiste soudaine à la concession, très contagieuse.

Monsieur le ministre, vous avez demandé une étude et conclu à un financement par l'État, la région et le département. La région Bourgogne reste évasive, l'État s'est engagé à verser 30 millions par an. Les départements devaient en apporter 3 grâce à l'écotaxe...

Comment les premiers travaux seront-ils financés, ceux sur les tronçons les plus accidentogènes ? Je ne vois aucun engagement sinon pour l'entretien et la sécurité.

Et l'écotaxe ? Avez-vous un plan B ?

Chaque année perdue, ce sont 24 morts de plus... Il suffirait pourtant d'une concession sur tout le trajet et de guérir un ministre de Saône-et-Loire...

M. Jean-Pierre Vial .  - Le ministère des transports est l'un des derniers où peut encore briller la flamme de l'aménagement du territoire... Dix-huit ans après la réforme de 1996, le drame de Brétigny ne doit-il pas nous inciter à revoir le rôle de RFF ?

Si l'Europe n'est pas exempte de tout reproche, elle a le mérite d'une vraie vision stratégique en matière de transport. Le 20 novembre, François Hollande et Enrico Letta se sont engagés en faveur du Lyon-Turin, projet retenu dès 1993. C'était au lendemain de l'adoption par le Parlement européen d'un plan d'investissement sans équivalent de 26 milliards d'euros. Nous attendons cependant des précisions. Il est heureux que le rapport Duron ait reconnu le noeud lyonnais comme une priorité, mais le calendrier n'est pas connu. La liaison entre Lyon et la Combe de Savoie n'est pas moins prioritaire au regard de la saturation des infrastructures régionales. Pourquoi ne pas créer un observatoire pour en évaluer les enjeux ?

La plateforme de Grenay est une des premières réalisations concrètes du Lyon-Turin, avec l'autoroute ferroviaire et le basculement du transport marchandise de la route sur le rail. Le Gouvernement la retiendra-t-il parmi les priorités du prochain contrat de plan ?

Le tunnel international coûtera 8 milliards ; la France n'y contribuera qu'à hauteur de 25 %, alors que les trois quarts de l'ouvrage sont sur notre territoire. La part de notre pays s'élèvera ainsi à 2,1 milliards d'euros -  mais 1 milliard d'euros de travaux ont déjà été réalisés.

Les financements européens ne seront versés que si la France et l'Italie se plient aux exigences de l'appel d'offres : mise en place avant l'été 2014 d'un promoteur public et certification des coûts d'ici l'automne. C'est indispensable, afin de réaliser cette grande infrastructure européenne qui répond aux impératifs économiques, sociaux et environnementaux. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - Ce débat passionnant est d'une actualité brûlante. La France a besoin d'infrastructures de qualité, gages de croissance et d'aménagement du territoire. Le transport, c'est le quotidien, et les attentes de la population sont grandes. Trop longtemps, les responsables publics ont délaissé ce dossier.

Il faut nous projeter dans le temps, réfléchir aux financements en faisant preuve de créativité.

Les transports sont aussi un enjeu industriel et beaucoup de nos entreprises dépendent de la commande publique. Le transport, c'est aussi l'innovation : transport intelligent, réseaux de demain, transition énergétique, mobilité douce et amélioration de la qualité de service. La compétition est lancée, avec les États-Unis notamment, et l'Europe se mobilise. Un grand plan sera mis en place pour soutenir les start up du secteur.

N'oublions pas que la France est une terre de transit, la porte de l'Europe, le carrefour de l'Europe du Nord et du Sud, la voie vers l'Afrique du nord. Nos ports jouent un grand rôle, avec leur hinterland.

Les transports sont aussi un levier économique, un gisement d'emplois. Songez aux drones civils : la France est leader mondial en la matière, à nous de mettre en place une réglementation de référence !

L'enjeu est aussi européen. Le contexte a beaucoup évolué en quelques mois, des moyens nouveaux ont été mobilisés grâce au président de la République notamment, pour les grandes infrastructures de transports et l'enveloppe dont la France pourra bénéficier est en hausse de 65 %,avec 13 milliards. De grands projets comme le canal Seine-Nord et le Lyon-Turin seront financés par l'Europe à hauteur de 40 %.

Le transport, ce sont aussi des relations sociales. Le dumping social n'est plus de mise. Nos entreprises de transport routier avaient souffert de la dérégulation et de la concurrence exacerbée, nous avons fait reculer la commission qui voulait assouplir encore le cabotage.

Sur le ciel unique, la France était d'abord presque seule. Avec l'Allemagne, nous avons demandé à la commission des règles stables et protectrices, et au conseil informel de Vilnius exigé l'arrêt du projet de ciel unique 2+, alors que le précédent projet n'avait pas encore été mis en place.

La puissance publique intervient largement dans le secteur des transports et c'est bien légitime vu les investissements nécessaires. Nous sommes à l'initiative d'une conférence européenne sur l'harmonisation sociale dans le domaine des transports, qui se tiendra à Paris, et que la présidence grecque a demandé à coprésider.

On accuse trop souvent l'Europe, oubliant que la France peut faire entendre sa voix.

Merci à tous ceux qui ont reconnu l'action menée par ce Gouvernement. J'ai même entendu dans les propos de Louis Nègre un hommage, certes mesuré...

M. Louis Nègre.  - Plus équilibré !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué.  - Oui, il a fallu hiérarchiser les priorités. Une politique n'est pas un catalogue de promesses. Merci d'avoir salué notre démarche de vérité.

Il faut en effet redonner de la crédibilité à la parole publique.

Démarche partenariale aussi : il est juste que les parlementaires soient consultés à chaque étape de la réalisation du projet, ainsi que les collectivités territoriales, toutes concernées.

Nos orientations sont claires : priorité à l'entretien des infrastructures existantes. L'Institut polytechnique de Lausanne a souligné à deux reprises leur délabrement progressif. Avant même l'accident de Brétigny, j'avais demandé à RFF un grand plan de modernisation des infrastructures ferroviaires, avec 2,5 milliards supplémentaires. Cela vaut aussi pour la route, car un cinquième du réseau est aujourd'hui dégradé. Naguère, les PDMI étaient exclus de la contractualisation... Les réseaux structurants seront prioritaires : c'est pour l'État, une obligation morale, qui doit se transformer en réalité financière.

