SÉANCE

du mercredi 2 décembre 2015

38e séance de la session ordinaire 2015-2016

présidence de M. Jean-Claude Gaudin, vice-président

Secrétaires : Mme Frédérique Espagnac, M. Bruno Gilles.

La séance est ouverte à 9 h 35.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Projet de loi de finances pour 2016 (Seconde partie -  Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2016, adopté par l'Assemblée nationale.

Action extérieure de l'État

M. le président.  - Le Sénat va examiner les crédits de la mission action extérieure de l'État et l'article 48 A.

M. Éric Doligé, rapporteur spécial de la commission des finances .  - Ce budget qui finance une mission régalienne, à savoir notre diplomatie politique et culturelle, ainsi que les services consulaires aux Français de l'étranger, est relativement sobre, avec 3,2 milliards d'euros, alors que nous disposons du deuxième réseau diplomatique du monde et du premier réseau culturel et d'influence.

La hausse des crédits de 250 millions d'euros, est en trompe-l'oeil, due à la hausse des contributions aux organisations internationales et aux opérations de maintien de la paix, en raison d'un taux de change euro-dollar défavorable et au décaissement de la totalité des dépenses de la COP21.

Le programme 105 rassemble les crédits de la diplomatie politique. Son plus gros poste de dépenses, constitué des contributions internationales, les crédits passent de 746 millions d'euros en 2015 à 904 millions d'euros en 2016, la valeur de l'euro ayant baissé à 1,15 dollar. J'avais alerté l'an dernier sur cette fragilité. Pour 2016, le Gouvernement a sécurisé ses décaissements en procédant, via l'Agence France Trésor, à l'achat de 600 millions de dollars. Ce mécanisme de couverture laisse toutefois à désirer : si, d'ici le paiement des contributions, la valeur de l'euro remonte, nous aurons perdu de l'argent ; s'il baisse encore, nous aurons gagné de l'argent en spéculant à la baisse sur le change de l'euro ! Mieux vaudrait, comme en Allemagne, un mécanisme d'ajustement automatique en cours d'année.

Les crédits du programme 185, relatif à la diplomatie culturelle, baissent de 4 %. Cette diminution concerne les subventions aux opérateurs de la mission que sont l'Institut français, Campus France ou Atout France, mais aussi celle versée à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), alors même que le nombre d'élèves scolarisés dans le réseau français à l'étranger continue d'augmenter. La formule d'un prélèvement sur fonds de roulement de certains des établissements, utile, n'en est pas moins un expédient. Les bourses aux étudiants étrangers diminuent d'environ 4 millions d'euros.

Quant à la gestion du programme 105, le ministère est obligé de vendre son patrimoine pour financer les frais d'entretien courants de son parc immobilier. Ainsi de la vente du campus diplomatique de Kuala Lumpur.

Le programme provisoire 341 contient les engagements pour la COP21. Au total, le coût prévu pour l'État s'élève à 182 millions d'euros. L'an passé, j'avais présenté un amendement de crédits diminuant de 10 millions d'euros la dotation de ce programme afin d'inciter le Gouvernement à développer le mécénat privé. Environ cinquante entreprises sont partenaires de la COP21 ; certaines contribuent par des versements, d'autres par des dons en nature : Engie fournit gratuitement du gaz, Derichebourg prend en charge le nettoyage, Renault prête des véhicules électriques... Ces contributions des entreprises, qui représentent environ 26 millions d'euros, ne feront qu'éponger les surcoûts et sont liés à l'agrandissement de l'espace d'accueil et au renforcement de la sécurité...

J'ai donc redéposé le même amendement. Un budget doit être respecté. Certaines manifestations ont été annulées. Cela suffira-t-il pour assurer l'équilibre de ce programme ? (Applaudissements au centre et à droite)

M. Richard Yung, rapporteur spécial de la commission des finances .  - Je partage l'analyse de M. Doligé, mais le suis moins sur sa baisse des crédits de la COP21. J'évoquerai les programmes 151 et 185.

Le programme 185 finance notamment Atout France. Les crédits baissent et l'agence devra se financer grâce à un prélèvement sur son fonds de roulement. Il est temps de se doter d'une politique cohérente en la matière.

Le programme 151 concerne l'administration des Français de l'étranger et les affaires consulaires. Ses crédits, d'environ 370 millions d'euros, connaissent une légère baisse.

Les dépenses d'administration des Français de l'étranger sont en hausse. Je tiens à attirer votre attention sur les bourses scolaires aux élèves français des quelque 490 établissements dépendant de l'AEFE. Les crédits correspondant baissent de 10 millions d'euros par rapport à 2015, pour s'établir à 115,5 millions d'euros. Cette baisse, de même que la faible consommation estimée pour 2015 - 102 millions d'euros - contredisent l'engagement pris lors de la réforme du système d'aide à la scolarité en 2013, qui était de parvenir à un montant global de 125 millions d'euros de crédits disponibles. Certes, une réforme des aides à la scolarité était nécessaire. Nous l'appliquons sans état d'âme. Le nombre d'enfants bénéficiaires est passé de 25 000 à 26 000. Mais la quotité prise en charge s'est réduite, ce qui n'est pas sans créer de réelles difficultés, notamment pour les couches moyennes. Le niveau de 125 millions d'euros fixé il y a trois ans doit rester l'objectif si nous voulons garantir l'accès de tous nos enfants au réseau d'enseignement français à l'étranger.

Nous vous proposerons un amendement en ce sens. Au total la commission des finances a émis un avis favorable à un budget sérieux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Christian Cambon, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées pour l'action de la France en Europe et dans le monde , rapporteur pour avis.  - Le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » est consacré à 80 % à des dépenses contraintes, la masse salariale, d'une part, représentant plus de la moitié des emplois du quai d'Orsay, et le financement de nos contributions internationales, d'autre part. Ces dépenses, en grande partie, sont très sensibles aux effets de change : le surcoût en 2015 lié à la hausse du dollar sera de 150 millions d'euros. Je suis d'accord avec M. Doligé pour estimer qu'une politique professionnelle de couverture de change est nécessaire.

