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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Mise au point au sujet d'un vote

Protection de la nation (Suite)

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE PREMIER (Suite)

ARTICLE ADDITIONNEL

ARTICLE PREMIER BIS

M. Claude Malhuret

M. Jean Louis Masson

Mme Sophie Joissains

ARTICLES ADDITIONNELS

Questions d'actualité

Loi Travail (I)

M. Jean-Marc Gabouty

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Loi Travail (II)

M. René-Paul Savary

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Loi Travail (III)

Mme Françoise Laborde

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Notre-Dame-des-Landes

M. Ronan Dantec

M. Manuel Valls, Premier ministre

Loi Travail (IV)

Mme Christine Prunaud

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Loi Travail (V)

M. Alain Anziani

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Crue centennale à Paris

M. Yves Pozzo di Borgo

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche

Assurance chômage

M. Serge Dassault

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Maisons de services au public

M. Georges Labazée

M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales

Camp de Grande-Synthe

M. Jean-François Rapin

M. Manuel Valls, Premier ministre

Crise migratoire

M. Didier Marie

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du développement et de la francophonie

Filière bois

Mme Nicole Duranton

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

Indemnités des élus locaux

M. Philippe Adnot

M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales

Rappel au Règlement

M. Jean Desessard

Commission (Candidature)

Protection de la nation (Suite)

Mise au point au sujet d'un vote

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE 2

M. Pierre Charon

M. Claude Malhuret

Mme Marie-Noëlle Lienemann

Mme Claudine Lepage

Mme Brigitte Gonthier-Maurin

Mme Éliane Assassi

Mme Bariza Khiari

M. Richard Yung

M. Alain Néri

M. Gaëtan Gorce

M. David Assouline

M. Alain Duran

M. Jean-Pierre Sueur

M. Yves Daudigny

M. Gilbert Roger

M. Jean-Yves Leconte

M. Philippe Bonnecarrère

Mme Michelle Meunier

M. Pierre-Yves Collombat

M. Jacques Mézard

M. Jean-Marc Gabouty

M. Michel Mercier

Mme Éliane Giraud

Rappel au règlement

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE 2 (Suite)

ARTICLES ADDITIONNELS

Commission (Nomination)

Ordre du jour du mardi 22 mars 2016

Analyse des scrutins publics




SÉANCE

du jeudi 17 mars 2016

77e séance de la session ordinaire 2015-2016

présidence de M. Thierry Foucaud, vice-président

Secrétaires : M. François Fortassin, Mme Colette Mélot.

La séance est ouverte à 11 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Mise au point au sujet d'un vote

M. François-Noël Buffet.  - Lors du scrutin n°176 sur l'amendement n°120 rectifié bis à l'article 3 quater de la proposition de loi pour l'économie bleue, M. de Montgolfier a été porté votant contre alors qu'il souhaitait voter pour.

M. le président.  - Dont acte. Cette mise au point figurera au Journal officiel.

Protection de la nation (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de l'examen du projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, de protection de la nation.

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE PREMIER (Suite)

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par M. Bas, au nom de la commission.

Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

« L'Assemblée nationale et le Sénat sont informés sans délai par le Gouvernement des mesures prises au titre de l'état d'urgence. À leur demande, le Gouvernement leur transmet toute information complémentaire relative à ces mesures.

M. Philippe Bas, rapporteur de la commission des lois.  - Point n'est besoin de renvoyer ici au règlement des assemblées. J'en profite pour rendre hommage au souci permanent du Gouvernement, depuis décembre, d'informer le Parlement sur la mise en oeuvre de l'état d'urgence.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice.  - Extrêmement favorable à cet amendement qui revient à la quintessence du contrôle parlementaire, sans introduire dans la Constitution d'éléments de procédure.

Mme Éliane Assassi.  - Le groupe CRC s'abstiendra. L'information du Parlement n'équivaut pas au contrôle parlementaire. Pour avoir été invitée aux réunions de suivi par le Premier ministre et le ministre de l'intérieur, je fais bien la distinction : nous avons été simplement tenus informés.

M. Jean Louis Masson.  - Globalement, cet alinéa 5 relève du voeu pieux. Le Gouvernement peut décider quelles informations sont à transmettre au Parlement.

L'amendement n°10 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°52 rectifié, présenté par Mmes Benbassa, Aïchi, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Poher.

Alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

« La prorogation de l'état d'urgence au-delà de douze jours ne peut être autorisée que par la loi, votée dans les mêmes termes par les deux assemblées. Celle-ci en fixe la durée qui ne peut excéder trois mois. »

Mme Esther Benbassa.  - Les lois prorogeant l'état d'urgence doivent être votées dans les mêmes termes par l'Assemblée et le Sénat, compte tenu de leur importance, et la prorogation ne saurait excéder trois mois.

M. le président.  - Amendement n°40 rectifié, présenté par MM. Bonnecarrère et Kern.

Alinéa 6, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

et dans la stricte mesure ou? la situation l'exige

M. Philippe Bonnecarrère.  - Le risque est que, de prorogation en prorogation, l'état d'urgence devienne permanent. Faut-il quantifier le nombre maximal de prorogations ? Ce serait inadapté. J'ai donc préféré introduire un critère de proportionnalité, pour mieux protéger les libertés publiques. Les termes choisis ne me paraissent pas prêter à débat juridique.

M. le président.  - Amendement n°11, présenté par M. Bas, au nom de la commission.

Alinéa 6, deuxième phrase

Remplacer les mots :

quatre mois

par les mots :

trois mois

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Nous avons réussi à proroger deux fois l'état d'urgence de trois mois. Pourquoi porter la durée maximale de prorogation à quatre mois ? En allongeant la périodicité du contrôle parlementaire, comme l'a fait l'Assemblée nationale, on affaiblit les garanties offertes par le texte.

M. le président.  - Amendement n°35 rectifié bis, présenté par M. Duran, Mme Bonnefoy, MM. Leconte et Cabanel, Mmes Khiari et Lienemann et M. Durain.

Alinéa 6, dernière phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Si les conditions de l'état d'urgence demeurent réunies, cette prorogation peut être renouvelée selon les mêmes modalités.

M. Alain Duran.  - Au moment où nous sommes appelés à rénover la Constitution, prémunissons-nous contre des décisions d'opportunité. Cet amendement s'inspire de recommandations de la Commission de Venise, communiquées le 14 mars.

M. le président.  - Amendement n°42 rectifié, présenté par MM. Bonnecarrère et Kern.

Alinéa 6, dernière phrase

Compléter cette phrase par les mots :

en prenant en compte les résultats du contrôle par le Parlement de la mise en oeuvre de l'état d'urgence

M. Philippe Bonnecarrère.  - L'état d'urgence ne saurait devenir le droit commun, je l'ai dit. Avec cet amendement, je souhaitais conditionner la prorogation de l'état d'urgence aux résultats du contrôle parlementaire, mais je reconnais que la rédaction n'est pas aboutie... Je serai attentif aux propositions de M. Bas.

M. le président.  - Amendement n°53 rectifié bis, présenté par Mmes Benbassa, Aïchi, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Poher.

Alinéa 6

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Il peut être mis fin à l'état d'urgence par la loi ou par décret délibéré en conseil des ministres.

Mme Esther Benbassa.  - Nous devons prévoir qu'un décret en Conseil des ministres pourra mettre fin à l'état d'urgence. De même que le Parlement par une loi - nous avons suivi sur ce point la recommandation du rapporteur.

M. le président.  - Amendement n°60, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Alinéa 6

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Un projet de loi ou une proposition de loi adopté dans les mêmes termes par l'Assemblée nationale et le Sénat peut mettre fin à tout moment à l'état d'urgence.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Que le Parlement puisse ou non interrompre à tout moment l'état d'urgence n'est pas une question anodine. Je suis surprise qu'on le prenne pour acquis, et que notre débat soit aussi feutré. La loi de 1955 donnait initialement au seul législateur le pouvoir de déclencher l'état d'urgence, revenons à son esprit en écrivant noir sur blanc que le Parlement peut mettre fin à l'état d'urgence à tout moment. Sur quelle base constitutionnelle le ferait-il, sinon ?

M. le président.  - Sous-amendement n°79 à l'amendement n° 60 de Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, présenté par M. Masson.

Amendement n° 60, alinéa 3

Remplacer les mots :

Un projet de loi ou une proposition de loi adopté dans les mêmes termes par l'Assemblée nationale et le Sénat

par les mots :

La loi

M. Jean Louis Masson.  - À ma connaissance, une loi est toujours obligatoirement votée dans les mêmes termes par l'Assemblée nationale et le Sénat. Cette condition est-elle bien utile ?

M. Philippe Bas, rapporteur.  - L'amendement n°40 rectifié pose une condition à la prorogation de l'état d'urgence : sa stricte nécessité. Cela va sans dire mais cela va mieux en le disant. Je prends sur moi de donner un avis favorable à cette proposition, rejetée par la commission, qui apporte une garantie supplémentaire : le Conseil constitutionnel s'assurera que cette condition est remplie - ce qu'il aurait fait de toute façon...

Avis également favorable à l'amendement n°35 rectifié bis.

Je demande à M. Bonnecarrère de retirer son amendement n°42 rectifié, auquel la commission s'est déclarée défavorable : nos débats ont dû le rassurer sur l'information pleine et entière qui sera donnée au Parlement sur l'application de l'état d'urgence, et dont il tiendra évidemment compte le moment venu.

M. Philippe Bonnecarrère.  - J'en conviens.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Par parallélisme, l'état d'urgence ayant été instauré par décret en Conseil des ministres - la loi se contentant de le proroger - il peut y être mis fin par le même moyen, sans qu'il soit nécessaire de le préciser. En revanche, il est utile d'écrire que la loi peut aussi mettre fin à l'état d'urgence : les assemblées pourront ainsi en prendre l'initiative si elles estiment que les conditions ne sont plus réunies. Avis favorable à l'amendement n°53 rectifié bis, dans sa nouvelle rédaction.

Avis défavorable aux amendements nos52 rectifié, 60 et au sous-amendement n°79, la commission ne souhaite pas déroger ici à la procédure législative ordinaire.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux.  - L'amendement n°52 rectifié ne semble ni utile, ni opérant : les deux assemblées se sont mises d'accord par deux fois ces derniers mois, mais au cas où ce ne serait pas le cas, il n'apparaît pas judicieux de modifier les équilibres institutionnels actuels. Avis défavorable.

Sagesse sur l'amendement n°40 rectifié, qui me semble redondant.

Les amendements nos35 rectifié bis et 42 rectifié sont satisfaits : le Parlement exerce pleinement ses compétences, inutile de préciser qu'il s'assurera chaque fois que les conditions sont réunies.

Quatre mois, cela reste un délai raisonnable ; cependant, sagesse sur l'amendement n°11.

Avis défavorable à l'amendement n°53 rectifié bis, qui organise une délégation systématique à l'exécutif : laissons le législateur se prononcer à chaque loi de prorogation.

L'amendement n°60 est satisfait. Quant au sous-amendement n°79, la procédure législative ordinaire donne le dernier mot à l'Assemblée nationale.

L'amendement n°52 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement n°40 rectifié est adopté.

M. Michel Billout.  - Le groupe CRC votera l'amendement n°11, quoique sans illusions. (Marques d'ironie à droite) Réduire la durée des prorogations de l'état d'urgence ne change pas fondamentalement les choses tant que le Parlement ne se verra pas reconnaître le droit d'y mettre fin à tout moment.

M. Jean Louis Masson.  - Je comprends mal l'amendement n°11. Face au terrorisme, il ne faut pas chipoter. C'est un signe de faiblesse adressé aux criminels.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Le groupe RDSE votera cet amendement qui deviendra l'un des apports les plus significatifs du Sénat à ce texte. Le Gouvernement dit vouloir constitutionnaliser l'état d'urgence pour renforcer les garanties. Drôle de façon d'y parvenir que de porter sa durée de trois à quatre mois !

Hannah Arendt affirmait que les méthodes des pays autoritaires leur survivraient. Constitutionnaliser des dispositifs d'exception, c'est prendre le risque de les rendre permanents.

M. Alain Richard.  - Contrairement à d'autres, le groupe socialiste ne considère pas cet amendement comme l'un des apports les plus significatifs du Sénat, dès lors que le Parlement aura la faculté d'interrompre l'état d'urgence à tout moment.

Nous le soutiendrons par bonne volonté.

M. Roger Karoutchi.  - Cessons d'opposer ordre républicain et démocratie, Monsieur Collombat. L'autorité de l'État est le fondement de l'égalité et de la sécurité des citoyens. Un État faible, au contraire, ouvre la voie au désordre des extrêmes, aux milices de toutes sortes. Que le Gouvernement et le Parlement, en instaurant l'état d'urgence, demandent à la police, à la gendarmerie, à l'armée de la République de défendre l'ordre républicain, cela fait la force de notre démocratie.

L'amendement n°11 est adopté.

L'amendement n°35 rectifié bis est adopté.

L'amendement n°42 rectifié est retiré.

M. Christian Favier.  - Le groupe CRC votera l'amendement n°53 rectifié bis. Un consensus se dégage sur la possibilité pour le Parlement de mettre fin à l'état d'urgence, tant mieux, même si nous aurions préféré écrire expressément que cela peut passer par une proposition de loi.

L'amendement n°53 rectifié bis est adopté.

L'amendement n°60 et le sous-amendement n°79 deviennent sans objet.

Mme Françoise Laborde.  - Pour beaucoup d'entre nous, ce débat est délicat. Avec les victimes des attentats à l'esprit, nous avons vu de nombreuses versions de ce texte constitutionnel. À chacun d'assumer sa part du pouvoir constituant.

Bien que le Sénat ait très nettement amélioré cet article premier, en y inscrivant des garanties sur l'exercice des libertés individuelles et publiques, ainsi que des garanties juridictionnelles et procédurales, je ne peux pas accepter la constitutionnalisation de l'état d'urgence. La loi ordinaire suffit à garantir la sécurité et les libertés des citoyens et à poursuivre les auteurs de crimes terroristes. L'état d'urgence existe déjà, depuis la loi de 1955. Je voterai contre.

M. Jean Louis Masson.  - La lutte contre le terrorisme passe d'abord par le refus du communautarisme. Je le répète. Or des élus locaux font du communautarisme musulman un fonds de commerce électoral. (Protestations à gauche)

Mes chers collègues, parmi les quatre terroristes présumés arrêtés hier à Bruxelles, l'un était franco-tunisien, les trois autres franco-turcs. Cela prouve bien que la binationalité favorise le communautarisme ! (Même mouvement)

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - N'importe quoi.

M. Jean Louis Masson.  - Bien que cet article soit essentiellement symbolique, je le voterai.

M. Gaëtan Gorce.  - Moi aussi. Il n'y a certes pas de République sans ordre. Mais le climat de peur dans lequel nous débattons m'inquiète. Sans doute, notre sécurité est menacée par les terroristes. La République, non : elle en a vu d'autres. Cessons de remâcher cette menace que nous devons frapper sans faiblesse, pour rassembler et nous tourner vers l'avenir. La République n'est pas que le maintien de l'ordre, c'est aussi un projet collectif. (Applaudissements sur de nombreux bancs à gauche)

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Très bien !

M. David Rachline.  - Le rapporteur reconnaît lui-même qu'il n'y a pas de nécessité juridique à introduire l'état d'urgence dans la Constitution. L'argument de l'unité nationale est bien artificiel, à entendre les déclarations violentes contre nos millions d'électeurs. Cette réforme constitutionnelle est avant tout une opération de communication qui masque les errements du Gouvernement et que je ne peux cautionner. Nous n'avons pas besoin de cette loi pour expulser les imams radicaux ou fermer les mosquées salafistes, ce que le Gouvernement ne fait pas, ou si peu.

M. François Zocchetto.  - Nous étions nombreux à douter de l'intérêt de la constitutionnalisation de l'état d'urgence. Nous nous y sommes ralliés car l'état d'urgence ayant été plusieurs fois prorogé ces derniers mois, il importe de l'entourer de garanties. C'est ce que nous avons fait : proportionnalité des mesures, prérogatives de l'autorité judiciaire, contrôle parlementaire, le Sénat peut s'honorer de ses apports et j'appelle le plus grand nombre de sénateurs à voter cet article premier. (Quelques applaudissements au centre et à droite)

Mme Éliane Assassi.  - Je rends hommage au travail du président Bas. Cependant, plutôt que de malmener la Constitution, nous aurions dû constituer un bloc législatif cohérent assurant sécurité et respect des libertés. Le groupe communiste républicain et citoyen votera contre l'article premier.

M. Jacques Mézard.  - Nous sommes une assemblée politique, et c'est tant mieux. Mais tout de même, que de postures... Le président Guillaume déclarait qu'une révision constitutionnelle réduite à l'article premier n'aurait pas de sens. C'est la meilleure preuve que cet article ne sert à rien ! (On s'amuse à droite, M. Claude Malhuret applaudit) La question n'est pas de savoir si l'état d'urgence est nécessaire, mais s'il faut le constitutionaliser. Les symboles, c'est fort beau, mais nous sommes ici pour faire du droit. Je voterai contre.

