SERVICE DES ETUDES JURIDIQUES (juin 2004)

ALLEMAGNE

La loi sur l'insolvabilité, adoptée en octobre 1994 et entrée en vigueur le 1 er janvier 1999 , a remplacé non seulement la loi de 1877 sur la faillite et la loi de 1935 sur le concordat, qui régissaient respectivement les procédures de liquidation et de règlement judiciaires dans les anciens Länder , mais aussi la loi sur l'exécution forcée générale, appliquée dans les nouveaux Länder . La loi de 1999 s'applique aux personnes morales comme aux personnes physiques. La procédure d'insolvabilité peut également être ouverte à l'encontre de sociétés qui n'ont pas la personnalité morale.

La nouvelle loi organise la fusion des différentes procédures collectives pendant la phase préliminaire, au cours de laquelle un administrateur est généralement désigné pour gérer le patrimoine du débiteur. Quelques semaines après l'ouverture de la procédure d'insolvabilité, l'administrateur présente aux créanciers un rapport exposant la situation économique de l'entreprise et analysant les perspectives de redressement. L'assemblée des créanciers prend alors la décision d'arrêter ou de poursuivre l'activité de l'entreprise. Dans le second cas, il existe deux possibilités : le redressement par cession ou le redressement par le débiteur dans le cadre d'un plan de résorption de l'insolvabilité, procédure inspirée du chapitre 11 américain.

L'article premier de la nouvelle loi précise toutefois que la procédure pour insolvabilité vise à « satisfaire collectivement les créanciers d'un débiteur, en réalisant les actifs de ce dernier et en en partageant le produit, ou en adoptant une solution dérogatoire dans le cadre d'un plan de résorption de l'insolvabilité visant notamment la sauvegarde de l'entreprise » . La sauvegarde de l'entreprise apparaît donc comme un objectif second par rapport à la satisfaction des créanciers.

1) Les critères de déclenchement des procédures collectives

La procédure d'insolvabilité ne peut être ouverte que sur demande, du débiteur ou des créanciers. De plus, il faut que le débiteur se trouve dans l'une des situations suivantes :

- incapacité de payer ;

- incapacité de payer imminente ;

- surendettement.


L'incapacité de payer , qui est définie par la loi comme l'impossibilité de faire face aux créances exigibles, correspond aux défauts de trésorerie durables, le débiteur ne disposant plus des liquidités nécessaires et ne pouvant se les procurer par crédit. Elle se manifeste par l'existence de lettres de rappel, d'exploits de saisie, de sommations de paiement, etc. En règle générale, une entreprise qui n'est pas en mesure de régler 80 à 90 % de ses dettes dans un délai de deux à trois semaines est considérée comme incapable de régler ses créances. La loi précise que l'incapacité de payer est présumée lorsque le débiteur a suspendu ses paiements.


L'incapacité de payer imminente est un nouveau motif d'ouverture, qui a été introduit par le texte de 1994. Seul, le débiteur peut s'en prévaloir lorsqu'il estime qu'il ne pourra pas faire face au règlement de ses engagements lorsque ceux-ci seront exigibles.

Cette disposition vise, d'une part, à anticiper le déclenchement de la procédure de façon à permettre le redressement de l'entreprise avant que la situation ne soit irrémédiablement compromise et, d'autre part, à empêcher les créanciers de demander l'ouverture de la procédure sur le fondement d'une menace d'insolvabilité.


Le surendettement est caractérisé lorsque le patrimoine du débiteur ne suffit plus à couvrir le montant des dettes. La mise en évidence du surendettement requiert l'établissement d'un bilan dans lequel les actifs sont évalués à leur valeur de liquidation, ainsi que d'un compte d'exploitation prévisionnel, car la loi dispose que « l'évaluation du patrimoine du débiteur doit se fonder sur la continuation de l'entreprise lorsque les circonstances la rendent hautement probable . »

2) Les principales caractéristiques du redressement dans le cadre d'un plan de résorption de l'insolvabilité

a) La suspension immédiate des poursuites

La suspension immédiate des poursuites n'est pas automatique, mais elle peut être prononcée par le tribunal.

En effet, dès le dépôt d'une demande d'ouverture et avant de se prononcer sur la recevabilité et la validité de cette demande, le tribunal prend toutes les mesures conservatoires qui lui semblent nécessaires pour éviter la diminution de la masse des actifs. La loi l'autorise en particulier à suspendre les mesures exécutoires des créanciers, à condition toutefois que celles-ci ne portent pas sur des biens immobiliers.

En revanche, une fois la procédure commencée, les créanciers sont soumis à une suspension des poursuites.

b) L'administration par le débiteur

La gestion directe par le débiteur est exceptionnelle, aussi bien selon la loi que dans la pratique.