Le Premier ministre s'est engagé à renouveler les trains Corail, parfois vieux de trente ans. Ce sera chose faite d'ici à 2025 : une première enveloppe de 510 millions d'euros y a été affectée. L'appel d'offres a été lancé.

Cette politique s'élabore avec les collectivités territoriales, dans la perspective des contrats État-région 2014-2020. Priorité sera donnée au désenclavement - que M. Mézard en soit assuré, même s'il a dû nous quitter pour prendre un train - à la décongestion des réseaux, à leur modernisation, à la sécurité. Les enveloppes ont augmenté de 20 % : signe de la volonté du Gouvernement de répondre à vos préoccupations.

M. Karoutchi n'est plus là non plus...

M. André Reichardt.  -  Un train aussi !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué.  - Qu'il reconnaisse que c'est grâce à ce Gouvernement que les premiers travaux pourront être engagés en Île-de-France : 7 milliards d'ici 2017, contre 2,9 milliards auparavant. En bénéficieront le réseau existant, plusieurs lignes de métro et de tramway, le RER B en particulier.

Les dysfonctionnements constatés sont inacceptables, étant donné les moyens que nous y mettons. Je demande donc une évaluation des travaux réalisés, notamment sur le RER B.

M. Gilbert Roger.  - Merci !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué.  - Nous avons une obligation de résultat.

M. Vincent Capo-Canellas.  - Très bien !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué.  - J'insisterai sur le caractère international des projets. Toute démarche doit être concertée. Vous reconnaissez vous-même, monsieur Dantec, l'importance de la route : c'est effectivement une vision globale de l'offre qu'il faut avoir.

L'une des rares réussites du précédent gouvernement fut l'appel à projets des TCSP. Nous poursuivons en ce sens, en n'excluant aucune solution : le transport par câble, par exemple, peut être développé. Plus de 120 collectivités ont répondu à l'appel à projet.

Il y a tant d'initiatives !

Grâce à l'autopartage et au covoiturage, on réduit considérablement le nombre de voitures et le quotidien des Français en est facilité.

Nous n'abandonnons aucun des grands projets, mais nous les rendons réalisables. L'aéroport de Nantes a vu le nombre de passagers progresser...

M. Ronan Dantec.  - Mais le nombre d'avions diminue !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué.  - C'est dire combien le projet de Notre-Dame-des-Landes est nécessaire. Le débat public a été approfondi.

M. Ronan Dantec.  - Il n'est pas allé au bout.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué.  - Les règles de droit sont respectées.

Aucun projet n'est abandonné, disais-je, mais alors qu'on ne peut financer en temps normal qu'une LGV tous les six ans, le précédent gouvernement avait lancé quatre projets entre 2010 et 2011... À nous de régler la note ! Nous mènerons ces projets à terme.

Le désenclavement des ports fait partie de notre stratégie. Le canal Seine-Nord n'est pas destiné à favoriser les ports du Nord : nous redonnons toute sa place au transport fluvial dans les contrats de plan.

Le Gouvernement serait-il allergique aux concessions ? Nullement, mais la liberté de choix des usagers doit être garantie. Nous avons donc fait d'autres choix pour la Route Centre-Europe Atlantique (RCEA) qui est, c'est vrai, un axe très accidentogène. Ce matin le conseil d'administration de l'AFITF lui a attribué 25 millions d'autorisations d'engagements et 10 millions de crédits de paiement.

La résorption des noeuds ferroviaires est une des priorités de la commission Mobilité 21, tout comme la relance du fret ferroviaire, qui regagne, timidement, des parts de marché. Nous avons lancé l'autoroute ferroviaire Côte d'opale-Le Boulou qui sera en service en 2015.

Sur le financement, nous devons faire preuve d'originalité. J'ai demandé une étude pour anticiper la fin des concessions d'autoroutes. Trouvons des recettes innovantes pour développer les transports de demain, dans le respect du droit européen.

Certaines infrastructures peuvent être financées autrement que par les pouvoirs publics. C'est ainsi que la liaison Charles de Gaulle Express sera financée par un partenariat entre RFF et Aéroports de Paris, quand nos prédécesseurs prévoyaient un partenariat public-privé.

Nous pouvons aussi mettre à contribution les concessionnaires d'autoroutes. Je souhaitais doubler la redevance domaniale, mais le Conseil d'État a freiné mes ardeurs en limitant la hausse à 50 %. Je partage votre jugement sur la privatisation des autoroutes : quelle erreur stratégique ! Et je regrette que les recettes dégagées n'aient pas été affectées à l'AFITF. Contrairement à la Cour des comptes, je pense que cette agence est utile. Ses recettes sont diverses mais il est vrai que nos projets d'infrastructures reposaient en grande partie sur l'écotaxe.

Le débat sur cette fiscalité innovante a montré que les utilisateurs des infrastructures doivent participer à leur financement, et non seulement les contribuables. D'où l'idée de cette redevance : vous connaissez le contexte qui a conduit le Gouvernement à reporter l'entrée en vigueur de la taxe.

C'était sage.

Le dossier est très complexe, et je suis heureux que le Parlement s'en soit saisi. Au-delà des récupérations politiciennes, le consensus prévaut autour de cette réforme qui constitue un enjeu de société. Les attentes sont fortes car la modernisation des infrastructures dépend de l'issue de ce dossier.

Le Gouvernement a attribué une subvention budgétaire de 1,8 milliard de crédits de paiement pour compenser ce report et 64 millions d'autorisations d'engagement, mais cela ne suffira pas.

L'écotaxe n'est donc pas abandonnée. Il s'agit plutôt de mettre en place un dispositif solide et consensuel. La mission d'information de l'Assemblée nationale fera des propositions. Pourquoi pas affectation des recettes de l'écotaxe par zones géographiques, avec un fléchage régional en fonction des projets ? Quoi qu'il en soit les parlementaires ont toute liberté pour formuler des propositions.