M. Bruno Retailleau.  - Le groupe Les Républicains votera évidemment cet article. Certains critiquent l'état d'urgence en lui-même. Pour nous, l'état d'urgence, c'est encore l'état de droit, il n'y a pas d'opposition entre ordre public et libertés. Je veux saluer le travail de la commission des lois : l'état d'urgence ne se justifie que s'il est strictement nécessaire, proportionné et contrôlé. C'est d'ailleurs notre tradition constitutionnelle.

Faut-il le constitutionnaliser ? Nous n'en étions pas convaincus, le Conseil constitutionnel ayant rappelé que la loi constitutionnelle de 1958 n'avait pas abrogé la loi de 1955, et les articles 42 et 48 de la Constitution mentionnant déjà l'état de crise. Mais nous voulons tendre la main au Gouvernement. Le Premier ministre, hier, a durement provoqué la Haute assemblée : qu'il voie que nous faisons un pas vers lui, dans l'esprit du pacte de sécurité proposé par le Président de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et plusieurs bancs du groupe UDI-UC)

M. Claude Malhuret.  - Cette révision qui ne sert à rien est un mauvais coup politicien. Je l'ai signifié en déposant un amendement de suppression et en cosignant une tribune dans la presse. Toutefois, je dois saluer le travail accompli par notre commission des lois à l'initiative de M. Philippe Bas, qui a considérablement amélioré la version de l'Assemblée nationale. Voter contre serait préférer celle-ci. Je m'abstiendrai.

M. Alain Richard.  - Pour notre groupe, la constitutionnalisation de l'état d'urgence représente un progrès de l'État de droit. Elle garantit autant les moyens pour la République de se défendre que les libertés des citoyens. L'objectif est atteint.

Notre discussion a été constructive. Les points de vue se sont rapprochés, le Gouvernement a montré un sens du dialogue qui ne se limitera pas à l'article premier. Les modifications apportées par le Sénat sont susceptibles de recueillir l'accord de l'Assemblée nationale. Le groupe socialiste votera l'article premier.

M. Jean-Pierre Sueur.  - M. Masson a laissé entendre qu'il y aurait une sorte de prédisposition au terrorisme chez les binationaux...

M. David Rachline.  - C'est un fait !

M. Jean-Pierre Sueur.  - ... parce que quelques terroristes sont binationaux. Voilà une extrapolation inacceptable de la part du scientifique que vous êtes. Cet amalgame est odieux pour les 5 millions de nos compatriotes qui ont une double nationalité. (Applaudissements à gauche)

M. Pierre-Yves Collombat.  - Monsieur Karoutchi, je n'ai jamais mis en cause la nécessité pour l'État de prendre les mesures de sécurité qui s'imposent. Mais cette révision ne lui offre aucun instrument supplémentaire... Monsieur Masson, être efficace en démocratie exige des précautions que d'autres régimes n'ont pas à prendre... Si, monsieur Retailleau, l'état d'urgence conduit à réduire les libertés, sans quoi il ne serait pas utile de le déclencher. Constitutionnaliser l'état d'urgence, c'est pérenniser ce qui doit rester exceptionnel.

Mme Esther Benbassa.  - Nous ne voterons pas cet article. Malgré les améliorations apportées par la commission et son président, l'éventuelle pérennisation de l'état d'urgence est dangereuse. Cette réforme est une affaire de posture. Nous ne la cautionnons pas. Elle risque de toute façon d'être reportée aux calendes grecques avant l'été...

À la demande du groupe communiste républicain et citoyen, l'article premier, modifié, est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°180 :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 339
Pour l'adoption 301
Contre 38

Le Sénat a adopté l'article premier.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°62, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 16 de la Constitution est abrogé.

Mme Éliane Assassi.  - Cet amendement supprime l'article 16 de la Constitution, innovation de la Constitution de 1958, qui n'a été mis en oeuvre qu'une seule fois lors du putsch des généraux en Algérie. C'est une épée de Damoclès suspendue au-dessus de la démocratie : il permet de confier à un homme seul ou à une femme seule les pleins pouvoirs dans des conditions très larges. Trente jours sans contrôle, trente jours de suspension de la vie démocratique, cela peut être très long. L'article 16 est le symbole de la toute-puissance du chef de l'État dans notre pays. Longtemps la gauche, toute la gauche, s'y est opposée. Relisez le Coup d'État permanent de François Mitterrand...

Nous proposons, par cet amendement qui n'est en rien un cavalier constitutionnel, de supprimer cet article d'un autre âge, lourd de dangers pour la démocratie et la cohésion sociale.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Le constituant est libre d'aborder toutes les questions qu'il souhaite. L'article 16 est effectivement connexe à notre débat.

La commission n'est pas favorable à sa suppression. Cet article est la clause de survie de la République face à des menaces extrêmes - y recourir doit naturellement être scrupuleusement pesé et rester exceptionnel. Pourquoi se priver de cette possibilité, même si nous devons souhaiter ne jamais avoir à l'utiliser ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux.  - Avis défavorable : à situation exceptionnelle, réponse exceptionnelle. C'était déjà le cas à Rome... René Capitan disait de cet article qu'il était la constitutionnalisation de l'appel du 18 juin 1940... La révision de 2008 a d'ailleurs renforcé la protection des libertés.

M. Gaëtan Gorce.  - Je m'abstiendrai. Pour un homme de gauche, confier les pleins pouvoirs à un homme seul pose toujours problème. On peut s'en remettre à la sagesse de cet homme, mais n'est pas Cincinnatus qui veut... À peine la charrue retrouvée, nombre de nos hommes politiques n'aspirent qu'à la quitter à nouveau... (Sourires) Il fut un temps où notre culture politique était plus exigeante en matière démocratique...

M. Jean Louis Masson.  - Monsieur Sueur, je ne me livre pas à de mauvais calculs... Si tous les binationaux ne sont évidemment pas des terroristes, pas plus que toutes les personnes issues de l'immigration ne sont dangereuses, les adeptes du politiquement correct, les grands médias ne peuvent nier que les attentats ont tous été commis par des musulmans extrémistes, lesquels étaient quasiment tous issus de l'immigration. On ne peut continuer à prétendre que ces actes sont le fait d'illuminés. Cela vaut aussi pour le 11 septembre aux États-Unis, les attentats perpétrés au Mali, en Centrafrique, au Tchad... On sait aussi qu'au lendemain des attentats contre Charlie Hebdo, des milliers de collégiens et lycéens s'en sont ostensiblement réjoui et ont refusé de respecter la minute de silence. (Protestations sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen et du groupe socialiste et républicain)

M. Pierre-Yves Collombat.  - L'article 16 a été introduit par le général de Gaulle, qui avait vécu la débâcle... L'indépendance de la nation, le fonctionnement régulier des institutions étaient atteints. L'article avait été conçu pour de grands hommes. En existe-t-il encore ? Je n'en suis pas certain... (Sourires) A cette réserve près, il faut le conserver.

M. Roger Karoutchi.  - La question de la suppression de cet article se pose depuis longtemps. En 2008, Nicolas Sarkozy y avait songé mais finalement renoncé - il voulait d'ailleurs aussi remettre en cause l'état de siège. Il n'a été utilisé qu'une fois. Même en 1968, tandis que certains imaginaient le pouvoir vacant pour le revendiquer, on n'y a pas eu recours. Avoir la possibilité de le mettre en oeuvre ne signifie pas qu'il est inutile dès lors qu'on ne l'utilise pas ; lorsque la crise est là, il est trop tard pour se doter des moyens d'y faire face. L'agression peut être brutale, la démocratie est fragile. Protégeons-la, faisons confiance à la République.

À la demande du groupe communiste républicain et citoyen, l'amendement n°62 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°181 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l'adoption 29
Contre 314

Le Sénat n'a pas adopté.

ARTICLE PREMIER BIS

M. Claude Malhuret .  - Dès lors que l'article premier a été adopté, mon amendement n°29 rectifié bis n'a plus lieu d'être. Je le retire.

L'amendement n°29 rectifié bis est retiré.

M. Jean Louis Masson .  - Cet article est d'un intérêt marginal. Mais à force de modifier les modifications, on va créer un mouton à neuf pattes... Mieux vaudrait un texte clair : un article premier sur l'état d'urgence, un article 2 sur la déchéance de nationalité des binationaux, que je défends.

Mme Sophie Joissains .  - Comme M. Malhuret, je retire mon amendement n°47 puisque l'article premier a été adopté.

L'amendement n°47 est retiré, de même que les amendements nos17 et 54 rectifié.

M. le président.  - Amendement n°13, présenté par M. Bas, au nom de la commission.

Rédiger ainsi cet article :

I.  -  À la fin de la seconde phrase du dernier alinéa de l'article 42 de la Constitution, les mots : « relatifs aux états de crise », sont remplacés par les mots : « et propositions de loi relatifs aux états de crise prévus aux articles 36 et 36-1 ».

II.  -  Au troisième alinéa de l'article 48 de la Constitution, après le mot : « crise », sont insérés les mots : « prévus aux articles 36 et 36-1 ».

L'amendement de coordination n°13, accepté par le Gouvernement, est adopté ; l'article premier bis est ainsi rédigé.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°55 rectifié, présenté par Mmes Benbassa, Aïchi, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Poher.

Après l'article 1er bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le quatrième alinéa de l'article 89 de la Constitution est complété par les mots : « , ou lors de la mise en oeuvre des articles 16, 36 ou 36-1 ».

Mme Esther Benbassa.  - Selon le quatrième alinéa de l'article 89 de la Constitution, « aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu'il est porté atteinte à l'intégrité du territoire. » Il doit en être de même quand l'article 16 s'applique et quand l'état d'urgence est instauré.

M. le président.  - Amendement identique n°63, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

M. Christian Favier.  - Un attentat est une atteinte à l'intégrité du territoire. En temps d'état d'urgence, aucune révision de la Constitution ne doit être possible. Guy Carcassonne expliquait que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics, interrompu par une crise d'une gravité telle que députés et sénateurs soient dans l'impossibilité de se rendre à Paris, pouvait se conjuguer au vote d'une révision constitutionnelle brutale qu'aucun moyen ne permettrait de contrôler...

La constitutionnalisation de l'état d'urgence, état d'exception, n'est pas anodine. Il faut écarter toute révision dans des circonstances qui placent l'exécutif en position de force.

M. le président.  - Amendement n°64, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le quatrième alinéa de l'article 89 de la Constitution est complété par les mots : « ni pendant la durée de l'état d'urgence ».

M. Christian Favier.  - Il est défendu.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - L'état d'urgence ne fait pas obstacle au fonctionnement de la vie démocratique. La preuve, il a été proclamé et les élections régionales ont eu lieu. Que faisons-nous en ce moment si ce n'est réviser la Constitution, en toute souveraineté ? Autant il va de soi d'interdire toute révision lorsque l'intégrité du territoire est menacée ou que le pays est occupé, autant il n'est pas pertinent de limiter les prérogatives du Parlement pendant l'état d'urgence. Rejet.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux.  - Même avis.

Les amendements identiques nos55 rectifié et 63 ne sont pas adoptés, non plus que l'amendement n°64.

La séance est suspendue à 12 h 45.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 15 heures.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct par France 3 et Public Sénat, ainsi que sur le site internet du Sénat.

Au nom du Bureau du Sénat, j'appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect des uns et des autres.

Loi Travail (I)

M. Jean-Marc Gabouty .  - (Applaudissements au centre) Ma question s'adresse au Premier ministre et à Mme El Khomri.

Monsieur le Premier ministre, vous mettez souvent en exergue les mesures que vous avez prises pour renforcer la compétitivité de nos entreprises : le CICE et le mécanisme de suramortissement. Puis vous avez annoncé une réforme du droit du travail que vous avez qualifiée de « révolutionnaire ». Sans doute était-ce un peu présomptueux...

Très vite, vous l'avez bornée : face à la pression des organisations syndicales et étudiantes, vous êtes en train de faire marche arrière. Que restera-t-il de ce projet de loi...

M. Roger Karoutchi.  - Rien !

M. Jean-Marc Gabouty.  - ...après un passage à l'Assemblée nationale, où de nouvelles reculades ne sont pas à exclure. Quelles marges de manoeuvre restera-t-il au Parlement, et singulièrement, au Sénat ? Êtes-vous enfin prêts à admettre qu'il faut rendre compatible la protection des salariés et la souplesse indispensable au bon fonctionnement de l'entreprise, que l'intérim et les CDD contribuent à l'insertion dans le monde du travail et que la vraie précarité c'est le chômage ? À ouvrir le dialogue avec les PME et les TPE en offrant aux chefs d'entreprise la possibilité d'une consultation directe des salariés ? (Applaudissements au centre)

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social .  - Entre intransigeance et renoncement, il y a une voie, celle du compromis. (Exclamations à droite ; M. Jean-Pierre Sueur et Mme Frédérique Espagnac applaudissent) Le compromis, ce n'est pas le recul, c'est la voie du dialogue social (Même mouvements à droite et encouragements à gauche)

Si nous nous étions entêtés face aux oppositions manifestées contre ce projet de loi, le retrait du texte nous aurait été imposé...

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Vous vous êtes piégée !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Il aurait fallu commencer par la consultation !

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Il est temps d'avancer pour notre pays ; ce texte est une marque de confiance envers les syndicats, par le progrès de la négociation collective, les salariés, auxquels il ouvre de nouveaux droits, et les chefs d'entreprises aussi, bien sûr.

Les TPE et les PME font la richesse de notre tissu économique. Elles sont les moteurs de la création d'emplois (Exclamations à droite ; MM. Jean-Pierre Raffarin et Roger Karoutchi esquissent un mouvement de manivelle) Nous n'avons pas tardé pour les soutenir, avec le CICE notamment. Plus de 80 000 entreprises ont présenté des demandes, 60 % d'entre elles embauchent en CDI. Le texte renforcera leur position économique...

M. le président. - Veuillez conclure.

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Les TPE et PME accéderont aux accords de branche. Mon projet de loi élargit également les possibilités de négociation dans l'entreprise.

M. Jean-Marc Gabouty.  - Nous resterons attentifs à ce que les entreprises, parce qu'elles créent l'emploi, soient vraiment prioritaires. (Applaudissements au centre et à droite)

Loi Travail (II)

M. René-Paul Savary .  - (Applaudissements à droite) La France est dans une période de faible croissance. Pourtant les PME que j'ai rencontrées dans la Marne sont prêtes à créer des emplois. L'euro est faible, les taux d'intérêt et le prix du pétrole sont bas. Il ne manque qu'une seule chose : la confiance !

Les chefs d'entreprise commençaient à y croire : ils pensaient que cette loi était faite pour eux. Le projet de loi initial semblait bon mais le Gouvernement a reculé face à cette audace libérale : plus de dynamique de l'emploi, des coûts supplémentaires avec la « garantie jeunes »...

Vous proposez aux jeunes une allocation de précarité alors qu'ils veulent une insertion professionnelle. Ils sont dans la rue, en ce moment même. Ils méritent mieux ! Quels gages donnez-vous aux jeunes, aux chefs d'entreprises ? (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social .  - Pardonnez-moi mais ce projet de loi n'est pas d'inspiration libérale. (« Ah ! » à droite) C'est un texte pragmatique, d'inspiration social-démocrate, qui mise sur la négociation sociale, collective et dans l'entreprise. Il part d'un constat : notre pays crée moins d'emplois que les autres, et neuf embauches sur dix se font en CDD. Ce texte fait suite au rapport Combrexelle pour permettre aux acteurs de négocier au plus près du terrain.

Nous augmentons d'ailleurs de 20 % les moyens de représentation du personnel. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste et républicain) Il n'y a pas de souplesse sans négociation. Nous clarifions aussi les choses sur les licenciements économiques, la possibilité d'accords de branche pour les TPE et PME, la modulation du temps de travail jusqu'à neuf semaines dans les PME et renforçons la protection des salariés avec le compte personnel d'activité.

Enfin la garantie jeunes n'est pas une allocation de plus mais un dispositif d'accompagnement intensif. C'est un donnant-donnant. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ainsi que sur plusieurs bancs du groupe RDSE)

M. René-Paul Savary.  - Vous ne m'avez pas convaincu. Il faut tenir le cap de l'emploi ! (Applaudissements à droite)

Loi Travail (III)

Mme Françoise Laborde .  - Le Conseil des ministres devrait examiner la semaine prochaine une version remaniée du projet de loi Travail. L'avant-projet comporterait encore un article 6 qui poserait de nombreuses difficultés, pour ne pas dire plus : « la liberté du salarié de manifester ses convictions, y compris religieuses ne peut connaître de restrictions que si elles sont justifiées par l'exercice d'autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l'entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché ».

