SERVICE DES ETUDES JURIDIQUES (Janvier 2004)

ALLEMAGNE


Le titre IX de la Loi fondamentale intitulé « Le pouvoir judiciaire » comprend un article 97, qui garantit l'indépendance des juges et qui prévoit que ceux-ci ne sont soumis qu'à la loi et ne peuvent, « contre leur gré, être révoqués, suspendus définitivement ou temporairement de leurs fonctions, mutés à un autre emploi ou mis à la retraite qu'en vertu d'une décision de justice, et uniquement pour les motifs et dans les formes prévus par la loi ».

La loi fédérale du 8 septembre 1961 sur les magistrats précise les devoirs et obligations des juges et définit l'instance disciplinaire des juges fédéraux .

Elle est complétée, le cas échéant, par les prescriptions applicables aux fonctionnaires fédéraux. Ainsi, la procédure disciplinaire applicable aux magistrats est régie, sauf dispositions contraires, par la loi fédérale disciplinaire du 9 juillet 2001 valable pour les fonctionnaires fédéraux.

L'organisation judiciaire distingue cinq ordres juridictionnels dotés de tribunaux hiérarchisés en trois niveaux et totalement autonomes : la juridiction administrative, la juridiction financière, la juridiction du travail, la juridiction sociale et la juridiction « ordinaire ».

Les cours suprêmes , c'est-à-dire la Cour fédérale administrative, la Cour fédérale des finances, la Cour fédérale du travail, la Cour fédérale du contentieux social et la Cour fédérale de justice, relèvent de l'État fédéral, tandis que les tribunaux de première instance et d'appel relèvent des Länder .

Il existe donc une magistrature fédérale (environ 500 juges) et des magistratures des Länder (environ 20 000 juges). L'article 98 de la Loi fondamentale prévoyant que « le statut des juges fédéraux doit être réglé par une loi fédérale spéciale » et que « le statut des juges des Länder est fixé par des lois spéciales de Land », la loi fédérale sur les juges établit les principes applicables à tous les magistrats, définit le statut des magistrats fédéraux et contient des dispositions encadrant le statut des magistrats des Länder .

Seul le régime disciplinaire des juges fédéraux est analysé dans la suite du texte . Les juges des Länder connaissent des régimes proches, sous réserve des deux exceptions suivantes : l'éventail des sanctions applicables diffère et les juges des Länder bénéficient d'une voie de recours contre les décisions rendues par l'instance disciplinaire.

Indépendamment du régime disciplinaire analysé ci-dessous, l'article 98 de la Loi fondamentale prévoit que « si dans l'exercice de ses fonctions ou en dehors de celles-ci, un juge fédéral contrevient aux principes de la Loi fondamentale ou à l'ordre constitutionnel d'un Land, la Cour constitutionnelle fédérale peut, à la demande du Bundestag et à la majorité des deux tiers, ordonner la mutation du juge à d'autres fonctions ou sa mise à la retraite. Si la contravention du juge est intentionnelle, la révocation peut être prononcée . »

1) Les devoirs et obligations des magistrats


a) Les sources

La loi fédérale du 8 septembre 1961 sur les juges

L'article 4 de la loi fédérale modifiée du 8 septembre 1961 sur les magistrats, relatif aux incompatibilités professionnelles, interdit l'exercice des activités relevant du pouvoir législatif ou exécutif, mais autorise les activités ressortissant à l'administration judiciaire, à l'enseignement supérieur, aux examens et à la présidence de commissions de conciliation et autres organes indépendants de la fonction publique.

La section V de la première partie de cette loi traite des devoirs particuliers du juge.

Le serment que le juge est tenu de prononcer lors de l'audience publique d'un tribunal, en application de l'article 38, fait référence à ces devoirs dans les termes suivants : « Je jure d'exercer la fonction de juge dans le respect de la Loi fondamentale de la République fédérale d'Allemagne et dans le respect des lois, de juger au mieux de mes connaissances et selon ma conscience sans considération de la personne à juger et de ne servir que la vérité et la justice. »

L'article 39 oblige le juge à se comporter de manière à ce que la confiance en son indépendance ne risque pas d'être compromise. Ces dispositions, applicables aussi bien dans l'exercice des fonctions professionnelles que dans la vie privée, valent le cas échéant en cas d'activité politique.