En effet, dans le cadre des mesures conservatoires, le tribunal nomme généralement un administrateur provisoire. Il peut également interdire au débiteur de disposer du patrimoine. Si les deux décisions sont simultanées, le débiteur est dessaisi de la gestion de l'entreprise au profit de l'administrateur provisoire. Dans le cas contraire, le tribunal définit les pouvoirs de l'administrateur provisoire. Les fonctions de l'administrateur provisoire prennent fin avec la décision d'ouverture de la procédure (2 ( * )) , qui doit s'accompagner de la nomination d'un administrateur judiciaire.

La nomination d'un administrateur provisoire dès le dépôt de la demande d'ouverture fait du nouveau motif d'ouverture de la procédure, l'incapacité de payer imminente , une arme à double tranchant . En effet, le débiteur qui engage la procédure sans y être obligé risque de se voir dessaisi de la gestion de son entreprise au profit d'un administrateur.

Toutefois, au moment du dépôt de la demande d'ouverture de la procédure, le débiteur peut demander de continuer à administrer lui-même l'entreprise . Le tribunal peut accepter une telle demande s'il estime que le débiteur dispose de la confiance des créanciers et ne risque pas de léser les intérêts de ces derniers (3 ( * )) . Lorsque la demande d'ouverture a été présentée par les créanciers, l'accord du tribunal à la demande de gestion directe est subordonné à celui des créanciers.

Même lorsqu'il est autorisé à gérer directement l'entreprise, le débiteur est placé sous la surveillance d'un curateur, désigné par le tribunal et qualifié par la loi d'« administrateur des biens ».

De plus, la décision du tribunal accordant la gestion directe au débiteur doit être publiée et peut être rapportée à tout moment à la demande des créanciers.

c) Le plan de résorption de l'insolvabilité

Permettant au débiteur et aux créanciers de se mettre d'accord sur des clauses dérogatoires aux dispositions légales , il est présenté par la loi comme une exception à la procédure de droit commun que constitue la réalisation (4 ( * )) des actifs du débiteur en vue du partage entre les créanciers. L'élaboration d'un tel plan s'effectue selon des règles particulièrement détaillées prévues par la loi.


L'initiative du plan

Dès le dépôt de la demande d'ouverture de la procédure, le débiteur peut proposer un plan de résorption de l'insolvabilité.

L' administrateur judiciaire peut aussi proposer un tel plan, de son propre chef ou à la demande des créanciers.

En effet, dans sa décision d'ouverture de la procédure, le tribunal fixe la date à laquelle l'assemblée des créanciers décide du sort de l'entreprise. Cette réunion a lieu dans un délai compris entre six semaines et trois mois après la décision d'ouverture. À cette occasion, les créanciers peuvent demander à l'administrateur judiciaire l'élaboration d'un plan de résorption de l'insolvabilité.


Le contenu du plan

Le plan de résorption de l'insolvabilité ne vise pas nécessairement la continuation de l'entreprise par le débiteur. Il peut aussi organiser la transmission ou la disparition de l'entreprise, qui s'effectue alors selon des règles dérogatoires.

Quel que soit son contenu, le plan doit se présenter en deux parties : une partie descriptive et une partie normative.

La partie descriptive expose les dispositions prises depuis l'ouverture de la procédure, l'objectif du plan et les mesures envisagées pour atteindre cet objectif, permettant ainsi aux créanciers et au tribunal de se prononcer en connaissance de cause.

La partie normative décrit les modifications apportées aux droits des créanciers de la masse (renonciation à une partie des créances et échelonnement de l'autre partie). Ces derniers sont répartis en différents groupes à l'intérieur desquels l'égalité de traitement doit être respectée. La loi prescrit la prise au compte d'au moins trois groupes de créanciers :

- les créanciers prioritaires, c'est-à-dire les créanciers titulaires d'une sûreté réelle mobilière qui ne leur donne pas le droit de revendiquer le meuble donné en garantie, mais seulement le droit d'être payés par priorité sur le produit de la vente de ce bien ;

- les créanciers chirographaires ;

- les créanciers chirographaires subordonnés. Les créances concernées sont essentiellement les intérêts échus pendant la durée de la procédure, les frais de participation à la procédure et les intérêts des associés.

La loi de 1994 a supprimé tous les privilèges , en particulier ceux du fisc et des salariés, afin de responsabiliser ces derniers et d'accroître la part attribuée à chacun. La loi a également transformé les créanciers titulaires d'une sûreté mobilière en créanciers de la masse, alors qu'auparavant, ils bénéficiaient d'un droit de règlement séparé, qui leur permettait de faire valoir leur privilège en dehors de la procédure collective et de paralyser l'entreprise.