Enfin, n'abandonnons pas les filières industrielles de transports, gage de compétitivité des territoires. Le ministère prendra des initiatives en ce sens dans les prochains mois.

J'ai été un peu long mais ce débat nous a conduits à aborder de multiples problèmes, et à avoir une vue d'ensemble des enjeux. J'y sais le Sénat très attentif et je me tiens toujours à votre disposition.

Mme la présidente.  - Merci monsieur le ministre pour votre réponse fournie.

Organisme extraparlementaire (Nomination)

Mme la présidente.  - Je rappelle que la commission des affaires sociales a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire. La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du Règlement.

En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Jean-Pierre Cantegrit membre de la Commission permanente pour la protection sociale des Français de l'étranger.

Questions prioritaires de constitutionnalité

Mme la présidente.  - M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 6 février 2014, qu'en application de l'article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article L. 8271-13 du code du travail (travail dissimulé). En outre, le Conseil d'État a adressé au Conseil constitutionnel deux décisions de renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité, l'une portant sur le III de l'article 8 de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail (portage salarial), l'autre portant sur l'article L. 6211-3 du code de la santé publique (examen de biologie médicale).

Les textes de ces décisions de renvoi sont disponibles à la direction de la Séance.

M. le président du Conseil constitutionnel a également communiqué au Sénat, par courriers en date du 6 février 2014, deux décisions du Conseil sur des questions prioritaires de constitutionnalité portant, d'une part, sur les dispositions du c) du 1° de l'article L. 115-7 du code du cinéma et de l'image animée (Taxe sur les éditeurs et distributeurs de services de télévision) ; d'autre part, sur l'article 80 quinquies du code général des impôts (Définition des revenus imposables).

Prochaine séance, mardi 11 février 2014, à 14 h 30.

La séance est levée à 19 h 20.

Jeudi 6 février 2014

Bas sommaire

Sommaire

Débat sur les péréquations communale, intercommunale et départementale1

M. Jacques Mézard, président du groupe RDSE1

M. Éric Bocquet2

M. Yannick Botrel2

M. Pierre-Yves Collombat2

M. Jean-Vincent Placé2

M. Charles Guené2

M. Pierre Jarlier2

M. Gérard Miquel2

M. Bruno Sido2

M. André Vairetto2

M. Éric Doligé2

M. Jean-Pierre Vial2

SÉANCE

du jeudi 6 février 2014

68e séance de la session ordinaire 2013-2014

présidence de M. Jean-Patrick Courtois,vice-président

Secrétaires : Mme Michelle Demessine, Mme Marie-Noëlle Lienemann.

La séance est ouverte à 10 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Débat sur les péréquations communale, intercommunale et départementale

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur l'évolution des péréquations communale, intercommunale et départementale après l'entrée en vigueur de la loi de finances pour 2014, à la demande du RDSE.

M. Jacques Mézard, président du groupe RDSE .  - Nous sommes beaucoup intervenus les uns et les autres sur l'évolution de la péréquation dans le financement des collectivités territoriales. C'est qu'il est naturel d'aborder ce sujet au Sénat qui a encore pour quelque temps, et en application de l'article 24 de la Constitution, la mission de représenter les collectivités territoriales. (M. Bruno Sido sourit)

Permettez-moi de rappeler que le rapport que j'avais commis avec M. Pointereau en 2010 était intitulé « Vers une dotation de péréquation unique, à la recherche d'une solidarité territoriale ». Je crains qu'il n'ait subi le sort que connaissent nombre de rapports parlementaires...

Notre système de péréquation est à bout de souffle. Pour toute réforme, ses bénéficiaires demeurent silencieux même si d'aucuns n'ont pu cacher leur jubilation lorsqu'ils ont découvert les effets de la réforme de la loi de finances initiale pour 2014 dans leur département. Les perdants crient à la spoliation, même ceux qui ont l'habitude de crier la bouche pleine.

Point de réforme territoriale qui ne réussisse sans abondement des dotations des collectivités territoriales à la clé. La loi Chevènement doit son succès à son bien-fondé, mais aussi à l'abondement de la dotation globale de fonctionnement. Révision des valeurs locatives, réforme du système des dotations des collectivités territoriales, chaque Gouvernement a transmis au suivant la patate chaude. Résultat : trente ans de renoncement et, pour tout dire, de manque de courage politique. Gouverner, ce n'est plus prévoir, c'est le plus souvent renoncer.

L'inégalité entre les citoyens et les territoires est considérable et injuste. Pour un même capital foncier, le propriétaire parisien paie jusqu'à dix fois moins d'impôts qu'un contribuable d'Auvergne, du Limousin, ou du Rouergue. Cette injustice bloque toute politique forte d'aménagement du territoire. Les dotations aux collectivités territoriales vont être réduites pour réduire le déficit public. Nous le comprenons, mais les collectivités les plus pauvres seront encore plus touchées, et la péréquation sera encore plus difficile.

Il serait fallacieux de considérer que la péréquation verticale n'est pas redistributive, mais ses effets sont limités. Dans la dotation globale de fonctionnement, la péréquation est insuffisante néanmoins. Nos concitoyens souhaitent de la transparence, des mesures de justice, et non des petits arrangements entre amis ou entre grands élus.

M. Éric Doligé.  - Très bien !

M. Jacques Mézard.  - Les dispositifs de péréquation, dont les critères ne cessent d'évoluer à chaque loi de finances, n'ont pas eu l'effet escompté. Les deux derniers budgets n'ont pas remédié au manque de cohérence.

Faut-il rappeler l'adoption d'un amendement scélérat à l'Assemblée nationale au projet de loi de finances pour 2013 modifiant la péréquation des Droits de mutation à titre onéreux (DMTO) et de la Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), au détriment des territoires ruraux, sans aucune simulation ?