L'article 43 oblige le juge à respecter le secret des délibérations et du vote , et ce, même après la fin de ses fonctions.

L'article 40 soumet l'exercice de fonctions d'arbitrage à l'autorisation de la hiérarchie.

L'article 41 interdit au juge de donner des consultations juridiques à côté de son activité professionnelle et de fournir des renseignements juridiques en échange d'une rétribution.

La loi fédérale du 14 juillet 1953 sur les fonctionnaires

L'article 46 de la loi fédérale sur les juges prévoit que les juges fédéraux sont régis par les prescriptions applicables aux fonctionnaires fédéraux, sauf si elle en dispose autrement et tant qu'il n'existe pas de réglementation particulière.

D'après l'article 59 de la loi fédérale modifiée du 14 juillet 1953 sur les fonctionnaires, les juges doivent se récuser dans les affaires où eux-mêmes ou l'un de leurs proches parents ont un intérêt.

Les articles 65 et 66 de la même loi déterminent les conditions dans lesquelles des activités annexes peuvent être exercées. Pour les juges fédéraux, ces dispositions sont complétées par l'ordonnance modifiée du 15 octobre 1965 sur l'activité annexe des juges fédéraux. D'une manière générale, toute activité annexe est soumise à l'autorisation de la hiérarchie. Outre qu'elle ne doit pas être préjudiciable à l'activité principale du juge, une telle activité ne doit pas risquer de porter atteinte à la confiance mise en son indépendance, son impartialité ou sa neutralité. S'il s'agit d'une activité dans la fonction publique, elle doit être prévue par l'article 4 de la loi sur les juges ou relever du domaine judiciaire. S'il s'agit d'une activité privée, le juge ne peut percevoir une rémunération supérieure à 100 € par mois.

L'article 70 interdit au juge de recevoir de l'argent ou des cadeaux à l'occasion de l'exercice de ses fonctions.

b) Les fautes disciplinaires

Selon l'article 77 de la loi fédérale sur les fonctionnaires, qui s'applique par analogie, le juge commet une faute disciplinaire lorsqu'il manque aux devoirs qui lui incombent.

Tout acte commis en dehors du service peut également être considéré, eu égard aux circonstances, comme une faute disciplinaire, dès lors qu'il est de nature à porter atteinte de manière significative au respect et à la confiance dus aux fonctions exercées ou au service public de la justice.

2) La procédure disciplinaire


a) Le déclenchement de la procédure

La procédure disciplinaire peut être déclenchée par :

- le supérieur hiérarchique , lorsqu'un juge est soupçonné d'avoir commis une faute disciplinaire ;

- le juge lui-même , lorsqu'il veut faire la preuve que les soupçons qui pèsent sur lui sont infondés.

b) L'instance disciplinaire

Le tribunal disciplinaire des magistrats , qui est une chambre spécialisée de la Cour fédérale de justice , fait l'objet des articles 61 et suivants de la loi fédérale sur les juges.

Il est composé d'un président, de deux assesseurs permanents et de deux assesseurs non permanents. Le président et les assesseurs permanents font partie de la Cour fédérale de justice. Les assesseurs non permanents sont des juges appartenant au même ordre de juridiction que le juge mis en cause. Les présidents de tribunal et les vice-présidents ne peuvent être membres de cette instance.

Le président et les assesseurs, ainsi que leurs suppléants, sont nommés pour cinq ans par la présidence de la Cour fédérale de justice. Les assesseurs non permanents sont appelés dans l'ordre de présentation des listes établies par les présidents des cours suprêmes.

c) Le déroulement de la procédure

L'article 63 de la loi fédérale sur les juges prévoit que la loi fédérale disciplinaire du 9 juillet 2001 valable pour les fonctionnaires fédéraux s'applique par analogie.