Telle n'était pas l'intention de M. Badinter qui voulait inscrire la laïcité dans le droit du travail. Cette rédaction entrainera la multiplication des demandes et des contentieux. Une étude de l'Observatoire du fait religieux en entreprise montre en effet que les conflits à propos de la religion ont doublé en un an. Et d'ajouter qu'ils « entravent la cohésion des équipes et peuvent engendrer un climat délétère au sein de l'entreprise ». Le Haut Conseil à l'intégration dressait le même constat dès 2011. Mieux aurait valu le silence que cette porte ouverte laissée aux revendications communautaristes en entreprises, où devraient prévaloir la laïcité et la neutralité. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE, au centre et à droite)

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social .  - Je sais votre profond attachement à la laïcité, madame Laborde.

Cet article 6 est bien issu des travaux de la Commission Badinter, préalables à une réécriture d'ensemble du droit du travail dans ses trois étages : ordre public social, négociation collective, dispositions supplétives applicables en l'absence d'accord d'entreprise et de branche. Il reprend la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme à droit constant. Il fera l'objet d'un débat parlementaire, comme les autres dispositions de ce texte.

Mais vous touchez à un autre sujet : le conflit religieux en entreprise. Après les attentats de novembre, j'ai conduit une mission avec les partenaires sociaux, salariés et employeurs, pour rédiger un guide d'information...

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Bonne initiative !

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Il sera publié dans les prochaines semaines avec le concours de la direction générale du travail Il a fait émerger, en effet, une méconnaissance du droit de la part des salariés comme des entreprises. Il nourrira nos échanges. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Notre-Dame-des-Landes

M. Ronan Dantec .  - Monsieur le Premier ministre, je ne vous questionnerai pas sur la limitation à la Loire-Atlantique du référendum sur Notre-Dame-des-Landes (Exclamations à droite), « projet pourtant vital pour le Grand Ouest », d'après le président de la République, malgré la demande de six présidents de conseils départementaux, dont certains sont ici présents.

Cela enlève toute légitimité à cette consultation. Cela nous prive d'une démarche d'apaisement dont nous avions besoin et pour laquelle j'ai beaucoup plaidé. C'est votre responsabilité, monsieur le Premier ministre. Mais ma question porte sur la mise en demeure adressée par l'Union européenne à l'État, le 17 avril 2014, sur les infractions environnementales potentielles de ce projet d'aéroport.

La France a répondu en ajoutant 122 pages d'annexe en petits caractères au projet de SCOT de Nantes-Métropole, deux jours avant la réunion du conseil du SCOT. Avec l'enquête publique prévue cet été, qui permettra aux acteurs du territoire de présenter leurs critiques, leur intégration et les trois mois de délai légal pour d'éventuels recours, cela nous amène au 1er janvier 2017. Or vous avez déclaré que vous prévoyiez de commencer les travaux dès octobre 2016. Est-ce à dire que vous ne tiendrez aucun compte de l'avis des habitants du territoire et des résultats de l'enquête publique ? (Applaudissements sur la plupart des bancs du groupe écologiste)

M. Jean Desessard.  - Bravo !

M. Manuel Valls, Premier ministre .  - Monsieur le sénateur, votre question, je l'avoue, m'a désarçonné...

M. Ronan Dantec.  - Enfin ! (Sourires sur les bancs du groupe écologiste)

M. Manuel Valls, Premier ministre.  - En effet, n'est-ce pas vous qui aviez demandé une consultation... (Sourires et exclamations sur de nombreux bancs) Nous y reviendrons dans un instant, mais auparavant, j'aurais aimé vous entendre sur les violences qui ont eu lieu aujourd'hui à Nantes et sur les occupations illégales de terrains qui se poursuivent. (Applaudissements nourris sur les bancs des groupes socialiste et républicain, RDSE, UDI-UC, Les Républicains) Oui, j'aurais aimé vous entendre condamner les violences faites aux habitants. (Nouvelle salve d'applaudissements sur les mêmes bancs)

M. Ronan Dantec (brandissant son téléphone portable).  - C'est fait !

M. Jean Desessard.  - Très bien !

M. Manuel Valls, Premier ministre.  - Au lieu de vous perdre en arguties juridiques, soutenez-donc la consultation que vous avez-vous-même demandée ; n'ayez pas peur ! (On s'amuse sur divers bancs, à l'exception de ceux du groupe écologiste et du groupe communiste républicain et citoyen) Engagez-vous dans la campagne ! Vous avez d'ailleurs été élu, en Loire-Atlantique ! Grâce à qui ? (On désigne, à droite, les bancs du groupe socialiste et républicain) Eh oui, grâce à vos amis socialistes... (Rires et vifs applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, RDSE, UDI-UC et Les Républicains) Prenez donc vos responsabilités ! (Applaudissements prolongés sur les mêmes bancs)

Voix à droite.  - On aurait aimé entendre le ministre Placé !

M. Ronan Dantec.  - Je ne vous savais pas aussi facilement désarçonnable ! Vous n'avez pas répondu à ma question sur le périmètre du référendum ! Six présidents de conseils départementaux demandent qu'il soit élargi, vous le savez très bien. (Applaudissements sur la plupart des bancs du groupe écologiste ; marques d'irritation au centre et à droite, exclamations sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Loi Travail (IV)

Mme Christine Prunaud .  - Alors que les jeunes manifestent contre le projet de loi Travail, où est passée la promesse du candidat Hollande de faire de la jeunesse une priorité nationale ?

Les jeunes en ont assez de la précarité. Oui, ils en ont assez d'enchaîner les emplois précaires, les CDD, les stages, d'être rémunérés en-deçà du smic. Les jeunes veulent la fin des discriminations à l'embauche, la reconnaissance des diplômes dans les conventions collectives pour la fixation du salaire. Ils souhaitent que l'apprentissage ne soit rendu possible qu'à partir de seize ans. Ils demandent l'intégration de leurs années études dans le calcul du chômage et de la retraite. Le groupe communiste républicain et citoyen les soutient. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social .  - Le Gouvernement entend les inquiétudes de la jeunesse. Les jeunes sont les premières victimes de la crise. Moi-même, qui suis une jeune ministre, j'entendais parler du chômage dès la 6e et je sais ce que c'est de multiplier les petits boulots, d'enchaîner les stages et les contrats précaires. C'est dire si je les comprends. Ma loi vise justement à renforcer l'embauche en CDI.

Cette loi vise à corriger une injustice, la pire des injustices, celle qui touche surtout les jeunes, les femmes, les moins qualifiés, en donnant le droit aux jeunes sans qualification à une deuxième chance pour se former...

M. Didier Guillaume.  - Eh oui !

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - La garantie jeunes, encore une fois, n'est pas une allocation, mais un dispositif d'accompagnement, qui a un coût, certes, on ne se prive pas de me le rappeler, mais qui fonctionne ; il a été conçu avec les organisations de jeunes. La jeunesse a toujours été une priorité de François Hollande.

Trois cents mille jeunes ont bénéficié de la prime d'activité ; nous avons encadré les stages en entreprises, mis en place les contrats d'avenir. Oui, nous agissons pour les jeunes, pour l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et sur plusieurs bancs du groupe RDSE)

Mme Christine Prunaud.  - Nous ne doutons pas de votre bonne foi. Ces mesures, très ciblées, ne concernent que quelques milliers de jeunes. Ce n'est pas suffisant. Nous regrettons l'inspiration libérale de votre texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Loi Travail (V)

M. Alain Anziani .  - Les jeunes ont besoin d'espoir, en particulier ceux de 16 à 25 ans qui sont sans formation, sans diplôme et sans travail.

Le bilan de la garantie jeunes mise en place en 2013 est bon : un jeune sur deux retrouve un emploi après huit à dix mois d'accompagnement en mission locale, 50 000 jeunes en ont déjà bénéficié. Le Premier ministre a annoncé sa généralisation il y a quelques jours.

Qui concernera-t-elle ? Combien de jeunes ? Comment sera-t-elle financée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social .  - Oui, la garantie jeunes fonctionne. Ce mode d'accompagnement concerne les jeunes qui ne sont ni en formation, ni dans l'emploi, ni étudiants. Depuis 2013, 50 000 jeunes en ont bénéficié.

Après un passage en commission, grâce à l'encadrement des missions locales, nous faisons du « cousu main » : une formation ou un emploi en fonction du projet professionnel du jeune. Ainsi un jeune qui se destine à être mécanicien ira tout de suite passer deux semaines dans un garage, par exemple.

L'allocation est de 461 euros par mois ; elle s'interrompt si le jeune ne respecte pas ses engagements.

À la fin de l'année, nous visons 100 000 jeunes, 80 % des missions locales les accueilleront. Ce dispositif sera suivi et étendu en 2017. Je rappelle qu'il n'est qu'un des modes d'accompagnement des jeunes, le plus intensif. Pour 200 000 jeunes, il coûtera 750 millions d'euros.

M. Didier Guillaume.  - Le jeu en vaut la chandelle !

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Ce sera en effet autant de précarité en moins et de perspectives en plus pour notre économie et notre jeunesse. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Alain Anziani.  - Il est de mon devoir de vous remercier. (Même mouvement ; marques d'ironie à droite)

Crue centennale à Paris

M. Yves Pozzo di Borgo .  - Les 17 mars et 18 mars, des exercices grandeur nature seront organisés pour tester la capacité de la capitale à résister à une inondation de l'ampleur de celle de 1910. Selon tous les experts, la question n'est pas de savoir si la crue centennale de la Seine se produira, mais quand.

À l'échelle du Grand Paris, 5 millions de personnes seraient touchées et les dégâts directs s'élèveraient à 40 milliards d'euros. Le plan Orsec de la zone de défense de Paris et le plan Neptune du ministère de la défense visent à organiser le secours plus qu'à prévenir. Le véritable enjeu est pourtant plus la prévention que la gestion de crise.

Dès 2001, l'institut des Grands lacs de la Seine a élaboré le projet de barrages-réservoirs de La Bassée en amont de Paris, à la confluence de l'Yonne et de la Seine : dix casiers capables de stocker 55 millions de mètres cubes d'eau, permettant de baisser le niveau de l'eau de 50 centimètres. Mais les pouvoirs publics ont refusé de soutenir le déploiement de ce projet vital, malgré l'enquête publique positive. Le relancerez-vous ? Dans la négative, quelles sont les propositions alternatives. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC)

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - L'exercice en cours est d'importance, car la crue de 1910 pourrait se reproduire. La directive européenne « Inondation » du 23 octobre 2007 a été transposée par la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, complétée par le décret du 2 mars 2011. Le préfet de la région Ile-de-France et le préfet de police de Paris ont mis en place une gouvernance du risque inondation. L'exercice Sequana 2016, piloté par le secrétariat général de la zone de défense et de sécurité de Paris, en lien avec le ministère de l'intérieur, s'inscrit dans la suite logique des actions menées depuis des années.

La réaction ne s'oppose pas à la prévention. Nous tenons les deux.

Si l'idée existe effectivement depuis 2001, le projet que vous citez a été mis en oeuvre depuis 2013 ; une action test est en cours. Il est financé à 40 % par le fonds Barnier. J'espère que les collectivités territoriales seront au rendez-vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Assurance chômage

M. Serge Dassault .  - Ma question s'adresse au Premier ministre. Dans son rapport du 23 décembre 2015, la Cour des comptes s'inquiète de la détérioration rapide du déficit de l'assurance chômage, passé de 5 milliards d'euros en 2008 à 21 milliards en 2014 et estimé à 35 milliards en 2018. Où cela s'arrêtera-t-il ? On ne réduira durablement le chômage qu'en aidant les entreprises, pas en multipliant les emplois aidés.

Le projet de loi Travail a été revu, c'est dommage : si les entreprises ne peuvent licencier quand elles n'ont plus assez de travail, elles n'embaucheront pas et développeront leurs activités à l'étranger ! À force de trop vouloir protéger les salariés, on crée du chômage. Faites confiance aux chefs entreprises, qui ne demandent qu'à embaucher. (Exclamations à gauche). Aux États-Unis, le chômage n'est que de 5 % !

Que comptez-vous faire pour éviter la spirale du chômage, la faillite de l'Unedic et celle de la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social .  - Pour lutter contre le chômage, le Gouvernement a pris des mesures conjoncturelles, mais aussi structurelles : pacte de responsabilité, CICE, plan Emploi annoncé le 18 janvier 2016, des baisses de charges et la garantie jeunes. Le dispositif Embauche PME a déjà suscité 80 000 demandes en deux mois.

Nous cherchons aussi à améliorer la formation des demandeurs d'emploi. Protéger les salariés, c'est aussi leur permettre de monter en compétence, de sortir de la pénibilité ; ce n'est pas antinomique avec les besoins des employeurs, qui peinent parfois à recruter.

Sur l'assurance chômage, les partenaires sociaux ont ouvert une session de négociations le 22 février. Un rapport de l'Unedic a dressé le bilan de la situation financière et du fractionnement de l'activité. Je fais confiance aux négociateurs pour assurer la pérennité du système comme ils l'ont fait en 2014, lorsqu'ils ont créé les droits rechargeables tout en faisant des économies. N'oublions pas non plus que les ruptures conventionnelles pèsent aussi sur l'assurance chômage : il faut donc regarder les choses globalement.

Notez enfin que la pérennisation de l'assurance chômage ne signifie pas la baisse de l'indemnisation des chômeurs et que la moitié seulement des demandeurs d'emploi sont indemnisés... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Maisons de services au public

M. Georges Labazée .  - Pour accompagner la mutualisation des services dans les zones rurales et de montagne, la Poste s'est engagée aux côtés du Gouvernement à réaliser 1 000 maisons de services au public (MSP) d'ici la fin 2016, dont 500 par transformation de bureaux de poste. Pérennisés, ceux-ci proposeront une offre innovante de bouquets de services. La liste de ces bureaux fait l'objet d'une concertation avec les conseils départementaux, les associations de maires et les préfectures.

La Poste est prête à les transformer dès maintenant. Le déploiement de ces sites est acté par les commissions départementales de la présence postale territoriale, qui se sont réunies en février et en mars. Il ne doit pas être ralenti par la mise au point des schémas de coopération intercommunale.

Comment le Gouvernement va-t-il soutenir la Poste ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales .  - Le Gouvernement veut un aménagement harmonieux du territoire qui ne laisse personne au bord du chemin, des services publics de qualité, accessibles à tous en zone urbaine, périurbaine comme dans la ruralité. En mars 2015, le comité interministériel à la ruralité a acté la création de 1 000 MSP d'ici la fin 2016 grâce à un partenariat avec, entre autres, la Poste, Pôle Emploi et les MSA. Actuellement, 458 ont été labélisées ; elles devraient être 750 dès fin juin. Les MSP s'inscrivent dans les schémas d'accessibilité aux services publics élaborés par le préfet et le président du conseil départemental.

L'État continuera, à travers le concours de la Caisse des dépôts et consignations, à apporter son plein soutien à cette solution efficace. Le mois prochain, nous réunissons un nouveau comité interministériel à la ruralité pour tirer un premier bilan et aller plus loin, pour l'intérêt et le confort de tous les usagers. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE et du groupe socialiste et républicain)

Camp de Grande-Synthe

M. Jean-François Rapin .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Ma question s'adresse au Premier ministre. Lundi, le garde des sceaux, M. Urvoas s'est déplacé dans les Hauts-de-France (Murmures), pour apprécier la situation à Calais, accédant enfin à la demande de Mme Bouchart et de Xavier Bertrand. Qu'il en soit remercié.

Mais il n'y a pas que Calais. La ville de Grande-Synthe, où je me suis rendu récemment avec François-Noël Buffet, fait face à une forte affluence de migrants. Vous le savez, on ne sort pas indemne moralement de ces visites. Les élus locaux ont souhaité offrir des conditions d'accueil supportables à ces abandonnés de la planète, en installant un camp construit et cofinancé avec Médecins sans Frontières. M. Cazeneuve m'a apporté des réponses sur Calais, mais trop peu sur Grande-Synthe. Pourquoi cette différence de traitement ? La commune a besoin de soutien financier et humain. D'ici quelques mois, elle ne pourra plus faire face aux dépenses de fonctionnement de cet accueil. Allons-nous donner à cette partie du littoral, carrefour stratégique pour notre région, notre pays et l'Europe, un autre avenir que celui d'un mur de la Manche ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ainsi que sur plusieurs bancs du groupe UDI-UC)

M. Manuel Valls, Premier ministre .  - Les questions sur Calais sont nombreuses, les approximations aussi. Je confirme l'achèvement, dans le calme, des opérations d'évacuation de la zone sud du campement et je salue les services de l'État, les forces de l'ordre mais aussi les associations calaisiennes et les travailleurs sociaux qui y ont participé, ainsi que la bonne coopération entre l'État et la ville de Calais. Construction d'abris solides dans la partie nord du campement, répartition des réfugiés sur l'ensemble du territoire national, avec des départs organisés hier encore : le nombre de migrants à Calais est passé de 6 000 à 3 700  en quelques mois. Preuve de succès : 80% des migrants relogés ne reviennent jamais à Calais.