Un mot sur la gestion immobilière du ministère. La stratégie de cessions de notre patrimoine tous azimuts se heurte à des limites : c'est une politique one shot, et les ventes les plus faciles sont derrière nous. Les 12 millions d'euros budgétés pour l'entretien de nos immeubles à l'étranger sont loin de suffire. Il faut rationaliser nos implantations, les mutualiser avec nos partenaires européens quand c'est possible tout en favorisant une identification forte de notre pays en particulier là où la réduction du format des postes diplomatiques est prévue. L'évaluation et la programmation des cessions, et du redéploiement du réseau diplomatique sont la voie à suivre pour 2016.

J'attends d'ailleurs le bilan que vous devez nous présenter, en cette fin d'année, des postes à présence diplomatique. S'ils n'ont d'autres ambitions que de mener une politique d'influence, nous serions très loin du compte. Il faut mobiliser l'ensemble du réseau de l'action publique française, collectivités territoriales comprises, et s'appuyer sur les services extérieurs européens pour garantir le rayonnement de la France.

En dépit de ces réserves, la commission des affaires étrangères a émis un avis favorable à l'adoption de ces crédits. (Applaudissements au centre et à droite ainsi que sur les bancs du groupe RDSE)

Mme Leila Aïchi, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées pour l'action de la France en Europe et dans le monde .  - Ce budget préserve les moyens de notre réseau diplomatique, à l'étiage. J'approuve cette orientation.

Je déplore toutefois l'absence d'indicateur économique, malgré nos recommandations de l'an dernier. De même, la nouvelle agence Business France, qui regroupe, conformément à nos voeux, Ubifrance et l'agence française pour les investissements internationaux (Afii), dépend de Bercy et non du Quai d'Orsay. Si le speed dating des chefs d'entreprises avec les chefs de postes lors de la semaine des ambassadeurs est une bonne initiative, la politique d'accompagnement économique doit être renforcée. Son fonctionnement peut être amélioré, grâce à la formation des diplomates, au redimensionnement de nos services économiques, à l'implication accrue des régions.

La culture de l'évaluation de la performance des politiques menées doit se renforcer au ministère des affaires étrangères et du développement international (MAEDI), en créant les objectifs et indicateurs de performance adaptés à la diplomatie économique.

Je regrette les surcoûts de la COP21. L'association de la société civile grâce à un espace dédié est une bonne initiative ; dommage que le mécénat des entreprises ne soit pas plus important.

M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées pour la diplomatie culturelle et d'influence .  - Les crédits du programme 185, consacré à notre action culturelle extérieure, baissent de 4 %. La subvention à l'Institut français a été réduite de 22 % entre 2011 et 2016, à cause de l'abandon, après dix-huit mois seulement au lieu des trois ans qui devaient y être consacrés, de l'expérimentation liée au rattachement du réseau des instituts français à l'opérateur Institut français. La réforme a probablement été mal comprise, suscitant la crainte d'une trop grande indépendance de l'action culturelle par rapport à l'action diplomatique, une interrogation sur la place des alliances françaises.

L'Institut français s'est pourtant installé dans le paysage. Au-delà d'une fonction d'interface, il mérite de jouer un rôle stratégique : un accord d'entreprise y a été conclu en 2015, sa marque est reconnue mondialement et il a tissé des relations avec le réseau culturel public et associatif. Confortons-le.

Alors que la langue française, parlée par 274 millions d'êtres humains, est soumise à une rude concurrence, je salue la préservation des crédits des alliances françaises et de la fondation éponyme.

Notre réseau culturel est aujourd'hui confronté à plusieurs enjeux. La mobilisation de ressources propres, d'abord. Les instituts peinent à trouver des cofinancements durables, et ne tirent pas assez parti, à cet égard, des possibilités offertes par l'enseignement en ligne. On ne pourra toutefois pas aller plus loin dans la substitution de financements privés à des financements publics, sans remettre en cause les ambitions mêmes de notre politique culturelle d'influence.

Autre difficulté : le statut juridique des établissements culturels à l'étranger, qui disposent de l'autonomie financière depuis 1976, mais pas de la personnalité juridique, doit être revu au regard de la Lolf.

Ce budget poursuit une tendance de long terme à la réduction des moyens de notre diplomatie culturelle et d'influence. La France croit-elle encore à sa diplomatie culturelle ? Je dois poser la question. Il faut stopper cette réduction des moyens si nous voulons continuer à rayonner dans le monde. À titre personnel, je suis très réservé sur le budget de ce programme. (Applaudissements sur la plupart des bancs à droite et sur divers autres bancs)

M. Jean-Pierre Raffarin, président de la commission des affaires étrangères.  - Nous aussi !

M. Gaëtan Gorce, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées pour la diplomatie culturelle et d'influence .  - Un 2 décembre, je ne craindrai pas d'affirmer que le rayonnement de la France ne passe pas seulement par la gloire de ses armes, mais aussi par le français et son rayonnement culturel. (MM. Henri de Raincourt et Gérard Longuet apprécient)

Or les moyens consacrés à l'enseignement du français baissent de 3 %. Les lycées français à l'étranger sont contraints de puiser dans leurs réserves, de nouer des partenariats, qui leur sont âprement disputés par d'autres structures de notre réseau et ne sont pas extensibles indéfiniment. Évolution regrettable alors que les effectifs augmentent. Espérons qu'elle sera ponctuelle.

La France accueille 300 000 étudiants étrangers, qui apportent 1,7 milliard d'euros à notre économie. Or là aussi, les financements baissent.

Nos soutiens à l'action touristique sont moindres que ceux des autres pays. Étant donné l'importance du tourisme pour notre économie, nous devons le défendre davantage. (Applaudissements)

Je souhaite enfin un joyeux anniversaire à mon co-rapporteur Jacques Legendre. (Applaudissements et félicitations).

M. Jean-Pierre Grand, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées pour les Français à l'étranger et les affaires consulaires .  - Les crédits du programme 151, qui finance nos services consulaires, diminuent de 2,5 %.

Les consulats ont délivré 272 000 passeports, soit un doublement en cinq ans.

L'enveloppe des bourses scolaires passe de 125 millions à 115 millions d'euros. La suppression de la dotation d'aide à la scolarité pose problème. Selon le Gouvernement, l'enveloppe n'est pas consommée. Mais nos partenaires évoquent des obstacles à toutes les étapes du parcours.

Il n'est pas satisfaisant toutefois de ponctionner d'autres programmes pour compenser cette baisse.

