NOTE DE SYNTHÈSE

En France, dès 1924, la loi impose aux entreprises le recrutement de mutilés de guerre. Les lois ultérieures ont peu à peu élargi les bénéficiaires de cette obligation, qui a été généralisée par la loi du 10 juillet 1987 en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés. Depuis l'entrée en vigueur de ce texte, tout employeur occupant au moins vingt salariés doit employer des handicapés dans la proportion de 6 % de l'effectif .

L'obligation d'emploi des handicapés concerne également le secteur public. Pour les entreprises qui comptent plusieurs établissements, elle s'applique établissement par établissement.

La mesure bénéficie aux personnes reconnues comme handicapées par la Cotorep (commission technique d'orientation et de reclassement professionnel), ainsi qu'à plusieurs autres catégories de handicapés, parmi lesquelles les victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles présentant une incapacité permanente d'au moins 10 %.

Les employeurs peuvent s'acquitter de leur obligation non seulement par l'emploi direct de handicapés, mais également :

- en concluant des contrats de fourniture, de sous-traitance ou de prestation de service avec des établissements de travail protégé , dans la limite de 50 % de l'obligation d'emploi ;

- en appliquant un accord collectif prévoyant la mise en oeuvre d'un programme en faveur des salariés handicapés , ce programme d'insertion comportant nécessairement un plan d'embauche en entreprise ;

- en versant, pour chacun des handicapés qui auraient dû être employés , une contribution annuelle au Fonds de développement pour l'insertion professionnelle des handicapés, cet organisme finançant des actions de formation ou d'adaptation des postes de travail. Le montant de la contribution, qui dépend de la taille de l'entreprise, varie entre 300 et 500 fois le montant du SMIC horaire.

Les employeurs qui ne respectent pas, directement ou indirectement, l'obligation d'emploi doivent verser au Trésor public une pénalité égale au montant de la contribution de substitution majoré de 25 %.

L'obligation d'emploi ne s'applique pas à certains métiers, qui exigent des conditions d'aptitude particulières et dont la liste a été définie par décret (ambulanciers, pompiers, mineurs de fond, conducteurs routiers...).

Sur les cinq millions de handicapés, on estime que 850 000 sont en mesure de travailler et que 500 000 travaillent en milieu ordinaire, parmi lesquels :

- 230 000 dans des entreprises assujetties aux obligations de la loi de 1987, où ils représentaient en 2000 à peine 3 % des effectifs, ce qui, compte tenu des méthodes de calcul (1( * )) , correspondait à un taux d'emploi de 4,1 %  ;

- 150 000 dans la fonction publique d'État, dans les collectivités territoriales et dans les hôpitaux, où leur taux d'emploi s'élevait en 1998 respectivement à 4 %, 5,1 % et 4,5 % ;

- 120 000 dans des entreprises de moins de vingt salariés.

L'association qui gère le Fonds de développement pour l'insertion professionnelle des handicapés évalue au quart la proportion des entreprises qui ont choisi de s'acquitter de leur obligation en versant la contribution de substitution.

La présente étude analyse les principales mesures prises dans plusieurs pays européens (Allemagne, Danemark, Espagne, Italie, Pays-Bas et Royaume-Uni) ainsi qu'aux États-Unis pour promouvoir l'insertion des handicapés dans l'entreprise.

Pour chacun des pays retenus, trois points ont été examinés :

- les obligations des employeurs à l'égard des handicapés ;

- les aides apportées aux entreprises qui emploient des handicapés (2( * )) ;

- le statut particulier des handicapés dans l'entreprise.

En revanche, les prestations servies aux handicapés et susceptibles de favoriser leur emploi (moyens de transport, prothèses par exemple) n'ont pas été prises en compte.

L'examen des dispositions étrangères fait apparaître un clivage entre les pays (Allemagne, Espagne et Italie) qui, comme la France, ont créé une obligation d'emploi des handicapés dans toutes les entreprises d'une certaine taille et ceux (Danemark, Pays-Bas, Royaume-Uni et États-Unis) qui privilégient l'élimination des discriminations dont les handicapés peuvent être victimes sur le lieu de travail.

1) L'Allemagne, l'Espagne et l'Italie ont créé une obligation d'emploi des handicapés

En Allemagne, en Espagne et en Italie, quel que soit leur statut, les entreprises dont l'effectif dépasse un certain seuil, fixé respectivement à vingt, cinquante et quinze salariés, ont l'obligation de réserver une fraction de leurs postes de travail à des handicapés.


Cette fraction est de 5 % en Allemagne et de 2 % en Espagne , tandis que, en Italie, elle varie en fonction de l'effectif de l'entreprise pour atteindre 7 % lorsque l'employeur a plus de cinquante salariés.

