Créé par la Constitution de l'an VIII, le Sénat occupe jusqu'en 1814 la première place parmi les corps constitués. C'est lors de la discussion de la Constitution que le nom de Collège conservateur, qui lui était initialement réservé, est remplacé par celui de Sénat, en souvenir de la République romaine. Ses attributions, en grande partie conçues par Sieyès, sont multiples. Il nomme, entre autres, les membres du Tribunat et du Corps législatif (à partir de listes de confiance). Il veille sur la Constitution et peut se prononcer contre la promulgation d'un texte voté par le Corps législatif. 
Le Sénat compte alors de 60 à 80 membres inamovibles. La majorité des sénateurs est choisie par les deuxième et troisième consuls (entrants et sortants, c'est-à-dire Sieyès, Roger-Ducos, Cambacérès et Lebrun). Cette majorité choisit ensuite les autres membres sur proposition du Premier Consul, du Tribunat et du Corps législatif.

Les attributions du Sénat sont complétées par la Constitution de 1802. Il reçoit notamment le pouvoir de compléter et d'interpréter la Constitution par des sénatus-consultes. La mainmise de Bonaparte sur la nomination des sénateurs s'accroît : ces derniers sont choisis parmi trois noms proposés par le Premier Consul, qui peut par ailleurs nommer librement quarante autres membres, le nombre total de sénateurs ne pouvant dépasser 120 membres.

Sous l'Empire

C'est un sénatus-consulte du 18 mai 1804 qui proclame l'Empire.

Cette décision intervient après la reprise de la guerre avec l'Angleterre et la dénonciation de la conspiration de Cadoudal. Sous l'impulsion de Fouché, le Sénat conservateur vote, non sans hésitation, une adresse incitant Napoléon à parachever son œuvre. Les autres institutions font écho à cet appel. Le 28 avril 1804, le Tribunat vote la création d'un Empire héréditaire. Malgré les encouragements de François de Neufchâteau, les sénateurs tardent à ratifier cette décision, demandant toutes sortes de garanties qui agacent le Premier Consul. Enfin les travaux d'une commission dirigée par

Cambacérès et Talleyrand aboutissent et un sénatus-consulte établissant l'Empire est voté à une quasi-unanimité.

Le caractère aristocratique du recrutement du Sénat est renforcé et la mainmise de l'Empereur est désormais presque totale. Sont alors membres du Sénat les princes impériaux, les grands dignitaires de l'Empire, 84 membres élus, mais présélectionnés par l'Empereur, et toutes les personnes que celui-ci juge bon de nommer.
Le rôle du Sénat ne change guère, si ce n'est qu'il est considéré comme le garant de certaines libertés (individuelle, presse). De même qu'il avait procédé à la proclamation de l'Empire, il prononce, en 1814, la déchéance de l'Empereur et fait appel à Louis XVIII.

Organisation du Sénat conservateur

Le Président

Le Sénat est dirigé par un président dont le mode de nomination évolue fortement au gré des Constitutions.
En l'an VIII le président est désigné par ses pairs. La présidence est ensuite confiée aux Consuls puis à l'Empereur. Ce dernier nomme un président ordinaire parmi les grands dignitaires de l'Empire pour assurer les affaires courantes. Ces nominations, théoriquement valables un an, expliquent le grand nombre de personnalités qui eurent l'honneur de présider le Sénat (entre autres Sieyès, Laplace, Kellerman, Lacépède, Tronchet, François de Neufchâteau, Monge...)

L'administration

L'administration est dirigée par deux préteurs, un chancelier et un trésorier, nommés pour six ans par le Premier Consul (puis l'Empereur) sur présentation des sénateurs.

  • Le chancelier veille sur la bibliothèque, les archives et les objets d'art. Il scelle les actes du Sénat et délivre à ses membres divers certificats et papiers d'identité.
  • Le trésorier administre les ressources de l'assemblée. Enfin, le conseil d'administration établit le budget (dépenses, traitements...).

En outre, deux secrétaires et sept sénateurs, choisis de la même façon, composent le conseil d'administration. Avant l'Empire, celui-ci est complété par les deuxième et troisième consuls.

Les préteurs s'occupent de la sécurité et de l'entretien du palais et de ses dépendances.

Les Sénateurs de l'Empire

Les sénateurs de l'an VIII sont majoritairement issus des diverses assemblées révolutionnaires.