En revanche, les créanciers disposant d'un droit de distraction , c'est-à-dire les créanciers qui peuvent soustraire à la masse un bien donné en garantie, continuent à ne pas être considérés comme créanciers de la masse. Il s'agit notamment des fournisseurs qui ont prévu une vente avec clause de réserve de propriété et des créanciers titulaires d'un gage sur un bien meuble. Afin de ne pas menacer la survie de l'entreprise, l'administrateur peut cependant suspendre les procédures de recouvrement forcé de ces créanciers.

En fonction des circonstances, le plan peut subdiviser un groupe de créanciers disposant des mêmes droits en plusieurs catégories, chacune ayant les mêmes intérêts économiques. Ainsi, les fournisseurs ou les salariés peuvent constituer un groupe particulier. D'après la loi, les salariés constituent une catégorie à part entière lorsque leurs créances sont « non négligeables ».


L'adoption du plan

Elle obéit à une procédure très détaillée, décrite par la loi.

Le plan est soumis au tribunal , qui peut le rejeter, non seulement pour des raisons formelles, mais aussi parce qu'il estime que les dérogations prévues sont excessives ou que les créanciers n'ont aucune chance d'approuver les propositions présentées.

Le tribunal transmet ensuite le plan, pour avis , au comité des créanciers (5 ( * )) et au comité d'entreprise. Il le communique aussi au débiteur si l'administrateur judiciaire est à l'origine du plan, et à l'administrateur judiciaire si c'est le débiteur qui a proposé le plan.

Tous les créanciers de la masse sont appelés à voter sur le plan quel que soit le sort que celui-ci leur réserve. Ils se prononcent par groupe. Alors que l'ancienne loi sur le concordat exigeait que la majorité des créanciers représentant les trois quarts des créances approuve la proposition de règlement, la nouvelle loi assouplit les règles de majorité . L'approbation du plan requiert une double majorité à l'intérieur de chaque groupe : majorité du nombre des créanciers et majorité du montant des créances. Pour éviter l'obstruction d'une seule catégorie , le plan est considéré comme adopté malgré l'opposition d'un groupe si les membres de ce dernier ne sont pas défavorisés par le plan, c'est-à-dire si leur situation n'est pas pire que si l'entreprise était liquidée.

Le débiteur doit approuver le plan, avant que celui-ci ne soit homologué par le tribunal. Tout créancier, même s'il n'a pas participé au vote, par exemple parce qu'il n'a pas déclaré sa créance, peut, au titre de la protection des minorités , demander au tribunal de ne pas homologuer le plan, au motif que celui-ci le défavorise. De même, tout créancier peut déposer un recours contre la décision d'homologation du tribunal.


L'exécution du plan

Une fois homologué par le tribunal, le plan s'impose, pour autant que la décision d'homologation ne soit pas contestée. La procédure d'insolvabilité est close et le débiteur peut disposer librement de ses biens.

Le plan peut toutefois prévoir que son exécution sera contrôlée par l'administrateur judiciaire pendant une période d'au plus trois ans .

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En pratique, les nouvelles possibilités que constituent l'administration directe par le débiteur et l'élaboration d'un plan de résorption de l'instabilité sont peu utilisées . L'administration directe suscite beaucoup de réserves de la part des tribunaux. Quant à l'élaboration d'un plan, elle obéit à des règles complexes, ce qui exclut de facto les petites et moyennes entreprises.

De plus, la procédure prévue par la loi protège tellement les minorités qu'elle facilite la multiplication des recours.

* (2) L'administrateur provisoire s'assure que les actifs permettent de couvrir les frais de la procédure. Si ce n'est pas le cas, le tribunal clôt celle-ci pour insuffisance d'actifs.

* (3) Lorsque le tribunal refuse la requête de gestion directe présentée par le débiteur, l'assemblée des créanciers peut, lors de sa première réunion, s'opposer à cette décision et demander au tribunal qu'il accorde ce droit au débiteur. Cette hypothèse paraît toutefois peu probable.

* (4) La vente de l'entreprise (ou d'un de ses établissements) constitue l'une des modalités de réalisation. Dans certaines conditions, elle requiert l'accord des créanciers.

* (5) L'institution du comité des créanciers, facultative, est décidée par l'assemblée des créanciers. Ce comité, qui doit réunir des délégués des créanciers prioritaires, des titulaires des créances les plus importantes, des petits créanciers et des salariés lorsque les créances de ces derniers représentent un certain volume, assiste et surveille l'administrateur judiciaire.

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