Sous cette réserve, la commission des affaires étrangères a donné un avis favorable à ce budget. (Applaudissements à droite)

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées pour les Français de l'étranger et les affaires consulaires .  - Co-rapporteure du programme 151, j'insisterai sur la simplification des relations avec les usagers. Depuis juin 2015, les Français, dans certains pays, peuvent recevoir leur passeport par courrier. Le site « monservicepublic.fr » regroupe nombre de procédures dématérialisées. De même un portail sera créé pour demander des visas en ligne. Le nombre de visas délivrés augmente, dégageant une recette en hausse, de 137 millions d'euros à 161 millions en 2015.

Il serait bon que les consulats en bénéficient grâce à des retours. Je me félicite de l'extension du programme Visa en quarante-huit heures, expérimenté avec succès en Chine depuis deux ans.

Je m'associe aux inquiétudes sur l'enveloppe des bourses scolaires. Il ne faudrait pas qu'une gestion très restrictive sur le terrain justifie une baisse des crédits l'année suivante. (MM. Jean-Pierre Raffarin et Robert Del Picchia renchérissent) Nous resterons vigilants. (« Très bien ! » et applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Pierre Raffarin.  - Très bien !

M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication .  - La langue française est la sixième langue parlée dans le monde et la deuxième langue étrangère la plus enseignée après l'anglais. La France dispose aussi du troisième réseau diplomatique et consulaire dans le monde, d'un réseau d'enseignement français à l'étranger unique au monde. Difficile d'imaginer plus beaux atouts pour mener une politique culturelle extérieure ambitieuse !

Et pourtant... Les moyens s'érodent d'année en année et nos opérateurs sont à la peine. L'année 2016 ne fera pas exception. Les crédits du programme 185 relatif à notre diplomatie culturelle et d'influence seront, en 2016, en diminution de près de 4 % par rapport à 2015, au-delà de la norme de réduction des dépenses publiques de 2 % prévue au budget triennal 2015-2017.

Une chose est sûre : rien de grand ne se fera désormais sans le concours du privé. Tôt ou tard, il conviendra de nouer des partenariats innovants pour obtenir des financements extérieurs. Les nombreux acteurs chargés de l'enseignement du français à l'étranger répondent à la diversité des demandes.

Nos établissements scolaires à l'étranger sont particulièrement remarquables. Le taux de réussite des élèves au baccalauréat y est de 96 %. Et pourtant, la subvention pour charge publique de l'AEFE diminue de 4 %. Quand, monsieur le ministre, mettrez-vous un terme à cette dégringolade mortifère ?

Sous réserve de l'adoption d'un amendement de la commission des finances qui rehausse de 5 millions cette subvention, la commission de la culture donnera un avis favorable à ce budget. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Robert Hue .  - La COP21 qui se réunit cette semaine à Paris illustre excellemment le rayonnement mondial de la France. Les dépenses liées à l'organisation de l'événement ont dépassé les prévisions, malgré le recours au mécénat. Toutefois l'enjeu justifie les dépassements budgétaires. Depuis plusieurs mois, la France mène une diplomatie environnementale pour parvenir à un accord. J'en fus le témoin, notamment en Chine et en Corée. Espérons que cette COP21 sera fructueuse.

Au fond, c'est la paix qui est en cause. N'est-ce pas l'ambition depuis toujours de notre pays ? La coopération de sécurité et de défense, dite structurelle, vise à soutenir nos pays alliés en matière de développement. Cette coopération a des retombées positives pour aider les pays à structurer leurs armées, leurs institutions. Faire la guerre ne suffit pas en effet à faire la paix. Celle-ci requiert des institutions fortes, la lutte contre la corruption ou les différents trafics, comme on le voit au Sahel.

Les moyens de l'AEFE sont de plus en plus contraints. Certes, il faut faire des choix. Mais nous devrions encourager l'engouement pour notre langue et notre culture. Enseigner le français, c'est aussi enseigner la liberté, l'égalité et la fraternité. Les messages de solidarité, reçus après les attentats, témoignent du partage de ces valeurs. En dépit de cette réserve, je voterai ce budget. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Josette Durrieu .  - Après le redéploiement de notre réseau diplomatique, nos plus grandes ambassades seront aux États-Unis, en Chine et au Maroc.

Je salue l'émergence d'une diplomatie orientée vers l'économie, ainsi que le rattachement au ministère des affaires étrangères du commerce extérieur et du tourisme.

Au-delà du contexte actuel sur lequel je n'insiste pas et dont j'espère fortement qu'il durera peu, je tiens à souligner que les retombées sont très importantes pour la France : 100 millions de touristes à l'horizon 2020, 2 milliards d'euros de retombées. Je me félicite que le nombre de visas chinois ait augmenté de 57 % en 2015. Le secteur hôtelier en est l'un des principaux bénéficiaires.

La France est le deuxième contributeur au fonds mondial contre le sida. Elle est leader à l'ONU en matière d'aide médicale.

Un mot sur la tuberculose, première cause de mortalité au monde, plus que le VIH, la malaria et Ébola réunis. Nous n'avons toujours pas de vaccin pour les adultes !

Cette maladie de la pauvreté frappe durement : 9,5 millions de nouveaux cas chaque année ; 37 millions de décès dans le monde. Le traitement est lourd, cher, et dure plus de deux ans à l'hôpital.

La question de la propriété intellectuelle des brevets doit être posée. La négociation au coup par coup menée par Unitaid doit céder le pas à une négociation globale. L'Asie est la plus touchée, l'Inde, mais aussi l'Afrique - à 80 %, l'Afrique du Sud et de l'Est. La prospère Afrique du Sud est particulièrement touchée, mais elle mène un combat spectaculaire. Il y a aussi la Roumanie, la Bulgarie, l'Ukraine, la Géorgie, la Turquie. Pour moitié, les malades sont affectés de tuberculose résistante à tout médicament. En France, on compte 900 décès par an et la Seine-Saint-Denis est le département le plus affecté.

L'ONU a lancé un plan de bataille spectaculaire, visant à éradiquer la tuberculose d'ici 2030 et même en cinq ans en Afrique du Sud. Pour les adolescents, les plus touchés, cette maladie est douloureuse, honteuse. L'Europe la voit revenir, à la faveur des mouvements de population, migrants mais aussi touristes. Ne stigmatisons pas les malades, y compris les réfugiés.