On y trouve des bourgeois aux professions variées  (avocats, militaires, négociants...) et de nombreux savants comme Monge, Laplace, Lacépède, Cabanis, Volney...
Les recrutements de l'Empire font évoluer cette composition initiale par l'ajout d'étrangers (en raison des annexions) et de nobles de l'Ancien Régime.

L'accession au Sénat est également une dignité conférée à de nombreux militaires et personnes ayant occupé de hautes charges d'État (ministres, anciens membres des autres corps constitués).
Les anciens révolutionnaires et les intellectuels sont donc de moins en moins nombreux.

La Constitution de l'an VIII octroie aux sénateurs un traitement annuel d'environ 25 000 francs assignés sur le revenu de domaines nationaux. Certains bénéficient de dotations complémentaires (terres ou revenus), auxquelles s'ajoutent, à partir de l'an XI, les sénatoreries (immeubles ou revenus de domaines nationaux).

Les bons de caisse

Le traitement mensuel des sénateurs leur est délivré chaque mois à la trésorerie du Sénat.

Chaque sénateur doit signer un reçu, le bon de caisse, au moment où la somme lui est remise.

Dans la majorité des cas, le sénateur vient en personne à la trésorerie. Il arrive cependant qu'il ait recours à un tiers : ce peut être une personne de sa famille, un fondé de pouvoir ou un domestique.
Dans ce cas, le bon de caisse est accompagné d'une note manuscrite ou d'un acte notarié de procuration, conservés dans la plupart des cas. 

La médaille du Sénat conservateur

La commission administrative du Sénat consacre sa séance du 14 nivôse an VIII à la définition des caractéristiques d'une médaille.

C'est un artiste recommandé par le sénateur Vien, Rambert Dumarest, qui est chargé d'en dessiner les motifs, sous la surveillance de son maître. Les dessins qu'il propose sont adoptés dès le 18 nivôse.

Cette médaille ronde, en argent, représente d'un côté la France, incarnée par Minerve assise tenant une épée et s'appuyant sur un bouclier portant la mention : « Constitution française an VIII ». Derrière le bouclier apparaît un coq. Le dessin est entouré des mots : « République française ». Sur l'autre face figure un miroir autour duquel s'enroule un serpent, symbolisant la prudence, accompagné des mots « Sénat conservateur ».

Miroir et serpent, le symbole de la prudence

« Le miroir pour désigner que l'homme prudent ne peut régler sa conduite que par la connaissance de ses défauts ; le serpent, parce que ce reptile a toujours été regardé comme le plus prudent des animaux », Honoré La Combe de Prézel, Dictionnaire iconologique, Paris, 1756.

Ce symbole très classique devient un attribut de la puissance publique à la fin du XVIIIe siècle. Il figure déjà sur le papier à lettres officiel du Directoire, en 1795.
Il est ensuite utilisé par le ministère de la Justice.

Il devient enfin l'emblème du Sénat conservateur sur les médailles commémoratives. Le symbole se retrouve encore dans les armoiries des sénateurs devenus comtes et sur les chaises de la salle des Conférences.

Le costume des Sénateurs

L'article XI de la loi du 3 nivôse an VIII précise que "le Sénat conservateur déterminera son costume et celui de ses messagers et huissiers" et l'article XIX ajoute que " la dépense du costume est à la charge des membres des autorités constituées". Cet uniforme, les sénateurs l'estiment "nécessaire à la dignité des séances", et le 14 fructidor an VIII, ils en donnent une description détaillée

  • le grand costume est constitué d'un habit français de drap bleu barbeau, brodé d'or, boutons brodés, d'une veste ou gilet de casimir blanc avec la même broderie réduite et d'une culotte pareille à l'habit avec jarretières et boutons brodés. Il est assorti d'une écharpe de soie blanche avec broderies et franges d'or et d'un chapeau avec ganse et bouton d'or.
  • le petit costume se compose d'un habit de drap bleu de même nuance avec collet, liseré, parements brodés d'or et boutons brodés. (Le Moniteur 15 fructidor an VIII).

Pour le sacre de Napoléon, cet uniforme s'est considérablement enrichi : manteau de velours doublé de satin blanc comme l'habit, cravate de dentelle, plumes blanches au chapeau, épée à fourreau doré.

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