Cette absence de publication des simulations a toujours été dénoncée sur tous les bancs, y compris, madame la ministre, dans l'excellent rapport que vous aviez présenté avec M. Guené, sur les conséquences de la suppression de la taxe professionnelle. Avec M. Miquel et de nombreux collègues, dont le président du Sénat, nous avions interpellé le Premier ministre qui s'était engagé à revoir ces dispositions.

En août, un prélèvement de 170 millions sur la caisse d'autonomie a été instauré pour aider les départements, pour leur donner « un ballon d'oxygène », qui a été réparti en deux enveloppes, l'une selon un critère synthétique, l'autre selon des critères discutables, qui ont permis d'attribuer 13 millions à la Corrèze...

Dans la loi de finances initiale pour 2014, un fonds pérenne de 100 millions a été créé pour aider les départements victimes de prêts toxiques : c'est aller à l'encontre de la péréquation que d'instituer une prime à la mauvaise gestion ! C'est inscrire l'aléa moral dans la loi. Une nouvelle recette fiscale a été apportée aux départements, les frais de gestion sur le foncier bâti, dont 30 % seront répartis selon une logique de péréquation. Les départements ont été autorisés à relever les DMTO de 3,8 % à 4,5 %. Lorsque cette mesure avait été présentée dans le cadre du pacte de confiance, certains présidents de conseils généraux socialistes comme M. Lozach avaient déclaré que ce déplafonnement était contraire à la solidarité. Et le rapporteur de la commission des finances à l'Assemblée nationale avait dit ses réserves, parce que les départements ruraux avec peu de transactions d'un faible montant n'en bénéficieraient pas.

Conscient du problème le Gouvernement a instauré un nouveau dispositif de péréquation. Le reversement de ce nouveau fonds de solidarité s'effectuera selon un critère synthétique défini en seconde lecture à l'Assemblée nationale, alors que le texte initial renvoyait à un décret en Conseil d'État. Les députés ont eu tout loisir pour fixer les critères puisque le Sénat n'a pas débattu de ce texte.

Sans doute cela aura-t-il permis aux départements, inspirés par l'ADF qui ne manque pas d'inventivité pour définir des indices synthétiques abscons, de faire leurs arrangements, au détriment de la justice. Ce système du reste à charge ne nous trompe pas : il satisfait les appétits de ceux qui avaient été bien servis en 2013, et de quelques autres. Divine surprise : le Lot, la Corrèze, la Seine-Saint-Denis et d'autres, que j'aurai la décence de ne pas citer, en ont bénéficié. J'ai la liste ! (L'orateur la brandit) Certains ne s'y attendaient même pas. D'autres un peu plus... La presse du Lot titrait le 25 décembre 2013 : « Le Père Noël est passé ; une aide inespérée de treize millions d'euros ». Le président Miquel y qualifiait cette enveloppe d'historique, en expliquant qu'il la devait à un intense travail de lobbying. Bravo mais quelle image de la République ! Je croyais, moi, que le Père Noël récompensait les enfants sages et non ceux qui sont dissipés... Les départements endettés comme le Nord, la Corrèze, la Seine-Saint-Denis et les outre-mer. Le maire de Tulle appelle le président de la République « le généreux Père Noël de Tulle » ajoutant : « À Tulle, on n'est pas arrosés, on est humidifiés » (Sourires à droite) Permettez à ceux qui ont soif de demander un peu d'eau...

La Seine-Saint-Denis, le Nord, la Corrèze en bénéficient. Est-ce un hasard ? Avec le reste à charge, il n'y a pas d'équité. Nombre de départements ont un reste à charge très inférieur à la moyenne, de 70 euros par habitant, comme les Hauts-de-Seine. Ceux qui ont le moindre potentiel, doivent augmenter leur taux, quand ceux qui ont plus de recettes voient leur contribution écrêtée, ce qui diminue l'abondement du fonds. Madame la ministre, modifierez-vous le mécanisme prévu dans la loi de finances initiale pour 2014 ? Si oui, quand et avec quels objectifs ?

Des critères tantôt basés sur des indices synthétiques, tantôt des recettes potentielles ou réelles montrent la difficulté de la péréquation.

Le Parlement qui manque de moyens d'évaluation, est dépendant de l'exécutif. En 2010, avec Rémy Pointereau, nous avons conclu qu'il fallait des critères transparents et acceptés par tous. Le groupe de travail de la commission des finances en 2011 concluait dans le même sens. La péréquation doit corriger ces inégalités qui frappent souvent les départements ruraux. Inspirons-nous du modèle suédois, où la péréquation sert à résorber les disparités dans l'offre de services publics sur tout le territoire.

Madame la ministre, je sais que vous avez beaucoup travaillé sur ce sujet, avec courage. Le service de la République mérite ce courage. (Applaudissements)

M. Éric Bocquet .  - « Chacun a remarqué que de notre temps, et spécialement en France, la passion de l'égalité prend chaque jour une place plus grande dans le coeur humain ». Cette citation de Tocqueville, qui date de 1835, n'a pas pris une ride. Il faut sans cesse remettre l'ouvrage sur le métier. Les enjeux financiers sont au coeur des municipales, pour assurer l'égalité des territoires.

Les dotations aux collectivités vont être réduites de 1,5 milliard en 2014, double peine pour les communes pauvres. Une commune comme Saint-Pierre-des-Corps est considérée comme riche en potentiel fiscal parce que sa base imposable alimente la communauté d'agglomération alors que la majorité de sa population n'acquitte pas l'impôt sur le revenu.

Comment parler de péréquation alors que, dans le cadre d'une politique d'austérité, la logique de métropolisation dresse les territoires les uns contre les autres ? Que le pouvoir de décision fiscal des départements et régions est réduit, que les communes sont incitées à se regrouper ?

La politique budgétaire intégrant la logique libérale crée des déserts de services publics. Les collectivités ne sont pas logées à la même enseigne, même si neuf de nos vingt-deux régions figurent parmi les plus riches d'Europe. L'Île-de-France, première région européenne, demeure un nain politique face aux Länder, aux régions italiennes et aux autonomies espagnoles.