La France jouit d'une autorité morale, vu sa contribution imminente au combat contre la tuberculose : le Fonds mondial recevra de nous 362 millions d'euros l'an prochain.

Les crédits budgétaires baissent, les financements divers les compensent -  alors qu'ils devaient s'y ajouter. Les résultats, depuis 2002, sont néanmoins spectaculaires : 17 millions de vies sauvées depuis la création du fonds. Restons mobilisés ! (Applaudissements)

M. Michel Billout .  - Modeste, ce budget ne doit pas faire sous-estimer l'importance du ministère des affaires étrangères. Hélas, l'austérité affecte notre action extérieure. La hausse de 3 % des crédits n'est qu'un trompe-l'oeil dû aux effets de change et à la COP21. Les rapporteurs spéciaux l'ont dit. À périmètre constant, la baisse est de 4 %...

L'universalité de notre réseau diplomatique et consulaire est en danger. Le redéploiement vers les émergents s'effectue au détriment de pays amis. Pas moins de 97 ETP sont supprimés, pesant essentiellement sur la coopération en matière de sécurité et de défense, alors que des attentats frappent les ambassades et les instituts français. Cette évolution est aussi en parfaite contradiction avec nos efforts pour que les pays africains, en partie, prennent en charge leur propre sécurité.

Le budget de l'action culturelle extérieure baisse aussi de 3,9 %, signe d'une conception marchande de la culture. Celle-ci est pourtant un vecteur de dialogue entre les peuples du monde.

Aucun indicateur n'a été défini pour évaluer notre diplomatie économique ; l'essentiel des crédits relèvent encore de Bercy.

L'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, Campus France et l'Institut français pâtissent des coupes les plus sévères. C'est la deuxième année consécutive pour l'AEFE, alors même que le nombre d'élèves scolarisés augmente. Les frais de scolarité sont rehaussés de 5 %, pas les bourses...

En 2014, la France est restée la première destination touristique mondiale avec 80 millions de touristes accueillis mais la croissance de leur nombre est parmi les plus faibles au monde. Incompréhensible qu'Atout France voie ses crédits baisser !

Nous appelons à une politique extérieure plus autonome, plus solidaire des peuples qui aspirent à l'émancipation et à la paix. Le groupe communiste républicain et citoyen ne votera pas ce budget.

M. André Trillard.  - A première vue, ce budget est en hausse - aussitôt compensée par les dépenses de la COP21 et des effets de change défavorables. Il est urgent de rendre plus réactive notre couverture des changes : une perte de 150 millions, ce n'est pas supportable. La convention entre le ministère des affaires étrangères et France Trésor doit être renégociée au plus vite.

La rationalisation de notre réseau est une tâche ardue. Faisons fructifier cet héritage au lieu de le dilapider. La vente de bâtiments prestigieux peut être contre-productive. Le redéploiement n'en est pas moins inévitable. La co-localisation avec les services européens peut convenir, à condition qu'elle ne remette pas en cause notre indépendance ni les services aux Français de l'étranger.

Des indicateurs cohérents devraient être établis en matière de diplomatie culturelle et d'influence. Quant à la diplomatie économique, les voyages présidentiels, avec leurs cohortes de chefs d'entreprises, ne suffisent plus : le développement de la French Tech sur le territoire national n'est pas moins important.

Un mot sur le tourisme. La subvention Atout France baisse, alors que ses missions s'élargissent.

Les Français de l'étranger de classes moyennes sont pénalisés par la réforme des bourses. Nous soutiendrons l'amendement de la commission des finances.

Sous ces réserves, le groupe Les Républicains votera les crédits de la mission.

Mme Nathalie Goulet .  - Le groupe UDI-UC votera ce budget. L'article 40 m'a empêché de déposer mon amendement favori sur les ambassadeurs thématiques, je reviens néanmoins à la charge. Bien sûr, certains sont des fonctionnaires du ministère, mais d'autres sont des recalés du suffrage universel ou autres amis...

Je n'ai rien contre le principe, mais un ambassadeur pour la culture dans la péninsule arabe vaudrait mieux qu'un ambassadeur pour la coopération dans l'Océan indien ou pour l'audiovisuel extérieur, et se substituerait avantageusement à quatre conseillers culturels ne parlant pas tous l'arabe... De même, un ambassadeur chargé de la lutte contre le terrorisme serait utile, ou un ambassadeur pour les combattants étrangers, comme les États-Unis l'ont fait.

Les évolutions du monde arabo-musulman appellent une présence plus précise et plus technique : un ambassadeur observateur auprès de la Conférence islamique, par exemple, comme d'autres pays en mandatent déjà.

Un mot sur l'Iran. À quand le dégel des avoirs ? Comment le ministère des affaires étrangères travaille-t-il avec la Coface ? Le marché iranien est important, tout le monde se précipite à Téhéran ; nos entreprises ont besoin de soutien alors que les circuits financiers dans ce pays restent mal connus.

Quand la convention de sécurité intérieure signée le 7 octobre 2011 avec la Turquie sortira-t-elle du tiroir de Mme Guigou à l'Assemblée nationale pour être ratifiée ?

Enfin, une attention accrue doit être portée au trafic d'armes.

Mme Leila Aïchi .  - À périmètre constant, le budget de la mission s'élève à 3,1 milliards d'euros, en légère baisse donc, alors qu'il faudrait sécuriser notre rayonnement à l'international.

Le monde entier est à Paris depuis lundi pour discuter du climat. La gravité de l'enjeu a été soulignée dès l'ouverture de la COP21. Espérons qu'elle aboutira, et pensons déjà aux suites.

Anticiper, il le faut aussi en matière culturelle et touristique. Le Gouvernement annonce 100 millions de touristes en 2020, fort bien, mais il faut nous réorienter vers un tourisme durable et responsable, faute de quoi cet atout deviendra un fardeau.

La France, puissance mondiale, doit jouer son rôle. Dommage que les crédits dédiés à l'action européenne diminuent.

Une approche de long terme n'est pas moins nécessaire dans le domaine de la coopération de sécurité et de défense. Hélas, les crédits dédiés baissent une nouvelle fois, mettant à mal notre capacité à gagner la paix. La lutte contre le terrorisme, contre la criminalité organisée et contre l'insécurité des flux maritimes mériterait mieux, d'autant que chacun déplore le coût exorbitant des Opex !