La situation est différente à Grande-Synthe. Le campement était très dégradé sur le plan sanitaire et sécuritaire, avec une forte emprise des réseaux d'immigration irrégulière. Le déplacer n'est pas la solution. L'État a intensifié les maraudes sociales, faisant passer le nombre de migrants de 3 000 à moins de 1 000. L'installation d'un nouveau campement créera d'autres difficultés aux élus locaux qui ont pris cette initiative. J'en appelle à la responsabilité, à une meilleure coopération entre les collectivités et l'État. Sur les dossiers de Calais, de Grande-Synthe ou de Lampedusa, où vient de se rendre le président Larcher, je mets en garde contre toute position idéologique. Il n'y a pas de solution miracle ; il faut un travail patient et difficile pour lutter contre les réseaux et garantir des solutions dignes et sécurisées aux migrants.

Demain se tient un Conseil européen très important sur ces questions. La France y porte trois messages : retrouver la maîtrise de l'espace Schengen en contrôlant les frontières extérieures ; définir une coopération efficace avec la Turquie ; prévenir la crise humanitaire qui menace en Grèce depuis la fermeture de la route des Balkans. Sur ces trois points, comptez sur l'engagement du Gouvernement.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et du groupe RDSE ; M. Henri Tandonnet applaudit également)

Crise migratoire

M. Didier Marie .  - Chaque jour, la crise des migrants livre son lot de désolation. C'est l'une des plus graves crises humanitaires que l'Europe ait connue ; elle appelle une réponse forte au Conseil européen qui s'ouvre ce soir.

La première urgence est d'aider la Grèce, où 48 000 migrants s'entassent dans des camps insalubres ; l'Union européenne a dégagé une aide de 700 millions d'euros sur trois ans, dont 300 millions en 2016 pour améliorer l'accueil des réfugiés qui se pressent sur ses rivages. Comment cette aide sera-t-elle financée et déployée ?

Autre point, le partenariat avec la Turquie, s'il est nécessaire, n'est pas sans poser un certain nombre de questions - sur le respect du droit individuel à l'asile et sur la Convention de Genève, que la Turquie n'a pas ratifiée, ainsi que sur les contreparties qui lui sont accordées. Quelle position la France défendra-t-elle au Conseil ?

Enfin, il est temps de renforcer la solidarité européenne en appliquant les décisions prises depuis un an, sur le contrôle des frontières extérieures, les hots spots, la création d'un corps de garde-frontières européen, les accords de réadmission, la relocalisation des réfugiés, le fichier PNR. Quelles seront les propositions de la France pour rendre ces mesures effectives et faire que l'Europe reste fidèle à ses valeurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain).

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du développement et de la francophonie .  - Veuillez excuser l'absence de M. Harlem Désir, qui accompagne le président de la République au Conseil européen. Oui, l'Europe est confrontée à une crise sans précédent. Nous agissons dans trois directions. D'abord, la solidarité avec la Grèce, avec le déploiement d'une aide d'urgence européenne de 700 millions sur trois ans ; la France y ajoutera une aide bilatérale.

Ensuite, un accord avec la Turquie, qui accueille 2,5 millions de réfugiés sur son sol. Il précisera les modalités de retour vers la Turquie et la réinstallation en Europe de réfugiés syriens.

Enfin, il faut mettre en oeuvre les décisions prises ces derniers mois : renforcement de Frontex, dialogue avec les pays tiers, renforcement de l'opération Eunavfor Med Sophia. Aux voies illégales d'immigration, qui prospèrent sur le désespoir et la misère, il faut substituer une voie légale, respectueuse du droit international et des droits humains. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Filière bois

Mme Nicole Duranton .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Ma question s'adresse au ministre de l'agriculture. Fin décembre dernier, Ladislas Poniatowski a attiré votre attention sur les conséquences économiques et sociales de l'instruction de votre ministère du 28 décembre 2015 modifiant les conditions de certification des grumes destinés à l'export.

Les professionnels de la filière critiquent les mesures de remplacement préconisées par vos services : l'écorçage, compliqué faute de matériel adapté et refusé par les clients, et la fumigation par gaz de Profume, dangereuse et inapplicable. Ils proposent deux alternatives fiables et équitables : le traitement thermique des grumes en conteneur sur les lieux d'embarquement, sur lequel vos services restent muets, ou à défaut, leur traitement par brumisation sur les ports.

Au 1er avril, l'entrée en vigueur de cette instruction provoquera l'arrêt de l'exportation de ces grumes. Conséquence, la mise au chômage forcé d'au moins 10 000 salariés de la filière bois, la perte de 70 000 conteneurs pour les ports du Havre et de Brest....

M. le président.  - Veuillez poser votre question.

Mme Nicole Duranton.  - ...l'aggravation de 2 milliards d'euros du déficit commercial.

Allez-vous suspendre l'application de cette instruction et écouter enfin les professionnels ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Je vous prie d'excuser l'absence de M. Le Foll, retenu au congrès des producteurs de lait. (Exclamations à droite et au centre)

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - À la place, nous avons le ministre de la langue de bois ! (Sourires à droite)

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État.  - Après la tempête de 1999, un mode de traitement des grumes avait été autorisé à titre dérogatoire. L'Anses, saisie par le ministre de l'agriculture, recommande d'en utiliser d'autres car il est nocif pour l'environnement. L'instruction du 28 décembre 2015 a vu son délai d'application repoussé de huit mois, au 1 avril 2016. Désormais, il n'y a pas d'autre solution que de s'adapter. Il fallait que l'exception s'arrête un jour.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État.  - Les inquiétudes relayées aujourd'hui sont infondées. Il faut mettre fin à des procédures qui portent atteinte à l'environnement et nuisent à la filière sylvicole. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Indemnités des élus locaux

M. Philippe Adnot .  - En cette période budgétaire dans nos communes se repose la question de l'obligation pour les maires des communes de moins de 1 000 habitants de percevoir la totalité de leur indemnité. Ils ne comprennent pas pourquoi on leur refuse une possibilité accordée à leurs collègues - d'autant que si le maire renonce quand même à une partie de son indemnité, celle-ci demeure dans son entier soumise à cotisations sociales, ce qui pèse sur le budget communal. La différence de traitement avec les maires de communes de plus de 1 000 habitants est incompréhensible. Un collègue sénateur a déposé une proposition de loi car de nombreux maires souhaitent que l'on revienne sur cette disposition, même si elle a été prise avec de bonnes intentions. Monsieur le ministre, pouvez-vous donner des instructions de souplesse au contrôle de légalité, le temps que nous trouvions la bonne formule législative ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains).

M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales .  - Oserais-je rappeler que cette mesure est issue d'une proposition de loi sénatoriale cosignée par Mme Gourault et M. Sueur ? L'Association des départements de France la réclamait à cor et à cri depuis dix ans.

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est vrai ! (Sourires)

M. Jean-Michel Baylet, ministre.  - La question a été longuement débattue au Sénat, suscitant des avis contraires. L'Assemblée nationale avait ramené le seuil initial de 3 500 à 1 000 habitants, la CMP l'a suivie. L'affaire semblait réglée et nos élus locaux pensaient voguer sur un long fleuve tranquille.

M. Bruno Sido.  - Raté !

M. Jean-Michel Baylet, ministre.  - Lorsque certains maires s'en sont plaint - parce que c'était la tradition, ou parce qu'on leur suggérait, avec plus ou moins d'insistance.

Mme Jacqueline Gourault.  - Ou qu'ils avaient les moyens !

M. Jean-Michel Baylet, ministre.  - L'un d'entre eux a largement médiatisé son cas et ceux qui avaient été à l'initiative de cette mesure ont changé de position !

Nous en avons débattu récemment à l'occasion de la proposition de loi Sido ; puis Mme Grelier a repris ce débat à l'Assemblée nationale.

Je ne peux donner aux préfets d'instructions sur le contrôle de légalité allant à l'encontre de la loi. En revanche, vous pouvez rouvrir la discussion législative. Le Gouvernement est prêt à débattre, à la condition que l'on ne puisse forcer les maires à abandonner leur indemnité et que ce soit le maire lui-même qui le propose au conseil municipal. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, RDSE, UDI-UC et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains).

M. Philippe Adnot.  - Merci, mais je réaffirme qu'il n'est pas légitime que certains maires puissent disposer librement de leur indemnité et d'autres non. Les Français n'en peuvent plus d'être suradministrés ! (Applaudissements et « Bravo ! » sur les bancs du groupe Les Républicains) Notre avenir, c'est la liberté ! (Vifs applaudissements et « Bravo ! » sur les bancs du groupe Les Républicains)

Voix à droite.  - Libérez le ministre Placé ! (Sourires)

La séance est suspendue à 16 h 10.

présidence de M. Thierry Foucaud, vice-président

La séance reprend à 16 h 20.

Rappel au Règlement

M. Jean Desessard .  - Tout à l'heure, M. Valls, quand il a répondu à M. Dantec sur le référendum à propos de Notre-Dame des Landes, a dit un certain nombre de contre-vérités. M. Dantec a toujours pris position contre les violences, à Nantes ou ailleurs. Il est vrai que la mauvaise foi est devenue une manière de gouverner...

M. Éric Doligé.  - En effet !

M. Jean Desessard.  - Mais ce n'est pas ces propos que je vise. Aucun sénateur n'a de comptes à rendre à quiconque, aucun ne doit son élection à un groupe. L'indépendance du parlementaire est un principe républicain, M. le Premier ministre a dépassé les bornes. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste).

M. le président.  - Dont acte.

Commission (Candidature)

M. le président.  - J'informe le Sénat que le groupe écologiste a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu'il propose pour siéger à la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l'évaluation interne, en remplacement de M. Jean-Vincent Placé, dont le mandat de sénateur a cessé.

Cette candidature a été publiée et la nomination aura lieu conformément à l'article 8 du Règlement.

Protection de la nation (Suite)

M. le président.  - Nous reprenons l'examen du projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, de protection de la nation.

Mise au point au sujet d'un vote

Mme Françoise Laborde.  - Mon collègue Michel Amiel, lors du scrutin n°180 sur l'article premier du projet de loi constitutionnelle, souhaitait voter pour et non s'abstenir, compte tenu des amendements adoptés.

M. le président.  - Acte vous en est donné.

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE 2

M. Pierre Charon .  - En 2010, quand la majorité envisageait la déchéance de nationalité, on entendait des cris d'orfraie : c'était, disait-on, une entorse inacceptable à notre tradition républicaine. Il faut croire que nous étions prophétiques : une majorité d'une autre couleur politique soutient désormais la déchéance. Comment ne pas la soutenir ? Tout ce qui permet à notre pays de se séparer de ceux qui l'assassinent est bon. Je voterai cet article tel qu'amendé par l'amendement n°14 du président Bas, dont je salue le remarquable travail. Ce n'est pas une question partisane : il y a ceux qui aident la France à se défendre, et les autres. (Quelques applaudissements à droite)

M. Claude Malhuret .  - Le Premier ministre est un magicien. Bravo l'artiste, il s'est sorti de l'impasse en vidant l'article 2 de son contenu : plus de binationaux pour faire plaisir à sa majorité, plus d'apatridie pour faire plaisir à l'opposition. Du vent ! Le vide est si évident que M. Urvoas a dû présenter d'avance la loi d'application de cette Constitution révisée - qu'une majorité simple pourra modifier à son gré...

Monsieur le garde des sceaux, vous rendez-vous compte de cette monstruosité juridique dont les Français n'ont que faire ? Et croyez-vous que le Parlement, la presse et l'opinion marcheront dans la combine ? La classe politique y perd toute crédibilité depuis quelques mois, par votre faute. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Marie-Noëlle Lienemann .  - Je me suis toujours battue contre la déchéance de nationalité, aujourd'hui encore plus qu'hier. Contre le terrorisme, notre combat doit être animé par trois exigences. L'efficacité dans la prévention, d'abord, qui passe par le renforcement des moyens de la police, de la justice, du renseignement. La volonté de ne rien céder de nos principes, ensuite. Or la déchéance revient soit à créer des apatrides, soit à mettre à mal l'égalité devant la loi. Il s'agirait de rassembler les Français ? On les divise au contraire, on affaiblit la cohésion sociale ! Il y avait une autre réponse, celle du général de Gaulle et de la Libération : l'indignité nationale.

Enfin, notre jeunesse, nos concitoyens qui doutent, doivent savoir qu'il n'y a rien à gagner à se replier sur son identité, que la nation est fondée sur l'intégration, autour d'une destinée commune. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes socialiste et républicain et communiste républicain et citoyen ; Mme Françoise Laborde applaudit aussi)

Mme Claudine Lepage .  - Sénatrice socialiste, loyale vis-à-vis du Gouvernement, j'interviens aussi comme représentante des Français de l'étranger, dont 40 % au moins détiennent une autre nationalité.

Au lendemain des attentats, il pouvait sembler naturel de vouloir placer les terroristes hors de la communauté nationale. Mais l'émotion retombée, nous savons tous que la déchéance n'aura aucun effet dissuasif. Mme Taubira a raison : les terroristes ne meurent ni Français ni binationaux mais en morceaux.

C'est peut-être un symbole, mais il manque sa cible, et revient à créer plusieurs catégories de Français. Pour les Français qui ont la chance d'avoir une double culture, et qui contribuent ainsi au rayonnement de la France et à son ouverture au monde, la déchéance est perçue comme une insupportable stigmatisation, le signe qu'ils ne seront plus des Français comme les autres. Après les attentats, nous avons montré au monde notre volonté de continuer à vivre ensemble, dans la liberté, l'égalité, la fraternité. Cet article rompt cet engagement. (Applaudissements sur les mêmes bancs)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin .  - Nous nageons en pleine confusion. Au lendemain des attentats, dans la précipitation, le président de la République a pris le contre-pied de son propre camp en proposant une mesure défendue jusqu'ici par la droite et l'extrême-droite. Pour trouver une issue, l'Assemblée nationale a prévu la déchéance pour tous, mais la loi d'application pourrait ne concerner que les binationaux... Pouvez-vous nous apporter des précisions, monsieur le garde des sceaux ?

Créer des apatrides serait contraire à la Convention de New York de 1961 - que la France n'a toujours pas ratifiée, et qui, dit-on, ne pourrait l'être sans une nouvelle révision constitutionnelle...

Daech n'attend qu'une chose : que la France renonce à ce qui fait sa grandeur, la liberté et l'ouverture sur le monde. Ne lui faisons pas ce plaisir. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen ; M. Jean-Pierre Godefroy, Mmes Bariza Khiari et Marie-Noëlle Lienemann applaudissent aussi)

Mme Éliane Assassi .  - Le 6 janvier dernier, le New York Times titrait à propos de la déchéance de nationalité : « Un coup dur pour l'idéal républicain ». Je regrette que le président de la République ait perdu sa boussole de gauche. L'on pourrait citer ses propos pas si anciens, où il voyait dans la déchéance de nationalité une « chose de droite », purement « symbolique ». (M. Jean-Yves Leconte s'amuse)

M. Philippe Dallier.  - Vérité d'hier...

Mme Éliane Assassi.  - La fonction de la Constitution est d'organiser les pouvoirs publics et de définir les droits et libertés des citoyens, pas de se muer en code pénal. Que même des barbares ne puissent se voir retirer leurs droits fondamentaux, c'est la définition même de l'état de droit, c'est la force de la démocratie.

On invoque l'histoire. La guillotine aussi était républicaine, c'est l'honneur de la République de l'avoir abolie. C'est notre honneur de faire progresser l'état de droit contre la barbarie.

Le groupe communiste républicain et citoyen votera résolument contre cet article 2. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen ; Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit aussi)

Mme Bariza Khiari .  - La déchéance de nationalité revient à s'exonérer de ses responsabilités. On entend deux discours : les terroristes ne seraient pas des vrais Français, les terroristes ne seraient pas de vrais musulmans. Il y a dans les deux cas une part de déni.

La déchéance est la plus mauvaise des réponses symboliques, qui définit en fonction de l'identité le camp des bons et celui des suspects. Les suspects - ceux qui, par leur patronyme, leur aspect physique, leur foi réelle ou supposée - font face à une injonction paradoxale : lorsqu'ils se taisent, ils sont accusés de complicité, lorsqu'ils s'expriment, de duplicité.

Plus l'islam traditionnel, culturel, spirituel est mis en cause - et c'est ainsi que la menace de la déchéance est vécue - plus le fondamentalisme prospère. Merci à Jean-Pierre Sueur de s'être élevé contre les amalgames propagés par M. Masson : non, les binationaux ne forment pas une cinquième colonne.

M. David Rachline.  - Ce n'est pas ce qu'il a dit !

Mme Bariza Khiari.  - Nous n'endiguerons pas l'islam intégriste sans les Français musulmans, qui sont des Français à part entière. Si nous nous battons pour l'égalité formelle et l'égalité des chances, si nous arrêtons les intégristes sans stigmatiser les croyants, alors nous montrerons le beau visage de la laïcité et nous aurons à nos côtés, face au terrorisme, la nation réunie. (Applaudissements sur la plupart des bancs des groupes socialiste et républicain et communiste républicain et citoyen ; M. Pierre-Yves Collombat applaudit aussi)

M. Richard Yung .  - Je ne voterai ni cet article ni l'amendement n° 14 de la commission. Entre 40 et 60 % des Français de l'étranger sont des binationaux, qui voilà là une remise en cause de leur attachement à la France. Étend-on la déchéance à tous les Français ? On risque alors de créer des apatrides, en infraction vis-à-vis d'engagements internationaux que l'on promet, cinquante ans après, de ratifier... Tout cela est pour le moins boiteux.