La procédure disciplinaire débute par une phase administrative . Une phase juridictionnelle lui succède, lorsque la hiérarchie estime que les faits reprochés sont trop graves pour être punis d'un simple blâme, seule sanction que l'article 64-1 de la loi fédérale sur les juges l'autorise à prononcer. Une plainte disciplinaire est alors déposée auprès du tribunal disciplinaire. Un magistrat peut également, après avoir épuisé les voies de recours internes, contester auprès de l'instance disciplinaire le blâme qui lui a été infligé.

La procédure administrative

Le juge est immédiatement informé de l'ouverture d'une procédure disciplinaire hiérarchique à son encontre, ainsi que des griefs retenus contre lui. Il peut choisir de faire part de ses observations oralement ou par écrit - un délai lui est alors accordé -, ou de ne rien dire. Il peut à tout moment se faire représenter ou se faire assister. Il participe à l'enquête administrative qui est menée à charge et à décharge, en assistant à l'audition des témoins et des experts, ainsi qu'en suivant les inspections faites sur place. L'audition du juge soupçonné et les preuves qu'il apporte figurent au procès-verbal. Lorsque l'enquête est close, le juge chargé de l'enquête transmet ses observations finales.

La procédure juridictionnelle

La plainte disciplinaire est déposée par écrit devant le tribunal disciplinaire des magistrats par la hiérarchie. Le juge mis en cause en est aussitôt informé par son supérieur. Ce document décrit la carrière personnelle et professionnelle de l'intéressé, le déroulement de la procédure, les faits reprochés, ainsi que tous les éléments de fait et de preuve déterminants pour la décision du tribunal.

Le juge mis en cause a alors deux mois pour faire état de manquements graves dans la procédure disciplinaire hiérarchique ou dans la plainte déposée et présenter de nouvelles preuves.

S'agissant du déroulement du procès proprement dit, la procédure utilisée est semblable à celle applicable devant la juridiction administrative.

3) Les sanctions et les voies de recours


a) Les sanctions

D'après l'article 64-2 de la loi fédérale sur les juges, les juges des cours suprêmes ne peuvent faire l'objet que des sanctions suivantes : blâme, amende et révocation . L'amende est en principe limitée à un mois de salaire et la révocation est assortie de la perte des droits à pension.

S'agissant des juges des Länder , la partie 2 de la loi fédérale du 9 juillet 2001 sur la discipline prévoit que les instances disciplinaires des Länder peuvent infliger les sanctions suivantes : le blâme, l'amende, la réduction du salaire (limitée à un cinquième du montant mensuel et à trois ans), la mutation dans un emploi de même catégorie avec traitement de fin de carrière inférieur et la révocation.

Aucune correspondance n'est explicitement prévue entre les sanctions et les fautes. Cependant, l'article 13 de la loi fédérale sur la discipline précise que la mesure disciplinaire doit être adaptée à la personnalité du juge et proportionnelle à la gravité de la faute et à la perte de confiance que son comportement a suscitée, que ce soit auprès de ses supérieurs ou des justiciables. Ainsi, le juge qui a commis un acte d'une gravité telle qu'il a perdu définitivement cette confiance doit être révoqué.

b) Les voies de recours ouvertes au magistrat sanctionné

L'article 62-1 de la loi fédérale sur les juges prévoit que le tribunal disciplinaire des magistrats statue en premier et dernier ressort dans les affaires relatives à la discipline des juges fédéraux.

D'après l'article 62-2 de la loi fédérale sur les juges, le tribunal disciplinaire des magistrats de la Cour fédérale de justice est juge de cassation des décisions rendues par les tribunaux disciplinaires des Länder .

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Au cours de l'année 2002, dix actions ont été engagées devant le tribunal disciplinaire fédéral des magistrats. Toutes visaient à obtenir la révision de décisions rendues par les tribunaux disciplinaires des Länder , quatre ont donné lieu à un jugement, deux ont été déclarées irrecevables, et l'examen des quatre autres n'était pas achevé à la fin de l'année 2002.

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