Malgré quelques réserves, les écologistes voteront ce budget. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Robert del Picchia .  - Que Mme Aïchi songe que la contribution française à la lutte contre le changement climatique passera de 3 à 5 milliards d'ici 2020, le président de la République l'a annoncé hier - dont 2 milliards destinés au financement d'énergies renouvelables en Afrique, signe que la France n'est pas seulement un allié militaire pour les pays de ce continent.

Monsieur le ministre, je soutiens notre politique étrangère ; en cette période très difficile, notre commission des affaires étrangères se veut pleinement responsable. J'ai néanmoins des réserves sur les crédits qui bénéficient aux Français de l'étranger.

Le réseau de l'enseignement français à l'étranger est l'atout maître de notre rayonnement, or il est trop souvent sous-estimé. Faut-il créer une trente-deuxième académie ? Privatiser peu à peu le réseau ? Selon moi, il faudrait au contraire consolider l'AEFE. La scolarisation d'un enfant à l'étranger coûte moins cher qu'en France. Pourtant, des familles doivent renoncer à inscrire leurs enfants dans nos établissements, faute de moyens... Je m'insurge donc contre la baisse des dotations. Pourquoi ne pas confier la gestion des bourses au ministère de l'éducation nationale, dont c'est le métier ?

J'espère que le Sénat aura la sagesse de voter l'amendement de la commission des finances. (Applaudissements au centre, à droite ; Mme Bariza Khiari applaudit également)

Mme Hélène Conway-Mouret .  - Tous les pays prennent conscience que la politique étrangère est désormais intimement liée à la politique intérieure. Le monde est un et connecté. La France l'a compris. Malgré sa taille modeste, c'est un pays dont la voix est entendue dans le monde. Notre réseau diplomatique demeure présent partout, ce qui n'interdit pas des adaptations. La France promeut sa langue et, par là, ses valeurs universelles. Elle coordonne sa diplomatie politique et économique. C'est l'un des premiers contributeurs à l'aide au développement. En Europe, elle est aux avant-postes sur de nombreux dossiers de régulation économique, par exemple pour lutter contre l'évasion fiscale ou le dumping social.

Dans le contexte budgétaire contraint, il est difficile de maintenir notre présence dans le monde. Le budget du ministère des affaires étrangères est « économe », comme l'a dit Laurent Fabius. Soumis au même régime que les autres malgré sa modicité, il doit être créatif...

Les réformes sont nombreuses depuis 2012. Après les dramatiques coupes de la RGPP, une rationalisation a en effet été entreprise et notre réseau se réoriente vers les pays émergents. Le regroupement des acteurs de la diplomatie politique et économique va dans le bon sens. La dématérialisation facilite les démarches. Rien n'aurait été possible sans le dévouement des agents, toujours prêts à faire évoluer leurs conditions de travail.

Une question sur le périmètre d'intervention de nos consulats, bien plus large que pour d'autres pays. Conservons ces missions - à l'exception peut-être des compétences notariales hors de l'Union européenne. Des partenariats devraient surtout être noués avec d'autres ministères, pour que nos consulats se concentrent sur leur coeur de métier.

Alors que les pays francophones représentent 16 % du PIB mondial et connaissent une croissance de 7 %, où en est la francophonie économique ?

Je n'insiste pas sur le rôle précieux de l'AEFE. Les Français expatriés, qui sont près de trois millions, demeurent très attachés à la France. « Je me sentais coupable d'être loin, j'ai eu l'impression d'avoir abandonné mon pays », écrivait l'un d'eux après le 13 novembre. « Voir le drapeau français flotter à l'étranger ne fait pas le même effet que dans le pays », écrivait un autre. Et un dernier : « je pensais faire ma vie en Suède, maintenant j'envisage de rentrer en France ».

Je voterai ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Christophe-André Frassa .  - J'éviterai les redites. L'examen de cette mission est un rendez-vous important pour les Français de l'étranger. À mon tour, je regrette vivement la baisse de 10 millions d'euros des crédits dédiés aux bourses scolaires et surtout sa justification : le ministère parle de la non-consommation des crédits en 2015, alors que nous pâtissons des effets pervers de la réforme voulue par le président de la République. Les Français établis à l'étranger sont de plus en plus nombreux. Ils donnent une belle image de la France. Leur motivation n'est évidemment pas fiscale, c'est une expatriation positive, solidaire, patriote... Ils ont encore témoigné après les attentats leur soutien indéfectible à la nation. Ils sont, ne l'oublions pas, devenus des cibles pour le terrorisme.

Autre motif d'inquiétude : la baisse des moyens dédiés à la coopération de sécurité qui va à l'encontre de nos objectifs de politique étrangère.

Le redéploiement de notre réseau diplomatique et consulaire est sans doute nécessaire, mais le service public de proximité aux Français de l'étranger doit demeurer. La fermeture du consulat du Paraguay, par exemple, est malvenue alors que le consulat général de Buenos-Aires n'a pas les moyens d'assumer cette surcharge. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger .  - Veuillez excuser M. Fabius, retenu au Bourget.

Le dynamisme de la diplomatie française s'est encore illustré cette année, lors des négociations sur le nucléaire iranien où la France a appuyé la conclusion d'un accord robuste, en Syrie et en Irak où notre pays se mobilise contre Daech, ou à l'occasion de la COP21.

Notre diplomatie économique, elle, a permis d'augmenter les investissements étrangers en France et la présence des entreprises françaises à l'étranger.

Le projet Maedi 21 est celui d'une diplomatie globale pour le XXIsiècle, avec trois objectifs principaux. D'abord, redéployer notre réseau diplomatique et consulaire vers les pays émergents, avec à terme 25 % des effectifs contre 12 % aujourd'hui. Dès 2017 notre première ambassade sera située en Chine. Ensuite, améliorer le service rendu aux Français de l'étranger, par la dématérialisation - toutes les démarches seront possibles en ligne. Enfin, pour le personnel du ministère, que je salue, il s'agit de favoriser la parité, les parcours individualisés, la formation et les compétences managériales.

Le budget est sobre, certes -  j'invite ceux qui protestent mais réclament le redressement des comptes publics à nous dire où ils feraient des économies.