Si les élus de Seine-Saint-Denis se battent pour refermer la plaie des années 1970, et réhabiliter les friches industrielles, est-il juste de confisquer le produit des recettes obtenues grâce aux droits de mutation ?

Il n'est pas de péréquation sans recettes nouvelles. La réforme du scrutin cantonal va faire perdre la qualité de bourg-centre à beaucoup de chefs-lieux.

Notre groupe avait déposé une proposition de loi pour réformer la DGF qui a été rejetée. Il ne suffit pas de sacraliser les communes et les élus locaux dans les discours, un acte de reconnaissance à peu de frais de ces fantassins de la République. Il faut rendre à la DGF son caractère péréquateur. Je ne reviendrai pas sur les conséquences des réformes de 1989, de 1993, de la création de l'enveloppe normée ni du gel de la DGF Sarkozy.

La péréquation de la misère, c'est la misère de la péréquation. Pour sortir de la nasse où sont aujourd'hui enfermés les élus locaux, il faut renforcer leurs moyens.

La dette, maîtrisée, des collectivités territoriales sert l'investissement. Les collectivités territoriales ne sont pas une charge, mais doivent être choyées.

M. Yannick Botrel .  - Il y a quelques semaines, nous discutions une proposition de loi du groupe CRC sur la péréquation de la DGF. Lors du débat, la ministre avait renvoyé à une réflexion approfondie en 2014. Nous y sommes. Il faut examiner les finances locales dans leur globalité.

En 2014 et 2015, les collectivités contribueront à l'effort de redressement budgétaire, avec une baisse de 1,5 milliard de leurs dotations. Cependant, avec le gel de l'enveloppe normée depuis 2011, on peut considérer que les collectivités ont déjà participé à cet effort à hauteur de 4 milliards.

Les conseils généraux, responsables des politiques de solidarité, bénéficieront d'une enveloppe de 827 millions, grâce à une négociation entre le Gouvernement et l'ADF. On peut critiquer la méthode, mais c'est une rupture avec la période précédente où les charges augmentaient et les recettes diminuaient.

En 2013 les Dotations de solidarité urbaine (DSU) et Dotations de solidarité rurale (DSR) ont augmenté, une augmentation pérennisée en 2014, La péréquation horizontale monte en puissance avec la hausse du Fonds de péréquation intercommunal et communal (FPIC).

La part de la DGF consacrée à la péréquation est en hausse, à 18,5 % contre 12,5 % il y a dix ans. La péréquation verticale demeure à un niveau élevé. On pourrait rappeler d'autres initiatives comme le fonds de péréquation des DMTO et le soutien aux régions.

Toutefois l'accroissement du nombre des dispositifs rend complexe la péréquation. Une commune, selon les critères retenus, peut être considérée tantôt comme riche, tantôt comme pauvre. Il est à craindre que les modifications apportées sans cesse à la péréquation aient supprimé la visibilité du dispositif.

Beaucoup appellent à une réforme des critères financiers.

Le rapport de juin 2013 de l'IGA et de l'IGF souligne le manque de clarté et le foisonnement des critères. Une remise à plat est nécessaire. Depuis 2003, la péréquation est un objectif à valeur constitutionnelle et les sénateurs socialistes sont mobilisés pour sa montée en puissance. D'où notre intérêt pour ce débat et pour les réponses qu'apportera le Gouvernement.

M. Pierre-Yves Collombat .  - M. Mézard ayant largement traité des départements, j'évoquerai les communes et les intercommunalités. Pour nous consoler de ce que la loi de finances initiale réduit les dotations au bloc communal de 588 millions et aux intercommunalités de 152 millions, on nous demande de nous réjouir des progrès de la péréquation.

DSR, DSU et DMP augmentent de 109 millions ; le FPIC, DSR et le fonds de solidarité respectivement de 570 millions et de 20 millions, je veux bien. Mais en quoi plus de péréquation compense moins de ressources ? Les pauvres n'en continueront pas moins de s'appauvrir, peut-être moins vite que les autres ; ils seront toutefois pauvres au bout du compte.

Premier constat, les sommes consacrées à la péréquation verticale sont faibles. Le FPIC devra atteindre un milliard en 2016, soit 2 % des ressources fiscales des collectivités territoriales, il représente 570 millions en 2014, soit à peu près 1 % des mêmes ressources. Quant à la péréquation horizontale, elle représente 14,4 % de la DGF du bloc communal. Si ces sommes ne sont pas négligeables, elles demeurent modestes. Le mode de construction de la DGF défavorise structurellement les petites collectivités. La part de base et la part garantie sont fonction de la population. La dotation superficiaire, censée favoriser les communes rurales est de 225 millions. C'est intéressant, mais purement décoratif. J'ai pris le risque de calculer le manque à gagner pour les communes de moins de 1 000 habitants en me fondant sur les chiffres de 2013, les seuls dont je dispose. Elles perdent 360 millions. C'est, voyez-vous, que les grandes collectivités auraient des charges de centralité, comme si les petites communes n'avaient pas de charge de ruralité : compenser la fermeture des services publics, la réforme scolaire, l'éloignement. Les charges de centralité urbaine sont bien souvent des charges de vanité. La même discrimination vaut pour les EPCI : 24 euros pour les communautés de communes contre 60 euros pour les métropoles.

Plutôt que de compenser les ressources des habitants par intercommunalités, on a pondéré les ressources fiscales selon la taille des collectivités selon un coefficient de 1 à 2. En vertu d'une logique logarithmique, les résultats sont biaisés. Ainsi le solde de la contribution des Alpes-Maritimes, un des départements les plus pauvres, a été négatif alors que la contribution de Nice était positive. Évitons au moins d'aggraver les inégalités. Pourquoi aussi, si la richesse réside dans les agglomérations, leur réserver une telle faveur ? Attention aux dangers de rebâtir la France autour des métropoles !

M. Jean-Vincent Placé .  - L'autonomie, la responsabilité et la solidarité sont des valeurs de l'écologie politique. La solidarité entre les personnes mais aussi entre les territoires. La concurrence ne peut fonder un projet politique viable et les inégalités une société.

