Service des études juridiques (mars 2009)

PORTUGAL

Le nouveau code de procédure pénale, entré en vigueur le 1 er juin 1987 ( 5 ( * ) ) , a transféré au ministère public la conduite de la phase préparatoire au jugement , qu'il qualifie d'« enquête » et qu'il définit comme l'ensemble des actes réalisés pour enquêter sur l'existence d'une infraction, pour déterminer les auteurs de celle-ci ainsi que leurs responsabilités et pour rassembler les preuves, le tout afin de prendre ou non une décision de mise en accusation.

Le juge d'instruction a cependant conservé certaines attributions pendant cette phase de la procédure : il autorise, prescrit et réalise les actes qui portent atteinte aux droits fondamentaux .

À la demande de la personne mise examen ou de la victime, la phase d'enquête peut être suivie d'une instruction judiciaire , à l'issue de laquelle l'ordonnance de mise en accusation ou de non-lieu prise par le ministère public peut être infirmée.

1) Les acteurs de l'instruction

L'article 32 de la Constitution , consacré aux garanties du procès pénal, énonce : « Toute l'instruction relève de la compétence d'un juge, qui peut, conformément à la loi, déléguer à d'autres autorités la réalisation des actes de l'instruction qui ne portent pas directement sur les droits fondamentaux ».

Par conséquent, si le code de procédure pénale confie la direction de l'enquête au ministère public , il n'en réserve pas moins certaines compétences au juge d'instruction. Certains actes ne peuvent réalisés que par le juge d'instruction tandis que d'autres requièrent son autorisation.

Ainsi, le premier interrogatoire d'un suspect doit être pratiqué par le juge d'instruction , qui dispose par ailleurs d'une compétence exclusive pour autoriser, prescrire ou appliquer, à la demande du ministère public (ou de la police judiciaire en cas d'urgence) les mesures restrictives de liberté : détention provisoire, contrôle judiciaire, perquisitions, interception et enregistrement de la correspondance, etc.

Pendant l'enquête, le ministère public est assisté des différents corps de police : la police judiciaire, spécialisée dans les enquêtes pénales les plus importantes et placée directement sous les ordres du ministre de la justice, ainsi que la police nationale et la gendarmerie. La police opère alors selon « l'orientation directe » donnée par le ministère public et dans un cadre de « dépendance fonctionnelle ».

Le ministère public peut déléguer à la police la plupart de ses attributions. Les principales exceptions à cette règle sont l'audition des témoins assermentés, la prescription des expertises et la présence à des examens intimes.

2) Le statut du ministère public

Depuis 1992, la Constitution garantit au ministère public un statut d'autonomie , qui est défini par une loi spécifique.

Le ministère public est organisé de manière hiérarchique . Il est dirigé par le procureur général , qui est nommé par le président de la République sur proposition du gouvernement pour une durée de six ans et qui peut être révoqué selon la même procédure.

Les autres membres du parquet sont nommés par le Conseil supérieur du ministère public , organe chargé de la discipline ainsi que de la gestion des carrières des procureurs et où ces derniers sont majoritaires.

Le Conseil supérieur du ministère public, présidé par le procureur général de la République, réunit par ailleurs les procureurs généraux des quatre districts judiciaires que compte le pays, deux personnalités nommées par le ministère de la justice et douze membres élus : un procureur général adjoint, deux procureurs et quatre procureurs-adjoints, tous élus par leurs pairs, ainsi que cinq personnes élues par le Parlement.

Le ministère public ne peut pas recevoir d'instructions ni du pouvoir exécutif ni du pouvoir judiciaire . En revanche, ses différents membres doivent appliquer les directives que leurs supérieurs hiérarchiques leur donnent.

Le ministère public est lié par le principe de légalité , solennellement affirmé par la Constitution.

3) L'indépendance de l'organe d'instruction

Le ministère public recourt à tous les moyens qu'il estime nécessaires pour décider s'il convient ou non de prononcer une mise en accusation. Cependant, outre que les actes d'information qui portent atteinte aux droits fondamentaux relèvent de la compétence du juge d'instruction , le code de procédure pénale limite la durée de l'enquête et prévoit des contrôles.

Le code de procédure pénale limite la durée de l'enquête à huit mois, voire à six lorsque des mesures restrictives de liberté ont été imposées. Le délai de six mois peut toutefois être porté à huit, dix ou douze selon la nature de l'infraction (terrorisme, criminalité organisée, etc.) ou la complexité de l'affaire (grand nombre de suspects par exemple).