Une même attention est portée à tous nos domaines d'intervention. L'action culturelle sera réorientée : le nouveau contrat d'objectifs et de moyens de l'Institut français vous sera soumis début 2016. La diplomatie économique passe notamment par une politique de visas plus dynamique. Nous professionnalisons la tutelle sur les opérateurs - culturels, touristiques, commerciaux,... - afin que tous agissent en cohérence, car la diplomatie est un tout. Nous consacrons aussi plus de moyens à la sécurité de nos réseaux et modernisons nos implantations.

Ce budget est novateur. Les recettes de visas sont passées de 126 millions en 2012 à 160 en 2014. Une partie sera reversée au budget du ministère, comme le préconisaient MM. Yung et Doligé, pour financer des recrutements dans les consulats et soutenir le tourisme.

La réforme de notre réseau diplomatique et consulaire se poursuit. L'universalité est préservée, mais il faut néanmoins adapter nos moyens à la nouvelle géographie de la puissance. Une évaluation est en cours.

Madame Goulet, nous rationalisons les postes d'ambassadeurs thématiques. Ils ne sont plus que 23, après avoir été 27. Nous sommes prêts à discuter avec vous des missions qui pourraient être supprimées.

La sécurité en 2014 a été renforcée. Ses crédits avaient été augmentés de 10 millions grâce à des cessions d'actifs immobiliers. Un abondement supplémentaire de 15 millions est prévu en 2016.

Le plan triennal avait été préparé sur la base d'1 euro à 1,36 dollar contre 1,1 lors de la préparation du projet de loi de finances. Nous aurions pu renvoyer au projet de loi de finances rectificative. Nous avons préféré par sincérité traiter la question dès maintenant. Nous étudierons avec Bercy les meilleures manières de couvrir le risque de change. Ainsi, tout comme pour les Opex, notre budget est sincère. Nous ne nous désengageons pas de la coopération militaire mais nous nous recentrons sur les acteurs les plus efficaces, comme la formation de l'encadrement.

Nous rationalisons nos implantations diplomatiques, avec le regroupement des équipes sur des sites majeurs et améliorons la sécurité.

La rebudgétisation de l'entretien du patrimoine immobilier se poursuit. Grâce au mécanisme d'attribution des produits, Atout France et Culture France sont renforcés.

Les recettes grâce aux cours de langue et au mécénat atteignent 130 millions d'euros. L'autonomie financière des établissements d'enseignements du français à l'étranger est nécessaire. Nous travaillons à un statut souple, conciliable avec la Lolf. Merci à M. Legendre pour son soutien. Le soutien à l'AEFE est maintenu. Les droits de scolarité n'augmentent pas.

Monsieur Billout, les PME, comme les grands groupes, bénéficient de notre diplomatie économique. Les speed dating avec les entrepreneurs sont très appréciés. Le niveau des bourses scolaires ne sera pas diminué.

Une convention avec le Conseil supérieur du notariat a été signée, premier pas vers un registre d'état civil dématérialisé.

Je reste à votre disposition pour toute précision supplémentaire. Je salue le travail du Parlement, de contrôle, d'évaluation et d'orientation. (Applaudissements)

ARTICLE 24 État B

M. le président.  - Amendement n°II-143, présenté par M. Doligé, au nom de la commission des finances.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Action de la France en Europe et dans le mondedont titre 2

Diplomatie culturelle et d'influencedont titre 2

Français à l'étranger et affaires consulairesdont titre 2

Conférence ?Paris Climat 2015'

10 000 000

TOTAL

 

 

 

- 10 000 000

SOLDE

0

- 10 000 000

M. Éric Doligé, rapporteur spécial.  - Cet amendement réduit de 10 millions d'euros les crédits relatifs à l'organisation de la COP21, action 2. Augmentons les partenariats avec les entreprises. Déjà 25 millions ont été récoltés. Or le budget de la COP21 a augmenté d'autant !

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État.  - Avis défavorable. Le Gouvernement a pris l'engagement de respecter l'enveloppe prévue. Les surcoûts liés à l'accord avec l'Onu, au renforcement de la sécurité et au sommet des chefs d'États, ont été intégralement compensés sur d'autres lignes. Le budget a déjà baissé de 3 %. Quant au mécénat, les contributions des entreprises sont pour beaucoup en nature. Elles feront néanmoins l'objet d'une évaluation dont le Gouvernement vous rendra compte en cours d'année, à l'euro près.

L'amendement n°II-143 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-262, présenté par Mmes Lepage et Conway-Mouret et MM. Leconte et Yung.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Action de la France en Europe et dans le mondedont titre 2

15 104 000

15 104 000

Diplomatie culturelle et d'influencedont titre 2

15 104 000

15 104 000

Français à l'étranger et affaires consulairesdont titre 2

Conférence ?Paris Climat 2015'

TOTAL

15 104 000

15 104 000

15 104 000

15 104 000

SOLDE

0

0

Mme Claudine Lepage.  - Cet amendement rétablit la dotation de l'AEFE à son niveau de 2014. Le nombre d'élèves croît de 2 % chaque année et s'établit à 336 000 contre 307 000 l'an dernier. Pour y faire face, les établissements devront puiser dans leur fonds de roulement. Mauvais signal ! Les parents financent déjà 63 % des dépenses de scolarité. Ne laissons pas péricliter notre réseau. Comme le disait Nelson Mandela, « l'éducation est l'oeuvre la plus puissante pour changer le monde ».

M. le président.  - Amendement n°II-83 rectifié quater, présenté par MM. del Picchia, G. Bailly, Cantegrit, Cambon et César, Mmes Deromedi et Duchêne, MM. B. Fournier et Frassa, Mme Garriaud-Maylam, MM. Grosdidier, Houpert, D. Laurent, Lefèvre, Mandelli, Milon et Pellevat, Mme Procaccia et M. Trillard.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Action de la France en Europe et dans le mondedont titre 2

 

 14 634 000 

 

 14 634 000 

 

Diplomatie culturelle et d'influencedont titre 2

 14 634 000 

 

 14 634 000 

 

 

Français à l'étranger et affaires consulairesdont titre 2

Conférence ?Paris Climat 2015'

TOTAL

14 634 000 

14 634 00 

14 634 000 

14 634 000 

SOLDE

0

0

M. Robert del Picchia.  - Il est presque identique. François Hollande lors de sa campagne présidentielle de 2012 avait souhaité remettre l'éducation et la jeunesse au coeur de l'action publique. Chaque année, les effectifs des établissements d'enseignement français à l'étranger augmentent en moyenne de 2 %, preuve de l'attractivité de notre système d'éducation. Les crédits de l'AEFE devraient, en toute logique, augmenter en conséquence. L'agence a d'ailleurs besoin de moderniser ses locaux et équipements. Elle ne pourra puiser éternellement dans son fonds de roulement.