Beaucoup reste à faire en matière de péréquation. Il n'est pas acceptable que la région Île-de-France abrite à la fois un département riche et pauvre. Pour autant, il ne faut pas multiplier les niveaux de collectivité. Les Verts appellent à une réorganisation institutionnelle autour des régions et des intercommunalités, pour la mise en oeuvre de la subsidiarité.

La mise en place du FSRIF en loi de finances initiale pour 2014 n'est pas de nature à simplifier le dossier, encore moins après l'annonce par le président de la République de la fusion des départements de la petite couronne. L'article 59 de la seconde partie de la loi de finances initiale modifie la clef de répartition de la CVAE au bénéfice des territoires qui accueillent des industries polluantes, et donc au détriment des autres. Les nuisances et la pollution sont-elles des nécessités ? Non, il faut plutôt les réduire et appliquer le principe pollueur-payeur. En outre, les territoires qui protègent l'environnement sont pénalisés ! Interrogeons-nous plutôt sur les raisons pour lesquelles certaines industries peinent à trouver des terres où s'implanter.

Le système fiscal n'incite pas les territoires à protéger leur environnement. Pour y remédier, pourquoi ne pas ajouter un critère de biodiversité à la DGF, préconisation formulée déjà lors du Grenelle ? Cette question nous concerne tous.

M. Charles Guené .  - Je remercie le RDSE pour ce débat, indépendamment des combats que nous avons menés ensemble en 2011 et 2012. J'examinerai la péréquation horizontale, tout en regrettant le manque d'évaluations chiffrées.

Le FPIC passe de 360 à 570 millions en 2014, un effort qui n'est pas neutre en la période que nous connaissons. Depuis 2013, le critère du revenu moyen par habitant est venu s'ajouter aux autres, ce qui favorise les territoires affichant un revenu moyen faible. L'Île-de-France, qui bénéficie également du Fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France (FSRIF), avait un plafonnement de 11 %, il sera de 13 %. Avec une enveloppe fermée la contribution des non plafonnés sera allégée.

Pour ce qui est du reversement, le seuil de l'effort fiscal pour en bénéficier a été augmenté, lui, à 0,8% et à 0,9% en 2015. Autrement dit, on applique le principe : Aide-toi, le ciel t'aidera ! On pince le dispositif aux deux extrémités : moins de contributeurs, moins de bénéficiaires. Attention à ne pas l'asphyxier. À cela s'ajoute les effets de l'absence de la réforme des valeurs locatives.

Un mot du FSRIF dont je ne suis pas le spécialiste : il atteint 250 millions en 2015 pour un objectif de 270 millions en 2015. Le critère du revenu moyen par habitant se justifie là davantage.

En 2012 et 2011, nous avions institué un fonds de péréquation des DMTO et de la CVAE qui n'ont pas donné satisfaction. La loi de finances initiale pour 2014 a institué quatre mécanismes de péréquation nouveaux pour les départements. Deux d'entre eux sont destinés à compenser le reste à charge des départements, via les DMTO que les départements sont désormais autorisés à faire varier jusqu'à 4,5 %. Je vous fais grâce du détail, l'affaire est complexe. Le FSRIF joue surtout pour les Hauts-de-Seine et favorise la Seine-Saint-Denis.

Cette sédimentation péréquatrice est complexe, mais il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Nous aurions tort de voir dans la situation actuelle les conséquences de la réforme de la taxe professionnelle. En réalité, nous subissons les effets d'une politique menée depuis trente ans qui nous oblige à redéfinir l'autonomie financière.

À mon sens, une révolution s'impose : créer des impôts nationaux répartis localement. Cela suppose que certains abandonnent une vision centraliste et que les autres renoncent à l'autonomie béate. Sortons du Moyen Âge fiscal !

M. Pierre Jarlier .  - Les collectivités territoriales risquent d'être confrontées à de grandes difficultés si la solidarité nationale ne joue pas. La péréquation est donc un chantier crucial. La part péréquatrice dans la DGF du bloc communal a considérablement augmenté, entre 2004 et 2013, pour atteindre 25 %. Cela dit, cette hausse est financée par une baisse des dotations... L'État reprend d'une main ce qu'il donne de l'autre.

Ensuite, le saupoudrage : la DSR profite à 34 590 communes pour seulement 2,15 % du bloc communal. Son effet péréquateur reste à démontrer... D'où l'amendement que j'avais déposé sur la loi de finances initiale. Madame la ministre, la DSR bourg-centre sera retirée aux villes qui perdent le statut de chef-lieu de canton. Nous avons voulu proposer une mesure transitoire, pouvez-vous nous rassurer ? Pour le FPIC, se posent trois questions : son déclenchement brutal, l'effort de contribution et sa répartition après les élections.

Alors que les dotations aux collectivités territoriales baissent, la péréquation horizontale fera de moins en moins consensus. Ne faut-il pas, au sein de la DGF, trouver le moyen de mieux tenir compte des territoires ? Je pense au coefficient logarithmique, à la dotation superficiaire et à la dotation d'intercommunalité.

Pour finir, le fonds de péréquation des DMTO. L'introduction d'un critère de revenu moyen par habitant a pénalisé les territoires ruraux. Face au mécontentement des élus, le Gouvernement a agi mais le compte n'y est pas. Il a mis en place un nouveau prélèvement de solidarité. Celui-ci risque de se transformer en double peine pour les territoires ruraux dont la base fiscale est faible. Au passage, nos élus ont du mal à s'y retrouver entre les critères, il faudrait simplifier. Le critère du reste à charge pour le supplément de 827 millions ne suffit pas.

Autant de sujets qui méritent de poursuivre une réflexion collective que nous avons commencée avec le Comité des finances locales et poursuivie, malheureusement, seulement avec l'Assemblée nationale. J'espère que, l'an prochain, le Sénat pourra y contribuer activement. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Éric Doligé.  - Vous croyez au père Noël ! (Sourires)

M. Gérard Miquel .  - Depuis 2003, la péréquation est un objectif constitutionnel inscrit à l'article 72-2 de la Constitution. Les socialistes se sont toujours attachés à la développer, tant horizontalement que verticalement. Elle atteint désormais 10 milliards. Le pacte de responsabilité a acté la hausse de la DSU et de la DSR.

