SERVICE DES ETUDES JURIDIQUES (Février 2005)

AUTRICHE

La loi du 30 décembre 1996 relative à la protection contre la violence au sein de la famille , entrée en vigueur le 1 er mai 1997 et amendée à plusieurs reprises depuis lors, a modifié le code civil, le code de procédure civile, ainsi que la loi sur la police.

Elle permet à la justice civile d'édicter au bénéfice de la victime des ordonnances de protection qui peuvent en particulier prévoir la jouissance exclusive du logement familial, donne à la police la possibilité d'expulser l'auteur des violences conjugales de ce logement en attendant la décision du juge et organise la coopération entre la police, la justice et les structures locales d'assistance aux femmes.

Les associations de défense des femmes réclament un durcissement de la législation sur les armes.

1) La qualification pénale des violences conjugales

Les violences conjugales ne font pas l'objet de dispositions pénales spécifiques . Elles sont généralement qualifiées de coups et blessures.

2) Le déclenchement de la procédure pénale

Les infractions violentes, même lorsqu'elles ne provoquent que des blessures légères, peuvent être poursuivies d'office, sans que la victime ait déposé une plainte.

De plus, lorsque la victime fait usage de la protection que la loi sur la police lui offre et que les forces de l'ordre constatent l'existence d'une infraction, ces dernières ont l'obligation de dénoncer l'infraction en question au parquet.

3) Les mesures d'éloignement

a) Les mesures judiciaires

La loi de 1996 relative à la protection contre la violence au sein de la famille a modifié le code de procédure civile pour permettre aux victimes de violences physiques de demander aux tribunaux d'adopter des ordonnances de protection .

Lorsqu'une personne est victime, de la part d'un proche - la liste des proches inclut notamment l'époux, le concubin et le compagnon -, de violences physiques ou d'agressions psychologiques telles que la poursuite de la cohabitation ne paraît pas raisonnable, elle peut demander au tribunal d'ordonner à l'agresseur :

- de quitter le domicile familial et de ne pas y revenir ;

- de ne pas se rendre dans certains lieux, comme son lieu de travail ou l'école fréquentée par les enfants ;

- de s'abstenir de toute rencontre et de toute tentative d'entrer en contact avec elle.

L'ordonnance relative à l'occupation du domicile familial visant à satisfaire le besoin de logement de la victime, elle est applicable même si l'agresseur est propriétaire du domicile familial.

Les ordonnances de protection peuvent être également demandées en cas de simples menaces de violences.

Si la requête de la victime fait suite à une mesure policière d'interdiction du domicile, le tribunal doit informer les forces de l'ordre de sa décision.

Lorsque la victime a déjà été agressée et qu'une nouvelle menace pèse sur elle de façon imminente, ces ordonnances peuvent être prises sans que l'auteur des violences soit entendu par le tribunal. C'est par exemple le cas lorsque l'agresseur a fait l'objet d'une mesure policière d'expulsion auparavant.

L'exécution de ces ordonnances de protection est immédiate. Elle incombe à l'huissier, mais le tribunal peut faire appel aux forces de l'ordre dans les cas les plus graves. L'auteur des violences doit remettre les clés du domicile qu'il quitte.

La durée de validité de telles ordonnances ne peut pas dépasser trois mois , mais elle peut être prolongée lorsqu'une procédure de séparation est en cours. Dans ce cas, les interdictions judiciaires s'appliquent jusqu'à la fin de la procédure en question.

b) Les mesures policières

Les forces de l'ordre peuvent intervenir indépendamment de toute décision de justice . La loi de 1996 a en effet modifié la loi sur la police : elle y a inséré l'article 38a, qui permet aux forces de l'ordre (2 ( * )) d'expulser l'auteur de violences physiques du domicile de la victime et de lui interdire d'y revenir pendant plusieurs jours . La victime peut ainsi bénéficier d'une mesure de protection très rapidement, avant même que le juge n'ait été saisi.

Cette disposition est applicable en cas de risque pour la vie, la santé ou la liberté de la victime. De simples indices de menaces peuvent donc justifier le recours à la police. L'interdiction concerne non seulement le domicile de la victime, mais aussi les abords immédiats. L'espace visé, défini en fonction des besoins, doit être explicitement indiqué à l'agresseur. Les mesures prises par les forces de l'ordre dans le cadre de l'article 38a de la loi sur la police font l'objet d'un contrôle interne dans les quarante-huit heures. En pratique, moins de 5 % des interdictions sont levées à la suite de ce contrôle.

La police ne peut pas utiliser la force pour faire respecter ces interdictions, mais elle peut confisquer toutes les clés du domicile possédées par l'auteur des violences. La police exige de l'agresseur qu'il fournisse une adresse, afin que le tribunal puisse le joindre si une procédure civile est entamée.

Dans les trois jours, elle vérifie que l'intéressé respecte les interdictions qui lui sont faites. Si ce n'est pas le cas, il est passible d'une amende de 360 € et peut être écroué en cas de récidive. Les interdictions édictées par la police sont valables pendant dix jours , à moins que la victime ne demande au juge civil une ordonnance de protection avant l'expiration de ce délai. Dans ce cas, la durée de validité est automatiquement prolongée de dix jours. En pratique, dans environ un tiers des cas, la victime saisit la juridiction civile.

Lorsqu'il est fait application de l'article 38a de la loi sur la police, les forces de l'ordre ont le devoir d'informer la victime des possibilités que le code de procédure civile lui offre et de l'existence de structures d'assistance. Elles ont également l'obligation de communiquer au tribunal leurs procès-verbaux d'intervention.

Les dispositions de l'article 38a de la loi sur la police sont de plus en plus utilisées, comme en témoigne le tableau suivant :

Année

Recours à l'article 38a de la loi
sur la police

1997

1 450

1998

2 673

1999

3 076

2000

3 354

2001

3 283

2002

3 943

2003

4 179

Dans plus de 90 % des cas, c'est une femme qui recourt à cette disposition et l'interdiction est respectée par l'auteur des violences dans 85 à 90 % des cas.

4) Les autres dispositions

La loi de 1996 a institué des « bureaux d'intervention », qui fournissent une assistance juridique gratuite aux victimes. Il en existe un dans chaque Land . Ces organismes sont cofinancés par le ministère chargé des questions familiales (3 ( * )) et par celui de l'intérieur.

Lorsque la police expulse une personne pour violences, elle a l'obligation de prévenir le bureau local, qui peut alors entrer en contact avec la victime , sans que celle-ci ait besoin d'agir. Le bureau d'intervention doit non seulement assister la victime dans les démarches judiciaires qu'elle entreprend alors, mais il doit aussi s'efforcer d'accompagner l'intéressée aussi longtemps qu'elle en ressent le besoin.

En pratique, le manque de crédits empêche ces structures de fonctionner conformément aux prescriptions législatives. Ainsi, dans son rapport d'activité pour l'année 2003, le bureau de Vienne relève que, ne disposant que de 6,5 postes, il ne peut pas assurer le traitement correct des problèmes et que la plupart des victimes bénéficient d'une seule consultation.

Les bureaux d'intervention participent aussi à la sensibilisation des forces de l'ordre aux questions de violences conjugales et aux programmes de rééducation des auteurs de violences.

De façon plus générale, ils jouent le rôle de plaques tournantes et doivent notamment présenter au Conseil pour la prévention de la violence, mis en place au sein du ministère de l'intérieur en 1997 pour contrôler et évaluer la politique mise en oeuvre, des propositions pour améliorer la coopération entre les différentes parties prenantes, publiques ou privées.

* (2) Police ou gendarmerie.

* (3) La loi de 1996 mentionnait le ministère pour les droits des femmes, mais celui-ci a été supprimé en 2000.

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