M. Éric Doligé, rapporteur spécial.  - Ce transfert n'est pas simple. La hausse des crédits du programme 105 n'est qu'apparente, due en grande partie aux taux de change.

Avec Richard Yung, nous demanderons en 2016 une enquête de la Cour des comptes sur les bourses, car l'argumentation du ministère ne nous convainc pas. En attendant, retrait, sachant que l'amendement de la commission des finances ajoute 5 millions d'euros à l'enveloppe consacrée aux bourses, ce qui permettra de faire face l'an prochain.

Quant aux frais de scolarité, ils devraient bel et bien augmenter l'an prochain, d'après ce que nous a dit l'AEFE.

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État.  - Avis défavorable. Tous les opérateurs sont soumis à l'effort de maîtrise des dépenses. Alors que l'effort commun est de 4 %, celui demandé à l'AEFE n'est que de 3,4 %, tandis que ses crédits d'investissement augmentent.

L'AEFE pourra y faire face. De plus, cette baisse n'aura aucun impact sur les coûts de scolarité.

M. Robert del Picchia.  - Si la commission des finances soutient notre amendement sur les bourses, je suis prêt à retirer mon amendement.

Mme Claudine Lepage.  - Je maintiens le mien.

M. Jean-Yves Leconte.  - Je voterai ces amendements. Le coût de la scolarité d'un élève à l'étranger est très inférieur à celui de la scolarité en France. Il n'est pas judicieux dès lors de baisser les crédits de l'AEFE alors que le nombre d'élèves augmentent. Prélever le fonds de roulement n'est pas tenable à long terme, ni correct.

Mme Jacky Deromedi.  - Alors que la jeunesse devrait être la priorité, selon le président de la République, l'AEFE voit son budget diminuer à nouveau. Beaucoup de Français sont contraints de s'expatrier pour trouver du travail. Il n'est pas juste que leurs enfants en paient le prix. Ne pensez pas aux Français de l'étranger uniquement lors des campagnes électorales.

M. Jean-Pierre Raffarin, président de la commission.  - Alors que la France est en guerre, est-il raisonnable de passer tout ce temps à discuter de quelques millions ? Dotons-nous d'une perspective budgétaire pour que ce ministère assure ses missions régaliennes et se décharge de ses activités non essentielles. L'État est congestionné et finira étranglé. Il est temps de savoir comment l'État pourra faire face à la nouvelle donne internationale ! (Applaudissements)

M. Olivier Cadic.  - Je souscris à ce propos. Seulement 5 % des enfants établis hors de France bénéficient d'une bourse de scolarité. Résultat, des parents sont mis à contribution. Comment s'assurer dans ces conditions que les jeunes Français de l'étranger parlent la langue de la République ? Inacceptable aussi de ponctionner les fonds de roulement. D'ailleurs les socialistes aussi remettent en cause cette politique du Gouvernement. Pourquoi l'Éducation nationale ne verse-t-elle pas les 15 millions d'euros qui manquent ?

Mme Hélène Conway-Mouret.  - Notre amendement ne vise pas à remettre en cause la politique du Gouvernement, mais envoie un signal positif aux familles.

M. Christophe-André Frassa.  - L'AEFE est un malade en fin de vie. Comme elle est incapable de se financer, elle rackette les lycées et les collèges. Il est temps de revoir son modèle économique. L'enseignement à l'étranger ne doit pas reposer uniquement sur les familles. Je voterai cet amendement.

M. Jean-Pierre Cantegrit.  - Rien n'a été dit sur les mesures de sécurité, coûteuses, à prendre pour protéger nos enfants scolarisés à l'étranger.

M. Éric Doligé, rapporteur spécial.  - Ces amendements prennent 14 ou 15 millions d'euros sur le réseau diplomatique pour financer l'AEFE. Ce n'est pas satisfaisant, vu l'actualité. Comme M. Frassa, je crois qu'il faut revoir le mode de financement de l'AEFE en profondeur.

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement accorde une grande importance à l'AEFE. Les transferts financiers avec les établissements sont inhérents à la gestion directe. Le budget de l'AEFE lui permet de faire face à ses obligations, y compris les dépenses de sécurité. Le ministère a engagé une réflexion prospective avec la programmation budgétaire triennale, avec l'initiative MAED 21.

Mme Michèle André, présidente de la commission  - Oui, monsieur Raffarin, il serait souhaitable en effet que nos deux commissions mènent ensemble une réflexion globale en amont du débat budgétaire. En attendant, il nous reste encore deux missions à examiner ce matin.

L'amendement n°II-262 n'est pas adopté.

L'amendement n°II-83 rectifié quater est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-144, présenté par M. Doligé, au nom de la commission des finances.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Action de la France en Europe et dans le mondedont titre 2

Diplomatie culturelle et d'influencedont titre 2

5 000 000

5 000 000

Français à l'étranger et affaires consulairesdont titre 2

5 000 000

5 000 000

Conférence ?Paris Climat 2015'

TOTAL

5 000 000

5 000 000

5 000 000

5 000 000

SOLDE

0

0

M. Richard Yung, rapporteur spécial.  - Après les propos de M. Raffarin, je présenterai en tremblant ce modeste amendement de 5 millions pour augmenter l'enveloppe consacrée aux bourses. Mais quand en discuter sinon lors du débat budgétaire ? Le budget d'Atout France resterait constant car les revenus procurés par la vente des visas couvriraient largement ce prélèvement.

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État.  - Ayant moi-même été scolarisé dans le réseau français à l'étranger -  j'y ai appris à écrire le français à partir de la classe de quatrième  - , je suis particulièrement sensible à cette question. Le montant des bourses par élève ne sera pas modifié car, malgré cette diminution en loi de finances initiale, il y aura en réalité 7 millions de plus que les dépenses effectives de l'an dernier. Le système antérieur, réformé par Mme Conway-Mouret, était absurde car inflationniste : la hausse des bourses entrainait une hausse des frais de scolarité, et inversement.

Le Gouvernement est attentif à ce que nul ne soit empêché d'être scolarisé à l'étranger pour des motifs financiers.