À l'issue de l'enquête, le ministère public prend une ordonnance de non-lieu ou de mise en accusation. Le code de procédure pénale a prévu divers contrôles sur l'enquête du ministère public : un contrôle hiérarchique interne et un contrôle judiciaire, à travers la procédure de l'instruction.


• Le contrôle interne

Dans les vingt jours qui suivent l'ordonnance du procureur, le supérieur hiérarchique immédiat de ce dernier peut, d'office ou à la demande de la victime ou de l'un des dénonciateurs, décider qu'il y a lieu de mettre en accusation ou de continuer l'enquête. Dans ce cas, il indique quels actes doivent être réalisés et dans quels délais ils doivent l'être.

Une fois ce délai épuisé, la réouverture de l'enquête est subordonnée à l'existence de nouveaux éléments.


• Le contrôle judiciaire

À titre de contrôle, une instruction judiciaire contradictoire peut avoir lieu, à la demande de la personne mise en examen si le ministère public a opté pour la mise en accusation ou de la victime dans le cas contraire (6 ( * )) . D'après le code de procédure pénale, l'instruction a pour but « le contrôle judiciaire de la décision de mettre en accusation ou de classer l'affaire ».

L'instruction judiciaire peut être demandée dans le délai de 20 jours. Elle se compose de deux parties : la première, facultative, consiste en une instruction stricto sensu conduite par un juge d'instruction assisté par la police tandis que la seconde, obligatoire, est un débat contradictoire.

Pendant la première partie de l'instruction, le juge procède à tous les actes qu'il estime nécessaires à la vérification des indices de culpabilité. En cas de besoin, il peut refaire ce qui a été réalisé pendant l'enquête du ministère public. Le code de procédure pénale limite la durée de l'instruction à quatre mois, et à deux lorsque la personne mise en examen a fait l'objet de mesures restreignant sa liberté. Dans ce dernier cas cependant, la durée peut être portée à trois mois si l'infraction poursuivie revêt un caractère particulièrement grave.

L'instruction judiciaire se termine par un débat contradictoire où sont représentés le ministère public, la personne mise en examen et son avocat, ainsi que la victime (7 ( * )) et son avocat. Le débat permet de vérifier que suffisamment d'éléments - de fait et de droit - ont été réunis pour justifier une mise en accusation. Lorsque ce débat est clos, le juge d'instruction prend une ordonnance de mise en accusation ou de non-lieu.

4) La séparation de l'instruction et du jugement

Les organes d'instruction et de jugement sont séparés, mais le dossier d'instruction est utilisé sans restriction pendant le jugement.

L'enquête, menée par le ministère public, constitue la base de l'accusation, et non du jugement . Par conséquent, lorsque la phase préliminaire s'achève sans qu'une instruction judiciaire ait été demandée, le ministère public décide de la mise en accusation, mais c'est le président du tribunal chargé du jugement qui se prononce sur le bien-fondé de la mise en accusation, et donc sur l'ouverture du jugement.

En revanche, lorsqu'une instruction judiciaire a eu lieu, c'est le juge qui a dirigé cette instruction qui prononce la mise en accusation, mais le code de procédure pénale précise explicitement que les juges qui ont participé à cette instruction ne peuvent pas intervenir dans le jugement.

Malgré l'affirmation par la Constitution du caractère accusatoire de la procédure, le code de procédure pénale dispose que la juridiction de jugement peut requérir la production de tous les moyens de preuve qui lui semblent utiles à la manifestation de la vérité. Elle n'est donc pas obligée de se limiter aux seuls moyens de preuve présentés à l'audience par l'accusation et la défense , mais peut utiliser les éléments résultant de l'enquête ou de l'instruction judiciaire.

* (5) Auparavant, la compétence du ministère public en matière d'instruction était limitée aux infractions les moins graves, punissables d'une peine de prison d'au plus trois ans. L'instruction des autres infractions était confiée à un juge.

* (6) Plus précisément, le code de procédure pénale offre cette possibilité à l'« assistant », qui n'est pas nécessairement la victime. Il peut s'agir du représentant légal de celle-ci, du conjoint de la victime décédée, ou de la personne dont la plainte ou la dénonciation est à l'origine de la procédure.

* (7) La victime au sens large. Voir note de bas de page n° 6.

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