Je constate que l'imagination n'a pas de limites concernant la péréquation. Résultat, seize fonds de péréquation ! Ils sont aussi nombreux qu'illisibles.

M. Éric Doligé.  - C'est fait exprès !

M. Gérard Miquel.  - Il faudra réformer la DGF pour le bloc communal, les territoires ruraux sont pénalisés. Dans le Lot, nous avons 24 kilomètres de routes à entretenir par habitant. Et nous devons financer le haut débit alors que, dans les départements les plus peuplés, les opérateurs s'en chargent sans faire intervenir les collectivités locales. Les charges de ruralité existent bel et bien. Idem pour la dotation d'intercommunalité qui favorise les grandes intercommunalités. Une remise à plat est devenue indispensable par esprit de justice.

Pour les départements...

M. Éric Doligé.  - Ah !

M. Gérard Miquel.  - Je vais m'expliquer ! Le seul critère qui vaille est le reste à charge. Pour l'an prochain je suggère un prélèvement de 0,7 % sur les DMTO sans plafonnement. Fusionnons les deux fonds.

Si les départements sont confirmés dans leur rôle social, il faudra leur donner les moyens d'agir à travers la péréquation. L'effort fiscal, en le croisant avec le revenu fiscal, sera un bon critère.

Mon ami et collègue M. Mézard m'a cité. Oui, j'ai fait du lobbying à l'ADF. La répartition entre les trois allocations individuelles de solidarité n'est pas la même partout. Dans certains départements, c'est surtout le RSA qui coûte cher, dans d'autres, c'est l'APA. Le reste à charge global par habitant est plus juste, pour tous les départements.

M. Éric Doligé.  - Non !

M. Gérard Miquel.  - Les écarts ont été considérablement réduits. Nous étions partis de 64 euros pour l'Essonne, de plus de 159 euros pour la Guadeloupe, La Réunion, l'Hérault. Vous avez fait cela, madame la ministre, vous êtes partie d'une situation difficile. En 2011, on nous faisait l'aumône de 160 millions...

M. Bruno Sido.  - Grâce à M. Fillon !

M. Gérard Miquel.  - ... répartis au doigt mouillé.

M. Bruno Sido.  - La Corrèze !

M. Gérard Miquel.  - Elle n'était pas de la même couleur que le Premier ministre d'alors. Nous avons fait autrement, en nous fondant sur des critères objectifs.

M. Éric Doligé.  - Politiques !

M. Gérard Miquel.  - En 2012, rien. En 2013, 170 millions. Enfin, en 2014, 827 millions : du jamais vu. Le Cantal est passé de 115 euros par habitant à 70 euros, comme le Lot, ou la Corrèze, passée de 135 à 74.

M. René-Paul Savary.  - Le compte n'y est pas, des écarts subsistent !

M. Gérard Miquel.  - Sans doute mais bien amoindris. Nous avons agi, nous, chers collègues. Et nous poursuivrons cet effort en jouant sur les DMTO. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Bruno Sido .  - Responsabiliser tous les acteurs et faire de l'économie une nouvelle vertu publique, une condition d'indépendance et de souveraineté pour notre pays et l'Union européenne, voilà un défi à la hauteur du Parlement ! Cessons enfin de parler de crise pour désigner une mutation profonde de notre modèle de société, bâti à crédit sur un État-providence aujourd'hui acculé à la réforme, heureusement contraint à l'action.

Année après année, nous avons fait du déficit la variable d'ajustement de l'immobilisme. Au lieu d'efforts raisonnés et continus, nous avons versé dans le déni de réalité. « Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage », écrit La Fontaine. Certes, mais le temps presse. « Il faut que tout change pour que rien ne change », écrit Tomasi di Lampedusa dans Le Guépard. Nous devons réformer pour conserver notre place dans le concert des Nations.

Plutôt que les termes savants de « péréquation horizontale et verticale », je préfère parler d'équité et d'efficacité car c'est bien de solidarité que nous parlons. En 2014, les dotations des collectivités territoriales reculent de 1,5 milliard. Cet effort, le Gouvernement l'a rendu équitable en transférant les 827 millions d'euros des frais de gestion.

Pourtant, on n'est pas allé assez loin. Les DMTO, plus simplement appelées « frais de notaire », pourront augmenter à 4,5 %. Rester vertueux quand on nous incite à faire des entorses est bien difficile ! Je ne résisterai pas à la tentation en Haute-Marne.

Cessons de faire de la France l'épouvantail fiscal pour les investisseurs étrangers au moment où les investissements directs à l'étranger baissent. Cela suppose plus de péréquation. Peut-être manqué-je de nuance, mon propos est pourtant de dire que les territoires doivent être égaux devant les charges. J'invite le Gouvernement à plus d'ardeur réformatrice. (Sourires à droite)

L'autonomie fiscale a-t-elle toujours un sens ? Nos voisins allemands, même pas la puissante Bavière, n'en dispose pas. Les Länder pour remplir de multiples missions, puisent dans un compte national et des mécanismes d'aides à ceux de l'ex-RDA ont été instaurés. Si personne ne s'en offusque dans un État fédéral, pourquoi serait-ce impossible dans une république unitaire ? J'entends les critiques : la France n'est pas l'Allemagne, et c'est bien ainsi. D'accord à condition que l'exception française ne soit pas synonyme de gaspillage, voire de déclin en Europe. L'État doit rester le garant des grands équilibres territoriaux. (Applaudissements sur certains bancs UMP)

M. André Vairetto .  - Que les choses soient claires : personne ne remet ici en cause le bien-fondé de la péréquation qui est désormais un objectif constitutionnel.

Pour ma part, je crois qu'on ne peut séparer ce débat de l'évolution des financements des collectivités territoriales à la suite de la suppression de la taxe professionnelle. La CVAE est très instable, les recettes ont diminué de 4,5 % ; à 7,5 milliards, la DGF des communes baisse : en 2013, la dotation de garantie s'est réduite de 4,5 %, et la compensation pour revenu par habitant de 2,66 %.