M. Jacques Legendre.  - Chacun souhaite que les jeunes Français qui le souhaitent puissent rejoindre le réseau de l'AEFE. Toutefois, ces 5 millions d'euros seront, in fine, prélevés sur le budget de la promotion du tourisme. Ne serait-ce pas plutôt à l'Éducation nationale de financer ces bourses ? Ou peut-être le ministère des affaires étrangères est-il réticent...

présidence de Mme Jacqueline Gourault, vice-présidente

M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis.  - Cet amendement répond à l'impératif de sincérité budgétaire. Les recettes issues de la délivrance des visas sont en constante augmentation, atteignant 160 millions en 2015. Il serait vertueux qu'une partie en revienne au ministère des affaires étrangères qui assure la tutelle sur l'AEFE. S'il est regrettable d'avoir à choisir entre le tourisme et les bourses, je voterai néanmoins l'amendement.

M. Olivier Cadic.  - Monsieur le ministre, je connais de nombreux cas d'enfants exclus pour des raisons financières du système français d'enseignement à l'étranger. Le budget des bourses n'est peut-être pas intégralement consommé mais il faut voir comment l'administration s'y prend ! Les consulats reçoivent des enveloppes fermées inférieures au montant total du budget.

Cet amendement ne choisit pas entre le tourisme et les bourses. Le budget d'Atout France sera préservé. Il s'agit d'aider les parents à acquitter les frais de scolarité. Le Gouvernement avait pris des engagements, qu'une fois encore il ne tient pas !

Mme Claudine Lepage.  - Déposer un amendement n'est pas remettre en cause la politique du Gouvernement mais tenter de l'améliorer. La hausse des frais de scolarité qui a atteint 45 % entre 2007 à 2012, a depuis été contenue. Toutefois, le nombre de boursiers a baissé. Les parents s'autocensurent tandis que les critères sont appréciés par les consulats de manière restrictive. L'objectif doit rester le même : garantir l'accès au réseau de l'AEFE à tous ceux qui le souhaitent.

Mme Hélène Conway-Mouret.  - L'enveloppe des bourses est calculée sur les besoins anticipés. Un fonds d'intervention comblera les manques éventuels. La scolarisation d'un enfant, de l?école primaire jusqu'au bac, coûte 100 000 euros, ce n'est pas négligeable !

Mme Jacky Deromedi.  - Bien des familles sont contraintes de choisir lequel de leurs enfants ira dans un établissement français et l'autre ne pourra y aller. Situation regrettable que l'intervention des élus ne suffit pas à corriger.

Mme Christiane Kammermann.  - Notre réseau est extraordinaire, nos lycées magnifiques, mais les frais d'inscription augmentent chaque année, certains élèves doivent partir... Moi aussi, je connais des cas d'enfants déscolarisés pour des raisons financières. 

L'amendement n°I-144 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-191 rectifié bis, présenté par MM. del Picchia, Calvet, Cantegrit, de Nicolaÿ, César et Danesi, Mme Deromedi, M. Frassa, Mme Garriaud-Maylam, MM. Houel et Houpert, Mme Kammermann et MM. Laufoaulu, D. Laurent, Lefèvre, P. Leroy, Mandelli, Milon, Soilihi et Vasselle.

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Action de la France en Europe et dans le mondedont titre 2

Diplomatie culturelle et d'influencedont titre 2

5 000 000

5 000 000

Français à l'étranger et affaires consulairesdont titre 2

5 000 000

5 000 000

Conférence ?Paris Climat 2015'

TOTAL

5 000 000

5 000 000

5 000 000

5 000 000

SOLDE

0

0

M. Robert del Picchia.  - 5 millions de plus, pour atteindre les 10 millions manquants.

M. Richard Yung, rapporteur spécial.  - Mon coeur penche pour cet amendement, mais la commission des finances y est défavorable, d'autant que ces 5 millions sont pris sur l'enseignement supérieur et la recherche.

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État.  - Même avis défavorable. Pas plus que le tourisme, les bourses universitaires et l'échange d'expertise ne méritent d'être ponctionnés.

M. Robert del Picchia.  - Je conteste cette interprétation.

L'amendement n°II-191 rectifié bis n'est pas adopté.

Les crédits de la mission sont adoptés.

L'article 48 A est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 48 A

Mme la présidente.  - Amendement n°II-260 rectifié ter, présenté par M. Leconte.

Après l'article 48 A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les établissements scolaires établis à l'étranger, homologués par l'éducation nationale et accueillant du personnel détaché direct par l'éducation nationale, paient annuellement à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger une redevance de :

1° Deux mille euros par détaché direct s'il y a moins de 2,5 détachés directs pour 100 élèves inscrits dans le cursus homologué, ou si le cursus a moins de 30 élèves et un maximum d'un détaché ;

2° Quatre mille euros par détaché direct s'il y a plus de 2,5 détachés pour 100 élèves dans le cursus homologué.

M. Jean-Yves Leconte.  - M. Frassa parlait de modèle économique de l'AEFE. Il y a donc un paradoxe à ce que les établissements à l'AEFE soient soumis à des cotisations supérieures aux établissements privés faisant appel à du personnel de l'Éducation nationale. Il serait légitime que ces établissements bénéficiant d'une subvention implicite, paient à l'AEFE une redevance de 2 000 euros par enseignant détaché directement.

M. Richard Yung, rapporteur spécial.  - Retrait, pour des raisons juridiques d'abord : il n'y a pas de lien entre le personnel détaché et les établissements privés homologués. En outre, l'amendement pourrait déséquilibrer leur modèle financier et pousser à une hausse significative des frais d'écolage. Ce sujet mérite plus ample réflexion.

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État.  - Je remercie les groupes qui ont voté les crédits de la mission.

Le Gouvernement partage l'objectif de trouver d'autres ressources pour l'AEFE. Mais il n'y a pas de lien juridique entre l'Agence et les établissements homologués. Les détachements des titulaires relèvent de l'Éducation nationale. Enfin, l'amendement pourrait déséquilibrer le modèle économique des établissements, voire entraîner une hausse des frais d'inscription. Retrait.

M. Jean-Yves Leconte.  - Soit, mais la situation ne peut plus durer. Les établissements privés, dont je salue bien sûr la qualité du travail, reçoivent une subvention implicite au détriment de l'AEFE !

L'amendement n°II-260 rectifié ter est retiré.