Ensuite, que ferait-on des terroristes devenus apatrides ? Veut-on leur mettre un bracelet électronique ? Les expulser ? Comment s'assurer alors qu'ils ne se perdront pas dans la nature ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste et républicain ; M. Pierre Laurent applaudit aussi)

M. Alain Néri .  - Si la déchéance de nationalité est une sanction forte pour des citoyens respectueux de la République, qui peut penser qu'elle effraiera des terroristes fanatiques et déshumanisés ? Personne. C'est une mesure inefficace, et par là même inutile, que je ne voterai donc pas. Pis, elle porte une atteinte profonde aux principes de notre République ; la France est le pays des droits de l'Homme, ce que le monde a reconnu à nouveau après les attentats de 2015. Notre République doit rester unie et indivisible, les citoyens y sont égaux, ce qui rend toute discrimination et toute stigmatisation insupportable. Quelle que soit la façon dont on est français, on ne l'est pas à moitié ; on est français avec les mêmes droits et les mêmes devoirs. Par esprit de consensus, je vous proposerai de remplacer la déchéance de nationalité par une déchéance de citoyenneté.

Que deviendrait enfin une telle sanction si elle tombait entre les mains d'un gouvernement peu respectueux des droits de l'homme ? Je ne veux pas me rendre complice d'un crime contre les citoyens de France. (Applaudissements sur la plupart des bancs des groupes socialiste et républicain et communiste républicain et citoyen ; Mme Françoise Laborde applaudit aussi)

M. Gaëtan Gorce .  - La déchéance de nationalité pose des problèmes de principe. Le Conseil d'État, en considérant que son extension pouvait se heurter à des principes constitutionnels, a reconnu qu'elle revenait à retirer à quelqu'un un élément constitutif de sa personne, à lui infliger une mort civile.

On l'a d'abord limitée aux binationaux, y compris de naissance. Mais à la différence de ceux qui ont acquis la nationalité, les Français de naissance n'ont pas conclu un contrat avec la nation, c'est la loi qui s'est appliquée à eux, et la nationalité française fait partie depuis toujours de leur identité. On voudrait leur retirer le terreau où ils ont grandi ? Jusqu'ici, le législateur avait pourtant considéré que même un Français d'acquisition ne pouvait se voir retirer la nationalité plus de dix ou quinze ans après sa naturalisation, tant il s'était enraciné dans la nation !

On a ensuite proposé d'étendre la déchéance à tous, quitte à créer des apatrides. Cela procède d'un déni de réalité : on fait comme si les terroristes n'avaient jamais appartenu à la communauté nationale. Il faut pourtant l'assumer, si l'on veut s'attaquer au problème !

Que gagnera-t-on à cette mesure ? Rien. On aura seulement mis en cause le respect dû à la personne humaine, même celle d'un terroriste. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste et républicain)

M. David Assouline .  - Notre belle France a été frappée, avec une violence et une lâcheté inouïe, et avec elle la République et ses valeurs universalistes : la liberté de ceux qui n'hésitent pas à caricaturer les puissants, l'égalité de ceux qui s'assemblent aux terrasses des cafés pour danser ou écouter de la musique, qui fait aussi que les juifs vivent sans être pourchassés ou discriminés, la laïcité qui respecte les religions sans en imposer aucune. C'est en restant fidèles à ces valeurs qu'il nous faut combattre la barbarie.

Je voterai contre cet article 2, dont l'effet dissuasif sera nul : c'est autour de mesure concrètes que peut se faire l'unité nationale. Si c'est un symbole, non seulement il n'a pas sa place dans une Constitution, mais il est contre-productif : aux binationaux, il laisse entendre que l'on fait prévaloir l'identité sur l'égalité ; il divise le camp républicain, qui a déjà fort à faire contre le camp nationaliste et populiste.

Le Conseil d'État relève que l'extension de la nationalité pourrait être contraire à un principe républicain. Raison de plus pour ne pas l'inscrire dans notre Constitution républicaine !

Fidèle à mes engagements de trente ans, je voterai contre cet article. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes socialiste et républicain et communiste républicain et citoyen)

M. Alain Duran .  - Fils de binational, viscéralement attaché aux valeurs républicaines, je suis en désaccord profond avec cet article. La question est : comment des individus basculent-ils dans la haine anomique de leur propre société ? Comment lutter contre le terrorisme sans céder sur nos grands principes ? La déchéance de nationalité n'est pas une réponse à la hauteur. C'est pourquoi je voterai l'amendement de suppression déposé par Mme Khiari. (Applaudissements sur les mêmes bancs)

M. Jean-Pierre Sueur .  - Je soutiens le président de la République et le Gouvernement, mais suis en désaccord avec la mesure qui nous est ici proposée, dans la version de l'Assemblée nationale comme dans celle de notre commission des lois. Non seulement elle n'aura aucun effet concret contre la folie meurtrière des terroristes, mais elle conduit soit à créer des apatrides, soit à faire un sort particulier aux 5 millions de binationaux. Bien sûr, la déchéance ne concerne que des criminels, mais les binationaux que j'ai rencontrés voient dans le texte une discrimination insupportable à leur égard. Telle est ma part de vérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; Mme Françoise Laborde et M. Pierre Laurent applaudissent aussi)

M. Yves Daudigny .  - Face au terrorisme, l'unité nationale s'impose, dans l'action, et je salue la fermeté et la dignité avec lesquelles le président de la République et le Gouvernement ont réagi aux attentats. Alors que la menace reste élevée, nous avons un devoir d'efficacité, et c'est pourquoi j'ai voté ce matin l'article premier qui constitutionnalise l'état d'urgence.

L'article 2 pose plus de difficultés, notamment au regard de l'interdiction de créer des apatrides énoncée par la Convention européenne sur la nationalité de 1997. Patrick Weil, auditionné en commission, nous incitait à la plus grande prudence au moment de toucher aux règles de la nationalité et de la citoyenneté. (Mme Françoise Laborde abonde) Je voterai la suppression l'article 2, mais proposerai d'inscrire à l'article 34 de la Constitution une peine de dégradation des droits civiques. Une telle mesure serait proportionnée, dans une France plus que jamais unie et diverse, multiple et harmonieuse, comme disait Aimé Césaire. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Gilbert Roger .  - Je suis contre la déchéance de nationalité : inefficace, elle vise en pratique les binationaux, ce qui crée deux catégories de Français dans la Constitution. Contrairement à ce que certains soutiennent, le djihadiste n'est pas forcément issu de l'immigration. Un seul des terroristes du 13 novembre était binational, en l'espèce, un franco-belge. Déchu de sa nationalité française, il aurait pu continuer de circuler en France ! Enfin, notre code civil permet déjà de déchoir les terroristes de la nationalité. (Applaudissements sur les mêmes bancs ; Mme Brigitte Gonthier-Maurin applaudit aussi)

M. Jean-Yves Leconte .  - Être Français, c'est adhérer à un projet collectif. Face aux déchirures du pays, notre impératif catégorique est de resserrer les liens de chaque Français avec la nation, en renforçant la démocratie et en refusant la xénophobie et l'intolérance. Si le Parlement votait cet article 2, les terroristes auraient gagné, nous ne serions plus la France, debout, fière et républicaine. Nous créerions un animal humain, dépourvu de droits, c'est inacceptable. (Mme Marie-Noëlle Lieneman, MM. Gaétan Gorce, Jean-Yves Leconte, Richard Yung et Mme Bariza Khiari applaudissent ; applaudissements également sur quelques bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Philippe Bonnecarrère .  - Pour ma part, je voterai l'article 2 comme l'article premier, tout en reconnaissant son caractère symbolique. Les terroristes s'excluent eux-mêmes de la communauté nationale. La commission a été bien inspirée de rendre à l'exécutif, à qui cette compétence appartient, la faculté de prononcer la déchéance, et de ne pas s'engager sur la voie peu glorieuse de l'apatridie. Notre droit interne s'y oppose, M. Mercier l'a dit, mais aussi le droit européen - l'article 20 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) et l'arrêt Rottmann de la CJUE de mars 2010 - sans compter nos conventions internationales. Voulons-nous que le Conseil constitutionnel s'engage dans la voie d'un contrôle de conventionalité, ce qu'il ne manquerait pas ici de faire ?

Mme Michelle Meunier .  - Cet article a fait couler beaucoup d'encre, nous aurions pu nous passer de ces polémiques. Au lendemain des attentats, nous voulions nous rassembler et rassembler ceux qui aiment la France autour de notre devise républicaine : liberté, égalité, fraternité.

La déchéance de nationalité divise, elle oppose plusieurs catégories de Français au lieu d'inclure et de promouvoir la diversité. Je voterai contre l'article, et soutiendrai la création d'une peine de privation des droits civiques, en même temps que l'extension du droit de vote aux élections locales aux résidents étrangers. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste et républicain et sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen ; Mme Françoise Laborde applaudit aussi)

M. Pierre-Yves Collombat .  - Je ne voterai pas cet article. Premièrement, parce que la déchéance de nationalité existe déjà dans le code civil. Deuxièmement, parce que cette mesure s'adresse non aux terroristes, qui s'en pareront comme d'un titre de gloire, mais aux électeurs de 2017. Faute d'autre bilan, on transforme la Constitution en code pénal...

Bien malin qui pourra reconnaître ici une déchéance pour tous - le Gouvernement entend rendre opposables nos engagements internationaux contre l'apatridie. Le moment est-il bien choisi, alors, pour créer deux catégories de Français, si tant est qu'il existe un bon moment ?

Enfin, une grande nation comme la nôtre peut-elle se laver les mains de ses criminels ? Et si les autres en faisaient autant ? Que ferions-nous de ceux qu'on nous renverrait ? S'il y a là un symbole, c'est celui de la victoire des terroristes ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et communiste républicain et citoyen)

M. Jacques Mézard .  - Cela ne vous surprendra pas que je refuse cet article 2, après avoir rejeté l'article premier.

Je maintiens que ce texte n'est pas de rassemblement et qu'il est inutile. On parle de symbole... Je m'inquiète toujours quand on parle plus de symbole que de droit. La loi, pas plus que la Constitution, n'est immuable ; mais utiliser ce texte pour des objectifs peu conformes avec l'idée de rassemblement, ce n'est pas bien. L'urgence est maintenant que ce projet de loi constitutionnel tombe en déchéance. Poursuivre ce débat n'est pas sain, nos concitoyens attendent autre chose.

Enfin, monsieur le ministre Urvoas, pas de Sénat-bashing ! Ne rejetez pas sur le Sénat l'échec de ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE, UDI-UC, Les Républicains, communiste républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Jean-Marc Gabouty .  - Revenons aux origines de cette initiative : à Versailles, nous avons écouté et applaudi debout le président de la République. Était-ce une approbation sans réserve ? Non, la déchéance a été évoquée mais ce n'était ni un pacte, ni un serment, comme certains l'ont dit hier un peu hâtivement. On ne devrait pas réviser la Constitution sous le coup de l'émotion.

On parle beaucoup de déchéance mais peu de nationalité. La nationalité, c'est l'appartenance juridique d'une personne à la population constitutive d'un État - la définition donnée par Larousse est assez vague. Ce n'est pas une situation évolutive, pas plus que l'affirmation renouvelée d'adhésion à un socle de valeurs : c'est un état. Une République forte doit assumer la responsabilité de tous les Français, même de ceux qui commettent les crimes les plus horribles, en les sanctionnant et en s'assurant de leur contrôle.

La déchéance de nationalité est une fragilisation du droit du sol, dont pourront se réjouir les mouvements qui prospèrent de façon malsaine sur notre sol. (Mmes Marie-Noëlle Lienemann et Brigitte Gonthier-Maurin applaudissent)

M. Michel Mercier .  - La déchéance de nationalité marque bien la complexité de la notion même de nationalité, attribut essentiel de la personne mais aussi attribut essentiel de l'État, qui choisit les conditions dans lesquelles il l'accorde et la retire depuis 1803.

M. Pierre Laurent.  - Toujours appréciée de façon positive...

M. Michel Mercier.  - Permettez que je termine mon raisonnement. La nationalité est dans notre droit depuis deux siècles, la limite est aujourd'hui celle-ci : ne pas créer d'apatride. Limiter la déchéance de nationalité aux terroristes, à ceux qui ne sont plus loyaux à l'État qui les protège, c'est tout de même assez restreint. Je crois que les Français comprennent cela. L'intérêt de la constitutionnalisation, c'est de fixer un cadre qui évitera tout dérapage législatif futur. (M. Philippe Bas renchérit) C'est par conséquent un vrai progrès. Je voterai l'amendement de Philippe Bas.

Mme Éliane Giraud .  - J'ai été satisfaite de voir le président de la République impliquer rapidement et nettement la représentation nationale à Versailles. Le Sénat n'a pas à s'aligner sur l'Assemblée nationale ; il n'a pas non plus à oublier ce qui y a eu lieu. Refuser tout compromis avec l'Assemblée nationale, se poser en redresseur d'histoire, c'est méconnaitre le sens de l'histoire.

M. Philippe Dallier.  - Drôle d'histoire alors...

Mme Éliane Giraud.  - La rédaction de l'Assemblée nationale est équilibrée et constitue la réponse adéquate. Je voterai contre la position de la commission des lois.

M. le président.  - Amendement n°18, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Supprimer cet article.

M. Pierre Laurent.  - Nous nous opposons sans hésitation, non à la déchéance de nationalité, mais à sa constitutionnalisation, dont tous les orateurs ont démontré l'incompatibilité avec les idéaux républicains. La Constitution est depuis deux siècles un texte de droit positif dans lequel sont énoncés les droits et les libertés ; on ne peut y inscrire les conditions de leur privation. Elle énonce ce qu'est la nationalité, non comment elle se perd.

Ne confondons pas la Constitution et la loi, maintenons la déchéance de nationalité à sa juste place, celle qui convient aux sanctions prononcées par un juge à titre individuel. L'élargir à tous les Français, c'est faire le lit d'une conception désastreuse de la nationalité, celle de l'extrême-droite. Le refus de l'apatridie ne peut être l'alibi pour justifier la déchéance pour les binationaux.

Le président de la République a changé de position pour des raisons politiciennes. Il est temps d'arrêter ce débat, d'autant que la manoeuvre est en train d'échouer lamentablement...

M. le président.  - Amendement identique n°30 rectifié, présenté par MM. Malhuret, Grand, Bignon et Portelli, Mme Garriaud-Maylam, MM. Barbier et Pinton et Mme Goy-Chavent.

Supprimer cet article.

M. Claude Malhuret.  - La France, pays des droits de l'Homme, voix internationale porteuse d'un message universel, du moins le croyais-je, va rendre des personnes apatrides. La France, pays des droits de l'Homme, voix internationale porteuse d'un message universel, va voter une loi en contradiction avec l'article 15 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948.

Le Premier ministre de la France, pays des droits de l'Homme, se rendant à l'inutilité de la mesure, raconte que c'est un symbole. Mais de quoi ? De la division entre Français de souche et binationaux, à 80 % issus de l'immigration, alors même que le président de la République appelait à l'unité de la France et des Français. Déchéance de nationalité des binationaux ou création d'apatrides, le bateau ivre du Gouvernement navigue entre Charybde et Sylla...

Ne rentrons pas dans un débat nauséabond et absurde, prévenait M. Valls en 2010, appelant à ne pas faire l'amalgame entre immigration et insécurité. Il a changé d'avis depuis. Ce qui était nauséabond en 2010 sent aujourd'hui la rose... Il nous demande de le suivre. Je ne le suivrai pas.

M. le président.  - Amendement identique n°36, présenté par M. Kaltenbach.

Supprimer cet article.

M. Philippe Kaltenbach.  - Si je n'ai eu aucun état d'âme à voter l'article premier, je me suis longuement interrogé sur l'article 2. Dès lors que la déchéance n'est plus une mesure administrative mais une peine complémentaire prononcée par un juge, il est clair que l'article 34 de la Constitution suffit - et que la constitutionnalisation n'est pas nécessaire.

L'article 2, au lieu de rassembler, divise, à gauche comme à droite ; il est perçu comme stigmatisant par les binationaux. Il faut l'abandonner si nous voulons aboutir à un compromis avec l'Assemblée nationale sur l'article premier. Une loi ordinaire suffit pour modifier l'article 25 du code civil. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain et sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. le président.  - Amendement identique n°37, présenté par MM. Gabouty, Cadic, Canevet et Guerriau et Mmes Loisier et Joissains.

Supprimer cet article.

M. Jean-Marc Gabouty.  - L'état d'urgence fonctionnant depuis quatre mois sans difficulté constitutionnelle, l'article premier ne me semblait déjà guère utile. L'article 2, pire, est inutile et dangereux. Inutile, car il ne sera ni préventif ni dissuasif dans la lutte contre le terrorisme ; il pourrait même susciter une certaine fierté de la part de jeunes tentés par la radicalisation... Et si d'autres pays procèdent de même, allons-nous nous repasser des djihadistes d'un pays à un autre ?