Avec la loi de finances pour 2014, je constate une amélioration. Le FPIC a vocation à corriger les inégalités au sein de la DGF. Aux termes du pacte de confiance, il sera doté de 570 millions en 2014, de 780 millions en 2015 et d'un milliard en 2016, soit 2 % des recettes fiscales du bloc communal.

Ce qui pose problème, c'est l'indice synthétique. De fait, des communes pauvres touchant la DSR doivent contribuer via leur intercommunalité. De plus, le calcul ne tient pas compte des charges de ruralité, en particulier en montagne. Le coût de l'entretien du réseau routier est de 10 000 euros par kilomètre en haute montagne, de 5 à 6 000 euros en moyenne montagne et de 3 à 4 000 euros en plaine. Il faut en tenir compte dans le calcul.

S'agissant des départements, d'autres critères devront être choisis. La Savoie devra reverser 8,5 millions d'euros alors qu'elle fait face à un accroissement de ses dépenses de fonctionnement de 8 millions et à une hausse de ses dépenses d'investissements avec, entre autres, la mise en service des tunnels.

Madame la ministre, ce tableau apocalyptique est la stricte réalité. Nous voulons tous la péréquation, qu'elle soit juste !

M. Éric Doligé .  - Après M. Mézard, je ne parlerai que des départements. En général, nous sommes dans le plus grand flou, chacun tentant de décrypter ses simulations. Il est une péréquation verticale, de l'État aux collectivités territoriales ; une autre transversale, entre collectivités. Le Gouvernement, à grand renfort d'annonces, se déclare généreux ; il l'est effectivement en puisant dans les ressources des départements ! (Applaudissements à droite)

Une péréquation générant des inégalités fondée sur des critères politiques, voilà le choix qu'a fait le Gouvernement. (Quelques applaudissements à droite) La loi de finances initiale pour 2014 fait suite au pacte de confiance et de responsabilité comme choc de complexification. Lequel résulte de la négociation avec l'ADF et d'un accord de non-agression avec le maire de Paris.

Au titre de l'ADF, j'ai eu l'honneur d'être reçu le 22 octobre 2012 par le président de la République, soit. La réalité est que l'État ne finance que 837 millions de frais de gestion, l'effort de 1,3 milliard étant atteint grâce à une autorisation quasi forcée donnée aux départements d'augmenter leurs DMTO. Dans mon département, la recette est de 5,6 millions, vous allez me prélever 5 millions, que j'augmente ou non les DMTO ! Vos manipulations n'ont d'autre but que de sauver discrètement des départements amis.

Le Loiret représente 1 % de la population. Par un calcul simple, peut-être incongru, il aurait dû recevoir 23 millions d'euros pour compenser les 58 millions de reste à charge. Il a été question qu'il reçoive 19,9 millions, le dernier chiffre est de 8 millions. Ainsi, si l'on tient compte de la baisse de la DGF, la compensation sera seulement de 5 %. Les 41 départements de l'opposition, reçoivent seulement 28 % des recettes de compensation, contre 72 % pour les départements de la majorité.

M. Gérard Miquel.  - Normal, vous dirigez les départements les plus riches !

M. Éric Doligé.  - La Corrèze voit son reste à charge compensé de 81 %, le Gers de 65 %. Dans mon département, 30 millions manqueront. La péréquation doit être un outil de justice, non destiné à pallier les erreurs de gestion.

Rien ne sert d'invoquer la péréquation sans l'appliquer ! Mais nous en reparlons la semaine prochaine à propos de la proposition de loi Arthuis. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Pierre Vial .  - Dans la loi de finances initiale 2014, le Gouvernement a diminué les dotations de 1,5 milliard, 1,5 milliard à nouveau sont prévus en 2015. Mais la presse spécialisée fait mention d'une baisse de 3 milliards en 2015. On est loin de la promesse de François Hollande de stabiliser les dotations au niveau de 2012.

En Savoie, c'est une baisse de 4,3 millions en 2014. Ces mesures pénalisent les départements qui ont eu une gestion rigoureuse. La compensation des hausses de dépenses sociales est ainsi annulée. Le solde net de péréquation s'élève à 3,8 millions, contre une contribution de solidarité de 9 millions. Outre une prime à la mauvaise gestion, ces réformes bousculent la fiscalité sur les DMTO.

Comment oublier en outre la réforme des rythmes scolaires, dont la compensation disparaîtra bientôt ? Nous sommes inquiets. L'ADF estime que la mise aux normes des bâtiments pour l'accessibilité des handicapés coûtera 20 milliards aux départements.

La péréquation horizontale baisse à 119 millions contre 230 millions en 2013. Les collectivités territoriales assurent l'essentiel des investissements : gare à l'effet récessif ! Enfin, les communes chefs-lieux de canton s'interrogent sur la maîtrise de leurs dotations spécifiques et de la DSR. (Applaudissements à droite)

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Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

Ordre du jour du mardi 11 février 2014

Séance publique

De 14 h 30 à 18 h 30

Présidence : M. Jean-Léonce Dupont, vice-président

Secrétaires : M. Marc Daunis - Mme Catherine Procaccia

1. Suite de la proposition de loi visant à renforcer les sanctions prévues dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et l'habitat des gens du voyage (n° 818, 2012-2013)

Rapport de M. Jean-Yves Leconte, fait au nom de la commission des lois (n° 197, 2013-2014)

Texte de la commission (n° 198, 2013-2014)

Avis de M. Claude Dilain, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 193, 2013-2014)

2. Suite de la proposition de loi visant à introduire une formation pratique aux gestes de premiers secours dans la préparation du permis de conduire (n° 355, 2011-2012)

Rapport de Mme Catherine Troendlé, fait au nom de la commission des lois (n° 122, 2013-2014)

Texte de la commission (n° 123, 2013-2014)

À 18 h 30

Présidence : M. Jean-Pierre Bel, président du Sénat

3. Dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes par M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes