Service des études juridiques (janvier 2008)

NOTE DE SYNTHÈSE

En France, la loi n° 94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain interdit explicitement la gestation pour autrui.

En introduisant dans le code civil l'article 16-7 , selon lequel « toute convention portant sur la gestation pour le compte d'autrui est nulle », cette loi a confirmé la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation. Elle a par ailleurs ajouté au code pénal l'article 227-12 , qui sanctionne d'une peine de six mois d'emprisonnement et de 7 500 € d'amende « le fait de s'entremettre entre une personne ou un couple désireux d'accueillir un enfant et une femme acceptant de porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre ».

Pour contourner cette interdiction, certains couples se rendent dans les pays étrangers où la gestation pour autrui est autorisée. Cependant, à leur retour, ils rencontrent parfois des difficultés pour obtenir la transcription sur les registres français de l'état civil des actes de naissance rédigés à l'étranger et donc pour faire reconnaître la filiation des enfants nés de la gestation pour autrui.

Ainsi, la presse s'est récemment fait l'écho d'une affaire qui opposait, d'une part, un couple français ayant eu recours en 2000, conformément au droit de l'État de Californie, aux services d'une mère porteuse et, d'autre part, le ministère public. La mère porteuse avait mis au monde deux enfants issus d'une fécondation in vitro réalisée avec les gamètes du couple commanditaire, et la Cour suprême de Californie avait définitivement conféré aux deux Français la qualité de mère et père de ces enfants. Le ministère public arguait de l'atteinte à l'ordre public pour demander l'annulation de la transcription sur les registres français de l'état civil des actes de naissance des enfants. La validité de ces actes - conformes au jugement de la Cour suprême de Californie - n'était pas contestée. Dans son arrêt du 25 octobre 2007, la cour d'appel de Paris a confirmé le jugement rendu en première instance en déclarant que la demande du ministère public était irrecevable et a indiqué « qu'au demeurant, la non-transcription des actes de naissance aurait des conséquences contraires à l'intérêt supérieur des enfants qui, au regard du droit français, se verraient privés d'acte civil indiquant leur lien de filiation, y compris à l'égard de leur père biologique ».

Dans cet arrêt, qui fait actuellement l'objet d'un pourvoi en cassation, la cour d'appel de Paris ne s'est véritablement prononcée ni sur la gestation pour autrui, ni sur le lien de filiation des enfants ainsi nés. Toutefois, cette décision a fait ressurgir le débat autour de la gestation pour autrui, alors que la révision des lois de bioéthique est prévue pour 2009.

L'arrêt de la cour d'appel de Paris conduit ainsi à s'interroger sur la pratique de la gestation pour autrui à l'étranger, non seulement en Europe, mais aussi en Amérique du Nord. Dans cette perspective, les dix pays suivants ont été retenus : l'Allemagne, la Belgique, le Danemark, l'Espagne, l'Italie, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Suisse, le Canada et les États-Unis.

Pour chacun d'eux, les règles juridiques relatives à la gestation pour autrui, qu'elles soient législatives, réglementaires ou jurisprudentielles, ont été analysées. Ensuite, un bref état de la pratique et, le cas échéant, du débat en cours dans la société a été dressé. Le cas particulier des couples homosexuels n'a pas été pris en compte, car il pose non seulement le problème de la gestation pour autrui, mais aussi celui de l'homoparentalité.

Dans la suite du texte, l'adjectif « commanditaire » est utilisé pour qualifier les personnes qui recourent aux services d'une mère porteuse.

L'examen de la situation à l'étranger montre que :

- comme la France, l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie et la Suisse prohibent la gestation pour autrui ;

- en Belgique et au Danemark, la gestation pour autrui n'est pas interdite ;

- aux Pays-Bas, la gestation pour autrui est admise par le droit médical dans des conditions très strictes, mais n'est pas reconnue par le droit civil ;

- au Royaume-Uni, la loi prévoit la gestation pour autrui pratiquée à titre gratuit et le droit de la filiation a été aménagé en conséquence ;

- au Canada, les règles varient d'une province à l'autre et aux États-Unis d'un État à l'autre.

1) La gestation pour autrui est prohibée en Allemagne, en Espagne, en Italie et en Suisse

En Suisse, la constitution fédérale, qui comprend un article relatif à la procréation médicalement assistée, condamne « toutes les formes de maternité de substitution ». Cette interdiction est développée par la loi fédérale sur la procréation médicalement assistée. De même, en Espagne et en Italie, c'est la loi sur la procréation médicalement assistée qui interdit la gestation pour autrui. En revanche, en Allemagne, qui n'a pas encore adopté de loi générale sur la reproduction médicalement assistée, cette interdiction figure dans la loi sur la protection de l'embryon ainsi que dans la loi sur la médiation en matière d'adoption.

Dans aucun de ces quatre pays, l'interdiction de la gestation pour autrui ne suscite de réels débats . Encore convient-il de préciser que trois de ces quatre pays, l'Allemagne, l'Italie et la Suisse, ont adopté une législation restrictive sur la procréation médicalement assistée. Par conséquent, c'est plutôt l'interdiction générale du don de gamètes en Italie et l'interdiction du don d'ovules en Allemagne ainsi qu'en Suisse qui est en cause.

2) En Belgique et au Danemark, la gestation pour autrui n'est pas interdite

En Belgique, la gestation pour autrui n'est mentionnée par aucun texte. Elle se pratique en dehors de tout cadre juridique explicite .

Au Danemark , où la gestation pour autrui est évoquée par plusieurs lois, les règles sont rédigées de façon, d'une part, à empêcher sa réalisation à titre onéreux et, d'autre part, à ne pas la favoriser , mais elles n'empêchent pas qu'une personne qui souhaite devenir parent et qui ne le peut pas recoure à une femme de son entourage, celle-ci pouvant même bénéficier d'une insémination artificielle dans certains établissements.

Dans ces deux pays cependant, le droit civil gêne le développement de la gestation pour autrui , car le changement de filiation requiert une adoption. Pour cette raison, il est admis que le législateur belge doit se prononcer sur la filiation des enfants nés d'une gestation pour autrui. Du reste, en 2004, le Comité consultatif de bioéthique de Belgique avait suggéré l'adoption de diverses mesures législatives encadrant la gestation pour autrui, parmi lesquelles l'introduction d'une déclaration de pré-adoption.

3) Aux Pays-Bas, la gestation pour autrui est admise par le droit médical dans des conditions restrictives, mais n'est pas reconnue par le droit civil

Comme en Belgique et au Danemark, aux Pays-Bas, une personne qui souhaite devenir parent peut demander à une femme de son entourage de mener à bien une grossesse pour son compte, car le code pénal ne punit que les conventions de gestation pour autrui conclues à titre onéreux.

Par ailleurs, le droit médical néerlandais reconnaît la gestation pour autrui . En effet, si celle-ci ne fait l'objet d'aucun texte spécifique, le règlement de 1998 relatif aux établissements qui pratiquent la fécondation in vitro détermine explicitement les conditions dans lesquelles cet acte médical peut être réalisé en liaison avec une gestation pour autrui. Il faut en particulier que la gestation pour autrui constitue la seule possibilité pour une femme de devenir mère. De plus, l'opération doit être réalisée conformément aux directives , extrêmement détaillées, de l'Association néerlandaise d'obstétrique et de gynécologie . Outre ces directives, le seul établissement qui réalise actuellement de telles opérations applique son propre protocole, qui prévoit des conditions supplémentaires. Même si le droit civil ignore la gestation pour autrui, la procédure d'adoption a été assouplie pour les enfants ainsi nés, la mère porteuse pouvant toutefois décider de garder l'enfant qu'elle a mis au monde.

4) Au Royaume-Uni, la loi prévoit la gestation pour autrui à titre gratuit et le droit de la filiation a été aménagé en conséquence

La loi de 1985 relative à la maternité de substitution autorise la gestation pour autrui, mais de façon indirecte . En effet, elle dispose que les conventions de gestation pour autrui ne sont pas exécutoires . Par ailleurs, elle interdit aux intermédiaires de recevoir une quelconque rémunération ainsi que de faire de la publicité. Les agences qui se sont spécialisées dans la mise en relation des parents commanditaires et des mères de substitution ne peuvent donc pas avoir de but lucratif.

En outre, la loi de 1990 sur l'assistance médicale à la procréation comporte un article sur l'état civil des enfants issus d'une gestation pour autrui et nés grâce à l'assistance médicale à la procréation . Pour éviter aux parents commanditaires d'avoir à adopter l'enfant, cette loi leur permet de demander au tribunal une décision les reconnaissant comme parents. Il faut pour cela que certaines conditions soient remplies, en particulier que le couple soit marié et que l'enfant soit génétiquement issu d'au moins un des deux membres du couple. La requête est introduite après la naissance et la mère porteuse ne peut pas donner son consentement dans les six premières semaines qui suivent la naissance. En cas d'accord de la mère porteuse, un nouvel acte de naissance est établi.

Le Parlement examine actuellement un projet de loi relatif à la révision de la loi de 1990 sur l'assistance médicale à la procréation . Ce texte prévoit notamment d' assouplir les dispositions applicables à la gestation pour autrui : les agences spécialisées pourraient désormais, tout en conservant leur vocation d'établissement non lucratif, recevoir de l'argent en contrepartie de certaines prestations et faire de la publicité.

5) Au Canada, les règles varient d'une province à l'autre et aux États-Unis d'un État à l'autre

En effet, la loi fédérale canadienne sur la procréation assistée interdit la gestation pour autrui à titre onéreux ainsi que toute activité d'intermédiaire . En revanche, elle ne se prononce ni sur la validité des contrats de gestation pour autrui, ni sur la filiation , car ces deux questions relèvent de la compétence des provinces et territoires.

Si le code civil québécois condamne les conventions de gestation pour autrui, la situation juridique est plus incertaine dans les provinces anglophones. Le droit civil y a parfois été adapté pour permettre au juge d'attribuer la filiation aux parents commanditaires, mais la plupart des lois provinciales protègent la mère porteuse.

Aux États-Unis , il n'existe aucune législation fédérale sur ce sujet et les États acceptant la gestation pour autrui constituent une minorité . La Californie en fait partie : la jurisprudence de cet État attribue en effet la filiation maternelle à la mère génétique même si elle n'a pas porté l'enfant. De plus, elle permet aux parents commanditaires d'obtenir avant la naissance une décision judiciaire leur attribuant la filiation lorsqu'ils ont un lien générique avec l'enfant. Dans les autres États, la situation juridique est souvent incertaine parce que la législation est fragmentaire et que la jurisprudence n'est pas confirmée.

* *

*

L'examen des dispositions juridiques et des pratiques étrangères fait apparaître, outre la grande diversité des approches, la circonspection des pays européens à l'égard de la gestation pour autrui.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page