Il est dangereux parce qu'il envoie un signal de suspicion, de division et de repli. Distinguer Français multinationaux et mononationaux va à l'encontre même de nos principes constitutionnels. Et nous ne devons pas nous replier sur une vision théorique de la lutte contre le terrorisme, renforçons plutôt les moyens de celle-ci.

Le but de la peine n'est pas de faire plaisir à celui qui l'inflige. Il ne faut pas se donner bonne conscience tout en trompant les Français. Ce débat a assez duré, attaquons-nous aux vrais problèmes. Cette loi dangereuse et inutile abîme la République.

M. le président.  - Amendement identique n°43 rectifié quater, présenté par Mme Khiari, MM. Leconte et Yung, Mmes Ghali et Lepage, MM. Assouline, Anziani et Sueur, Mme Lienemann, M. Gorce, Mme Conway-Mouret, M. Daudigny, Mme Meunier, M. Vaugrenard, Mme Guillemot, M. Néri, Mme Yonnet, M. Roger, Mme Bonnefoy, MM. Godefroy et Masseret, Mme Claireaux, MM. Durain, Mazuir, Labazée, Cabanel, Duran, Madrelle, Raynal, Patient et Patriat et Mmes S. Robert et Blondin.

Supprimer cet article.

Mme Bariza Khiari.  - Notre assemblée se divise : c'est le piège qui nous est tendu par les terroristes. L'union se construit sur des valeurs, sur un combat partagé. Cet article n'est ni solide ni clair juridiquement. Nous rejetons la fausse alternative entre apatridie et ciblage des binationaux et faisons le choix de l'égalité.

Quels seraient les effets diplomatiques d'une telle mesure ? Course à la déchéance ? Affirmation de la supériorité de la nationalité française sur les autres ? Quelle serait notre réaction si un binational français commettait un attentat à l'étranger et serait déchu de son autre nationalité : la France accepterait-elle de l'accueillir sur son sol ? Nous avons vu les conséquences l'an dernier d'une légère brouille avec un pays ami dont la collaboration est indispensable dans la lutte contre le terrorisme. L'affaire a beaucoup mobilisé notre commission des affaires étrangères et le Quai d'Orsay...

Nous demandons la suppression de l'article 2. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain)

M. le président.  - Amendement identique n°56 rectifié, présenté par Mmes Benbassa, Aïchi, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Poher.

Mme Esther Benbassa.  - Les acrobaties rhétoriques ont créé la confusion. Quels que soient les termes choisis, la situation est simple : nos engagements internationaux nous empêchent de créer des apatrides. L'article 2 ne vise en réalité que les binationaux et aboutira à les stigmatiser. On peut répéter sur tous les tons qu'elle ne concerne que les terroristes et n'est pas si grave, un grand nombre de nos concitoyens binationaux se sentent blessés. Le mal est fait.

L'espoir était grand en 2012 de voir cesser ces manipulations politiciennes, de rompre avec des divisions artificielles. Las, le gouvernement socialiste s'est rallié à une idée défendue de longtemps par l'extrême droite sous couvert de renforcer l'unité nationale... Arrêtons ce débat douloureux, il n'est que temps. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. le président.  - Amendement identique n°71 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Amiel, Arnell, Collin, Fortassin et Guérini, Mme Jouve, M. Hue et Mme Laborde.

M. Jacques Mézard.  - J'ai souvenance du débat que nous avons eu il y a quatre ou cinq ans sur l'identité nationale. L'exécutif avait alors eu la sagesse de mettre fin au débat dans les meilleurs délais. Aujourd'hui, plus tôt il finira, mieux ce sera. Ceux qui commettent des actes barbares seraient sans doute trop contents d'assister à nos échanges... L'unanimité affichée à Versailles suffisait, essayer de rebondir a les résultats que l'on sait... Tournons la page le plus rapidement possible.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - La meilleure manière de vous convaincre de ne pas adopter ces amendements de suppression sera d'examiner l'amendement n°14 de la commission. C'est pourquoi je demande son examen en priorité. (M. le garde des sceaux donne son accord)

La priorité est de droit.

M. le président.  - Amendement n°14, présenté par M. Bas, au nom de la commission.

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

«  -  la nationalité, dont la déchéance, prononcée par décret pris sur avis conforme du Conseil d'État, ne peut concerner qu'une personne condamnée définitivement pour un crime constituant une atteinte grave à la vie de la Nation et disposant d'une autre nationalité que la nationalité française ;

M. Philippe Bas, rapporteur.  - La commission des lois a longuement délibéré de cet important amendement. Je laisserai de côté toute considération qui ne serait pas à la hauteur de nos débats de grande qualité. J'observe également que la plupart des amendements adoptés jusqu'ici l'ont été à une large majorité, sinon à l'unanimité. Mes considérations sont de fond, non de technique parlementaire ou d'arithmétique politique.

Le point de départ de ce texte, c'est la lutte contre le terrorisme. Mais disons-le tout net : la déchéance de nationalité n'est pas un moyen de combattre le terrorisme, ni pour dissuader les terroristes, ni pour les punir - le Premier ministre l'a reconnu hier. Rien n'arrête, sinon la force, ces barbares qui se suicident après avoir tué.

M. Roger Karoutchi.  - Dommage qu'ils ne le fassent pas avant...

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Bruno Retailleau l'a magistralement démontré hier : la déchéance de nationalité est d'abord un symbole qui a trait à l'appartenance à la nation française, à ce qu'est le fait même d'être Français.

Quelle que soit la façon dont l'on devient Français, il n'est qu'une façon de l'être.

M. Alain Néri.  - Ça c'est vrai !

M. Philippe Bas, rapporteur.  - La nationalité française transforme l'individu en citoyen, elle n'est pas une nationalité comme les autres. Notre tradition républicaine reconnaît la trahison, l'enrôlement dans une armée étrangère, la commission de crimes extrêmement graves comme légitimant le retrait de la nationalité française.

Nous considérons tous qu'il est anormal de distinguer les Français par acquisition des Français de naissance pour l'application de la déchéance de nationalité. Nous avons également un large accord pour estimer que l'inscription d'un principe dans la Constitution est un élément fondamental pour définir ce qu'est être français. Il appartient au pouvoir constituant de décider de ce qui relève du pacte républicain ; et qu'est-ce qui en relève plus que la nationalité et les conditions de son retrait ? La déchéance de nationalité n'est pas indigne de figurer dans la Constitution. La constitutionnaliser est une nécessité politique majeure.

Nous sommes de même d'accord pour dire que la France, c'est son honneur, ne saurait créer d'apatrides. Vous vouliez naguère inscrire clairement cette exigence, monsieur le Premier ministre, mais vous avez plié devant les difficultés rencontrées avec votre majorité à l'Assemblée nationale - et elle seule.

D'où cet amendement n°14, qui garantit contre l'apatridie, étend la possibilité de déchéance aux Français de naissance, prescrit que la déchéance ne peut être prononcée qu'après condamnation définitive et se décide par décret en Conseil des ministres sur avis conforme du Conseil d'État.

Mme Éliane Assassi.  - Compte tenu de la modification de l'ordre d'examen des amendements, je demande une suspension de séance.

La séance, suspendue à 18 h 05, reprend à 18 h 15.

Rappel au règlement

M. Pierre Laurent.  - L'appel en priorité de l'amendement n°14 modifie l'ordre de la discussion. Nous regrettons que le Gouvernement l'ait accepté plutôt que d'aller au bout du débat en mettant au vote des amendements de suppression issus de tous les groupes du Sénat. Après n'avoir cessé de déplorer que la droite faisait échec au compromis, le Gouvernement s'aligne sur la position de la commission des lois...

Vous offrez la possibilité au président de la commission de faire prévaloir sa demande. L'issue sera de toute façon la même : une impasse, car le compromis n'en sera pas moins inacceptable par ceux qui le refusent déjà ! Nous demanderons à ce que notre amendement de suppression soit examiné, même si l'amendement de la commission est adopté : s'il récrit une partie de l'article, nous persistons à vouloir le supprimer dans son ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen ; M. Jean-Pierre Godefroy applaudit également)

M. Alain Néri.  - Je demande la parole !

M. Gaëtan Gorce.  - Moi aussi !

M. le président.  - En application du règlement, je ne peux vous la donner.

M. Alain Néri.  - C'est scandaleux ! Pourquoi ne donner la parole qu'au camarade Pierre Laurent ? (Marques d'impatience à droite ; M. Gaëtan Gorce brandit un exemplaire du Règlement du Sénat)

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE 2 (Suite)

Le sous-amendement n°20 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par MM. M. Mercier et Zocchetto, Mme Gourault et M. Détraigne.

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« - la nationalité, dont la déchéance ne peut concerner qu'une personne condamnée définitivement pour un crime constituant une atteinte grave à la vie de la Nation et disposant d'une autre nationalité que la nationalité française ;

M. François Zocchetto.  - Nous n'avons pas pris l'initiative de ce débat : que le président de la République et le Gouvernement assument leurs responsabilités ! La déchéance de nationalité n'est pas une mesure nouvelle, puisque la France la prononce depuis 1803. Ce Gouvernement en a prononcé, à juste titre.

En la matière, il n'est pas de bonne solution. Choisissons la moins mauvaise. Les Français ne sont pas égaux : certains sont Français de naissance, d'autres par acquisition ; certains sont seulement Français ; d'autres ont une nationalité en plus. La disposition du code civil ne suffit pas, la Constitution doit clarifier les choses. La nationalité procède de cette part de souveraineté nationale qui relève de l'exécutif.

La déchéance de nationalité ne concernera que les personnes définitivement condamnées pour un crime. Les actes les plus graves, en matière de terrorisme, doivent être criminalisés. La déchéance doit s'appliquer aux personnes qui ont une autre nationalité.

Notre responsabilité est de ne pas créer d'apatrides, ce serait une aberration au regard de notre tradition républicaine. Elle poserait d'évidents problèmes de conformité à nos engagements internationaux.

Enfin, elle serait inefficace. Que ferions-nous d'apatrides que l'on ne pourrait expulser et bénéficierait, en plus d'un régime privilégié ?

La rédaction de l'Assemblée nationale est fragile, parce qu'elle résulte d'un compromis difficilement obtenu au sein même de sa majorité. D'où notre amendement, que je retire au profit de celui du rapporteur Bas, l'amendement n°14, dont la rédaction est proche. (Applaudissements au centre)

L'amendement n°2 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°72 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Arnell, Collin et Fortassin, Mmes Jouve et Laborde et M. Requier.

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« - la nationalité, dont la déchéance ne peut concerner qu'une personne condamnée définitivement pour un crime constituant une atteinte grave à la vie de la Nation et, dans le cas d'une personne disposant d'une autre nationalité que la nationalité française, ne peut être prononcée après que l'autorité étatique de son autre nationalité en a antérieurement prononcé la déchéance ;

M. Pierre-Yves Collombat.  - Si les autres pays nous imitent dans la voie de la déchéance de nationalité, et si nous la réservons aux binationaux, nous risquons d'avoir des surprises, d'être obligés d'accueillir des personnes déchues de leur autre nationalité sur notre sol.

Prenons conscience de la galère dans laquelle nous nous engageons, comme si nous n'avions pas suffisamment de problèmes, bien réels, à régler !

L'amendement n°3 rectifié n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°31 rectifié, présenté par MM. Malhuret, Grand, Bignon et Portelli, Mme Garriaud-Maylam et M. Barbier.

Alinéa 2

Supprimer les mots :

ou un délit

M. Claude Malhuret.  - Cet amendement tombera dès que celui de la commission sera voté. Aussi m'expliquerai-je à son propos, sur les amendements de suppression, dont le mien, qui n'ont pu être défendus. Seuls les imbéciles ne changent pas d'avis, dit-on...Soit. Le président de la République est intelligent.

Je pourrais multiplier les citations pour démontrer avec quelle force François Hollande refusait, il n'y a pas si longtemps d'ailleurs, jusqu'en juillet 2015, la déchéance de nationalité et voici qu'il se contredit, quelques mois plus tard, en nous servant sur un plateau cette mesure défendue de tout temps par l'extrême droite. Avec quelles conséquences ? Pour quelle efficacité ?

Comment les autres pays réagiront à nos exportations de terroristes ? Dans le sens inverse, nous considérerions que la France n'est pas une « poubelle », ou une « déchetterie » selon les termes que Mme Taubira a utilisés avant de claquer la porte du Gouvernement. Ce texte n'en continue pas moins à porter sa signature, ce qui doit l'empêcher de dormir...

Monsieur le garde des Sceaux, vous non plus, ne manquiez pas de termes choisis pour vous opposer, en 2010, à cette mesure. Pour quels motifs avez-vous donc changé d'avis ? Monsieur le Premier ministre, vous aussi, vous avez changé d'avis, alors que vous qualifiiez ce débat, en 2010, de « nauséabond »...

Quant à moi, je n'ai pas changé d'avis sur cette mesure lancée par le FN. C'est pourquoi j'avais proposé la suppression de l'article. Je ne voterai ni l'amendement de la commission ni cet article. (Applaudissements sur plusieurs bancs à droite)

M. Philippe Bas, rapporteur.  - L'amendement n°2 est satisfait par l'amendement de la commission des lois. Monsieur Collombat, Aucun décret de déchéance de nationalité n'est pris sans vérification préalable que la personne en cause possède bien une autre nationalité. Le Gouvernement doit en apporter la preuve, devant le Conseil d'État. Retrait de l'amendement n°31 rectifié, qui est également satisfait par l'amendement n°14...

M. Jacques Mézard.  - Tout à fait.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Enfin il n'est pas question de déchoir quiconque de sa nationalité pour un simple délit.

M. Manuel Valls, Premier ministre.  - Nous arrivons à un moment important de notre discussion. Je vais, non pas tenter de vous convaincre, mais d'expliciter les motifs de l'avis défavorable du Gouvernement à l'ensemble de ces amendements.

Merci pour ce débat de très grande qualité. Il est vrai que ces attentats terribles nous ont tous amenés à repenser ce que signifie « être Français », à réfléchir à ce qu'est notre nation. Au-delà des symboles, il y a les actes, les propositions faites par le président de la République dès le 16 novembre. Il y l'action, sur le terrain, de la police, de la gendarmerie, des services de renseignement, de la justice. Il y a aussi la mobilisation de la société contre le phénomène de la radicalisation. Il y a les moyens considérables que nous avons déployés afin que nos forces de sécurité, notre justice, travaillent et qu'il faudra continuer à engager pendant des années.

Le simple fait que les deux jeunes filles qui ont été appréhendées il y a quelques jours aient pu imaginer ou vouloir - l'enquête le dira - commettre des attentats semblables à ceux du 13 novembre est révélateur. Il ne se passe pas de semaine sans que nos services arrêtent des personnes déterminées à passer à l'acte. Le défi est sans précédent pour notre communauté nationale. C'est en réponse à cela que le président de la République a proposé la révision constitutionnelle.

Oui, monsieur Malhuret, on peut multiplier les citations...parfois tronquées ! Sans polémiquer, je rappelle que nous examinons la déchéance de nationalité pour les actes de terrorisme, non pour d'autres crimes, quelle que soit leur gravité, mais qui sont d'une nature différente, car il s'agit de la réponse proposée par le président de la République à ceux qui veulent nous détruire, abolir ce que nous sommes, mettre à bas nos valeurs.

Alors, oui, nous changeons, nous évoluons, loin de toute caricature. À la suite des attentats, nous avons repris une proposition, venue de la droite, à laquelle nous étions jusque-là opposés. Le choc a été tel que la société a changé.

Au fond, ce qui nous sépare, sur cette question, n'est pas énorme et se trouve dans l'argumentation de M. Zocchetto : soit l'on vise les seuls binationaux, soit l'on crée des apatrides, même s'il s'agit, encore une fois, de terroristes, d'auteurs d'actes terroristes.

La commission des lois préfère une décision de l'autorité administrative, là où le Gouvernement et l'Assemblée nationale préfèrent une décision prononcée par l'autorité judiciaire. Pourquoi le Sénat fait-il preuve de cet attachement à géométrie variable à l'autorité judiciaire ? Il voulait renforcer son rôle à l'article premier ? Le juge sera le garant d'une sanction juste, individualisée, efficace.

La commission des lois insiste sur la proportionnalité, notre rédaction offre justement au juge une palette de sanctions plus opérante, s'agissant des crimes et délits les plus graves.

Vous visez explicitement les binationaux, quand le Gouvernement et l'Assemblée nationale ont accepté que tout terroriste puisse être déchu de sa nationalité, même si les conventions internationales limitent les risques de créer des apatrides.