Dans ces trois pays, les employeurs qui n'emploient pas le contingent de handicapés prévu par la loi doivent verser une contribution de substitution à un fonds, public ou privé, qui finance des actions en faveur de l'insertion professionnelle des handicapés.

En Espagne et en Italie, cette possibilité est réservée aux employeurs qui disposent d'un certificat de l'administration attestant que leur entreprise ne peut pas employer directement des salariés handicapés.

En Espagne, le paiement de cette contribution peut être remplacé par l'emploi indirect : l'employeur signe un contrat de fournitures de biens ou de services avec un centre de travail protégé ou avec un handicapé qui exerce son activité professionnelle sous forme libérale.

*

Dans ces trois pays, l'obligation d'emploi des handicapés n'exclut pas l'existence de diverses mesures (prise en charge de dépenses d'adaptation, réduction des charges sociales) destinées à inciter les entreprises à recruter des handicapés.

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2) Le Danemark, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et les États-Unis mettent l'accent sur l'élimination des discriminations dont les handicapés peuvent être victimes dans l'entreprise

Pour cela, ces quatre pays recourent à des moyens plus ou moins directs : le Danemark, le Royaume-Uni et les États-Unis cherchent à compenser les difficultés que les handicapés rencontrent sur le marché de l'emploi, tandis que les Pays-Bas ont opté pour une politique purement incitative à l'égard des employeurs.

a) La priorité d'emploi dans le secteur public au Danemark

Au Danemark, la loi cherche à pallier les difficultés que les handicapés rencontrent sur le marché de l'emploi du fait de leur handicap . C'est la raison pour laquelle, dans la mesure où ils remplissent les conditions requises pour occuper les postes vacants, les handicapés bénéficient d'une priorité d'emploi dans le secteur public .

Cette mesure diffère de l'obligation générale d'emploi des handicapés qui existe en Allemagne, en Espagne et en Italie, car elle ne bénéficie qu'aux handicapés qui possèdent la qualification nécessaire. Il s'agit donc d'une disposition visant à l'élimination des discriminations.

b) L'interdiction de toute discrimination fondée sur le handicap au Royaume-Uni et aux États-Unis

Au Royaume-Uni et aux États-Unis, les entreprises qui emploient au moins quinze personnes doivent respecter la loi sur l'interdiction de toute discrimination fondée sur le handicap.

En matière d'emploi, ces dispositions se traduisent par une double obligation : les employeurs doivent non seulement traiter les handicapés, candidats à un emploi ou salariés, de la même façon que les autres, mais ils doivent également adapter les conditions de recrutement et de travail à la situation particulière des handicapés .

La seconde obligation, qui ne s'impose qu'à partir du moment où le handicap est connu de l'employeur, est appliquée en fonction des circonstances. En effet, l'adaptation, qui peut consister en un aménagement des locaux, en un assouplissement des horaires, en une modification des procédures de recrutement ou en la mise à disposition d'un auxiliaire, ne peut pas être mise en oeuvre de la même façon dans toutes les entreprises. Elle dépend notamment de la situation financière, des effectifs et du secteur d'activité.

c) La politique purement incitative des Pays-Bas

La loi néerlandaise sur la réintégration professionnelle des handicapés prévoit qu'une obligation d'emploi des handicapés puisse être introduite par voie réglementaire. Cette clause constitue en quelque sorte une menace pour le cas où les entreprises ne feraient pas les efforts nécessaires pour employer suffisamment de salariés handicapés, le dispositif en vigueur comprenant plusieurs mesures particulièrement incitatives à cet égard.


Ainsi, le recrutement ou le reclassement de salariés handicapés entraîne d'importantes réductions des cotisations sociales dues au titre de l'assurance invalidité et de l'assurance chômage.

Les employeurs bénéficient de plusieurs autres aides : subvention pour compenser les surcoûts entraînés par l'embauche de salariés handicapés, possibilité d'embaucher un handicapé à l'essai pendant six mois sans le payer, la collectivité lui versant une allocation d'intégration qui complète les prestations financières auxquelles il a droit en tant que handicapé.

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Si les aides financières aux entreprises constituent le point commun de tous les dispositifs destinés à favoriser l'insertion des handicapés dans l'entreprise, elles se doublent partout, sauf aux Pays-Bas, de mesures plus ou moins autoritaires : l'obligation d'emploi dans les entreprises d'une certaine taille en Allemagne, en Espagne et en Italie, la priorité d'emploi dans le secteur public au Danemark et l'interdiction de toute discrimination - assortie de son corollaire, la nécessaire adaptation des conditions de travail et de recrutement - dans les entreprises d'au moins quinze salariés au Royaume-Uni et aux États-Unis.

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