Ni moi, ni le garde des Sceaux, ni le ministre des relations avec le parlement n'avons jamais attendu un vote conforme du Sénat dès la première lecture. Nous savions qu'à ce stade le Sénat souhaitait marquer le texte de son empreinte. (M. Gérard Larcher le confirme)

Le débat est légitime. Étant donné les points de désaccord, l'entente avec l'Assemblée nationale sera difficile. J'ai voulu rassembler les trois cinquièmes à l'Assemblée nationale, nous savions d'emblée qu'ils ne seront pas réunis au Sénat, autour de la proposition de votre commission des lois. D'où les mots un peu durs que j'ai tenus hier. Plus élégamment, et comme l'a rappelé le président de la République, qui a suivi de près ce processus, il appartient au Parlement d'assumer son rôle de Constituant.

Après votre vote, nous devrons, si nous partageons la même idée de la nation, trouver un texte commun. Les Français pourraient se lasser d'une navette qui durerait trop longtemps.

Je ne vous apprendrai rien en constatant qu'à cet égard, l'amendement n°14 nous complique la tâche. Mais s'il y a une volonté, il y a un chemin. En attendant, avis défavorable à l'amendement n°14. (MM. Didier Guillaume, Jean-Pierre Sueur, Claude Bérit-Débat et Mme Stéphanie Riocreux applaudissent ainsi que M. Philippe Bonnecarrère)

M. Alain Néri.  - Jusque-là, le débat s'était déroulé dans un climat serein, marqué par le respect mutuel. Puis la commission des lois a choisi de modifier l'ordre de discussion des amendements à l'article 2. C'est regrettable : nous n'avons pas pu examiner notre proposition d'indignité nationale qui aurait pu être consensuelle, et affirmer l'unité de la nation France face au terrorisme. En donnant son accord à ce procédé, le Gouvernement s'est privé de cette possibilité.

Nous refusons toute stigmatisation des binationaux. Pourquoi ne pas nous rassembler autour de la notion de déchéance de citoyenneté ? Ce débat est une occasion manquée. Dommage ! Personne n'a le monopole de la République. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Roger Karoutchi.  - Je l'ai dit hier dans la discussion générale, je n'ai jamais été partisan de la constitutionnalisation de dispositions de nature législative.

La Constitution de 1958 est bâtie sur deux piliers : l'État et la République. De la nation, elle ne fait guère mention, sauf à l'article 20 : « le Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation... » La nation ne posait pas question en 1958 ; ce qui était fragile, c'était la République ; ce qui était menacé, c'était l'État. Le souvenir du régime de Vichy était dans tous les esprits, la guerre d'Algérie faisait rage. Aujourd'hui, à l'évidence, elle en pose. Avant même que des terroristes s'excluent d'eux-mêmes de la communauté nationale, par leurs actes abominables, en tuant des Français parce que Français, tous ces doutes, ces suspicions, ces interrogations sur ce qu'est devenue la France... Les Français ne savent plus quel est notre destin commun ni même si nous en avons un.

La question de la nation est devenue essentielle. Pour cette raison, bien que je n'y fusse pas favorable au départ, et je m'en suis expliqué avec le président de la commission des lois, inscrire la déchéance de nationalité dans la Constitution est un geste fort. Je voterai l'amendement de M. Bas.

Ce qui est en jeu n'est pas le sort du terroriste prêt à mourir en tuant, qu'il soit binational ou national, c'est la nation ! (Applaudissements sur de nombreux bancs au centre et à droite)

M. Gaëtan Gorce.  - Je regrette à mon tour cette manoeuvre à laquelle la commission des lois et le Gouvernement ont recouru en demandant la priorité sur l'amendement n°14. (Exclamations à droite)

M. Philippe Bas, rapporteur.  - C'était la logique...

M. Gaëtan Gorce.  - On ne peut pas définir la nation en regardant dans le rétroviseur, vers le passé, comme l'a montré l'aporie du funeste débat sur l'identité nationale, ni de façon négative, contre les terroristes. La France existe par elle-même : ses traditions, son histoire, son avenir.

Et c'est en se tournant résolument vers l'avenir que l'on peut lui donner tout son sens. Les terroristes eux-mêmes se sont mis hors la nation. La meilleure réponse est de nous projeter en avant.

Pourquoi ne pas recourir, dans cet esprit, hautement et pleinement symbolique, à la citoyenneté d'honneur qui existait sous la Révolution, pour la conférer, par exemple, à ces femmes kurdes qui se battent, sur le terrain, en Syrie et en Irak, contre Daech ? La République ne se définit pas par l'exclusion. (M. Jean-Yves Leconte et Mme Leila Aïchi applaudissent)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le règlement du Sénat a le mérite d'autoriser chacun à prendre la parole sur les articles. Ensuite, nous pouvons passer au vote...

Mme Isabelle Debré.  - Tout à fait !

M. Roger Karoutchi.  - Il est grand temps !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Aussi ceux qui doutent de la solidité de la rédaction de l'Assemblée nationale ont pu s'exprimer. Ceux qui, comme moi, doutent plus encore de celle de l'amendement n°14 de la commission des lois aussi. Je ne le voterai pas, parce qu'il n'applique la déchéance de nationalité qu'aux binationaux...

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - C'est clair.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Les cinq millions de binationaux qui vivent en France le perçoivent comme une inégalité. Cela même sera exploité dans un sens très préjudiciable.

J'espère que nous nous retrouverons au Congrès autour de l'essentiel : ce qui nous rassemble, l'inscription de l'état d'urgence dans la Constitution, et ce qui devrait nous rassembler, la réforme conférant au Parquet son indépendance.

M. David Assouline.  - Monsieur Karoutchi, la Constitution définit ce qu'est la France...

M. Roger Karoutchi.  - En aucun cas ! Personne ne peut définir la France.

M. David Assouline.  - Si, elle définit la France, en son article premier : « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion...

M. Roger Karoutchi.  - Alors, la Constitution définit la République, non la France...

M. David Assouline.  - Mais si ! Elle définit parfaitement la France, et c'est cela, ma conception de la France, qui n'a rien à voir avec celle de M. Rachline, qui se tait, en assistant à notre débat en souriant, au fond de l'hémicycle ! L'Assemblée nationale a compris qu'il était inacceptable que tous les Français n'aient pas les mêmes droits, qu'ils ne soient pas passibles des mêmes sanctions. Les binationaux le vivent mal. (Marques d'impatience à droite) Voilà qui rappelle de mauvais souvenirs, l'époque où la nationalité de papier pouvait être retirée à tout moment. Les symboles comptent ! (Même mouvement)

Mme Éliane Assassi.  - À mon tour, après Pierre Laurent, de dénoncer la manoeuvre du président Bas. Oui, l'inversion de l'ordre logique de discussion des amendements, manoeuvre indigne de notre Haute Assemblée, a empêché la discussion de solutions de compromis.

Le groupe communiste républicain et citoyen ne peut pas voter l'amendement n°14 qui stigmatise les binationaux.

M. Alain Anziani.  - Monsieur le président de la commission des lois, l'artifice de procédure auquel vous avez eu recours est aussi inutile et incompréhensible que la déchéance de nationalité !

Alors que le débat était constructif, M. Bas a sorti une baguette magique pour l'escamoter. On ne discute plus du fond, de la déchéance de nationalité, mais de ce moyen de procédure...

M. Jean-Claude Lenoir.  - Voulez-vous que je demande la parole ? (Sourires à droite)

M. Alain Anziani.  - J'allais saluer l'artiste mais ce serait lui rendre un hommage inapproprié. Ce procédé témoigne en vérité d'une grande fébrilité. Nous ne voterons pas ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Marc Laménie.  - Sur une question aussi complexe, on peut toujours être tenté par le hors sujet... Ce débat est assurément très sensible. L'amendement de la commission des lois a le mérite de le recadrer.

Revenons donc à l'essentiel, la lutte contre le terrorisme et à une mesure qui ne s'appliquera qu'aux terroristes. C'est ce que nos concitoyens attendent. J'espère que le bon sens l'emportera et que le Sénat votera l'amendement n°14 de la commission des lois qui apporte une solution.

Mme Laurence Cohen.  - Ce débat, grave et important, était de haute tenue, contrairement à ce que certains pensent, je peux changer d'avis si l'on me convainc. (M. le Premier ministre sourit) Ce n'est pas le cas et cela l'est d'autant moins face à un contradicteur qui pratique l'esquive, en prenant le risque de l'inefficacité et de la stigmatisation.

Le Gouvernement n'a visiblement pas pris la dimension du problème. En dépit des réserves affichées, il s'est entêté et nous voici dans l'impasse.

Nous ne sommes pas moins déterminés que vous à combattre le terrorisme. Mais pour lutter contre le terrorisme, il faut renforcer les moyens de la police, de la justice, de l'éducation nationale...

M. Manuel Valls, Premier ministre.  - Vous n'avez cessé de voter contre !

Mme Laurence Cohen.  - Dans le Val-de-Marne, le juge ne dispose que de trois minutes trente pour statuer sur une garde à vue. Le conseiller du service pénitentiaire d'insertion et de probation n'a qu'une demi-heure à une heure, au maximum, pour s'entretenir avec un détenu de sa réinsertion ! C'est à juste titre que le syndicat de la magistrature et le syndicat des avocats de France dénoncent cette non-assistance à justice en danger ! C'est là-dessus que nos concitoyens attendent des réponses et qu'il faut mobiliser l'Assemblée nationale et le Sénat !

Mme Bariza Khiari.  - Avec Mme Conway-Mouret et trente-deux collègues, j'avais déposé un amendement de suppression. Bien joué, monsieur Bas, vous l'avez fait tomber. En dépit de mon expérience de la procédure parlementaire, j'avoue que je ne l'avais pas vu venir ! Je m'en veux...

Je ne vous reproche pas d'avoir fait un choix et la commission des lois a fait un choix clair. Puisqu'il en est ainsi, j'aimerais que nous suivions l'exemple des Canadiens qui, après l'émotion, ont renoncé à la déchéance de nationalité des binationaux. J'aimerais que l'on écoute les binationaux. Nous ne pouvons en rester au déni. Les terroristes méritent une sanction exemplaire, mais je refuse la stigmatisation des binationaux. Aussi voterai-je contre cet amendement et contre l'article 2.

M. David Rachline.  - Oui, monsieur Assouline, moi, et les millions d'électeurs que je représente, n'avons pas la même conception de la nationalité que vous. Ils considèrent que vous avez contribué à déconstruire une nationalité à laquelle ils sont attachés, et vous le diront bientôt dans les urnes.

Nous sommes pour la déchéance de nationalité pour les personnes qui véhiculent une idéologie mortifère, nous la proposons depuis des dizaines d'années. La nationalité s'hérite ou se mérite ; aujourd'hui, toutes les acquisitions de nationalité ne sont pas méritées, loin s'en faut. Comme d'autres ici, nous sommes pour la suppression de la binationalité. On peut toujours creuser la piste de l'indignité nationale.

Sans frontières, difficile de contrôler la nationalité, vu le nombre de clandestins sur notre sol. Le droit actuel permet déjà la déchéance de nationalité. Qu'attendons-nous pour la mettre en oeuvre ? Moins de communication, moins d'idéologie, plus d'action ! Expulsons les imams salafistes, fermons leurs lieux de culte, menons une politique étrangère moins idéologique. C'est la seule façon de lutter contre les terroristes.

Nous voterons cet amendement et cet article symboliques, premier pas vers la disparition de notre sol des ennemis de notre pays.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Le président Bas a appliqué le règlement, certes, mais sur un tel texte, il eût mieux valu se dispenser de cette manoeuvre procédurale. Je regrette que le Gouvernement ait donné son accord. Je voterai contre le texte de la commission des lois ; mais je ne suis pas favorable non plus au texte de l'Assemblée nationale. Je suis hostile à la constitutionnalisation de la déchéance de nationalité. Nous aurions pu faire l'économie d'un débat peu glorieux en nous contentant de modifier le code civil (M. Mézard approuve). La France a une certaine image. Les parlementaires suédois, saisis par l'extrême droite, ont refusé la déchéance de nationalité pour des délits en lien avec le terrorisme, par 236 voix contre 45. Ayons la même sagesse ! (Applaudissements sur plusieurs bancs à gauche).

M. Bruno Retailleau.  - Ce qui explique notre présence dans cet hémicycle est bien la lutte contre le terrorisme. Elle sera de longue durée, car une idéologie est plus difficile à anéantir que des individus. Le point de départ de ce débat, c'est aussi la déclaration du président de la République et sa proposition de modifier la Constitution. Nous n'avions rien demandé !

Nous avons jugé l'idée de la déchéance de nationalité utile car elle nous renvoie à ce que nous sommes. Pour mener ce combat, nous devons reprendre possession des raisons qui font que nous sommes un peuple. On lutte avec la volonté, mais pas seulement la volonté individuelle. La France n'est pas une juxtaposition d'individus ou un archipel de communautés. Nous avons trop encouragé la dépolitisation, réduit la vie des peuples à leur existence matérielle. Or nous sommes une nation civique. La France a inventé la façon d'être ensemble à partir du consentement, c'est fondamental.

Monsieur le Premier ministre, vous avez tenté hier d'enfermer la majorité sénatoriale dans une opposition pavlovienne. Or vous avez trouvé une assemblée toujours bienveillante quand il s'agit de protéger les Français. Même si nous n'étions pas tous convaincus, nous avons voté la constitutionnalisation de l'état d'urgence. Vous ne pouvez pas dire que nous ne tendons pas la main !

Sur la déchéance de nationalité, il n'y a pour nous qu'une seule ligne rouge  - celle qu'a aussitôt invoquée le président de la République : l'apatridie, contraire à notre tradition républicaine, qui nous rappelle de mauvais souvenirs, qui est contraire à nos engagements internationaux et que l'ONU s'emploie à faire reculer.

Monsieur le Premier ministre, vous ne pouvez rendre la majorité sénatoriale, très soudée, coupable de vos divisions à l'Assemblée nationale qui ont conduit à dénaturer l'engagement du président de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Didier Guillaume.  - Le groupe socialiste et républicain votera contre l'amendement n°14 et contre l'article 2. Le débat a été intéressant, parfois vif. Une trentaine de membres du groupe ont proposé la suppression de l'article ; d'autres, plus nombreux, souhaitent trouver un accord pour pouvoir aller au Congrès. Nous progresserons si chacune des deux chambres fait un pas l'une vers l'autre.

Le discours de François Hollande à Versailles a été jugé globalement, non sur telle ou telle phrase. La commission des lois cible les binationaux en brandissant l'apatridie. C'est un sujet, certes, mais pas une ligne infranchissable. Dans trente ans, les choses auront peut-être changé, la France aura ratifié des conventions. La révision constitutionnelle doit donner l'image du rassemblement : la déchéance de nationalité est plus qu'un symbole. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain).

M. René Vandierendonck.  - J'ai plus de respect pour un garde des sceaux qui défend son texte que pour un ministre qui claque la porte après avoir contresigné le projet de loi (On s'amuse à droite).

Je suivrai la position du groupe, mais ce ne serait pas une catastrophe si vous ne trouviez pas d'accord avec l'Assemblée nationale et remettiez la déchéance de nationalité dans le cadre de la loi ordinaire, comme le préconise Robert Badinter. Les travaux préparatoires de la Constitution de 1958 montrent que si la nationalité a été confiée en bloc à la compétence du législateur, ce n'est pas pour rien. Si une révision constitutionnelle d'un seul article vous semble trop légère, ajoutez-y donc la réforme du statut du parquet, maillon essentiel pour la réussite de la réforme pénale à venir. (M. Pierre-Yves Collombat applaudit)

M. Jean-Yves Leconte.  - La nation toute entière a été frappée dans sa chair, et la menace reste lourde. Concentrons-nous sur l'essentiel, ne succombons pas au lâche plaisir d'infliger une peine qui nous affaiblit dans la lutte anti-terroriste. Depuis l'annonce, le 23 décembre, de la volonté de déchoir des binationaux nés Français de leur nationalité, ceux-ci se sentent désarçonnés, soupçonnés, stigmatisés. La cohésion nationale est fragilisée.

Nos partenaires étrangers sont stupéfaits : nous éloignerions les terroristes que nous avons engendrés ? L'urgence est de renforcer la coopération internationale, pas de faire du reste du monde la poubelle de la France ! Une nation digne doit assumer ses criminels, en protéger le monde. Cet article irresponsable représente un danger pour notre pays et l'efficacité du combat contre le terrorisme. (M. Jean Desessard applaudit)

M. Jacques Mézard.  - Le vote du groupe RDSE sera différencié. Je n'étais pas défavorable à la demande de priorité sur l'amendement n° 14, y voyant un moyen d'abréger les souffrances de part et d'autre de l'hémicycle. Erreur !

Deux principes contradictoires s'opposent : le principe d'égalité et le refus de l'apatridie. Quand le consensus n'est pas possible, il faut le reconnaître. Je suis de ceux qui concluent leurs discours par un sonore « Vive la République, vive la nation ! ». La nation procède d'un élan unanime. La sagesse serait de renoncer à ce Congrès.

présidence de M. Jean-Pierre Caffet, vice-président

À la demande des groupes Les Républicains, communiste républicain et citoyen et socialiste et républicain, l'amendement n°14 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°182 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 337
Pour l'adoption 187
Contre 150

Le Sénat a adopté.

Les amendements identiques nos18, 30 rectifié, 36, 37, 43 rectifié quater, 56 rectifié et 71 rectifié n'ont plus d'objet, non plus que les amendements nos45 rectifié, 58, 2, 72 rectifié et 31 rectifié.

À la demande des groupes communiste républicain et citoyen, Les Républicains, et du groupe socialiste et républicain, l'article 2, modifié, est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°183 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 336
Pour l'adoption 186
Contre 150

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°15, présenté par M. Bas, au nom de la commission.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 36-1 de la Constitution, dans sa rédaction résultant de la présente loi constitutionnelle, entre en vigueur dans les conditions fixées par la loi organique nécessaire à son application.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Cet amendement maintient le droit actuel dans l'attente de l'adoption de la loi organique qui précisera les modalités d'application de cette réforme constitutionnelle, afin de ne pas fragiliser l'application de l'état d'urgence.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux.  - Avis défavorable car nous ne voulons pas du renvoi à une loi organique.

L'amendement n°15 est adopté et devient article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°44 rectifié bis, présenté par Mmes Khiari, Meunier et Ghali, M. Leconte et Mme Guillemot.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 3 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Peuvent également être électeurs aux scrutins locaux, dans les conditions déterminées par la loi, les étrangers majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques, non ressortissants de l'Union européenne et résidant régulièrement en France. »

Mme Michelle Meunier.  - Il a souvent été question ici de symbole : le droit de vote aux élections locales de milliers d'hommes et de femmes vivant, travaillant et payant leurs impôts en France en est un. Le symbole que la République intègre, rassemble, assure l'égalité en son sein. Le droit de vote est un formidable outil d'intégration pour les étrangers mais aussi pour leurs familles, leurs proches. C'est un rempart contre le communautarisme, car il marque l'appartenance à une communauté de destin. Jouons notre rôle de constituant, en responsabilité et en conscience.

M. le président.  - Amendement n°57 rectifié, présenté par Mmes Benbassa, Aïchi, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Poher.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  Après l'article 72-4 de la Constitution, il est inséré un article 72-5 ainsi rédigé :

« Art. 72-5.  -  Le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales est accordé aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne résidant en France. Ils ne peuvent exercer les fonctions de maire ou d'adjoint, ni participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l'élection des sénateurs. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article. »

II.  -  À la première phrase de l'article 88-3 de la Constitution, les mots : « peut être » sont remplacés par le mot : « est » et le mot : « seuls » est supprimé.

Mme Esther Benbassa.  - Le droit de vote des étrangers a été adopté par l'Assemblée nationale en 2000 et par le Sénat le 8 décembre 2011. Des associations institutionnalisées comme la Ligue des droits de l'homme ou le MRAP le défendent depuis les années 1980, des municipalités ont mis en place des dispositifs associant les résidents étrangers à la vie locale, des conseils municipaux, généraux et régionaux ont adopté des voeux en ce sens, dès 2000, des référendums locaux ont été organisés et plusieurs partis de gauche ont repris cet engagement dans leur programme. Sortons par le haut de ce débat nauséabond tenu au nom d'un prétendu serment du 16 novembre en honorant une promesse de plus de trente ans. La République doit donner des moyens d'expression à ceux qui participent à la vie de la cité, contribuent à ses ressources et respectent ses lois.

M. le président.  - Amendement identique n°65, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Mme Éliane Assassi.  - Le droit de vote des étrangers sera à l'ordre du jour en 2016, annonçait le président de la République en 2014. Pourquoi avoir enterré cette réforme, renié cet engagement en partant du principe qu'elle ne serait jamais votée, quand les deux chambres l'ont déjà adoptée ? La meilleure réponse à l'intolérance est l'ouverture aux autres. Défendons la démocratie par plus de démocratie. Envoyons un message d'unité réelle en réponse au terrorisme, qui se nourrit de l'exclusion. Le peuple français n'a pas mandaté le président de la République pour entreprendre cette révision constitutionnelle, il l'a élu sur ses engagements, dont le droit de vote des étrangers.

Tirons courage de notre désespoir, dit Sénèque. Saisissons l'occasion de cette révision constitutionnelle pour faire preuve de courage politique !

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Je reconnais que les auteurs de ces amendements ont quelque raison de se plaindre qu'un engagement qui figurait déjà parmi les 110 propositions de François Mitterrand n'ait jamais été tenu. Pour ma part, je n'ai jamais été favorable au droit de vote des étrangers, mais je comprends que du point de vue de la morale politique, vous soyez troublés et ayez souhaité saisir de nouveau le Gouvernement de cette question. L'avis de la commission est fermement défavorable.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux.  - Comme à l'Assemblée nationale, avis défavorable. Ce projet de loi a pour objet de donner à l'État les moyens de protéger la nation contre le terrorisme. Ce sujet n'a aucun lien avec le fond de la réforme.

Mme Bariza Khiari.  - Plus que d'appel, cet amendement est de rappel. Je le retire pour des raisons de forme : ce véhicule n'est effectivement pas le bon.

M. Jean Desessard.  - Vous le saviez !

L'amendement n°44 rectifié bis est retiré.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Pour des raisons de forme, le groupe RDSE votera contre. Personnellement, c'est aussi pour des raisons de fond. En France, nationalité et droit de vote sont liés ? Il n'y a eu dans notre histoire qu'une seule exception : dans le département français d'Algérie, où l'on pouvait avoir la nationalité, sans avoir le droit de vote. Ne créons pas deux catégories de citoyens.

Mme Éliane Assassi.  - Les étrangers paient des impôts !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Être membre d'une commune, ce n'est pas seulement être abonné au gaz - même si je défends les services publics autant que vous. (Mme Éliane Assassi s'exclame) La commune est un lieu d'expression démocratique.

Comment cette mesure serait-elle reçue par ceux qui ont fait la démarche de demander la naturalisation ?

Quant aux ressortissants européens... Jusqu'ici, on pouvait penser que l'Europe était une nation en formation. Je ne voterai pas ces amendements.

M. Jean-Yves Leconte.  - Je suis embarrassé : nous avons déjà voté le droit de vote des étrangers en 2011. Beaucoup s'en souviennent, c'était notre premier grand débat au Sénat. Les deux chambres l'ayant voté dans les mêmes termes, c'est désormais au président de la République de convoquer le Congrès sur le sujet. Mieux vaut agir que réagir et dire que toute personne qui vit dans notre pays a le droit d'être citoyen.

M. Didier Guillaume.  - La grande majorité du groupe socialiste votera contre, car la réforme constitutionnelle n'est pas le bon véhicule, même si nous pouvons penser que le droit de vote des étrangers est important.

Mme Éliane Assassi.  - Vous l'avez voté !

M. Didier Guillaume.  - Après les mots apaisants du Premier ministre, du président Retailleau, évitons ce qui pourrait faire échouer la révision constitutionnelle. Ce n'est pas le moment. (Exclamations sur les bancs du groupe écologiste)

M. Philippe Dallier.  - On comprend, après les moments difficiles que la gauche vient de vivre, qu'elle ait besoin de se retrouver...

M. Didier Guillaume.  - Nous avons tous nos moments de souffrance !

M. Philippe Dallier.  - Néanmoins, nous nous rangeons à l'avis du Premier ministre, qui a déclaré en novembre 2015 qu'il n'était pas opportun de rouvrir le débat sur ce sujet.

Mme Éliane Assassi.  - C'est le président de la République qui a été élu, sur cette promesse !

Les amendements nos57 rectifié et 65 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°74 rectifié bis, présenté par Mmes Aïchi, Bouchoux et Blandin et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Bockel.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 66 de la Constitution est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Pour assurer la défense de ses droits et libertés fondamentales, toute personne bénéficie d'un avocat libre et indépendant.

« L'avocat exerce ses fonctions sans entrave dans le respect de sa déontologie, sous le contrôle de son ordre professionnel et dans les conditions prévues par la loi. »

Amendement n°75 rectifié bis, présenté par Mmes Aïchi, Bouchoux et Blandin et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Bockel.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 66 de la Constitution est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Pour assurer la défense de ses libertés fondamentales et des Droits de l'homme, qu'ils soient économiques, sociaux et culturels ou civils et politiques, toute personne doit pouvoir bénéficier d'un avocat libre et indépendant.

« L'avocat exerce ses fonctions sans entrave dans le strict respect de la loi et de sa déontologie. »

Amendement n°73 rectifié bis, présenté par Mmes Aïchi, Bouchoux et Blandin et MM. Gattolin, Dantec, Labbé et Bockel.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 66 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour assurer la défense de ses droits et libertés, toute personne a droit à l'assistance d'un avocat. »

Mme Leila Aïchi.  - Le droit pour toute personne de bénéficier de l'assistance d'un avocat libre et indépendant est aussi un pilier de notre démocratie, une garantie de l'indépendance de la justice. Si l'arsenal antiterroriste est renforcé, il faut consolider en parallèle les droits de la défense, afin de nous prémunir contre toute dérive de l'état d'urgence.

Le comité des ministres aux États membres du Conseil de l'Europe reconnait la nécessité d'un système judiciaire équitable garantissant l'indépendance des avocats. Adopter ces amendements serait assurer un équilibre au texte.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - À la lecture de ces amendements, j'ai été saisi d'un frisson : comment ? J'aurais vécu jusqu'à 57 ans dans un pays où les droits de défense ne seraient pas protégés ? En France, en 2016, il faudrait garantir dans la Constitution le droit à un procès équitable ? La République protège-t-elle si mal les libertés fondamentales ? Fort heureusement, l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui date de 1789, l'énonce clairement : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Nous en avons une, et le Conseil constitutionnel a précisé à de nombreuses reprises les garanties fondamentales accordées à tout citoyen, dont le droit à un avocat indépendant.

Avis défavorable : ces amendements certes bien intentionnés compliqueraient encore la révision constitutionnelle que nous engageons ensemble face à la menace terroriste.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux.  - Même avis.

Mme Leila Aïchi.  - J'insiste, et vous rappelle que bien des dictatures sont dotées d'une Constitution. L'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la CEDH dans une décision de 1998, le Parlement européen en 2006 comme la CJUE en 2010 ont estimé que cela ne suffisaient pas.

M. le président.  - Amendement n°73 rectifié bis, présenté par Mmes Aïchi, Bouchoux et Blandin et MM. Gattolin, Dantec, Labbé et Bockel.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 66 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour assurer la défense de ses droits et libertés, toute personne a droit à l'assistance d'un avocat. »

Mme Leila Aïchi.  - Hostiles à cette révision, nous voulons au moins l'entourer de toutes les garanties possibles. Puisque l'on renforce l'arsenal antiterroriste, il convient de mettre en place un véritable habeas corpus à la française, en inscrivant dans la Constitution le droit à l'assistance d'un avocat, comme c'est le cas en Allemagne, au Brésil, au Canada, aux États-Unis ou en Tunisie. Trouvons un équilibre entre état de droit et état de nécessité.

Les amendements nos74 rectifié bis, 75 rectifié bis et 73 rectifié bis, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Les explications de vote des groupes auront lieu mardi, de même que le scrutin public solennel.

Commission (Nomination)

M. le président.  - Je rappelle au Sénat que le groupe écologiste a présenté une candidature pour la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l'évaluation interne.

Le délai prévu par l'article 8 du Règlement est expiré. La présidence n'ayant reçu aucune opposition, je proclame M. Jean Desessard, membre de la commission spéciale, en remplacement de M. Jean-Vincent Placé.

Prochaine séance, mardi 22 mars 2016, à 15 h 15.

La séance est levée à 20 h 20.

Jacques Fradkine

Direction des comptes rendus

Ordre du jour du mardi 22 mars 2016

Séance publique

À 15 h 15

1. Explications de vote des groupes sur le projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, de protection de la nation

De 16 heures à 16 h 30

2. Scrutin public solennel, en salle des Conférences, sur le projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, de protection de la nation.

À 16 h 30

3. Proclamation du résultat du scrutin public solennel sur le projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, de protection de la nation

À 16 h 45

4. Questions d'actualité

À 17 h 45

5. Question orale avec débat n° 13 de Mme Annie David à Mme la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur « Santé et travail : repenser les liens dans un contexte de mutations économiques du travail »

Analyse des scrutins publics

Scrutin n° 180 sur l'article premier du projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, de protection de la nation

Résultat du scrutin

Nombre de votants :346

Suffrages exprimés :339

Pour :301

Contre :38

Le Sénat a adopté

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Contre : 143

Abstention : 1 - M. Claude Malhuret

Groupe socialiste et républicain (109)

Pour : 109

Groupe UDI-UC (42)

Pour : 40

Contre : 1 - Mme Sophie Joissains

Abstention : 1 - Mme Nathalie Goulet

Groupe communiste républicain et citoyen (20)

Contre : 20

Groupe du RDSE (17)

Pour : 6 - MM. Guillaume Arnell, Alain Bertrand, Joseph Castelli, Jean-Noël Guérini, Mme Hermeline Malherbe, M.Raymond Vall

Contre : 6 - MM. Gilbert Barbier, Yvon Collin, Pierre-Yves Collombat, Robert Hue, Mme Françoise Laborde, M. Jacques Mézard

Abstentions : 5 - MM. Michel Amiel, Philippe Esnol, François Fortassin, Mme Mireille Jouve, M. Jean-Claude Requier

Groupe écologiste (10)

Pour : 1 - M. Hervé Poher

Contre : 9

Sénateurs non inscrits (6)

Pour : 2 - MM. Jean Louis Masson, Alex Türk

Contre : 2 - MM. Philippe Adnot, David Rachline

N'ont pas pris part au vote : 2 - MM. Robert Navarro, Stéphane Ravier

Scrutin n° 181 sur l'amendement n°62, présenté par Mme Éliane Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, à l'article additionnel après l'article 1er du projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, de protection de la nation

Résultat du scrutin

Nombre de votants :344

Suffrages exprimés :343

Pour :29

Contre :314

Le Sénat n'a pas adopté

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Contre : 144

Groupe socialiste et républicain (109)

Contre : 108

Abstention : 1 - M. Gaëtan Gorce

Groupe UDI-UC (42)

Contre : 42

Groupe communiste républicain et citoyen (20)

Pour : 20

Groupe du RDSE (17)

Contre : 17

Groupe écologiste (10)

Pour : 9

Contre : 1 - M. Hervé Poher

Sénateurs non inscrits (6)

Contre : 2

N'ont pas pris part au vote : 4 - MM. Philippe Adnot, Robert Navarro, Stéphane Ravier, Alex Türk

Scrutin n° 182 sur l'amendement n° 14, présenté par M. Philippe BAS au nom de la commission des lois, à l'article 2 du projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, de protection de la nation

Résultat du scrutin

Nombre de votants :344

Suffrages exprimés :337

Pour :187

Contre :150

Le Sénat a adopté

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Pour : 141

Contre : 2 - MM. Michel Bouvard, Louis Pinton

Abstention : 1 - M. Claude Malhuret

Groupe socialiste et républicain (109)

Contre : 109

Groupe UDI-UC (42)

Pour : 36

Abstentions : 3 - MM. Bernard Delcros, Jean-Léonce Dupont, Jean-Marc Gabouty

N'ont pas pris part au vote : 3 - Mmes Nathalie Goulet, Sylvie Goy-Chavent, Chantal Jouanno

Groupe communiste républicain et citoyen (20)

Contre : 20

Groupe du RDSE (17)

Pour : 5 - MM. Alain Bertrand, Philippe Esnol, Jean-Noël Guérini, Mme Françoise Laborde, M. Raymond Vall

Contre : 9

Abstentions : 3 - MM. Gilbert Barbier, François Fortassin, Jean-Claude Requier

Groupe écologiste (10)

Contre : 10

Sénateurs non inscrits (6)

Pour : 5

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Robert Navarro

Scrutin n° 183 sur l'article 2 du projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, de protection de la nation

Résultat du scrutin

Nombre de votants :344

Suffrages exprimés :336

Pour :186

Contre :150

Le Sénat a adopté

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Pour : 141

Contre : 3 - MM. Michel Bouvard, Claude Malhuret, Louis Pinton

Groupe socialiste et républicain (109)

Contre : 109

Groupe UDI-UC (42)

Pour : 36

Contre : 1 - Mme Nathalie Goulet

Abstentions : 3 - MM. Bernard Delcros, Jean-Léonce Dupont, Jean-Marc Gabouty

N'ont pas pris part au vote : 2 - Mmes Sylvie Goy-Chavent, Chantal Jouanno

Groupe communiste républicain et citoyen (20)

Contre : 20

Groupe du RDSE (17)

Pour : 4 - MM. Guillaume Arnell, Alain Bertrand, François Fortassin, Jean-Noël Guérini

Contre : 7

Abstentions : 5 - MM. Michel Amiel, Gilbert Barbier, Philippe Esnol, Mme Hermeline Malherbe, M. Jean-Claude Requier

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Joseph Castelli

Groupe écologiste (10)

Contre : 10

Sénateurs non inscrits (6)

Pour : 5

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Robert Navarro